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Session ordinaire de 1999-2000 - 18ème jour de séance, 45ème séance

1ÈRE SÉANCE DU MERCREDI 3 NOVEMBRE 1999

PRÉSIDENCE de M. Laurent FABIUS

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 3

INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE 3

EMBARGO SUR LA VIANDE BOVINE BRITANNIQUE 4

FISCALITÉ DES ASSOCIATIONS 5

ANCIENS COMBATTANTS 5

TÉLÉPHONES PORTABLES 6

EMBARGO SUR LA VIANDE BOVINE BRITANNIQUE 7

MNEF 7

MUTATION D'UN MAGISTRAT 9

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE 9

ALSTOM 10

AGENCE FRANCE-PRESSE 10

INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE 11

LOI DE FINANCES POUR 2000
-deuxième partie- (suite) 12

FONCTION PUBLIQUE, RÉFORME DE L'ÉTAT
ET DÉCENTRALISATION 12

QUESTIONS 27

CONVOCATION DU PARLEMENT EN CONGRÈS 32

COMMISSION MIXTE PARITAIRE 33

La séance est ouverte à quinze heures.

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ERRATUM

au compte rendu analytique de la 2ème séance du mardi 2 novembre 1999.

A la page 43, lors de l'adoption des crédits de la recherche et de la technologie, ajouter :

M. le Président - Je note que le groupe communiste vote contre.

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      QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE

M. Pascal Clément - Madame le Garde des Sceaux, depuis deux ans et demi, ce Gouvernement se fait le champion de la morale, de la transparence et de l'indépendance de la justice. Il prévoit d'ailleurs d'instaurer l'indépendance des magistrats du Parquet, ce qui nécessitera une réforme de la Constitution pour laquelle, après que vous avez insisté ainsi que le Premier ministre auprès du Président de la République, l'Assemblée nationale et le Sénat seront prochainement réunis en Congrès.

Mme Odette Grzegrzulka - Il était temps !

M. Pascal Clément - Beaucoup de parlementaires, ici comme au Sénat, n'ont approuvé que du bout des lèvres l'indépendance du Parquet. Et les événements récents ne les poussent pas à confirmer leur vote. Je prendrai un seul exemple.

Vous avez répondu hier à notre collègue Henri Plagnol vous interrogeant sur le remplacement brutal de Mme Fulgéras, chef de la section des affaires financières du Parquet de Paris, que celle-ci avait souhaité une mobilité. Quel culot, Madame le ministre ! En effet, la presse de ce matin révèle que Mme Fulgéras a été profondément affectée par cette sanction (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). En réalité, il apparaît, pour parler comme l'un de mes électeurs qui l'a appelé ce matin à ce sujet, qu'elle a été proprement virée (Mêmes mouvements).

Comment parler d'indépendance de la justice alors que vous avez fait nommer au Parquet de Paris un procureur ami, ancien directeur de cabinet du Garde des Sceaux, Henri Nallet qui, d'une minute à l'autre, a pu dessaisir le chef de la section des affaires financières ? Jusqu'à preuve du contraire, Mme Fulgéras n'a en effet reçu aucune affectation : il ne s'agit donc pas de mobilité. Existe-t-il des précédents ? Pas à ma connaissance (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Voilà la façon dont, par le biais de vos proches vous intervenez dans le cours de la justice tout en continuant de vous draper de vertu et de morale (Mêmes mouvements). Mais le voile de l'hypocrisie est en train de se déchirer. Vous ne préparez qu'une indépendance formelle, hypocrite, du Parquet, comptant bien davantage sur vos procureurs, solidement tenus, pour faire le ménage lorsque vous souhaitez qu'il soit fait. Convenez au moins que le départ de Mme Fulgéras tombe à pic en pleine affaire de la MNEF qui concerne tant de vos amis politiques !

Madame le Garde des Sceaux, comment allez-vous mettre en accord vos déclarations et vos actes ? Il y va de la crédibilité d'un gouvernement qui avait voulu jusqu'à présent incarner le triomphe de la morale (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Je répondrai brièvement puisque M. Clément a déjà occupé presque tout le temps de parole de son groupe.

La réorganisation du Parquet de Paris est en cours depuis un an, celle-ci a même fait l'objet d'une conférence de presse en mai dernier. («Et alors?» sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Cette réorganisation dont j'ai approuvé les principes, tend à instituer, aux côtés des sections verticales, des sections territoriales (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) de façon à assurer une meilleure articulation entre le Parquet de Paris et la police judiciaire. La lutte contre la délinquance, qui empoisonne la vie quotidienne de nos concitoyens, y gagnera en efficacité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

L'application de cette réforme a conduit à des mouvements, de la seule responsabilité du chef de juridiction (Huées sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Vingt magistrats ont quitté le Parquet de Paris, dont quatre chefs de section sur onze. Cette réforme a été conduite en parfaite concertation avec les personnels concernés et chaque magistrat changeant d'affectation recevra des propositions correspondant à ses talents. Quatre de ces magistrats se sont d'ailleurs, depuis mai dernier, mis en disponibilité pour assurer des fonctions dans le secteur privé (Mêmes mouvements).

Enfin, je tiens à dire à M. Clément qu'il n'est pas le mieux placé pour parler de la réforme en cours de la justice. Le groupe Démocratie libérale est le seul à l'Assemblée nationale à avoir voté contre la réforme du Conseil supérieur de la magistrature (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV), voulue par le Président de la République et que les autres groupes de l'opposition se sont bien gardés de désapprouver.

Y a-t-il eu des précédents ? (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) J'en ai au moins un à l'esprit. Le directeur de cabinet de mon prédécesseur a été à sa sortie du cabinet directement nommé à l'un des plus hauts postes de la magistrature française, poste qu'il occupe toujours d'ailleurs (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

En réalité, vous êtes embarrassé. Le ministre des finances, mis en cause par la justice, a choisi de démissionner et cette décision l'honore. Ne sachant comment attaquer le Gouvernement qui garantit l'impartialité de la justice (Huées sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et sur plusieurs bancs du groupe communiste), vous vous rabattez sur de petites man_uvres qui n'abuseront aucun de ceux qui nous écoutent (Mêmes mouvements).

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EMBARGO SUR LA VIANDE BOVINE BRITANNIQUE

M. Roland Garrigues - La démission d'un ministre n'est pas contraire à la morale...

Ma question s'adresse au ministre de l'agriculture. La presse anglaise appelle au boycott des produits français pour protester contre le refus de notre pays de lever l'embargo sur la viande de b_uf britannique. Cette campagne prend chaque jour plus d'ampleur, plusieurs chaînes de supermarchés ayant par exemple annoncé le boycott de produits emblématiques comme les vins, les fromages, le pain mais aussi les fruits «made in France». Les effets commencent à s'en faire sentir parmi nos agriculteurs, le Royaume-Uni étant le quatrième client de notre industrie agro-alimentaire -nos exportations en sa direction ont représenté 25,4 milliards en 1998.

Les producteurs de pommes, déjà confrontés à une conjoncture défavorable, s'inquiètent d'une guerre commerciale entre les deux pays. Après le rejet par les experts européens des arguments justifiant le refus de lever l'embargo, la France doit-elle revoir sa position ? Monsieur le ministre, vous avez rencontré hier votre homologue britannique. Qu'avez-vous décidé avec lui ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Nous avons en effet rencontré à Bruxelles, Mme Gillot et moi, le commissaire européen chargé de l'agriculture et mon homologue, M. Nick Brown. Nous leur avons dit que nous ne comprenions pas ces menaces de boycott contre les produits français, d'autant que la France n'est pas seule à avoir maintenu l'embargo, tant s'en faut, puisque l'Allemagne, mais aussi les Etats-Unis, l'Australie et de nombreux pays du Commonwealth ont agi de même -47 pays au total dans le monde n'ont pas levé l'embargo sur le b_uf britannique. Nous avons en revanche assuré à nos interlocuteurs que nous comprenions les difficultés auxquelles se trouvent confrontés depuis maintenant plusieurs années les éleveurs britanniques. Nous leur avons indiqué que la France est tout à fait disposée à rechercher une issue, satisfaisante pour tous, dans le seul souci de la santé publique, car nous n'avons pas d'autre préoccupation.

Nous avons donc proposé que des discussions s'ouvrent dès cette semaine, portant notamment sur la traçabilité des cheptels et des produits dérivés de viande bovine fabriqués en Grande-Bretagne, l'étiquetage, la mise au point de tests et la pratique de contrôles plus fréquents et plus rigoureux. Sur ces bases, nous espérons que les points de vue pourront se rapprocher et que toutes garanties pourront être apportées permettant de lever l'embargo. La France souhaite que l'on sorte de la crise au plus tôt mais cela ne peut se faire au détriment de la santé publique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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FISCALITÉ DES ASSOCIATIONS

M. Gilbert Maurer - Ma question s'adresse à M. Sautter, ministre de l'économie et des finances ("Ah !" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

J'ai déjà eu l'occasion de vous dire que j'étais convaincu du bien-fondé de la fiscalisation des associations, qui permettra de mieux contrôler les activités commerciales développées par certains clubs qui n'ont plus d'association que le nom. En revanche, pour les associations plus petites, le seuil retenu d'un chiffre d'affaires de 250 000 F pose problème. En effet, beaucoup d'associations sportives ou culturelles réalisent un tel chiffre d'affaires tout en restant à but non lucratif et en reposant sur le bénévolat. Leurs activités ne servent qu'à assurer leur fonctionnement, en même temps qu'elles garantissent l'animation dans les communes rurales et les quartiers. Le chiffre d'affaires tiré de ces activités ne risque-t-il pas d'être dorénavant assujetti à l'impôt, si ces activités font concurrence au privé ?

Si tel est le cas, le seuil de 250 000 F n'est-il pas trop bas ? Ne décourageons pas les bénévoles au risque de fragiliser des clubs qui sont un gage de dynamisme, particulièrement en milieu rural. Pouvez-vous rassurer le monde associatif ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et quelques bancs du groupe UDF)

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Les associations s'emploient à rendre notre société plus humaine. A notre arrivée en 1997 elles étaient perturbées (Exclamations sur les bancs du groupe UDF et du groupe du DL) par des contrôles fiscaux menés au hasard. A l'évidence la loi de 1901 devait être actualisée. Le Premier ministre a demandé un rapport à ce sujet à un auditeur au Conseil d'Etat. Des assises nationales de la vie associative ont eu lieu. Le principe fondamental de la loi de 1901 a été clairement affirmé : les associations a but non lucratif sont exonérées d'impôts commerciaux sauf si elles font concurrence à des entreprises. Certaines associations, pas seulement en milieu rural, organisent des kermesses ou des buvettes. Le projet de loi de finances comporte deux dispositions en leur faveur.

D'abord, il n'y a pas d'imposition en-dessous d'un chiffre d'affaires de 250 000 F pour la seule partie commerciale, non pour l'ensemble de l'activité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Cela concerne l'immense majorité des associations, qui auparavant étaient imposées au premier franc.

En second lieu, à la demande de la majorité, nous avons allégé la taxe sur les salaires pour les associations.

Le Parlement et le Gouvernement ont ainsi voulu adresser un message positif aux 700 000 clubs, à leur 1,3 million de salariés, à leurs 9 millions de bénévoles qui sont un élément essentiel de notre modèle social (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et plusieurs bancs du groupe communiste).

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ANCIENS COMBATTANTS

M. Alain Néri - Le rattachement du secrétariat d'Etat aux anciens combattants au ministère de la défense a inquiété le monde combattant, soucieux de la pérennité d'un département ministériel propre. Ces inquiétudes ont été apaisées. Mais pouvez-vous confirmer aux anciens combattants qu'ils disposent toujours d'un interlocuteur particulier au Gouvernement et d'un budget autonome afin de continuer à assurer l'imprescriptible droit à réparation et le devoir de mémoire ? Leur confirmer aussi que dans cette tâche on privilégiera toujours les ODAC ?

D'autre part, l'Assemblée le 10 juin et le Sénat le 5 octobre ont voté à l'unanimité la proposition de loi reconnaissant officiellement la guerre d'Algérie comme guerre d'Algérie, rétablissant ainsi la vérité historique. Cette loi rend justice à la troisième génération du feu et rétablit l'unité du monde combattant. Aujourd'hui, on envisage d'élever un mémorial national à ceux qui ont répondu à l'appel du pays et qui, parfois, ne sont pas revenus. Pouvez-vous faire le point sur cette question et en particulier nous indiquer où sera construit ce mémorial national ? Peut-on envisager son inauguration en 2002 pour le quarantième anniversaire de la fin de la guerre d'Algérie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste)

M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants - D'abord le rattachement du secrétariat d'Etat au ministère de la défense, qui vise à garantir qu'une structure administrative gérera ce secteur dans la durée, a été fait en concertation étroite avec le monde combattant. Un membre du Gouvernement est bien responsable de cette question -c'est ma tâche- et le budget existe pour 2000 et existera les années suivantes. Cette concertation montre que le Gouvernement est plus proche du monde combattant que ce n'était le cas auparavant (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe RCV).

Nous allons construire un mémorial en hommage à ceux qui ont répondu à l'appel de la nation lors de la guerre d'Algérie. Le vote unanime de l'Assemblée et du Sénat nous permet de regarder en toute lucidité cette période. Des crédits d'étude sont inscrits au budget dont nous discuterons ce soir. Je souhaite que le monument soit édifié dans la capitale.

M. Renaud Muselier - Plutôt à Marseille.

M. le Secrétaire d'Etat - Les discussions avec la ville de Paris se présentent bien et j'espère que nous pourrons inaugurer en 2002 le témoignage de reconnaissance de la nation à cette génération qui le mérite comme les précédentes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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TÉLÉPHONES PORTABLES

M. Gabriel Montcharmont - Certaines études scientifiques font état de risques que courraient les utilisateurs de téléphones portables. Une expérience menée sur les rats à l'université suédoise de Lund a également abouti à des résultats préoccupants. La France a lancé le programme Comobio pour préciser les effets éventuels des téléphones portables. Plus d'un Français sur quatre possède un portable et la proportion augmente. Comment répondre aux inquiétudes qui se font jour ? Si elles se révélaient fondées, quelles dispositions techniques et réglementaires permettraient-elles d'user des portables sans danger ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale - Je vous rassure, vous n'aurez pas à jeter vos portables immédiatement. Les effets sur la santé publique des champs magnétiques engendrés par les micro-ondes et les radio fréquences ont fait l'objet de nombreuses études depuis les années 1960. C'est lors de l'exposition à de fortes puissances qu'on a effectivement identifié des effets thermiques et la circulation de courants induits dans les organismes exposés.

Récemment une recommandation européenne a fixé des valeurs limite d'exposition. La France s'en inspirera.

On connaît aussi depuis longtemps des effets biologiques liés aux radio fréquences. Mais ils sont généralement transitoires. Il n'y a pas d'effet prouvé à long terme. L'augmentation du nombre de cancers du cerveau est effective mais a commencé avant la diffusion des portables et concerne les plus de 60 ans ainsi que les jeunes enfants.

L'OMS a engagé une étude qui aboutira en 2003 et la France a lancé le programme Comobio qui associe 13 équipes de recherche sur deux ans. D'autres organismes comme le conseil général des télécommunications se penchent aussi sur la question. Le risque n'est pas prouvé. S'il y en a un, c'est bien de conduire en utilisant un portable. Cela multiplie par quatre le risque d'accident (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

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EMBARGO SUR LA VIANDE BOVINE BRITANNIQUE

M. Félix Leyzour - Suite à la maladie de la viande folle, l'embargo sur la viande bovine britannique fut décidé en mars 1996. A la demande de la Grande-Bretagne, le Conseil des ministres européen accepta de le lever le 23 octobre 1998 avec effet au 1er août 1999. Suivant les recommandations d'un collège d'experts de l'AFSA, le gouvernement français a maintenu l'embargo. Les experts européens parmi lesquels ne figure aucun spécialiste du prion, ont contesté cette décision. D'où l'ouverture de négociations à Bruxelles. Quelques heures avant que la commission d'enquête parlementaire sur la sécurité alimentaire, que je préside, ne reçoive l'ambassadeur de Grande-Bretagne, j'aimerais que vous rappeliez ici les bases sur lesquelles a été conclu l'accord de Bruxelles.

Ce dossier est en effet suivi avec beaucoup d'attention par les consommateurs, attachés à la transparence de l'origine des produits et au principe de précaution, et par les éleveurs qui sont toujours les premières victimes des crises provoquées par la négligence des règles de sécurité.

Par rapport au principe de précaution, l'accord de Bruxelles représente-t-il un recul pour l'interprétation française, ou une véritable avancée au plan européen ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Soyons clairs, il n'y a pas eu d'accord hier à Bruxelles, mais l'expression d'une volonté commune de travailler ensemble pour sortir de la crise. J'ai dit quelle est la position du Gouvernement. Nous nous sommes tous mis au travail pour obtenir les meilleures garanties avec les cinq points que j'ai indiqués. Le progrès, c'est que nous sommes sortis de la logique de l'affrontement pour entrer dans celle du travail en commun. Ne parlons donc ni de victoire, ni de défaite, ni de camouflet. Ce langage est inapproprié. Il s'agit de la santé de nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). J'ai dit en toute amitié à mon collègue britannique : «S'il s'agissait de vous laisser une victoire, nous vous la laisserions. Nous faisons des v_ux pour que vous ne la payiez pas au prix de centaines de morts dans quelques années» (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). C'est de cela qu'il s'agit, dans une question où demeurent tant de zones d'ombre.

Je ne considère pas que la réunion de Bruxelles se soit conclue par une victoire de la France, pas plus que l'avis du comité scientifique de vendredi dernier n'a été une défaite. Après le débat entre scientifiques, il appartient aux politiques de gérer le risque ainsi évalué (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur de nombreux bancs du groupe communiste et du groupe RCV).

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MNEF

M. Patrick Ollier - Monsieur le Premier ministre, l'affaire de la MNEF a conduit hier le ministre de l'économie à démissionner. Au-delà des soupçons qui pèsent sur M. Strauss-Kahn et sur lesquels nous n'avons aucun commentaire à faire, étant attachés autant que vous à la présomption d'innocence et à l'indépendance de la justice, nous nous interrogeons néanmoins sur les liens véritables qui ont pu exister entre le Parti socialiste et les dirigeants de la MNEF. On nous assure ici et là que cette affaire se limiterait à quelques dérapages individuels mais aucune hypothèse contraire ne peut être écartée.

Pouvez-vous assurer que l'argent des étudiants n'a pas servi à d'autre fin que celle de son objet social durant la période où vous étiez premier secrétaire ou haut responsable du Parti socialiste ?

Pouvez-vous nous garantir que l'argent de la MNEF, à cette époque, n'a pas servi à financer des campagnes électorales de candidats socialistes (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) ou à offrir un refuge à certains de vos amis ? (Mêmes mouvements)

Pouvez-vous assurer que la nature des liens entre le Parti socialiste et la MNEF échappe à tout reproche ?

Pouvez-vous nous garantir que vous ignoriez l'étroitesse des liens et l'enchevêtrement des intérêts qui unissaient les responsables socialistes et les dirigeants de la MNEF ? En avez-vous pris connaissance comme nous dans la presse la semaine dernière, ou étiez-vous informé de longue date, vous qui avez été dirigeant du Parti socialiste, mais aussi longtemps ministre de l'éducation nationale ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Nous attendons vos éclaircissements ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Je vous réponds avec d'autant plus d'intérêt que, paraît-il vous êtes quelques-uns à faire lire vos questions avant de les poser ici afin, j'imagine, de vous assurer de leur parfaite correction grammaticale (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe socialiste ; interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Depuis deux ans et demi, comme Premier ministre ou comme responsable politique, je me suis interdit de prononcer le moindre jugement sur les affaires en général et de mettre en cause des personnes en particulier. Cela ne signifie pas que je peux me prêter passivement à un jeu unilatéral dans lequel vous tenteriez, de façon infondée, de me mettre en cause (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

En ce qui concerne M. Strauss-Kahn, je constate que, face à la situation qui était créée avant même tout acte judiciaire le mettant en cause, il a démissionné (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Rares sont ses prédécesseurs à avoir pris, dans la même situation, la même décision (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

J'entends parler de système d'organisation et de mise en cause générale.

Pour ce qui me concerne, mon seul rapport avec la MNEF remonte à quarante ans, quand je payais mes cotisations étudiantes. Vous ne trouverez rien d'autre me concernant (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Y a-t-il un système à la MNEF ? Je l'ignore. J'ai été responsable au Parti socialiste, mais jamais à la MNEF (Mêmes mouvements). La distinction est importante.

Y a-t-il eu un financement politique du Parti socialiste par la MNEF ? Non ! Ni quand j'étais Premier secrétaire, ni quand je le suis redevenu, ni dans l'intervalle. Aucune procédure judiciaire n'a jamais mis en cause un type de financement politique. Je suis donc formel ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Y a-t-il eu des irrégularités ? Des personnalités dont certaines seraient socialistes sont-elles susceptibles d'être mises en cause ? C'est ce qui est dit, et ces personnes auront très normalement à expliquer leur situation. Personnellement, politiquement, fonctionnellement, je suis totalement étranger à la MNEF (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Si vous cherchez un système organisé où fonctionnement institutionnel et fonctionnement partisan, où gestion d'une structure et avantages personnels ont été intimement liés pendant vingt ans, ne regardez pas de mon côté ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; Mmes et MM. les députés du groupe socialiste se lèvent et applaudissent longuement).

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MUTATION D'UN MAGISTRAT

M. Michel Hunault - Je veux revenir sur l'éviction de Mme Fulgéras. Cette affaire est trop grave pour nous contenter de votre réponse, Madame la Garde des Sceaux. Contrairement à vos propos d'hier, Mme Fulgéras n'a déposé aucune demande officielle de mutation, elle est très affectée par l'annonce brutale de sa mutation, et elle se considère comme déchargée de ses fonctions sans l'avoir demandé.

Le télescopage de son éviction avec l'affaire de la MNEF est dans tous les esprits. Faut-il y voir une sanction suite au réquisitoire supplétif concernant l'ancien ministre de l'économie ?

La représentation nationale a droit à des explications plus sérieuses que votre réponse à M. Clément.

Il y a quinze jours, Mme Fulgéras était auditionnée par la mission d'information parlementaire sur la délinquance financière. Le mois prochain, elle devait à votre côté représenter le parquet de Paris à une conférence sur le même sujet.

Alors pourquoi cette éviction ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice  - Je vous remercie de la sollicitude que vous témoignez à une magistrate du parquet de Paris. Cette magistrate a été consultée et se verra offrir des fonctions en rapport avec ses grandes capacités, qui ne sont pas en cause (Interruptions sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

Le Parquet est un et indivisible ; Mme Fulgéras n'est pas en charge de l'affaire de la MNEF, ce sont deux juges d'instruction, M. Ribeyrolles et Mme Néher ; c'est l'ensemble du parquet de Paris qui suit l'ensemble des affaires de délinquance financière.

Vous avez du mal à renouveler vos questions ! Si vous posiez des questions plus convaincantes, peut-être vous apporterais-je des réponses qui correspondent à l'attente de l'Assemblée et de tous ceux qui nous écoutent (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

M. Eric Doligé - Jour après jour, Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité proclame l'impartialité de l'Etat socialiste (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Qu'elle souffre donc que je la prenne en défaut !

Vendredi dernier, ses amis sont venus en force et de nuit pour faire adopter un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale tendant à réduire la taxe sur les lessives phosphatées, pourtant chère à Mme Voynet et à M. Strauss-Kahn. Cela pourrait paraître anodin si n'étaient en cause deux usines situées dans des municipalités socialistes : le Grand-Quevilly, dirigée par M. Fabius ("Ah !" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste), et une commune de la banlieue de Lille, ville promise, dit-on, à Mme Aubry elle-même (Mêmes mouvements). J'y vois une double reconnaissance : celle de l'effet négatif de cette taxe sur l'emploi et celle de son inefficacité du point de vue de l'environnement.

C'est à Lille également que va être transférée l'Agence française du sang, pour laquelle avaient pourtant été trouvés des locaux à Issy-les-Moulineaux - mais cette ville est, paraît-il, « trop loin de Paris » (Exclamations et rires sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Nul compte n'est tenu des intérêts du personnel, dont font notamment partie de jeunes mères de famille : sans doute espère-t-on que nombre d'entre elles refuseront de quitter la région parisienne et que ce seront autant d'emplois créés à Lille ! Qu'un gouvernement socialiste choisisse de déshabiller André (Rires) pour habiller Martine en dit long sur sa conception de l'impartialité, qui le conduit à privilégier les intérêts du parti socialiste par rapport à l'intérêt général ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville - Je ne comprends pas votre question (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Vous semblez blâmer le Gouvernement d'accepter des amendements ! (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) De même, vous le critiquez pour avoir pris une décision qui va contre la tendance excessive, et dénoncée de tous côtés, à la concentration des emplois en région parisienne. Enfin, les zones franches que vous aviez créées ne privilégiaient-elles pas fortement Bordeaux et Marseille ? Nous n'avons pas de leçons à recevoir de vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

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ALSTOM

Mme Gilberte Marin-Moskovitz - Le 1er juillet dernier, Alstom fusionnait avec le groupe suédois ABB pour donner naissance au numéro un mondial de la production d'énergie. Le 7 septembre, son président exposait à l'assemblée générale des actionnaires la nécessité d'adapter en permanence l'outil de production « à l'évolution de la demande et aux exigences de la productivité », et ajoutait : « Chez Alstom, nous n'avons pas l'habitude d'annoncer publiquement des programmes globaux de réduction d'effectifs. Notre démarche consiste à analyser en permanence la situation unité par unité, à prendre les mesures appropriées à ce niveau et à les discuter à l'avance avec les représentants des salariés, en conformité avec la législation et les usages. »

Or, le 19 octobre, un quotidien national a fait état d'un document confidentiel prévoyant 1900 suppressions d'emplois, dont 400 à Belfort, suscitant de vives inquiétudes chez les salariés et leurs représentants. La direction de l'entreprise a déclaré depuis qu'il s'agissait de simples études et qu'aucun projet précis n'était retenu à ce jour, mais cette réponse ne les a guère rassurés. Qu'entend faire le Gouvernement pour qu'ils obtiennent rapidement des informations claires sur leur devenir et pour que l'entreprise maintienne un potentiel industriel, technique et humain sur le site de Belfort ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RCV, du groupe communiste et du groupe socialiste)

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Les pouvoirs publics sont très attentifs à la situation de l'emploi chez Alstom et ne sont pas dépourvus de moyens d'action, bien qu'il s'agisse d'une entreprise privée. Ils entendent intervenir avec détermination, en amont des problèmes, pour éviter au maximum les allégements d'effectifs que vous redoutez, et qui ne sont d'ailleurs pas confirmés pour l'instant.

J'ai fait recevoir les représentants des salariés par mes collaborateurs et j'ai moi-même déclaré que l'entreprise, comme toutes les entreprises du même type se trouvant dans la même situation, devait, préalablement à toute réorganisation ayant des incidences sur l'emploi, en discuter avec les organisations syndicales ainsi qu'avec les élus locaux et nationaux. Je recevrai prochainement le PDG d'Alstom-ABB, groupe dont le poids est tel dans l'économie belfortaine qu'il ne saurait s'exonérer des efforts de diversification préconisés par le CIAT. Nous suivrons ce dossier avec vous, avec la volonté de maintenir l'emploi à Belfort et ailleurs. Sur les 100 locomotives récemment commandées par l'Iran (Exclamations sur les bancs du groupe UDF et du groupe DL), 20 seront fabriquées à Belfort, et je multiplierai les contacts avec les Etats susceptibles de passer commande de ce matériel, qui témoigne de la remarquable qualité de notre industrie (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

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AGENCE FRANCE-PRESSE

M. Noël Mamère - Le « plan stratégique de développement » présenté par le PDG de l'AFP prévoit l'entrée de partenaires privés dans le capital de l'Agence et la modification subséquente de la loi de 1957 portant statut de cette dernière. Or, l'AFP n'est pas une agence comme les autres : fondée en 1944, elle est la troisième du monde après les deux anglo-saxonnes Associated Press et Reuter et constitue un outil indispensable au rayonnement de la francophonie et à la diversité culturelle que le gouvernement français s'apprête à défendre à Seattle.

Chacun convient que le statut de 1957 doit être adapté, mais il ne peut l'être sans que le Parlement soit saisi. Or, nous n'avons reçu aucune garantie, ni du Gouvernement ni du PDG de l'Agence, quant à l'indépendance de celle-ci, si bien que nous sommes en droit de nous inquiéter d'une éventuelle privatisation rampante de ce patrimoine collectif. Qu'entend faire le Gouvernement pour que l'avenir de l'AFP ne soit pas envisagé à la seule aune de la rentabilité et de la concurrence et pour que la discussion sorte du cénacle très fermé du conseil d'administration et des syndicats de journalistes ? Quelles garanties peut-il nous apporter, ici et maintenant (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), quant à l'indépendance de l'AFP ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RCV, du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication - Ma réponse sera brève, car j'ai dit la semaine dernière, en réponse à M. Françaix, quelle est la position du Gouvernement.

Non, il n'est pas question de privatiser l'AFP, mais seulement de transformer sa structure pour garantir la pérennité de son activité, essentielle au pluralisme dans le monde, la fiabilité de ses informations, son indépendance, garantie par la loi et qui doit le rester, et son intégration à la société de l'information. Le sort de l'AFP est une cause nationale, qui doit être défendue sur tous les bancs de l'Assemblée et du Sénat. Le Parlement sera nécessairement associé à la concertation en cours (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) avec tous les partenaires intéressés, notamment avec les syndicats représentatifs du personnel, que je recevrai dans quelques jours, et sera saisi du futur projet de réforme (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

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INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE

M. Rudy Salles - Pour détendre l'atmosphère, je rappellerai au Premier ministre, qui donne des leçons de grammaire à M. Ollier, qu'il avait distribué au congrès de Rennes, lorsqu'il était ministre de l'éducation nationale, un texte comportant au moins cinq fautes d'orthographe... (Sourires sur de nombreux bancs, exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Ce n'est pas ce que l'on retient généralement du congrès de Rennes... (Sourires)

M. Rudy Salles - Ma question reprend celle à laquelle Mme la Garde des Sceaux n'a pas apporté, jusqu'à présent, de réponse claire et convaincante : je veux notamment parler de la mutation de Mme Fulgéras, chef de la section financière du parquet de Paris. Cette décision, aussi brutale qu'inattendue, et intervenant dans un contexte particulier, ne manque pas de semer le trouble, d'autant que, selon la presse d'aujourd'hui, Mme Fulgéras n'a ni demandé ni souhaité ce changement. Il s'agit donc bien d'une mise à l'écart ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

On ne peut non plus parler de promotion : l'intéressée ignore encore quel poste elle va occuper. Puisque vous avez distingué dans votre réponse à M. Clément un classement vertical et un classement territorial des magistrats, je crois qu'on peut en revanche parler en l'occurrence de classement vertical ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

N'invoquez pas davantage une nécessaire mobilité : nous avons tous en tête le nom de magistrats instructeurs qui exercent depuis de longues années dans la même section.

Quant à savoir si le Conseil supérieur de la magistrature a donné un avis, nous continuons de l'ignorer après votre réponse...

Quoi qu'il en soit, la procédure suivie contrevient fâcheusement aux usages et traditions réglant le remplacement des titulaires de postes sensibles. Où est l'indépendance de la magistrature dont vous vous gargarisez à longueur de discours ? Quelle est la signification d'un tel changement ? Vous n'avez donné à ces questions aucune réponse acceptable !

Depuis 48 heures, vous allez répétant que cette affaire n'aurait rien à voir avec le financement d'un parti politique. Nombre de responsables socialistes y étant tout de même impliqués, est-ce à dire qu'ils seraient mis en cause pour enrichissement personnel ? Et si je conçois que vous gardiez toute votre sympathie à un ancien collègue, comment admettre que le Garde des Sceaux aille clamer jusque sur les plateaux de télévision l'innocence d'un témoin entendu dans une affaire judiciaire ? C'est encore une atteinte à l'indépendance de la justice ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

Quand allez-vous enfin fournir à la représentation nationale et aux Français des réponses qui nous permettent de continuer de croire à cette indépendance ? (Mêmes mouvements)

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - S'agissant de la MNEF, il n'y a rien à ajouter à ce qu'a dit le Premier ministre (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL). Quant à Dominique Strauss-Kahn, s'il est mis en cause, je tiens à rappeler qu'il a droit comme tous à la présomption d'innocence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Pour le reste, comme vous avez commencé votre propos en dénonçant des fautes d'orthographe, je ferai appel à vos souvenirs de collégien et, peut-être, de latiniste : bis repetita non placent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

La séance, suspendue à 16 heures 5, est reprise à 16 heures 20 sous la présidence de M. Cochet.

PRÉSIDENCE de M. Yves COCHET

vice-président

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LOI DE FINANCES POUR 2000 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000.

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FONCTION PUBLIQUE, RÉFORME DE L'ÉTAT ET DÉCENTRALISATION

M. Jean Vila, rapporteur spécial de la commission des finances - L'objectif prioritaire aujourd'hui défendu et que j'appuie pleinement étant d'adapter l'Etat à l'évolution de la société et de rénover le service public, je me suis penché, au-delà de l'examen du projet de budget, sur l'ensemble de la politique menée, en France, en direction d'une fonction publique que de nombreux pays nous envient, de par son attachement au principe du service public pour tous, son professionnalisme, sa transparence, son désintéressement et sa capacité d'adaptation à des besoins qui évoluent.

Nous ne nous lassons pas de rappeler ces principes qui marquent l'originalité du service public et du statut des fonctionnaires, et nous ne pourrions accepter qu'ils soient remis en question en arguant de directives venues d'ailleurs.

Or le projet de loi de finances n'est pas à la hauteur des ambitions que l'on devrait avoir pour cet édifice solide et précieux, pour cette institution qui contribue fortement à l'efficacité économique et à la cohésion sociale. Le projet de loi, en effet, ne rompt pas avec le dogme du gel de l'emploi public alors que la réduction du temps de travail et la résorption de l'emploi précaire supposeraient un accroissement substantiel des emplois budgétaires.

De surcroît, les crédits de rémunération sont calculés sans que soit prévue aucune revalorisation générale des traitements en 2000, et deux dispositions importantes qui figuraient dans le dernier accord salarial ne sont pas reconduites.

Les crédits qui apparaissent dans les trois premières parties du titre III pour l'ensemble des budgets civils et militaires permettent une bonne approche des dépenses de personnel de l'Etat qui connaît, cependant, d'autres dépenses du même type avec les subventions à l'enseignement privé ou encore les pensions et allocations aux anciens combattants. Ces crédits, en progression de 3,46 %, atteindront 675 milliards en 2000.

Cette augmentation s'explique par la poursuite de l'effort de budgétisation et par la mise en _uvre de l'accord salarial signé le 10 février 1998. Le seul report des revalorisations du point fonction publique en 1999 induira un coût supplémentaire de 5,8 milliards, le coût supplémentaire de toutes les autres mesures s'établissant à 2,7 milliards.

Le projet est élaboré en partant du principe que la valeur du point d'indice de la fonction publique sera stabilisée à 334,19 F, montant qui sera atteint le 31 décembre 1999.

Si 230 millions ont été provisionnés au chapitre 31-94 du budget des charges communes pour couvrir l'ajustement des rémunérations qui pourrait avoir lieu en 2000, votre rapporteur regrette que le projet, loin d'anticiper le résultat des futures négociations salariales dans la fonction publique, fasse douter de leur existence même...

Le projet prévoit la création de 366 emplois budgétaires au sein des ministères civils, 9 064 suppressions étant compensées par 9 430 créations d'emplois. Pour mémoire, la loi de finances 1999 prévoyait un gel strict des emplois budgétaires.

Les emplois militaires étant professionnalisés, 2 240 emplois seront créés cependant que le nombre des appelés et des volontaires diminuera de 32 081.

Les ministères qui bénéficient du plus grand nombre de créations nettes sont ceux de l'environnement, de l'emploi, de la santé et de la solidarité, de la culture et de la communication. On constate en revanche des suppressions nettes dans les ministères de l'économie, de l'équipement, des anciens combattants et de l'agriculture.

Ces suppressions d'emplois, concentrées depuis quelques années sur les services de l'équipement et les services financiers ne semblent pas résulter d'une analyse concertée de l'évolution des besoins et les quelques créations nettes précédemment mentionnées sont en nombre trop faible pour que l'on puisse leur attribuer une quelconque signification ou y voir le signe d'un éventuel changement de cap.

Ce n'est pas ainsi que l'on pourra appliquer les 35 heures dans la fonction publique -où, comme ailleurs, elles doivent contribuer à la création d'emplois- ni résorber l'emploi précaire ni pérenniser les emplois-jeunes.

Il faut accélérer la résorption de l'emploi précaire, d'autant que les efforts faits à certaines périodes pour limiter le recours à des non-titulaires ou les titulariser n'ont pas donné tous les résultats escomptés. Il est très difficile d'évaluer le nombre d'auxiliaires, de vacataires ou de contractuels, dont le recrutement s'effectue à un niveau déconcentré et sur des supports budgétaires variables. L'INSEE se fonde sur les fichiers de paie pour estimer le nombre d'agents non-titulaires au 31 décembre de chaque année paire : il atteindrait aujourd'hui 180 000. Les efforts entrepris par l'administration pour réduire ce nombre sont indéniables. Mais force est de constater que les concours externes ou internes jouent un rôle aussi important que les concours réservés et que certains ministères, alors même qu'ils emploient des non-titulaires remplissant les conditions requises, n'en ont encore organisé aucun. Si le nombre de non-titulaires a régressé de 7 % entre 1992 et 1996, il a de nouveau progressé de 4,1 % en 1997, évolution inquiétante. Enfin, il n'est guère envisageable de résorber les emplois précaires dans la fonction publique si l'emploi public reste stable, sauf à réduire la substance du service public.

Le congé de fin d'activité sera-t-il pérennisé ? J'en avais l'an passé exprimé le souhait. Il semble malheureusement que le Gouvernement hésite, le projet de budget ne contenant aucune disposition en ce sens. Cette hésitation tiendrait notamment au fait que le dispositif de l'ARPE est actuellement en discussion entre les partenaires sociaux. Mais la politique menée dans la fonction publique ne saurait être conditionnée aux résultats des négociations dans le secteur privé.

Les crédits de l'action sociale interministérielle diminueront de 16 % en 2000, tombant à 760 millions, l'enveloppe exceptionnelle de 230 millions ouverte en 1998 et en 1999 en vertu de l'accord salarial, n'étant que partiellement reconduite. La revalorisation des prestations interministérielles à réglementation commune ou le relèvement du plafond d'attribution de la prestation repas ayant un effet pérenne, les crédits nécessaires au paiement de ces dépenses figurent au budget de chaque ministère. Les crédits des sections régionales interministérielles d'action sociale ainsi que ceux destinés à l'insertion des personnes handicapées sont reconduits. La non-reconduction de l'enveloppe exceptionnelle affectera essentiellement les crédits consacrés aux actions immobilières.

Les subventions à l'ENA, aux IRA et à l'Institut international d'administration publique progresseront de 7,1 % pour atteindre 366,9 millions.

Les crédits d'études et de communication sur la gestion publique sont reconduits à leur niveau de 1999 -soit 13,8 millions- de même que les crédits consacrés aux actions de formation, de perfectionnement, d'insertion et de modernisation.

Comme en 1999, les chapitres budgétaires où figurent les dépenses liées aux réimplantations ne sont pas dotés pour 2000, les crédits restant disponibles devant permettre de faire face.

J'ai entendu, au cours de la préparation de ce rapport, l'ensemble des syndicats de la fonction publique. Comme eux, je ne saurais accepter que la question de l'emploi ne soit pas au centre des négociations qui vont s'ouvrir sur la réduction du temps de travail. Je souhaite de même que s'engagent rapidement des négociations salariales, puisque l'accord expire fin 1999, la politique salariale dans la fonction publique ne pouvant se réduire à une alternance de mesures unilatérales de l'administration et d'accords collectifs. Enfin, je désapprouve la non-reconduction de l'enveloppe exceptionnelle pour l'action sociale interministérielle comme l'absence, pour l'instant, de toute disposition visant à pérenniser ou à tout le moins à prolonger le congé de fin d'activité.

Une réunion doit se tenir le 18 novembre prochain avec les organisations syndicales dont la représentation nationale devra d'ailleurs être informée des conclusions. Mais c'est aujourd'hui que nous votons le budget de la fonction publique. La satisfaction des revendications exprimées aurait, à tout le moins, exigé une gestion prévisionnelle des effectifs comme des crédits.

Nous attendions de ce budget qu'il traduise une dynamique porteuse, capable de mettre à profit pour notre pays les atouts extraordinaires de notre fonction publique et de servir la modernisation du service public. Son manque de lisibilité me conduit encore une fois, à regret, à ne pas le voter (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Dominique Bussereau - Très bien !

M. Alain Tourret, rapporteur pour avis de la commission des lois - J'ai examiné ce budget d'un _il neuf puisque la commission m'en a pour la première fois désigné rapporteur.

Monsieur le ministre de la fonction publique, quel ministre pourrait être plus heureux que vous, l'accord salarial de 1998, qui s'est traduit par l'octroi d'une enveloppe supplémentaire de 8,5 milliards, ayant été unanimement salué par les organisations syndicales de fonctionnaires... et même par la droite -j'entends M. Bussereau rugir de plaisir sur son banc. Avec cet accord, les fonctionnaires peuvent être contents de vous, d'autant qu'il a profité d'abord aux catégories les plus basses et que, pour la première fois depuis longtemps, les salaires les plus bas de la fonction publique prennent leurs distances avec le SMIC.

Le congé de fin d'activité doit faire l'objet de nouvelles négociations : il vous appartiendra de les conduire.

Le Premier ministre vous a confié une mission de réflexion sur la présence des services publics dans les quartiers défavorisés : attendons vos conclusions. Ces quartiers ont en effet besoin d'une présence plus affirmée des services de l'Etat, mais cela ne doit pas se faire au détriment des zones rurales. Elu moi-même d'une circonscription très rurale, je sais quels sont les besoins dans ces zones.

Les effectifs restent quasiment stables. Trois ministères -justice, environnement, emploi et solidarité- bénéficient toutefois d'un effort particulier. Je ne peux qu'approuver ces choix.

Un effort spécifique devra être fait en faveur de l'insertion des personnes handicapées. Alors qu'elles devraient, aux termes de la loi, représenter 6 % des effectifs de fonctionnaires, elles ne sont guère plus de 3 % ou 3,5 %. Vous avez indiqué en commission vouloir faire preuve de volontarisme en ce domaine. Nous attendons maintenant des mesures concrètes.

Il faudra faire face au départ en retraite de 750 000 agents dans les dix ans à venir. Les agents ne seront bien sûr pas remplacés poste par poste. Il y a là une chance unique de modernisation de la fonction publique, à saisir dès maintenant.

S'agissant de la réduction du temps de travail ou des 35 heures -il faudra d'ailleurs choisir-, vous avez dit qu'elles n'auraient pas pour vocation première dans la fonction publique de créer des emplois. Soit, mais il vous faudra l'expliquer et du langage tenu dépendra la crédibilité de l'action de l'Etat. La réduction du temps de travail serait difficilement admissible pour des agents qui ont déjà un temps de travail réduit. Quoi qu'il en soit, là encore, l'objectif devra être la modernisation de la fonction publique. Deux réponses précises devront être apportées, sur les heures complémentaires et le nombre de jours réellement travaillés.

J'en viens à la modernisation de l'Etat. La parité est absolument nécessaire dans la haute fonction publique. Or, on en est loin aujourd'hui. Vous n'en êtes certes pas responsable, Monsieur le ministre, puisqu'au contraire, le nombre de femmes y est passé de 6 % à 8 % depuis votre entrée en fonctions mais dans le reste de la fonction publique, la proportion est de 56 % ! Vous avez chargé Mme Calmou d'un rapport : reste maintenant à mettre en _uvre les recommandations. Des plans pluriannuels de rattrapage seront nécessaires. Ne serait-il pas possible aussi d'organiser le concours de l'ENA en juin et non en septembre, ce qui désavantage les jeunes femmes qui ont souvent passé l'été à s'occuper de leurs enfants ? Serait-il possible de dédoubler les postes dans la haute fonction publique et d'utiliser le tour extérieur pour aboutir à une véritable parité ?

Ouvrir l'administration sur l'Europe et le monde, parfaire la mobilité est essentiel. L'ENA doit être un outil de la francophonie.

D'autre part, il ne saurait y avoir de vraie fonction publique sans éthique. Cela passe d'abord par la discipline. La révocation doit exister, les mesures disciplinaires doivent être prises.

MM. Dominique Bussereau et Dominique Paillé - Très bien !

M. le Rapporteur pour avis - Leur quasi disparition m'inquiète. Comment déconcentrer et demander aux fonctionnaires d'être plus indépendants et moins responsables ?

L'éthique pose aussi la question du cumul d'activité et de rémunération, qui est difficilement compatible avec le statut de la fonction publique et je ne peux admettre que des professeurs d'université aient un cabinet d'avocat d'où ils tirent l'essentiel de leur rémunération. Des mesures législatives sont nécessaires. Il faut avoir le courage également de réfléchir à la situation des agents publics qui exercent un mandat politique.

M. Dominique Bussereau - Très bien !

M. le Rapporteur pour avis - Il a fallu attendre le rapport du cinquantième anniversaire de l'ENA pour aborder le problème. Nous ne sommes pas totalement d'accord sur les solutions, mais il faudra les trouver.

Pour conclure, de quelle fonction publique a besoin la France en l'an 2000 ? Il appartient au Président de la République et au Premier ministre de dire fortement ce qu'ils attendent de fonctionnaires qui, après la mondialisation, l'Europe, avec les nouvelles technologies, ne peuvent plus remplir les mêmes rôles qu'en 1950. Ils souhaitent qu'on le leur dise car servir l'Etat aujourd'hui comme demain reste une tâche exaltante.

MM. Dominique Bussereau et Dominique Paillé - Très bien !

M. Dominique Paillé - Dans ce domaine comme dans d'autres, le Gouvernement privilégie le court terme et la facilité, sans engager les réformes de structure pourtant indispensables.

D'abord, nous avons besoin d'une réforme globale de la gestion des agents de l'Etat pour mettre fin à une «suradministration» en raison de doublons entre l'Etat et les collectivités locales, alors qu'on manque de moyens dans des secteurs essentiels. Il faut évaluer l'efficacité des dépenses et procéder aux redéploiements indispensables. Créer de nouveaux emplois, recourir aux emplois précaires -il y en a déjà 1,4 millions- et aux emplois-jeunes ne fera qu'entretenir l'exception française de l'emploi public sans améliorer le service rendu. Il faut au contraire moderniser la gestion des ressources humaines de la fonction publique grâce à une gestion prévisionnelle des emplois, et améliorer la mobilité, la formation, l'évaluation des carrières. A ce propos, le départ en retraite de 700 000 fonctionnaires d'ici à 2010 représente une chance historique de modernisation si l'on ne se contente pas de les remplacer poste par poste. Mais vous n'êtes pas à même de vous engager dans la bonne voie.

D'autre part, ce budget ne comprend que 200 millions à titre de provision pour couvrir les ajustements de salaires dans la fonction publique en 2000. Or un point de revalorisation coûte 6,3 milliards. 200 millions correspondent à une hausse de 0,04 %. Je rappelle que l'accord salarial de février 1998 qui prévoyait 1,3 % de hausse sur 1998 et 1999 a coûté cette année 9,5 milliards et coûtera encore 8,5 milliards en 2000.

En troisième lieu, l'Etat employeur ne s'applique pas les mêmes contraintes qu'au secteur privé. Ainsi, sur la réduction du temps de travail, nous n'avons que des incertitudes. Selon vos dires, l'accord cadre inter-fonctions publiques n'a pas pour objet la réduction de la durée du travail mais l'amélioration des conditions de vie. Mais les négociations sont difficiles. On ne connaît pas le nombre d'heures ou de jours de travail par catégorie a observé M. Tourret qui, de ce fait, n'a pas évoqué les 35 heures dans son rapport. Il n'y a pas d'aide spécifique pour la réduction du temps de travail. Or il y a des disparités entre collectivités et les petites communes connaîtront des difficultés. Pour justifier cette absence d'aide on invoque le principe de libre administration. Il est beaucoup moins invoqué quand il faut définir les moyens des collectivités.

De même, le financement des retraites de 700 000 fonctionnaires supplémentaires d'ici 2010 n'est pas traité alors qu'il y a déjà 4,2 millions de fonctionnaires retraités. En particulier la retraite des agents des collectivités locales n'est pas assurée. Il faudra donc prélever au moins six milliards sur les contribuables dans les deux années à venir. La question des régimes spéciaux n'a pas non plus été abordée.

Enfin on ne trouve que 3 % de handicapés dans la fonction publique. L'Etat devrait se montrer exemplaire.

Vous n'engagez non plus aucune réflexion sur la déontologie. S'agissant du cumul d'activité entre le public et le privé, vous reconnaissez que la législation est dépassée. L'étude du Conseil d'Etat devrait déboucher sur un projet de réforme concernant les trois fonctions publiques qui pourrait être présenté au premier trimestre 2000. Il aurait été intéressant de connaître vos orientations, sur le pantouflage des hauts fonctionnaires par exemple. Il faut également traiter de l'inégalité entre fonctionnaires et salariés du privé devant l'élection. Sans aller jusqu'à adopter des mesures aussi rigoureuses que le Royaume-Uni, il faut revoir les avantages exorbitants du détachement. J'en parle en connaissance de cause. La récente circulaire relative aux régimes indemnitaires risque de susciter des recours par défaut de base juridique.

Enfin le petit nombre et la légèreté des sanctions -285 en 1998 dont 90 pour détournement de fonds- traduisent l'absence d'un véritable pouvoir disciplinaire. On ne peut s'en contenter. J'aurais pu évoquer d'autres sujets comme la parité -8 % seulement de femmes dans la haute fonction publique, c'est scandaleux- ou l'ouverture de la fonction publique sur l'étranger, pour laquelle vous n'envisagez rien. Je ne chargerai pas la barque. Les aspects que j'ai évoqués suffisent à expliquer que l'UDF ne votera pas ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Gilles Carrez - Faute de courage politique, le Gouvernement diffère sans cesse les indispensables réformes de la fonction publique. De ce fait c'est toute la réforme de l'Etat qui reste au stade des intentions, malgré quelques initiatives intéressantes de la délégation.

Réformer l'Etat, c'est d'abord chercher à dépenser mieux pour prélever moins comme l'a dit récemment Laurent Fabius.

Or les charges de personnel de l'Etat atteindront en 2000 675 milliards et dépasseront 40 % du budget de l'Etat. Depuis que le gouvernement Jospin a pris ses fonctions, la dérive de ces dépenses, un instant interrompue par le précédent gouvernement, a repris de plus belle, augmentant de 6,7 % en 1999, et de 3,4 % par rapport à la loi de finances initiale de 1999.

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation - Dites-le à M. Paillé !

M. Gilles Carrez - La première cause en est l'accord salarial du 10 février 1998 dont le surcoût atteint 23 milliards.

Cet accord qui s'applique aussi aux fonctions publiques locale et hospitalière, conduit à un alourdissement de 41 milliards de la dépense publique en 2000, soit 0,5 point de la richesse nationale. Or, avec 54 % de son PIB consacrés à la dépense publique, la France bat déjà des records.

Je ne conteste pas la nécessité de rémunérer correctement les fonctionnaires, car le service public joue un rôle irremplaçable. Mais, comme en 1988-1989 avec les revalorisations décidées par M. Jospin, ministre de l'éducation nationale, votre accord salarial n'est assorti d'aucune contrepartie, d'aucun effort pour un service public de meilleure qualité rendu à un coût mieux maîtrisé, par respect du citoyen contribuable.

L'Etat est incapable de connaître le nombre de ses fonctionnaires. On nous indique seulement, à l'occasion de chaque loi de finances, l'évolution des effectifs budgétaires. Après la création de 490 emplois en 1998 et une stabilisation en 1999, vous annoncez pour 2000 la création de 247 emplois.

Chacun connaît le caractère largement fictif de cette comptabilité. Contrairement à ce qu'affirme le Gouvernement, le nombre des fonctionnaires de l'Etat continue d'augmenter.

De surcroît, l'Etat est incapable de suivre avec précision la situation de ses agents. Quand j'étais rapporteur spécial du budget de l'éducation nationale, j'ai essayé, avec beaucoup de difficultés, de tenir une comptabilité. Les chiffres en cause s'élevaient à des dizaines de milliers. Le premier président de la Cour des comptes écrivait récemment au ministre de l'emploi : "La cour a relevé que les effectifs dont disposait le ministère étaient éloignés des prévisions et autorisations de la loi de finances initiale", et il indiquait qu'"une amélioration de la gestion prévisionnelle des effectifs est indispensable".

Au c_ur de la réforme de l'Etat figure la nécessité d'une véritable gestion du personnel. La qualité du travail des fonctionnaires, leur mérite, doivent être davantage pris en compte dans leur rémunération. De même, la formation et la mobilité doivent être favorisées. Tel est l'enjeu d'un service public de meilleure qualité, rendu à un coût moindre. Or d'ici à 2010, plus de 40 % des fonctionnaires partiront à la retraite. C'est l'occasion de mettre en place un Etat moins lourd, mais plus efficace.

Les redéploiements d'effectifs entre administrations doivent être accentués. Dans le domaine social, dans celui de la sécurité, dans les missions régaliennes de l'Etat, les besoins demeurent importants. Mais il ne s'agit pas d'augmenter de façon indifférenciée le nombre de fonctionnaires. Il faut avoir le courage politique de renforcer l'Etat là où son rôle s'avère indispensable, et de l'alléger ailleurs.

De plus, les techniques modernes de gestion permettent aujourd'hui de limiter le poids des administrations centrales. Or le Gouvernement, là aussi, paraît renoncer à toute volonté politique.

Par exemple, l'indispensable mouvement de déconcentration, lancé en 1991, est actuellement interrompu. Aujourd'hui, alors que le Premier ministre a décidé de relancer la décentralisation, son indispensable corollaire, la déconcentration, est en panne.

Les retraites des fonctionnaires posent aussi un problème redoutable, bien décrit par le rapport Charpin. Or il ne se passe rien. Les régimes spéciaux seront en grave difficulté d'ici quatre ou cinq ans. Déjà, en 2000, il faudra augmenter la cotisation employeur du plus sain d'entre eux, la CNRACL. Mais aucune réforme de structure n'est envisagée.

Quel contraste avec la courageuse réforme de 1993 qui concerne les salariés du privé ! Mais quelle injustice que creuser l'écart entre les régimes de retraites du privé et les régimes spéciaux des agents publics ! Vous avez parlé de diagnostic. Mais la solution doit-elle être conditionnée par des échéances électorales ? Ce n'est pas l'idée que se fait le groupe gaulliste de l'intérêt général.

Je conclus sur deux de vos promesses électorales, les emplois-jeunes et les 35 heures.

S'agissant des emplois-jeunes, les interrogations portent avant tout sur les emplois d'Etat, en particulier dans l'éducation nationale. En effet beaucoup de collectivités locales ont avec sagesse recruté des jeunes avec le souci de bien les former et d'intégrer à terme tous ceux qui le souhaiteraient.

Mais ce n'est pas le cas de l'Etat. Que deviendront ces dizaines de milliers d'emplois de l'éducation nationale, pour la plupart sans formation ni perspectives ? N'est-ce pas une véritable bombe à retardement ?

Les 35 heures dans la fonction publique sont aussi un véritable défi.

Le rapport Roché relève que la durée du travail dans la fonction publique est «très contrastée». Il constate que dans un certain nombre de services, la durée effective du travail n'atteint pas 30 heures, voire 25. Comment le Gouvernement envisage-t-il l'application des 35 heures à la fonction publique ? Accepte-t-il par avance le surcoût considérable qui sera imposé à nos concitoyens déjà accablés d'impôts ? Ou bien allez-vous utiliser les négociations sur les 35 heures pour remettre à plat l'organisation du temps de travail dans la fonction publique, et plus généralement moderniser notre administration ?

Nous ne pouvons nous satisfaire du vague, voire de l'hypocrisie de vos réponses actuelles.

Le groupe gaulliste est habité par une profonde confiance dans le service public. La Vème République a prouvé magnifiquement, dans ses dix premières années, à quel point elle savait s'appuyer sur ses administrations dans son _uvre de redressement national. Même si le monde a changé, la collectivité publique conserve un rôle éminent.

Voici 40 ans, les défis n'étaient pas moins difficiles à relever. Mais le courage politique et le sens de l'intérêt général guidaient la ligne de conduite. Aujourd'hui, malgré un diagnostic incontestable, votre gouvernement n'agit pas.

C'est la raison pour laquelle, avec tristesse, le groupe RPR ne peut que voter contre ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Patrice Carvalho - C'est à partir des premières lignes de l'excellent rapport de Jean Vila que je souhaitais formuler la position du groupe communiste : «Le projet de loi de finances pour 2000 n'apparaît pas à la hauteur de la place essentielle qu'occupe la fonction publique au sein de l'économie nationale et de l'instrument irremplaçable de cohésion et donc d'efficacité économique qu'elle représente».

Quelle fonction publique pour quel service public dans la France de demain ? Telle est la question. Deux conceptions s'affrontent en effet : celle, républicaine, selon laquelle la fonction publique est indivisible comme la France elle-même, et celle, clientéliste, selon laquelle travailler dans la fonction publique est un métier comme un autre. Pour notre part, nous sommes attachés à la première, qui répond aux exigences du service public : on ne sert pas l'Etat ou les collectivités territoriales comme on sert une société privée. C'est dire combien sont importantes les règles spécifiques de recrutement, de gestion, de formation, de déontologie. Concilier neutralité du service public et reconnaissance de la pleine citoyenneté du fonctionnaire n'est pas chose aisée, mais la France a su y parvenir.

La fonction publique ne peut se reconnaître dans certains discours tenus à son encontre : ses membres ne sont pas des privilégiés, mais sont entrés par concours et doivent leur situation à leur mérite. Elle n'est pas épargnée par le développement de l'emploi précaire, et si d'aucuns jugent les effectifs trop élevés, que n'entendent-ils plutôt les lycéens réclamer des postes dans l'enseignement et les infirmières des emplois d'agents hospitaliers ? Y a-t-il un seul de nos concitoyens pour se plaindre qu'il y ait trop de services publics en France ? Ce matin, je recevais le percepteur de ma commune, qui n'avait pu assurer, faute de personnel, la paye des employés municipaux !

C'est pourquoi, quand j'ai connaissance de certaines déclarations ou de certaines campagnes de presse laissant entendre que les 35 heures ne sont pas à l'ordre du jour dans la fonction publique, au motif que la grande majorité des fonctionnaires travailleraient déjà moins de 39 heures, voire, dans certains cas, moins de 35...

M. Dominique Bussereau - Qu'ils commencent déjà par les faire ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Patrice Carvalho - ...je ne peux que déplorer ces critiques, qui ne permettent pas d'aborder en toute quiétude la réduction du temps de travail.

Nous attendions de ce projet de budget qu'il marque un changement de cap. Or, force est de constater qu'il oblige notre pays à respecter des critères décidés ailleurs, au mépris de la cohésion sociale et de l'efficacité économique dont le service public est porteur. Si les crédits de votre ministère ne permettent pas, Monsieur le Ministre, d'appréhender l'ensemble de votre politique, il est néanmoins à noter que ses dotations accusent une baisse de 6,5 %, baisse que l'on nous explique par la non-reconduction - malgré nos demandes - de l'enveloppe exceptionnelle de 230 millions consacrée à l'action sociale interministérielle.

S'agissant des effectifs, le solde n'est que légèrement positif et marque, en fait, une stabilisation. Certains ministères bénéficient de créations nettes, mais d'autres en perdent. Comment, dans ces conditions, répondre aux besoins criants qui se manifestent dans les collèges, les lycées, les commissariats ? Comment poursuivre la résorption de l'emploi précaire ? Comment écarter la menace qui pèse sur les retraites des fonctionnaires, dont 43 % seront partis en 2010 ? Comment engager sérieusement la réduction du temps de travail ? Quant aux emplois-jeunes, seront-ils intégrés, comme nous le demandons, et sous quel statut ? Nous souhaitons également la pérennisation du congé de fin d'activité.

L'accord salarial du 10 février 1998 a entraîné la revalorisation des traitements, bloqués en 1996 et 1997. Nous nous en félicitons, même si nous sommes encore loin d'un véritable rattrapage et si nous partageons l'inquiétude des organisations syndicales quant à l'absence de marge de man_uvre pour l'an prochain. Pouvez-vous nous apporter des précisions à ce sujet ?

Soucieux de voir satisfaites les aspirations de leurs concitoyens et des personnels de la fonction publique, les députés communistes s'abstiendront sur ce projet de budget, mais prenez garde qu'ils soient conduits, de régression en régression, à voter un jour contre. Pour ma part, j'y suis prêt.

M. René Dutin - Très bien !

Mme Claudine Ledoux - Pour la troisième année consécutive, le budget de la fonction publique tranche avec la politique de démantèlement menée par le passé, qu'il s'agisse des effectifs, en hausse, des rémunérations, dont aucune n'est plus inférieure au SMIC, ou de l'action sociale, dont les crédits ont augmenté de près de 40 %. Cette politique a rendu à l'administration la place qui lui revient dans une République moderne et sociale et, surtout, permis de renouer avec les agents un dialogue serein et constructif, qui a notamment porté ses fruits avec la signature, le 10 février 1998, d'un accord salarial.

La non-reconduction de la dotation exceptionnelle de 230 millions affectée, en 1998 et 1999, à l'action sociale interministérielle, fait apparaître une baisse de 6,7 % du budget, mais les crédits sociaux ordinaires enregistrent une augmentation de 17 %, qui illustre la volonté de tenir le cap de la politique sociale engagée. Celle-ci se concentre, cette année encore, sur l'insertion des agents handicapés, qui bénéficie de 80 millions, et sur l'attribution de chèques-vacances aux agents des catégories les moins bien rémunérées, pour un montant de 270 millions, soit 10 % de plus que l'an dernier.

Nous savons que la gestion des crédits affectés à la rémunération principale des agents ne relève pas de vous, Monsieur le Ministre, non plus que les créations de postes budgétaires. Cependant, on ne peut porter une appréciation sur la politique que mène le Gouvernement à l'égard de la fonction publique sans prendre en considération cette question des effectifs, pour laquelle nous comptons d'ailleurs sur vous. Nous avions condamné sans réserve la suppression systématique de postes budgétaires décidée par vos prédécesseurs : en 1997, ce ne sont pas moins de 5 599 d'entre eux qui avaient disparu. Vous avez tenu, quant à vous, à préserver l'emploi, notamment dans les services essentiels à la mise en _uvre des priorités arrêtées par le Gouvernement. Après une augmentation de 490 postes en 1998, puis une stabilisation en 1999, la croissance sera de 366 postes en 2000, au bénéfice notamment des ministères de la justice, de l'emploi et de la solidarité et de l'environnement. En outre, des redéploiements témoignent de votre souci de rationaliser la gestion des effectifs et de définir des priorités.

Je tiens toutefois à souligner les sacrifices importants consentis dans ce domaine par les services de l'équipement, depuis trois ans. Nous ne méconnaissons pas la nécessité de faire des choix, surtout lorsqu'il faut concilier préservation du service public et maîtrise des dépenses, mais nous ne pouvons perdre de vue la nécessité absolue d'assurer la permanence des services sur l'ensemble du territoire. Ceux de l'équipement, chargés d'entretenir la voirie et d'instruire les demandes de permis de construire, sont de toute première importance pour les administrés et, compte tenu de la pénibilité de leur travail, le maintien d'un effectif minimum est pleinement justifié.

Cela est vrai aussi pour d'autres services et je veux ici redire l'émotion qui a été la nôtre lorsque, il y a quelques semaines, un haut responsable de l'assurance maladie a estimé que 50 000 emplois pouvaient être supprimés dans la fonction publique hospitalière. Attachés comme les usagers au service public, les élus de la gauche ne peuvent que repousser vigoureusement les propos sur les prétendus privilèges des agents publics !

En outre, au moment où vont reprendre les négociations salariales et les discussions sur les 35 heures, l'état des effectifs de la fonction publique est une donnée très importante et les partenaires sociaux seront certainement sensibles au bilan des créations et suppressions d'emplois pour 2000. Vivement souhaitée par les agents et par leurs organisations syndicales, la réduction du temps de travail dans la fonction publique n'a cessé d'être évoquée et réclamée depuis 1997. La tenue, le 14 octobre de cette même année, du conseil supérieur de la fonction publique d'Etat avait été l'occasion pour vous d'annoncer un rapport visant à dresser l'état des lieux, quant à la durée du travail, dans les trois fonctions publiques. La diversité des métiers exercés en leur sein et celle des modes d'organisation des services interdisaient d'engager immédiatement la négociation. Le rapport Rochet, qui vous a été remis au début de l'année, a fait apparaître ces situations contrastées. La négociation devra en tenir compte.

L'accord salarial du 10 février 1998 a été respecté et a marqué une inversion de tendance sérieuse pour la politique des rémunérations. Les accords Durafour de 1990 avaient été littéralement foulés aux pieds, le Gouvernement décidant unilatéralement en 1996 de geler tous les salaires des agents publics. Nous avons l'espoir que ces différents budgets contribueront à un dialogue constructif.

Le congé de fin d'activité sera l'un des points à mettre à l'ordre du jour lors des discussions à venir. Les agents tiennent beaucoup à cette mesure et en attendent la pérennisation. Bénéficiant aux agents qui ont cotisé quarante années au titre de l'assurance vieillesse, dont quinze en qualité d'agents publics, et qui ont atteint l'âge de 56 ans, elle a un double caractère social : elle permet à ceux qui sont entrés tôt dans la vie active -par exemple les professeurs de l'enseignement technique- de prendre leur retraite plus rapidement, et elle favorise l'emploi puisque les agents ainsi admis à la retraite sont remplacés automatiquement par des agents titulaires.

Il n'est plus besoin de vous dire notre soutien, ni les espoirs que nous nourrissons pour la fonction publique. Nous sommes en effet très attachés à celle-ci, non tant d'ailleurs pour elle-même que parce qu'elle est un outil de cohésion sociale et de solidarité, au service de l'égalité des droits pour lesquelles votre gouvernement combat (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Dominique Bussereau - Je le dis avec regret : ce budget est sans projet et il manque de souffle. En outre, il marque un profond désintérêt pour le monde rural.

Si je puis paraphraser un titre de François de Closets, je dirai que votre politique est celle du « toujours plus ». Ainsi lorsque votre rapporteur vous interroge sur les inégalités de traitement entre fonctionnaires et salariés, le seul remède auquel vous songiez est de transposer au secteur privé ce qui se fait dans le secteur public. Sur un autre point, vous lui avez répondu que « l'objectif ne saurait être de retirer des avantages aux fonctionnaires, mais bien d'en faire bénéficier, dans la mesure du possible, un nombre sans cesse croissant de citoyens » ! Toujours plus d'avantages et toujours moins de devoirs !

En commission des lois, j'ai mentionné un accord salarial par lequel vous avez, d'une certaine façon, acheté la paix sociale en aggravant ces inégalités entre secteurs public et privé . J'ai aussi rappelé le coût de la « bilocalisation » de l'ENA, sur laquelle vous ne voulez pourtant pas revenir bien que vous sachiez qu'elle serait aux études et qu'elle est au total inutile. Sur ce point aussi, c'est le conservatisme qui l'emporte.

Je regretterai à nouveau que vous ayez laissé sans réponse le rapport Prada : les salaires de la haute fonction publique n'ont pas été revalorisés alors que cette mesure pourrait être un frein au pantouflage, et la commission de déontologie n'a pas joué le rôle que le législateur souhaitait lui voir tenir.

M. Tourret a évoqué tout à l'heure l'inégalité de traitement entre candidats aux élections selon qu'ils sont issus du secteur public et du secteur privé. Vous n'avez rien fait sur ce point non plus. Même inaction en ce qui concerne la surrémunération des fonctionnaires nommés outre-mer, sujet abordé hier par Mme Bello et par M. Hoarau, qu'il faudra pourtant bien traiter un jour. Enfin, vous ne faites rien non plus pour régler le problème des retraites, laissant à vos successeurs le soin de trouver une solution !

J'aurais aimé pouvoir tenir des propos plus aimables à l'égard de ce que vous proposez. Certes, ce budget est surtout dédié au fonctionnement et à la formation, non aux rémunérations, mais vous laissez toutes les grandes questions pendantes. La raison en est claire : vous souhaitez, pour avoir la paix politique et sociale, en rester à une cogestion du système avec les organisations syndicales (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Lorsque MM. Juppé et Balladur prenaient des mesures, ils réglaient, eux, les problèmes, même si les gens descendaient dans la rue. Vous vous en tenez, vous, pourtant homme de progrès, à un conservatisme effréné. C'est pourquoi, en dépit de la sympathie que nous avons pour vous, nous ne voterons pas ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. le Ministre - Bigre ! Quelle verve ! Je m'empresserai donc de vous répondre puisque vous êtes encore là, contrairement à MM. Carrez et Paillé que je ne pourrai qu'évoquer, comme on dit des esprits, puisqu'ils ont quitté l'hémicycle après m'avoir criblé de traits.

Ce gouvernement ne résout rien, dites-vous, et devrait bien prendre exemple sur celui de M. Juppé. Il me semble pourtant que les brillantes initiatives en matière de retraites n'ont rien fait avancer, suscitant par ailleurs des mouvements politiques qui n'étaient pas tous regrettables !

Ce budget de 1,3 milliard ne peut bien évidemment retracer tout ce qui est fait pour la fonction publique. Sa présentation me permet cependant de dresser le bilan de l'action conduite depuis deux ans dans les trois domaines de compétence qui sont les miens : la fonction publique, la réforme de l'Etat et la décentralisation.

Comme vous le savez, mon objectif premier est d'adapter l'Etat à l'évolution de la société en engageant de manière déterminée la rénovation du service public. Je sais l'attachement que porte M. Vila à la fonction publique, et je le partage. Je tiens donc à souligner que réformer l'Etat, c'est placer les fonctionnaires au c_ur du dispositif car cette réforme se fera par eux.

M. Dominique Bussereau - Pour eux !

M. le Ministre - Craintes infondées ! M. Tourret l'a fort justement rappelé, la fonction publique a droit au respect, et son statut doit être protégé. Mais elle a, en contrepartie, le devoir de toujours mieux servir nos concitoyens, et de s'adapter à l'évolution sociale.

La réforme de l'Etat conçue en ce sens, constitue donc ma priorité essentielle. Le projet de loi DCRA et la loi d'habilitation sur la codification qui seront examinées par votre assemblée le 23 novembre visent à répondre à la demande exprimée par les citoyens d'une administration plus accessible et de démarches facilitées. A cette fin, les textes en vigueur seront codifiés, ce qui rendra la réglementation plus facilement compréhensible et compatible avec les nouvelles technologies de l'information. De plus, l'anonymat des fonctionnaires sera supprimé et la transparence des comptes de tous les organismes qui reçoivent un apport significatif de fonds publics sera assuré. Enfin, l'accès aux documents administratifs sera facilité.

D'autre part, les usagers seront associés à la concertation préalable à la réforme de l'Etat à venir. Déjà, la composition de la commission de modernisation des services publics a été modifiée pour que la place de leurs représentants y soit renforcée.

Il va sans dire que la réforme engagée doit tendre à adapter l'organisation des services à l'évolution des missions de l'Etat. S'agissant de la réforme de l'administration déconcentrée, je rappelle aux amnésiques qui se sont exprimés ici que le comité interministériel pour la réforme de l'Etat du 13 juillet dernier a consacré le principe d'une profonde rénovation de l'administration territoriale de l'Etat. Les décrets que j'ai présentés au Conseil des ministres du 20 octobre permettent de franchir une étape essentielle de déconcentration, puisque le préfet arrêtera désormais l'organisation de tous les services déconcentrés de l'Etat relevant de son autorité et organisera la coopération des services concourant à la mise en _uvre d'une même politique.

M. Dominique Bussereau - Voilà qui va changer la vie !

M. le Ministre - Je constate que, ce jour-là, la presse était beaucoup plus occupée par une certaine affaire de paillote que par cette véritable révolution -car c'est de cela qu'il s'agit. Il faut, une fois pour toutes, cesser de faire croire à nos concitoyens que des milliers de fonctionnaires encombreraient les administrations centrales pour n'y rien faire ! Vous savez aussi bien que moi, Messieurs de l'opposition, que plus de 90 % d'entre eux travaillent dans les services déconcentrés !

Quant à la déconcentration des décisions, qui l'a réalisée, sinon nous ? Notre objectif est, comme il l'a toujours été, d'accroître l'efficacité des services de l'Etat. Ainsi, un rôle nouveau est donné au préfet, désormais chargé de conduire une concertation locale lors de tout projet de fermeture ou de réorganisation d'ensemble de services publics. Il pourra même suspendre ces projets et saisir les ministres concernés en vue de leur réexamen.

L'adaptation de l'administration aux exigences de la politique de la ville constitue également un enjeu décisif. C'est pourquoi le Premier ministre m'a chargé, il y a quelques jours, d'élaborer des mesures visant à favoriser l'accès des habitants des quartiers en difficulté aux services publics, à y garantir la présence de fonctionnaires expérimentés et motivés, à mieux intégrer les populations issues de ces quartiers dans la fonction publique. Je ferai des propositions en ce sens avant la fin de l'année.

Le troisième axe de réforme consiste à mettre en _uvre des programmes pluriannuels de modernisation. Ces programmes, accessibles sur les sites Internet des ministères, définissent les orientations en matière de gestion, de procédures de travail, d'organisation des services, de gestion des ressources humaines... Ils feront l'objet, dans chaque ministère, d'un bilan annuel et ils pourront déboucher sur la contractualisation pluriannuelle des moyens et des effectifs. Les ministères des finances et de l'intérieur sont déjà engagés dans cette voie. Je m'en félicite, car c'est un progrès essentiel.

Mais réformer l'Etat, c'est aussi le doter de méthodes de gestion plus efficaces. A cet égard, j'ai entendu avec stupeur M. Carrez déclarer que le Gouvernement ne faisait rien pour maîtriser les effectifs de la fonction publique. Ne s'est-il pas rendu compte qu'entre 1993 et 1997, tous les gouvernements de la majorité d'alors cumulaient les inconvénients en proclamant haut et fort qu'il fallait dégraisser (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF), désignant ainsi les fonctionnaires à la vindicte publique pour, finalement, gonfler de quelques milliers le nombre des agents de l'Etat ! Finissez-en donc avec ces moulinets, arrêtez de jeter le discrédit sur la fonction publique pour procéder, ensuite, à une augmentation rampante des effectifs ! Vraiment, nous n'avons aucune leçon à recevoir de votre part lorsque l'on traite de rigueur de gestion !

Et puis, hypocrisie pour hypocrisie, puisque le terme a été employé, jamais nous n'avons dit que tous les emplois-jeunes, dont vous prétendez qu'ils seraient autant de «bombes à retardement», seraient convertis en emplois publics. Certains le seront sans doute, par la voie des concours, mais bien des jeunes gens se tourneront vers d'autres carrières. Je considère pour ma part qu'en fait de «bombes à retardement», nous en avons désamorcé 500 000 : le nombre des chômeurs qui ont trouvé un emploi au cours des deux années écoulées.

M. René Dosière - Très juste !

M. le Ministre - Le Gouvernement a modifié, par décret du 18 novembre 1998, le dispositif d'évaluation des politiques publiques pour le rendre plus efficace, pour améliorer les mécanismes de la décision publique et pour l'étendre aux collectivités territoriales ; le CIRE du 13 juillet a d'ores et déjà arrêté le programme interministériel d'évaluation.

Enfin, conformément au programme d'action du Gouvernement, l'administration française est résolument entrée dans la société de l'information. A cet égard, une étude européenne la classe première des administrations de l'Union alors que nous étions, il y a peu, en queue de peloton. Les nouvelles techniques de la communication faciliteront évidemment la vie des usagers grâce à la mise en ligne des formulaires et le développement des téléprocédures, mais elles amélioreront aussi le fonctionnement des services en assurant la plus large circulation des informations et des données entre toutes les administrations.

Des systèmes d'information territoriaux seront installés dans chaque département et région, qui permettront aux services déconcentrés et aux préfectures de fonctionner en réseau et, ainsi, de gérer plus facilement les dossiers interministériels.

Un autre axe de notre politique consiste à rénover la gestion des ressources humaines dans le respect des principes qui fondent notre fonction publique.

C'est dans cette perspective que s'inscrivent les orientations arrêtées en matière d'encadrement supérieur au printemps dernier et dont je m'attacherai à assurer la mise en _uvre effective d'ici fin 2000.

Les propos de M. Bussereau ne peuvent qu'étonner : les gouvernements de l'ancienne majorité auraient-ils fait suivre de quelque effet les recommandations du rapport Prada, qui date de 1993 et dont il me reproche de ne pas avoir usé ?

J'ai encore engagé une réforme visant à diversifier le recrutement de l'ENA et à moderniser la formation pour mieux répondre aux besoins nouveaux des administrations. Le décret réorganisant le concours d'accès à l'ENA est paru.

Certains parlent de révolutionner l'ENA, voire de la supprimer. Nous préférons la faire évoluer et en améliorer l'accès. Quant à la bilocalisation de l'Ecole, c'est une chance pour l'Etat.

M. Dominique Bussereau - Vous savez que ce n'est pas vrai ! Il suffit de lire le rapport de la Cour des comptes !

M. le Ministre - Mon opinion est que la bilocalisation de l'ENA se justifie par les synergies ainsi permises avec les instituts de formation européens situés à Strasbourg. La Cour des comptes, quant à elle, s'inquiète des surcoûts, mais ils seront progressivement résorbés.

M. Dominique Bussereau - C'est du pipeau !

M. le Ministre - Mieux gérer les ressources humaines dans l'administration, c'est aussi améliorer la représentation des femmes dans l'encadrement. Chaque ministère élaborera en 2000 des plans d'objectifs pluriannuels. Les recommandations préconisées par Mme Colmou dans son rapport commenceront par ailleurs d'être mises en _uvre.

Mieux gérer les ressources humaines, c'est enfin assurer la transparence des règles du jeu, notamment en matière de rémunération. Monsieur Tourret, la circulaire relative à la publication des textes indemnitaires et indiciaires parue le 20 octobre 1999 clarifie l'état du droit en la matière. Ce principe de transparence devra s'appliquer intégralement.

Monsieur Tourret, vous avez longuement parlé de l'éthique dans la fonction publique. Je vous indique que 5 000 sanctions sont prises chaque année à l'encontre de fonctionnaires. Ceux-ci ne sont pas intouchables mais doivent, comme chaque citoyen, bénéficier de la présomption d'innocence et les sanctions ne doivent être prises que selon des procédures assurant toutes les protections nécessaires. Le président de la commission nationale d'appel en matière disciplinaire accomplit actuellement un travail considérable tendant à harmoniser la jurisprudence sur l'ensemble du territoire national. Pour ce qui est du cumul, nous avions pris les devants et demandé au Conseil d'Etat un rapport dont je m'engage à tirer toutes les conséquences.

Une charte de la gestion des ressources humaines est en cours d'élaboration, qui réaffirmera certains principes : transparence, mobilité, formation, évaluation. Elle constituera un outil cohérent et concerté de gestion pour les gestionnaires et pour les personnels.

La modernisation de la gestion des ressources humaines exige également une plus grande rigueur dans la gestion des personnels non statutaires. Je remercie M. Vila de nous avoir donné acte des efforts accomplis en ce sens. Au-delà des engagements pris dans le protocole de 1996, qui seront respectés, j'ai consulté les administrations et les syndicats sur la façon de prévenir des pratiques que l'Etat employeur ne peut cautionner.

J'en viens au dialogue social. Mme Ledoux a souligné ce que nous avons fait en ce domaine, je l'en remercie. L'accord salarial du 10 février 1998, que d'aucuns jugent trop généreux, d'autres trop avare et dont je pense, pour ma part, qu'il était un bon accord, arrive à échéance à la fin de l'année. Une clause de revoyure prévoit un nouveau rendez-vous dans quelques jours. Ce sera l'occasion d'examiner les dispositions salariales pour 2000 mais aussi une question comme celle du congé de fin d'activité. Monsieur Vila, il n'y a pas péril en la demeure : l'accord de 1998 prévoit une majoration de 0,8 % des traitements au 1er décembre 1999. Je le redis, c'était un bon accord. M. Tourret en a d'ailleurs souligné la qualité, je l'en remercie. M. Bussereau, pour sa part, trouve les fonctionnaires trop payés...

M. Dominique Bussereau - Je n'ai pas dit cela !

M. le Ministre - ...tandis que M. Carvalho, lui, souhaiterait qu'ils le soient davantage.

M. Dominique Bussereau - M. Carvalho est dans la majorité !

M. le Ministre - Le Gouvernement, après avoir écouté les uns et les autres, prend ses responsabilités et tranche. L'accord de 1998 nous a permis de renouer le dialogue social avec les fonctionnaires sans mettre pour autant en péril les finances publiques.

Au-delà des revalorisations salariales la concertation a permis d'avancer sur les pensions d'invalidité. Il existait là de réelles situations de détresse, les prestations du régime des fonctionnaires étant parfois inférieures aux minima du régime général. Le Parlement sera saisi de diverses mesures d'amélioration à l'occasion de l'examen du projet de loi DCRA en deuxième lecture le 23 novembre prochain.

Pour ce qui est de l'intégration des personnes handicapées, le retard est moins important que pourraient le laisser croire les statistiques. En effet, beaucoup de fonctionnaires handicapés, placés sur des postes normaux, ne souhaitent plus figurer dans le décompte des salariés handicapés.

La gestion et l'indemnisation des frais de déplacement ont été, quant à elles, nettement améliorées.

La première étape de la concertation avec les syndicats et les associations d'élus locaux sur l'aménagement et la réduction du temps de travail s'est achevée le 7 octobre dernier. Plusieurs points d'accord sont apparus. Sur les objectifs tout d'abord. Les fonctionnaires ont le droit, comme les autres salariés, de bénéficier de l'avancée sociale que représente la réduction du temps de travail...

M. René Dosière - Très bien !

M. le Ministre - ...dont l'objectif premier dans la fonction publique n'est pas la création d'emplois. Je me permets d'ailleurs de vous faire observer qu'en accroissant ses effectifs de 20 % depuis 1983, la fonction publique a largement payé sa contribution à la lutte contre le chômage. La réduction du temps de travail sera aussi l'occasion d'améliorer la qualité du service rendu en tenant compte à la fois des besoins des usagers et des aspirations des personnels.

Les partenaires sociaux s'accordent également sur la nécessité d'un accord concernant les trois fonctions publiques : Etat, hôpitaux et collectivités locales. Cet accord qui sera bouclé pour la fin de l'année ou au plus tard début janvier 2000, devra être souple pour encadrer les négociations déconcentrées. Il devra éviter d'aggraver les disparités existantes entre fonctions publiques, sans pour autant interdire des marges de négociations au niveau local. C'est dans son cadre que sera abordée la question des effectifs, mais seulement comme une conséquence de la réduction du temps de travail, je le redis. Puis devront être préparés les textes législatifs et réglementaires. On peut raisonnablement espérer avoir achevé l'ensemble de la négociation fin 2001-début 2002.

Au-delà du débat engagé sur l'avenir de la décentralisation et de la création de la commission présidée par Pierre Mauroy, le projet de loi relatif aux interventions économiques des collectivités territoriales et des sociétés d'économie mixte locales vient d'être examiné par la Commission de Bruxelles. Ce texte résulte d'une triple nécessité : mettre en harmonie les textes et la réalité ; mieux prendre en compte la dimension communautaire ; remplacer un ensemble de textes devenu inutilement complexe et juridiquement dangereux pour les élus par un dispositif clair et mieux adapté. Il devrait être examiné au cours de la présente session.

Pour la fonction publique territoriale, la démarche retenue est avant tout pragmatique comme le souhaitent les élus et les syndicats. L'objectif n'est pas de bouleverser le cadre statutaire et institutionnel actuel mais d'en corriger les dysfonctionnements et de faire progresser cette fonction publique.

Le Gouvernement a retenu trois mesures prioritaires à la suite du rapport de M. Schwartz. Tout d'abord, l'assouplissement des quotas de promotion interne et d'avancement de grade. C'est l'objet du décret du 26 octobre 1999. Ensuite, la révision des seuils démographiques, inchangés depuis trente ans. Si ces seuils encadrant l'accès aux grades et emplois supérieurs est nécessaire pour garantir les niveaux de recrutement et assurer des perspectives de carrière, des évolutions sont toutefois indispensables pour tenir compte notamment du développement de l'intercommunalité. Enfin, une concertation est en cours avec les associations d'élus et les syndicats pour améliorer la transparence des conditions d'accès aux emplois supérieurs de la fonction publique territoriale. La gestion des personnels d'encadrement de cette fonction publique mérite autant de soins que celle des personnels de la fonction publique d'Etat.

M. René Dosière - Tout à fait.

M. le Ministre - J'en viens au budget de mon ministère pour 2000. Il s'établira à 1,316 milliard, progressant ainsi de 11,3 %, abstraction faite de l'enveloppe exceptionnelle de crédits sociaux prévue dans l'accord salarial de 1998. Certains s'étonnent de sa non-reconduction qui n'a pourtant rien d'étonnant puisqu'il s'agissait d'un abondement ponctuel.

Les crédits d'action sociale augmentent sensiblement, pour l'essentiel en raison de la pérennisation du fonds en faveur de l'insertion des handicapés et de l'augmentation de l'enveloppe des chèques-vacances.

Les autres postes ne connaissent pas de changement notable.

Le chapitre 34-94, doté de 38 millions contre 34 en 1999, permettra de poursuivre les opérations interministérielles de formation déconcentrées.

Les subventions de fonctionnement aux établissements de formation (ENA, IRA, IIAP, CEES) progressent sensiblement pour tenir compte de l'augmentation du nombre des élèves ou des stagiaires.

Les crédits du fonds pour la réforme de l'Etat se stabilisent à 109 millions. L'évolution de la répartition des financements traduit clairement la priorité donnée à la déconcentration. Ces dotations sont consacrées pour l'essentiel à améliorer le service rendu. 43 % iront à la construction de maisons de services publics.

Le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation a avant tout un rôle d'impulsion et de coordination. Par souci de rigueur et de qualité, il faut mieux employer les fonds publics. C'est ce qui justifie l'évaluation des politiques.

Ici ou là on juge nécessaire d'avancer encore dans la réforme de l'Etat. Je m'y emploie. La charte de la réforme de l'Etat que j'ai présentée au Conseil des ministres en novembre 1997 s'applique selon le rythme prévu. Pour l'usager, cette action n'est pas toujours visible, et elle ne sera jamais achevée. La politique de la ville, l'évaluation des politiques publiques, le souci de mieux utiliser les deniers de l'Etat sont des préoccupations permanentes. Soyez convaincus que le Gouvernement continuera à faire évoluer les choses (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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QUESTIONS

M. Maurice Ligot - Il n'a été que brièvement question de la décentralisation. Elle me semble mal engagée. Par exemple la réforme de la taxe professionnelle enlève des ressources aux collectivités locales -des élus ont déjà protesté- et les prive aussi d'un pouvoir de décision financier puisque la part salariale de la taxe professionnelle disparaît. De même, la gestion des fonds structurels européens par le préfet de région est contraire à l'esprit de la décentralisation. Il s'agit pourtant de sommes considérables.

On a annoncé votre projet de loi sur la politique économique des collectivités locales en même temps que les projets Voynet et Chevènement. Il est toujours sur votre bureau. Mais faut-il se hâter ? La rédaction actuelle présente plusieurs dangers. L'article premier affirme que le pouvoir de mener la politique économique appartient à l'Etat. Néanmoins -néanmoins seulement- les collectivités territoriales peuvent l'exercer. Elles ne sont autorisées à accorder des aides que sous certaines contraintes, et les entreprises qui les leur demandent doivent en faire la déclaration au préfet. Elles ne peuvent accorder d'aides à des entreprises autres que les PME que dans le cadre d'une convention avec l'Etat. En bref, êtes-vous le ministre de la décentralisation ou celui d'une recentralisation rampante ?

M. le Ministre - Vaste question, mais qui me permettra de dissiper ce qui ne peut être que le produit de l'imagination. Du moins je suis ravi de constater que la décentralisation fait aujourd'hui l'unanimité, ce qui n'était pas le cas en 1982. Vous veillez à son développement avec un soin jaloux, et même sourcilleux. Au milieu des tâches immenses qui sont les siennes, ce gouvernement a fait voter les textes essentiels pour la décentralisation que sont les lois sur l'aménagement du territoire et sur l'intercommunalité.

S'agissant des ressources des collectivités, la suppression de la part salariale dans l'assiette de la taxe professionnelle donne lieu à compensation et les élus sont méfiants.

M. René Dosière - Elle est bonne pour l'instant...

M. le Ministre - Les ressources des collectivités passent de plus en plus par le budget de l'Etat. Aux Pays-Bas, c'est le cas pour la totalité de leurs ressources. On n'y parle pas de recentralisation rampante. Si on veut aller plus loin dans la décentralisation, il faudra assurer plus encore la péréquation des ressources. Elle passera forcément par l'Etat.

Que les crédits européens passent par la comptabilité de l'Etat entraîne quelques délais. Fallait-il donner aux régions une sorte de tutelle sur les autres collectivités ? Le Gouvernement préfère travailler à ce que les collectivités maîtres d'ouvrage ne fassent pas trop longtemps l'avance des fonds européens.

Le projet sur l'intervention économique des collectivités ne vise pas à rétablir une tutelle. Un article maladroit oblige à signaler les aides au préfet. Il s'agissait d'établir un registre des chasseurs de primes. Puisque la mesure inquiète, elle sera supprimée par amendement et l'on trouvera une autre méthode.

Vous regrettez qu'on limite les possibilités d'intervention économique des collectivités. Je le dis tout net, le texte n'a nulle intention d'enlever cette compétence primordiale aux régions. Mais elles n'assurent qu'un tiers des interventions économiques locales, les départements et communes en assurent les deux tiers. Notre souci est de préserver les élus des risques qu'ils encourent actuellement lorsqu'ils pratiquent ce genre d'intervention. Je ne veux pas qu'un maire soit poursuivi parce qu'il accorde une baisse de loyer pour assurer la survie d'un artisan. Mais nous n'interdisons pas, nous contingentons. Ceux dont la vocation première n'est pas l'intervention économique pourront la pratiquer sans se mettre en péril.

M. Eric Doligé - Le sort des fonctionnaires vous intéresse autant que nous. Je vous cite donc une dépêche de l'agence Reuter qui vient de nous arriver. Sous le titre «un délai de grâce» elle annonce : «le chef de la section financière du parquet de Paris, Mme Fulgéras, pourra finalement rester en poste jusqu'à la fin de l'année pour organiser sa reconversion, a-t-on appris mercredi au bureau du procureur.» Je tenais à vous signaler ce fait. Grâce à l'opposition, certains fonctionnaires auront ainsi le temps de se retourner.

Vous avez annoncé un accord cadre début 2000, une négociation par fonction publique à compter de l'été prochain, et une intervention législative pour 2002, lorsque les 35 heures entreront en application.

Les responsables des collectivités locales souhaitent que vous leur reconnaissiez la qualité d'employeur à part entière, et que vous réaffirmiez le principe de libre administration des collectivités. Sur ce dernier point, comme tous les maires de mon département, j'ai reçu une circulaire du ministère de l'emploi relative au bogue de l'an 2000. «Vous voudrez bien, m'écrit-on, me rendre compte pour le 15 novembre des décisions que vous avez prises...» J'ai été choqué.

Ensuite j'espère que vous améliorerez les conditions de mobilité au sein de la fonction publique territoriale et entre les différentes fonctions publiques. Nous y sommes très attachés.

La loi cadre portera-t-elle bien sur l'aménagement du temps de travail afin de favoriser la modernisation du service public de proximité ?

S'appliquera-t-elle aussi aux établissements publics rattachés ? Va-t-on créer une quatrième fonction publique ?

M. le Ministre - Sur le premier point, le Garde des Sceaux a dit : «Bis repetita non placent». Alors, ter, a fortiori. Qu'un ministère envoie des circulaires aux élus, je l'ai expérimenté comme maire, le préfet attirant mon attention sur certains dangers et me demandant comment je comptais y faire face. Je n'en suis pas moins attaché au principe de libre administration des collectivités territoriales.

Un fait m'a agréablement surpris. Quand j'ai mené la concertation jusqu'au 7 octobre, j'ai constaté que les syndicats étaient assez favorables à un accord cadre, mais que les organisations d'élus y étaient très favorables car elles sont conscientes de la nécessité d'établir des repères pour appliquer les 35 heures dans la fonction publique. Le rapport Roché était indispensable pour éviter des divergences là où la convergence est plutôt souhaitable.

Le calendrier envisagé est le suivant : l'accord cadre qui permettra de poser des définitions, devrait être défini vers janvier 2000 ; après quoi, commencera une discussion par grands secteurs, y compris avec les collectivités employeurs, qui ne sont pas faciles à rencontrer. Le parcours pourrait être achevé fin 2001 ou début 2002.

M. Bernard Schreiner - La question des effectifs de la fonction publique est essentielle. Or il semblerait qu'à la différence de n'importe quel employeur, l'Etat ne connaisse pas exactement le nombre ni la position statutaire de ses fonctionnaires. Ainsi, le premier président de la Cour des comptes écrivait le 28 juillet 1998 à la ministre de l'emploi que «les effectifs dont disposait le ministère étaient éloignés des prévisions et autorisations de la loi de finances initiale», appelant de ses v_ux une amélioration de la gestion prévisionnelle des effectifs.

Quels sont donc les effectifs de la fonction publique ? La représentation nationale et nos concitoyens, qui sont tous des contribuables ont droit à une réponse claire.

M. le Ministre - Aussi claire qu'elle peut l'être, car elle est complexe. Il faut se garder de donner des leçons dans ce domaine. Un gouvernement récent, qui avait fait son drapeau de la réduction volontariste des effectifs, a vu ces effectifs augmenter. Ayons un peu d'humilité.

Je connais une mairie qui emploie environ 700 personnes. Mais le nombre n'est jamais exactement le même d'un jour à l'autre. La variation atteint 2 % ou 3 % selon les saisons. Entre la comptabilité tenue au jour le jour par le ministère et les effectifs budgétaires, il ne faut pas s'offusquer des différences possibles.

M. Eric Doligé - Avec Pierre Lasbordes, je vous interroge à présent sur l'évolution des traitements de la fonction publique. L'accord salarial de février 1998 dispose que vous devez rencontrer les syndicats dans la deuxième quinzaine de novembre 1999, pour évoquer les perspectives d'évolution des rémunérations en 2000. Or, au printemps dernier, vous aviez parlé de la nécessité d'une modération salariale.

Dans ces conditions, qu'envisagez-vous pour 2000 ? Gel des rémunérations ou reconduction de la politique contractuelle ? Rien ne semble prévu dans le budget sur ce point. Or les collectivités territoriales ont besoin de connaître la règle du jeu.

J'indique à nos collègues communistes, qui n'étaient pas là tout à l'heure, que vous avez déclaré que la finalité première de la réduction du temps de travail n'était pas la création d'emplois.

M. le Ministre - Je n'ai pas compris si vous jugiez l'accord salarial de février 1998 trop généreux ou trop strict... Une revalorisation de 0,8 % interviendra en tout état de cause au 1er décembre, et je ne voudrais pas préjuger de ce qu'il ressortira de la réunion que je tiendrai le 18 novembre avec les organisations signataires de l'accord, mais le Parlement en sera naturellement informé sans délai.

J'ai commis l'imprudence, un jour, de dire à un journaliste travaillant à un hebdomadaire qui me trouve trop attaché à la fonction publique, ce dont au reste je m'honore, que les besoins du service public étaient «illimités». Il a fait des gorges chaudes de ce propos, oubliant que j'avais ajouté, dans la foulée, que les moyens du service public, eux, étaient bel et bien limités et qu'il appartenait au Gouvernement de les fixer en fonction de l'ensemble des données et des problèmes. Nous avons fait le choix, pour les années 1998 à 2000, de la stabilité des effectifs. Pour la suite, nous verrons bien, mais la réduction de la durée du travail a pour but premier, selon moi, de faire accéder les fonctionnaires à un progrès social auquel ils ont droit comme tout un chacun ("Très bien !" sur les bancs du groupe socialiste), et non la lutte contre le chômage, pour laquelle la fonction publique a déjà été mise à contribution. Je ne dis pas qu'il n'y aura pas de créations d'emplois, mais qu'elles n'en seront, le cas échéant, que la conséquence. Le rapport Roché a montré qu'il y avait, dans la fonction publique, une extrême diversité des temps et des rythmes de travail, mais que les fonctionnaires travaillaient, dans leur quasi-totalité, autant que n'importe quelle catégorie professionnelle. Il n'y a donc aucune raison, si les 35 heures deviennent la norme, pour que les fonctionnaires en soient exclus (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Bernard Schreiner - En ce qui concerne la réforme de l'Etat, je déplore que le Gouvernement se contente de déclarations d'intention, à la fois obscures et non suivies d'effet. En d'autres termes, la réforme de l'Etat est en panne. Pourquoi vouloir absolument définir des priorités multiples, au lieu de se limiter à quelques-unes ? Votre méthode serait-elle d'éviter les questions essentielles et les réformes nécessaires ?

M. le Ministre - S'il est une question essentielle, c'est bien de savoir ce qu'est la réforme de l'Etat, et j'ai le sentiment que nous n'y apportons pas du tout la même réponse. Vous voulez un Etat plus modeste, nous voulons un Etat plus moderne.

M. Charles de Courson - Et plus gros !

M. le Ministre - Pas forcément. Je ne préjuge pas de son poids futur : ce qui m'intéresse, c'est le niveau du service rendu, tandis que vous vous préoccupez surtout de réduire son coût, fût-ce au prix d'une détérioration de ce service. Force est de constater, d'ailleurs, que ce n'est pas vous qui avez contribué à sa modernisation. Il n'y avait, en 1997, que 4 % de femmes dans la haute fonction publique ; il y en a 8 % aujourd'hui. L'administration française avait manqué, il y a trente ans, le coche de l'informatisation ; non seulement elle sera bien présente au rendez-vous des nouvelles technologies, mais encore elle sera le moteur de l'entrée de notre pays dans la société de l'information.

Je ne dis donc pas qu'il y aura moins de fonctionnaires, a fortiori qu'ils seront moins payés, mais qu'ils seront, au contraire, encore plus efficaces au service de nos concitoyens. Nous allons développer la gestion prévisionnelle des ressources humaines, afin qu'ils se sentent mieux dans leur peau et qu'ils aient ce qui, actuellement, leur manque le plus : une perspective, y compris pour leur carrière individuelle, leur formation, etc. Ce n'est pas incompatible avec le statut, bien au contraire (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions. Les crédits de la fonction publique et de la réforme de l'Etat seront appelés après l'examen des crédits de la communication. J'appelle maintenant l'amendement 57 corrigé de M. de Courson.

M. Charles de Courson - Je dépose cet amendement depuis de nombreuses années, y compris lorsque j'étais dans la majorité. Le montant des pensions de la fonction publique, qui était de 180 milliards cette année, sera de 192 milliards l'an prochain. Ce n'est pas qu'elles aient été réévaluées : elles sont indexées sur le point de la fonction publique. Leur progression est due pour plus de moitié au rapport démographique, lequel va se détériorant d'année en année. Les retenues pour pension, en revanche, n'augmentent que de 800 millions. Leur part dans le financement des retraites de la fonction publique, qui est grosso modo de 15 %, décroît mécaniquement, le taux de cotisation étant bloqué à 7,85 % depuis de nombreuses années, à part deux épisodes au début et à la fin des années quatre-vingt.

Cela est-il socialement juste ? Non. En 1993, l'ancienne majorité avait eu le grand courage de réformer le régime général, même si elle s'était abstenue, ce pour quoi je l'ai d'ailleurs critiquée, de réformer les régimes spéciaux. Que n'avons-nous entendu, à l'époque, à gauche ! Mais une fois de plus, et en dépit des engagements que vous avez pris en 1997 devant le peuple français, vous n'avez pas modifié d'une virgule les décisions prises par vos prédécesseurs ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

M. René Dosière - La législature n'est pas terminée !

M. Charles de Courson - Ne soyez pas hypocrite ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Je vous paierai le champagne si vous le faites ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste)

M. Dominique Baert - Vous l'avez gratuit !

M. Charles de Courson - Depuis le début des années quatre-vingt, les gouvernants, de droite comme de gauche, ont bloqué, dans le régime général, le taux des cotisations patronales et, dans le régime spécial des fonctionnaires, celui des retenues sur traitement, si bien que tout le coût de la dérive repose sur l'Etat-patron ou sur les collectivités-patronnes, c'est-à-dire sur le contribuable, national ou local.

M. Bernard Schreiner - C'est le même !

M. Charles de Courson - Cela pose le problème fondamental de l'égalité des citoyens devant la retraite. Pouvons-nous continuer à repousser la réforme des régimes spéciaux ? Je ne crois pas qu'il soit dans l'intérêt de la démocratie de laisser se creuser l'écart entre le public et le privé. Dans le privé, en effet, la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d'une retraite à taux plein continue de s'accroître ; dans le public, elle reste de 37 ans et demi. Nous ne pouvons attendre 2005, l'exemple de la CNRACL le prouve a contrario : c'est pure démagogie que d'avoir fait supporter la totalité de l'effort aux employeurs.

C'est pourquoi je propose, par l'amendement 57 corrigé, de stabiliser la part de l'Etat dans le financement des pensions de la fonction publique. Quel serait l'effet de cette disposition ? J'ai fait le calcul comme si elle était applicable à compter du 1er janvier prochain : le taux de la retenue pour pension passerait de 7,85 à 8,17 points, soit une augmentation de 0,32 point. C'est le minimum indispensable pour maintenir cette part de financement. Je rappelle qu'actuellement les pensions sont financées pour 15 % par ces retenues et pour tout le reste par le contribuable national, alors que, dans le régime général, qui est celui de 65 % de nos concitoyens, les cotisations à la charge des salariés contribuent pour plus de 40 %. En outre, cette proportion n'a cessé de croître depuis le début des années quatre-vingt.

Cessons de creuser l'écart, dans l'attente d'une réforme des régimes spéciaux : tel est le sens de cet amendement qui, s'il était adopté, accroîtrait les recettes d'environ un milliard en 2001 -étant entendu que la mesure devrait être prorogée sur plusieurs années pour stabiliser la situation.

M. Gérard Fuchs, suppléant M. Jean Vila, rapporteur spécial de la commission des finances - Il est vrai que M. de Courson dépose cet amendement depuis plusieurs années mais -est-ce par lassitude ?- il a, cette fois-ci, oublié de le soumettre à la commission dans les délais !

M. Charles de Courson - Non !

M. le Rapporteur spécial suppléant - Or, sous une apparence quelque peu absconse, cet amendement remet assez radicalement en cause le régime des pensions civiles et militaires. Il ne serait pas raisonnable de se lancer dans cette discussion à cette heure, mais nous en débattrons en commission, soyez-en sûr, Monsieur de Courson !

M. Charles de Courson - C'est trop facile !

M. le Rapporteur spécial suppléant - Nous verrons alors s'il connaît un sort meilleur que les autres années. Mais, pour l'instant, restons-en là !

M. le Ministre - La vigilance de M. de Courson a en effet dû être surprise cette année. Comme M. Fuchs, je jugerais peu raisonnable de voter sur cette disposition sans qu'elle ait été examinée en commission.

Vous partez, Monsieur de Courson, d'un a priori : les fonctionnaires seraient privilégiés. Vous oubliez que les taux de remplacement pour la retraite sont extrêmement proches, entre secteur public et secteur privé.

Nous aurons l'occasion de revenir sur ces questions, de façon sereine, comme le Gouvernement l'a annoncé. Nul ne nie que l'allongement de la durée de vie pose problème, mais prendre des mesures sans concertation serait aller dans le mur, comme on l'a vu lorsque les régimes spéciaux ont été réformés. Nous préférons notre méthode : diagnostic, concertation, proposition, dialogue !

S'agissant du CFA, il peut paraître paradoxal de continuer à faire partir des gens en retraite anticipée pour embaucher des jeunes alors qu'on se résout à préparer un grand débat sur les retraites. Le chômage des jeunes revêt cependant une telle gravité que certains ici ont estimé nécessaire et réclamé la prorogation de ce congé l'an prochain. J'ai dit que nous ne nous prononcerions pas avant d'avoir revu les partenaires sociaux mais ce n'en est pas moins une question que nous comptons examiner attentivement.

Avis défavorable à l'amendement, bien sûr !

M. René Dosière - Brillant, M. de Courson l'est assurément, mais quelque peu compliqué aussi ! Ce qui sous-tend son discours est cependant une idée très simple : les fonctionnaires seraient des privilégiés. Tel n'est pas l'avis du groupe socialiste, qui votera donc contre l'amendement.

M. Charles de Courson - Monsieur Fuchs, c'est sciemment que j'ai déposé sur la deuxième partie de la loi de finances cet amendement -subtil, puisqu'applicable à partir de 2001-, car je voulais que la discussion en soit rattachée à celle du budget de la fonction publique. Si je l'avais maintenu en première partie comme les années précédentes, nous n'aurions pu avoir le débat qui s'esquisse. Mais cette fois-ci, on a mis en question sa recevabilité, ce qui n'avait jamais été le cas les autres fois. Et je m'étonne qu'il ne figure pas sur la feuille jaune, alors qu'il a été déposé voici plusieurs heures !

J'en viens au fond et à ce que m'a opposé M. Dosière. Si celui-ci m'avait écouté, il ne m'aurait pas prêté les propos qu'il me prête : je dis simplement que, lorsque l'on défend l'intérêt général, on doit poser le problème en termes relatifs, et que l'on ne peut continuer à augmenter la part des retraites du privé financée par les cotisations des salariés quand, dans les fonctions publiques d'Etat et territoriale, la part financée par les retenues pour pension ne cesse de baisser. Ce serait en effet aller contre la justice sociale.

Monsieur le ministre, je n'ai pas dit que le taux de remplacement serait plus avantageux dans le secteur public : je ne puis en effet ignorer que, si ce taux est meilleur pour les salaires petits et moyens de la fonction publique, il ne l'est pas pour les cadres, notamment pour les cadres supérieurs, car il est calculé sur le salaire indiciaire hors primes. Les fonctionnaires qui perçoivent beaucoup de primes perçoivent ainsi des retraites égales à 50 % de leur salaire à peine. Ayant travaillé sur le sujet, je ne pouvais dire l'ânerie que vous me prêtez et je vous demande de m'en donner acte.

Le problème que je pose est beaucoup plus grave : c'est celui de l'écart croissant entre le financement et l'évolution des prestations, comme entre les deux tiers des Français assujettis à un régime général réformé et les fonctionnaires qui ont, eux, échappé grâce à vous à la réforme. Or sur ce point, vous n'êtes pas très à l'aise et c'est pourquoi vous vous êtes contenté de m'écouter dans un silence quasi religieux ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

L'amendement 57 corrigé, mis aux voix, n'est pas adopté.

La suite de la discussion de la deuxième partie de la loi de finances est renvoyée à la prochaine séance.

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CONVOCATION DU PARLEMENT EN CONGRÈS

M. le Président - M. le Président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Président de la République la lettre suivante :

« Paris, le 2 novembre 1999,

« Monsieur le président,

« Les projets de loi constitutionnelle suivants :

« Projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature,

« Projet de loi constitutionnelle relatif à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie

« ont été votés en termes identiques respectivement par l'Assemblée nationale le 6 octobre 1998 et le 10 juin 1999 et par le Sénat le 18 novembre 1998 et le 12 octobre 1999.

« Comme je vous l'ai indiqué lors de notre entretien du 27 octobre dernier, j'ai décidé de soumettre ces projets au Congrès en vue de leur approbation définitive dans les conditions prévues par l'article 89 de la Constitution.

« Je vous adresse, ci-joint, avant sa publication au Journal officiel, le décret de convocation du Congrès auquel sont annexés les textes des projets de loi constitutionnelle que cette assemblée aura à examiner, sous votre présidence, le 24 janvier 2000.

« Veuillez croire, Monsieur le président, à l'assurance de ma haute considération. 

                      Signé : Jacques Chirac »

Le décret de convocation du Congrès auquel sont joints les textes des projets de loi constitutionnelle que cette assemblée aura à examiner sera annexé au compte rendu intégral de la présente séance.

Acte est donné de cette convocation.

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COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant qu'il avait décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux incompatibilités entre mandats électoraux et fonctions électives.

Prochaine séance ce soir à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 10.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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