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Session ordinaire de 1999-2000 - 5ème jour de séance, 11ème séance

2ÈME SÉANCE DU MARDI 12 OCTOBRE 1999

PRÉSIDENCE DE M. Laurent FABIUS

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

CROISSANCE ET FISCALITÉ 2

TVA SUR LA RESTAURATION 2

EXCEPTION CULTURELLE 3

LES 35 HEURES À EDF 3

FINANCEMENT DES ALLÉGEMENTS DE CHARGES SOCIALES LIÉS AUX 35 HEURES 4

DÉGRADATION DE L'ENSEIGNEMENT PUBLIC 4

INSÉCURITÉ 5

NÉGOCIATIONS DE L'OMC 6

NÉGOCIATIONS DE L'OMC 8

DC10 D'UTA 8

POLITIQUE HOSPITALIÈRE EN GUADELOUPE 9

TVA DANS LA RESTAURATION 10

TRANSPORTS AÉRIENS 11

PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ

(lecture définitive) 12

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 15

QUESTION PRÉALABLE 20

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 34

La séance est ouverte à quinze heures.

    QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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CROISSANCE ET FISCALITÉ

M. Renaud Donnedieu de Vabres - La croissance internationale profite à la France. Elle doit profiter aux Français, à l'emploi, aux rémunérations. Ce n'est pas le cas contrairement à ce que vous claironnez prématurément.

La croissance apporte des recettes fiscales supplémentaires que vous sous-estimez volontairement.

Le taux des prélèvements obligatoires continue à augmenter à cause de votre politique. Quand allez-vous utiliser les recettes dues à la croissance pour baisser les charges, l'impôt sur le revenu et pour diminuer le déficit afin que la France ne soit pas le mouton noir de l'Europe ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Les recettes fiscales de 1999 devraient en effet être révisées à la hausse de 11,2 milliards, essentiellement grâce aux impôts directs -18 milliards de plus pour l'impôt sur les sociétés, plus de 4 milliards supplémentaires pour l'impôt sur le revenu- grâce à la bonne conjoncture et à la consommation. En revanche les impôts indirects, qui reflètent la conjoncture de l'année précédente, devraient baisser en raison du «trou d'air» du début d'année. Le produit de la TVA baissera légèrement, celui des droits d'enregistrement de plus de 4 milliards.

Les plus-values enregistrées en 1999 seront rendues, largement (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR) aux contribuables français par l'application anticipée dès le 15 septembre 1999 des mesures fiscales prévues pour 2000 : baisse de la TVA sur les logements -soit un allégement de 5 milliards dès 1999-, baisse des droits de mutation sur les fonds de commerce, baisse des frais de notaire sur les locaux d'habitation, qui donnera lieu à compensation aux collectivités locales, par voie budgétaire. Le Gouvernement continue à profiter de la croissance pour alléger le poids de l'impôt (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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TVA SUR LA RESTAURATION

M. Arthur Paecht - La restauration est un grand secteur d'emploi. Monsieur le ministre de l'économie, vous avez pris des engagements auprès de la profession mais vous n'avez toujours pas répondu à ses attentes. L'inégalité entre la restauration qui supporte une TVA à 20,6 % et la vente à emporter taxée à 5,5 % est choquante. La baisse de TVA, comme toute baisse de charges, créerait des emplois nouveaux. Dites-nous très clairement ce que vous allez faire pour mettre un terme à cette inégalité (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Le Gouvernement poursuit sa baisse de charges en faveur de l'emploi (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). Dans les industries de main-d'_uvre en particulier, il lie cette baisse à l'aménagement et la réduction du temps de travail. Cette baisse peut atteindre 21 000 F par emploi et par an.

S'agissant de la TVA, notre priorité est de diminuer celle qui pèse sur le logement et la France a agi pour que le projet de directive européenne aille dans ce sens. Mais la réticence de certains Etats a empêché d'aller au-delà. En l'état du droit communautaire, il n'est pas possible de baisser la TVA sur la restauration. Si l'Espagne, la Grèce, l'Italie et le Luxembourg appliquent un taux très réduit, c'est que ces pays ont pu maintenir la situation existant en 1991, lorsque fut élaborée la sixième directive.

En France cependant, le taux réduit existe pour la vente à emporter de hamburgers dans certaines conditions d'exploitation.

Il n'est pas prévu d'aller au-delà des priorités choisies en faveur de l'emploi et du logement.

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EXCEPTION CULTURELLE

M. Yves Cochet - Hier à Luxembourg les Européens n'ont pu se mettre d'accord sur la défense de la diversité culturelle. Or sans clause d'exception culturelle dans l'OMC, la puissance américaine risque de déferler sur l'Europe. On le voit au cinéma, autour du film Starwars -Madame la ministre, la force est-elle avec vous ? Dans le secteur de l'édition et de l'art, le copyright à l'américaine risque de remplacer les droits d'auteur.

Quelle fut la position de la France hier ? Sur quels points les négociations ont-elles buté, et comment comptez-vous convaincre nos partenaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV)

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication - La position de la France est claire, le Premier ministre, M. Moscovici, M. Huwart l'ont exprimée également. Les biens culturels ne sont pas de simples marchandises et la discipline de l'OMC ne peut leur être appliquée.

L'Union européenne va négocier au nom de tous les Etats membres dans le prochain cycle de l'OMC. Le Gouvernement veillera avec la plus grande détermination à ce qu'elle fasse admettre l'intérêt de protéger et de développer la diversité culturelle dans le monde, de préserver les accords de Marrakech de 1994 qui laissent la culture et l'audiovisuel en dehors des négociations commerciales et celui de préserver la capacité de l'Europe à définir et à mettre en _uvre les instruments de la politique culturelle, comme le programme « Culture 2000 » ou le programme « Médias ».

Depuis plusieurs mois je multiplie les contacts avec mes collègues pour les convaincre du bien fondé de notre position et des résultats que nous avons obtenus, notamment dans le cinéma. Je rencontre un écho de plus en plus favorable. Jeudi prochain, François Huwart et moi-même réunissons les professionnels afin qu'ils se mobilisent à nos côtés. Le 2 novembre une conférence, qui réunira à l'UNESCO les ministre de la culture, sera présidée par ma collègue canadienne et par moi-même. Ce sera l'occasion de réaffirmer notre attachement à la diversité culturelle (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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LES 35 HEURES À EDF

M. Jacques Desallangre - L'accord sur les 35 heures à EDF-GDF doit entraîner 18 000 à 20 000 embauches, alors qu'auparavant l'entreprise supprimait 2 000 emplois par an. Le passage aux 35 heures ou aux 32 heures permettra donc de créer à terme de 3 000 à 5 000 emplois. C'est pourquoi toutes les organisations syndicales l'ont signé malgré les sacrifices consentis par les salariés sur les rémunérations et la flexibilité. Mais la décentralisation de la négociation pour mettre en _uvre localement l'accord-cadre semble entraîner de fortes disparités. Ce semble être le cas dans l'Aisne pour le non-paiement des heures supplémentaires. Pouvez-vous présenter un bilan de la mise en _uvre de cet accord avec son coût et ses avantages ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV)

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - L'accord conclu par EDF et 5 organisations syndicales porte à la fois sur la réduction du temps de travail et sur la modernisation de l'entreprise. Il participe à la lutte contre le chômage et l'exclusion. Avec 18 000 à 20 000 embauches, on devrait parvenir dans les trois ans à créer 3 000 à 5 000 emplois nets malgré les départs en retraite et la diminution de 3 % du volume d'heures travaillées. La mise en place passe par la signature d'accords locaux

dans les 201 unités EDF-GDF. Le bilan d'étape est plus que satisfaisant puisqu'au 30 septembre, 184 accords étaient déjà signés. Depuis le 1er octobre, qu'un accord local ait ou non été signé, l'ensemble des personnels de ces 201 unités est effectivement à 35 heures par semaine. Il est par ailleurs à noter que la quasi-totalité des accords locaux déjà signés prévoient l'application d'horaires collectifs à 32 heures par semaine. Un premier point sera fait, fin octobre, sur l'importance du recours à ces horaires à temps partiel et leurs effets sur l'embauche. Un groupe de suivi a été constitué avec les organisations syndicales et je ferai régulièrement le point sur cet important dossier.

Je peux d'ores et déjà dire que l'accord EDF-GDF est un accord exemplaire d'aménagement-réduction du temps de travail (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

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FINANCEMENT DES ALLÉGEMENTS DE CHARGES SOCIALES LIÉS AUX 35 HEURES

      M. Philippe Auberger - L'article 2 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour l'an 2000 portera création d'un fonds destiné à financer les allégements de charges sociales liés aux 35 heures. Si certaines recettes ont bien été prévues, il en reste tout de même 25 milliards à trouver -voire, à terme, 40- à prélever on ne sait exactement où -organismes de sécurité sociale, UNEDIC ou autres. Monsieur le Premier ministre, vous paraît-il normal que l'Assemblée nationale ait à se prononcer sur la création d'un fonds sans savoir comment il sera alimenté ? On nous dit que toutes précisions seront apportées au cours du débat, par voie d'amendements, mais de telles questions relèvent-elles vraiment de l'amendement ? S'il s'agit de prendre des ressources à des organismes paritaires, le Parlement ne doit-il pas se prononcer préalablement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Nous discutons actuellement d'un projet de loi sur la réduction du temps de travail, auquel nous avons associé une réforme des charges sociales. Nous avons voulu lier les deux réformes, bien que la baisse des charges sociales ne compense qu'à hauteur de 40 milliards le coût de la RTT. Mais nous voulions que la baisse des charges ait une contrepartie. Un accord sur les 35 heures, permettant de créer ou de préserver des emplois, nous paraît être cette contrepartie.

Il nous faut donc 65 milliards. 40 viennent de la ristourne dégressive qui existe déjà, 25 de deux taxes, l'une sur les bénéfices des entreprises réalisant plus de 50 millions de chiffre d'affaire (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR), l'autre sur les activités polluantes (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Pour les 40 autres milliards qui seront nécessaires quand toutes les entreprises seront passées à 35 heures, nous avions pensé faire contribuer ceux qui bénéficieront des créations d'emplois, à savoir l'Etat, la Sécurité sociale et l'UNEDIC. Nous avons d'ailleurs à cet effet prévu 5,6 milliards dans les comptes de la Sécurité sociale et 4,3 milliards dans le budget de mon ministère. Les quelque 7 milliards

que nous envisagions de demander à l'UNEDIC font aujourd'hui l'objet d'une contestation. Le Président de la République a rappelé l'autre jour combien nous étions tous attachés à la gestion paritaire... (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR)

Je vois que nous sommes d'accord ! C'est précisément parce que nous tenons à cette gestion paritaire que nous poursuivons la discussion avec les partenaires sociaux et que toutes précisions n'ont pas encore été apportées à ce jour quant au financement du fonds. Reste que le Conseil d'Etat a validé les principes que nous avons posés. Et je pense que nous parviendrons à un accord avec les partenaires sociaux avant le début de la discussion du PLFSS (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

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DÉGRADATION DE L'ENSEIGNEMENT PUBLIC

M. François Guillaume - Monsieur le ministre de l'éducation nationale, votre troisième rentrée scolaire s'est passée à peu près comme les deux précédentes : les lycéens étaient à nouveau dans la rue pour réclamer des professeurs et des classes moins chargées, tandis qu'en milieu rural les élus de gauche comme de droite déploraient de nouvelles fermetures d'écoles -puisqu'hélas vous avez mis fin au moratoire décidé en 1993 par M. Balladur (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

Pourtant, grâce à un budget en constante progression, vous avez recruté quantité d'enseignants supplémentaires, quadruplé en trois ans le nombre de professeurs contractuels et, sous forme d'emplois jeunes, fait appel à 40 000 éducateurs (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Avec de tels moyens, et compte tenu de la baisse des effectifs scolaires, comment expliquer que l'insatisfaction soit aussi générale et que la dégradation de l'enseignement soit aussi dramatique ? Vous tentez certes de la dissimuler en interdisant le redoublement, en distribuant le baccalauréat au plus grand nombre (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), en pratiquant un consumérisme scolaire fondé sur des gadgets informatiques alors que le «lire, écrire, compter» n'est pas maîtrisé, que l'illettrisme progresse, que les enseignants sont confrontés à l'insécurité et que l'école publique est au plus mal. C'est si vrai que certains ministres de gauche préfèrent confier leurs enfants à l'école privée ! (Exclamations sur divers bancs)

Parmi les dysfonctionnements de votre ministère, il y a cette incapacité chronique à répartir les personnels en fonction des besoins. Le temps n'est-il donc pas venu de déconcentrer les décisions, c'est-à-dire de confier aux départements la gestion des effectifs enseignants des collèges et du primaire, et aux régions celle du corps professoral des lycées ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe du RPR)

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie - Je le dis d'entrée de jeu : je ne laisserai pas dépouiller l'école de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV). Quand vous multipliez les critiques à son encontre et proposez pour finir une semi-privatisation, je ne suis pas d'accord.

Par contre, nous menons à bien la

déconcentration du mouvement, amorcée il y a quelques années par Lionel Jospin.

Des problèmes de remplacement ont pu se poser ici ou là mais, à la rentrée, tous les postes étaient pourvus.

Quant aux écoles rurales, Mme Royal et moi y portons une grande attention, en essayant de gérer les choses avec le maximum d'humanité mais aussi avec une rigueur que j'aurais aimé voir pratiquer dans le passé (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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INSÉCURITÉ

Mme Françoise de Panafieu - Monsieur le ministre de l'intérieur, samedi et dimanche derniers, les habitants du 18ème arrondissement de Paris ont crié leur colère face au trafic de drogue et un maire de Seine-et-Marne a proposé à ses administrés d'installer un système de vidéosurveillance. La conjonction de ces deux faits montre que les Français en ont assez que leur droit à la sécurité soit constamment bafoué (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR). Ils veulent pouvoir emmener leurs enfants à l'école et rentrer chez eux sans crainte.

Vous nous dites que la délinquance a baissé au niveau national, mais alors pourquoi ne pas publier les chiffres mois par mois ? Tout simplement parce qu'ils montrent une inversion de tendance depuis 1998.

En Ile-de-France, les vols avec violence ont crû de 30 % dans les huit premiers mois de 1999, dans cette même Ile-de-France où les agents de transports subissent régulièrement outrages et violence et où des bandes de jeunes mineurs délinquants multiplient les forfaits dans une quasi-impunité.

Vous faites état d'un grand programme de police de proximité. Mais nous jugeons aux résultats !

Alors que plusieurs villes étrangères pratiquent la tolérance zéro, nous demandons moins de discours, moins de colloques et plus d'action. Quand aurons-nous donc enfin une politique visant à plus de sécurité dans nos villes et dans nos campagnes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Les statistiques au mois le mois sont certes intéressantes mais celles sur la longue durée le sont davantage. Si l'on prend l'année 1980 comme base 100 pour le nombre de personnes mises en cause à Paris, on arrive à 121 en 1990 et aujourd'hui à 93 (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF). Je comprends bien l'exaspération des populations face à la délinquance, et en particulier face à la toxicomanie, encore que dans ce dernier domaine il faille combiner le souci de la norme, et donc de la répression, avec celui de la santé, avec l'injonction thérapeutique -ce qui n'est pas si facile que vous semblez le penser.

Vous citez un référendum sur la vidéosurveillance dans une commune de Seine-et-Marne : je rappelle qu'il a donné 94 % de non. C'est dire que ces problèmes doivent être abordés dans un autre esprit que celui que vous manifestez, sans angélisme, mais sans catastrophisme. Le nombre des délits enregistré à Paris a en effet légèrement augmenté d'une année sur l'autre. C'est l'effet d'une augmentation de 40 % des vols avec violence, due essentiellement aux vols de portables (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

En outre l'ouverture de trente-six commissariats de jour et de nuit, au lieu d'une vingtaine, a permis que soient enregistrées certaines plaintes, le plus souvent sur des faits mineurs, qui autrement ne l'auraient pas été.

Considérons, enfin, l'évolution de la délinquance sur les neuf premiers mois de l'année : plus 1,42 % pour les zones de sécurité publique, mais moins 2,33 % pour la délinquance de voie publique. Il faut savoir garder la mesure sur ces problèmes : ils sont trop sérieux pour qu'on cherche à en tirer un parti politicien (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF).

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NÉGOCIATIONS DE L'OMC

M. Alain Bocquet - Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, et concerne les négociations de l'OMC qui vont s'ouvrir à Seattle. Les relations commerciales dans le monde sont à revoir en profondeur dans l'intérêt des peuples. C'est évident, à l'heure où les écarts de développement ne cessent de se creuser entre Nord et Sud, cependant que le FMI dicte sa loi financière aux pays en difficulté pour mieux les livrer aux multinationales. Les derniers accords du GATT ont confirmé la position dominante des Etats-Unis concernant l'arme alimentaire. La vente d'OGM primera-t-elle demain le droit à la santé ? Dans les prochaines négociations l'agriculture, la propriété intellectuelle, l'investissement, les services sont visés. A travers le système des brevets il existe un risque de voir spolier de leurs ressources naturelles les pays en développement. Sait-on qu'aux Etats-Unis -qui restent les champions des subventions à la production et des droits de douane- une entreprise a déposé un brevet sur le riz Basmati ? Les pays pauvres risquent de devoir payer des droits sur des produits qu'ils cultivent traditionnellement depuis des siècles ! La spécificité des identités nationales ne doit pas être écrasée en vertu de l'axiome selon lequel tout serait marchandise. Pour les députés communistes, des questions comme l'éducation, l'énergie, les transports doivent être mises hors négociation, et l'exception culturelle reconnue dans l'acception la plus large. Nous sommes pour un développement des échanges où les pays du Sud soient des partenaires actifs, ce qui favoriserait l'activité chez eux, en France et en Europe.

La récente réunion des Quinze à Luxembourg pour préparer la négociation a échoué sur la culture et l'audiovisuel, comme sur les normes sociales. D'où notre inquiétude. La France doit affirmer sa détermination en refusant un monde uniforme et unipolaire. Elle doit dire sa volonté de transformer une logique ultra-libérale de guerre économique en outil de coopération. En particulier toutes les entreprises privées doivent respecter les clauses sociales dans les échanges. Nous nous félicitons qu'un débat ait lieu au Parlement. Il devra permettre de préciser les enjeux et renforcer la position des négociateurs français. Quelle est l'attitude du Gouvernement devant ces négociations ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, sur plusieurs bancs du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe socialiste)

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Nous engageons en effet à Seattle, à partir du début décembre, une nouvelle phase de négociations commerciales multilatérales. Pour nous ce cycle doit être l'occasion de mieux maîtriser ce qu'on appelle la mondialisation. Nous sommes favorables à la libéralisation des échanges, mais nous voulons qu'elle s'accompagne d'un renforcement des règles du commerce international. Dans ce but, et pour éviter la tentation de l'unilatéralisme -c'est-à-dire la loi du plus fort- et prendre en compte les préoccupations particulières des pays en développement, nous souhaitons voir renforcer le rôle de l'OMC comme cadre international où les nations sont à égalité (M. Alain Madelin applaudit).

L'accord signé le 15 avril 1994 à Marrakech, à l'issue du précédent cycle de négociations, a prévu que les discussions se poursuivraient sur l'agriculture et les services. Avec nos partenaires européens, nous avons souhaité en élargir le périmètre à d'autres préoccupations. C'est, d'abord, la mise en _uvre par le système commercial international des normes sociales définies par l'Organisation internationale du travail. C'est, ensuite, une meilleure prise en compte du principe de précaution pour la sécurité sanitaire et alimentaire. C'est, enfin, la protection de l'environnement. Par ailleurs, nous souhaitons une régulation plus forte, notamment dans les domaines de la concurrence, de l'investissement et des marchés publics.

Cette nouvelle négociation, nous la voulons transparente et respectueuse des préoccupations de nos concitoyens. Le Gouvernement a engagé depuis plus de six mois des concertations avec les syndicats, les associations et les ONG. Il veille à tenir le Parlement étroitement informé de la préparation de ces négociations.

M. Jean Ueberschlag - Première nouvelle !

M. le Premier ministre - C'est alors, Monsieur le député, que vous étiez absent de votre banc le 23 juin, quand le premier débat à ce sujet a eu lieu, sur notre proposition, dans cet hémicycle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Et j'ai pris l'engagement d'organiser une nouvelle discussion d'ici le 26 octobre, donc avant l'ouverture de la conférence de Seattle (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe RCV). A cet égard, je souligne que la résolution adoptée grâce à votre commission de la production et des échanges, sur le rapport de Mme Béatrice Marre, sera un utile point d'appui pour l'action du Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Hier soir à Luxembourg, M. Huwart et M. Moscovici, qui siégeaient au banc de la délégation française, ont plaidé devant le conseil des affaires générales de l'Union pour que cette approche soit mieux prise en compte par nos partenaires. Nous avons su trouver avec eux un large accord sur l'essentiel de nos préoccupations, y compris l'agriculture : pour celle-ci la position européenne s'appuiera sur la préservation de notre politique agricole commune. La réforme de la PAC, telle qu'elle a été décidée à Berlin, traduit la volonté de préserver le caractère multifonctionnel de notre agriculture et son rôle déterminant pour l'aménagement du territoire et l'environnement. Dans ce domaine, en outre, nous proposons à l'Union européenne d'adopter une attitude offensive pour élargir les règles de l'OMC aux pratiques commerciales critiquables d'autres pays producteurs.

M. Jean Ueberschlag - C'est du boniment...

M. le Premier ministre - Le direz-vous encore quand vous saurez que cette position a été approuvée par le Président de la République ? (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Cependant, dans la préparation de ce mandat de négociation, deux problèmes majeurs subsistent. Le premier est celui de l'exception culturelle. Ici nous voulons faire partager à nos partenaires européens cette idée que la culture ne peut être traitée comme une marchandise (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV, du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe UDF et du groupe du DL). Nous voulons donc que l'Union européenne se donne un mandat qui reconnaisse à nouveau la spécificité du secteur culturel, comme on l'avait admis à Marrakech. Et nous veillerons fermement à ce que l'Union et la France puissent continuer à définir et à mettre en _uvre librement des politiques de la culture et de l'audiovisuel. La France restera inflexible sur la protection de la diversité culturelle, je vous en donne l'assurance (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Le deuxième problème concerne les normes sociales. Le gouvernement français souhaite que ce cycle de négociations permette une coopération accrue entre l'OMC et l'OIT et que soient trouvés des cadres institutionnels permettant que soient partout respectées les normes fondamentales définies par l'OIT. Je crois pouvoir dire que, grâce au travail accompli par les ministres en charge de ces dossiers, nos partenaires européens comprennent mieux aujourd'hui nos préoccupations.

Je saisis, enfin, l'occasion de cette question pour dire que je ne pourrai être présent demain pour les questions d'actualité : le sénateur Jean Puech, président de l'Association des départements français, m'a convié à son congrès. Veuillez accepter mes excuses par avance (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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NÉGOCIATIONS DE L'OMC

Mme Béatrice Marre - Le conseil des affaires générales de l'Union européenne, réuni hier à Luxembourg, n'a pas permis d'aboutir à un texte ayant valeur de mandat de négociation pour l'OMC.

Or la réorientation de cette dernière vers une régulation des échanges qui prenne en compte leurs dimensions commerciale et financière, certes, mais aussi sociale, culturelle et environnementale, exige que l'UE soit capable de rassembler le plus grand nombre de partenaires. Son rôle sera d'autant plus déterminant qu'elle sera elle-même unie autour d'un mandat de négociation clair. Une position commune des Quinze dès hier aurait donc été une bonne chose. Mais nous devons nous féliciter de la fermeté avec laquelle la délégation française a défendu deux positions, adoptées le 6 octobre dans cet hémicycle à travers notre commission de la production : la priorité donnée au principe de la diversité culturelle, l'introduction dans le cycle de négociations de Seattle d'un travail conjoint et permanent entre l'OIT et l'OMC.

Les débats du conseil d'hier ont exprimé à la fois une volonté forte de parvenir à une position commune, et un accord de l'ensemble des Quinze sur le reste du mandat. La France a reçu des soutiens importants, en particulier celui de l'Allemagne.

De quelle manière l'Union européenne peut-elle trouver avant la conférence de Seattle l'unité nécessaire pour y promouvoir le développement durable dans tous les pays, dans le respect des droits de l'homme et de leur diversité culturelle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur - Comme je l'ai dit ici la semaine dernière, M. Moscovici et moi nous sommes rendus hier à Luxembourg pour défendre la position française sur l'orientation à donner à la commission pour la négociation de Seattle.

Nous ne sommes pas parvenus à un accord malgré un consensus sur de nombreux points, en particulier celui de la régulation à laquelle la France est particulièrement attachée. Les ministres de l'agriculture ont adopté à l'unanimité des objectifs qui reprennent les préoccupations françaises sur la multifonctionnalité et la sécurité alimentaire.

Ont fait obstacle à un accord final la question de la diversité culturelle et celle des normes sociales. Nous avons une exigence essentielle dans le domaine culturel et audiovisuel, que vous avez bien souligné dans votre rapport : préserver pour l'Union européenne et ses Etats membres la capacité de déterminer librement les instruments de leur politique culturelle et audiovisuelle, dans la continuité des acquis de la précédente négociation. Sur cet objectif

prioritaire, certains de nos partenaires, comme l'Allemagne, nous soutiennent. Mais d'autres pays expriment encore des réticences, et nous continuons notre travail de conviction. De même, sur les normes sociales nous sommes plus ambitieux que certains Etats membres, et nos conceptions sont partagées par les Allemands et d'autres en Europe. Aujourd'hui, rien n'est fermé. Nous allons poursuivre les négociations afin de dégager des orientations claires sur la réunion de Seattle.

Nous avons des intérêts offensifs dans beaucoup de secteurs. Mais ce ne peut être en sacrifiant d'autres intérêts, et au détriment du nécessaire équilibre entre les besoins du commerce et des valeurs humaines supérieures (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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DC10 D'UTA

M. Alain Veyret - Le 19 septembre dernier a eu lieu aux Invalides une cérémonie à la mémoire des 170 victimes de l'attentat contre le DC 10 d'UTA de septembre 1989. La justice française a conduit une instruction de 10 ans. Un procès par contumace a débouché en mars dernier sur la condamnation de six accusés à la réclusion criminelle à perpétuité. Hormis le versement par la Libye de 208 millions en guise d'indemnité, rien ne permet de penser que les criminels effectueront leur peine. Les Etats-Unis comme la France ne sont liés par aucune convention d'extradition avec la Libye, mais le procès de l'attentat de Lockerbie se déroulera en janvier prochain aux Pays-Bas en présence de deux suspects déjà livrés par la Libye.

Nulle somme d'argent ne saurait racheter des dizaines de vies brisées, ni compenser la souffrance des familles, d'autant plus forte que les assassins vivent libres et sans remords.

Lors de l'inauguration du mémorial dédié aux victimes du terrorisme, M. le Premier ministre évoquait la révulsion de chacun de nous face au terrorisme et l'insulte à la conscience humaine que constituent ces actes barbares. Il rappelait ainsi la responsabilité de l'Etat pour châtier les terroristes.

Au nom de la conscience humaine, de cette responsabilité de l'Etat et au nom des victimes, je vous demande comment obtenir que justice soit rendue dans cette affaire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe UDF et du groupe du DL).

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - La France est déterminée à ce que les engagements pris par le colonel Kadhafi en mars 1996 auprès du Président de la République soient entièrement appliqués.

Parce que la procédure par contumace n'existe pas dans le droit anglo-saxon, les britanniques et les Américains ont retenu la solution d'un jugement dans un pays tiers. En France, la procédure par contumace a conduit à une condamnation des six coupables à la réclusion criminelle à perpétuité. Les indemnisations ont été versées, qui étaient indispensables même si elles sont peu de chose par rapport aux souffrances endurées. Nous emploierons tous les moyens de droit international pour faire exécuter les condamnations pénales. Nous avons transmis par Interpol des mandats d'arrêt aux 143 pays qui en sont membres.

Enfin, suite aux procédures relatives aux attentats, la Lockerbie comme du DC10 d'UTA, c'est le Conseil de sécurité unanime qui a décidé de suspendre les sanctions frappant la Libye.

Nous sommes particulièrement vigilants face au terrorisme. C'est la France qui a pris à l'ONU l'initiative d'élaborer une convention pour la répression du financement du terrorisme. Après la dernière assemblée générale, un texte va pouvoir être adopté (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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POLITIQUE HOSPITALIÈRE EN GUADELOUPE

M. Daniel Marsin - Depuis deux ans, le Gouvernement mène une action volontariste pour améliorer le dispositif de santé à la Guadeloupe. Mais les retards sont considérables, comme en témoigne un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales.

Dans quelques jours, l'Assemblée examinera le projet de financement de la Sécurité sociale pour 2000. Je souhaite vivement que la dotation hospitalière affectée à la Guadeloupe continue de connaître une augmentation supérieure à la moyenne nationale.

La recomposition de l'offre de soins doit s'articuler principalement sur le CHU de Pointe-à-Pitre-Les Abymes, qui a connu une forte agitation en 1998. Depuis, les conclusions de plusieurs missions et les engagements du Gouvernement ont suscité une grande espérance. Pouvez-vous confirmer que l'effort de dotation hospitalière pour les Antilles sera poursuivi l'an prochain ?

Comptez-vous prendre les mesures nécessaires pour que notre CHU puisse garantir à la population guadeloupéenne les soins de qualité auxquels elle a droit ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Depuis trois ans, la dotation hospitalière pour les Antilles a progressé de 12 %, contre 5 % pour la métropole. Les hôpitaux publics ont bénéficié d'une modernisation des services de psychiatrie, selon un plan doté de 68 millions, d'un renforcement des effectifs non médicaux et d'aides importantes à l'investissement, à hauteur de 160 millions. La première pierre du centre hospitalier de Saint-Martin, ainsi rénové, sera posée à la fin de l'année.

Des crédits nationaux importants ont en outre été mobilisés pour lutter contre les infections nosocomiales, contre le sida et pour développer les soins palliatifs.

Pour l'an 2000, les Antilles bénéficieront d'une attention particulière et d'une enveloppe proportionnellement supérieure à celle de la métropole.

Une mission a été envoyée au CHU de Pointe-à-Pitre en vue de mesures d'urgence. L'Inspection générale des affaires sociales nous a rapporté un constat inquiétant. Aussi allons-nous mettre en place un programme de redressement pluriannuel, avec l'autorisation d'un emprunt de 160 millions couvert par une dotation exceptionnelle. Nous allons au total consacrer 20 millions à la rénovation de ce CHU.

Cet effort exceptionnel est justifié par le souhait de la communauté hospitalière de la Guadeloupe d'en finir avec des pratiques qui ne respectent pas les exigences de qualité et de sécurité des soins. La communauté hospitalière devra de son côté s'engager totalement pour sortir des errements anciens (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Ainsi, la population de la Guadeloupe bénéficiera des soins de qualité qu'elle mérite (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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TVA DANS LA RESTAURATION

M. Yves Nicolin - Monsieur le Premier ministre, la restauration française est en colère (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). Or c'est une réponse policière que vous lui adressez.

Le 13 octobre 1998, votre ministre de l'économie s'est engagé, devant la représentation nationale, à réduire le taux de TVA applicable à ce secteur : «Je vais essayer de faire avancer les choses», nous avait-il dit.

Or que s'est-il passé ? En juillet, la présidence finlandaise de l'Union européenne a proposé d'étendre à la restauration le taux

réduit de TVA. Cette idée était soutenue par l'Espagne et le Portugal. Nous espérions que le Gouvernement saisirait cette occasion pour agir conformément à ses engagements. Contre toute attente, la France s'est opposée à cette mesure, comme elle l'avait déjà fait en 1990 et en 1991, sous un autre gouvernement socialiste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

Monsieur le Premier ministre, trouvez-vous normal que votre ministre des finances trahisse ainsi un engagement pris devant la représentation nationale ? Trouvez-vous normal qu'un ministre de la République puisse mentir de la sorte ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

Le 25 octobre 1998, au Sénat, votre ministre du budget avait estimé qu'il faudrait changer de taux, la restauration étant une activité de main-d'_uvre capable de créer beaucoup d'emplois.

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Yves Nicolin - Quelques mois plus tard, répondant à une question orale, il déclarait que la baisse du taux de TVA dans la restauration bénéficierait surtout aux catégories les plus aisées.

Quand on sait que 50 % des repas pris en France sont à moins de 50 F et 80 % à moins de 100 F, on se demande si les membres du Gouvernement fréquentent bien les mêmes restaurants que la majorité des Français ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DL et sur les bancs du groupe du RPR ; murmures sur quelques bancs du groupe UDF) Sur 20 millions de salariés, seulement 2,5 millions ont accès à une cantine d'entreprise, taxée au taux réduit.

Huit des quinze Etats membres de l'Union sont favorables à la réduction de ce taux. Monsieur le chef du Gouvernement, allez-vous demander à vos ministres de respecter leur parole ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et sur plusieurs bancs du groupe du RPR ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Le Gouvernement baisse la TVA sur les travaux des particuliers dans le logement (Huées  sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Il s'agit d'une mesure en faveur de l'emploi, caractérisant une politique économique dynamique.

Si les restaurateurs doivent manifester leur colère, c'est contre le gouvernement précédent, que vous souteniez, et qui a augmenté de 18,6 à 20,6% le taux de la TVA ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) C'est encore un gouvernement soutenu par vous qui a accepté d'appliquer le taux réduit aux ventes à emporter de hamburgers.

La liste des produits et des services pouvant bénéficier du taux réduit de TVA est fixée au niveau européen. Les directives s'imposent à tous les Etats membres. Après la décision de favoriser les entreprises de main-d'_uvre, la nouvelle liste a été arrêtée lors du conseil européen de l'économie et des finances du 8 octobre dernier et la restauration n'y figure pas.

Contrairement à ce qui est parfois affirmé, la restauration rapide est elle aussi taxée à 20,6 % : seules les ventes à emporter bénéficient du taux réduit (Interruptions sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

Par ailleurs, les entreprises de restauration profiteraient de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle et, en cas d'accord sur l'aménagement et la réduction du temps de travail, les charges baisseront de 21 000 F par an pour un emploi au niveau du SMIC. Au total, la baisse des charges sera de 5 %. Il s'agit, de nouveau, d'une politique en faveur de l'emploi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; protestations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

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TRANSPORTS AÉRIENS

M. Jean-Pierre Blazy - Monsieur le ministre des transports, les retards se multiplient dans le transport aérien français. Dix millions de passagers devront subir un retard cette année en Europe. Cette situation pénalise les usagers, fait perdre de l'argent aux compagnies et provoque des nuisances supplémentaires, dont se plaignent les riverains des aéroports. A Roissy en particulier, les infractions à la réglementation sont de plus en plus nombreuses.

Air France met en cause les contrôleurs aériens, s'exonérant ainsi de toute responsabilité. Notre dispositif de navigation aérienne subit les conséquences de la libéralisation du ciel européen.

En outre, Eurocontrôle n'a pas les moyens d'assurer sa mission de coordination et de contrôle aérien.

Enfin, les risques liés au bogue de l'an 2000 semblent insuffisamment pris en compte. Selon l'Organisation de l'aviation civile internationale et les services américains, les passagers des compagnies françaises doivent se préparer à des retards.

Quelles mesures comptez-vous prendre pour remédier à ces problèmes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - Les opérations militaires et humanitaires dans les Balkans ont eu pour conséquences de nombreux retards dans le ciel européen. En outre, le trafic aérien a progressé au-delà de toutes les prévisions, puisqu'il a augmenté de 8 %. Il est heureux, à cet égard, qu'ait été décidée la construction de deux nouvelles pistes à Roissy, sans quoi la situation serait encore plus difficile.

Tout le monde se plaint de ces retards. Au plan national, nous allons recruter et investir afin de renforcer le contrôle aérien. Il faudra aussi que le partage de l'espace aérien entre autorités militaires et civiles permette à l'aviation civile de se développer dans les meilleures conditions.

S'agissant d'Eurocontrôle, la France coopère avec ses partenaires pour

procéder aux transformations indispensables que sont la standardisation des équipements, la mise en place de nouveaux réseaux de routes, la densification des fréquences radio et la transformation des espaces verticaux en espaces supérieurs... Je ne vous dis rien de la «boîte à chaussures virtuelle»... (Sourires)

Une nouvelle convention est en cours de négociation pour renforcer les pouvoirs d'Eurocontrôle.

Ce n'est pas en mettant en cause le service public de la navigation aérienne qu'on obtiendra des résultats, mais en le défendant et en le développant (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

Quant au bogue de l'an 2 000, les documents auxquels vous vous référez datent de quatre mois. Tous les Etats, ainsi que l'OAEI, travaillent chaque jour pour réduire les risques. Tous nos équipements ont été vérifiés et je peux vous assurer, Monsieur le député, qu'il n'y aura pas, dans la nuit du 31 décembre 1999 au 1er janvier 2000, de problèmes liés à la navigation aérienne en France (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures 10, est reprise à 16 heures 15, sous la présidence de M. Forni.

PRÉSIDENCE DE M. Raymond FORNI

vice-président

PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ (lecture définitive)

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre demandant à l'Assemblée nationale de statuer définitivement, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, sur la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion de cette proposition de loi en lecture définitive.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Voici un an que nous commencions l'examen de la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité. Nous voici aujourd'hui réunis pour conclure cette réforme importante qui touche aux modes de vie de nos concitoyens et va dans le sens d'une plus grande liberté, d'une plus grande stabilité et d'une plus grande responsabilité des couples.

Je tiens à rendre hommage pour leur ténacité et leur ouverture d'esprit aux deux rapporteurs, Jean-Pierre Michel et Patrick Bloche, ainsi qu'à la présidente de la commission des lois, Catherine Tasca. Ils ont sans relâche expliqué l'objectif poursuivi, analysé le dispositif, souligné son caractère novateur et réfuté les amalgames infondés.

Je ne regrette pas le temps passé à discuter le texte. Au cours des longues heures passées, nuit et jour, à échanger des arguments, si les moments d'obstruction ont été nombreux -trop nombreux, à mon avis-, le texte a aussi pu évoluer à la suite de remarques judicieuses, comme il était normal.

Le débat a permis de définir la nature des droits ouverts par la conclusion d'un Pacs et de préciser leur mise en _uvre, mais aussi, et c'est essentiel, de faire reculer l'homophobie. Personne au Parlement n'ose aujourd'hui se déclarer ouvertement homophobe : c'est un progrès et un symbole.

Grâce au Pacs, les cinq millions de nos concitoyens qui vivent en couple sans être mariés vont pouvoir résoudre quantité de difficultés pratiques. Une personne pacsée pourra compter sur la solidarité de son partenaire pour les dettes de la vie courante, notamment celles liées au logement. Un couple pacsé pourra faire une déclaration commune de revenus. Le survivant d'un couple homosexuel pacsé pourra obtenir le transfert du bail du logement qu'il occupait avec son compagnon avant le décès de celui-ci : les donations et les legs que pourront se consentir deux personnes pacsées bénéficieront d'un abattement de 300 000 F, et même, au 1er janvier 2000, de 375 000 F, et seront soumis à des droits de mutation normaux. Enfin, celui des partenaires pacsés qui souhaitera rompre sera tenu de signifier préalablement sa décision à l'autre, de façon que celui-ci dispose d'un délai pour organiser l'après-séparation. Pour prendre effet, le Pacs demandera seulement à être enregistré auprès du greffier en chef du tribunal d'instance de la résidence commune.

Le Pacs est un texte réaliste sur le plan social, essentiel sur le plan symbolique.

Je souhaite maintenant tirer quelques enseignements de nos débats. Je me réjouis que le législateur ait tenu à inscrire explicitement dans le code civil la diversité des modes de vie en couple.

Tout d'abord, le mariage, institution de référence dont la valeur est reconnue par tous. Plébiscitée par 23 millions de nos concitoyens, il ouvre des droits et prévoit des garanties irremplaçables. Parce qu'il est le mode de vie qui assure la plus grande stabilité aux liens entre un homme et une femme, parce qu'il engage dans la durée et ouvre à la procréation, la société lui reconnaît les droits les plus étendus.

Ensuite, le Pacs, qui s'adresse aux personnes qui, ne voulant ou ne pouvant se marier, souhaitent néanmoins s'engager. Ce contrat leur permet d'entrer dans le champ du droit fiscal et successoral. Il a aussi une portée symbolique : ; une France moderne ne peut rester à l'écart des évolutions. Nous avons tout intérêt à encourager ceux qui s'efforcent de résister à la dissolution des liens sociaux.

Enfin, à côté du mariage et non contre lui, à côté du Pacs : le concubinage. Alors que cette réalité a longtemps été ignorée par le droit, le Sénat a montré la voie, suivi par l'Assemblée qui a précisé sa proposition. En introduisant dans le code civil une définition sans ambiguïté du concubinage, incluant les couples hétérosexuels et les couples homosexuels, le Parlement a accompli un geste symbolique essentiel contre les discriminations dont ces derniers sont encore victimes. Ils doivent pouvoir vivre leur choix sans être cantonnés dans un quelconque ghetto. Le législateur doit se garder de tout préjugé à leur égard.

Le Pacs ne menace ni la famille ni le mariage : il est simplement une nouvelle forme de vie à deux. S'il peut se substituer au concubinage, union de fait, jamais il ne pourra remplacer le mariage. Je suis même convaincue qu'il pourrait servir d'école pour le mariage ! (Murmures sur les bancs du groupe UDF)

Je pense aussi qu'il conviendra de modifier le régime du mariage de façon, par exemple, que les procédures de divorce n'aggravent ni les dissensions dans le couple ni la souffrance des enfants, de façon aussi, à mieux protéger le conjoint survivant.

Mais cette question relève d'une réforme du droit de la famille, déjà largement entamée puisque le rapport que j'avais commandé en juin 1998 m'a été remis le 14 septembre dernier. Cette réforme sera l'occasion pour le Gouvernement de montrer l'importance qu'il attache au sujet. Je conduirai personnellement la large consultation qu'il conviendra de mener avec l'ensemble des forces politiques, syndicales, associatives et des familles de pensée du pays.

Les textes d'application relatifs au Pacs seront publiés très rapidement. Les ministères concernés sont d'ores et déjà à pied d'_uvre.

L'un de ces textes concernera les formalités à accomplir lors de l'enregistrement du Pacs au tribunal d'instance. Je signale à cet égard que le projet de loi de finances pour 2000 prévoit le renforcement des effectifs des greffes de ces juridictions (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

le texte concernant les informations nominatives fera l'objet d'un examen approfondi par la CNIL.

Les textes relatifs aux mesures fiscales et sociales seront eux aussi pris dans les meilleurs délais.

Enfin, comme nous l'avons fait pour la nouvelle loi sur la nationalité, nous lancerons une grande campagne d'information.

Le débat a été long et difficile. Je ne le regrette pas, d'autant qu'il a aidé les esprits à évoluer. Nous achevons cette discussion dans un climat plus apaisé que nous ne l'avions entamé. Je m'en réjouis, même si je sais que nos divergences demeurent.

Il reste à l'Assemblée de voter la proposition de loi pour faire exister le pacte civil de solidarité. C'est à quoi je l'invite (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois - Le 30 juin dernier le Sénat après avoir pris son temps et épuisé la discussion générale adoptait la question préalable. La dernière lecture de ce texte fut donc renvoyée à la rentrée. Cela permit aux esprits de mûrir. Des voix se sont élevées ici ou là pour dire que la position prise par l'opposition n'était pas forcément la meilleure.

Aujourd'hui, en application de l'article 45 de la Constitution, je vous demande au nom de la commission des lois de reprendre le dernier texte adopté par l'Assemblée...

M. Michel Hunault - Le septième !

M. le Rapporteur - ...celui du 7 avril dernier. Depuis cette date les administrations ont pu travailler sur les décrets d'application. On sait que l'inertie des services n'est pas seulement juridique et technique mais quelquefois politique. Le Gouvernement doit donc manifester sa volonté politique pour lever les obstacles et faire appliquer le texte avant l'an 2000. L'inverse serait, je crois, une faute.

Nous avons débattu un an.

Mme Christine Boutin - Au lieu de huit heures !

M. le Rapporteur - Ce n'est pas anormal si l'on veut que la procédure parlementaire se déroule pleinement et pour une réforme importante qui, grâce à la presse, a eu un écho dans la société.

L'idée a progressé jusqu'à devenir majoritaire qu'un couple, ce peut être un couple non marié, composé de deux hommes ou de deux femmes, que la loi reconnaît ce couple et lui donne des droits et des devoirs.

Ce débat a été à l'honneur de notre Parlement. On parle beaucoup de revaloriser son rôle. Nous en avons eu une illustration concrète. Le texte est d'initiative parlementaire et a été inscrit à l'ordre du jour grâce au groupe socialiste. J'en remercie Jean-Marc Ayrault.

De plus le Pacs figurera désormais parmi les grandes lois républicaines, comme le droit de vote des femmes ou l'abolition de la peine de mort.

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Mme Christine Boutin - Attention !

M. le Rapporteur - Il donne à tous les couples, quel que soit leur mode de vie, plus d'égalité, plus de liberté, plus de fraternité. C'est cette loi républicaine que nous voterons demain à une grande majorité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles - Cette procédure parlementaire aura permis de battre quelques records et le jeune parlementaire que je suis ne pouvait rêver pareille épreuve initiatique. A l'issue de cette année de débats, il n'est que temps de restituer le Pacs à toutes celles et à tous ceux qui l'ont espéré et l'ont porté. Qu'il me soit ainsi permis de saluer la détermination et la volonté des femmes et des hommes rassemblées au sein du collectif pour le contrat d'union sociale et le pacte civil de solidarité. Je revois aussi, en cet instant, les visages de ceux qui, en nous quittant prématurément, ne pourront partager notre joie, celle du vote d'une belle loi républicaine.

Le Pacs aurait pu être la revendication tranquille d'une plus grande égalité des droits. Il a finalement provoqué un débat rageur sur la liberté des couples homosexuels d'être reconnus comme tels, et pour les droits des couples non mariés.

Jean Le Bituux, militant de la première heure situait récemment le Pacs entre subversion et normalisation dans la revue Ex Æquo : le Pacs conteste l'ordre symbolique hétérosexuel et dans sa radicalité ne concerne pas les seuls gays. Mais il renforce aussi l'archétype social du couple.

Dominique Fernandez livre le même constat dans son livre Le loup et le chien, un nouveau contrat social : « En dénonçant le Pacs comme une atteinte à la famille, à la société, aux « valeurs », à l'Occident (car la peur du loup fait tout de suite monter le ton), ses adversaires n'ont même pas vu que leurs prétentions étaient contraires à leurs intérêts. Car réclamer le Pacs, c'est, de loup, demander à se faire un peu chien. C'est proposer un pacte de paix à la société ».

Si le Pacs apparaît aujourd'hui comme une évidence pour la grande majorité, je ne saurais oublier qu'il a déclenché la première grande manifestation homophobe dans notre pays.

Mme Christine Boutin - C'est faux et vous le savez !

M. le Rapporteur pour avis - Comment n'avoir pas été choqué par l'intolérance, la haine et la violence exprimées à cette occasion. Il reviendra prochainement, je l'espère, au législateur de créer ou d'adapter le cadre juridique permettant de lutter efficacement contre toutes les manifestations d'homophobie. Dans le même esprit, je souhaite que le projet de loi relatif à l'audiovisuel permette au CSA de sanctionner les contenus à caractère homophobe diffusés par les chaînes de télévision.

La gauche plurielle a voulu le Pacs afin d'inscrire dans le code civil les évolutions de notre société. Elle l'a fait comme Lionel Jospin s'y était engagé lors de la campagne des législatives de 1997.

La droite s'y est opposé avec une rare constance et les craquements en son sein n'ont pas franchi les portes du Parlement puisque nous aurons à repousser à nouveau trois motions de procédure.

Il s'agit maintenant d'aller vite dans la mise en application. Le Premier ministre le souhaite et nous connaissons votre remarquable détermination, Madame la Garde des Sceaux.

On nous sollicite encore pour modifier tel article, intégrer au texte des préoccupations souvent légitimes mais extérieures à notre démarche. Redisons-le une dernière fois : le Pacs vise le couple et seulement le couple. Il ne concerne ni la famille, ni les enfants.

Dès la deuxième lecture, nous sommes arrivés à un équilibre. L'essentiel est de fixer un cadre juridique qui, à l'usage, sera vraisemblablement amené à évoluer.

Jean-Pierre Michel et moi-même assurerons un suivi comme l'a souhaité Catherine Tasca. La commission des lois et la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, qui ont déjà tant apporté au texte, notamment grâce à la compétence de ses administrateurs, poursuivront donc leur travail. L'initiative parlementaire qui est à l'origine du Pacs et qui a su s'incarner tant dans la force de conviction de Catherine Tasca que dans la salutaire obstination dont a fait preuve Jean-Pierre Michel depuis sept ans, ne trouve donc pas son terme aujourd'hui.

Mais, avant toute chose, il faut que vive le Pacs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

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EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de M. José Rossi et du groupe DL une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Claude Goasguen - Le 9 octobre 1998, l'Assemblée déclarait irrecevable la proposition de loi sur le Pacs. L'absence de députés de la majorité traduisait le trouble de l'opinion qui n'en comprenait ni la nécessité ni l'intérêt mais en devinait les dangers.

Les réserves des professionnels du droit et les alarmes des autorités représentatives de tous les cultes expliquaient ce peu d'enthousiasme.

Ces avertissements n'ont pas suffi, puisque le Gouvernement a redéposé un texte presque identique, qui s'est traîné de lectures en lectures jusqu'à cette ultime réunion.

Ce sujet de société devait dépasser les clivages politiciens. Or, pour la première fois, tout fut mis en _uvre pour réduire le débat aux affrontements politiques classiques. La majorité sommée de soutenir le texte pour se remettre de l'épisode du 9 octobre se contente de soutenir le projet ; la droite qui, malgré son acharnement, n'obtient aucune concession se contente de gommer, non sans difficultés, quelques énormités juridiques dans une loi qui en compte encore beaucoup.

Le Conseil national des Barreaux ne s'y est pas trompé lorsqu'il a déclaré, le 21 juin dernier : «La discussion parlementaire a révélé un refus catégorique de débattre, le Pacs est donc une manière de ne pas répondre à des questions qui sont pourtant omniprésentes...».

Comme si le Pacs était dépassé avant d'avoir été voté, un grand hebdomadaire titre : «Homos, le droit d'être parents...». Le débat sur l'homoparentalité qui commence retentira sur les propositions que vous envisagez de faire sur la famille, au sein de laquelle la pluriparentalité devient un fait sinon un droit.

La majorité s'est réfugiée dans un soutien convenu : «Le Pacs, le Pacs, rien que le Pacs», excepté le rapporteur qui a eu le courage de ses opinions. Le Gouvernement se drapait lui-même dans sa dignité outragée, lorsque nous prétendions que le Pacs mettait en cause directement le statut de l'enfant et le droit de la famille.

Deux questions essentielles ont pu être ainsi commodément évacuées : fallait-il, à partir des problèmes réels de certains homosexuels créer une institution nouvelle dans le droit des personnes ? Fallait-il amalgamer dans cette institution les couples homos et hétérosexuels ?

La liberté des homosexuels n'était pas en cause et personne ne la remettait en cause (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). Chacun a le droit de choisir son mode de vie pour autant qu'il n'attente pas à la liberté d'autrui.

S'il n'était pas nécessaire de modifier ce qui sous-tend le choix de l'union libre, à savoir une certaine idée de la liberté, il était en revanche indispensable d'apporter une réponse juridique aux situations dramatiques que connaissaient des couples homosexuels, en particulier du fait du développement du sida -problèmes de logement, de transmission de patrimoine, d'organisation de la solidarité et autres. Dans sa décision du 17 décembre 1997, la Cour de cassation avait interpellé le législateur à ce sujet. Il fallait donc des lois. Nous étions prêts à en voter qui concilient justice et solidarité (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). Nous aurions par exemple pu suivre le rapport Hauser et créer un nouveau type de contrat de droit privé. Vous avez refusé d'en discuter, car vous vouliez avant tout donner à l'homosexualité une légitimité sociale, sans doute pour honorer vos promesses électorales, sans doute aussi sous la pression d'un lobby efficace. Car, indifférents dans un premier temps à une structure juridique qu'ils n'avaient pas demandée, les homosexuels virent ensuite dans les débats acharnés qu'elle suscita une remise en cause de leur liberté.

La majorité en a profité pour créer de toutes pièces une formule juridique qui pose quantité de problèmes, techniques d'abord mais aussi philosophiques et moraux. Jusqu'où irons-nous dans la socialisation du droit, dans cette caricature des droits de l'homme qui consiste à produire en lieu et place de la liberté de l'homme et de son libre arbitre, des droits collectifs et sociaux ? La liberté de l'homme gêne-t-elle à ce point ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

Cette logique de socialisation aurait pu vous conduire à créer un statut de l'homosexualité. Mais vous n'avez pas voulu le faire car en réalité vos promesses électorales tournaient autour du mariage homosexuel. Vous avez donc opté pour une institution à la fois hétéro et homosexuelle, quitte à hypothéquer l'avenir de notre droit familial.

Votre Pacs est de toute évidence un sous-mariage. D'ailleurs, il s'insère dans le Code civil entre les dispositions relatives au mariage et celles concernant le divorce.

Tous les concepts juridiques employés sont directement issus du droit matrimonial, mais déformés. Les juristes, qui auront à appliquer un texte de mauvaise qualité, dénoncent vos approximations et votre absence de pensée novatrice. L'étroite marge de man_uvre dont vous disposez, entre les revendications de mariage-bis et les réserves à ce sujet de l'opinion, explique votre loi en trompe-l'_il.

Je crains que l'application du Pacs ne soit que transitoire. L'opinion va en effet vite dépasser le stade du Pacs et poser la question de l'égalité de situation entre homosexualité et hétérosexualité dans le droit familial, égalité que vous promouvez dans le statut du Pacs et que nous combattons. Vous n'avez jamais accepté que l'on parle de l'enfant, il est pourtant au centre du débat.

Quoique vous puissiez en dire, votre loi aura des conséquences sur le droit familial. D'abord au regard de l'adoption qui pose déjà de sérieux problème au juge lorsqu'il aborde, de façon connexe, la question de l'homosexualité de l'adoptant. Les décisions de justice sont contradictoires et dépendent des circonstances mais, selon la loi française, l'homosexualité éventuelle n'est pas un élément déterminant de refus. L'égalité que crée le Pacs entre liens homosexuels et hétérosexuels conduira forcément à lever les doutes légitimes des magistrats et à une évolution jurisprudentielle vers la reconnaissance de l'adoption homosexuelle. D'autant que les résolutions européennes de 1994 vont dans le même sens et que nous sommes à la merci de sanctions des cours européennes. A l'évidence, vous consentez par avance à cette évolution. Nous la refusons sans ambiguïté.

En Hollande, en Suède, la parentalité des couples homosexuels est une réalité. Aux Etats-Unis, on compte plusieurs millions de familles homosexuelles, renforcées par la libéralisation des PMA dans certains Etats américains.

M. Yann Galut - Et alors ?

M. Claude Goasguen - La jurisprudence américaine n'opère plus de différence selon la nature de la famille, homo ou hétérosexuelle. Ainsi, la situation se normalise aux Etats-Unis dans un sens que nos concitoyens refusent (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Yann Galut - C'est vous qui le dites !

M. Claude Goasguen - Cette identité de situation entre homosexuels et hétérosexuels correspond-elle à notre culture, à cette exception française qui plonge ses sources dans notre histoire et notre conception française de la famille ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste) La réponse est évidemment négative. Or le Pacs ne nous prépare guère à refuser l'évolution qui domine dans les pays anglo-saxons.

Vous ne pouvez ignorer non plus le contexte scientifique dans lequel va se jouer l'avenir de la famille et de la parenté. Notre loi sur la PMA résistera-t-elle au débat international ? Nous ne vous accusons pas d'avoir créé le débat sur la pluriparentalité. Ce qui ne nous paraît pas acceptable c'est que vous avez donné une première réponse en acceptant, dans le Pacs, une égalité de statut homosexuel. Le Pacs n'est qu'une étape et je ne vois pas avec quels arguments le Gouvernement pourra demain s'opposer à la suite logique de ce qu'il accorde aujourd'hui.

La majorité a présumé de l'issue du débat sur la place de l'enfant, et ses droits, en particulier le droit à un père et une mère.

Je ne souligne que pour mémoire les imperfections techniques du texte : incertitudes sur le droit des tiers, statut des biens en indivision, problème des libéralités, contours incertains de l'aide mutuelle et matérielle, publicité de la rupture... Du point de vue de la stricte technique juridique, le Pacs est une formidable régression dans le droit des personnes puisqu'il ne garantit pas les droits du plus faible.

Votre texte est «inutile et dangereux». Cela a été répété à maintes reprises par les plus hautes autorités morales et religieuses de notre pays (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Il compliquera un droit des personnes et de la famille, déjà fortement entamé par l'insécurité, la précarité et l'absence de références dont souffre notre société. Il présume des conclusions du débat de société qui va s'ouvrir, concernant la pluriparentalité et la parentalité homosexuelle.

Ce texte est irrecevable, il attente à l'égalité fiscale et civile, à la famille, à nos traditions parlementaires les plus éprouvées. Nous le refusons sans équivoque. C'est pourquoi, avant de saisir le Conseil constitutionnel, le groupe Démocratie libérale vous invite à voter cette exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Bernard Roman - On a pu croire un moment que, sous la pression de ses plus jeunes militants ou de l'opinion publique, la droite remettait en cause sa stratégie anti-Pacs. A entendre les déclarations de MM. Douste-Blazy, Bayrou, Sarkozy ou Madelin, on pouvait penser qu'elle avait compris qu'elle ne pouvait pas s'écarter du mouvement social. M. Claude Goasguen aura eu au moins le mérite de replacer clairement l'opposition dans son camp, celui du conservatisme et de l'intolérance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste ; protestations sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

Nous pensons quant à nous que le politique doit avancer avec la société et que le rôle -et l'honneur- du Parlement est

de faire évoluer le droit en conséquence. Le Pacs représente un grand progrès juridique dont nous nous félicitons. C'est un grand texte qui honore la laïcité de la République, qui consacre la liberté individuelle et qui ouvre de nouveaux espaces de solidarité. Nous le voterons avec fierté, en commençant par nous opposer à cette exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Patrick Devedjian - Le 9 octobre 1998, la majorité de cette assemblée adoptait une exception d'irrecevabilité et, ce faisant, rejetait la proposition de loi portant création du Pacs. Depuis cette date, nous avons passé un an à travailler sur ce texte mais les motifs d'inconstitutionnalité invoqués alors n'ont pas disparu. Ils ont même été aggravés puisque s'y ajoute, depuis ce 9 octobre, une violation de notre Règlement. Raison supplémentaire de persister dans notre opposition à ce texte !

Et je voudrais dire à M. Roman qu'ici, les Modernes, c'est nous, tandis que votre passion de tout réglementer, de la pause casse-croûte dans les entreprises jusqu'à la vie sexuelle de nos concitoyens, représente une formidable régression de la liberté (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Mais, messieurs, le grand vent de liberté qui a emporté le socialisme soviétique vous emportera avec lui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; rires sur les bancs du groupe socialiste).

M. Dominique Dord - Je suis au regret, Monsieur Roman, de vous confirmer que notre position n'a pas varié. Nos convictions les plus profondes étant ici en jeu. Il y faudrait plus qu'une brise légère ou même qu'une tempête. Quant à votre explication de vote, elle était indigne : comment, au nom de la tolérance, pouvez-vous proférer de tels propos à l'encontre de M. Goasguen ?

La tolérance, Monsieur Roman, commence par la tolérance envers vos collègues, fussent-ils dans l'opposition. Nous, nous n'avons pas changé d'avis, et vous n'avez pas changé d'attitude. vous ne cessez de nous caricaturer, de nous ramener à vos fantasmes : «droite conservatrice, intolérante...» («Oui !» sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Et vous croyez en outre faire _uvre de liberté alors que c'est tout le contraire, comme l'a bien montré M. Devedjian : au lieu de respecter la liberté de nos concitoyens dans le choix d'un type de vie, vous essayez de le réglementer toujours plus.

Le groupe DL votera évidemment l'exception d'irrecevabilité. M. Goasguen a bien fait de rappeler la genèse chaotique de ce texte, dont vous n'avez pas lieu d'être fiers. Il a bien fait de rappeler que nous aussi sommes favorables à l'évolution du droit : sinon à quoi bon être législateur ? Mais souffrez, Monsieur Roman, qu'on puisse concevoir son évolution autrement que vous. Enfin, M. Goasguen a bien fait de poser la question, qui reste ouverte et que vous avez ouverte, de l'homoparentalité. A force de brouiller les quelques repères, déjà fragiles, de notre société, on s'expose à des retours de bâton dont on ne maîtrise pas toujours les effets (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Bernard Birsinger - Parlez de nouveaux droits sociaux, et la droite entre en transes ! Il est d'ailleurs significatif que M. Devedjian ait fait le parallèle entre le Pacs et les 35 heures. En effet, il s'agit de deux progrès sociaux. J'observe d'ailleurs que, plus la droite plaide l'irrecevabilité, plus le Pacs paraît recevable à l'opinion, et particulièrement aux jeunes. Selon le centre d'études de l'opinion publique, 59 % des sympathisants de droite de moins de trente ans jugent le Pacs positif... Le groupe communiste, une nouvelle fois, sera résolument du côté du progrès. Le Pacs est à la fois la réponse à un besoin social, et la reconnaissance sociale des couples qui ne peuvent ou ne veulent se marier. Le groupe communiste votera donc contre l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. le Président - Sur l'exception d'irrecevabilité, je suis saisi par le groupe Démocratie libérale d'une demande de scrutin public.

M. Pierre-Christophe Baguet - M. Goasguen a fort bien décliné les raisons d'approuver l'exception d'irrecevabilité ; personnellement, j'en retiendrai trois. Tout d'abord, ce texte porte atteinte à l'égalité fiscale et civile et au droit de la famille. M. Goasguen a montré que le Pacs était un contrat déséquilibré, qui privilégie certains citoyens au détriment d'autres et accroît les inégalités sociales. Il a également parlé de la famille, et j'ai noté avec surprise que, pour la première fois depuis le début du débat, Mme la Garde des Sceaux a parlé du mariage, dont elle a même fait l'apologie et souligné le rôle stabilisateur dans notre société. Elle a évoqué le droit de la famille, alors qu'on n'avait cessé de nous répéter qu'il n'y avait aucun lien entre le Pacs et ce droit : il faudra nous expliquer ce revirement.

En second lieu, M. Goasguen a soulevé la question de l'article 40 ; et il est vrai que nous n'avons toujours aucune évaluation du coût de ce texte, ni aucune recette prévue. Ici encore, pour la première fois, Mme la Garde des Sceaux a parlé des moyens. Le Gouvernement s'inquiéterait-il de la possibilité de faire approuver ce texte par le Conseil constitutionnel ?

Enfin, cette loi sera d'application incertaine. Je m'associe aux propos fougueux de M. Devedjian qui a rappelé la position constante de l'opposition. J'ajoute, avec M. Goasguen, que nous nous exposons à des sanctions de la Cour européenne. Pour toutes ces raisons, le groupe UDF votera l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Guy Hascoët - Je m'exprime au nom du groupe RCV dans son ensemble. Le Pacs est un vrai progrès de civilisation. Je comprends mal l'opposition de M. Goasguen, qui ne cesse, en commission des lois, de faire l'apologie du droit anglo-saxon. On a évoqué la difficile dynamique du progrès. De fait, c'est le plus souvent grâce à ce côté-ci de l'hémicycle, ou du moins toujours avec son soutien, que les grands textes de progrès ont été adoptés.

Mais c'est en vain que l'opposition cherche de vraies raisons de s'opposer au Pacs. A suivre son raisonnement, on pourrait conclure que le droit lui-même a accru le nombre des homosexuels aux Etats-Unis... Soyons clairs : on se constate une orientation sexuelle, on ne l'invente pas. La société, au nom d'une morale et non du droit, a-t-elle le droit de maintenir des gens dans le non-droit et dans la souffrance ? Nous disons non, et c'est pourquoi nous voterons contre l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

A la majorité de 220 voix contre 113, sur 333 votants et 333 suffrages exprimés, l'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.

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QUESTION PRÉALABLE

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe RPR une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Thierry Mariani - Un an après le début de ce débat, nous demeurons convaincus que votre texte contient de nombreuses imperfections, qu'il sera source de contentieux multiples et qu'il ne constitue pas une avancée sociale pour les couples homosexuels mais un indéniable danger pour la famille. Dans sa septième version, il demeure inapplicable et dangereux à plus d'un titre. Avant même qu'il soit voté, nous voyons les premières conséquences de sa rédaction improvisée qui laisse place à tous les abus. Un guide vient de sortir, intitulé : «Pacs, mode d'emploi. Si vous saviez tout ce que le Pacs peut faire pour vous...»

Pacs d'amour, Pacs d'amitié ou Pacs d'intérêt, votre texte en effet permettra à chacun de bénéficier d'avantages divers qui, selon nous, n'ont pas lieu d'être. Alors que votre volonté première, ou du moins celle de notre rapporteur, était de régler certaines situations difficiles vécues par les couples homosexuels, votre manque de courage politique et le refus d'une partie de votre majorité de voter un texte spécifique aux couples homosexuels, ont fait de cette proposition un monstre juridique inapplicable.

Considérons d'abord les conditions de conclusion et de résiliation du Pacs. Aux termes de l'article premier, le Pacs est conclu par deux personnes, qui doivent être majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune. A ce stade, déjà, se posent de nombreuses questions. Pourquoi seulement deux personnes, dans la mesure où le Pacs n'impose pas des relations intimes ? Vous-mêmes aviez envisagé de l'ouvrir aux fratries, avant de faire machine arrière. «Majeures» : est-ce à dire que les mineurs émancipés considérés comme majeurs pourront contracter un Pacs ? A priori, rien ne l'interdit, et le rapporteur a expressément admis cette possibilité. «De sexe différent ou de même sexe» : cela soulève un problème important : on ne peut pas traiter en même temps et dans un même texte les problèmes des couples homosexuels et des couples hétérosexuels. Pour les premiers, en effet, la question des enfants ne se pose pas, alors qu'elle revêt une importance capitale pour les seconds. Enfin, l'expression «pour organiser leur vie commune» manque singulièrement de précision. En effet, y aura-t-il une obligation de résidence commune comme dans le mariage ? Y aura-t-il un caractère de stabilité et de continuité dans la vie commune comme dans le concubinage ? Certaines entreprises établissent leur domiciliation grâce à des boîtes postales. Une simple boîte postale suffira-t-elle à justifier de la vie commune pour signer un Pacs ?

Enfin, le texte précise que le Pacs est un contrat et l'inscrit au livre premier du code civil, relative aux personnes : étrange conception du droit. Le rapporteur nous a clairement dit que le Pacs pouvait être un contrat à durée déterminée : rien n'interdit aux partenaires de prévoir une durée au bout de laquelle il sera rompu de plein droit, sans compensation ni dommage et intérêts. M. le rapporteur l'avoue : c'est la répudiation a priori que vous instituez !

En outre, comme en matière de mariage, votre texte prévoit des empêchements à la signature d'un Pacs. S'il s'agit d'une institution destinée à concurrencer le mariage et concernant uniquement la vie de couple, l'instauration d'empêchements est justifiée, mais alors il faut le dire. Or le rapporteur comme le ministre n'ont cessé d'affirmer que le Pacs n'était pas le mariage, qu'il n'avait aucun lien avec lui, et qu'il pouvait tout à fait concerner deux personnes vivant ensemble, non comme un couple, mais en vue de développer une nouvelle forme de solidarité. Dans ce cas il n'y a pas de raison d'instaurer des empêchements. On le voit ici encore : on ne peut légiférer de façon universelle sur des questions aussi différentes que la vie de couple hétérosexuel, la vie de couple homosexuel ou la vie commune de deux personnes âgées.

Ces situations différentes méritaient chacune d'être traitées dans un texte particulier. Or le Pacs ressemble à une auberge espagnole, où chacun peut trouver indistinctement son compte. Après beaucoup d'hésitations, il est décidé que les Pacs seront enregistrés dans les tribunaux d'instance. Les greffes devront ainsi établir un état civil bis, alors que ce n'est pas leur fonction. De plus, certains tribunaux d'instance ne possèdent pas de greffes à plein temps et les autres ne disposent pas de moyens matériels suffisants.

N'est-il pas incohérent et illusoire de surcharger ainsi des tribunaux déjà engorgés ?

Le greffier pourra-t-il refuser d'enregistrer un Pacs qu'il ne jugerait pas conforme à la loi ? Et quelles seraient dans ce cas les voies de recours ? Les registres d'inscription des Pacs seront-ils consultables librement, au risque de créer un véritable fichier des homosexuels ? Je pense que vous ne mesurez pas toutes les conséquences de votre dispositif !

Le Pacs entraîne l'obligation d'une aide mutuelle et matérielle, qui n'est pas juridiquement définie, et de solidarité à l'égard des dettes contractées pour les besoins de la vie courante et pour les dépenses relatives au logement commun. Là encore, la jurisprudence devra apporter des précisions. De plus, la rédaction du texte laisse une totale liberté contractuelle aux parties pour fixer les modalités de l'aide mutuelle et matérielle. Or tout le monde n'est pas juriste et, comme le rapporteur l'a reconnu, un professionnel du droit devrait intervenir. Vous créez donc un Pacs à deux vitesses : les personnes aisées et instruites sauront protéger leurs intérêts, tandis que les personnes démunies risqueront d'être flouées. Si telle est votre conception de la justice, nous ne la partageons pas. Oui, le Pacs est conçu pour le fort, contre le faible !

En effet, il pourra être rompu de façon unilatérale, à l'issue d'un délai de grâce de trois mois. C'est introduire en fait la répudiation dans notre droit. Alors que le mariage apporte une réelle stabilité, que le devoir de secours continue à s'exercer après le divorce entre les époux et à l'égard des enfants, le Pacs peut être dissous du jour au lendemain sans que les anciens partenaires conservent aucune obligation l'un envers l'autre. Aussi le plus vulnérable se verra-t-il abuser par l'autre. Où est le minimum de sécurité et de stabilité que sont en droit d'attendre nos concitoyens ?

Enfin, le juge des affaires familiales n'interviendra pas de plein droit pour statuer sur le sort des enfants lors de la rupture du Pacs. Mais la question des enfants ne vous intéresse pas !

D'un autre côté, les avantages procurés par le Pacs donneront lieu à de multiples fraudes et abus. A preuve l'article 4 bis, qui confère la qualité d'ayant-droit à l'assurance maladie au partenaire d'un assuré social lié par un Pacs lorsqu'il ne peut pas bénéficier de cette qualité à un autre titre. Cette disposition est théoriquement inutile, puisque nous avons adopté le 30 juin la CMU, qui bénéficie à toute personne vivant en France de façon stable et régulière. A moins que la personne concluant un Pacs ne remplisse pas cette dernière condition. Cela signifierait que l'article 4 bis est destiné à permettre à tout étranger entrant en France de bénéficier de notre protection sociale dès lors qu'il a conclu un Pacs. Cet article fait donc peser un danger réel sur nos comptes sociaux, alors que les familles françaises consentent de gros efforts pour tenter d'assurer la pérennité de notre protection sociale.

De plus, la conclusion d'un Pacs constituera un élément d'appréciation des liens personnels en France pour obtenir un permis de séjour. Tout laisse penser que cet élément sera considéré comme suffisant. Ainsi le Pacs pourra servir de base à la régularisation de tous les sans-papiers. A l'instar des parrainages républicains vont ainsi apparaître des Pacs républicains à seule fin de permettre cette régularisation. Le Pacs servira dans ce domaine de véritable voiture-balai. Fantasme de ma part ? Reportez-vous plutôt à la page 4 du guide sorti la semaine dernière.

M. le Rapporteur - Excellent livre !

M. Thierry Mariani - Voilà qui en dit long sur vos intentions !

Le Sénat avait sagement adopté une alternative au Pacs en introduisant le concubinage dans le code civil. Mais vous, vous introduisez le concubinage en supplément du Pacs, ce qui bouleverse notre droit de la famille, le concubinage imposant des conditions beaucoup plus contraignantes que le Pacs.

Six situations différentes seront désormais possibles : marié ; célibataire vivant seul ; célibataires concubin ; célibataire pacsé ; célibataire concubin d'une personne et pacsé avec une autre ; marié et concubin.

M. le Président - Veuillez conclure !

M. Thierry Mariani - Vous inscrivez ainsi la polygamie dans le Code civil ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) Telle n'est pas notre conception de la famille et de la justice sociale. Voilà pourquoi nous n'avons pas à légiférer sur le Pacs. Il existe des solutions plus simples et plus justes. Le groupe RPR vous demande d'adopter la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. le Président - La commission et le Gouvernement, je pense, rejettent la question préalable. Nous en venons aux explications de vote.

Mme Laurence Dumont - Je vais répondre à la question préalable qui en réalité n'a pas été défendue (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La société française a beaucoup évolué, et ses changements ont été généralement pris en compte par le législateur, qu'il s'agisse du divorce par consentement mutuel ou du droit à la contraception. N'y avait-il pas lieu à l'époque de

légiférer ? Aujourd'hui, nous prenons en compte la situation de millions de Français qui vivent en couple hors mariage, y compris les homosexuels qu'il serait hypocrite et injuste de vouloir ignorer.

A quoi servirions-nous si nous demeurions retrancher ici, insensibles à la vie réelle de nos concitoyens ? (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Vous êtes hostiles à ce texte parce qu'il sert le progrès social -auquel vous êtes étrangers. Votre déchaînement caricatural -et vos propos sur la polygamie sont éloquents- n'a pas porté. Ce matin, M. Mariani disait dans Le Parisien : «une grande partie de notre électorat n'a pas compris notre position». Cela prouve que la droite est nulle ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe socialiste) Les Français ne vous ont ni compris ni suivis. Ils nous disent massivement qu'il n'appartient ni à l'Etat ni à la représentation nationale de décider comment les gens doivent vivre et s'aimer mais de les aider à bien vivre et à bien s'aimer quel que soit leur choix. Ce sera chose faite avec le Pacs. Aussi le groupe socialiste votera-t-il contre la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Alain Tourret - Oui ou non, allons-nous créer de nouveaux espaces de liberté ?

Plusieurs députés RCV, socialistes et communistes - Oui !

M. Alain Tourret - Oui ou non, allons-nous mettre le droit en adéquation avec la société ?

Plusieurs députés RCV, socialistes et communistes - Oui !

M. Alain Tourret - Ce projet, nous l'attendions depuis longtemps, car il répond aux attentes de millions de personnes. Il est devenu un symbole : celui d'une majorité unie pour défendre un nouveau pacte républicain (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). L'opposition, quant à elle, s'est montrée toujours plus ringarde, malgré les efforts de quelques conservateurs éclairés, qui ont d'ailleurs quitté l'hémicycle.

Nous sommes fiers de ce texte et nous ne vous laisserons pas imposer l'immobilisme, le conservatisme et le retour à l'ordre moral (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. François Sauvadet - Je suis très étonné du ton employé par notre collègue (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

S'il y a lieu de poser la question préalable, c'est que vous n'avez pas répondu à cette question fondamentale : fallait-il vraiment légiférer, au lieu de prendre des mesures concrètes, sur le plan fiscal notamment ?

Vous avez voulu soulever la polémique, semer la division, opposer au modèle selon vous archaïque de la famille un modèle que vous considérez comme moderne.

Or le Pacs ne réglera pas les problèmes et ne protégera pas le plus faible. S'agissant des enfants et de leur avenir, on voit très bien ce qui se profile.

Ces mauvaises querelles ne sont ici pas de mise. Certains commencent à se rendre compte que le Pacs sera

inapplicable.

Si le débat s'est enlisé, c'est parce ce que vous l'avez voulu polémique. De la sorte, vous ne rendez service à personne : ni à ceux que vous prétendez servir, ni à la société.

Le groupe UDF votera la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Bernard Accoyer - 368 jours après, le groupe RPR persiste à penser qu'il n'y a pas lieu de délibérer, après le vote du 9 octobre 1998 et malgré le viol de notre Règlement, puisqu'on nous a présenté le même texte ou presque moins d'un an après son rejet.

Nous approuvons M. Mariani. Le Pacs est dangereux pour le plus faible : l'enfant, la famille, qui sont le fondement de la nation (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Il y a eu de nombreuses manipulations. Afin que la majorité ne traîne pas les pieds, que ses députés ne soient pas absents, on a élargi le texte, perdant de vue l'objectif de ses premiers promoteurs : le mariage homosexuel, qu'ils réclamaient ouvertement.

Nous aurions pu aborder un tel débat dans la clarté. Vous avez préféré procéder par amalgame, afin de faire croire que vous accordiez des avantages et des libertés supplémentaires aux couples hétérosexuels. Il n'en est rien, pourtant. Signer ce contrat qu'est le Pacs n'aura d'intérêt que pour le plus fort, le plus riche, le plus instruit, le mieux conseillé, qui saura rompre au bon moment, par une simple lettre recommandée. Vous n'avez même pas prévu de présomption de paternité !

Le groupe RPR votera cette question préalable.

M. Dominique Dord - Jamais la majorité n'avait montré autant d'attrait pour la liberté (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) et le groupe Démocratie libérale devrait s'en réjouir. Mais votre projet ne vise qu'à réglementer davantage les relations entre les personnes.

Les trois orateurs de la majorité que nous venons d'entendre n'ont cessé de nous insulter (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Pour M. Roman, nous sommes intolérants. Mme Dumont a qualifié M. Mariani de «déchaîné» et de «caricatural» (Mêmes mouvements). Pour M. Tourret, enfin, l'opposition est «ringarde» et «immobiliste».

Je prends le public à témoin : chers amis des tribunes, vous saurez de quel côté est l'invective, de quel côté la volonté de débattre sérieusement (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

Ni caricatural, ni déchaîné, M. Mariani a décortiqué votre dispositif. Nous ne sommes pas d'accord avec vous et c'est notre droit.

Nous combattons donc ce projet, avec les armes de la démocratie et en évitant de recourir à l'insulte.

M. Mariani a démontré avec talent que vous voulez transformer profondément notre droit de la famille, dont vous allez renverser les bases. Avant le Pacs en effet, tous nos concitoyens avaient des droits et la société, parce qu'elle y trouvait intérêt, acceptait une sorte de discrimination positive en faveur des couples avec enfant. Avec le Pacs, ce sera l'inverse : on donne des droits supplémentaires à tous ceux qui vivent à deux et une discrimination négative va pénaliser les célibataires.

Est-ce acceptable ? Nous ne le pensons pas. Thierry Mariani a raison de poser la question préalable et le groupe DL la votera (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. le Président - Monsieur le député, il n'est jamais bon, dans cette enceinte, de prendre le public à témoin. Notre seul juge, c'est le suffrage universel (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Bernard Birsinger - La droite n'est guère glorieuse (Protestations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

Assez de préalables ! Passons aux actes et votons ce projet, qui donnera davantage de liberté à des millions de personnes (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. Jean Pontier - Pour rédiger cette intervention, j'ai dû feuilleter de nouveau les cinq kilos de littérature que j'ai reçus au sujet du Pacs, et ce n'est pas sans amusement que j'ai relu des formules de ce type : «il s'agit de la plus grave et pressante menace légale de perversion des m_urs par la destruction de la famille naturelle qui pèse sur notre pays. A la corruption politicienne galopante, des députés marxistes et francs-maçons veulent adjoindre la corruption légale des m_urs...».

Aucunement concerné par l'une ou l'autre de ces qualifications, je persiste cependant à considérer que le Pacs constitue une avancée de notre droit civil.

Lors des universités d'été, d'ailleurs, d'éminents parlementaires de l'opposition ont semblé regretter certaines outrances, se rendant compte qu'il leur fallait considérer autrement les minorités qu'ils avaient stigmatisées.

Nous verrons, au moment du vote, si ces prises de position estivales sont autre chose que des petites man_uvres tactiques, du type : nous ne revenons pas sur notre opposition au Pacs, mais il ne faut pas frapper trop fort...

Pour certains, ce texte est imparfait. S'il ouvre de nouveaux droits à tous les couples, y compris homosexuels, il ne confère pas l'égalité de tous les droits, notamment familiaux, comme le revendiquent les couples homosexuels.

Si un arrêt de la Cour de cassation limite la définition du concubinage aux partenaires hétérosexuels, le Parlement européen a adopté en 1994 une résolution incitant les pays de l'Union à ouvrir le mariage aux homosexuels, ou à les faire bénéficier de droits équivalents. Certains pays du nord de l'Europe l'ont d'ores et déjà fait.

Le Pacs, pour sa part, crée une catégorie intermédiaire entre mariage et concubinage puisqu'il s'adresse aux célibataires. La frontière entre le mariage et le Pacs est claire, notamment au regard de l'adoption -problème qui aurait pu être évoqué dans le texte. Il n'aura aucune conséquence sur la filiation ni le statut des enfants.

Le Pacs s'adresse également aux 4,5 millions de couples hétérosexuels non mariés. Il leur offre des garanties et des droits nouveaux, comme le transfert de bail au profit du compagnon survivant ou un abattement substantiel sur les successions.

Le débat sur le Pacs aura provoqué, comme celui sur l'interruption volontaire de grossesse ou l'abolition de la peine de mort, un profond questionnement de la société française, toujours écartelée entre tradition et acceptation des évolutions. C'est pourquoi je voterai sans aucune réticence ce texte, lui apportant d'ailleurs mes suffrages plus au nom de l'idéal de fraternité que de ceux de liberté ou d'égalité (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Pierre-Christophe Baguet - A la septième lecture de ce texte, et la quatrième ici même, force est de constater que les ambiguïtés demeurent. Le problème était pourtant simple. Si nous cherchions à régler les difficultés rencontrées par les couples, homosexuels ou non, qui ne peuvent ou ne veulent se marier, et à lutter contre les discriminations dont ils sont victimes, il suffisait d'introduire le concubinage dans le code civil, de modifier le code

général des impôts et celui de la Sécurité sociale, d'amender le droit des successions et du logement (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). Point n'était besoin de légiférer. Il en allait différemment si nous souhaitions donner un statut aux seuls couples homosexuels.

M. Maurice Leroy - Il n'en ont pas eu le courage.

M. Pierre-Christophe Baguet - Les objectifs n'ont jamais été précisément définis ni par le Gouvernement, ni par la majorité plurielle ni, je le regrette, par l'opposition. Le débat s'est cristallisé autour de positions radicales, alimentant de nos passions exacerbées son écho dans les médias et l'opinion. Nous n'avons pas su dialoguer : preuve en est que seuls deux amendements sur les mille déposés par l'opposition ont été retenus. Avons-nous seulement essayé d'écouter l'autre au cours du débat, sans le caricaturer ?

L'opposition a été accusée de «ringardisme». A l'origine de tant de textes empreints de modernité, elle n'a pourtant aucune leçon à recevoir (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). Le vote des femmes en 1944, c'est elle ! La Sécurité sociale en 1945, c'est elle ! (Protestations sur les bancs du groupe communiste) Le divorce par consentement mutuel en 1975, le droit à la contraception et à l'IVG en 1975, le vote à 18 ans en 1978, c'est encore elle ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR) Enfin, c'est encore elle qui a proposé les textes sur la bioéthique... (Mêmes mouvements) que la gauche aussi a votés.

Mais elle juge aujourd'hui que le texte relatif au Pacs est mauvais. Certaines améliorations techniques n'ont en effet pas suffi à en faire un bon texte. Il ne protégera pas les plus faibles comme il le prétend et ne fera qu'embrouiller les esprits. Sur le plan fiscal, les couples aisés s'en tireront plutôt bien, mais non les plus démunis.

Par ailleurs, ce texte sera difficilement applicable. Il ne prévoit aucun régime de nullité ; le régime patrimonial qu'il retient est inadapté ; il ne donne aucune base légale au juge pour statuer sur le partage des biens ni les conséquences de la rupture ; enfin, il sera source d'innombrables contentieux.

Une concertation plus approfondie en amont aurait permis d'éviter ces difficultés. Vous ne l'avez pas souhaité, de même que vous n'avez pas souhaité évaluer le coût de ces mesures. Seule Mme Tasca a un jour avancé le chiffre de six à sept milliards. En réalité, suivant le nombre de signataires d'un Pacs, le coût sera d'emblée de trois, six ou neuf milliards, à multiplier ensuite par trois, l'extension du bénéfice des pensions de réversion aux pacsés étant inéluctable. Ce surcoût, évalué de 15 à 18 milliards pour le régime de base, interviendra au moment même où le rapport entre actifs et retraités se dégradera -je ne parle pas même des régimes complémentaires. Vous avez refusé d'en parler, tout comme le ministre des finances a refusé l'amendement de notre collègue de Courson au projet de loi de finances pour 1999, tendant à porter le montant de la tontine de 400 000 à un million de francs.

Au total, ce mille-feuilles juridique et social, comme l'a qualifié mon collègue Henri Plagnol en première lecture, manque du courage politique qui aurait été nécessaire pour faire de ce texte un texte symbole d'une société nouvelle. Jamais le sujet n'a été réellement abordé.

Ainsi ce texte ne s'insère-t-il en aucune façon dans le cadre global d'une politique familiale.

Plutôt que d'opposer au mariage d'autres formes juridiques de vie à deux, nous aurions pu réfléchir ensemble, je dis bien ensemble, sur cette politique familiale.

La famille protège les plus faibles et c'est en son sein que les jeunes trouvent le principal réconfort. C'est bien par perte de repères familiaux que les jeunes se tournent vers les sectes, sombrent dans la délinquance ou, pis encore, en viennent à se suicider (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

Je ne condamne là ni les personnes divorcées, ni les personnes remariées, ni les familles recomposées. Tant s'en faut ! Mais le rôle des parents est bien de protéger les enfants. Il nous faudra travailler sur les propositions du groupe de travail Dekeuwer-Desfossez.

Le texte sur le Pacs est indigne, notamment parce qu'il est muet sur les enfants (Mme Boutin : «Très bien !») Comment dissocier le couple de l'enfant ? Nous devrons rendre un jour des comptes à nos enfants. N'en voit-on assez à la recherche du père et de la mère, du père ou de la mère ?

Est-ce par cynisme, par insensibilité ou par bêtise que nous ne voyons plus les souffrances et les cicatrices indélébiles que nous leur infligeons ?

La communauté homosexuelle revendique le droit d'adopter des enfants, notre collègue Jean-Pierre Michel ne s'en est jamais caché. Qui d'entre nous peut prétendre détenir la vérité sur ce sujet ? Le problème mérite réflexion et débat.

Mais aujourd'hui, en notre âme et conscience, nous ne pouvons nous résoudre à voter ce texte indigne. Conscient de ses responsabilités, soucieux d'une politique familiale digne de nos enfants et de nos petits-enfants, répondant aux besoins et aux attentes de nos concitoyens, le groupe UDF-Alliance votera contre et en appellera au Conseil constitutionnel avec ses partenaires de l'opposition (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

Mme Yvette Benayoun-Nakache - On nous annonce que la Terre a accueilli aujourd'hui le six milliardième humain. Nous n'en doutons pas. Mais ce qui est certain, c'est que cinq millions de nos concitoyens attendent le Pacs... CUC, CUS, CUCS, PIC, Pacs I, PacsII, PacsIII, le Pacs nouveau est enfin arrivé ! Beaucoup a été dit sur le sujet et les débats ont été passionnés, passionnants, entre pro-Pacs et anti-Pacs. Un véritable dialogue s'est noué dans nos circonscriptions. Certains ont même anticipé le vote du texte, tel un avocat toulousain qui a d'ores et déjà publié un mode d'emploi du Pacs.

Le débat est sorti de cette enceinte, et je m'en réjouis. Certains s'en sont emparés, desquels on ne l'aurait pas attendu comme des personnes âgées ou des associations d'anciens combattants, alors que notre hémicycle devenait une arène où s'exprimait une verve des plus acides, incarnée par Christine Boutin que ses propres compagnons ont érigée en bouc émissaire d'un conservatisme caricatural et laissé se ridiculiser, n'ayant pas eux-mêmes le courage d'assumer leurs positions. Qu'il est difficile d'introduire des idées nouvelles qui dérangent dans certaines couches de notre société.

Sur le Pacs, on aura tout entendu, proféré par les défenseurs d'un ordre moral faisant de l'homosexualité un danger (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). On a accusé les homosexuels d'avoir constitué un lobby pour faire adopter un projet qui ne s'adresse pourtant pas qu'à eux.

Il arrive que dans une famille on montre du doigt celui qui bouscule les conventions. Mais la démocratie c'est justement la possibilité de faire valoir ses choix, ses différences. Le mariage n'étant plus une norme mais un choix, le Pacs consacre une alternative à ce choix. Il est un engagement contractuel que le concubinage, même avec des droits étendus, ne saurait remplacer.

On peut comprendre que des groupes qui ont 122-130JS11

érigé des liens traditionnels en modèle unique de société s'insurgent face à des projets qui les bousculent. Mais ce sont eux qui, aujourd'hui, agissent comme des lobbys et nous inondent de discours qui font parfois froid dans le dos. Nous n'en avons eu que plus de force pour défendre nos idéaux d'ouverture et de tolérance. J'espère que la prise de position de Roselyne Bachelot -ce texte a beaucoup été porté par les femmes- aura donné à d'autres le courage de braver la discipline de leur parti...

Mme Christine Boutin - Adressez-vous aussi à gauche !

Mme Yvette Benayoun-Nakache - ...et de faire preuve d'intelligence en votant un texte de progrès social. Nous y affirmons notre volonté de tolérance et de partage comme dans cet autre texte majeur, la loi sur les 35 heures, ou d'autres relatifs au dopage, à la parité, aux gens du voyage.

Le Pacs est attendu avec impatience. A travers ce projet nous ne défendons pas de forme de déviance sociale mais un humanisme dont trop de gens se réclament sans s'engager (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

La séance suspendue à 18 heures est reprise à 18 heures 10.

M. Dominique Dord - Il aura fallu une année pour parvenir à cette quatrième lecture -au prix de bien des cahots et de quelques improvisations.

Dans un premier temps le Gouvernement, refusant d'honorer une promesse électorale, se défausse sur l'initiative parlementaire. Il en sort une proposition de loi qui a les défauts juridiques d'un texte non examiné en Conseil d'Etat. Heureusement pour vous peut-être, ce texte inapplicable fut rejeté. Le Gouvernement n'ayant pas souhaité en assumer la paternité, un certain nombre de parlementaires de la majorité ont fait de même contre toute attente. Une majorité vota l'exception d'irrecevabilité. Cela donna lieu à quelques scènes d'allégresse, un peu colorées peut-être... On nous les a reprochées. Mais dans l'opposition, on n'a pas tant d'occasions de se réjouir (Sourires). D'ailleurs notre joie fut de courte durée. De façon toujours un peu chaotique, presque le même jour, vous présentiez pratiquement le même texte. Depuis, nous sommes arrivés à la septième version. Le Sénat détruisait le texte, vous le reconstruisiez. Au gré des amendements que vous concédiez à votre majorité -à nous jamais- le texte fut bouleversé, ce qui a renforcé l'impression de chaos.

Vous avez réussi dans le même temps à mettre 100 000 Français dans la rue. Emanation de la droite réactionnaire, direz-vous...

M. le Rapporteur pour avis - Et homophobe !

M. Dominique Dord - Il s'agissait tout de même de la plus grosse manifestation de ces dernières années.

Après quoi, une association a menacé de «dénoncer» l'un de nos collègues, supposé être homosexuel. Vous qui êtes toujours prêts à donner des leçons de morale, je ne vous ai alors guère entendus !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois - Vous êtes sourd ?

M. le Rapporteur - Oui, c'est faux !

M. Dominique Dord - Nous nous souvenons bien de ce qui s'est passé, en particulier le collègue qui était visé.

Quoi qu'il en soit, nous voici arrivés à la quatrième lecture. Nous n'avons quant à nous pas varié : comme il y a un an, nous sommes favorables à certaines modalités du Pacs, mais hostiles à son principe.

Nous pensons en effet que la législation devait être aménagée pour tenir compte des réalités sociales, et en particulier de certaines situations de vie commune. Ainsi, s'agissant du logement, nous sommes pour une modification de la loi de 1989 et pour qu'un droit de suite soit donné au conjoint survivant ou abandonné. Nous sommes aussi pour que la qualité d'ayant droit de la sécurité sociale soit reconnu au compagnon ou à la compagne.

Mme la Présidente de la commission des lois - Que ne l'avez-vous fait !

M. Dominique Dord - Dans le domaine du droit du travail, nous n'avons rien contre la possibilité donnée au membre d'un couple de prendre ses vacances en même temps que son compagnon ou sa compagne...

M. le Rapporteur - Vous avez voté contre ! Le reste est littérature.

M. Dominique Dord - Nous avons voté contre, c'est vrai, mais parce que tous ces droits étaient subordonnés à la signature d'un Pacs. Or nous sommes contre le principe du Pacs.

S'agissant du droit à la succession, nous étions ouverts à la discussion, de même que sur la déclaration commune d'imposition.

Par contre, nous étions hostiles, et nous le restons, à tout ce qui, dans le Pacs, facilite l'acquisition de la nationalité française, ainsi qu'à ce que nous avons dénoncé comme une réintroduction en droit français de la «répudiation» -si le mot vous choque, je le retire, mais reconnaissez que les modalités de dissolution du Pacs peuvent y faire penser.

Nous n'étions pas d'accord non plus sur le lieu de conclusion du Pacs. La préfecture ? Le siège de police ? Quelle abomination ! Le tribunal d'instance ne nous paraît guère mieux.

Nous aurions préféré que vous régliez d'autres problèmes urgents, par exemple celui d'un homme ou d'une femme qui, à la mort de son concubin, se retrouve sans rien, sans le moindre droit à réversion. J'avais pour ce faire déposé, ainsi que le groupe communiste, un amendement qui a été refusé par le Gouvernement. Il faut dire qu'il coûtait 20 milliards et que vous avez, Madame la ministre, la générosité sélective ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

Comme vous voyez, la droite n'est pas aussi conservatrice que certains voudraient le faire croire.

Reste que nous sommes résolument opposés au principe même du Pacs, c'est-à-dire à l'introduction d'un nouveau type de contrat en plein c_ur du droit de la famille. La société devrait en effet ici se contenter d'attester, et non pas consacrer. Une attestation de vie commune devant notaire aurait donc été infiniment préférable.

Au risque de rabâcher, je voudrais redire les raisons pour lesquelles nous sommes contre le Pacs, aussi bien pour les concubins hétérosexuels qu'homosexuels.

Dans le premier cas, parce que nous considérons que la société doit privilégier, par un statut aussi protecteur que possible pour l'enfant comme pour le conjoint le plus faible, les unions stables. Or, à cet égard, le Pacs ressemble à un sous-mariage qui, une fois dissous, n'a que les effets d'un sous-divorce. Et comment admettre que le texte ne cite pas une seule fois l'enfant ?

Dans le deuxième, parce que nous pensons -et Jean-Pierre Michel l'a reconnu avec bonne foi- que le Pacs ouvrira la voie au droit à l'adoption et à la PMA. C'est si vrai qu'en réalité, cette question-là, celle de l'homoparentalité ou de la pluriparentalité, est celle du moment, le

Pacs lui-même paraissant déjà derrière nous. Le droit à l'adoption et à la PMA, l'ensemble des associations d'homosexuels le revendiquent déjà et la Cour européenne des droits de l'homme leur donnera un jour raison car on ne voit pas comment un même statut pourrait dans un cas -pacsés hétérosexuels- donner droit à l'adoption, dans l'autre -pacsés homosexuels- non.

Que va-t-il se passer maintenant ? L'apocalypse ? Non, mais peut-être pire (Rires sur les bancs du groupe socialiste) car les effets seront plus insidieux. En introduisant dans le droit de la famille un statut qui va le déstabiliser, la majorité prend en même temps la responsabilité de déstabiliser la famille -peut-être est-ce complètement ringard d'invoquer la famille, mais que voulez-vous ? il me semble que l'on n'a encore rien trouvé de mieux pour protéger les individus- et donc l'un des repères fondamentaux de notre société. Ce faisant, c'est un peu à l'_uvre de civilisation entreprise depuis des siècles qu'elle touche. Pour toutes ces raisons, je crois sincèrement que le Pacs ne constitue pas un progrès social mais au contraire une régression (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Bernard Birsinger - Nous voici enfin au terme d'un débat qui aura duré un an. Une année qui aura permis d'enrichir le texte initial et de compléter certains droits. Les députés communistes sont fiers d'y avoir contribué.

En un an, beaucoup de choses ont été dites, dans cet hémicycle comme ailleurs. Beaucoup d'inepties aussi, les plus fantaisistes comme les plus odieuses. Certains se sont dépensés sans compter pour brouiller le débat. Mais non, le Pacs ne s'attaque nullement au mariage, il n'enlève rien à ceux qui font le choix de passer devant Monsieur le maire. Il n'a pas non plus été question d'ouvrir le mariage aux homosexuels, ni de leur donner le droit à l'adoption ou à la PMA. Ces débats n'étaient pas ceux du Pacs, mais ils restent à mener et gageons que l'avenir nous en donnera l'occasion.

Cette année de débat n'aura pas été inutile pour bien faire percevoir les vrais enjeux du Pacs. J'en veux pour preuve la soudaine prise de conscience, cet été, d'un certain nombre de députés de l'opposition, découvrant le fossé entre leurs conceptions et celles que porte la société, en particulier par les jeunes. Voilà peut-être le seul bienfait d'une année d'obstruction de la droite, qui aura retardé l'ouverture de droits nouveaux pour des millions de citoyens : droit à l'imposition commune, abattement sur les successions, droit à la reprise de bail...

L'attitude des députés communistes n'a pas varié depuis le début et a contribué à étoffer le texte. Je pense notamment à la couverture sociale pour la personne pacsée qui n'en a pas, à la suppression des délais pour la reprise de bail, aux possibilités accrues de mutation dans la fonction publique. Je pense, enfin, à la précision selon laquelle le Pacs est ouvert à deux personnes «de sexe différent ou de même sexe», qui permet de couper court à toute interprétation rétrograde de la Cour de cassation sur la nature du couple. Tout cela ne conduit nullement au délitement de la famille et de la société, mais contribue à renforcer les liens de solidarité et la protection des individus.

Je tiens à citer les homosexuels et leurs associations dont la patiente détermination à faire adopter ce texte aura assuré des droits nouveaux à l'ensemble de la société. Le travail commun entre ces associations et les députés communistes nous a permis d'être le relais des exigences dans cet hémicycle. Je veux aussi souligner la bonne entente au sein de la gauche plurielle, où l'écoute mutuelle a souvent prévalu.

Espérons que cette démarche pluraliste continuera d'inspirer le Gouvernement pour les autres sujets, particulièrement les questions de l'emploi.

Bien sûr, les députés communistes regrettent que cette loi n'aille pas plus loin. Je pense notamment à toutes nos propositions concernant le lieu de signature du Pacs, que nous aurions préféré à la mairie, là où se prennent déjà la majeure partie des actes d'état civil et ou existe un personnel formé. Je pense à la suppression des délais pour avoir accès à l'imposition commune : pourquoi maintenir ce délai de deux ans qui reflète une certaine suspicion ? Je pense encore au droit au séjour et à la nationalité pour les étrangers liés par un Pacs. J'espère que ces trois points pourront être améliorés plus tard. Et je suis sûr qu'une fois le Pacs adopté par des centaines de milliers de couples, il apparaîtra opportun et naturel de prendre de nouvelles dispositions. Quant à la question des fratries, nous ne souhaitions pas la voir réglée par le Pacs pour ne pas mélanger les débats ; mais elle devra faire rapidement l'objet de dispositions législatives, et pourquoi pas à l'occasion de la loi sur la famille. Enfin, nous avons noté l'engagement de Mme la ministre de prendre les mesures réglementaires voulues pour que la signature d'un Pacs soit prise en compte dans le cas d'une demande de naturalisation.

Le Pacs ne met pas seulement le droit des couples en accord avec l'évolution de la société et de la famille. Il préfigure aussi une législation génératrice de droits nouveaux pour les citoyens en fonction de leurs choix de vie.

Après une session parlementaire de débats va venir l'application de la loi . Nous ne pouvons croire que le Conseil constitutionnel se permettra de censurer une loi qu'attend une grande majorité de nos concitoyens. Elle sera donc promulguée le 15 décembre au plus tard. Viendront alors les décrets d'application. Citoyens et associations devront rester vigilants. Les députés communistes seront de toutes les initiatives visant à accélérer la prise des décrets d'application. Il faudra aussi attribuer rapidement aux tribunaux les moyens nouveaux qu'exigent leurs nouvelles missions. Sur ces deux questions, Madame la ministre, j'ai bien entendu vos engagements.

De même nous serons présents pour lutter contre l'homophobie. Nous déposerons prochainement une proposition de loi en ce sens. Le Pacs permet un bon en avant vers le droit à la différence. Pour faire vivre ce droit, il faut engager de nouveaux chantiers législatifs.

C'est avec détermination que les députés communistes voteront demain le Pacte civil de solidarité. Notre nouveau communisme est un mouvement qui participe de toutes les offensives pour les libertés individuelles et l'égalité des droits, contre toutes les discriminations. Par notre vote, nous avons la satisfaction de participer activement à ce processus émancipateur (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Patrick Devedjian - La longueur de ce débat sur le Pacs a eu le mérite d'apaiser les passions. Mais le temps n'a permis ni de convaincre du bienfait du projet, ni de le rendre raisonnable. Nous n'avons pas changé d'avis et l'opposition conserve toute sa détermination dans l'hostilité.

Le RPR a d'autant plus de raisons de maintenir son opposition qu'il a toujours pris soin de définir une position éloignée de tout relent détestable et qu'il considère qu'on doit mettre fin à une absurde discrimination.

C'est en vain que la gauche utilise les minorités pour se donner un air de modernité. Elles découvrent tôt ou tard le mauvais service qu'on leur rend en les installant dans un statut.

La mode c'est ce qui se démode : ne reste alors que la tristesse de l'échec et le désespoir de solutions qui se sont encore éloignées.

Beaucoup de reproches techniques, juridiques et philosophiques ont été faits, à juste titre, à ce texte instable, incertain, mais obstiné jusqu'à violer le Règlement de l'Assemblée nationale. Mais je veux aller à l'essentiel : notre désaccord est d'abord de principe. Il ne porte pas sur le constat mais sur le remède proposé, qui nous paraît pire que le mal. Oui, les homosexuels font l'objet d'une discrimination juridique et sociale à laquelle il convient de mettre fin. Oui, toute attitude homophobe est détestable ; les homosexuels n'ont besoin ni de charité, ni de compassion, mais seulement d'égalité et de dignité. Oui, chacun a le droit de vivre librement sa sexualité tant qu'elle ne porte pas atteinte à la liberté d'autrui. Ce constat peut être partagé sur tous les bancs.

Mais la République, ce n'est pas seulement l'égalité de droit : c'est aussi le refus de toute discrimination, a fortiori statutaire. En créant un statut des homosexuels au prétexte de leur donner des droits, vous en faites l'objet d'une désignation sociale. Vous objecterez que ce n'est pas un statut pour les homosexuels, puisque les hétérosexuels pourront en bénéficier. Mais parmi ses bénéficiaires on pourra facilement distinguer les homosexuels des autres. Et ce sont eux, les homosexuels, qui font l'objet principal du projet de loi, il est dérisoire, voire misérable, de vouloir le dissimuler.

Légiférer loyalement aurait consisté à revoir l'absurde fiscalité des successions, que la gauche n'a cessé de surcharger au lieu d'y apporter des aménagements incohérents parce que de circonstance. Légiférer de manière républicaine aurait consisté à donner les mêmes droits aux concubins hétérosexuels et homosexuels, sans qu'on puisse les distinguer. Par cette loi, vous sortez de la philosophie républicaine pour entrer dans celle du communautarisme. Là est notre opposition fondamentale.

Le pire, dans cette loi, est que les homosexuels n'ont d'autre choix que de continuer à subir la discrimination pour s'assurer la discrétion, ou de choisir le Pacs pour y mettre fin, mais en voyant alors leur choix sexuel révélé au public et aux autorités.

Votre loi est donc très cruelle : une discrimination inchangée pour ceux qui ne veulent pas assumer publiquement leur choix...

Pourtant, le respect de la vie privée est un droit.

Pour mettre fin à une discrimination, vous bafouez le secret de la vie privée. Tel est le vice fondamental de votre loi : seule la passion politique vous empêche de le comprendre.

En établissent un fichier des «pacsés» largement accessible, vous rendez publique l'option sexuelle de ceux qui n'auront pas vu les dangers de votre loi. Ce n'est pas grave, pensez-vous : nous vivons des temps heureux, et il n'y a pas de réel danger. J'en conviens ; mais nul n'est sûr du lendemain, l'enfer est pavé de bonnes intentions et la légèreté législative peut avoir des effets dramatiques (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Oui, nous estimons aussi cette loi injuste pour les familles, pour les concubins, pour les enfants, pour les célibataires, et nous nous y opposons pour ces raisons.

Mais nous nous y opposons avant tout parce qu'elle est injuste et dangereuse pour ceux qu'elle prétend défendre, et qui en seront les premières victimes. Je me contente aujourd'hui de prendre date. Le temps démontrera, hélas, la perversité de votre loi, et, je vous le dis, nous n'avons pas fini d'en parler (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF).

M. Michel Suchod - Nous allons adopter une grande loi républicaine, après le vote des femmes, la parité, la suppression de la peine de mort, l'interruption volontaire de grossesse. Comme chaque fois, des difficultés se sont élevées de l'un des côtés de l'Assemblée.

Ce texte, les parlementaires l'ont voulu hors de tout communautarisme.

Aux jeunes de l'UDF -dont j'ai suivi les travaux-, je dis aimablement que la notion même de statut, sans même évoquer celui d'octobre 1940, est une mauvaise idée, car elle ouvre sur l'opprobre, ce que nous ne souhaitons pas plus que M. Devedjian.

Nous avons voulu ce texte pour tous ceux qui souhaitent stabiliser leur situation de couple. Bien sûr, des couples homosexuels concluront des Pacs, et nous nous réjouissons qu'ils accèdent ainsi à davantage d'égalité de droits. Mais les couples hétérosexuels seront plus nombreux encore, à voir ce qui se passe aux Pays-Bas. Ce contrat remplacera souvent le concubinage, et profitera aussi à tous ceux qui, employant une expression qui m'enchante surtout de la part de personnes de soixante ans, sont désireux de «refaire leur vie». Nombre d'entre eux ont goûté auparavant les charmes du mariage et l'extrême difficulté d'en sortir.

Rassurons ceux qui considèrent le mariage comme un sacrement : l'institution est en progression, et l'on voit revenir ce qui paraissait avoir disparu depuis mai 1968, les fiançailles avec bague... (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Maurice Leroy - Ringardisme !

M. Michel Suchod - Parlons-en ! Ce débat a fait surgir ici une sorte de Jeanne Hachette, ou la dernière Jeanne d'Arc, qui nous a tenus 5 heures 25. En vérité, c'était une Jeanne de la résistance au changement, de la réaction, dont nous avions oublié que quelques exemplaires pouvaient se cacher encore dans notre République. Heureusement son discours a été recouvert par les plus intelligents d'entre nous, qui ont compris la menace de la ringardisation sociale. Nous avons entendu le petit mea culpa de M. Douste-Blazy, et surtout les propos de M. Sarkozy le 28 août à Lyon : «Le monde a changé, la France a bougé, le temps est largement venu de nous moderniser» (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). C'est très encourageant. Mais, tel est le drame de la vie politique, ces propos ne se traduiront malheureusement pas dans vos votes. Peut-être, néanmoins, verrons-nous surgir demain une opposition moins idéologique et moins démagogique avec qui nous aurons un débat riche et utile devant notre peuple et devant notre jeunesse (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. le Président - La parole est à Mme Boutin pour cinq minutes, et pas davantage ! (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

Mme Christine Boutin - Le Pacs serait désormais une affaire entendue. Mais nous voici arrivés à ses conséquences, au premier rang desquelles l'adoption des enfants par des partenaires homosexuels.

Dans L'Express de cette semaine, Eric Fassin, sociologue favorable au Pacs, écrit : «Le Pacs a suscité une bataille parce qu'il s'agit bien d'un basculement de logique. On est passé de la tolérance à la reconnaissance. Maintenant, peut-on dire oui au couple et non à la filiation ? Les opposants au Pacs n'avaient pas tort de penser qu'il aurait des conséquences au-delà du simple statut du couple. Il faut arriver à une égalité totale des droits entre hétérosexuels et homosexuels. Il devient difficile de trouver des arguments pour s'arrêter à mi-chemin». Vos dénégations sur le sort des enfants, Madame le Garde des Sceaux, ne font plus illusion. Le Pacs apparaît en pleine lumière comme le préalable à l'adoption d'enfants. C'est la principale raison pour laquelle l'opposition le dénonce.

A gauche on a aussi hésité à s'engager dans ce «basculement de logique». Un jour d'octobre 1998, les députés socialistes ont été ainsi contraints de signer un engagement écrit de soutien à ce texte (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

De nombreuses associations viennent de lancer une consultation d'initiative populaire pour demander au Président de la République d'user de ses pouvoirs constitutionnels.

Je soutiens fermement cet appel car il ne nous reste plus que cette possibilité pour nous faire entendre. L'intervention du Président de la République s'inscrirait parfaitement dans la continuité de son engagement à lutter pour la résorption de la fracture sociale. Le président, par l'article 61 de la Constitution, peut déférer lui-même la loi au Conseil constitutionnel, mais il peut également, par l'article 10, demander une nouvelle délibération de la loi, qui « ne peut lui être refusée ».

M. le Rapporteur - Il y faut le contreseing du Premier ministre.

Mme Christine Boutin - Il est aujourd'hui le seul recours du peuple pour le protéger d'une loi qui constitue un effondrement de repères sociaux essentiels.

Une décision du Président de la République aura la portée symbolique nécessaire pour un texte lui-même hautement symbolique.

Le Pacs devant avoir de graves conséquences pour les enfants, comme de très nombreux Français, je demande au chef de l'Etat de prendre une initiative à l'encontre de ce texte qui aggravera la précarité plus qu'il ne la combattra (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Yann Galut - Où Mme Boutin a-t-elle trouvé que les députés socialistes auraient été forcés de signer un engagement sur ce texte ? (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR) C'est encore un mensonge de votre part !(Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

Nous allons voter la lecture définitive du Pacs.

Le groupe socialiste, avec la majorité plurielle, est heureux de voir aboutir ce texte, approuvé par une immense majorité de nos concitoyens.

Que de chemin parcouru depuis 1991, où Jean-Luc Mélenchon déposa la première proposition de loi, jusqu'à ce jour où nous votons -et c'est une fierté pour le Parlement- la proposition de loi défendue par Jean-Pierre Michel et Patrick Bloche.

Voix UDF et RPR- Ce n'est pas une fierté pour nous !

M. Yann Galut - Elle n'aurait pas pu voir le jour sans la mobilisation des associations homosexuelles, à qui je veux rendre hommage.

L'homosexualité, sujet largement tabou jusqu'à peu, est désormais présente dans le débat public. Ce changement montre la capacité de notre société à s'affranchir de ses conservatismes en rompant des silences souvent coupables et toujours discriminatoires. C'est à partir de ce constat que nous avons voulu répondre à l'attente de ces couples mais aussi des couples hétérosexuels qui ne souhaitaient pas se marier.

Notre Parlement n'est pas le seul à avoir voté un Pacs. Il y a quelques mois le Parlement de Catalogne adoptait une loi similaire, comme cela vient de se passer aussi au Québec.

En France, depuis octobre 1998, le législateur a pu améliorer la nature contractuelle du Pacs, qui peut être soumis à l'appréciation du juge civil. Ainsi, le Pacs s'est fait une place à côté du mariage et aussi de l'union libre, le concubinage tant hétérosexuel qu'homosexuel étant à présent reconnu.

Le mariage républicain conserve toute sa valeur de modèle social.

Le Pacs offre donc un statut juridique global pour les couples qui, ne voulant ou ne pouvant pas se marier, souhaitent sortir de la pure union de fait.

Par conséquent, il ne menace pas le mariage. Les motivations qui poussent les hétérosexuels à se marier demeureront la force symbolique d'un engagement enregistré par un officier d'état-civil et les droits qui protègent les enfants.

Concrètement, le Pacs va simplifier la vie de couples. Ce mérite en revient à cette majorité et au Gouvernement. Nous vous remercions tout particulièrement, Madame la ministre, d'avoir défendu le droit des parlementaires à promouvoir une construction juridique nouvelle.

Ce dernier débat s'est déroulé dans un climat apaisé. Tout le monde a compris que ce texte est attendu par la majorité de nos concitoyens et qu'il va renforcer la famille. Les gesticulations de dernière minute auxquelles se livrent certains trahissent le désarroi de la droite, après les déclarations de certains de ses dirigeants et les reproches de ses jeunes militants (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Le Pacs aidera les Français à assumer leurs choix amoureux. Les députés socialistes voteront cette proposition avec fierté (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Guy Hascoët - Nous sommes en train de franchir une étape dans la conquête des droits. Pour faire partie de ceux qui ont souffert de la non-reconnaissance de leur réalité quotidienne, je me réjouis que de nombreux concitoyens puissent sortir de cette situation de non-droit dans laquelle certains voudraient les confiner.

Nous avons eu un véritable débat de civilisation sur le Pacs, qui n'est pas ce que certains semblent redouter.

Parce qu'il recouvre de nombreuses situations, le Pacs demeure fidèle au principe d'universalité : nous ne sommes pas tombés dans le piège du communautarisme.

L'égalité progresse, puisque de nouveaux droits sont ouverts. Si l'opposition est gênée, c'est qu'elle aurait préféré qu'ils le soient en catimini, sans qu'il y ait aucune reconnaissance de la communauté homosexuelle (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR).

Nous nous félicitons de l'adoption prochaine de ce texte et nous observerons avec beaucoup de vigilance la manière dont il sera appliqué.

J'ai aussi quelques regrets. Il est dommage que, suite à la pression exercée sur les élus locaux, il ait fallu renoncer à la mairie pour la signature du Pacs. Je regrette aussi que le statut des étrangers ayant signé un Pacs ne soit pas plus protecteur. Enfin, les délais adoptés pour l'ouverture des droits me semblent excessifs et même inutiles. Ce n'est tout de même pas la perspective de 100 000 ou 200 000 Pacs pour l'an 2000 qui doit effrayer ceux qui gèrent nos finances publiques.

Après des heures et des heures de débat, certains, par habitude veulent en appeler au plus haut, voyant dans le Président de la République, un recours contre le Parlement. Madame Boutin, si vous l'aimez, évitez-lui cela.

Nous voterons cette proposition (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Philippe de Villiers - Au terme de ce marathon parlementaire, je reste convaincu qu'une large majorité de nos concitoyens, silencieusement, sourdement, reste hostile à cette réforme absurde (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Souvenez-vous de ces grandes manifestations populaires du début de l'année et de la déclaration signée par vingt mille maires (Mêmes mouvements). Je rappellerai aussi, pour vous faire bondir, l'exceptionnelle unanimité des différentes familles spirituelles pour défendre un mode de civilisation que vous mettez en péril.

Il existe dans ce pays une majorité silencieuse qui attendait un sursaut. Or ce sursaut n'est pas venu. Au contraire, il faut s'étonner du grand silence qui règne au moment où on assiste à un début de reniement chez quelques-uns d'entre nous, victime du terrorisme intellectuel qui pèse sur notre vie politique (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Devant l'histoire, chacun portera ses responsabilités. Il s'agit de savoir si nous acceptons de promouvoir un contre-modèle familial qui portera atteinte à la cohésion nationale.

La question qui se pose maintenant, c'est de savoir comment le Pacs va évoluer. Les couples homosexuels pourront bientôt adopter des enfants ; c'est dans la logique de ce dispositif. Il suffit de lire la presse pour s'en rendre compte. La plus importante mutuelle du monde enseignant vient d'étendre l'ensemble de ses prestations aux couples homosexuels.

M. Yann Galut - Très bien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Philippe de Villiers - Mme Boutin l'a dit, les militants de ce qu'on appelle déjà «l'homo-parentalité» réclament cette possibilité, soutenus d'ailleurs par le Parlement européen.

Nous passons de la tolérance à la reconnaissance. Il va devenir difficile de trouver des arguments pour rester à mi-chemin. Nous sommes en train de commettre l'irréparable.

Certains d'entre vous ont osé nous taxer d'intolérance. Vous préparez quant à vous une société de violence, dans laquelle le fort écrase le faible (Rires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Vous introduisez dans notre droit ce que les talibans appellent le droit de répudiation unilatéral. Votre « progrès social » est en fait une formidable régression (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Tout en protestant solennellement contre cette démolition des bases de notre société, je veux en appeler, parce que c'est notre dernier recours, à celui qui est le garant de la cohésion nationale. Comment, lui dirai-je, pouvez-vous rester silencieux dans un débat aussi crucial ? La Constitution vous donne les moyens de vous exprimer. Ce jour venu, les Français se souviendront de vos paroles, ou de votre silence ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

Plusieurs députés socialistes - Des menaces !

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MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Douste-Blazy et des membres du groupe UDF une demande de renvoi en commission, conformément aux dispositions de l'article 91, alinéa 6, du Règlement.

M. Pierre Albertini - Je mesure l'immensité de ma tâche, dans ce dernier quart d'heure de discussion. Permettez-moi cependant de vous expliquer pourquoi, selon moi, un renvoi en commission permettrait d'améliorer considérablement ce texte.

Le Pacs, c'est une occasion ratée . Vous avez mis au point un outil inadapté, trop uniforme compte tenu de la diversité des situations.

En octobre 1998, nous étions nombreux à vouloir concilier deux impératifs. Le premier était de donner à la société des règles qui stimulent le sens des responsabilités de ses membres. Le second, non moins noble, de répondre à une aspiration à la liberté, à la tolérance mais aussi, de façon parfois discutable, souvent légitime, à la protection dans le domaine social, juridique ou fiscal.

Loin de concilier ces deux impératifs, vous avez proposé une réponse identique à des situations profondément différentes, mêlant indistinctement couples hétérosexuels et couples homosexuels, leur ajoutant même, chemin faisant, les fratries, que vous avez ensuite retirées du texte. Quelle fâcheuse confusion des genres !

Deux voies étaient possibles. Le mieux aurait été de partir des situations de fait et d'améliorer la situation fiscale et sociale des couples non mariés lorsqu'il y avait lieu de le faire. Des modifications apportées au code général des impôts, au code du travail, au droit du logement auraient permis d'améliorer substantiellement la situation des personnes qui ont fait le choix, après tout respectable, de vivre hors-mariage. Nous avions d'ailleurs déposé une

proposition de loi en ce sens à l'été 1998.

L'autre voie consistait à promouvoir un contrat reposant sur un engagement inter-personnel fort, équilibrant les droits et les devoirs et prévoyant une compensation en cas de rupture.

Vous avez en réalité choisi une voie hybride. Bien des ambiguïtés demeurent quant au contenu du Pacs, sans même parler, hélas, de sa future application.

Le Pacs constitue une réponse lacunaire et imprécise. L'article 34 de la Constitution confie en effet au Parlement le soin de fixer les principes fondamentaux régissant l'état des personnes, les successions et libéralités. En renvoyant au pouvoir réglementaire, mais surtout au pouvoir judiciaire, le soin de combler les lacunes de la loi, le législateur n'a pas rempli son rôle qui est de rédiger des lois au contenu précis et rigoureux.

Ainsi l'objet du Pacs n'est pas précisément défini. La vie commune, qu'il est censé organiser, n'a même pas reçu de contenu minimal, ce qui est d'ailleurs paradoxal au moment où le concubinage va, pour la première fois, imposer une relation stable et continue. Cette notion de vie commune risque donc bien d'être déclinée selon la fantaisie des partenaires.

De même, l'aide mutuelle et matérielle que les signataires d'un Pacs sont censés s'apporter reste vague. Nul doute que les Pacs seront à géométrie fort variable. Certains comporteront des engagements très proches de ceux du mariage, d'autres seulement symboliques. Les avantages fiscaux seront pourtant les mêmes dans tous les cas. Où est l'égalité des citoyens devant l'impôt ?

Le texte comporte aussi de très graves insuffisances. Ainsi prévoit-il que la violation des empêchements prévus à la conclusion d'un Pacs pourrait donner lieu à nullité. Mais cette nullité sera-t-elle absolue ou relative ? La réponse à cette question est essentielle pour les intéressés mais aussi pour les tiers. Qui pourra intenter une action pour sauvegarder ses droits et ses intérêts et dans quel délai ? Cela est laissé à l'appréciation du juge qui, péniblement saisi dans des situations dramatiques, constituera une jurisprudence qui ne trouvera cohérence qu'au fil des ans.

S'agissant des biens, vous avez prévu, au mépris de nos mises en garde, une présomption d'indivision. S'il n'existe pas de contentieux en ce domaine, comme vous nous l'avez rétorqué, c'est que les situations sont si bloquées que personne ne songe même à s'adresser à un juge. En l'espèce, s'agira-t-il d'une indivision conventionnelle au sens des articles du code civil ou d'une indivision d'un type nouveau, dont la durée de vie serait limitée à celle du Pacs ?

Que dire ensuite de l'absence totale de compensation à la rupture du Pacs ? Notaires et avocats vous expliquent depuis des mois que cela donnera lieu à d'innombrables contentieux. La saisine du juge ne peut pas être l'ultime recours. N'ajoutons pas le mal d'un contentieux inutile au mal de l'abus sur lequel peut reposer un Pacs. Je propose d'ailleurs au président de l'Office parlementaire d'évaluation de la législation de prendre date pour dresser le bilan de ces contentieux et de leur coût social.

Enfin, le Pacs ne satisfait à aucun des principes fondamentaux du droit des contrats : sécurité, égalité des contractants, protection du plus faible. Il n'a que l'apparence du contrat : c'est d'ailleurs pourquoi il a été inséré au livre I, et non au livre III, du code civil. Un seul exemple : les formalités à accomplir pour rompre unilatéralement un Pacs se réduisent à signifier la décision au partenaire avec un préavis de trois mois et à déposer copie de l'acte au greffe du tribunal d'instance. Au-delà, rien n'est dit du sort du partenaire délaissé. Comment sera assurée la compensation du préjudice qu'il subit ? Sur quels fondements juridiques le juge, dont vous avez d'ailleurs limité le rôle à évaluer les conséquences patrimoniales de la séparation, se prononcera-t-il ? La Cour de cassation a pourtant à plusieurs reprises condamné, en droit international privé et en droit interne, ce qu'elle appelle elle-même la répudiation.

Mme Christine Boutin - Très bien !

M. Pierre Albertini - Le Pacs est un texte législatif qui, en l'état, ne fera pas honneur au Parlement. Vous avez préféré passer en force pour des raisons idéologiques, réduisant d'ailleurs à la portion congrue les amendements acceptés de l'opposition.

Le Pacs emprunte tout à la fois au mariage, notamment ses empêchements, et au contrat, sur la forme mais non sur le fond. C'est un instrument hybride, indéterminé. Il y a pourtant loin d'une société soucieuse de règles et de repères communs à une simple juxtaposition d'individus déboussolés. Voulons-nous simplement faire cohabiter des individus soumis à la loi du plus fort ?

M. le Président - Veuillez conclure, je vous prie (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Pierre Albertini - Le renvoi en commission permettrait d'améliorer substantiellement le texte. S'il n'était pas voté, l'opposition, unie, saisirait immédiatement le Conseil constitutionnel (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. le Rapporteur - Cette motion de renvoi en commission nous aura permis d'entendre encore une fois le discours modéré et intéressant de M. Albertini. Malheureusement, le renvoi en commission ne permettrait en rien d'améliorer le texte. En effet, l'article 45 de la Constitution fait obligation à l'Assemblée d'adopter, en lecture définitive, les textes dans la dernière version votée par elle, sans aucune modification. Quand bien même ce renvoi serait voté, la commission ne pourrait changer un iota au texte. Cette motion de procédure constitue donc un quart d'heure supplémentaire d'obstruction parlementaire dans ce débat qui a déjà duré 110 heures (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Je vous confirme qu'il en serait bien ainsi.

Nous passons aux explications de vote.

M. René Dosière - Le groupe socialiste s'opposera bien sûr à ce détournement de procédure, dont je regrette qu'il soit le fait d'un membre de la commission des lois. Mais peut-être s'agissait-il moins d'un renvoi en commission que d'un renvoi à l'Elysée ?... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Dominique Dord - L'intervention magistrale de Pierre Albertini, loin de constituer une obstruction, a démontré notre volonté d'argumenter de façon modérée. Il a été convaincant. L'opposition s'est exprimée de façon symphonique et sans fausse note (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

Pierre Albertini a remarquablement expliqué une nouvelle fois que l'on pouvait choisir une autre solution pour régler les problèmes que rencontrent au quotidien les concubins hétérosexuels ou homosexuels, et que le Pacs n'est pas indispensable.

Il a montré aussi que les conditions de dissolution du Pacs sont inacceptables. Mais ce que vous allez éviter soigneusement de mettre dans le mariage -le divorce sans jugement- vous l'introduisez dans le Pacs, alors que cela fera le jeu du plus fort. Ce n'est pas un progrès social, c'est une régression. Le groupe DL votera cette exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. le Président - De la fosse d'orchestre on n'entend pas les fausses notes. Des poulaillers,

j'en ai perçu quelques-unes (Sourires).

M. Maurice Leroy - Au moins ce débat a le mérite de montrer que désormais les transports du groupe socialiste sont bien organisés. Rendons hommage au secrétariat général du groupe !

Dommage simplement que ses membres n'aient pas écouté très attentivement l'intervention solide et charpentée de Pierre Albertini. Je ne doute pas que le Conseil constitutionnel -que nous allons saisir de façon unie (Rires sur les bancs du groupe socialiste)- l'entendra.

Au passage je signale à M. Galut que nous n'avons pas attendu les journées des jeunes de l'UDF pour faire une proposition novatrice, posant les vrais enjeux, et que vous avez refusée par pure idéologie (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Patrick Delnatte - La procédure parlementaire, Monsieur le rapporteur, protège la liberté d'expression. Il n'y a là aucune obstruction.

On a beaucoup parlé de progrès dans ce débat. Mais où est le progrès lorsqu'on fait appel à la caricature, à l'anathème, à l'invective ? Lorsque la modernité s'enferme dans l'impasse du reniement de l'anthropologie sociale, culturelle et politique ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Où est le progrès d'une société qui s'installe dans l'égocentrisme et l'éphémère. Dans un monde en mouvement, il faut prendre en compte les évolutions et apporter plus de justice. Institutionnaliser le Pacs crée plus de confusion que de sécurité, et même de l'injustice. Notre réponse est différente. En respectant les choix individuels et la protection des personnes, elle fait de l'amour conjugal et parental le levain d'une société plus ouverte (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Ce soir, en votant la motion, nous prenons date (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. le Président - La commission mixte paritaire n'étant pas parvenue à l'adoption d'un texte commun, l'Assemblée, appelée à se prononcer sur le dernier texte voté par elle, procédera aux explications de vote et au vote par scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi demain, mercredi 13 octobre, après les questions au Gouvernement.

Prochaine séance ce soir, à 21 heures 15.

La séance est levée à 19 heures 40.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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