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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 100ème jour de séance, 256ème séance

2ème SÉANCE DU JEUDI 27 MAI 1999

PRÉSIDENCE DE M. Yves COCHET

vice-président

          SOMMAIRE :

DROITS DE L'ENFANT (deuxième lecture) 1

LICENCIEMENT DES SALARIÉS DE PLUS DE 50 ANS -nouvelle lecture- (procédure d'examen simplifiée) 6

LIBERTÉ DE COMMUNICATION (suite) 11

    APRÈS L'ART. 26 (suite) 11

    ART. 27 11

    APRÈS L'ART. 27 12

    ART. 28 12

    ART. 16 (précédemment réservé) 13

    APRÈS L'ART. 28 13

    ART. 29 16

    ART. 4 (précédemment réservé) 16

    APRÈS L'ART. 10 (précédemment réservé) 17

    APRÈS L'ART. 29 18

    ART. 30 19

    APRÈS L'ART. 30 19

    ART. 31 19

    APRÈS L'ART .31 20

    APRÈS L'ART. 32 20

    EXPLICATIONS DE VOTE 20

RELATIONS AVEC LES ADMINISTRATIONS 24

La séance est ouverte à quinze heures.

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ERRATUM

au compte rendu analytique de la 2ème séance du mercredi 26 mai 1999

A la 4ème ligne de la page 25, lire :

Les amendements 4, 7 et 16, mis aux voix, sont adoptés.


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SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION ÉTRANGÈRE

M. le Président - Je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation russe, conduite par M. Vladimir Petrovitch Loukine, président de la commission des affaires étrangères de la Douma d'Etat de la Fédération de Russie, et par M. Igor Victorovitch Ivanov, vice-président de la commission du Règlement du Conseil de la Fédération (Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent).


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DROITS DE L'ENFANT (deuxième lecture)

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi visant à inciter au respect des droits de l'enfant dans le monde, notamment lors de l'achat des fournitures scolaires.

M. le Président - Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé d'appliquer à ce texte la procédure d'examen simplifiée.

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à l'enseignement scolaire - Le 16 mai 1998, le cinquième Parlement des enfants adoptait une proposition de loi visant à interdire l'achat de fournitures scolaires provenant de pays où les droits de l'enfant ne sont pas respectés. Ce texte, élaboré par une classe de CM 2 de l'école Jules-Ferry de Sarcelles, a été légèrement modifié par l'Assemblée en première lecture pour tenir compte des engagements internationaux de la France.

Le Sénat l'a complété par un article additionnel, très largement inspiré de l'article 2 de la Charte du jeune citoyen de l'an 2000, qu'avaient adoptée les "sénateurs juniors" le 28 mars 1998. J'ai obtenu que sa rédaction soit ainsi modifiée : "L'exploitation des enfants par le travail doit être fermement combattue et dénoncée par tous les moyens légaux, y compris en refusant de coopérer avec des pays qui ne respectent pas la déclaration des droits de l'enfant". Le texte a pu, ainsi, être adopté à l'unanimité par le Sénat, et je note avec satisfaction que votre commission des affaires culturelles l'a adopté sans modification.

Je me félicite également que le travail des "députés et sénateurs juniors" ait pu prospérer de concert et que cette initiative citoyenne ait abouti à l'adoption effective d'une loi. J'entends naturellement prendre sans tarder une circulaire d'application, afin qu'elle ne reste pas lettre morte mais contribue au contraire, avec la loi du 18 décembre 1998, à une prise en compte plus concrète et plus diversifiée des droits de l'enfant dans le monde (Applaudissements bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Raymonde Le Texier, rapporteur de la commission des affaires culturelles - Le 19 novembre, nous avons adopté en première lecture les conclusions de votre commission sur le texte élaboré à l'occasion du cinquième Parlement des enfants, et inscrit, conformément à une tradition désormais bien établie, à l'ordre du jour de l'Assemblée. La commission avait toutefois dû réécrire le texte en profondeur, afin de le rendre conforme aux engagements internationaux et communautaires de la France.

La proposition adoptée par l'Assemblée comportait trois articles, de portée essentiellement incitative : le premier demandait aux collectivités et établissements publics de ne pas acheter de fournitures scolaires fabriquées par des enfants ; le second adressait la même recommandation aux élèves et à leurs familles ; le troisième tendait à créer, dans le cadre des cours d'instruction civique, un enseignement spécifique sur les droits de l'enfant. En dépit des critiques des groupes de l'opposition, qui s'étaient abstenus sur ce dispositif qu'ils jugeaient "illusoire", le Sénat l'a adopté à l'unanimité le 9 mars dernier, tout en le complétant par un article additionnel reprenant l'article 2 de la Charte du jeune citoyen de l'an 2000, ainsi que vient de l'exposer Mme la Ministre déléguée. Cette affirmation de principe n'apporte rien au texte que nous avions nous-mêmes voté, mais votre commission vous propose de l'adopter néanmoins, afin de reconnaître la contribution des "sénateurs juniors" et de hâter l'entrée en vigueur de la loi.

Ces douze derniers mois, les initiatives de sensibilisation de l'opinion à la scandaleuse exploitation des enfants se sont multipliées : arrivée à Paris de la Marche mondiale contre le travail des enfants le 26 mai 1998 ; adoption en novembre par l'Assemblée du texte élaboré par les élèves de l'école Jules-Ferry de Sarcelles ; colloque sur le "commerce éthique" organisé la semaine passée par le centre régional de la consommation du Nord-Pas-de-Calais et l'association "Ethique sur l'étiquette" ; autre colloque, organisé cette fois à Bercy le 15 juin prochain par le secrétariat d'Etat au commerce extérieur, sur les droits de l'homme et de l'enfant face à la mondialisation, en présence de Martine Aubry et de Dominique Strauss-Kahn.

Cette loi contribuera à protéger les 50 millions d'enfants de 5 à 14 ans qui sont victimes de l'esclavage, de la servitude et du travail forcé dans le monde. Nous sommes à quelques jours de la conférence internationale du travail qui doit élaborer une nouvelle convention de protection des enfants dont les dispositions permettront l'élimination effective des pires formes d'exploitation. Il s'agira aussi de tout mettre en oeuvre pour réinsérer les enfants victimes du travail forcé. Si nous voulons avancer, il faut que les initiatives se multiplient.

A quelques jours du prochain Parlement des enfants, une proposition de loi va, pour la troisième fois, traduire les intentions des enfants de France. Celle-ci constitue un message fort et je vous demande de l'adopter avec enthousiasme (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Jean-Antoine Leonetti - Je salue, au nom du groupe UDF, le travail accompli par le Parlement des enfants et la générosité de son message.

Selon le dernier rapport du BIT, près de 250 millions d'enfants âgés de 5 à 14 ans et vivant dans les pays en développement font un travail pouvant être considéré comme une exploitation, qu'il s'agisse de fabriques de tapis, d'allumettes ou d'explosifs... sans parler de la prostitution. Mais ce fléau touche également les pays occidentaux. Pourtant, plusieurs engagements internationaux prohibent ou limitent le travail des enfants, c'est le cas de la Convention internationale des droits de l'enfant et de la Convention de l'OIT de 1973 sur l'âge minimum d'admission à un emploi fixe, convention que malheureusement 62 pays seulement ont signée.

La présente proposition de loi apporte à ce douloureux et vaste problème une réponse qui me paraît incomplète et peu normative. On en reste en effet aux déclarations de principes. L'article ajouté par le Sénat ne change rien à ce constat.

L'article premier est difficilement conciliable avec les engagements internationaux de la France. Le droit communautaire des marchés publics est en effet fondé sur la libre circulation des marchandises et la non-discrimination. Ces mêmes engagements internationaux ne permettent pas d'instaurer des barrières non tarifaires, notamment de nationalité.

D'ailleurs, le président de la commission des affaires sociales avait indiqué, lors de la discussion en première lecture, que ce texte avait essentiellement une valeur incitative.

La même remarque vaut pour l'article 2. Quant à l'article 3, il répond certes à la nécessité d'alerter les élèves de l'horreur que représente l'exploitation des enfants dans le monde, mais il reste très général et incomplet.

Sur le grave sujet du travail des enfants, nous devons éviter une approche simpliste. Songeons par exemple que le boycott des produits fabriqués grâce au travail des enfants peut pousser les enfants vers des activités encore plus sordides, telle la prostitution. Beaucoup d'ONG militent donc pour l'amélioration des protections qui entourent l'enfant plutôt que pour une interdiction pure et simple du travail des enfants.

Au total, on peut s'interroger sur la valeur éducative d'une loi qui n'est pas totalement applicable. N'est-ce pas enseigner à nos enfants que la loi ne s'applique pas ? Ou leur laisser croire qu'il suffit de dénoncer l'injustice pour qu'elle cesse ? Ces interrogations nous avaient amenés à nous abstenir en première lecture. Mais comme nous adhérons pleinement aux principes défendus dans ce texte, notre vote sera cette fois-ci positif. Rappelons-nous toutefois que mille bonnes intentions prodiguées par des enfants à d'autres à des milliers de kilomètres ne valent pas une bonne action concrète soulageant la misère d'un enfant dans notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

Mme Muguette Jacquaint - Considérant que l'enfant est le bien le plus précieux d'une société et que celle-ci a des devoirs envers lui, nous nous félicitons que les 577 enfants réunis le 16 mai 1998 aient retenu une proposition de loi visant au respect des droits de l'enfant dans le monde lors de l'achat des fournitures scolaires.

De fait, le sort réservé à une grande partie des 2 milliards d'enfants que compte l'humanité atteint les limites du supportable et le décalage entre les possibilités nouvelles offertes par le développement des sciences et des techniques et ce qu'ils vivent ne cesse de se creuser.

Enfants de la misère, affamés ou mal nourris, mal logés, mal soignés, enfants de la guerre, enfants de la discrimination raciale, enfants de l'ignorance privés d'éducation, enfants objets de tous les trafics et de tous les abus, contraints au travail, au silence, enfants méprisés par la société, conduits à l'échec et parfois à la désespérance, ils sont des millions à subir quotidiennement l'injustifiable. Vivant dans les pays du tiers monde, aussi bien que dans les pays industrialisés, ils sont victimes de la loi du profit aussi bien que des archaïsmes.

Mme Bellamy, directeur général de l'UNICEF, évalue à 250 millions le nombre d'enfants entre cinq et quatorze ans qui font un travail pouvant être considéré comme de l'exploitation. Ces enfants s'abîment la vue à tisser des tapis d'Orient, enrouler des cassettes à Hong-Kong, coudre des ballons de football, eux qui n'auront jamais le droit de "taper" dedans, pour s'amuser. Ils peuvent servir aussi de jockeys kamikazes dans des courses de chameaux pour distraire de riches émirs au Pakistan, vendre des journaux, du cirage, des cigarettes à Naples, Londres ou New- ork. Et quand la volonté d'accroître le rendement pousse à l'utilisation de substances chimiques dangereuses, comme c'est le cas dans les industries du cuir, l'orfèvrerie ou l'agriculture, les enfants sont souvent en première ligne, comme ils le sont aussi dans les mines de Bolivie, les plantations du Brésil ou les rues du Sénégal.

Tous ont un point commun : ils vivent dans une pauvreté qui entraîne les familles à les mettre au travail à l'âge où ils devraient être à l'école. Ils sont ainsi 141 millions de par le monde à ne pouvoir apprendre à lire ou à écrire. Au travail, les tâches qui leur sont réservées sont toujours répétitives, jamais enrichissantes.

Pourtant, ces enfants ont les mêmes besoins que tous les autres : santé, école, loisirs, liberté et affection.

En France, c'est sous la pression des ouvriers qui commençaient à s'organiser en syndicats que furent adoptées dès 1875 les premières lois limitant les abus. Et en mars 1892, le travail des enfants de moins de 13 ans fut interdit. Aujourd'hui, le code du travail interdit le travail des enfants de moins de 16 ans.

Même si l'on pense en général que le travail des enfants est un problème qui touche surtout les pays en développement, nous devons faire preuve, partout dans le monde, de vigilance car la carte de l'exploitation des enfants n'est pas sans rapport avec celle de la crise qui, partout dans le monde, exerce ses ravages sur les populations les plus fragiles. S'opposer au travail des enfants implique de faire respecter par les Etats qui l'ont ratifiée toutes les dispositions de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant dont nous fêterons cette année le 10ème anniversaire. L'espoir est immense, mais la tâche qui reste à accomplir aussi.

En étant plus juste et fraternels dans chaque pays du monde, en étant plus solidaire entre pays industrialisés et pays en développement, nous pouvons améliorer la vie des enfants de la planète. L'heure est aux actes concrets. Des associations, des élus, des professionnels multiplient projets et initiatives, pour la promotion des droits de l'enfant, pour le respect par la société de son devoir d'offrir à tous une véritable enfance. Je souhaite donc vivement que le Parlement adopte rapidement la proposition de loin instaurant un médiateur des enfants, votée en première lecture le 19 novembre dernier.

Réunis en Parlement, les enfants ont voulu une loi qui interdise l'achat de fournitures scolaires fabriquées par des enfants dans les pays où leurs droits ne sont pas respectés. Quel signe fort de générosité et de solidarité ! Il impose à notre pays de prendre toute sa part dans l'abolition du travail des enfants, par des actions de coopération susceptibles d'apporter l'instruction et la culture.

Parce que nous trouvons dans les mesures proposées un écho à nos aspirations et à nos inquiétudes, nous voterons sans réserve cette proposition de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Martine Aurillac - Nous voici à nouveau saisis de cette proposition issue du Parlement des enfants. Nous nous étions abstenus en première lecture, au nom du respect de la parole donnée aux enfants. Nos observations ne portaient évidemment pas sur l'opportunité du texte : sur ce point nous étions unanimes, comme l'ont été ensuite les sénateurs. Mais le dispositif technique ne prend en compte aucun des engagements internationaux de la France, ni le principe constitutionnel qui veut que la loi soit normative, et ne se limite pas à énoncer des voeux pieux sans les traduire en règles juridiques.

Fi donc de l'OMC, du droit communautaire, et même des dispositions relativement précises de la convention de New York du 20 novembre 1989 sur les droits de l'enfant. Place à un texte symbolique qui sera, paraît-il, explicité par une circulaire d'application. Il se compose de trois parties, que le Sénat a fait précéder d'un article rappelant que l'exploitation des enfants par le travail doit être fermement combattue et dénoncée par tous moyens légaux, y compris en refusant de coopérer avec des pays qui ne respectent pas la déclaration des droits de l'enfant. Suivent un article invitant les collectivités publiques et les établissements à veiller à ce que la fabrication des produits achetés n'ait pas utilisé une main-d'oeuvre enfantine, puis un autre organisant l'information des enfants scolarisés sur la nécessité d'éviter l'achat de produits fabriqués par des enfants. Enfin, le dernier article modifié les programmes d'éducation civique à l'école. Deux de ces articles sont du domaine de la circulaire, les deux autres ne seront applicables que si le code des douanes européen et les accords de Marrakech sont modifiés.

Ce que je dis est très concret, et j'en donnerai un exemple. Une partie des bananes vendues en Europe sont produites par une main-d'oeuvre latino-américaine scandaleusement exploitée, et comprenant des enfants. L'Europe vient d'être condamnée par l'OMC à accepter ces produits. Comment empêcher les cantines scolaires d'en acheter ? Qu'en penseront d'ailleurs les ministres des finances et du commerce extérieur ?

La proposition adoptée par l'Assemblée en première lecture, puis votée à l'unanimité par le Sénat est un message symbolique grave et généreux. Elle risque, hélas, d'en rester là. Nous continuerons à le regretter. Nous n'allons pas pour autant bouder la si sympathique initiative de nos jeunes collègues d'un jour. Nous ne nous y opposerons donc pas (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme Danielle Bousquet - Le texte de cette proposition résulte du travail de l'Assemblée et du Sénat sur le texte initial proposé le 16 mai 1998 par les députés juniors. Celui-ci comportait trois articles, visant à interdire l'achat de fournitures scolaires provenant de pays où les droits de l'enfant ne sont pas respectés. Notre commission des affaires sociales l'avait récrit pour le rendre conforme aux engagements internationaux et communautaires de la France.

Le texte adopté en première lecture par notre assemblée comportait trois articles, à visée essentiellement incitative, mais sur lesquels il faut rappeler que l'opposition s'était abstenue. Le Sénat a adopté ces articles sans modification et à l'unanimité le 9 mars 1999. Mais il a ajouté un article rappelant que l'exploitation des enfants par le travail doit être combattue par tous les moyens légaux. Bien que cet article n'apporte pas de véritable contribution au débat et relève surtout d'une position de principe, le groupe socialiste propose de l'adopter.

Ainsi pouvons-nous maintenant reprendre à notre compte le message fort de générosité que nous ont envoyé ces élèves, et leur prise de conscience des terribles réalités qu'engendre la pauvreté dans le monde. Ce texte permettra de mobiliser à nouveau l'opinion publique sur le thème du travail des enfants. La plupart des consommateurs français sont déjà prêts à payer plus cher des produits s'ils n'ont pas été fabriqués par des enfants. Le texte leur donnera des arguments supplémentaires pour peser sur les fournisseurs. Il faut rappeler à cet égard l'action exemplaire du collectif "l'éthique sur l'étiquette" qui travaille déjà dans ce sens, auprès de grands groupes de distribution, et qui trouvera grâce à ce texte des forces supplémentaires.

Plus largement, on pourrait créer un label social, qui concernerait particulièrement la main-d'oeuvre enfantine et qui pourrait être décerné aux entreprises de distribution acceptant un contrôle effectif par une autorité indépendante. Cela rejoindrait les voeux du Parlement européen, qui souhaite que le label social devienne obligatoire sur les produits textiles, les chaussures et les tapis, dont on sait combien les enfants participent à leur fabrication. Il faut en effet se garder de tout remède à l'emporte pièce. Nous savons, même si cela peut heurter notre conscience, que le boycott de produits fabriqués grâce à une main-d'oeuvre mineure peut avoir des effets pervers : les licenciements qui en résultent peuvent conduire les enfants à chercher du travail dans des conditions encore pire, voire à se prostituer.

Contribuer à l'abolition progressive du travail des enfants, voilà donc l'objectif de ce texte, qui pourra parfaitement s'intégrer dans la législation existante, en conformité avec le droit international. C'est pourquoi le groupe socialiste le votera. Nous renforcerons ainsi la conscience citoyenne de nos élèves, et participerons à la multiplication des initiatives qui seule permettra de faire évoluer une sinistre situation (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Frank Dhersin - En 1840, Louis-René Villermé dressait un triste tableau du travail des enfants. Il évoquait "cette multitude d'enfants maigres, hâves, couverts de haillons", qui "restent seize à dix-sept heures debout chaque jour". "Ce n'est plus, poursuivait-il, là un travail, une tâche, c'est une torture". Et de s'exclamer : "Comment ces infortunés qui peuvent à peine goûter quelques instants de sommeil, résisteraient-ils à tant de misère et de fatigue ? C'est ce long supplice de tous les jours qui ruine principalement leur santé dans les filatures de coton".

Cette description a permis une prise de conscience et l'adoption de lois sociales visant à limiter, puis interdire, le travail des enfants. Nous devons tous nous féliciter de ce progrès social. Aujourd'hui ce tableau n'est plus d'actualité en France, mais il l'est encore en bien des pays. Ce sont encore 250 millions d'enfants de moins de quatorze ans qui travaillent dans le monde.

Pourtant, sur le plan national et international, le travail des enfants a fait l'objet d'un effort de réglementation. C'est même le souci de protéger les enfants qui a inspiré à l'origine la notion même d'une législation, tant nationale qu'internationale. La nécessité de les protéger contre tout travail à un âge trop jeune et contre des conditions de travail trop pénibles est restée le souci prédominant. Parallèlement, le souci de formation, de développement et d'emploi des jeunes a aussi inspiré certaines mesures.

En France, c'est la protection des enfants qu'ont visée les premières lois du travail. La loi du 22 mars 1841 fixait à huit ans l'âge minimum d'admission aux travaux industriels : que de chemin parcouru depuis ! Sur le plan international, la protection des enfants et des adolescents a été définie comme une tâche essentielle de l'Organisation internationale du travail, dès sa fondation. Dès 1919, elle figurait tant dans le préambule que dans les principes généraux de sa Constitution. Depuis, douze conventions de l'OIT concernent l'âge minimum et le travail forcé. Une nouvelle convention internationale concernant l'interdiction et l'élimination effective des pires formes de travail des enfants devrait être adoptée l'année prochaine. Une enquête du BIT passe en revue les formes d'exploitation et les dangers les plus graves que subissent les enfants : esclavage et travail forcé, prostitution et traite des enfants. Ils travaillent dans l'agriculture, les mines, les fabriques de céramique et verreries, les fabriques d'allumettes et de feux d'artifice, la pêche hauturière, les travaux domestiques et le bâtiment. Il faut agir contre l'intolérable !

La présente proposition de loi est l'oeuvre des élèves de CM2 de l'école Saint-Exupéry de Sarcelles, qui se sont émus devant la misère des autres enfants. Je salue ce sentiment de solidarité et de compassion. C'est leur détermination qui nous réunit aujourd'hui. Je les en remercie.

Ce n'est pas la première fois que le Parlement des enfants conseille le Parlement français. A deux reprises déjà, nous avons adopté des textes issus de ses travaux. Ce sont la loi du 30 décembre 1996 qui préserve les liens entre frères et soeurs en cas d'éclatement de la cellule familiale, et la loi du 14 mai 1998 qui permet à l'enfant orphelin de participer au conseil de famille. Chaque fois, les enfants nous ont montré l'exemple de la solidarité, de la générosité, de la citoyenneté. Puisse la société que nous construisons obéir à ces principes !

L'opinion publique doit être sensibilisée et les volontés politiques mobilisées pour éradiquer ce fléau. Or la cause la plus décisive du travail des enfants est la persistance de la pauvreté dans de nombreux pays. La pauvreté est l'une des menaces les plus graves pour le droit de l'enfant à la survie et au développement ; elle est la cause fondamentale du manque de scolarisation, de la malnutrition et de l'insuffisance de soins médicaux. Elle conduit à utiliser les enfants comme des forçats. C'est pourquoi la lutte contre l'exploitation des enfants et le combat pour les droits de l'enfant font partie de la lutte générale contre la pauvreté. Il faut mettre fin à ce cercle vicieux. Une plus grande sensibilisation de tous devrait permettre une avancée dans ce domaine.

Le groupe Démocratie libérale s'était abstenu en première lecture, non pour des raisons de fond mais au vu des modifications apportées en séance, qui traduisaient une certaine improvisation, le texte initial étant contraire aux engagements internationaux de la France. Aujourd'hui, le texte proposé nous semble acceptable et sérieux. C'est par une formation adaptée dès l'école, par une information sérieuse que nous pourrons lutter ensemble contre ce mal. C'est pourquoi le groupe DL votera ce texte avec émotion et détermination (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

La discussion générale est close.

M. le Président - Le texte dont nous sommes saisis ne faisant l'objet d'aucun amendement, je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi dans le texte du Sénat.

L'ensemble de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Le vote est acquis à l'unanimité.


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LICENCIEMENT DES SALARIÉS DE PLUS DE 50 ANS
-nouvelle lecture- (procédure d'examen simplifiée)

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant que la commission mixte paritaire n'ayant pu parvenir à l'adoption d'un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante ans, le Gouvernement demande à l'Assemblée nationale de procéder, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, à une nouvelle lecture du texte.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion de la nouvelle lecture de cette proposition de loi.

Je rappelle que ce texte fait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle - Le Sénat a rejeté pour la deuxième fois le 11 mai le texte que vous aviez adopté. Pourtant, il est du devoir de la collectivité de tout mettre en oeuvre pour protéger les salariés les plus âgés, population particulièrement touchée par le chômage.

Il faut que les entreprises prennent bien conscience du coût pour la collectivité des licenciements de salariés de plus de 50 ans, afin, le cas échéant, de reconsidérer leur décision. C'est l'objectif de la contribution Delalande, dont le Gouvernement a augmenté le barème pour éviter le contournement des préretraites, qui étaient devenues plus coûteuses que les licenciements secs.

Cette proposition de loi complète le dispositif en supprimant les deux principaux cas d'exonération -convention de conversion et refus de préretraite. La CMP a rapidement conclu à l'impossibilité de parvenir à un texte commun, compte tenu de l'opposition totale de la majorité sénatoriale. L'attitude de celle-ci est d'autant plus paradoxale qu'elle avait voté le texte instituant la contribution Delalande... Il est regrettable qu'elle n'ait même pas cherché à amender cette proposition de loi, malgré les éclaircissements que nous avons apportés au cours de ce débat.

Le Gouvernement se réjouit de l'initiative qui avait été prise par le groupe communiste et de la proposition de la commission de rétablir le texte adopté en première et en deuxième lecture. Il ne doute pas qu'il pourra entrer en vigueur très rapidement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Muguette Jacquaint, suppléant M. Maxime Gremetz, rapporteur de la commission des affaires sociales - Le 10 décembre 1998, l'Assemblée nationale a adopté une proposition de loi déposée par le groupe des élus communistes et apparentés. Ce texte comportait un premier volet, tendant à améliorer la situation des salariés de plus de cinquante ans au regard de la retraite, auquel le Gouvernement a opposé le couperet de l'article 40 avant même l'examen en commission. Le groupe communiste reste persuadé que les propositions qu'il faisait constituent une alternative réaliste à une politique de retraites trop centrée sur l'équilibre comptable, mais seul a été adopté le volet visant à limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante ans.

Par crainte des effets pervers de la suppression de l'autorisation administrative de licenciement, le législateur a dès 1987 assujetti les entreprises licenciant des salariés de plus de cinquante ans au versement de la "contribution Delalande", dont le Gouvernement vient de relever le montant par voie réglementaire. Nombre d'entreprises ont cherché à s'en exonérer et, pour ce faire, ont détourné la convention de conversion et la préretraite FNE.

Les deux premiers articles de la proposition visent donc à étendre la contribution à ces deux dispositifs. L'article 3 en rend l'application effective dès le 1er janvier 1999, afin d'éviter que la période intermédiaire entre le dépôt de la proposition et l'adoption de la loi ne soit mise à profit par des entreprises peu scrupuleuses.

Par deux fois le Sénat a purement et simplement rejeté ce texte. Son intransigeance a pu être à nouveau constatée lors de la réunion de la commission mixte paritaire où il s'est livré à un combat d'arrière-garde sur la date d'entrée en vigueur de la loi. Il considère que les abus ne sont pas avérés et que nous ne chercherions qu'à alourdir les charges des entreprises : c'est faire peu de cas de notre souci de la lutte contre le chômage et de la protection de ceux qui y sont exposés.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Alors qu'un tiers des chômeurs appartient à la catégorie des chômeurs de longue durée, cette proportion passe à deux tiers pour les chômeurs de plus de cinquante ans. Le nombre des entrées des plus de cinquante ans dans les dispositifs de conversion augmente de façon exponentielle, et la convention de conversion est trop souvent un sas vers le chômage. Enfin, certains employeurs concluent une convention d'allocation spéciale de préretraite et font ensuite pression sur leurs salariés pour qu'ils refusent le bénéfice de ce dispositif ; ils échappent ainsi au versement de la contribution Delalande.

Il est certes difficile de quantifier ces détournements, mais il est incontestable qu'ils existent et sont à l'origine de véritables drames. A la différence de la majorité sénatoriale, le groupe communiste ne s'y résigne pas. C'est pourquoi il a déposé ce texte, que le rapporteur, suivi par la commission, propose de maintenir dans les termes adoptés par l'Assemblée nationale en deuxième lecture (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Gérard Terrier - Quelques constats s'imposent. La part des chômeurs de longue durée est deux fois plus élevée chez les plus de 50 ans ; le nombre de ces personnes entrant dans les conventions de conversion, ou dans le dispositif de préretraite FNE, augmente de façon exponentielle ; troisième constat, la durée de la vie active en France est la plus courte d'Europe.

Ce sont des faits incontestables et le rapporteur du Sénat en a lui-même convenu. Il y a donc contournement de la volonté du législateur et abus généralisé des dispositions réglementaires.

Dès lors, il est indispensable d'apporter, par voie législative, tous les correctifs permettant d'éviter ces effets pervers qui génèrent de véritables drames humains.

Il ne peut être admis que certains employeurs utilisent le licenciement comme une variable d'ajustement.

J'ai espéré, peut-être naïvement, que cette proposition de loi recueillerait un large consensus. En effet, sa motivation est noble, et le dispositif mis en oeuvre n'est qu'une extension d'un dispositif adopté par l'ex-majorité.

Pourtant, le Sénat s'y oppose avec une détermination sans faille, se fondant sur une argumentation spécieuse. Mais même s'il minimise le phénomène, il ne nie cependant pas l'existence de ces dérives. Comment alors accepter que des salariés en restent victimes ?

Si on peut à la rigueur concevoir que le Sénat soit opposé à l'article 3, qui rend cette loi applicable dès le 1er janvier 1999, rejeter les deux premiers articles, sans même chercher à les améliorer, relève d'une opposition stérile.

Il est urgent de dissuader certaines entreprises de licencier des salariés de plus de 50 ans, sans appliquer le dispositif "Delalande" et c'est pourquoi, au nom du groupe socialiste, je suis favorable à cette excellente proposition de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia - Ce texte, dû à l'initiative du groupe communiste, vise à limiter les licenciements des salariés de plus de 50 ans en étendant la contribution dite "Delalande" aux conventions de conversion ainsi qu'aux licenciements des salariés ayant refusé le bénéfice de la préretraite du FNE.

Le groupe RPR a déjà exprimé, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, son opposition à un dispositif-sanction qui ne répond pas au problème de fond : l'obligation dans laquelle se trouvent les entreprises de licencier leurs salariés âgés.

Ce n'est pas en sanctionnant davantage les entreprises et, qui plus est, à titre rétroactif, que l'on va faciliter le maintien en place des salariés âgés, bien au contraire.

Il aurait été préférable de rompre avec cette logique de licenciement par des dispositifs plus novateurs en matière de formation ou de reclassement. Or les propositions présentées en première lecture par Jean-Pierre Delalande ont toutes été rejetées.

Ce texte ne résoudra rien et constituera même un frein à l'embauche des salariés âgés de 45 à 50 ans.

On peut aussi regretter que la sanction s'applique également lorsqu'il y a des conventions de conversion, qui ont justement pour objet d'aider au reclassement des salariés.

Ne craignez-vous pas, en prenant constamment pour cible les entreprises, de les décourager et d'aboutir à un résultat opposé à votre but ?

Le groupe RPR votera contre ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Franck Dhersin - La CMP n'ayant évidemment pas pu se mettre d'accord, nous abordons en dernière lecture la proposition du groupe communiste visant à limiter les licenciements des salariés de plus de 50 ans.

Depuis le début, nous avons dénoncé cette proposition. Je me demande s'il est bien nécessaire de reprendre nos arguments devant votre intransigeance idéologique, qui refuse toutes les réalités économiques.

En effet, en étendant la contribution "Delalande" aux conventions de conversion et aux refus de conventions de préretraite, vous la dénaturez un peu plus. Créée en 1987, au moment de la suppression de l'autorisation administration de licenciement, elle correspondait alors à trois mois de salaire brut pour les salariés de 55 ans et plus. Depuis dix ans, elle n'a cessé d'être augmentée et élargie, sans pour autant limiter le nombre des licenciements des salariés concernés. En 1992, son montant maximal est passé de trois mois à six mois et elle est devenue applicable dès l'âge de 50 ans.

Pourtant aujourd'hui les salariés de plus de 50 ans sont licenciés 2,5 fois plus souvent que la moyenne, et les deux tiers d'entre eux restent au chômage pendant plus d'un an, voire ne retrouvent jamais d'emploi. Depuis le décret du 28 décembre 1998, la contribution "Delalande" peut atteindre jusqu'à douze mois de salaire pour les salariés de 56 et 57 ans. Elle est ensuite dégressive.

Avec cette proposition de loi, vous poursuivez la même logique. La part des salariés de plus de 50 ans dans "les conventions de conversion" étant passée de 12 % en 1994 à 17 % en 1997, vous en déduisez un détournement généralisé. De même, vous prétendez que les refus des préretraites FNE constituent un contournement de la loi. Vous décidez donc de mettre fin à ce que vous appelez des "failles" dans le dispositif.

Ce texte aura pour conséquence d'augmenter les prélèvements obligatoires sur les entreprises, alors qu'il faudrait au contraire les alléger. Je n'insisterai pas sur ses effets pervers : ils entraînent une réticence supplémentaire pour embaucher des personnes entre 45 et 50 ans, voire même un report des licenciements sur les salariés de moins de 50 ans.

Il s'inscrit dans le cadre d'un ensemble d'annonces de mesures défavorables à l'emploi, -taxation des contrats précaires, renchérissement des heures supplémentaires dans la seconde loi sur les 35 heures- le tout pour donner des garanties à la majorité. Plutôt que de prendre des mesures au coup par coup sans réflexion globale, il conviendrait de faciliter l'embauche en libéralisant le droit du travail, en allégeant les charges sociales et en facilitant la conversion professionnelle grâce à une modernisation de la formation continue.

A propos de la baisse des charges sociales, je réitère mon opposition totale au marché de dupes que vous nous préparez en finançant la baisse des charges sociales dans le cadre des 35 heures par de nouveaux impôts.

Le groupe Démocratie libérale s'oppose à cette proposition de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Jean-Antoine Léonetti - Lors de la seconde lecture de ce texte à l'Assemblée nationale, le groupe UDF avait déjà manifesté son opposition. Visiblement, il n'a pas reçu un meilleur accueil au Sénat. Certes l'intention est louable : prendre en compte les salariés de plus de 50 ans dans la gestion des ressources humaines est en effet nécessaire. C'était le sens du dispositif Delalande de 1987, que nous avions soutenu, et qui permettait, en instituant au bénéfice de l'UNEDIC une pénalité équivalente à trois mois de salaire, une certaine maîtrise des licenciements des salariés âgés de plus de 55 ans. Vous avez durci ce dispositif en 1992 en portant la contribution maximale à six mois de salaires.

Le problème auquel ce texte veut s'attaquer est réel : le chômage des plus de 50 ans augmente, avec tout ce que cela comporte de drames personnels et familiaux.

Mais ce n'est pas en culpabilisant les entreprises que l'on arrivera à résoudre ces problèmes. Une fois de plus, après la loi sur les 35 heures, la majorité plurielle choisit d'accuser les entreprises, coupables de tous les maux.

En étendant le paiement de la contribution aux ruptures des contrats de travail des salariés ayant adhéré aux conventions de conversion ou refusé le bénéfice d'une préretraite, cette proposition de loi dénature le dispositif initial. Les éventuels abus de certains employeurs ne sauraient justifier une sanction collective et, de plus, rétroactive. Le dispositif risque en effet de conduire à un ralentissement des embauches de personnes de plus de 40 ans et à des licenciements préventifs à l'approche des 50 ans fatidiques. Il faudra alors prendre de nouvelles mesures coercitives pour répondre à ces nouveaux abus !

Il conviendrait d'explorer d'autres pistes, en faisant preuve de plus d'imagination : la priorité doit aller à la reconversion et à la formation, comme nous l'avons proposé en première lecture sans être entendus. Ce n'est qu'en assurant une deuxième chance au plus grand nombre que nous garantirons les salariés contre les aléas économiques. Reprenant l'expression de Jacques Barrot, je dirai qu'il faut réussir "le passage de l'obligation de former à l'obligation de qualifier".

Le Gouvernement fait, d'autre part, montre de peu de cohérence en cherchant d'un côté à prévenir le licenciement des plus de cinquante ans, de l'autre à rajeunir la pyramide des âges. Mieux vaudrait favoriser le dynamisme des entreprises en optant pour des dispositions moins contraignantes et moins préjudiciables à l'embauche. Pour vous, l'Etat a toujours raison et doit contraindre sans cesse davantage les entreprises ; pour nous, il doit inciter, accompagner, encadrer, mais certainement pas décider de tout ! Les deux visions sont incompatibles et, comme lors des deux lectures précédentes, le groupe UDF votera donc contre ce texte tout en appelant de ses voeux des dispositifs qui offrent réellement une chance aux plus de 50 ans ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

M. Patrice Carvalho - Comme l'a relevé notre rapporteur, le rejet de notre proposition par le Sénat est révélateur d'un souci de limiter la contribution des grandes entreprises. L'échec de la CMP, le 12 mai, a confirmé une opposition qui, lors des deux premières lectures, avait conduit la Haute assemblée à rejeter purement et simplement le texte, sans essayer de l'améliorer. Pourtant, les grands groupes ne cessent d'annoncer des profits considérables !

Pour nous, nous maintenons que nos propositions sont réalistes. Instaurer un droit à la retraite à taux plein pour les salariés justifiant de 40 annuités de cotisation à l'assurance vieillesse est une mesure d'un coût limité, sinon nul, dans la mesure où elle permettrait de dégager 300 000 emplois. Reprenons la démonstration : sur la base d'un coût moyen de 90 000 F par pension à taux plein, et si les 550 000 personnes concernées demandaient la liquidation de leur retraite, le coût brut s'établirait à 49,5 milliards. Mais, de ce montant, il faut déduire les 27 milliards finançant les dispositifs -RMI, ASS, ACA...- dont bénéficient actuellement ces personnes, ainsi que les économies réalisées sur l'indemnisation des chômeurs. Si l'on évalue aux deux tiers le nombre des 300 000 emplois dégagés qui donneraient lieu à une embauche de remplacement, le nombre de chômeurs pourrait être réduit de 200 000. Le coût moyen d'un chômeur étant de 120 000 F, l'économie serait de 24 milliards. Le coût total serait donc bien pratiquement nul pour la collectivité !

Le rapport Charpin, qui propose au contraire d'allonger la durée de cotisation aboutit à une impasse : les chômeurs âgés ont très peu de chances de retrouver un emploi et, en tout état de cause, qu'il s'agisse de verser des pensions de retraite ou des indemnités de chômage, le problème demeure le même : comment financer les inactifs ?

S'appuyer sur l'argument de la baisse démographique, comme le font les auteurs de ce rapport, pour essayer d'imposer un recul social est d'autant moins justifié que cette génération de retraités ne devrait pas coûter plus cher à la collectivité que quand elle était sur les bancs de l'école !

Il est donc urgent de revoir l'assiette des cotisations sociales, afin de pénaliser ceux qui travaillent contre l'emploi et de favoriser les autres. Une telle modulation des cotisations entraînerait un rééquilibrage des investissements. Or la dernière proposition de réforme ne reprend toujours pas notre suggestion de faire cotiser les revenus financiers au même niveau que les salaires, soit à 14,6 %. Et si le Gouvernement songe à un nouvel impôt sur les bénéfices, versé directement à la Sécurité sociale, la mesure paraît insuffisante.

En ce qui concerne les fonds de pensions, la logique à l'oeuvre est la même que dans le rapport Charpin : on part du postulat que, ne pouvant plus financer les retraites, on serait dans l'obligation de favoriser l'épargne individuelle. Le grand patronat espère ainsi drainer des fonds colossaux vers les places boursières, refusant qu'une part même infime de ses profits serve à financer notre régime par répartition. Avec le MEDEF, il n'accepte pas l'abrogation de la loi Thomas, mais en demande une autre qui aille encore plus loin.

Plus que jamais nous insistons pour qu'on facilite le départ en retraite après 40 annuités de cotisation. En première lecture, notre Assemblée n'a adopté que les trois articles du second volet de notre proposition de loi, visant à limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante ans. Nous ne pouvons que déplorer l'amputation du premier volet, mais nous n'en défendons pas moins avec vigueur les dispositions retenues. Avec le rapporteur, le groupe communiste propose donc de maintenir ce texte dans les termes adoptés par l'Assemblée en deuxième lecture (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

La discussion générale est close.

M. le Président - Le texte dont nous sommes saisis ne faisant l'objet d'aucun amendement, je vais mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi dans le texte précédemment adopté par l'Assemblée nationale et qui a été rejeté par le Sénat.

L'ensemble de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté.

La séance, suspendue à 16 heures 20, est reprise à 16 heures 30.


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LIBERTÉ DE COMMUNICATION (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

APRÈS L'ART. 26 (suite)

M. le Président - L'amendement 486 rectifié a été retiré.

M. Patrice Carvalho - Les amendements 140 et 296, soutenus par la commission des finances, sont défendus.

M. Olivier de Chazeaux - L'amendement 501 aussi.

Les amendements 140 et 296, repoussés par la commission, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés. L'amendement 501 tombe.

ART. 27

M. Olivier de Chazeaux - Les amendements 208 et 413 sont défendus. Quant à l'amendement 325, il remplace la notion, bien floue, de "modalités de commercialisation" par celle de "prix de vente hors promotion commerciale", afin de faciliter la tâche de l'autorité de régulation.

Les amendements 208 et 413 identiques, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'amendement 325, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Olivier de Chazeaux - Les amendements 207, 287 et 414 sont défendus.

Les amendements 207, 287 et 414, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Michel Françaix, suppléant M. Didier Mathus, rapporteur de la commission des affaires culturelles - L'amendement 585 de M. Mamère est satisfait par l'amendement 122, adopté par la commission à l'initiative de M. Kert.

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication - Il s'agit d'aligner le régime du satellite sur celui du câble pour le contrôle des modifications de l'offre par le CSA. Les auteurs des amendements semblent croire que les chaînes s'en trouveraient mieux protégées, mais c'est oublier que les opérateurs sont généralement en situation de monopole local. En outre, l'octroi au CSA d'un pouvoir d'appréciation qualitative est incompatible avec un régime déclaratif. Il faudrait, si l'un de ces amendements était voté, opter pour un régime d'autorisation préalable, qui risquerait fort de susciter des délocalisations.

M. le Président - Je suis informé que l'amendement 585 est retiré... (Sourires)

M. Olivier de Chazeaux - L'amendement 286 est défendu.

L'amendement 286, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur suppléant - Les amendements 614 et 615 prévoient que le décret fixera une proportion minimale de services indépendants de tout distributeur de bouquet, afin que le marché ne soit pas monopolisé par les plus gros opérateurs.

Les amendements 614 et 615, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. Christian Kert - L'amendement 122, adopté par la commission, permet au CSA de s'opposer à la constitution ou à la modification d'une offre de services satellitaires s'il estime que l'intérêt du public, la qualité ou la diversité de l'offre ou la durée des relations contractuelles avec les éditeurs de services ne sont plus garantis.

L'amendement 122, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur suppléant - L'amendement 123 est de coordination.

L'amendement 123, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 27, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 27

M. Olivier de Chazeaux - L'amendement 488 de M. Dominati est défendu.

M. le Rapporteur suppléant - Non examiné, mais sans doute aurait-il été repoussé, compte tenu de la logique suivie par son auteur.

L'amendement 488, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Marcel Rogemont - L'amendement 124 rectifié de la commission permet aux communes et à leurs groupements de confier à des tiers l'exploitation de leurs réseaux câblés.

M. le Président - Les amendements 575 rectifié, 586 et 587 de M. Mamère semblent peu différents...

M. Olivier de Chazeaux - L'amendement 487 de M. Dominati ne l'est guère non plus.

M. le Rapporteur suppléant - Avis favorable au 124 rectifié.

Mme la Ministre - Le Gouvernement est favorable au principe, mais il faudra préciser ultérieurement que les tiers en question devront passer, directement ou indirectement, convention avec le CSA.

L'amendement 124 rectifié, mis aux voix, est adopté. les amendements 575 rectifié, 487, 586 et 587 tombent.

M. Olivier de Chazeaux - L'amendement 475 de M. Dominati est défendu.

M. le Rapporteur suppléant - Non examiné, mais il me paraît préférable, quitte à faire sourire une fois de plus, d'attendre la position d'ensemble du Gouvernement sur le numérique, annoncée pour la deuxième lecture.

L'amendement 475, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 28

M. le Rapporteur suppléant - L'amendement 125 place l'exercice par le CSA de son rôle régulateur sous le contrôle du Conseil d'Etat, afin d'éviter qu'il soit par trop discrétionnaire.

Mme la Ministre - Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

L'amendement 125, mis aux voix, est adopté.

M. Olivier de Chazeaux - L'amendement 352 corrigé de M. Dominati est défendu.

L'amendement 352 corrigé, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur suppléant - L'amendement 536 de M. Montebourg permet aux associations de défense des téléspectateurs de saisir le CSA. La commission le préfère à l'amendement 588 de M. Mamère, qui étend également ce droit aux associations de consommateurs.

Mme la Ministre - Même avis.

L'amendement 588, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 536, mis aux voix, est adopté.

M. Christian Kert - L'amendement 395 et défendu.

M. le Rapporteur suppléant - La commission ne l'a pas examiné, mais il me semble qu'il va trop loin.

Mme la Ministre - Défavorable.

L'amendement 395, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur suppléant - L'amendement 126 supprime une précision inutile.

L'amendement 126, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur suppléant - L'amendement 127 de la commission élargit la gamme des sanctions. Il me paraît préférable au 397, qui est en discussion commune.

Mme la Ministre - J'y suis défavorable car la suspension de la diffusion du programme, "l'écran noir", et l'insertion d'un communiqué font déjà partie des sanctions prévues par la loi de 1986 -article 42, alinéas 1 et 4.

L'amendement 127, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L'amendement 397 tombe, par conséquent.

M. le Rapporteur suppléant - L'amendement 535, que la commission n'a pas examiné, et que je présente à titre personnel, a pour objet d'autoriser toute personne ayant un intérêt à agir à demander aux juridictions civiles ou commerciales des dommages et intérêts en cas de violation par un éditeur de service de radiodiffusion sonore ou de télévision d'une obligation inscrite dans le cahier des charges.

Mme la Ministre - Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

M. Olivier de Chazeaux - Je vous mets en garde contre ce transfert d'une des rares prérogatives restant au CSA vers des magistrats professionnels qui ne sont pas forcément au fait des questions audiovisuelles. Si vous voulez vraiment que le CSA soit une autorité de régulation, et non un élément du décor, n'adoptez surtout pas cet amendement.

M. le Rapporteur suppléant - Sensible pour une fois aux arguments de M. de Chazeaux, je retire mon amendement.

M. Christian kert - L'amendement 541 est défendu.

M. le Rapporteur suppléant - Avis personnel défavorable à cet amendement que la commission n'a pas examiné.

Mme la Ministre - Défavorable.

L'amendement 541, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur suppléant - L'amendement 128 de la commission simplifie et accélère la procédure préalable au prononcé d'une sanction en confiant l'instruction de celle-ci au CSA, sous le contrôle a posteriori du Conseil d'Etat. Dans cette procédure, les droits de la défense, tels que les définit le Conseil constitutionnel sont parfaitement garantis.

Mme la Ministre - Avis défavorable. La plus grande prudence me paraît ici de mise.

L'amendement 128, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Le 399 tombe, par conséquent.

L'article 28 amendé, mis aux voix, est adopté.

ART. 16 (précédemment réservé)

M. Patrick Bloche - Le temps de la réserve ayant été mis à profit pour tenir compte des différents avis, je propose, par l'amendement 104 rectifié, d'insérer l'alinéa suivant : "Le Conseil veille également au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d'une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d'autre part". Cette rédaction lève, je crois, toute ambiguïté.

Mme la Ministre - La nouvelle rédaction évite toute interprétation qui irait dans le sens d'un équilibre à 50-50. Je continue de penser qu'il est un peu gênant d'énumérer tant de priorités, mais je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

M. le Rapporteur suppléant - Favorable.

L'amendement 104 rectifié, mis aux voix, est adopté.

L'article 16, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 28

M. le Président - Nous en arrivons à cinq amendements en discussion commune.

M. Olivier de Chazeaux - L'amendement 515 est défendu.

M. Patrick Bloche - Notre amendement 568 traite de la responsabilité des hébergeurs de sites et des fournisseurs d'accès à Internet. Il faut suite à un arrêt, désormais fameux, du 10 février 1999, l'arrêt Altern, qui a mis en émoi, à juste raison, la communauté des internautes : en effet, un "hébergeur", M. Valentin Lacambe, a vu sa responsabilité civile engagée, en qualité de responsable éditorial, parce que des photos dénudées d'un mannequin célèbre, par ailleurs animatrice de télévision, avaient été diffusées sur l'un des 47 000 sites qu'il hébergeait gratuitement sur son site Altern.

Nous avons voulu régler sans tarder ce problème en insérant à la fin du titre II de la loi de 1986 un chapitre V intitulé "Dispositions relatives aux services en ligne autres que de correspondance privée".

Le coeur du dispositif est l'article 43-2 que je propose. Il dispose que l'hébergeur ou le fournisseur d'accès ne voit sa responsabilité engagée que dans deux cas : s'il a lui-même contribué à la création ou à la production du contenu litigieux, ou si, ayant été saisi par une autorité judiciaire, il n'a pas agi promptement pour empêcher l'accès à ce contenu. Je souligne cette deuxième condition, car c'est elle qui m'a conduit à modifier l'amendement que j'avais d'abord déposé en commission. J'ai souhaité que cette incitation, cet engagement de responsabilité de l'hébergeur s'il n'a pas agi, démarre du moment où il est saisi par une autorité judiciaire. Faute de quoi nous pourrions aboutir à une situation de censure préventive, où l'hébergeur, alerté par n'importe qui, se sentirait tenu de limiter de lui-même l'accès, au détriment de la liberté d'expression sur le réseau.

Quant à l'article 43-3, il n'est que la suite logique du 43-2 : les hébergeurs et fournisseurs d'accès seront tenus de transmettre les éléments d'identification fournis par les personnes qui créent les sites et les éléments techniques nécessaires pour localiser les émissions, notamment en cas de contentieux.

Telle est la solution que je propose pour clarifier la responsabilité des hébergeurs. Je ne prétends pas avoir trouvé la solution idéale. Mais, au stade de la première lecture, cet amendement a le mérite d'exister, de poser les enjeux, et de rappeler que le droit commun s'exerce dans la plupart des cas, que ce soit en matière civile ou pénale : Internet n'est pas un espace de non-droit.

M. Olivier de Chazeaux - Avec l'amendement 322 corrigé, je propose à mon tour une solution à ce problème. Comme l'a très bien dit M. Bloche, Internet, qui est un formidable espace de liberté, n'est pas une zone de non-droit. Mon amendement est proche du sien, mais introduit un élément que je crois non négligeable. Reprenons en effet l'arrêt Altern, sur lequel on a beaucoup glosé. La cour d'appel a considéré que le rôle de l'hébergeur excédait celui d'un simple transmetteur d'information, dans la mesure où son activité, contrairement à ce qu'il prétendait, était rémunératrice : de ce fait il devenait prestataire de services audiovisuels et non simple transmetteur.

Ma proposition a pour but de poser un garde-fou, permettant aux fournisseurs d'accès de se protéger a priori. Ils pourront informer le CSA de l'identité des sites qu'ils hébergent ainsi que de leurs responsables. Il faut que l'attention de l'hébergeur puisse être attirée sur l'un des sites qu'il diffuse. Je n'accepte pas l'argument selon lequel, par des mesures trop restrictives, nous risquerions de faire émigrer certaines activités. Il faut aussi penser aux victimes. Peut-on imaginer qu'un justiciable français ne puisse faire valoir ses droits devant un tribunal français, parce qu'il n'y aurait sur notre territoire aucune personne responsable ? Si nous faisons peser la responsabilité sur les seuls éditeurs des sites hébergés, et que ceux-ci ne soient pas établis en France, nous n'aurons aucune disposition juridique permettant d'établir la compétence d'un tribunal français. Ce serait créer la possibilité d'une zone de non-droit. Ce que je propose n'est pas une obligation de résultat mais de moyens. Il s'agit d'attirer l'attention de l'hébergeur, de lui indiquer qu'il a certaines démarches à faire et que, s'il les accomplit, cela favorise pour partie une exonération de sa responsabilité.

Mon amendement se distingue, enfin, de celui de M. Bloche par le rôle que j'attribue au CSA. Il pourra exercer un contrôle a posteriori sur les sites, comme il le fait pour les images diffusées par les télévisions et alerter l'hébergeur en cas de messages contestables, en lui demandant de prendre des mesures.

M. Christian Kert - Dans ce débat nos préoccupations aux uns et aux autres sont très proches.

La déclaration des droits de l'homme dispose que "la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme", et que "tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l'abus de cette liberté".

Tel est l'objet de l'amendement 209 que j'ai déposé avec M. Albertini. Il exonère de leur responsabilité les opérateurs techniques sous réserve qu'ils acceptent de prêter leur concours aux autorités publiques en cas d'infraction. Ce dispositif, fondé sur la responsabilisation plutôt que sur la coercition, préservera le champ de liberté que représente Internet sans négliger la nécessaire protection de la vie privée qui pourra, à tout moment, être invoquée par les personnes s'estimant lésées.

M. le Rapporteur suppléant - La commission a repoussé les amendements 515, 322 corrigé et 209. Je pense pour ma part qu'en deuxième lecture nous pourrions nous inspirer en partie du 515. La commission ne s'est pas prononcée sur l'amendement 568, qu'à titre personnel je soutiens.

Mme la Ministre - Je remercie tous ceux qui ont nourri ce débat en défendant des amendements qui, tous, soulignent l'urgence de définir le régime de responsabilité des hébergeurs. Les réponses proposées, toutefois, sont inégalement convaincantes ; il est vrai que nous légiférons "à chaud"...

J'ai bien écouté M. de Chazeaux, qui a formulé certaines considérations juridiques auxquelles je suis sensible. Mais il propose un contrôle préalable des contenus...

M. Olivier de Chazeaux - Non pas préalable : a posteriori.

Mme la Ministre - ...dont je ne suis pas sûre qu'il soit applicable. Je ne peux à l'inverse soutenir aucune proposition qui ne comporterait pas de procédure d'identification. L'amendement 568, tout comme le 567 du même auteur, me semble mieux équilibré, associant liberté et responsabilité. Liberté pour les créateurs de contenus, avec la suppression de la déclaration préalable, que proposera l'amendement 567, et que le Gouvernement approuvera. Liberté pour les utilisateurs de sélectionner les contenus, et c'est pourquoi l'amendement 568 affirme l'obligation pour les fournisseurs d'accès de proposer les dispositifs techniques nécessaires à cette sélection. Liberté pour les hébergeurs d'effectuer leurs prestations techniques, et régime de responsabilité adapté aux conditions pratiques de leur activité, qui justifient une exonération de responsabilité en dehors de cas limitativement prévus par la loi.

Il faudra toutefois préciser la portée de cette exonération. Tel qu'il est rédigé, l'amendement semble ne porter que sur la responsabilité civile, et laisser subsister la responsabilité pénale de droit commun. Or il serait possible de traiter conjointement les deux aspects. Pour viser les cas où un tiers lésé pourrait légitimement prétendre à réparation d'un préjudice, il faudrait préciser la responsabilité de l'hébergeur quand il est informé du caractère litigieux du message. Je me demande aussi s'il ne faudrait pas prévoir que le refus de transmettre au juge les éléments d'identification est un cas de non-exonération de l'hébergeur.

Toutes ces questions méritent un examen juridique approfondi, qui est en cours avec le ministère de la justice. Le mérite des amendements 567 et 568 est de nous inciter à les traiter dès la présente loi. Certaines dispositions du 515 vont dans le même sens, mais ne créent pas d'obligation d'identification en dehors du recours à l'article 135 du code de procédure civile. Je m'en remets donc à la sagesse de votre assemblée sur les amendements 568 et 567, tout en restant prête à repréciser ces dispositions en deuxième lecture.

M. Patrick Bloche - Je vous remercie, Madame la ministre ; je n'en attendais pas moins de vous.

Il ne s'agit pas de déresponsabiliser les hébergeurs et les fournisseurs d'accès, mais de clarifier leurs responsabilités. Le travail que j'ai effectué s'est largement inspiré d'une directive "commerce électronique" qui sera nécessairement transposée, mais peut-être un peu tard.

L'amendement qu'a défendu M. Kert est le plus proche du mien. Celui de M. Martin-Lalande ressemble très fortement à celui que j'avais déposé en commission.

A M. de Chazeaux, je voudrais faire observer que dans la loi de 1986, la communication par réseaux est un sous-ensemble de la communication audiovisuelle. Or la deuxième est une ressource rare, qui nécessite une régulation, mais il en va autrement de la première. Il me paraît donc souhaitable d'écarter la communication par réseaux de la communication audiovisuelle, et donc de pas faire du CSA le régulateur des contenus sur Internet, même a posteriori.

M. Olivier de Chazeaux - Je ne propose qu'une simple déclaration, accompagnée de la possibilité, pour le CSA d'exercer un contrôle a posteriori.

Je ne suis pas d'accord avec M. Bloche : Internet est un formidable outil audiovisuel ; à ce titre, il me paraît devoir être régulé par le CSA. Le problème étant délicat, je propose, Madame la ministre d'appliquer votre jurisprudence : renvoyons cela à la deuxième lecture...

Nous avons la chance qu'un groupe d'études ait été constitué sur les nouvelles technologies, dont la présidence est partagée. Sans doute pourrait-il se charger de rédiger un amendement qui mette tout le monde d'accord.

L'amendement 515, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 568, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Les autres amendements tombent.

M. Patrick Bloche - L'amendement 567 est lié au précédent. Il tend à abandonner le régime de déclaration préalable pour Internet et les services télématiques.

M. le Rapporteur suppléant - La commission ne l'a pas examiné. A titre personnel, sagesse positive... (Sourires)

Mme la Ministre - Même sagesse que précédemment...

L'amendement 567, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur suppléant - L'amendement 616 rectifié est de coordination.

L'amendement 616 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

MM. Laurent Dominati et Christian Kert - L'amendement 517 est défendu.

M. le Rapporteur suppléant - Il n'a pas été examiné par la commission mais nécessiterait, me semble-t-il, un accord européen.

Mme la Ministre - Comme ministre de la culture, je souhaite des allégements fiscaux au bénéfice des supports de communication, notamment des CD-Rom, au sujet desquels le Gouvernement a consulté la Commission européenne en juillet 1998 ; mais un taux réduit de TVA ne peut être appliqué à de nouveaux produits qu'en conformité avec nos engagements européens : je regrette donc de ne pouvoir soutenir cet amendement. Cependant je continuerai à me battre au niveau communautaire.

M. Laurent Dominati - Le Gouvernement pourrait-il nous dire s'il a d'ores et déjà explicitement demandé que les produits liés aux nouvelles technologies passent au taux réduit ?

Mme Frédérique Bredin - Dans les discussions en cours au niveau européen, il est important que le Gouvernement puisse s'appuyer sur la volonté parlementaire qui s'exprime aujourd'hui. Les produits visés font partie de nos priorités dans la réduction sélective des taux.

L'amendement 517, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Laurent Dominati - Les amendements 519 et 518 sont défendus.

Les amendements 519 et 518 ne sont pas adoptés.

ART. 29

M. le Rapporteur suppléant - L'amendement 617 est rédactionnel.

L'amendement 617, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Laurent Dominati - Je retire mon amendement 451.

L'article 29 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 4 (précédemment réservé)

M. le Président - L'amendement 158 est retiré au profit du 79 de la commission.

M. le Rapporteur suppléant - Il est défendu.

Mme la Ministre - Cet amendement, sans limiter le choix du CSA dans l'exercice de son pouvoir de nomination, donne des garanties de transparence. J'y suis donc favorable.

M. Christian Kert - Le sous-amendement 450 est défendu.

M. le Rapporteur suppléant - La commission l'a repoussé.

Mme la Ministre - Avis défavorable.

M. Christian Kert - Je voudrais faire une parenthèse sur l'actualité. On peut appeler à la transparence et à la sérénité, Madame la ministre, mais nous en sommes loin quand on voit comment se déroule la désignation du président de France Télévision : elle est remise dans l'attente du vote de cette loi, lui-même reporté de semaine en semaine. Alors je ne crois pas que l'amendement soit à la mesure de l'importance du problème.

M. Laurent Dominati - On confond la transparence et l'apparence des choses. Vous savez l'état de dépendance de la télévision publique vis-à-vis du budget de l'Etat et donc la dépendance du président de France Télévision à l'égard du ministère des finances. Le CSA attend d'ailleurs l'adoption de la loi pour procéder à la nomination du président, et vous nous avez indiqué, Madame la ministre, qu'il devra avoir le profil correspondant.

Alors on peut toujours parler d'auditions, de décisions motivées, de publication des débats, cela ne changera rien au fond du problème.

Cet amendement est donc d'une grande hypocrisie.

M. Olivier de Chazeaux - Le sous-amendement 450 va encore plus loin dans la transparence et il devrait satisfaire M. Montebourg, dont je regrette l'absence : il prévoit en effet la diffusion audiovisuelle des débats du CSA, ce qui permettrait aux téléspectateurs d'être parfaitement informés des modalités de désignation des présidents des différentes chaînes.

Mme Frédérique Bredin - La seule justification valable au report de la désignation du président de France Télévision, c'est l'attente des débats parlementaires pour connaître, non pas le texte du projet de loi puisque le CSA en a été saisi depuis longtemps, mais l'esprit qui préside à son adoption. Je crois que nos débats auront éclairé le CSA : nous avons dit clairement que nous voulions quelqu'un qui prépare l'avenir et puisse donc rester à ce poste pendant de nombreuses années pour permettre au secteur public de remplir ses missions exigeantes et faire face, dignement, à la concurrence du secteur privé.

En ce qui concerne la nomination du président, il faut bien constater que la procédure actuelle est le pire des systèmes. Le Gouvernement n'a pas proposé la nomination par l'Etat actionnaire -ce qui pourrait se justifier. A défaut, il faut que l'institution qui prend cette décision d'une importance exceptionnelle ait la légitimité pour le faire et le sens de ses responsabilités. Cela suppose de mettre un terme à toutes les manoeuvres de couloirs auxquelles nous assistons. Le CSA doit se déterminer dans la clarté et la transparence, à la fois sur le profil souhaité et sur le projet que défendra chaque candidat pour les années à venir, de manière à ce que le service public soit porté par un nouveau souffle.

Le sous-amendement 450, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 79, mis aux voix, est adopté.

L'article 4 ainsi amendé, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 10 (précédemment réservé)

Mme la Ministre - L'amendement 647 rectifié vise à transposer la directive européenne de 1995 relative aux normes et signaux. Cette directive incite à la conclusion d'accords commerciaux entre les distributeurs, les titulaires des droits de propriété intellectuelle et les fabricants de décodeurs, ceci afin de rendre possible l'utilisation d'un seul décodeur pour recevoir plusieurs offres de programmes et de services interactifs. Le projet de loi Douste-Blazy transposait la directive aux programmes existant à l'époque mais depuis les services se sont développés -guides électroniques, services interactifs, jeux etc.

L'amendement étend donc le champ de la directive à ces applications tout en respectant son esprit. Grâce à ce texte, les téléspectateurs n'auront besoin que d'un seul décodeur, d'une seule télécommande pour la réception de plusieurs bouquets de services et programmes.

M. Laurent Dominati - Mon amendement 591 a le même objet. Le problème étant très complexe, je suis tenté de m'en remettre à la sagesse du Gouvernement, qui a les moyens de faire travailler des experts techniques et juridiques mieux que je ne saurais le faire. Je retirerai également mes sous-amendements si le Gouvernement répond à deux questions.

Mon amendement définit les exploitants de systèmes d'accès sous conditions, ce que ne fait pas l'amendement gouvernemental. Peut-être faudrait-il inclure cette précision ?

Par ailleurs, le paragraphe V de mon amendement oblige à regrouper les connexions dans un même terminal. Mais sans doute l'avant-dernier alinéa de votre amendement peut-il être considéré comme identique, même si la formulation est différente.

Mme la Ministre - Je pensais reprendre votre sous-amendement 652, ce qui répond à votre première question.

M. Olivier de Chazeaux - Je défendrai ensemble mes sous-amendements 666 à 671, 655 et 656.

Il aura donc fallu que, dans la discussion générale, l'opposition dénonce avec insistance l'absence de transposition de la directive "normes et signaux" pour que surgisse aujourd'hui cet amendement du Gouvernement ! Mais tant mieux : ce sera autant de moins pour la deuxième lecture...

Mes sous-amendements visent à se rapprocher autant que possible de la rédaction de la directive. En ce qui concerne le paragraphe 5, je propose un libellé légèrement différent de celui de M. Dominati : m'étant, à la différence de Mme la ministre, préoccupé depuis quelque temps de cette transposition, j'avais interrogé à ce sujet M. Pierret et ses services ont bien voulu me communiquer un projet auquel ils travaillaient eux-mêmes et que je me suis permis de plagier dans mon sous-amendement 671. Je crois que cette rédaction est plus nette et concrète que la vôtre, offrant ainsi de meilleures garanties d'obtenir à terme le décodeur unique.

M. Christian Kert - Je m'étonne moi aussi que toutes les dispositions importantes de ce projet nous soient soumises sous forme d'amendements !

M. Laurent Dominati - Alors que nous-mêmes ne nous étions pas laissés prendre au dépourvu...

M. Christian Kert - Notre sous-amendement 662 tend à substituer au quatrième alinéa deux alinéas plus complets et plus clairs, propres à garantir que les opérateurs de services par satellites vont mettre des décodeurs sur le marché et passer entre eux des accords commerciaux de sorte que les abonnés puissent choisir entre les différentes offres sans avoir besoin de plusieurs décodeurs. D'autre part, pour obliger ces opérateurs à se mettre d'accord, nous prévoyons un arbitrage du CSA et, éventuellement, du Conseil de la concurrence.

M. le Rapporteur suppléant - Avis favorable à l'amendement du Gouvernement et défavorable à tous les sous-amendements, à l'exception du 652 de M. Dominati pour lequel je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

Mme la Ministre - Je demande également le rejet de tous les sous-amendements, hormis le 652.

Les sous-amendements 666 et 667, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Le sous-amendement 652, mis aux voix, est adopté.

Les sous-amendements 659, 660, 653 rectifié, 654 et 661 sont retirés.

Les sous-amendements 668, 669, 662, 670, 655, 671 et 656, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'amendement 647, rectifié, sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 29

M. le Rapporteur suppléant - L'amendement 618 vise à "marquer le territoire" du CSA. La technique numérique est devenue un maillon essentiel dans la chaîne de la production, de la distribution, de la diffusion et de la transmission des images et des sons. La France ne peut rester à l'écart de cette évolution et elle doit donc se doter du cadre juridique nécessaire pour mettre en service, à la fin de 2001 ou au début de 2002, les réseaux de distribution hertzienne terrestre en mode numérique que les fréquences actuellement disponibles permettront de réaliser. C'est à quoi tend cet amendement, qui donne compétence au CSA pour l'allocation de ces fréquences.

Mme la Ministre - Avis favorable, sous réserve de l'adoption des sous-amendements 672 et 673. L'amendement a le mérite d'affirmer que le développement du numérique hertzien doit se faire dans le cadre du système juridique propre à l'audiovisuel, notamment pour ce qui est du rôle du CSA, de l'attribution des fréquences et du conventionnement des services. Cependant, je ne puis anticiper sur les résultats de la concertation : d'où les deux sous-amendements. Le premier tend à supprimer, au deuxième alinéa, les mots "d'ensembles de services de radiodiffusion sonore ou de télévision", afin de n'affirmer qu'un principe général ; le second supprime le troisième alinéa. L'article se lirait donc ainsi : "Le Conseil supérieur de l'audiovisuel autorise, après appels à candidatures, l'usage de fréquences afférentes à la diffusion par voie hertzienne terrestre en mode numérique. Les conditions du présent article sont fixées par décret".

M. le Rapporteur suppléant - Dès lors que Mme la ministre accepte notre amendement, nous acceptons, bien sûr, ses sous-amendements !

M. Olivier de Chazeaux - Je ne comprends décidément pas le Gouvernement : voici deux fois que vous révisez votre jurisprudence aujourd'hui ! Vous n'avez cessé de répéter jusqu'ici que vous renvoyiez à la deuxième lecture les éléments essentiels de la réforme de l'audiovisuel, après concertation, et voici que vous oubliez cette position, déjà affirmée dans votre communication du 12 mai au conseil des ministres ! Que signifie ce revirement, après que vous avez balayé d'un revers de main nos propositions relatives au numérique hertzien ?

Votre comportement démontre à la fois que nous avions raison, que vous tentez de rattraper le train que vous avez manqué et que vous restez sectaire !

M. Laurent Dominati - Nous n'aurions eu qu'à nous féliciter de la collection d'initiatives prises ici si nous avions pu aborder certains sujets. Or le Gouvernement a su imposer à sa majorité une discipline remarquable. Surtout, après avoir refusé les débats que nous souhaitions, il y revient de façon sélective, par des amendements, sans que nous sachions où nous allons. Nos échanges ont pourtant paru prometteurs, à plusieurs reprises !

La proposition de la commission n'est pas mauvaise dans son principe et j'en aurais moi-même d'autres. Mais, je le répète, nous n'avons pu traiter le sujet et je déplore ces conditions de travail. Quelque peu désespéré, j'attendrai que vienne enfin le débat public pour m'exprimer plus longuement sur cette question.

M. Christian Kert - "Avant d'engager la France dans la numérisation de son réseau de distribution, le Gouvernement souhaite mener une vaste concertation avec le grand public et les professionnels" : cet amendement fait litière du propos. Quid du grand public et des professionnels après une telle anticipation ?

M. Patrick Bloche - Je ne comprends pas ce que veut nous dire l'opposition.

Sur le numérique hertzien terrestre, les choses sont claires depuis le début : nous disposons de plusieurs rapports qui ouvrent des pistes intéressantes, mais il ne serait pas bon de légiférer dans l'urgence (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL), avant toute concertation. J'observe d'ailleurs que vous êtes vous-mêmes bien en peine de faire des suggestions concrètes ! (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Les sous-amendements 672 et 673, successivement mis aux voix, sont adoptés, de même que l'amendement 618, ainsi modifié.

M. le Rapporteur suppléant - L'amendement 129 renforce les sanctions prévues en cas de fausse déclaration.

Mme la Ministre - Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

L'amendement 129, mis aux voix, est adopté.

ART. 30

M. le Rapporteur suppléant - Les amendements 619 à 622 sont de coordination avec l'instauration d'un régime spécifique d'autorisation pour l'usage de fréquences hertziennes terrestres destinées à être utilisées en mode numérique.

Les amendements 619, 620, 621 et 622, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. Christian Kert - L'amendement 257 vise à soutenir le développement des télévisions de proximité, dans l'intérêt des industries de la communication comme dans celui de l'aménagement du territoire.

L'amendement 257, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur suppléant - Les amendements 623 et 625 sont de coordination, l'amendement 624 est rédactionnel.

Les amendements 623, 624 et 625, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. Laurent Dominati - Je retire l'amendement 357.

M. le Rapporteur suppléant - Il est repris par la commission (Exclamations et rires sur divers bancs).

L'amendement 357, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Christian Kert - La publication de sondages est interdite, comme chacun sait, dans la semaine qui précède un scrutin, et même passible d'amendes pouvant aller jusqu'à 500 000 F. Or Internet rend désormais cette interdiction inapplicable. l'amendement 663 tend donc à l'abroger, ce qui permettra, en outre, au débat démocratique de se dérouler dans des conditions plus transparentes, et non sur la base de rumeurs ou d'informations non vérifiées.

M. le Rapporteur suppléant - Non examiné, mais j'y suis favorable à titre personnel.

Mme la Ministre - L'opposition m'a suffisamment reproché de déposer des amendements "de dernière minute" pour que je déplore à mon tour que soit abordé dans ces conditions un sujet qui mériterait un débat plus large, ne serait-ce qu'au sein du Gouvernement...

L'amendement 663, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 30, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 30

M. le Président - Les amendements 593, 592 et 589 de M. Mamère et de ses amis sont-ils défendus ? Je crois que oui... (Sourires)

M. le Rapporteur suppléant - La commission ne les a pas examinés, mais j'y suis plutôt défavorable. Ils avaient d'ailleurs été retirés et devaient être redéposés sous une forme modifiée, mais je n'ai pas l'impression qu'elle l'ait été...

Les amendements 593, 592 et 589, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur suppléant - L'amendement 130 est satisfait par l'amendement 647 rectifié, que nous avons adopté tout à l'heure. C'est également le cas de l'amendement 590 de M. Dominati et de l'amendement 210 de M. Kert (Assentiment).

Les amendements 130, 590 et 210 sont retirés.

ART. 31

M. le Rapporteur suppléant - L'amendement 626 modifie le délai donné aux opérateurs de bouquets satellitaires pour effectuer la déclaration prévue à l'article 34-2 de la loi de 1986, afin qu'ils puissent se conformer aux dispositions du décret d'application de cet article.

L'amendement 626, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 31, ainsi modifié.

APRÈS L'ART .31

M. Olivier de Chazeaux - L'amendement 569 de M. Muselier est défendu.

M. le Rapporteur suppléant - Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

L'amendement 569, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur suppléant - Je retire l'amendement 131 au profit de l'amendement 141 de la commission des finances, qui impose également aux constructeurs d'immeubles collectifs à usage d'habitation de s'engager à installer une antenne parabolique collective, afin d'éviter la multiplication des inesthétiques antennes individuelles. Quant à mon sous-amendement 664, il permet, comme solution alternative, le raccordement de l'immeuble à un réseau câblé.

M. Olivier de Chazeaux - Ce retrait est inélégant ! L'amendement 131 avait été adopté par la commission à l'initiative de M. Muselier !

M. Marcel Rogemont - L'amendement 495 est semblable, à ceci près que le constructeur doit offrir effectivement une solution de réception collective -sans préciser laquelle- et non s'y engager simplement, pour les programmes diffusés par satellite et par voie hertzienne analogique ou numérique, notamment le raccordement au réseau câblé lorsqu'il existe.

M. Laurent Dominati - Je retire le 452 puisque tout le monde est d'accord.

M. Olivier de Chazeaux - Et moi le 385.

M. le Rapporteur suppléant - Je rappelle que j'ai retiré le 131 au profit du 141.

M. Olivier de Chazeaux - Il serait plus correct vis-à-vis de M. Muselier, qui l'a brillamment défendu en commission et qui a recueilli l'unanimité des suffrages, de retenir le 131.

M. le Président - Les amendements 131 et 141 ont pratiquement le même texte, mais le sous-amendement 664 se rapporte au 141. Disons donc que nous associons M. Muselier et M. Cochet à l'amendement 141.

M. Laurent Dominati - Et moi ? (Sourires)

M. Marcel Rogemont - Je retire le 495 au profit du 141.

M. le Président - Voilà donc deux nouveaux cosignataires.

Le sous-amendement 664, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 141, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

Mme la Ministre - Vous avez oublié de me demander mon avis, Monsieur le Président, mais sachez qu'il était favorable. C'est accessoire, j'en conviens, mais enfin... (Sourires)

M. le Président - Je suis désolé, cela ne se reproduira pas.

M. Laurent Dominati - L'amendement 600 est satisfait.

L'article 32, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 32

M. Olivier de Chazeaux - L'amendement 29 corrigé est défendu.

M. le Rapporteur suppléant - Défavorable.

Mme la Ministre - Egalement, car le CSA publie déjà un rapport annuel.

L'amendement 29 corrigé, mis aux voix, n'est pas adopté.

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Laurent Dominati - Contrairement à ce qui s'était passé la fois précédente, le Gouvernement a réussi à imposer une certaine discipline à sa majorité mais le projet est sensiblement le même, dans sa philosophie, que celui rejeté par cette même majorité il y a quelques mois. L'astuce du Gouvernement, c'est d'avoir présenté cet amendement miracle sur la compensation des pertes de recettes dues à la baisse de la publicité. Ainsi contrainte au silence, la majorité n'a pu mener un vrai débat.

L'opposition a quant à elle présenté un véritable contre-projet. Certaines de nos propositions ont été "empruntées" par le Gouvernement qui a multiplié les amendements en séance, -nous privant ainsi du temps de les étudier- mais la plupart du temps, nous n'avons pas été entendus. Sans doute parce que nous défendons une vision d'avant-garde, très éloignée de l'archaïsme qui marque ce projet enfermé dans les principes d'une télévision d'Etat et dans l'éternel conflit entre Etat et médias. Vous renforcez en effet, Madame la ministre, la tutelle de l'Etat sur la télévision publique par le biais du remboursement des exonérations de redevance, vous accentuez la dépendance de France Télévision vis-à-vis du ministère du budget, vous maintenez le contrôle administratif des chaînes privées. Bref, ce projet ne prépare en rien l'audiovisuel du futur, le groupe DL votera donc contre.

M. Christian Kert - Le groupe UDF votera également contre. D'abord, à cause des conditions dans lesquelles nous avons travaillé. Le débat a en effet été haché, morcelé -nous avons même eu droit à un débat sur les termites entre deux séances consacrées à l'audiovisuel !

Ensuite, à cause du contexte. Le CSA, qui doit désigner bientôt le président de France Télévision, est sous pression. Il attend la fin de nos travaux pour procéder à cette désignation, tandis que nous aurions aimé au contraire savoir à quoi nous en tenir avant de légiférer. Bref, il y a là une certaine incohérence et un manque regrettable de sérénité. J'ajoute que le Gouvernement n'a toujours pas donné mandat à France Télévision pour engager les négociations sur les 35 heures, alors que celles-ci sont censées aboutir avant le 31 décembre. Ce n'est pas que je défende la loi sur les 35 heures mais enfin puisqu'elle existe, il serait normal que l'Etat donne l'exemple.

Enfin, nous déplorons que des dispositions tout à fait essentielles -concernant RFO, le numérique hertzien, les décodeurs et même la publicité- soient apparues sous forme d'amendements. Cela signifie certes que vous avez fait des efforts louables, Madame la ministre, pour améliorer votre texte mais il est tout de même gênant de procéder ainsi. Et le texte reste à nos yeux insuffisant. Vous promettez de l'améliorer d'ici la deuxième lecture, mais vous aurez besoin pour cela de beaucoup de mémoire tant les dispositions qu'il conviendrait d'ajouter ou de corriger sont nombreuses.

Notre sympathie vous est acquise, Madame la ministre, mais vous pouvez aussi compter sur notre vote négatif.

M. Patrice Carvalho - Au nom du groupe communiste et en accord avec M. Cuvilliez, je voudrais vous faire part de quelques remarques. Le texte devra être complété en deuxième lecture de façon notamment à tenir compte du développement du numérique hertzien.

Son objectif est de donner au secteur public plus de cohésion, objectif auquel nous adhérons pleinement mais qui ne sera atteint que si la stratégie financière du Gouvernement à l'égard du secteur public est pérenne et offensive -je pense notamment au remboursement intégral des exonérations de redevance, point sur lequel nous serons très vigilants dans la prochaine loi de finances. Je pense aussi aux évolutions raisonnées de la redevance.

Dans ce débat, nous avons constamment cherché à inscrire dans la loi le droit pour le secteur public de l'audiovisuel non seulement à exister mais aussi à exceller.

Soucieux de donner à la production audiovisuelle la place qui lui revient, nous avons proposé de ne pas dissocier les activités de production des activités de diffusion au sein de France Télévision -cette holding d'un nouveau type puisque publique- et de reconnaître le rôle irremplaçable de la SFP, en renforçant ses liens avec le secteur public de l'audiovisuel. S'agissant de l'intégration de la SFP dans le périmètre de la holding, nous n'avons pas obtenu satisfaction. Mais nous avons pris acte de votre détermination, Madame la ministre, à préserver les capacités de cette société, en particulier par la commande publique.

Le caractère de chaîne généraliste de France 3 a été restauré, comme nous le demandions, mais nous ne voudrions pas pour autant que la spécificité régionale de cette chaîne soit ramenée à une simple fonction de proximité dans le domaine de l'information.

Nous étions opposés à la fusion de la Cinquième avec la Sept-Arte. Puisqu'elle a été entérinée avant même le projet de loi, nous avons plaidé pour que ce rapprochement n'aboutisse pas à une absorption de la Cinquième, que deux directeurs de programme soient nommés et que le respect de l'indépendance des deux lignes éditoriales soit clairement inscrit dans le texte.

Quant à l'organisation de la holding, nous avons signalé les éventuels effets néfastes d'une construction trop pyramidale, réduisant le rôle des directeurs généraux des chaînes à celui de simples exécutants. Cette structure publique devra donc avoir un souci permanent du dialogue, de la participation démocratique, associant les partenaires sociaux et les usagers. Nous avons également proposé que les contrats d'objectifs signés entre les chaînes publiques et l'Etat veillent au respect des missions de service public, et fassent l'objet d'une consultation des personnels.

Nous sommes satisfaits du compromis adopté pour RFO, adossé à la holding, et pour RFI, dont la double mission est reconnue et qui, dépendant de deux ministères, bénéficie d'un double financement. Sur l'INA, nous avons le sentiment d'avoir été bien entendus, notamment sur le respect de ses fonctions de production et de recherche. Nous avons insisté pour que le Parlement exerce un droit de regard, et soit régulièrement informé de la répartition de la redevance et des comptes prévisionnels de la holding lors du débat budgétaire. Les missions de régulation des chaînes privées confiées au CSA, sans exercer une influence significative sur les regroupements du privé, devront, pour être crédibles, être assorties de mises en demeure ou de sanctions réelles pour tout manquement aux règles déontologiques et d'intérêt général.

Mais on aura beau donner plus de cohérence au secteur public, exiger de lui un respect strict de ses missions de service public, si dans le même temps on l'attaque sans cesse au nom des principes de libre concurrence abusivement invoqués par les tenants du libéralisme, on pourrait le réduire à une expression rabougrie. Cette loi doit lui permettre de s'épanouir, d'élargir son audience, ses espaces d'innovation, et non pas, comme le voudrait la droite, en faire une télévision croupion pour tous les services jugés peu "rentables" ou peu intéressants.

Enfin, les moyens mis en oeuvre pour réglementer les concentrations ou les constructions de positions dominantes dans le secteur privé sont encore très insuffisants. Face à l'attitude monopolistique des groupes audiovisuels privés, bénéficiant de positions privilégiées sur les marchés publics, nous pensons que la reconduction de leurs autorisations d'émettre sur des fréquences du domaines public doit être strictement limitée dans le temps et soumise à la concurrence, par appels à candidatures dans des délais qui ne peuvent excéder dix ans.

De nombreuses interrogations et espérances demeurent à la fin de cette première lecture, aboutissement d'une réflexion commune et d'un travail de concertation. Notre vote pour, malgré certaines réserves qui peuvent être levées d'ici a deuxième lecture, marque notre soutien au fondement de ce projet de loi, qui entend relancer et renforcer le service public et soutenir la production.

M. Olivier de Chazeaux - J'avais raison, Madame le ministre, de dire dans la discussion générale que votre projet était tout sauf une réforme audacieuse et ambitieuse. Tout au long de ce débat vous l'avez démontré en renvoyant sans cesse à la deuxième lecture -ce que j'ai appelé votre "jurisprudence deuxième lecture". J'ai indiqué aussi que vous tentiez de la sorte d'éviter le débat au Sénat, puisque c'est en deuxième lecture à l'Assemblée qu'aura lieu la vraie réforme. Nous voterons contre ce projet, non seulement parce qu'il manque de souffle, mais parce qu'il ne répond pas aux vraies attentes de l'industrie audiovisuelle, auxquelles nous avons tenté de vous sensibiliser. Nous avons pu constater un certain nombre de cafouillages et d'incohérences, au point que vous avez dû à plusieurs reprises recourir à la réserve pour essayer de pallier les carences du texte -qu'on a tenté de combler cet après-midi à la va-vite.

Permettez-moi une analogie : j'ai eu l'impression d'assister à un "tour de chauffe" en Formule 1, que vous avez engagé avec des pneus lisses, pour constater ensuite qu'il pleuvait. Vous avez donc essayé cet après-midi, un peu rapidement, de monter un nouveau train de pneus, mais il était mal boulonné... Ainsi le vrai débat aura lieu en deuxième lecture. En l'état actuel nous ne pouvons voter ce texte. Pour conclure j'observe que, par ces deux tentatives de revirement de votre jurisprudence, vous me donnez raison quand je dis : souvent socialiste varie, bien fol est qui s'y fie...

M. Michel Françaix - Je ferai observer à M. de Chazeaux qu'en Formule 1 on roule toujours avec des pneus lisses... Mais soyons sérieux. Ce texte emporte l'adhésion du groupe socialiste pour au moins trois raisons. La première est le renforcement du service public, qui va se traduire par la récupération des exonérations de redevance, soit 2,5 milliards -mesure attendue depuis vingt ans ! Certains disent certes que cette récupération n'est pas obligatoire, ni automatique ; et certes, si vous reveniez aux affaires, la mesure serait peut-être en péril ! Mais comme nous avons l'intention d'y rester un certain temps, nous donnerons au secteur public les moyens d'un équilibre avec le privé.

Deuxième raison de notre adhésion : le renforcement des pouvoirs du CSA. Il n'est pas étonnant que ce soit le fait de la même famille politique qui a créé naguère la Haute autorité, alors que nos collègues de l'opposition y étaient hostiles. Aujourd'hui ils réclament plus de pouvoir pour le CSA, alors que tout ce qu'ils ont pu faire, c'est la CNCL, que chacun préfère oublier...

Troisième raison, la plus essentielle : c'est que les moyens supplémentaires qui seront dégagés iront aux programmes. Ajourd'hui le secteur public de l'audiovisuel est la deuxième école de la République, même si on peut le déplorer, et juger inquiétant de voir des enfants passer trois heures devant la télévision -ce qui a inspiré à Mme Bredin des amendements qui contribueront à nous rassurer. Les moyens supplémentaires iront aux programmes. Cela veut dire que nous préférons être les petits-fils de Molière que les enfants de Coca-Cola, et que, sans nous enfermer dans un univers "franchouillard", et tout en nous ouvrant aux programmes européens, nous allons défendre notre culture, et c'est essentiel.

On pourrait évoquer bien d'autres raisons d'adhérer. On peut certes juger insuffisantes les dispositions sur le numérique hertzien. Mais c'est que le problème est très compliqué. Il nous faut encore un peu de temps pour savoir quels bouquets iront au public et au privé, et à quels opérateurs privés, déjà en place ou nouveaux. Tout cela mérite un débat, et quand nous l'avons nous ne sommes pas toujours en opposition. On aurait sans doute pu aller plus vite sur les télévisions locales, mais je sais que Mme la ministre a une volonté forte en la matière.

Nous étions dans un monde de pénurie : nous allons entrer dans un monde d'abondance. Le législateur doit être modeste, et ne pas croire qu'il peut tout faire d'un coup ; mais il doit aussi -ce n'est pas contradictoire- être ambitieux pour le service public. Un seul regret : c'est qu'alors que ce texte va être voté, nous ne connaissions pas le futur président qui aura la charge du secteur public. Souhaitons qu'il sache le faire entrer dans le troisième millénaire. Je regrette qu'il ne puisse être nommé par le Gouvernement, car le rôle du CSA est le contrôle. Mais, pour toutes les raisons que j'ai dites, le groupe socialiste est presque en parfaite harmonie avec ce texte, Mme la ministre ayant accepté certains de nos amendements.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

Mme la Ministre - Je veux dire ma satisfaction de voir l'Assemblée avaliser les orientations fondamentales de ma réforme, qui crée les conditions d'un renouveau du secteur public, tout en favorisant le développement de l'audiovisuel dans son ensemble et en améliorant sa régulation. Satisfaction aussi de constater que sur tous les bancs a prévalu un esprit constructif. Je remercie tout d'abord votre rapporteur, M. Mathus, et le président Le Garrec, ainsi que M. Cochet, rapporteur pour avis, et M. Françaix. Je remercie tous les députés de la majorité pour leur soutien sans faille et les améliorations qu'ils ont apportées au texte. On a suggéré que j'aurais imposé quelque discipline. Soyez certains que l'accord politique discuté au sein de la majorité a permis d'améliorer le texte. Tout ceci sans exclusive, Messieurs les députés de l'opposition, car je tiens aussi à remercier ceux d'entre vous qui ont contribué à la qualité du débat. De bonnes questions ont souvent été posées, même si les réponses ne l'étaient pas toujours. Je remercie, enfin, les services de l'Assemblée pour leur disponibilité et leur efficacité.

Ce débat est la première étape d'un processus qui se poursuivra encore plusieurs mois dans les deux assemblées. Avant cette mythique deuxième lecture, il y a le passage au Sénat, dont je compte bien qu'il permette encore de renforcer la réforme. A ceux qui jugent qu'elle manque de souffle, je rappellerai qu'on juge du souffle au terme du marathon ! Et, après le marathon de la préparation du projet, il y a celui de son examen par le Parlement. A cet égard, j'ai opté pour une méthode, que j'ai pu engager avec la majorité plurielle, et que je souhaite mettre en oeuvre avec l'ensemble du Parlement. Le temps parlementaire est important ; il permet d'approfondir la réflexion, de compléter les dispositions prévues. Ce n'est pas la moindre de mes fiertés que ce débat se soit déroulé sans la passion, les admonestations, les effets de manche que l'on avait pu observer d'autres fois ; lorsque j'ai fait mes premières armes de députée sur la loi Léotard, l'ambiance était différente...

Nos discussions augurent bien de la suite ; il nous faudra encore travailler sur différents sujets -régime de la télévision numérique hertzienne, des télévisions régionales et locales, quotas de chansons francophones... Par ailleurs, le Parlement sera bien évidemment tenu informé de l'élaboration de la convention concernant RFO.

Un service public renforcé, une régulation permettant de mieux garantir le pluralisme, des moyens sans précédent mis au service des chaînes publiques sans empêcher le développement des chaînes privées : tels sont les grands axes d'une réforme qui participera de la modernisation de notre société, à laquelle ce gouvernement travaille sans relâche. Je suis heureuse que les parlementaires apportent leur contribution et qu'ils montrent la priorité qu'ils accordent aux contenus, car c'est ainsi que les Français pourront se reconnaître dans leur télévision (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

La séance, suspendue à 18 heures 50, est reprise à 18 heures 55.


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RELATIONS AVEC LES ADMINISTRATIONS

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation - Je dis souvent que la réforme de l'Etat est une oeuvre permanente. En effet l'Etat, pour conserver son rôle de garant de l'égalité et du pacte républicain, doit s'adapter sans cesse aux évolutions de la société.

Je ne doute pas que vous ferez bon accueil à ce projet car, comme le Gouvernement, vous avez le souci que l'administration soit plus facile d'accès, plus rapide dans ses réponses, plus lisible dans son fonctionnement et, surtout, plus respectueuse des droits de ses interlocuteurs.

Ceux-ci furent d'abord appelés les "administrés", plus tard les "usagers". Je vous propose, dès l'intitulé de ce projet, de parler des "citoyens" -mot qui, bien sûr, ne vise pas les seuls ressortissants nationaux mais tous ceux qui, vivant dans notre société, y exercent leurs droits et en acceptent les règles.

Déjà, il existe depuis les années 70 un médiateur ; une loi assure la communication des documents administratifs, une autre la motivation des actes administratifs ; les services de l'Etat ont depuis 1983 l'obligation d'accuser réception, de retransmettre une demande mal dirigée, d'entendre l'usager avant une décision défavorable ; les correspondances sont nominatives depuis 1985. Je veux franchir une nouvelle étape, comme je l'annonçais dès ma communication du 5 novembre 1997.

Pour le citoyen, "l'administration" est constituée de l'ensemble des services publics, qu'ils soient gérés par l'Etat ou les collectivités locales, ou même par des organismes de droit privé. Le caractère multiforme de notre administration lui donne la souplesse nécessaire, mais pour le citoyen, il est source de complexité, de multiplicité des procédures. Une loi est nécessaire pour étendre à tous les services administratifs des règles déjà connues des services de l'Etat.

Un exemple des simplifications que je vous propose : actuellement, les règles relatives à la date d'envoi ne sont pas les mêmes pour le fisc et pour les URSSAF : je souhaite que désormais, le cachet de la poste fasse foi pour tous les services.

Par ailleurs, à l'usage, il s'est avéré que certains textes importants comportaient des lacunes ou que des ajustements étaient devenus nécessaires. C'est le cas, notamment, pour la communication au public de diverses sortes de documents ; le projet y apporte une harmonisation.

Enfin, le rôle intégrateur des services publics tend à s'accroître, particulièrement pour les populations en difficulté. Il faut donc que le parcours du citoyen soit simple, que celui-ci connaisse le devenir de son dossier et reçoive toutes les indications utiles pour résoudre son problème. C'est pourquoi je souhaite encourager la formule des maisons des services publics, regroupant divers services d'usage courant. Elles seront le plus souvent reliées aux bureaux qui gèrent les dossiers par les nouvelles technologies de l'information et de la communication.

Certaines dispositions de ce projet ne seront pas une découverte pour vous : la dernière partie reprend pour l'essentiel celui de mon prédécesseur, M. Dominique Perben, en y apportant toutefois des innovations demandées par certains d'entre vous lors des débats de 1997. Ainsi, les maisons des services publics seront dotées d'un cadre juridique plus fermement ancré dans le droit public.

Une série de dispositions font suite à un rapport du Conseil d'Etat qui a fait ressortir la nécessité de mettre en cohérence les trois lois concernant le droit à communication des documents détenus par les administrations : la loi CADA, la loi CNIL et la loi sur les archives publiques. Quant aux améliorations de la fonction du médiateur, elles résultent de suggestions du médiateur lui-même.

Le I du projet comporte une série de mesures pour rendre l'administration et ses règles plus transparentes et plus accessibles. L'un des moyens en est la codification. Les élus savent combien le code général des collectivités territoriales leur a simplifié l'accès aux textes qu'ils appliquent. Par l'article 3 le Gouvernement propose que le législateur se joigne à lui pour affirmer la volonté de mener à bien cette indispensable clarification du droit. L'adoption des codes a pris du retard, c'est vrai et c'est ce qui a conduit le Sénat à supprimer l'article 3. Votre rapporteur et le Gouvernement vous proposeront une solution plus constructive.

Le titre I traite aussi de l'obligation de mentionner l'agent chargé du dossier et le signataire de la décision dans les courriers ; il y est question aussi de la transparence dans l'utilisation des fonds publics par les organismes en bénéficiant, ce qui répond à une exigence démocratique toujours plus forte.

Le Gouvernement vous proposera quelques amendements nouveaux ayant trait à la fonction publique car sans une mobilisation de ses agents, l'Etat ne peut mener à bien sa réforme en faveur des usagers. Il s'agit, d'une part, de mesures d'application de l'accord salarial conclu en février 1998 avec les syndicats de la fonction publique et, d'autre part, de mesures visant à appliquer aux contractuels une jurisprudence récente du tribunal des conflits, connue sous le nom d'arrêt "Berkani", qui étend aux agents de droit privé travaillant pour un employeur public la qualité d'agent public.

Le texte qui vous est soumis résulte du premier vote du Sénat. J'ai regretté, bien sûr, que les sénateurs aient préféré supprimer certains éléments du projet initial. Mais le Sénat a aussi apporté de nombreuses améliorations, que votre commission des lois vous proposera de voter. Elle a choisi de rétablir des mesures particulièrement importantes à mes yeux, telles que l'accès simple aux règles de droit ou l'affirmation du respect du statut de la fonction publique pour les agents des maisons des services publics par exemple.

Ce texte contribuera à la défense de notre conception du service public, à la modernisation de l'administration française, et ainsi au rayonnement de notre pays, et de son pacte républicain (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

Mme Claudine Ledoux, rapporteur de la commission des lois - Ce projet s'inscrit dans une démarche de réforme de l'Etat, initiée dans les années 70 avec la loi instituant un médiateur de la République. Depuis des textes se sont succédé pour faire de l'usager-administré un citoyen à part entière, doté de prérogatives nouvelles face aux services de l'Etat : lois de 1978 et 1979 sur l'accès aux données publiques, décret et circulaire des années 80 sur la simplification administrative. Pour satisfaire les besoins exprimés par nos concitoyens, les administrations doivent savoir évoluer, se remettre parfois en question. A cet égard, je vous remercie, Monsieur le ministre d'avoir précisé devant le Sénat puis devant nous aujourd'hui ce que vous entendez par le mot "citoyen". Le danger existe toujours que s'impose, dans certaines situations, une acception restrictive de ce terme, qui réserverait aux seuls nationaux les droits nouveaux et en exclurait les étrangers.

La philosophie du projet est conforme à la volonté affichée par le Gouvernement de Lionel Jospin de restaurer le pacte républicain, réconcilier nos concitoyens avec l'Etat, de leur rendre confiance en l'efficacité des services publics, qui doivent aujourd'hui mettre en oeuvre la solidarité nationale et lutter contre les exclusions. La modernisation des administrations ne peut s'opérer qu'avec la participation des agents concernés. Il n'est donc pas question de prendre prétexte de ce projet pour intenter un mauvais procès aux agents de la fonction publique, dont chacun, y compris hors de nos frontières, reconnait le mérite et le dévouement. Nous ne pourrons progresser qu'avec eux sur la voie d'un approfondissement de la démocratie et de l'Etat de droit. Je sais, Monsieur le ministre, que vous oeuvrez dans ce sens en travaillant à une meilleure gestion des ressources humaines dans les administrations.

Ce texte se situe dans le prolongement de celui présenté, naguère, par M. Perben, et participe du même esprit, c'est-à-dire renouer le dialogue entre les usagers et l'autorité administrative au sens large du terme. Le décret Le Pors de 1983 et la circulaire Fabius de 1985 contenaient des dispositions relatives aux seuls services de l'Etat. Un des grands mérites du texte que nous examinons est qu'il concerne, comme M. Perben le proposait, non seulement les administrations et les établissements publics de l'Etat, mais aussi les collectivités territoriales, les organismes de Sécurité sociale et les autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif. Tous devront accuser réception d'une demande, transmettre à l'autorité compétente une demande mal dirigée, recueillir les observations écrites et orales de l'usager avant toute décision défavorable, lever l'anonymat des agents chargés d'instruire un dossier, raccourcir les délais de réponse et de décision. La commission a d'ailleurs souhaité que l'article définissant le champ d'application du projet figure à nouveau en tête du texte, malgré le vote contraire du Sénat.

La portée de ces dispositions est très concrète. Elles visent à rendre les autorités administratives moins impersonnelles, moins lentes, moins complexes, moins cloisonnées. Pour aller dans ce sens, la commission a adopté un amendement qui précise la procédure à suivre par les organismes de Sécurité sociale pour ordonner le reversement des prestations indûment perçues.

Le Gouvernement, pour organiser un meilleur accès aux règles de droit, a voulu encourager la codification, mais le Sénat n'a pas souhaité conserver ces dispositions, considérant qu'elles s'apparentaient à une "injonction à délibérer". La commission a rétabli ces articles car il convient de poursuivre le travail de rassemblement dans des codes thématiques d'environ 8 000 lois et 80 000 règlements. Il en va ici du respect de l'égalité de tous devant le droit. Le projet contient également des dispositions relatives à la transparence administrative et financière. Il facilitera la consultation des documents administratifs grâce à une harmonisation des lois CNIL, CADA et Archives. L'article 5 visant à rendre obligatoire la consultation de la population par le maître de l'ouvrage préalablement à une opération d'aménagement ou d'infrastructure a, quant à lui, été supprimé par le Sénat. La commission des lois ne souhaite pas revenir sur cette suppression, préférant attendre les conclusions de l'étude que le Gouvernement a commandée sur cette question. En revanche, elle s'oppose vivement à l'article 5 bis adopté par le Sénat et qui, en imposant aux associations de protection de l'environnement de consigner une somme d'argent quand elles déposent des recours pour excès de pouvoir, viole manifestement le principe d'égalité devant la justice.

Pour une plus grande transparence financière, le texte élargit les prérogatives de la Cour des comptes et des cours régionales des comptes, mais surtout il rend plus accessibles les comptes des organismes utilisant des fonds publics. Sur ce point, la commission a souhaité modifier l'article 10 pour mettre à la disposition de la population les comptes d'emploi des subventions de ces organismes.

S'agissant du Médiateur de la République, le projet consacre l'existence des délégués départementaux qui, désormais présents sur l'ensemble du territoire, pourront faciliter le traitement et la transmission des réclamations individuelles. Le Sénat a proposé d'élargir la saisine du Médiateur de la République au Médiateur européen et à ses homologues étrangers : nous avons approuvé ce souci d'une meilleure coordination entre les institutions européennes.

Enfin, le projet offre un cadre juridique aux Maisons de services publics. Il précise le contenu de la convention qui leur donne naissance en exigeant la présence d'au moins une personne morale de droit public parmi les participants et la désignation du responsable de la Maison parmi les agents relevant du statut général des fonctionnaires. On ne peut que se réjouir aussi de la mise en place des "points publics" ou des "plates-formes de services publics". Le mérite du texte est de donner une forme juridique homogène à toutes ces expérimentations et donc d'encourager la création de ces structures sur tout le territoire national. Les citoyens n'auront ainsi plus à aller de guichet en guichet, ils pourront être orientés à travers la complexité de l'appareil administratif, informés et souvent rassurés sur le devenir de leur dossier, et plus généralement renseignés sur les procédures à suivre. Pour aller encore un peu plus loin, la commission a suggéré que ces maisons, pour aller à la rencontre des citoyens en milieu rural ou périurbain, puissent le cas échéant adopter la forme de structures itinérantes. Dans le même ordre d'idées, nous avons précisé qu'elles doivent manifester une particulière attention aux personnes éprouvant des difficultés pour se déplacer.

Comme vous le voyez, la commission a tenté d'enrichir ce texte afin de rendre l'administration encore plus proche, plus accessible, de l'inciter à mieux écouter les citoyens. Notre souci constant a été de ne surtout pas dresser ceux-ci contre les agents. Nous en avons pris conscience à mesure qu'avançait notre travail, ce projet est attendue avec une grande impatience par les Français. Je souhaite que le texte qui sortira de notre discussion réponde à leurs espérances ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Franck Dhersin - Ce projet procède d'une réflexion déjà ancienne sur la réforme de l'Etat, c'est-à-dire sur la modernisation de l'action et de l'organisation des pouvoirs publics, en particulier dans leurs rapports avec le citoyen. A partir des années 1970, on a assisté, en ce domaine, à un véritable bouleversement : de puissance souveraine incontestable, l'Etat s'est transformé en autorité protectrice, plus accessible et chargée d'agir au service des citoyens. En termes juridiques, ce fut la victoire de la théorie du service public sur celle de la puissance publique.

Ce fut aussi l'époque où l'administré devient un "usager", qu'il s'agissait donc de satisfaire.

Par la suite, un certain nombre d'initiatives ont été prises pour faciliter le contact entre l'administration et lui, pour rendre cette administration plus transparente et plus ouverte à ses préoccupations : réflexions sur les cercles de qualité ou sur le renouveau du service public, lois édictant les droits de l'homme dits de la troisième génération, c'est-à-dire droit d'accès aux documents administratifs, motivation des décisions défavorables... Parallèlement, l'Etat se déconcentre et se décentralise.

Le présent projet s'inscrit clairement, je le répète, dans ce mouvement. Ne reprend-il pas, d'ailleurs, pour près de la moitié de ses dispositions, le projet de loi qui avait été adopté par l'Assemblée mais donc l'examen n'avait pu être mené à son terme ? Cette constance à travers les majorités successives justifie en tout cas de notre part une appréciation plutôt positive.

Ce texte, que le Gouvernement a mis beaucoup de temps à inscrire à notre ordre du jour, est assez technique et comporte des dispositions disparates. Sur cinq titres, seul le premier est nouveau, les autres reprenant plus ou moins le projet Perben. Ainsi en va-t-il de l'obligation faite aux administrations d'accuser réception des demandes ou de les transmettre au service compétent, de la réduction du délai au bout duquel le silence de l'administration vaut rejet de la demande et de la multiplication des cas dans lesquels ce silence vaudra acceptation. Mais prenons conscience que ces modifications impliquent une accélération du traitement des dossiers...

Les dispositions qui consacrent l'existence des délégués du médiateur et étendent le champ de compétences de ce dernier sont les bienvenues, car le travail effectué par cette autorité administrative indépendante au bénéfice de nos concitoyens est considérable.

De même, le projet consacre les maisons de services publics, lancées sous forme expérimentale par M. Perben et qui peuvent être garantes de la continuité du service public efficace, pourvu qu'on assure des modalités de développement adéquates et, en particulier, qu'on évite un transfert de charges non maîtrisé vers les collectivités locales.

Parmi les dispositions novatrices que nous approuvons, figure la levée de l'anonymat dans les administrations, justement étendue par le Sénat à tous les services publics. La mesure apparaît aujourd'hui élémentaire : pourtant, quel bouleversement ! Ayant un interlocuteur identifié, l'usager ne sera plus "trimbalé" de service en service, et une relation de confiance pourra s'instaurer.

Nous regrettons toutefois que la majorité ait refusé de retenir les améliorations apportées par le Sénat, revenant à la rédaction initiale, au mépris parfois d'un certain bon sens. Ainsi, c'est à raison que le Sénat avait supprimé l'obligation d'organiser un accès simple aux règles de droit ou invitant à la codification, non que le principe en soit contestable, mais parce qu'elles n'avaient aucune valeur normative.

La réforme de l'Etat commence par une simplification des normes qu'il édicte. En maintenant ces dispositions, vous allez contre cette exigence.

La majorité a également ignoré les arguments qui militaient pour un encadrement des procédures de contestation lancées par les associations de défense de l'environnement. Ces associations sont nécessaires mais la multiplication des recours, dénués parfois de toute relation avec l'intérêt général, peuvent brider l'action légitime de la puissance publique. C'est pourquoi nous regrettons que la commission ait supprimé l'obligation faite à ces associations de consigner une somme d'argent lorsqu'elles déposent un recours pour excès de pouvoir. Nous soutiendrons quant à nous le maintien de cette disposition, et présenterons un amendement pour que seules les associations agréées puissent intenter des recours contre les permis de construire, ce afin d'éviter la confusion entre les associations réellement soucieuses de l'environnement, et celles qui n'ont pour but que de défendre des intérêts individuels. Nous souhaitons qu'à cette occasion un débat s'engage sur le problème des abus de procédure en matière d'urbanisme.

Nous approuvons donc, une à une, les principales mesures techniques de ce projet mais nous regrettons qu'on ait laissé entièrement de côté l'immense chantier de la modernisation et de la réforme de l'Etat. Nous ne sentons aucune ambition du Gouvernement dans ce domaine, Monsieur le ministre, malgré votre communication du 5 novembre 1997 en conseil des ministres. Que s'est-il passé depuis la suppression du Commissariat à la réforme de l'Etat, remplacé par une délégation interministérielle ? Quels sont vos projets pour rebâtir l'Etat et donner une nouvelle dynamique à notre société bloquée par les conservatismes ? Les rigidités de notre société reflètent la crise de l'Etat dont les défaillances alimentent elles-mêmes une crise politique, ce qui se comprend dans la mesure où l'identité française s'est forgée autour de lui. Favoriser les initiatives, c'est commencer par libérer la machine étatique, rendre à l'Etat toute son efficacité en lui rendant sa place. L'Etat dépense trop et mal, pour une efficacité douteuse. Y remédier dans les domaines où nos concitoyens en ont le plus besoin, comme la sécurité et la justice, suppose de laisser une marge de manoeuvre aux décideurs. Nous prônons donc une nouvelle méthode, un "reengineering" de l'Etat fondé sur le principe de l'efficacité : quand l'Etat ne sait pas faire, laissons l'entreprise et le citoyen faire à sa place ! Nous ne sommes pas contre un Etat fort, mais nous sommes opposés à un Etat omniprésent. Dans une société moderne, l'action administrative ne peut être uniforme. Faisons davantage confiance aux citoyens, aux associations, aux collectivités locales, mettons en place dans chaque service assuré par l'Etat une logique d'efficacité et de satisfaction de l'usager, de récompense au mérite et à l'innovation, recourons à des méthodes d'évaluation contradictoire des actions publiques. Les Anglais ont expérimenté avec succès les chartes d'usagers, négociées avec ces derniers, et avec les agents.

La réforme de l'Etat ne peut se faire contre les fonctionnaires. Nous ne leur faisons pas un procès : nous leur offrons un projet de modernisation, de valorisation de leur fonction. Ne nous y trompons pas : si cette réforme de grande ampleur peut être reculée, elle reste urgente et nécessité du temps et de la méthode.

Le projet améliorera sans doute ponctuellement les relations entre citoyens et administrations. Il dénote simplement le peu d'ambition du Gouvernement. C'est pourquoi le groupe DL s'abstiendra (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 30.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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