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Session ordinaire de 1999-2000 - 26ème jour de séance, 63ème séance

2ÈME SÉANCE DU MERCREDI 17 NOVEMBRE 1999

PRÉSIDENCE de M. Yves COCHET

vice-président

Sommaire

          LOI DE FINANCES POUR 2000 -deuxième partie- (suite) 2

          AGRICULTURE ET PÊCHE, BAPSA (suite) 2

          QUESTIONS 15

          ÉTAT B 31

          AVANT L'ART. 64 33

          ART. 64 35

          APRÈS L'ART. 64 35

La séance est ouverte à vingt et une heures.

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LOI DE FINANCES POUR 2000 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000.

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AGRICULTURE ET PÊCHE, BAPSA (suite)

M. Jean-François Chossy - Pensez-vous, Monsieur le ministre, que les agriculteurs sont «porteurs de revendications légitimes» ? Ont-ils formulé des revendications catégorielles ? Exigent-ils une assistance constante des pouvoirs publics ? Comme vous le savez, et comme on le dit chez moi, dans le Forez, ce n'est pas leur genre. Simplement, ils sont, comme bien d'autres, inquiets pour leur avenir, et votre budget n'est pas de ceux qui pourraient les rassurer.

Mon département, la Loire, se caractérise par une agriculture modeste, typique du Massif central. Grâce à la priorité donnée depuis longtemps à l'installation des jeunes, un nombre élevé d'agriculteurs a été maintenu à la terre, et des paysages magnifiques ont été préservés, qui font la joie des citadins et des touristes. L'agriculture doit être encouragée à contribuer à la protection de l'environnement ; peut-être faudrait-il, à cette fin, renoncer à la TGAP, qui pénalise autant qu'elle déresponsabilise. Il convient, aussi, de renforcer la politique menée pour la montagne, afin de garantir le maintien d'une activité agricole sur l'ensemble du territoire. Sait-on assez que 75 % de la surface de mon département est située en zone défavorisée ?

Les agriculteurs souhaitent que l'indemnité compensatrice de handicap naturel soit revalorisée par zone et par UGB et que l'éligibilité aux ICHN soit étendue à certaines productions de montagne, telles que les fruits ou la vigne. D'autre part, préserver la qualité des produits suppose l'octroi de moyens supplémentaires, tant pour la production de lait que pour la mécanisation et les bâtiments d'élevage. Ces mesures doivent être pérennisées. Ainsi les agriculteurs de montagne retrouveront-ils une certaine sérénité. On estime en effet à 100 millions par an le montant des crédits indispensables aux bâtiments d'élevage dans ces zones. En outre, le plafond de la subvention, actuellement fixé à 65 000 F, n'a pas été réévalué depuis longtemps ; il devrait être porté à 100 000 F.

Nombreux sont, d'autre part, les agriculteurs qui craignent les effets des récents accords de Berlin. D'autres voies doivent être suivies, qui leur ouvriraient de nouvelles perspectives. Ainsi faudrait-il simplifier les procédures administratives en décidant qu'une seule déclaration par exploitation suffit et un seul contrôle aussi. Il faudrait aussi pérenniser le fonds d'allégement des charges agricoles et octroyer des crédits d'étude et de suivi aux agriculteurs en difficulté, ceux qui ne sauront pas s'adapter aisément aux nouvelles règles définies à Berlin.

Il conviendrait encore de réviser l'assiette fiscale, base des cotisations sociales, et de compenser la hausse du coût du travail liée au passage aux 35 heures. Quant aux relations entre la grande distribution et les producteurs, elles doivent être réglementées, un prix d'achat minimum pour certaines productions devant devenir la règle.

Enfin, la défense énergique du modèle agricole européen lors des prochaines négociations de l'OMC apaiserait, elle aussi, l'angoisse des agriculteurs.

Sur tous ces points, j'aimerais des éclaircissements, Monsieur le ministre, car les agriculteurs, comme les parlementaires, ne sauraient se contenter de vagues promesses : ils veulent des garanties précises. Votre budget ne leur en donne pas. Comme l'a très bien démontré mon collègue François Sauvadet, c'est le budget des occasions et des rendez-vous manqués.

Dans ces conditions, vous comprendrez qu'en dépit de votre dynamisme et de l'optimisme que vous affichez, je ne voterai pas un budget que, comme le groupe UDF, je considère comme étriqué (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. François Liberti - Les crédits pour la pêche maritime et les cultures marines augmentent de 2,3 % dans le projet de budget, que les parlementaires communistes et apparentés voteront. C'est un progrès sensible.

Cependant, si la reconduction des crédits alloués à l'OFIMER permettra de poursuivre les actions engagées, les moyens nécessaires pour assurer le respect de la réglementation restent très largement insuffisants.

Pour ce qui est de l'IFREMER, il est urgent de lancer un plan de renouvellement de la flotte océanographique et, en particulier, de construire un navire support d'engins submersibles. Pour la communauté scientifique, c'est une nécessité. La France doit par ailleurs proposer un projet de gestion des stocks qui représente une alternative véritable aux diktats de ceux qui, en Europe et surtout aux Etats-Unis au travers de l'ICAT, imposent des quotas de pêche pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la nécessité de protéger la ressource. Quand va-t-on réduire les quotas de pêche minotière ?

Vous le savez, Monsieur le ministre, la consommation des produits de la mer ne cesse de progresser, mais les importations augmentent, elles aussi, fortement -d'un quart en 1998. Il n'y a pourtant aucune fatalité à cela, et les pêches maritimes françaises doivent bénéficier de l'accroissement de la consommation interne tout en consolidant leurs exportations. Cela signifie qu'il faut pêcher différemment, favoriser la qualité, développer le secteur de la transformation des produits de la mer et moderniser la flotte sans relâche.

A ce propos, le groupe communiste et apparenté souhaite vivement que la représentation nationale participe à la mission que vous avez mise en place sur les perspectives des pêches maritimes, au sein desquelles la pêche méditerranéenne fera entendre sa spécificité. Déjà, les états généraux rassemblés à Sète en janvier ont élaboré la charte de la façade maritime, et ce texte a servi de base aux premières mesures prises après votre venue à Sète, le 25 septembre. Ainsi renouvellera-t-on quelques unités de la flotte de chalutiers, ainsi augmentera-t-on l'enveloppe de kilowatts accordés aux petits métiers, ainsi ouvrira-t-on le dossier de la pêche au thon. Encore le renouvellement prévu doit-il être effectif, et sa planification organisée avec les instances professionnelles. Plus généralement, votre engagement de poursuivre l'étude du dossier méditerranéen a suscité un espoir qui ne doit pas être déçu.

Le quasi-doublement du prix du carburant pêche, qui entre pour plus de 14 % dans le chiffre d'affaires, pose de sérieux problèmes, qui ont déjà provoqué l'explosion sociale de 1980.

Des mesures urgentes doivent donc être prises pour réduire le coût du carburant.

D'autre part, l'inscription au registre du commerce, prévue par la loi d'orientation pêche, est rejetée par les professionnels méditerranéens qui craignent une remise en cause du statut du marin. Elle ne doit pas être obligatoire, mais facultative, et je vous demande, Monsieur le ministre, d'envisager de modifier la loi dans ce sens. Enfin, compte tenu de la diversité des situations, le décret sur le statut de la pêche à pied nécessite, après consultation des professionnels, que soit prise en compte la spécificité de chaque façade maritime.

Globalement, le budget 2000 permettra de prolonger les récentes mesures pour la rénovation de la flotte et des équipements, ce qui est bien. Mais n'oublions pas l'immense effort qui reste à faire pour afficher dans la durée une ambition maritime forte (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Philippe Martin - Voici le premier budget consécutif à l'adoption de la loi d'orientation agricole. L'opposition s'était étonnée contre cette loi : si nous pouvions intellectuellement comprendre l'intérêt des contrats territoriaux d'exploitation, nous ne pouvions que nous opposer à l'application qu'on voulait en faire. Nous étions favorables à l'idée de raccrocher l'agriculture au territoire, mais opposés à la volonté du Gouvernement de remplacer l'activité agricole par une activité de cantonnier d'Etat.

Sur le plan budgétaire, le mode de financement prévu pour ces CTE ne répond pas aux besoins réels de la profession. Mais, plus que le niveau des dotations, ce qui m'inquiète est le transfert interne des postes budgétaires. En effet, une grande partie du budget alloué aux CTE provient des moyens qui existaient pour l'aide à l'installation des jeunes agriculteurs. Il est ridicule de penser que l'avenir de cette profession ne soit plus assuré par l'intégration de jeunes, mais par la transformation de nos agriculteurs en fonctionnaires de la DDE.

Il serait bon de chercher pourquoi le Gouvernement a dû procéder à ces transferts budgétaires. Lors du vote de la loi d'orientation, vous affirmiez que, grâce au plafonnement et à la modulation des aides européennes, il serait possible d'obtenir des moyens de financement spécifiques pour les CTE. Or les institutions européennes n'acceptent pas le transfert de fonds communautaires d'une activité agricole vers une autre, car le principe même de la PAC en serait bafoué, et on risquerait une distorsion de concurrence entre producteurs des Etats membres. Cette information m'a été confirmée encore récemment par un haut fonctionnaire européen. Vous nous avez fait croire, Monsieur le ministre, que le CTE serait la panacée pour notre agriculture ; en réalité, il ne fait que l'enterrer à moyen terme.

Quant à la dotation pour les jeunes agriculteurs, elle intéresse l'ensemble des activités agricoles, et particulièrement celles qui assurent aux agriculteurs un niveau de rémunération satisfaisant. Or ces activités spécifiques, comme la viticulture, seront a priori exclues des CTE. Les jeunes agriculteurs pourront-ils encore s'installer ? Je vous rappelle qu'ils ont besoin de la DJA pour reprendre un certain nombre d'actifs, comme les stocks.

D'autre part, l'analyse des postes budgétaires montre que l'agriculture d'avenir, celle qui permet de raccrocher l'agriculture au territoire grâce à une valorisation des produits agricoles dans la région de production, voire chez l'agriculteur, est complètement oubliée. Je constate, par exemple, la faiblesse des moyens permettant de promouvoir la qualité des produits, y compris sur des marchés régionaux, ce qui serait pourtant favorable à l'emploi dans nos régions rurales.

De plus, alors que les marchés internationaux s'ouvrent et connaissent une concurrence de plus en plus vive, il est paradoxal et dangereux que notre pays ne se donne pas les moyens de conquérir de nouveaux marchés.

Autre point, malheureusement d'actualité : le fonds des calamités agricoles, dont la dotation avait été ramenée à zéro l'an dernier. Cette année, comprenant votre erreur, vous le dotez de 50 millions. Mais c'est très insuffisant eu égard à la contribution légale que doit l'Etat à ce fonds et aux perspectives de création d'un régime d'assurance-récoltes dont l'étude est prévue par la loi d'orientation. Cela augure mal de votre volonté de mettre en place cette assurance-récoltes. Nous demandons que l'on revienne à une dotation de 250 millions.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce budget : sur les crédits de l'enseignement agricole privé, toujours insuffisants ; sur l'absence de cofinancement pour la compensation agri-monétaire mise en place en conséquence de l'euro ; sur la stagnation des crédits relatifs aux agriculteurs en difficulté etc... Faute de temps, je conclurai sur le BAPSA. Celui-ci ne prend pas en compte les nouvelles mesures de revalorisation des retraites prévue par la loi d'orientation. Il faut pourtant que les engagements pris aient une traduction budgétaire. Le BAPSA n'intègre pas non plus certaines mesures déjà décidées : pérennisation de l'allocation de rentrée scolaire, revalorisation des prestations familiales et des retraites au 1er janvier 2000 de 0,5 % au lieu de 0,2 % retenus, mesures qui devraient s'appliquer de plein droit aux agriculteurs.

En conclusion, ce budget ne correspond pas du tout aux attentes de nos agriculteurs. Leur déception sera grande après les espoirs que vous avez engendrés avec la loi d'orientation. Vous mettez notre agriculture sous perfusion, sous dépendance de subsides ridicules, oubliant que c'est une activité économique comme les autres, qui a ses propres contraintes et qui doit avoir sa propre politique au regard de la PAC et de la globalisation des échanges.

Je rappelle que le Gouvernement a donné mandat de négociation à la Commission pour Seattle, et que les principes de la préférence communautaire, de la sécurité sanitaire et de l'équité en matière environnementale sont très loin des discours que nous entendons sur la «malbouffe» et de la nécessité d'une agriculture respectueuse de l'environnement et du territoire (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jacques Desallangre - La discussion de ce budget se caractérise par la place croissante qu'y prennent des données exogènes. On ne peut en effet débattre de l'agriculture sans prendre en considération la réglementation européenne et la PAC, avec les récents accords de Berlin, mais aussi, depuis les dernières négociations du GATT et la création de l'OMC, la mondialisation libérale croissante des activités agricoles et la volonté hégémonique des grands groupes de l'industrie agroalimentaire.

Malgré ces contraintes extérieures fortes, le Gouvernement et sa majorité utilisent leurs marges de man_uvre ; ils proposent un nouveau projet de développement avec la loi d'orientation agricole et cette mesure particulièrement innovante que sont les contrats territoriaux d'exploitation. Ce nouvel outil d'orientation prend enfin en compte toute les fonctions que remplissent les agriculteurs, notamment leur participation à l'aménagement du territoire. La pluriactivité des agriculteurs est une condition de leur survie dans certaines régions, où le revenu de l'exploitation est parfois très insuffisant. Il faut donc appuyer cette diversification si nous voulons éviter la désertification des terres les moins rentables et une concentration excessive des exploitations. Le CTE permettra aussi de rémunérer la contribution des agriculteurs à l'intérêt général et leur multifonctionnalité.

Il importe donc que ces contrats soient signés le plus rapidement possible et recueillent l'adhésion de nombreux agriculteurs. Je me félicite que la dotation consacrée aux CTE soit abondée cette année de 650 millions, ce qui la porte à 950 millions. Cette augmentation et la participation communautaire, à hauteur d'un milliard, devraient permettre d'atteindre l'objectif de 40 000 CTE en l'an 2000.

Malgré ces efforts en faveur d'une nouvelle forme d'agriculture, je crains qu'on ait encore insuffisamment conscience des risques de mainmise par les grandes industries agroalimentaires. Nos agriculteurs risquent demain d'être étouffés, en amont de la production, par les groupes de biotechnologie qui contrôlent les semences, et en aval par les chaînes de distribution à la recherche des plus faibles prix. L'agriculture connaît un bouleversement technologique induit par des groupes comme Monsanto, qui cherchent à maîtriser les semences par modification génétique pour ensuite fournir tous les accessoires à la production, comme les engrais et pesticides. Nous ne pouvons accepter de confier notre alimentation aux cinq plus grandes firmes de biotechnologie qui, grâce à leurs recherches sur les semences stériles «Terminator» ou sur le maïs BT, pourraient maîtriser la production, détenant ainsi une véritable arme alimentaire. Les agriculteurs, puis les consommateurs, en seraient les premières victimes. Nous devons donc approfondir notre réflexion sur les OGM, mais aussi sur le concept juridique de brevetabilité du vivant : il permet à des sociétés privées de s'approprier la diversité biologique, alors qu'elle devrait rester propriété de tous ou res nullius.

Mais les agriculteurs sont également soumis à de très fortes contraintes en aval pour écouler leur production. Les filières de distribution et les grands opérateurs leur imposent une concurrence accrue et la recherche des moindres coûts parfois au détriment de la santé des consommateurs. L'agriculteur risquerait, si l'Etat ne fixait les règles du jeu, de devenir un maillon faible de l'industrie agroalimentaire. A cet égard, Monsieur le ministre, il faut souligner vos efforts pour réorganiser les filières en difficulté, en vue d'un partage plus équitable de la valeur ajoutée. Vous agissez également pour la sécurité alimentaire en augmentant les crédits de l'agence française de sécurité sanitaire, et dans les négociations avec nos partenaires.

Avec cette agence, comme le soulignait notre collègue Georges Sarre, la France dispose d'un outil satisfaisant : on ne voit pas pourquoi on devrait lâcher la proie pour l'ombre, sous prétexte d'uniformiser les modes de contrôle. Une agence européenne déresponsabiliserait plus encore le politique. Nous tenons, d'autre part, à exprimer notre soutien à votre action pour instituer une traçabilité directe et indirecte, et pour garantir une information correcte des consommateurs, qu'ont alarmé la vache folle, l'affaire de la dioxine et l'utilisation de boues pour l'alimentation des animaux.

Si importante que soit la réflexion sur les orientations de notre agriculture, elle ne doit pas nous faire oublier la situation difficile d'un grand nombre d'anciens agriculteurs. N'oublions pas leur rôle dans la politique agricole qui visa pendant trente ans à subvenir à nos besoins alimentaires. Cet objectif a été atteint et dépassé puisque grâce à ces producteurs nous figurons aujourd'hui parmi les premiers exportateurs. Dès le début de cette législature, les députés MDC se sont inquiétés du faible niveau des retraites agricoles. Nous avons déposé une proposition de loi visant, dans un premier temps, à revaloriser les plus faibles jusqu'à 55 % du SMIC avant de les porter à 46 000 F. Vous comprendrez donc, Monsieur le ministre, que cette année nous vous demandions un relèvement des pensions minimum. Le Gouvernement s'y était engagé dès 1997, et les retraités ne peuvent se satisfaire des mesures adoptées entre 1994 et 1997. Aujourd'hui encore, malgré les revalorisations entreprises depuis 1997, certains retraités agricoles ne disposent que de 2 200 à 3 000 F, moins que le minimum vieillesse de 3 500 F qui est censé représenter un niveau plancher dans une nation riche. Vous avez accepté, au cours de nos discussions, de déposer un amendement de 1,2 milliard qui permette de revaloriser de 2 400 F par an tous les minima et de réduire la durée de carrière requise pour bénéficier des revalorisations. Mais ce pas important ne permet pas de résorber toutes les inégalités. Les réserves dégagées par la diminution des parties prenantes au BAPSA ne permettront-elles pas d'accélérer le mouvement, afin que les petites retraites atteignent dès l'année prochaine le minimum vieillesse ? De même, envisagerez-vous de réexaminer l'attribution de la majoration de 10 % pour enfant ? Celle-ci bénéficiera essentiellement aux plus aisés ; il serait alors peut-être souhaitable de la forfaitiser.

Mon collègue Suchod a déjà fait part de l'avis positif des députés du MDC sur ce budget ; je partage cet avis avec bien sûr l'espoir d'améliorations supplémentaires (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. René Leroux - Les moyens proposés par le Gouvernement permettent-ils de mener à bien une politique volontaire et efficace dans le domaine de la pêche ? Ma réponse est oui.

Bien sûr, on aurait espéré un effort supplémentaire dans certains domaines, en particulier pour l'OFIMER dont le maintien au niveau de l'année passée permettra de poursuivre les actions engagées sans toutefois répondre à l'ensemble des besoins de la filière, notamment à moderniser les outils de commercialisation des produits de la mer et de l'aquaculture.

Il est important de développer et de moderniser les équipements à terre, les installations portuaires, les criées afin de mieux valoriser la production, en aidant à promouvoir les produits de la mer, et en développant leur qualité et leur traçabilité. Le renforcement des contrôles sanitaires doit aussi s'appliquer aux poissons d'importation ; il doit en être des produits de la mer comme des autres produits alimentaires.

Donnons aux Françaises et aux Français le goût des produits de la mer, mais n'oublions pas que la balance commerciale de ces produits est très fortement déficitaire ; il nous faut donc relancer la construction et la modernisation des navires de pêche -artisanale et industrielle.

La France dispose d'une façade maritime incomparable, de professionnels compétents et courageux. La loi d'orientation sur la pêche et les cultures marines de novembre 1997 a, dans un premier temps, permis de réorganiser la filière, de moderniser le statut des entreprises, de changer les relations sociales. Il faut continuer à organiser un développement durable de ce secteur. Il est d'ailleurs dommage, Monsieur le ministre, que tous les décrets d'application ne soient pas encore parus, mais je compte sur vous et vos services pour faire avancer les choses.

Le POP III et le POP IV ont demandé des efforts considérables à notre pays. Aujourd'hui, il faut encourager le renouvellement de la flottille -ce qui soutiendra la construction navale- et donner la priorité à l'installation des jeunes afin de redynamiser la filière. Les aides à la première installation et le dispositif Sofipêche doivent être pleinement utilisés.

Pour attirer les jeunes, il faut améliorer les formations et surtout les conditions de travail. Qu'en est-il de la réduction du temps de travail dans ce secteur ? Où en sont les discussions sur l'assurance chômage ?

Le secteur de la conchyliculture et de l'aquaculture reste fragile. Ses difficultés sont liées non seulement aux aléas climatiques mais aussi à la pollution, qu'il convient de maîtriser et au développement incontrôlé du tourisme, qui réduit les espaces disponibles et contribue à détériorer la qualité des eaux.

Il convient de pérenniser les activités de la pêche et des cultures marines. Les professionnels comptent sur vous, Monsieur le ministre, et je souhaiterais que vous leur adressiez un message fort. Le groupe socialiste votera avec conviction votre budget qui répond à ses attentes et permettra d'appliquer les réformes en cours (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pierre Micaux - J'aurais aimé parler des contrats d'exploitation territoriaux, des retraites et de l'installation des jeunes agriculteurs, mais j'ai choisi d'évoquer, dans les cinq minutes qui me sont imparties, le thème de la forêt -ce qui ne vous surprendra pas de la part d'un ancien de l'Ecole du bois.

La forêt, capital incomparable, est un enjeu pour l'avenir. Une vision intelligente de l'écologie amène à lui donner une place de choix. Le principe de la photosynthèse, par exemple, est ignoré par beaucoup... Il serait bon que Mme Voynet en ait connaissance. La forêt participe à la lutte contre l'effet de serre.

Sur le plan économique, la forêt me paraît plus bénéfique que la Bourse... Son rendement n'est que de 2, 3 ou 4 %, mais au moins, elle ne connaît pas de krach ! C'est sagesse de la développer et de l'exploiter ; mais ce capital ne peut être géré qu'à très long terme car la production d'un peuplier demande 25 ans, celle d'un résineux 50 à 70 ans, ou même un siècle en montagne, celle d'un chêne, un siècle et demi, voire davantage...

La forêt doit faire l'objet d'une politique de qualité. Il faut privilégier la futaie par rapport au taillis sous futaie, le taillis sous futaie par rapport au taillis, le taillis par rapport à la garrigue. Il faudrait aussi s'interroger sur la quantité de stères de bois qui pourrissent sur place...

Il est nécessaire de renforcer la compétitivité de la filière. Vous avez commencé à le faire en faisant disparaître le fonds forestier national et les taxes ; mais nous n'en sommes qu'à la moitié de ce que souhaitait l'un de vos prédécesseurs, M. Bianco. Nous attendons avec impatience le projet de loi d'orientation sur la forêt ; nous jugerons l'architecte à son _uvre : il s'agit d'imaginer une politique pérenne.

Le bois est méconnu. Peu de gens savent, par exemple, qu'il ne conduit pas la chaleur... La forêt mérite autre chose que son traitement actuel (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Gérard Saumade - Ce budget d'un peu plus de 29 milliards est équilibré. Nous devons d'abord vous féliciter, Monsieur le ministre, pour l'habileté et l'opiniâtreté avec lesquelles vous négociez, aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur, pour faire reconnaître l'agriculture comme un secteur de pointe de l'économie nationale et un facteur essentiel de l'équilibre social du pays.

Les contrats territoriaux d'exploitation sont l'expression la plus offensive de la volonté d'allier les performances économiques à l'équilibre social de la nation. Il nous reste à souhaiter le succès de ces contrats. A cet égard, il faudrait faciliter l'intervention des coopératives ; je pense en particulier à la viticulture du Languedoc-Roussillon, secteur dans lequel les coopératives deviennent de véritables entreprises de production, de transformation et de services, combinant logique de territoire et logique de filière.

Vous avez indiqué, Monsieur le ministre, que les crédits nationaux et européens affectés aux CTE doivent permettre de corriger les inégalités de dotation au détriment des productions méditerranéennes qui représentent 31 % du chiffre d'affaires de l'agriculture française et ne reçoivent que 6 % des aides européennes.

Pour la viticulture languedocienne, l'utilisation de ces crédits dans une logique de projet opposée à une logique de guichet, passe en grande partie par l'éligibilité des coopératives aux CTE.

La forêt est à la fois un facteur de production et un élément d'aménagement du territoire et ces caractéristiques s'appliquent particulièrement bien à la forêt méditerranéenne, remarquablement analysée par le rapport Bianco. Le développement de l'urbanisation dans toute la région méditerranéenne rend indispensable un renouvellement de la législation qui s'appuie sur des textes anciens et difficiles à mettre en _uvre.

A titre d'exemple, les textes sur le débroussaillement sont largement insuffisants. L'intervention directe de l'ONF en liaison avec les départements devrait être systématique pour contraindre les propriétaires privés à procéder aux travaux nécessaires afin de mener à bien des opérations importantes de coupe-feu.

Cette réflexion sur la forêt méditerranéenne, dont les récentes inondations soulignent l'utilité, me conduit naturellement à aborder les problèmes de l'hydraulique. En Languedoc-Roussillon, le développement des réseaux de la compagnie du Bas-Rhône Languedoc concourt à la lutte contre les incendies et à la défense de l'environnement, parallèlement à ses missions essentielles de diversification et d'amélioration de l'agriculture et de promotion d'une viticulture de qualité. Dans les terres caillouteuses du Languedoc, l'irrigation au goutte-à-goutte permet une amélioration considérable des cultures, menacées par les situations de grande sécheresse.

Or les crédits hydrauliques prévus par la loi de finances sont une fois encore en régression. La ligne 61-44-10 comporte 102,11 millions contre 108,9 en 1999. Cette diminution rendra difficile la poursuite des travaux d'hydraulique indispensables. De même, la ligne budgétaire 61-44-70 réservée aux SAR n'est plus que de 30 millions -contre 46 en 1999 et 80 en 1997, qui doivent être répartis entre les SAR coteaux de Provence, coteaux de Gascogne et Bas-Rhône Languedoc.

Je souhaite, enfin, que dans les prochains budgets, le Gouvernement ne perde pas de vue l'intérêt majeur des réseaux d'irrigation, en particulier en Languedoc-Roussillon. L'équilibre économique, la défense de l'environnement, l'équilibre de la consommation d'eau dépendent pour une large part des équipements mis en place à partir du Bas-Rhône, comme l'avait souligné son fondateur Philippe Lamour. Toutes les études montrent que dans dix ans, le département de l'Hérault risque de manquer d'eau potable. Nous avons, Monsieur le ministre, encore besoin d'aménageurs et le temps des investissements n'est pas révolu. Je sais que vous ferez tout pour que l'agriculture en Languedoc-Roussillon se développe (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. François Brottes - Non, la forêt française n'est pas menacée de déforestation. Notre forêt a doublé de surface en un siècle et demi et elle progresse deux fois plus vite qu'elle n'est récoltée. Oui, la filière bois doit être plus compétitive, car la balance commerciale de l'ensemble de la filière est déficitaire.

A la forêt s'attache une multifonctionnalité souvent ignorée. Outre la récolte du bois ou la protection des nappes phréatiques, elle lutte contre l'effet de serre en stockant du carbone, elle conserve la biodiversité, elle accueille les promeneurs, les chasseurs et les ramasseurs de champignons... Elle occupe 27 % de notre territoire et elle est indispensable à 100 % de nos concitoyens.

Si j'ai éprouvé le besoin de rappeler ces quelques évidences, Monsieur le ministre, c'est parce que l'un des maux dont souffrent la forêt et le bois, c'est certainement celui de ne pas suffisamment communiquer.

Il y a encore trop de réticences pour aller vers une normalisation internationale de l' «écocertification», vers la traçabilité des produits forestiers et vers un «écobilan» labellisé du matériau bois.

Alors, comment mieux communiquer qu'en ayant recours aux techniques de la publicité et en disant : «Banco pour le milliard Bianco ; la forêt et la filière bois en rêvaient, Glavany l'a fait !» (Sourires et applaudissements sur plusieurs bancs)

En effet, les chiffres parlent d'eux-mêmes : votre effort budgétaire pour le secteur est de près de deux milliards, soit une hausse de 45 %.

Il s'agit là d'une progression et c'est désormais le budget de l'Etat qui prend le relais du compte spécial du Trésor qu'était le fonds forestier national. Le fait que le FFN ne soit plus alimenté par une taxe dédiée, mais par le budget général, ne met pas en cause sa pérennité.

Je veux croire à l'inverse que chaque année, la vigilance de la représentation nationale ainsi que la volonté du Gouvernement d'associer la profession à la gestion de ces lignes budgétaires donnera de bien meilleures garanties.

Pour atteindre le milliard supplémentaire, il est logique de valoriser l'allégement d'impôts de 342 millions dont bénéficient désormais les opérateurs, comme les scieurs, qui acquittaient jusqu'à présent la taxe FFN.

79 millions supplémentaires pour l'ONF, 50 millions pour reboiser et lutter contre l'effet de serre, des compléments budgétaires significatifs pour la modernisation de la filière, votre budget, Monsieur le ministre, marque une étape importante pour le secteur forêt-bois. Il se rapproche d'autant plus du milliard supplémentaire préconisé par le rapport Bianco qu'il faut ajouter les contributions des autres ministères, qu'il s'agisse de la prévention des incendies, de l'aménagement du territoire, de la promotion du bois énergie, de la recherche et de l'aide au développement technologique... Au total, ce sont 945 millions qui peuvent être mobilisés pour le secteur, auxquels il faut ajouter 280 millions de contributions européennes.

Après le rapport Bianco en 1998, l'élaboration de la stratégie forestière en 1999, le troisième millénaire démarre sous les meilleurs auspices : un excellent budget, la concrétisation d'une « charte-construction-environnement-bois », la parution prochaine des décrets de la loi sur l'air et, enfin, l'élaboration d'une nouvelle loi d'orientation et de modernisation forestière, comme le Premier ministre l'a annoncé à Strasbourg.

Avant de conclure, je dirai que nous comptons sur le Gouvernement pour surseoir à la suppression de la taxe sur le défrichement tant que la future loi forestière n'est pas appliquée, afin de ne pas détruire les équilibres existants.

Par ailleurs, l'évolution à la baisse de la TVA sur l'utilisation du bois-énergie dans les réseaux de chaleur collectifs demeure un sujet «chaud» pour les parlementaires.

Enfin, je voudrais lancer un appel à l'interprofession de la forêt et du bois pour que l'an 2000 soit l'occasion de sensibiliser l'opinion aux enjeux de la forêt et à l'intérêt d'utiliser le bois, en organisant à la fin de l'année 2000 «la semaine du bois», sur le modèle de «la semaine du goût» que le secteur agroalimentaire réussit à merveille.

Votre budget 2000, Monsieur le ministre, restera certainement un bon souvenir pour la filière et je souhaite pouvoir vous renouveler ce compliment l'an prochain (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Jean-Michel Marchand - Hors prise en compte de la subvention au budget annexe des prestations sociales agricoles, votre budget, Monsieur le ministre, est orienté à la baisse. Vous le justifiez par la forte décroissance des bonifications des prêts due à la baisse des taux d'intérêts et vous définissez vos priorités en vous référant à la loi d'orientation agricole.

S'agissant des CTE dont l'exercice 2000 constituera la première année de mise en _uvre, il importe qu'ils traduisent une volonté politique au service de l'emploi, de la qualité des produits et du respect de l'environnement. Ils doivent aussi contribuer à la reconnaissance de la multifonctionnalité de notre agriculture, orientée vers le développement durable.

Après les 300 millions du budget 1999, les 950 millions du projet de loi de finances pour 2000, abondés par des crédits équivalents de la communauté européenne, constituent un premier pas non négligeable. Il faut aussi envisager les crédits nécessaires à l'information et à la formation des agriculteurs, en tant qu'acteurs du volet environnemental des CTE.

Votre deuxième priorité est la promotion des actions en faveur de la forêt. On a tout dit à ce sujet, en s'inspirant du rapport Bianco. Avant la future loi sur le forêt, le budget prévoit déjà 950 millions de francs pour le soutien à l'ONF et des exonérations de taxes pour la forêt privée.

Troisième priorité, l'amélioration de la qualité sanitaire des aliments. Je note les crédits supplémentaires pour l'identification permanente des bovins et pour l'agence de sécurité sanitaire et alimentaire. Nos concitoyens sont très attentifs à la qualité et à la sécurité des produits qu'ils consomment. Le principe de précaution et le renversement de la charge de la preuve doivent être des règles strictes. La semaine dernière encore, un cas de vache folle a été signalé en Mayenne («Et alors ?» sur les bancs du groupe du RPR). Alors, il faut continuer à être fermes et ce n'est pas l'ouverture d'une procédure par la Commission européenne qui doit modifier notre attitude, mais seulement les assurances scientifiques que donnera l'Agence (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV).

Il ne faut pas non plus laisser entrer sur notre territoire le b_uf aux hormones. Certes, cela suscite des mesures de rétorsion. Monsieur le ministre, vous aviez débloqué 240 millions pour les producteurs de fruits d'été. Quelles mesures comptez-vous prendre pour aider les producteurs de pommes alors que la surproduction est estimée à 400 000 tonnes et que les ventes vers l'Angleterre sont nulles depuis une semaine ? Comment comptez-vous les inciter à s'organiser pour maîtriser leur production ?

Deuxième priorité, la formation et l'emploi des jeunes. L'enseignement agricole connaît un développement remarquable : les effectifs scolarisés ont augmenté de 21 % depuis 1993, mais les créations de postes d'enseignants et d'ATOS n'ont pas suivi : un quart des enseignants sont en CDD !

Dans son rapport, M. Jean Moulias, chef de l'inspection générale de l'agriculture, propose la création de 2 434 postes. Dès le budget 2000 il faudrait équilibrer les créations et les suppression de postes -324 emplois ont disparu des établissements scolaires ! Il faut ensuite mettre en _uvre un plan de rattrapage sur plusieurs années.

Le BAPSA augmente de 3,65 % et la revalorisation des retraites agricoles se poursuit. Mais il faudrait l'accélérer car trop de retraites agricoles sont encore en-dessous du seuil de pauvreté (Bien sûr ! sur les bancs du groupe du RPR).

Pour conclure, alors que l'agriculture sera un des enjeux des négociations de Seattle, les députés Verts réaffirment leur attachement au principe de précaution, à la biovigilance, à la souveraineté alimentaire ; ils refusent le brevetage du vivant ; ils veulent croire à l'avenir des CTE et à une agriculture s'inscrivant dans le développement durable. Les députés Verts apprécient votre fermeté sur les dossiers de la vache folle et du b_uf aux hormones. Ils voteront votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Je suis heureux de défendre ce budget, le premier que j'ai préparé moi-même. Je voudrais remercier chaleureusement les rapporteurs pour leur travail, en particulier Mme Marre et M. Patriat, qui tous deux collectionnent les rapports, MM. Mexandeau et Dupilet pour leur attachement aux problèmes de la pêche et M. de Courson qui rapporte avec ardeur sur le BAPSA, même si je regrette, en tant qu'ancien rapporteur de la commission des affaires sociales, que ce rapport-là sur le BAPSA ne se fasse plus...

Je remercie également tous les intervenants. Tous défendent, chacun à sa manière, les paysans et l'agriculture française, même si les convictions peuvent différer.

Ce budget se situe entre les accords de Berlin et les négociations de l'OMC. L'épisode de Berlin s'est terminé moins mal que certains le craignaient, moins bien que certains l'espéraient. C'est le fruit d'un compromis assumé par l'ensemble des pouvoirs publics français. Il a permis de sauvegarder nos intérêts dans certains domaines, comme l'élevage, il pose davantage question dans d'autres, comme le secteur des oléoprotéagineux et ce budget en tient compte.

Les négociations qui vont s'ouvrir à Seattle ont fait l'objet de longs débats ici.

Nous sommes placés sous une double menace, celle des «intégristes» antisubventions du groupe de Cairns et celles des Américains qui combattent surtout les subventions européennes, avec une certaine hypocrisie puisque le budget américain à l'agriculture a quintuplé en quelques années et que l'aide par paysan est, en 1999, de 9 700 dollars aux Etats-Unis, contre 5 300 en Europe.

L'Europe s'est bien préparée à cette négociation, à la fois en concluant les accords de Berlin et en arrêtant un mandat de négociation cohérent.

Pour le Gouvernement français, cette négociation doit être globale, elle ne peut faire l'objet de «récoltes précoces». Tant que tout n'est pas réglé, rien n'est réglé. Nous sommes favorables à une nouvelle libéralisation des échanges, à condition qu'elle soit régulée et respecte certains principes, tels que le principe de précaution et la reconnaissance de la multifonctionnalité de l'agriculture.

Ce budget est aussi le premier budget de mise en _uvre de la loi d'orientation agricole. Elle a pris un peu de retard à cause de votre recours devant le Conseil Constitutionnel, Messieurs (Protestations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF), mais c'est la démocratie !

La loi a été promulguée le 13 juillet, les textes réglementaires d'application ont été pris, une circulaire vient d'être signée ce matin. Alors que certains disaient qu'aucun CTE ne pourrait être conclu en 1999, je vous annonce que le premier sera signé demain (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste) et ce budget permet d'en signer 50 000 d'ici fin 2000 (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

Ces CTE qui vous désolent, Messieurs de l'opposition, répondent à une volonté de réorientation de la politique agricole et s'inscrivent dans une logique de projet et non pas de guichet (Protestations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

Ils visent à favoriser des pratiques agricoles plus respectueuses de l'environnement et plus favorables à l'emploi.

Demain également, le conseil supérieur d'orientation du ministère traitera du projet de modulation des aides directes à partir de 2000. Il ne s'agit nullement d'un prélèvement au profit de l'Etat, puisque cet argent sera redistribué dans le cadre des CTE (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). Il restera dans la ferme France. Je rappelle, puisqu'on m'a demandé des détails, qu'en juillet, nous avions saisi les organisations professionnelles d'un projet de modulation. Il prenait comme critère les aides directes et l'emploi, mais non la marge brute standard qui est l'indicateur de la richesse potentielle de l'exploitation, car elle dépend de 60 critères : la contrainte administrative aurait été lourde. Le débat a montré que ce système aurait des effets pervers pour les zones intermédiaires et certains agriculteurs spécialisés. Beaucoup d'élus ruraux et d'organisations professionnelles ont également insisté pour que la modulation prenne le plus possible en compte l'emploi. Par exemple, sur deux exploitations de cent hectares, celle qui a un salarié devrait être moins affectée que celle qui n'en emploie pas.

Le nouveau système qui sera proposé demain aux organisations en tient compte. Nous donnons plus de place à l'emploi, et nous introduisons dans le calcul la marge brute standard, mais seulement pour les exploitations potentiellement soumises à la modulation. Ce faisant, nous allons dans le sens souhaité notamment par le CNJA, c'est-à-dire de faire payer moins à plus d'agriculteurs. 60 000 exploitations environ seront touchées, soit une sur dix, et dans quasiment les trois quarts des cas le taux de modulation sera inférieur à 5 %. Ainsi, grâce à la modulation, nous pourrons redistribuer les aides, grâce aux CTE, les réorienter.

Quant à la TGAP, elle ne s'applique pas seulement à l'agriculture mais à tous les secteurs, afin de mettre en cause le principe pollueur-payeur. Étant donné la situation de l'agriculture, notamment après les accords de Berlin, j'ai essayé de faire prévaloir des méthodes encourageant les pratiques vertueuses et dissuadant les pratiques excessives. C'est bien ce à quoi nous sommes parvenus.

Pour l'an 2000, seuls les produits phytosanitaires sont concernés. Ils sont classés en sept catégories selon leur degré de toxicité et taxés en proportion. Mais la catégorie 1, la moins toxique et qui n'est pas taxée, regroupe la moitié des produits phytosanitaires utilisés en France. Le système est dissuasif. On prévoit qu'il rapportera 300 millions, dans l'état actuel de la consommation. Mais si on se dirige vers des produits moins toxiques, la taxe rapportera moins.

M. Christian Jacob et M. Philippe Auberger - Et comment financera-t-on les 35 heures ?

M. le Ministre - Comme si l'on avait besoin de ces 300 millions pour la Sécurité sociale et les 35 heures !

Ce que nous voulons, c'est encourager les bonnes pratiques. En taxant les premix il y a quelques années, nous avions réussi : les jeunes ont cessé de consommer ces boissons dangereuses. Nous espérons le même succès, c'est-à-dire que l'on utilise de plus en plus des produits phytosanitaires moins toxiques, au bénéfice de l'environnement.

J'en viens aux grandes lignes du budget. Selon vous, Monsieur Jacob, il diminue de 0,3 % si on en exclut les 900 millions de rebudgétisation du fonds forestier national et de la rémunération de l'ingénierie publique. Certes, mais il ne fallait pas vous arrêter là, car le coût des bonifications d'intérêt diminue de 900 millions. 900 millions en plus, 900 millions en moins, cela s'annule, et le budget augmente bien de 3 %.

M. Christian Jacob - Et la dotation d'installation ?

M. le Ministre - J'y viens, une chose à la fois. Il est vrai que le FIA sera repris par le fonds de financement des CTE. Le jeune qui s'installera ne sera pas obligé de signer un CTE, mais pourquoi ne le ferait-il pas puisqu'il touchera ainsi la DJA et sera accompagné pendant cinq ans ? Mais je me suis engagé auprès du CNJA à ce que les missions du FIA qui ne sont pas reprises dans le cadre du CTE soient financées sur le budget. En outre, le reliquat de crédits du FIA ne sera pas annulé par la régulation budgétaire. Le FIA était certainement un beau projet, mais il est difficile de crier au succès alors que moins de 50 % des crédits sont consommés.

J'ajoute que les 200 millions dont sera doté le fonds d'allégement des charges, comme l'a indiqué le Premier ministre lors de la table ronde agricole du 21 octobre, seront inscrits en loi de finances rectificative.

Sur la qualité et la sécurité alimentaires, j'attends beaucoup des travaux de la commission d'enquête que préside M. Leyzour. L'embargo sur le b_uf britannique fait la une de l'actualité. Notre attitude est simple. Depuis le début, et tout au long de ce feuilleton, la France n'a été guidée ni par le protectionnisme, ni par une quelconque agressivité envers les Britanniques ou quelque esprit antieuropéen, mais par l'impératif de sécurité alimentaire. Toutes nos décisions se sont fondées sur l'avis de l'AFSA. Lorsque nous avons demandé des garanties supplémentaires sur la traçabilité, les tests, les contrôles, les produits dérivés et l'étiquetage, c'est en fonction de l'avis rendu par l'AFSA en août et nous les avons obtenues. C'est ainsi que, finalement, ce protocole de préaccord a pu être signé, dont la version définitive nous sera transmise demain. Aussitôt que nous l'aurons reçue, nous l'adresserons à l'AFSA et nous fonderons notre décision sur l'avis qu'elle rendra. Car s'il appartient aux scientifiques d'évaluer les risques, c'est aux politiques que revient de décider, en fonction des avis qui leur sont donnés.

Le reproche m'a encore été fait de m'être abstenu lors du vote au lieu d'avoir voté contre la levée de l'embargo, comme l'a fait mon homologue allemand. A vous dire le vrai, je préfère m'être abstenu que d'avoir agi comme le ministre allemand qui, après avoir félicité la commission et le gouvernement britannique pour l'excellent travail réalisé, a voté contre, suscitant autant de surprise que de désappointement ! Et si la France ne s'appuyait pas sur l'AFSA c'est qu'à l'époque, elle n'existait pas ! Notre position consistait à souligner qu'en l'absence de garanties suffisantes, la levée de l'embargo était prématurée et que des enquêtes supplémentaires étaient nécessaires. Le commissaire européen en a convenu et c'est pourquoi je me suis abstenu lors du vote. De fait, des enquêtes complémentaires ont été menées.

Certains orateurs ont encore critiqué mon manque de courage supposé, me reprochant de m'abriter derrière les scientifiques. Mais comment l'AFSA a-t-elle été créée ? A la suite d'une proposition de loi émanant du groupe UDF, votée à l'unanimité par le Sénat comme par votre Assemblée, et qui fait obligation au Gouvernement de saisir l'agence dans les cas de ce genre !

Dans l'affaire qui nous préoccupe tous, l'AFSA rend un avis défavorable. Aurait-il été courageux de proclamer que le Gouvernement n'en tiendrait aucun compte ? Imaginez le tollé sur vos bancs et dans l'opinion publique -à juste titre ! Admettez donc que votre critique ne se justifie pas ! Nous avons fait ce que nous devions, et le Parlement et l'opinion seront juges des progrès réalisés grâce à l'action du Gouvernement.

M. Sauvadet a observé que la situation était très embarrassante, dans laquelle les scientifiques exprimaient des avis contradictoires sur une même question. Je me suis délibérément interdit tout commentaire à ce sujet pour l'instant, mais je suis fermement décidé à les exprimer, soit dans le secret d'une commission d'enquête parlementaire, soit, publiquement, en temps et en heure, au sein des instances de l'Union, lorsque le moment viendra de réviser les procédures. J'ai cependant pris note des propos d'un parlementaire écossais qui a estimé que, lorsque les scientifiques étaient d'avis divergents, le devoir des politiques était de choisir le plus prudent : c'est ce que nous avons fait.

Quant à l'agence européenne de sécurité alimentaire, M. Prodi en a proposé la création, comme M. Kouchner l'avait fait en mai, et le gouvernement français appuiera le Président de la Commission européenne.

J'en viens à l'enseignement agricole, pour souligner que le budget ne prévoit aucune suppression de postes mais, au contraire, 230 créations d'emplois : 160 pour les enseignants et 70 pour les ATOS, ce qui tranche singulièrement avec les pratiques des gouvernements antérieurs. De plus, le ministère de l'agriculture, exemplaire, titularisera 149 emplois.

Les organisations représentatives du personnel ont admis que ce budget était le meilleur dont elles avaient eu à connaître depuis des années. Pourtant, une grève a eu lieu, puis une manifestation. Pourquoi ? Parce que l'enseignement agricole, victime, en quelque sorte, de son succès, suscite un engouement toujours croissant chez les jeunes, engouement que les pouvoirs publics, au cours des deux dernières décennies, n'ont pas su anticiper. Il est patent que les postes sont en nombre insuffisant dans l'enseignement agricole, et le rapport de l'inspection générale le souligne sans appel. J'approuve le diagnostic porté, et je déplore ses conséquences, c'est-à-dire une proportion d'emplois précaires inadmissible, puisqu'elle est de 25 %, contre bien moins de 15 % à l'éducation nationale.

Pour autant, tout parlementaire sait que le plan pluriannuel de rattrapage que vous me demandez serait inconstitutionnel, puisqu'il violerait la règle de l'annualité budgétaire. Quant aux conventions de financement, Monsieur Jacob, elles n'ont rien à voir avec ce dont nous traitons. Ancien parlementaire moi-même, j'ai vu la précédente majorité voter des lois de programmation pluriannuelle, notamment celle de M. Bayrou, qui ont fini aussitôt au panier, car elles étaient inapplicables.

M. François Sauvadet - Cela est hors sujet !

M. le Ministre - Quoi qu'il en soit, un rattrapage est nécessaire, et je m'engage à ce qu'il ait lieu, car cette précarité est insupportable. Je tiens à souligner que l'enseignement agricole est à la fois le fait du service public et de l'enseignement privé. Pour ce qui est plus précisément de l'enseignement agricole public, il doit, lui aussi, profiter des mesures de rattrapage qui sont prévues pour l'éducation nationale.

Mme Sylvia Bassot - Vous n'avez rien dit de l'enseignement privé !

M. le Ministre - Si, j'en ai dit un mot tout à l'heure, et je dis ce que je veux ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste)

J'en viens à la forêt, qu'a évoquée M. Brottes, pour lui dire qu'après l'excellent rapport Bianco qui définit une vraie stratégie forestière, le Parlement sera saisi d'une loi de modernisation forestière au premier semestre 2000. Déjà, le projet de loi de finances marque un engagement très fort, avec 500 millions, soit la moitié de la somme indiquée dans ce rapport Bianco. Reste le débat sur les taxes, et en particulier sur la taxe de défrichement : parlons-en ! Je suis ouvert au dialogue, et le Gouvernement souhaite alléger les charges des entreprises.

Concernant la pêche, je veux adresser un message aux professionnels : je crois sincèrement qu'il y a un avenir pour la pêche française et européenne, mais à condition qu'elle sache s'adapter à la raréfaction de la ressource. L'avenir n'est pas à une pêche quantitative, qui cherche à pêcher toujours plus, mais dans la recherche de qualité et la valeur ajoutée. Nous sommes engagés avec détermination dans cette politique, avec des crédits qui augmentent de 3,6 %, plus vite que ceux du ministère. Cela traduit notre volonté d'assurer la compétitivité de la pêche. Au conseil européen de la semaine prochaine, nous aborderons la réforme des structures de la pêche et l'élaboration d'une organisation commune de marché. Le Gouvernement est déterminé à travailler pour mieux garantir la compétitivité de la pêche française : c'est un secteur qui a de l'avenir, et que nous devons défendre.

Vous avez soulevé la question de l'application des 35 heures dans la pêche. Elle fait l'objet d'une forte demande des salariés. Nous nous heurtons à certaines difficultés réglementaires, voire législatives. Le Gouvernement a entrepris une concertation avec les organisations professionnelles, et je sais que des parlementaires le font aussi : j'ai demandé à mon ministère de les appuyer. Il y a un problème concret à régler : nous le ferons dans les prochaines semaines.

J'en viens au BAPSA et en particulier aux retraites. Cette année encore, le Gouvernement vous propose d'augmenter les petites retraites à hauteur de 1,2 milliard, ce qui fera 1,6 milliard en année pleine. Nous sommes dans la troisième année d'un plan de revalorisation. C'est vrai, Monsieur Sauvadet, vous l'aviez engagé, mais nous faisons plus vite, puisque nous faisons en trois ans autant que précédemment en six ans (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Nous prévoyons, en recettes, un milliard sur la CSSS et 200 millions en collectif budgétaire. En dépenses, un amendement sera déposé aujourd'hui, et un article d'équilibre du BAPSA sera proposé en fin de la deuxième partie de la loi de finances.

Sur les retraites, je veux surtout remercier M. Germinal Peiro. Il a bien décrit le problème simple devant lequel nous sommes. Ou bien nous allons jusqu'au bout du plan de revalorisation, avec deux nouvelles étapes en 2001 et 2002. Dans ce cas, après les élections de 2002, un nouveau gouvernement devra assurer l'étape suivante : le régime de retraite complémentaire obligatoire. Ou bien, pour être sûr que ce sera fait, quel que soit le gouvernement qui résultera des élections, on considère qu'il vaut mieux commencer avant. Germinal Peiro propose d'achever en 2001 la remise à niveau des retraites les plus basses, franchissant ainsi deux étapes en une : mais cela veut dire 3,2 milliards en année pleine. On pourrait ainsi aborder dès 2002 le régime complémentaire. Cette proposition d'un parlementaire, le Gouvernement en est saisi : il a un an pour en discuter. Je remercie M. Peiro d'avoir bien posé le problème (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

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QUESTIONS

M. Philippe Auberger - Les grandes cultures occupent environ 25 % du territoire français et 50 % des surfaces agricoles -plus de 80 % dans mon département. Elles contribuent fortement à la prospérité de notre économie. Lors de la réforme de la PAC en 1992, on a décidé certaines baisses de prix agricoles. Cet alignement sur les cours mondiaux a été partiellement compensé par des aides pour maintenir la viabilité des exploitations. Mais celles-ci sont à nouveau dans la ligne de mire : elles vont devoir s'adapter à des baisses supplémentaires, mais aussi à la TGAP et à de nouvelles exigences sanitaires. Elles seront en outre frappées par un nouvel impôt qui ne dit pas son nom : la modulation (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). Vous avez certes annoncé un nouveau dispositif, mais pour l'instant je ne connais que celui que vous avez présenté le 9 novembre, et il me faut bien raisonner à partir de lui. Or son impact sera dévastateur sur le revenu des exploitants de mon département. Plus de 70 % des exploitations seront touchées. Ce sont 50 millions environ qui n'alimenteront plus le revenu des familles et l'économie du département. Pourquoi donc la France a-t-elle demandé cette possibilité de modulation alors qu'elle est le seul pays dans ce cas ?

L'objectif affiché d'une redistribution plus équitable des aides ne peut être atteint dans votre système du 9 novembre. En effet, la modulation ne tient pas compte des disparités géographiques et de la possibilité ou non, selon les lieux, d'introduire des cultures industrielles dans les assolements. En outre les exploitations en difficulté seront affectées comme les autres : leurs difficultés seront donc accrues. Enfin, la modulation créera des distorsions selon le statut des exploitations. Elle risque de provoquer des suppressions d'emplois, pour compenser les pertes qu'elle entraînera. Elle va, d'autre part, ralentir l'installation, sans freiner la course à l'agrandissement. Ne faudrait-il pas en revoir complètement les modalités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

M. le Ministre - Vous êtes opposé à la modulation, et c'est votre droit ; mais ce n'est pas une raison pour évoquer des cataclysmes qui n'ont rien à voir avec la réalité. Il est vrai que l'Yonne perçoit plus d'aides publiques que la moyenne des départements : elle sera donc plus frappée. Pour autant la modulation ne portera pas sur 50, mais sur 34 millions. Elle ne touchera pas 70 %, mais 44 % des exploitations. Et surtout, son produit représentera en moyenne 3,8 % des aides perçues par l'ensemble des exploitants de l'Yonne, et 4,5 % des aides perçues par les exploitants modulés. Enfin, je voudrais qu'on m'explique comment une exonération de 150 000 francs par salarié dans l'assiette de la modulation pourra constituer une incitation à supprimer des emplois...

M. André Angot - Dans l'enseignement privé sous tutelle de l'éducation nationale, il existe un régime de retraite des agents contractuels qui leur assure la parité avec leurs collègues du public pour les conditions de départ en retraite. Les personnels de l'enseignement privé agricole, qui sont des agents contractuels, demandent les mêmes avantages que leurs collègues sous tutelle de l'éducation nationale. Ils ont fait à ce sujet, il y a quelques semaines, une grève qui a été suivie à 80 % en Bretagne. Comptez-vous, Monsieur le ministre, leur accorder ce régime de retraite ?

Ma seconde question concerne les éleveurs de porcs et de volailles, confrontés à une crise sans précédent. En Bretagne, les trésoreries des exploitations sont au rouge, et les répercussions sur l'emploi seront importantes.

Dans le Finistère, 40 % des emplois industriels relèvent de l'agro-alimentaire, contre 11 % en moyenne nationale. S'y ajoutent tous les emplois de services liés à l'agriculture. Par quelles mesures aiderez-vous les producteurs de porcs et de volailles à franchir la crise actuelle ? Malgré leurs difficultés le Gouvernement veut leur imposer la TGAP. Ne peut-on envisager une exonération exceptionnelle ? Et ne peut-on repousser la date d'application de la circulaire Voynet-Le Pensec qui les oblige à des investissements de mise aux normes qu'ils n'ont pas aujourd'hui les moyens de faire ? Etes-vous conscient de la chute des installations, c'est-à-dire de la mort de l'agriculture, dans ces zones ?

M. le Ministre - Vous abordez trop de sujets pour que je puisse répondre dans le temps imparti. Je retiens le premier : sur les autres je vous répondrai par écrit. Concernant le régime de retraite de l'enseignement privé, la loi Debré, votée en 1959, ne prévoyait pas ce dispositif, pour lequel il a fallu attendre la loi Guermeur de 1977. Quant à la loi Rocard du 31 décembre 1984 sur l'enseignement agricole privé, elle ne reprend pas explicitement la loi Guermeur sur ce point. Mon ministère n'a donc pas cru juridiquement possible d'en faire bénéficier les personnels de l'enseignement agricole privé. J'ai toutefois constaté le décalage entre ces personnels et ceux qui relèvent de l'éducation nationale, et j'ai souhaité saisir le Conseil d'Etat pour lui demander si la loi Rocard autorise la mise en place de ce régime, ou si elle exige une modification législative. La mesure ne peut être budgetée à ce stade, car j'attends la réponse du Conseil d'Etat.

M. Christian Estrosi - Le 10 novembre dernier, dans le haut pays niçois, un troupeau de 1 200 brebis a été attaqué par une meute de loups. 350 d'entre elles sont mortes, égorgées ou conduites vers le précipice. C'est un drame pour le berger, l'éleveur et la population du village, qui vit désormais dans l'angoisse ; cela aurait pu être aussi une catastrophe sanitaire car ces brebis sont restées entassées quatre jours avant d'être hélitreuillées.

Il y a quarante-huit heures, à 500 mètres du c_ur de Valberg, station touristique, une meute de loups s'est attaquée à un enclos, pourtant surveillé par des chiens financés par l'Etat, et a emporté trois brebis.

Depuis près de sept ans, dans l'ensemble de la chaîne des Alpes, nos éleveurs ont ainsi perdu des milliers de brebis. Il y a six mois, nous avons déposé avec mes collègues Patrick Ollier et Michel Bouvard une proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête sur les conditions du retour du loup en France et, notamment, dans les Alpes. Une mission d'information a été mise en place par la commission de la production ; elle vient de rendre son rapport qui conclut à la nécessité absolue d'appliquer l'article 9 de la convention de Berne, qui autorise à procéder, partout où il y a une activité humaine, à l'élimination de grands prédateurs.

Il y a quelques jours, le conseil régional de PACA, présidé par notre collègue Michel Vauzelle, a voté à l'unanimité une motion demandant au Gouvernement d'appliquer les conclusions de ce rapport. Monsieur le ministre, le Gouvernement est-il prêt, oui ou non, à le faire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

M. le Ministre - Les dégâts causés par les loups ne datent pas d'hier -voyez nos contes et légendes...- et ne concernent pas seulement la France : invité par le ministre finlandais en Laponie à la fin de l'été, j'ai rencontré des éleveurs de rennes, dont les principaux problèmes venaient des loups et des ours...

Ce problème n'en est pas moins sérieux. Etant élu d'un département montagnard, je sais que les bergers sont en voie de disparition et que le pastoralisme doit être protégé. Deux rapports ont été établis, l'un par une personnalité, M. Braque, l'autre par des membres de cette Assemblée. Le Gouvernement les examine et travaille avec les élus concernés ; il prendra des dispositions avant l'été prochain.

Mme Sylvia Bassot - Le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole -PMPOA- dans son volet «élevage», est entré dans une phase dynamique. Les éleveurs se sont fortement mobilisés, mais des retards se sont accumulés en raison de la complexité des procédures et, peut-être, d'un manque de crédits. Ne pensez-vous pas qu'il serait injuste d'assujettir à la redevance pollution des éleveurs qui sont inscrits au programme mais qui, pour ces raisons indépendantes de leur volonté, ne parviennent pas encore aux résultats requis ?

M. le Ministre - La reconquête de la qualité des eaux est un enjeu majeur pour notre pays. Un dispositif de mise aux normes des exploitations a été mis en place en 1993. L'Etat s'est engagé à hauteur de 553 millions dans les contrats Etat-régions dans le cadre du XIème Plan, et les collectivités territoirales ont fait un effort équivalent. Dans l'ensemble, les contrats ont été honorés.

Depuis 1997, il faut ajouter les crédits du fonds national pour le développement des adductions d'eau. Pour les deux années 1997 et 1998, l'Etat a apporté une enveloppe globale de 906 millions, à comparer aux 251 millions mis à disposition au cours des trois premières années du programme.

Pour l'an 2000, la dotation budgétaire du chapitre 61-40, article 30, sera maintenue, de même que le financement du FNDAE. Mais un bilan du dispositif était nécessaire ; un rapport d'évaluation sera prochainement remis aux ministres intéressés. Le PMPOA sera poursuivi, mais devra être adapté dans le sens de l'équité -en intégrant les petits élevages- et de l'efficacité environnementale.

M. Nicolas Forissier - Alors que l'élevage industriel de volailles semble s'être stabilisé dans l'ouest de la France, les créations ou extensions de poulaillers industriels se multiplient dans les zones intermédiaires, notamment dans l'Indre.

Cela pose d'abord un problème de fond, celui des répercussions sur l'environnement, la sécurité alimentaire et la qualité des produits. J'appelle également votre attention, Monsieur le ministre, sur les procédures : le préfet tient compte de la réglementation relative aux installations classées, mais il serait nécessaire qu'une concertation puisse avoir lieu en cours d'enquête, afin qu'il soit possible, par exemple, de modifier le site du bâtiment sans déposer un nouveau dossier. Enfin, j'aimerais savoir quelles suites vous entendez donner au rapport Perrin.

M. le Ministre - A la suite du rapport Perrin, j'ai souhaité que la concertation s'organise avec la profession, afin d'élaborer des propositions sur l'accompagnement de la restructuration industrielle, le développement des marchés à l'exportation, l'ajustement des capacités de production et l'amélioration du statut sanitaire des élevages. Les mesures seront arrêtées dans le détail lors du prochain conseil spécialisé «volailles» de l'OFIVAL.

En ce qui concerne l'implantation des élevages industriels, la réglementation sur les installations classées prévoit une procédure d'enquête publique. Des consignes de fermeté ont été données aux préfets. Par ailleurs, la loi d'orientation agricole soumet dorénavant aux procédures de contrôle des structures les implantations et agrandissements.

Mme Sylvia Bassot - Malgré la baisse du budget de l'agriculture, je me réjouis de la hausse des crédits consacrés à la promotion et au contrôle de la qualité des produits. Il est indispensable que dans le cadre des négociations de l'OMC, le modèle français d'une agriculture de qualité, qui inspire le modèle européen, soit pris en compte. Or son coût n'est en rien comparable avec celui des types d'agriculture pratiqués dans les autres pays, ce qui entraîne d'importantes distorsions de concurrence. La fermeté s'impose, faute de quoi les efforts pour promouvoir la qualité seront vains. Je pense notamment aux AOC concernant le calvados et le camembert auxquels Mme Ameline et moi-même sommes très attachées. La réponse aux exigences nouvelles des consommateurs en matière de sécurité et de qualité gastronomique a un coût. Aurez-vous, Monsieur le ministre, les moyens de préserver la qualité dans le cadre des négociations de l'OMC ?

M. le Ministre - Je serai bref car j'approuve tout ce que vous avez dit. La promotion des AOC et des indications géographiques protégées est un point fort de l'action des pouvoirs publics et la France a accompli, grâce à la loi d'orientation agricole, des progrès importants en ce domaine. La protection des appellations sera au c_ur des positions françaises et européennes à Seattle. Soyez sûre, Madame la députée, que nous sommes déterminés à agir en ce sens.

Mme Huguette Bello - Dans un souci de diversification agricole, un vaste programme concernant des milliers d'hectares a été entrepris à la Réunion pour développer la production des fruits et légumes et notamment des litchis. Cette production, qui s'élève à plus de 8 000 tonnes et dépasse largement la demande locale rencontre cependant d'importants problèmes de distribution. Il conviendrait donc de favoriser les exportations vers la métropole qui se limitent aujourd'hui à 100 tonnes alors que le marché potentiel est de l'ordre de 1 000 tonnes. La qualité du litchi réunionnais est appréciée, mais son acheminement se heurte à des problèmes de coût et de capacité. Des mesures de soutien à l'exportation de cette production sont donc souhaitables.

M. le Ministre - Vous avez eu raison de rappeler qu'un programme ambitieux de diversification de la production agricole avait été entrepris à la Réunion. Le marché du litchi présente des débouchés prometteurs et il est donc souhaitable de favoriser cette orientation en lui procurant des conditions attractives d'acheminement. Cet objectif peut être atteint à travers trois types d'actions. En premier lieu, il est impératif que les producteurs réunionnais de litchis se regroupent et s'organisent. Ensuite, il convient de faire appel au dispositif communautaire du programme POSEIDOM qui prévoit de verser des aides aux importateurs afin de compenser les coûts d'acheminement. Enfin, les producteurs réunionnais auraient sans doute intérêt à avoir recours aux signes de qualité que nous venons d'évoquer, qui constituent un dispositif certes exigeant mais très valorisant pour l'image de leur production.

M. Germinal Peiro - Depuis trois ans, la revalorisation des retraites des non-salariés agricoles constitue un effort sans précédent. Les augmentations de revenus qui en découlent -450 F par mois pour un chef d'exploitation- peuvent paraître limitées mais elles sont en fait conséquentes pour les intéressés et elles étaient nécessaires. Elles ne concernent cependant que 700 000 bénéficiaires sur 2 100 000. L'attente sociale reste donc extrêmement forte. Pouvez-vous confirmer, Monsieur le ministre, que nous atteindrons le niveau du minimum vieillesse avant la fin de la législature, que l'accent sera mis sur les «monopensionnés» en abaissant le seuil d'activité de 32 ans et demi et qu'un régime complémentaire obligatoire d'assurance retraite sera mis en place pour les agriculteurs afin que le revenu de remplacement minimum atteigne à terme 75 % du SMIC ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre - J'ai répondu tout à l'heure sur ce sujet, Monsieur le député, en vous citant car je partage votre constat et je vous remercie pour la qualité du rapport que vous avez rendu. Le diagnostic est clairement posé. Le Gouvernement et la représentation nationale disposent d'un an pour y réfléchir. Deux options se présentent : achever le plan quinquennal et mettre en place lors de la prochaine législature un régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles ou hâter le pas en y parvenant avant 2002.

M. Joël Goyheneix - Le budget 2000 va dans la bonne direction puisqu'il tend à maintenir l'exploitation familiale de qualité. Je m'interroge cependant sur certaines dispositions techniques des CTE qui risquent de favoriser les grandes régions céréalières. Mais je souhaite mettre l'accent sur le malaise des agriculteurs qui voient la plus grande part des plus-values qu'ils réalisent passer dans d'autres poches que les leurs. La grande distribution a été montrée du doigt et il est vrai que le contraste est saisissant entre les profits qu'elle réalise et la disparition de milliers de petites exploitations. Mais il convient aussi de s'interroger sur la responsabilité de l'industrie agroalimentaire dont la politique contractuelle transforme les agriculteurs en producteurs à façon, en métayers du XXIème siècle. Hier, les fruits de la production étaient répartis entre les propriétaires et les travailleurs de la terre ; aujourd'hui, ils le sont entre les travailleurs -qui sont le plus souvent les propriétaires- et ceux qui se situent en aval de la production, c'est-à-dire des transformateurs et des commerçants. Face à la grande distribution, les producteurs se trouvent dans une situation de faiblesse. Un nouveau cadre réglementaire s'impose pour corriger les lois du marché. Quelles sont les réponses que vous proposez pour améliorer le revenu de ces agriculteurs ?

M. le Ministre - Je souhaite vous dire en premier lieu que si le CTE, qui a été conçu pour protéger la petite exploitation familiale, était favorable aux grands céréaliers, cela se saurait.

Je reconnais en revanche que le partage de la valeur ajoutée est au c_ur de beaucoup de débats et même de conflits. On peut bien sûr pointer du doigt les responsabilités de l'agroalimentaire ou de la grande distribution. Mais on doit aussi avoir le courage de reconnaître que des agriculteurs qui vont, le poitrail exposé, à la bataille économique s'affaiblissent eux-mêmes et gagneraient beaucoup à se rallier à des formes d'organisation collective de producteurs afin d'équilibrer le rapport de forces économique.

Il reste que certaines pratiques sont effectivement condamnables, comme l'a montré cet été l'exemple significatif du secteur des fruits et légumes. Le Gouvernement souhaite que ces problèmes avancent et réunit à cet effet des «assises de la distribution» qui devront rendre des propositions à la fin du premier trimestre 2000. Le Parlement en sera bien évidemment saisi à ce moment-là.

M. Michel Vergnier - Je constate qu'il y a ceux qui sont pour les CTE et la modulation des aides européennes et ceux qui sont contre. Je constate aussi que les premiers sont plutôt à gauche de l'hémicycle et les seconds plutôt à droite.

Pour ma part, je me réjouis que le Gouvernement ait choisi de mettre en _uvre ces mesures. La décision de ne pas attribuer 80 % des aides directes à 20 % des exploitations (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR) et de financer plutôt les CTE, outils de développement rural, ne peut que réjouir un élu de la Creuse, département où les exploitations sont petites (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR). Ce rééquilibrage des aides en faveur d'une agriculture plus en phase avec les aspirations de nos concitoyens est un message important pour les agriculteurs d'une région où les revenus agricoles sont les plus bas de France, Monsieur Guillaume !

La modulation des aides européennes est également une mesure forte de lutte contre la politique productiviste. Elle va rendre confiance aux petits exploitants et corriger des inégalités installées depuis trop longtemps dans notre pays.

Mais j'entends dire qu'on voudrait répartir ces aides entre les départements et donc poursuivre une politique de guichet. Je souhaite, Monsieur le ministre, que vous me confirmiez que c'est en fonction de la qualité des projets que seront prises les décisions (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Ministre - Il y a effectivement ceux qui sont pour les CTE et ceux qui sont contre ! Je suis un peu surpris d'entendre M. Sauvadet dire qu'il avait fondé de grands espoirs dans la loi d'orientation agricole, ce n'est pas ce qu'il a dit à l'époque de sa discussion ! (Interruptions sur les bancs du groupe UDF)

Monsieur Guillaume, en 1984 vous étiez contre les quotas laitiers, maintenant vous dites «touchez pas à nos quotas !». Aujourd'hui vous êtes contre les CTE, demain vous demanderez sans doute qu'on n'y touche pas...

Non, Monsieur Vergnier, il n'y aura pas d'enveloppe par département : c'est selon une logique de projet que nous sélectionnerons les bénéficiaires des aides. Vous pourrez bientôt le vérifier car d'ici trois mois, nous ferons un premier bilan des CTE déjà conclus (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Marie Morisset - Au moment où les pratiques préservant l'environnement vont être encouragées dans le cadre des CTE, les aides à la conversion agrobiologique vont diminuer de 20 % pour les vignes et les grandes cultures en Poitou-Charentes, au mépris des engagements du Gouvernement.

En 1997 le ministère de l'agriculture a en effet mis en place un ambitieux plan de développement de l'agriculture biologique, assorti d'un système d'indemnisation. L'agriculteur désireux de passer à une production biologique bénéficie, pendant deux à trois ans, d'une prime à l'hectare de culture pour compenser le manque à gagner des premières années. C'est bien une contractualisation de type CTE, répondant à la fois aux exigences environnementales et à une demande croissante des consommateurs.

La profession s'est mobilisée pour structurer les filières et inciter les agriculteurs à se lancer dans ce type de production. Or deux ans après, l'Etat se désengage. Constatant, en avril 1999, que l'enveloppe allouée aux conversions à l'agriculture biologique ne suffira pas pour l'année, il a décidé de diminuer de 20 % les aides à la conversion des vignes et des grandes cultures. Vous comprendrez que les représentants de l'agriculture biologique s'indignent de ces mesures de restriction et que l'ensemble des exploitants s'interrogent sur le crédit qu'ils peuvent accorder aux CTE. Pouvez-vous préciser les mesures concrètes que vous entendez prendre pour répondre à leurs attentes ?

M. le Ministre - Je puis apaiser toutes vos inquiétudes. J'ai délégué 2 millions pour desserrer les contraintes que vous mentionnez dans votre région. Quant aux crédits du CTE, ils sont calculés pour financer 50 000 contrats d'ici fin 2000.

M. Dominique Caillaud - J'enfoncerai à nouveau le clou des retraites agricoles.

Nous avons noté que le désir d'une revalorisation plus forte des retraites agricoles est partagé dans vos rangs.

Vous vous êtes engagé, Monsieur le ministre, à faire un effort sur trois ans pour aboutir à une pension minimale annuelle de 38 400 F pour l'exploitant et de 28 800 F pour son conjoint. Vous conviendrez que trois années est un délai bien long pour parvenir à toucher 3 200 F par mois ! Etant donné que le nombre de retraités agricoles diminue, les excédents budgétaires auraient dû permettre d'accélérer le calendrier de revalorisation des petites retraites. Les mesures annoncées ne peuvent donner satisfaction à leurs bénéficiaires.

M. le Ministre - A raison de1,2 milliard cette année, puis de 1,6 milliard en année pleine, nous atteindrons à la fin de la législature l'objectif fixé, c'est-à-dire que les retraites agricoles ne soient pas inférieures au minimum vieillesse. Nous aurons ainsi progressé autant sur trois ans que pendant les six années précédentes -il y a donc déjà accélération ! Nous verrons à l'occasion du budget pour 2001 s'il est possible de faire plus.

M. Roger Lestas - Je me permets de vous faire part de la très vive inquiétude des agriculteurs qui vont subir la TGAP, alors que la plupart ont dû investir ces dernières années des sommes très importantes pour satisfaire aux exigences du PMPOA.

Je citerai l'exemple d'un GAEC qui, en 1995, a investi 810 000 F pour mettre ses installations aux normes, dont 500 000 F à sa charge propre.

Le revenu n'a pas évolué, la charge d'amortissement est très lourde mais l'environnement est respecté, ainsi que cela avait été conseillé pour échapper aux taxations à partir de l'an 2000. Et voici qu'en 2000 l'exploitation devra payer 8 000 F de TGAP.

L'affectation de la TGAP au budget de la Sécurité sociale s'inscrit dans une logique budgétaire, et non dans une logique environnementale. L'allégement des charges patronales liées à la réduction du temps de travail des salariés n'aura aucun effet pour la grande majorité des exploitants, qui doivent consacrer un nombre très élevé d'heures à leurs activités, pour un revenu encore faible.

Ces ponctions réalisées aux dépens de l'agriculture vont totalement à l'encontre de la revitalisation des campagnes. Le minimum aurait été d'affecter les sommes prélevées à des actions conduites en faveur de l'activité agricole ou à des mesures en faveur de l'environnement puisque la pollution est le prétexte utilisé pour soutirer de l'argent aux exploitants.

Jugez-vous normal de faire supporter à une catégorie de Français qui doivent travailler 70 heures par semaine, et ne prennent qu'une semaine de vacances par an, le coût d'une mesure permettant à une catégorie d'aller vers les 35 heures ?

M. le Ministre - Je vous rappelle que la part de l'aide publique dans les PMPOA atteint 60 à 70 % de l'investissement.

Sur la TGAP, je me suis déjà expliqué. La Constitution ne prévoyant pas la protection des lois de programmation, toutes celles qui ont été votées sont restées lettre morte. La règle de la non-affectation des recettes de l'Etat à des dépenses spécifiques est un principe de droit public.

M. François Guillaume - Nous connaissons déjà les résultats de votre nouveau système d'aides compensatoires. Vous avez mis en place une sorte d'impôt sur le chiffre d'affaires des exploitations agricoles qui s'ajoutera à l'impôt sur le revenu. Même des agriculteurs non imposables sur le revenu subiront ces prélèvements.

En ce qui concerne les compensations agri-monétaires, elles se font sur la base d'un taux de conversion de 6,56 F pour un euro, taux inférieur à celui de l'écu, ce qui a occasionné des pertes pour les agriculteurs. Bruxelles a décidé de les compenser à hauteur de 825 millions pour 1999. Les années suivantes il y aura cofinancement. Le coût pour la France serait de 275 millions en 2000 et de 183 millions en 2001. Comment et quand ont été distribués les 825 millions de Bruxelles ? Comment se fait-il que les 275 millions nécessaires à la compensation ne soient pas inscrits au budget 2000 ?

M. le Ministre - Effectivement les agriculteurs seront remboursés à 100 % par l'UE en 1999. En 2000, ils le seront à 50 %. Les 50 % qui restent auraient pu faire l'objet d'une mesure nationale qui aurait coûté 250 millions. Cela aurait représenté 150 F par exploitation. Le Gouvernement français a fait d'autres choix budgétaires.

M. François Guillaume - Les agriculteurs apprécieront.

M. Christian Jacob - Vous avez cru bon de considérer avec un certain mépris l'opposition et les représentants de l'enseignement agricole privé en refusant le rattrapage par rapport à l'enseignement public au nom de l'annualisation. Mais qu'est-ce qui nous empêche de présenter une grande loi sur l'enseignement ? Les emplois-jeunes ou la loi de programmation militaire ne sont pas anticonstitutionnels.

Quant à la taxe de défrichement, contrairement à ce que vous avez dit, ce ne sont pas les responsables forestiers qui en ont demandé le rétablissement mais les associations écologistes. Vous avez voulu donner un gage aux Verts.

J'en viens à la question que voulait poser M. Doligé. A la table ronde, le Premier ministre a souligné le dynamisme de la filière de production du TPE. Il s'est engagé à poursuivre le programme et à faire établir un bilan sur l'intérêt de nouvelles unités pilotes. Actuellement, les unités de Gonfreville, Dunkerque et Feyzin produisent 220 000 tonnes de TPE à partir de 1,3 million d'hectolitres d'éthanol. Le développement de TPE est cohérent avec la directive européenne sur la qualité des carburants.

M. le Président - Je vous arrête car vous avez largement dépassé votre temps et on ne peut suppléer un absent.

M. Christian Jacob - C'est moi qui suis inscrit.

M. le Président - Vous venez de dire qu'il s'agissait d'une question de M. Doligé. J'incite le Gouvernement à ne pas y répondre, mais à faire éventuellement un commentaire sur vos propos préalables.

M. Christian Jacob - Le ministre jugera si ce dossier des biocarburants est sans intérêt ou si les agriculteurs méritent une réponse.

M. le Ministre - Je respecterai scrupuleusement le souhait de la présidence.

Sur l'enseignement agricole, la parité prévue par la loi Rocard de 1984 est strictement appliquée. Quant aux lois de programmation militaire, elles n'ont jamais été respectées. Rien dans la Constitution n'y oblige. On se fait plaisir et finalement on fixe un plafond qu'on n'atteindra jamais.

M. Philippe Martin - Je poserai ma question en espérant que vous me permettrez d'y associer M. Mariani et M. Martin-Lalande.

M. le Président - Si vous en êtes l'auteur.

M. Philippe Martin - L'avenir est inquiétant pour la viticulture française car la production explose dans le nouveau monde et ces producteurs s'attaquent à nos marchés traditionnels. Un quart de notre production est exporté, ce qui procure 33 milliards d'excédents. Nos exportations ont progressé en 1998 de 8 % en volume et 13 % en valeur. Mais nous sommes menacés et nos ventes à l'étranger progressent moins vite que les marchés ne s'étendent. Chez nos concurrents, des grandes sociétés sont à l'_uvre -trois d'entre elles représentent la moitié de la production américaine- et leurs crédits de promotion sont sans commune mesure avec les nôtres. Quels crédits comptez-vous dégager pour assurer la promotion de nos produits ? Quel soutien financier allez-vous apporter à l'exportation. Comment adapter la fiscalité pour tenir compte de la concurrence ?

M. le Président - Cela fait déjà beaucoup de questions.

M. Philippe Martin - Enfin, pouvez-vous nous informer sur l'accord de libre-échange entre l'Afrique du Sud et l'Union européenne qui semble mettre en cause nos vins d'appellation d'origine ? La Commission doit élaborer les mesures d'application. La viticulture française s'inquiète. Pouvez-vous nous éclairer ?

M. le Ministre - La viticulture française est en pleine prospérité et c'est le secteur qui s'en sort le mieux dans les accords de Berlin. Certes ses parts à l'exportation diminuent en raison d'une concurrence de plus en plus vive. Mais de nombreux vignobles de qualité achètent à l'étranger.

Quant au projet d'accord avec l'Afrique du Sud, rien n'est conclu. La France tient à protéger ses appellations d'origine comme nous l'avions fait face à la Suisse ou à l'Argentine. Cette fois il faut protéger nos Côtes de Provence. Nous tiendrons bon.

M. Jean Proriol - 40 Etats interdisent encore l'entrée du b_uf britannique.

Le compromis sur le b_uf britannique que vous avez accepté n'affaiblit pas la solidarité européenne. Mais est-il fiable ?

C'est une obligation de résultat que vous devez assumer et la levée de l'embargo doit s'appuyer sur des garanties réelles.

Cela suppose d'abord une remise en cause des conditions d'abattage des bovins malades en Angleterre, soit près de 2 000 bovins depuis le début de l'année.

Elles doivent porter sur la traçabilité, l'information, une transparence et un niveau de précision sur la provenance géographique, comme sur les origines génétiques.

Ces obligations nouvelles doivent s'étendre à l'ensemble du secteur distributif en France, y compris la restauration.

Dans quels délais, sur quels moyens de contrôle, pensez-vous que ce dispositif s'appliquera en France et au Royaume-Uni ? La filière bovine toute entière est en cause.

De la sécurité alimentaire dépend l'avenir de ce marché et aussi notre crédibilité dans le cadre de l'OMC.

M. le Ministre - Je me suis expliqué longuement sur ce sujet. Je précise que ce sont 47 pays qui maintiennent l'embargo, dont les meilleurs amis de l'Angleterre, les Etats-Unis, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, une grande partie du Commonwealth.

D'autre part, je n'ai pas signé d'accord. Nous avons demandé des garanties supplémentaires. Un projet d'accord a été validé par la Commission. C'est seulement si l'AFSA donne un avis positif que nous le signerons. Pour l'instant, un projet existe, mais il reviendra aux scientifiques de dire si les progrès obtenus sont suffisants.

M. Paul Patriarche - Le CTE a suscité un espoir chez les petits exploitants, qui ont pensé que le Gouvernement se soucierait de leur sort, et que toutes les aides ne continueront pas d'aller vers les exploitations les plus grandes. Vous aviez, il est vrai, annoncé une enveloppe de quelque 2 milliards pour 50 000 CTE environ. Mais l'arrêté paru le 8 novembre a douché l'enthousiasme. Outre le fait que l'extrême complexité du dispositif va décourager beaucoup d'allocataires potentiels, les plafonnements ne sont pas à la hauteur des investissements nécessaires, et ils sont particulièrement insuffisants pour les jeunes qui s'installent. Pendant ce temps, les grands exploitants continueront de percevoir d'abondantes aides européennes ! Ce n'est pas ainsi que l'on «passe d'une logique de guichet à une logique de projet» ! Mais bien que les contraintes soient trop fortes et les engagements financiers de l'Etat trop faibles, les agriculteurs ne seront-ils pas obligés, à terme, de signer des CTE ?

M. le Ministre - Je pense que vous vous méprenez sur le sens des CTE. Certes, un dispositif administratif paraît toujours trop complexe, mais tout attribution d'argent public suppose ses règles rigoureuses -plus encore quand des crédits européens doivent être distribués- et donc un contrôle. Quant au CTE, il ne constitue pas un nouveau mode de financement mais un outil de réorientation des aides, destiné à aider les agriculteurs à faire évaluer leurs exploitations. Il s'agit donc bien de contribuer à l'application d'un projet, rémunéré en proportion des engagements souscrits. Ce n'est donc pas une mesure miracle, mais un dispositif adapté à la réalité et dont l'application différera donc grandement selon les départements.

M. Jean Proriol - L'agriculture de montagne, qui connaît des conditions d'exploitation difficiles, se sent laissée pour compte.

Tout d'abord, le budget réservé à la modernisation des exploitations, qui finance le PMPOA et les bâtiments d'élevage en montagne, est très en deçà de ce qui est nécessaire. Quant aux crédits supplémentaires débloqués pour les bâtiments d'élevage, leur financement est injustement imputé sur une part du PMPOA, ce qui n'est pas admissible.

Or, faute de moyens suffisants, il est impossible de satisfaire tous les besoins et de relever le plafond de la subvention, aujourd'hui dépassé.

Par ailleurs, les indemnités compensatoires de handicaps naturels qui constituent le principal soutien aux exploitations de montagne, doivent trouver un nouveau souffle. Il faut en effet rééquilibrer le niveau des indemnités entre zones et productions, et en étendre le bénéfice à d'importantes productions de montagne comme l'arboriculture fruitière, la vigne à vin, et même les ânes et les cervidés.

Or le projet prévoit une stabilisation de l'enveloppe destinée aux ICHN, alors même que le Gouvernement s'était engagé à une réévaluation supplémentaire par UGB pour compenser le retard structurel de revenu des éleveurs, en particulier les éleveurs d'ovins, et pour relever l'indemnité versée au titre des autres cheptels.

Enfin, à l'heure où les problèmes de sécurité alimentaire sont ceux que l'on sait, comment le Gouvernement envisage-t-il de soutenir la qualité du lait en zone de montagne avec une enveloppe budgétaire réduite à 46 millions, contre 75 millions en 1999 ?

Sur tous ces points, le Gouvernement avait pris des engagements. Les tiendra-t-il ?

M. le Ministre - Je vous remercie de me donner l'occasion de traiter de l'agriculture de montagne, ce que je n'avais pas fait jusqu'à présent. Comme nous nous y étions engagés, nous avons réuni plusieurs fois au cours des derniers mois les élus de montagne, avec l'objectif de poursuivre la politique de valorisation de la montagne déjà engagée. C'est ainsi que le dispositif de compensation des handicaps naturels a été renforcé. Des aides sont désormais attribuées à 118 000 éleveurs, dont la moitié vivent en montagne. Quant aux aides à la production, elles se sont élevées à 2,5 milliards en 1999, et elles ont été versées pour trois quarts aux agriculteurs de montagne. Ces aides augmenteront encore en 2000, car les financements européens sont en hausse.

Pour ce qui concerne l'élevage, l'aide aux bâtiments et aux équipements spécialisés s'est élevée, financements communautaires compris, à près de 91 millions en 1999. Elle sera reconduite en 2000, et priorité sera donnée à l'installation des jeunes agriculteurs.

Enfin, le PMPOA a fortement augmenté de 1997 à 1999, pour s'établir à 906 millions. Ce programme sera poursuivi et réorienté en fonction des besoins : il sera ouvert aux petits élevages, et priorité sera donnée aux zones sensibles.

M. Christian Jacob - Rappel au Règlement, fondé sur l'article 58. Il est minuit passé, l'heure de penser aux producteurs de Beaujolais et d'inviter Monsieur le ministre à les aider à vendre leur vin, notamment au Royaume-Uni.

M. le Président - Nous ne pouvons que nous féliciter de votre suggestion.

M. Damien Alary - Le renouvellement des générations est indispensable à l'agriculture, et il faut donc y consacrer des moyens nouveaux, en augmentant l'enveloppe de la DJA et en améliorant encore les prêts bonifiés pour favoriser les installations. Le Gouvernement doit, d'autre part, veiller à ce que les dispositifs qu'il crée puissent aider l'installation de jeunes issus de milieux divers. Quels sont ses objectifs en la matière ?

M. le Ministre - Comme vous le savez, nous avons porté l'enveloppe de la DJA à 490 millions, et baissé d'un demi point le taux des prêts bonifiés. Nous avons également institué des stages de préparation à l'installation, et décidé de mesures fiscales particulièrement incitatives, sous forme d'abattements, d'exonérations et de réductions de droits. Il est vrai, cependant, que certains jeunes n'ont pas accès à ces aides, parce qu'ils ne sont pas enfants d'agriculteurs. Je souligne donc le rôle que joueront les CTE dans ce domaine, couplés avec des emplois-jeunes, conformément à une proposition initiale du CNJA.

M. Alain Gouriou - Depuis la rentrée, les personnels de l'enseignement agricole ont fait connaître leur insatisfaction devant l'insuffisance des effectifs.

La question est d'autant plus aiguë que l'enseignement agricole, qui souffre d'un retard accumulé, doit faire face à une demande accrue et que le nombre de ses élèves augmente régulièrement. Je souhaite donc, Monsieur le ministre, que vous preniez l'engagement de poursuivre et d'amplifier les mesures de rattrapage prises depuis deux ans.

J'appelle, d'autre part, votre attention sur les conditions de départ à la retraite des personnels de l'enseignement agricole privé. Des disparités importantes existent entre les personnels de l'enseignement privé sous contrat et leurs collègues de l'enseignement agricole privé ainsi qu'entre eux et leurs collègues de l'enseignement secondaire privé.

Actuellement, malgré la contractualisation avec l'Etat des enseignants et des documentalistes de l'enseignement agricole privé, ces derniers ne bénéficient pas du régime temporaire de retraite des enseignants privés. S'ils partent à la retraite 60 ans ou avant, c'est avec une pension minorée. De plus, les enseignantes de l'enseignement agricole privé, mères de trois enfants, ne bénéficient pas de la possibilité qu'ont leurs collègues de l'enseignement secondaire privé, de faire valoir leurs droits à la retraite après quinze ans de service.

La mise en place d'un système équivalent au régime temporaire de retraite serait donc justifiée. Vous m'avez écrit récemment que vous aviez saisi le Conseil d'Etat à ce sujet. Pouvez-vous, au-delà de cette démarche, m'indiquer vos intentions en la matière ? Ce qui pour moi ne saurait exclure la poursuite des efforts consentis par l'Etat en direction des personnels de l'enseignement agricole public.

M. le Ministre - Je l'ai dit, le Gouvernement a saisi le Conseil d'Etat pour s'assurer qu'il faut une modification législative, comme nous le pensons. Pour ce qui est de la situation respective de l'enseignement agricole privé et public, je confirme que la plus stricte parité est appliquée au centime près dans le budget, pour respecter la loi de 1984. Et sur la situation générale de l'enseignement agricole, je répète ce que j'ai déjà dit solennellement : je suis conscient de l'écart important entre les effectifs et les besoins. Je suis conscient que ce déficit entraîne un taux de précarisation parfois insupportable, et qu'il faut un rattrapage. Je m'efforce de l'opérer, après Louis Le Pensec, et ce budget le montre : pour ce qui est de la création de postes dans l'enseignement agricole, ce budget est le meilleur depuis vingt ans. Et tant que je serai là, j'essaierai de poursuivre cet effort.

M. Marcel Rogemont - Le Gouvernement s'est engagé dans un plan pluriannuel de revalorisation des retraites agricoles. La succession de vos budgets manifeste votre volonté d'atteindre l'objectif fixé pour 2002 : porter la retraite à 3 500 F, et 2 800 pour le second membre du couple, ce qui correspond au minimum vieillesse. Nous vous encouragerons à maintenir cette priorité.

Mais il faut aussi penser aux futurs retraités agricoles. Notre collègue Germinal Peiro, encouragé par nombre d'entre nous, suit cette question avec passion. La mise en place d'un régime complémentaire obligatoire est très attendue. C'est une exigence de solidarité. Quelles sont vos intentions ? Peut-on envisager des dates ?

M. le Ministre - Je confirme ce que j'ai dit déjà une ou deux fois. Le Gouvernement est décidé à mener à son terme le plan de revalorisation, puis à mettre en place le régime complémentaire obligatoire. L'alternative est la suivante. Ou bien nous achevons ce programme d'ici 2002, renvoyant le régime complémentaire à la prochaine législature. Ou bien nous doublons l'effort l'année prochaine, ce qui représente 3,4 milliards en année pleine, pour attaquer dès 2002 le régime complémentaire. Quelle que soit la décision prise, nous aurons fait une revalorisation d'une ampleur sans précédent, et tenu largement nos engagements.

M. Jacques Le Nay - La filière volaille traverse aujourd'hui de grosses difficultés.

En 1998, la production française était de 2,3 millions de tonnes, dont 900 000 destinées à l'exportation. Mais depuis les débouchés se sont fortement restreints, notamment à la suite de la fermeture des marchés russe et asiatique, de la dévaluation du réal brésilien et de la diminution des restitutions à l'exportation. A quoi s'ajoutent les affaires des farines animales et de la dioxine. Il en résulte que les marchés sont en réelle difficulté, surtout ceux qui sont tournés vers l'exportation.

Il en résulte des pertes de revenu pour les éleveurs, du chômage technique dans l'agroalimentaire, l'annonce de plans sociaux et des délocalisations. La filière risque d'être totalement sinistrée.

Vous avez annoncé, récemment, un plan d'aides de 40 millions pour la restructuration de l'outil industriel et de 10 millions pour les élevages : quand connaîtrons-nous le calendrier et les modalités d'application de ce dispositif ? Par ailleurs, pouvez-vous nous assurer que le Gouvernement défendra, sans concession, la clause de paix, qui permettrait de garantir à court terme les restitutions pour maintenir des débouchés à l'exportation ? Enfin, il semble que la France n'ait pas consommé totalement les budgets alloués dans le cadre des accords du GATT. Or le règlement du GATT prévoit que le reliquat accumulé des quatre premiers budgets peut être utilisé la cinquième année si l'état du marché l'exige. Mais le budget du FEOGA ne semble pas avoir prévu cette éventualité, qui s'impose pourtant face à l'agressivité commerciale de nos concurrents.

M. le Ministre - J'ai demandé à M. Daniel Perrin un rapport sur les perspectives de la filière avicole. Les mesures d'orientation font l'objet d'une concertation avec la profession. Elles s'organisent selon trois axes : l'accompagnement des restructurations industrielles pour adapter la production au marché, le développement des marchés d'exportation par l'aide à la promotion, l'amélioration de la capacité productive et de l'état sanitaire des élevages, grâce à des contrats de progrès et des incitations à la cessation d'activité. La prochaine réunion de l'OFIVAL examinera ces mesures, qui seront d'effet immédiat. Par ailleurs, au niveau interprofessionnel, tout sera fait pour améliorer le dialogue entre les éleveurs intégrés et leurs entreprises.

Les accords de Marrakech font peser des contraintes fortes sur les restitutions à l'exportation : c'est ainsi que le volume exportable avec subventions par l'Union européenne a diminué de 20 % en quatre ans. Mais les poulets entiers congelés conservent leur primauté. Plus des trois quarts des quantités exportables et 80 % du budget du FEOGA vont vers des produits et des destinations privilégiées des industriels français.

M. Christian Martin - L'achat et l'exploitation d'un étalon dépassent en général les moyens financiers d'un éleveur. C'est pourquoi les éleveurs se regroupent pour constituer des syndicats d'étalons. Depuis la création des syndicats en 1930, les éleveurs appliquaient le statut fiscal de l'indivision. Mais en 1987, un inspecteur du Calvados a estimé que ces syndicats devaient être appréciés comme une société en participation. Depuis lors, de nombreux redressements ont été signifiés. Le résultat économique en est catastrophique. Presque aucun étalon haut de gamme n'a été syndiqué depuis, d'autant moins que des pays à fiscalité avantageuse, comme l'Irlande, ne demandaient qu'à les accueillir.

Le c_ur du débat porte désormais sur la qualification fiscale des syndicats d'étalons, société en participation ou indivision ? Le changement de statut éventuel a des retombées importantes. Tout d'abord, les membres du syndicat sont tous fiscalisables en France, y compris les porteurs de parts étrangers ce qui n'était pas le cas sous le régime de l'indivision. Ensuite, le régime de la participation implique une solidarité fiscale entre porteurs de parts. Enfin, les propriétaires qui syndiquent un cheval sont désormais imposés sur les parts qu'ils apportent dans le syndicat d'étalon : si un propriétaire qui vend dix parts en conserve quinze confiées à un syndicat, il est imposable non seulement sur les plus-values des parts vendues, mais également sur celles conservées. Ce changement pénalise les éleveurs français et fait fuir les étrangers. De plus, l'instruction du 28 mai 1997 ne traite qu'en partie le problème.

Pourquoi ne pas revenir à la situation antérieure et reconnaître les syndicats d'étalons et les associations de chevaux de course ou d'élevage comme des indivisions ? Ces organismes emploient plusieurs milliers de personnes. Cette mesure laisserait une chance à nos associations de chevaux de course et syndicats d'étalons face aux régimes fiscaux de nos concurrents. Elle serait en outre favorable à l'emploi, en fixant sur notre sol des chevaux qui vont pour l'instant à l'étranger.

Enfin, il est déterminant que les entraîneurs de chevaux de course puissent relever du régime des bénéfices agricoles et bénéficier des mesures prévues pour les exploitants agricoles en matière de fiscalité locale.

M. le Ministre - Les syndicats d'étalons sont des groupements de propriétaires qui souhaitent mettre en commun l'utilisation des saillies de ces étalons.

Suivant la région d'utilisation de ces saillies -vente, cession gratuite, attribution aux élevages des membres des groupements- le ministère des finances a considéré que, du point de vue fiscal, il fallait qualifier ces structures soit d'indivision, soit de société en participation. A la demande des intéressés, un compromis a été trouvé dans l'instruction fiscale du 28 mai 1997. L'évolution du dispositif fiscal relève bien entendu du ministère de l'économie et du Parlement. Les deux ministères _uvrent en commun pour élaborer un statut type des sociétés en participation.

M. Jacques Pélissard - La nouvelle réglementation de l'épandage agricole des boues de stations d'épuration ne règle pas tous les problèmes. La profession agricole réclame toujours un dispositif de garantie.

Deux risques sont en effet à couvrir : un risque immédiat de dommages ordinaires par exemple en cas de mauvaise qualité des boues, qui peut être couvert par des assurances municipales ; un risque à long terme de dommages majeurs et imprévisibles que le système classique d'assurances ne peut pas couvrir. N'est-ce pas dans ce cas à l'Etat de donner une garantie ? Par ailleurs, les services du ministère ne pourraient-ils concourir à l'élaboration d'une charte de qualité ?

M. le Ministre - Le décret du 8 décembre 1997 et l'arrêté du 8 janvier 1998 ont strictement encadré la pratique de l'épandage des boues, mais le comité national mis en place le 5 février 1998 à l'initiative des ministères de l'environnement et de l'agriculture, qui réunit tous les acteurs concernés, poursuit ses travaux, en particulier sur la délicate question de l'indemnisation des dommages. Le Gouvernement veille à ce qu'il débouche au plus vite sur des propositions concrètes.

M. Serge Poignant - La TGAP sur les produits phytosanitaires peut avoir un impact important sur le coût de production. C'est le cas pour la mâche nantaise, pour laquelle les maraîchers utilisent le métam-sodium, couramment appelé vapam, afin de désinfecter les sols. La taxation accroît le coût à l'hectare de 62 %, alors que les maraîchers avaient déjà pris des engagements en matière d'environnement et que le secteur est déjà affecté par des crises répétitives. Quelles sont vos intentions, Monsieur le ministre ?

Les maraîchers-serristes, pour leur part, sont taxés de la même manière que ceux qui rejettent le gaz carbonique. Où en est la réflexion sur ce sujet ? Quelles propositions comptez-vous faire ?

M. le Ministre - Le vapam est classé en catégorie 5, ce qui signifie qu'il a un fort caractère polluant ; mais cet antiparasitaire n'est appliqué qu'une fois tous les dix ans, ce qui réduit l'impact de sa taxation.

En ce qui concerne la culture sous serre, j'attendrai que M. Dominique Platin achève l'étude dont je l'ai chargé pour vous répondre plus précisément.

M. Didier Quentin - Monsieur le ministre, j'appelle votre attention sur l'installation des jeunes ostréiculteurs et les difficultés de transmission des exploitations conchylicoles, notamment en Charente-Maritime, où le nombre de concessionnaires a diminué de 25 % depuis 1989 et où un exploitant sur deux n'a pas de successeur.

Si aucune action volontariste n'est entreprise, la situation va s'aggraver. Pourtant, la plupart des entreprises démantelées faute de successeur sont économiquement viables.

En outre, depuis une circulaire du 22 août 1989, les conchyliculteurs étaient, en matière de transmission des exploitations, soumis au même régime fiscal que les exploitants agricoles. Or depuis quelque temps, ils font l'objet de redressements, les services fiscaux ayant tendance à appliquer l'article 720 du CGI, qui concerne les transmissions d'affaires à finalité commerciale. J'ai saisi M. Sautter de ce problème.

Quels mécanismes d'aide envisagez-vous pour favoriser la reprise des exploitations ?

M. le Ministre - Les conchyliculteurs marennais se préoccupent activement de cette question. A l'initiative de la section régionale, le préfet de Charente-Maritime a mis en place un volet «cultures marines» dans le programme d'installation en agriculture, qui ouvre aux conchyliculteurs différentes aides. De plus, les conchyliculteurs pourront bénéficier du contrat territorial d'exploitation.

S'agissant du régime fiscal, j'ai moi-même saisi M. Sautter et je ne manquerai pas de vous faire connaître ses réponses.

M. Gérard Voisin - Le beaujolais nouveau arrive, avec sa cuisse, sa senteur d'aubépine, sa robe pivoine : ne sommes-nous pas ici loin de la drogue ? Les professionnels de la viticulture avaient vivement protesté contre un projet d'élargissement des compétences de la MILDT à la consommation d'alcool. En définitive, le comité interministériel de lutte contre la drogue et la toxicomanie a rappelé le 16 juin dernier que l'alcool n'est pas une drogue, tout en élargissant son action à la prévention des dépendances dangereuses. Il a ainsi bien distingué les comportements des produits. Mais la presse a fait écho il y a quelques semaines au rapport confidentiel d'un économiste sur le coût social des «drogues licites, dont l'alcool», entretenant ainsi la confusion.

La prévention de l'alcoolisme est nécessaire, les viticulteurs souhaitent s'y impliquer. Pouvez-vous intervenir auprès de votre collègue de la Santé pour que soit mis en place rapidement le groupe de travail commun entre les services du ministère de la santé et les professionnels ? Comment le Gouvernement entend-il concilier politique de prévention et soutien aux produits de la vigne ?

M. le Ministre - Elu moi-même d'une région viticole, je considère que vous menez un combat d'arrière-garde. Le Gouvernement n'a jamais voulu assimiler l'alcool à la drogue et le décret qui élargit les missions de la MILDT en témoigne, puisqu'il ne traite que des comportements à risques.

Mme Jacqueline Lazard - Les milieux professionnels de la filière pêche se félicitent de votre détermination de conduire à bon terme l'application de la loi d'orientation sur la pêche et les cultures marines du 13 novembre 1997. Il reste à espérer que les décrets d'application qui restent à publier le seront rapidement. A l'occasion du débat de cette loi, j'étais intervenue sur la question des conjointes d'artisans pêcheurs ou pêcheurs associés -sur ce point, un décret du 7 décembre 1998, relatif à l'abattement sur le bénéfice imposable, oblige le pêcheur à effectuer un stage agréé de formation en vue de son installation. L'ouverture de cette formation au conjoint constituerait une nouvelle avancée.

Concernant votre budget, les crédits d'investissement sont en hausse de 10,4 % et l'on doit s'en féliciter, même si la construction de bateaux neufs ne peut masquer la pénurie de kilowatts qui subsiste dans le POP IV. Lorsqu'elle conduit à vider nos ports de leurs navires, la gestion communautaire est difficilement acceptable.

Ma question concerne la mise en _uvre de la réduction du temps de travail dans la filière pêche. La loi incitative du 13 juin 1998 avait exclu ce secteur, mais la circulaire du 4 mars 1999 a prévu des dispositions spécifiques pour les entreprises de pêche qui pratiquent la rémunération à la part. Cinq ou six accords ont été conclus dans ce cadre, qui ont permis une réduction de 6 % des jours de mer pour des marins qui passaient jusqu'à 300 jours par an en mer. La réduction du temps de travail est une avancée sociale importante qui peut concourir à la réduction des accidents de mer. Elle constitue également un outil supplémentaire de gestion de la ressource. En ce sens, elle rejoint votre effort au niveau communautaire pour susciter une gestion de l'effort de pêche. Je souhaite que vous nous précisiez la démarche que vous comptez adopter au niveau national pour adapter la seconde loi sur la réduction du temps de travail à la filière, mais aussi, au niveau communautaire, sous la forme d'arrêts biologiques ou d'arrêts dominicaux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Ministre - La formation des conjoints d'exploitants d'entreprises de pêche artisanale est déjà organisée dans plusieurs établissements d'enseignement maritime.

Concernant les modalités du temps de travail dans la filière pêche, j'ai déjà évoqué leur spécificité, qui tient au caractère imprévisible de la durée du travail et au système de la rémunération à la part. L'application de la réduction du temps de travail doit donc être la plus réaliste possible et un groupe de travail a été réuni en ce sens, en concertation avec Mme Aubry et M. Gayssot. Je serai bien entendu extrêmement attentif aux résultats de ses réflexions.

Je vous remercie, Madame la députée, de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer sur cette question dont je ne méconnais pas l'importance.

M. Gilbert Le Bris - La pêche thonière tropicale française représente quasiment un cinquième de la pêche nationale. Après la lourde crise de 1990 à 1993 et l'embellie des dernières années, cette pêche traverse une nouvelle zone de turbulences : effondrement des cours, vente programmée d'une partie de la flottille, immatriculation des navires sous pavillon d'accueil pour échapper aux contraintes d'un POP inadapté pour ce segment de pêche. Quelles actions envisagez-vous, Monsieur le ministre, pour éviter que ne se cristallisent tous les ingrédients d'une crise ? Ne laissons pas dilapider ce patrimoine au vent du libéralisme. Il faut aussi favoriser l'emploi de marins français à bord d'une flotte déployée désormais sur tous les océans, avec des implications en termes de relations internationales bi ou multilatérales. Ne laissons pas disparaître l'attractivité de ce métier au vent du moins-disant social mondial. Nous attendons avec confiance votre réponse sur le devenir d'une pêche nécessaire à notre pays et vitale pour ma région (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Ministre - L'élu de Concarneau que vous êtes a rappelé avec force l'importance de la pêche thonière tropicale : 140 000 tonnes de capture par an, un chiffre d'affaires annuel de 800 millions, une flottille de 29 navires dans l'océan Atlantique et l'océan Indien. Il s'agit d'une filière économique riche en emplois qui contribue de surcroît au rayonnement du pavillon français dans le monde.

Le Gouvernement veille à faciliter le développement de cette activité, par une défense de nos intérêts au sein des organisations de pêche spécialisées dans cette filière. La flotte française a bénéficié du soutien de l'Etat et de la Communauté européenne pour la modernisation des navires, ce qui permet à la France de disposer d'un équipement performant. Dans ce contexte, soyez assuré, Monsieur le député, que le Gouvernement suit avec attention l'évolution de l'armement thonier en veillant aux préoccupations des équipages et des salariés concernés.

M. Maurice Adevah-Poeuf - Je voudrais revenir sur la suppression des crédits de l'article 27 du chapitre 44-41, c'est-à-dire les 145 millions de crédits du FIA. Après M. Patriat, je rappellerai que le FIA finançait les crédits de préinstallation ou d'aide aux cédants qui ne pourront être financés au titre de l'article10 du chapitre 44-84 relatif aux CTE. Je suppose donc que si le chapitre 44-41 conserve son article 27, c'est pour qu'au terme d'un bilan, des crédits puissent être réinscrits en FIA à partir de la loi de finances pour 2001, si le besoin s'en faisait sentir.

S'agissant des anciens exploitants, je souscris aux propositions de M. Peiro et aux engagements que vous avez pris. Je voudrais attirer votre attention sur le décret annuel relatif au calcul du coefficient de minoration des augmentations des retraites agricoles. Les augmentations ne concernent en effet que les taux pleins et ce point est souvent difficile à comprendre pour les assujettis.

S'agissant du décret pour 2000, considérant les augmentations que vous proposez, allez-vous améliorer dans un sens de plus grande justice le coefficient de minoration qui s'applique aux retraites agricoles ?

M. le Ministre - Je ne puis à ce stade vous apporter de réponse sur ce point, mais je m'engage à vous en reparler le moment venu.

Outre le transfert sur le dispositif CTE de la majorité des actions réalisées par le FIA, nous disposons pour financer celles qui n'entrent pas dans le champ des CTE d'un reliquat des crédits du FIA, qui ne sont pas annulés dans le cadre de la régulation budgétaire, suite à un arbitrage rendu hier par le Premier ministre. Nous disposerons donc des ressources nécessaires pour financer l'ensemble des mesures qui étaient jusqu'à présent prises en charge par le FIA.

M. Yves Deniaud - Ma question porte sur le financement des CTE. 950 millions sont inscrits à ce titre dans ce projet de budget. Je souhaiterais que vous précisiez les différentes sources de financement et en particulier les fonds qui sont entamés ou supprimés, qu'il s'agisse du FIA ou du FGER. Quelles sont les ressources et pour quel montant qui concourront au financement des CTE ?

M. le Ministre - Les CTE bénéficieront d'un financement national à hauteur de 950 millions et d'un cofinancement communautaire dans le cadre du développement rural.

Dans ces 950 millions, il y a 350 millions de crédits nouveaux et 600 millions redéployés, notamment à partir du FIA. Ce n'est pas, j'y insiste, parce qu'il y a moins de crédits que les installations ont baissé, mais parce que l'installation a baissé que les crédits diminuent. Il est nécessaire de réfléchir aux moyens de relancer l'installation et nous allons le faire avec le «CTE installation». Nous cherchons aussi de nouvelles solutions avec le CNJA. Que l'installation reparte à la hausse et les crédits nécessaires suivront la même évolution.

M. Michel Hunault - Je comptais initialement vous interroger sur la revalorisation des retraites agricoles, mais le sujet a déjà été évoqué à plusieurs reprises.

Les événements des dernières heures m'incitent, en revanche, à revenir sur le dossier que vous connaissez bien, celui des abattoirs de Blain, en Loire-Atlantique. Le tribunal de commerce de Saint-Nazaire vient en effet de prononcer la liquidation de ces abattoirs, qui emploient 200 salariés et constituent un outil indispensable à la filière élevage. En dépit de la mobilisation de la population, de professionnels, des collectivités locales, notamment du conseil général, à travers l'action de Serge Poignant, ici présent, la liquidation a été décidée hier.

Vous savez le coût social de la fermeture d'un établissement de cette taille. Mon collègue René Leroux était déjà intervenu à ses côtés pour mobiliser l'aide de l'Etat, à travers l'OFIVAL et le FEOGA, pour la réalisation d'un plan de restructuration.

Les services de la préfecture ont publié ce matin un communiqué affirmant que l'Etat était prêt à faire le maximum. Alors plutôt que d'avoir à payer des compensations aux salariés, nous nous proposons d'accompagner les plans de reprise existants par les financements classiques, ce qui assurera la pérennité d'un outil indispensable pour un département d'élevage comme la Loire-Atlantique.

M. le Ministre - J'ai effectivement été saisi de ce dossier il y a quelques mois, lors d'une visite chez René Leroux, à La Turballe.

Les responsables de l'abattoir de Blain ont été reçus à plusieurs reprises par mon cabinet et à l'OFIVAL et tous les dispositifs d'aide publique possibles leur ont été proposés. Malheureusement l'absence de repreneur et de solution économique viable a conduit le tribunal à prononcer la liquidation de la société gestionnaire.

Les soutiens publics sont toujours disponibles ; mais il faut trouver un repreneur viable, auquel cas ces aides pourraient être mobilisées.

M. Michel Vauzelle - Je sais que vous portez une grande attention à l'agriculture méditerranéenne. Elle constitue une exception en ce sens que les productions principales -les fruits, les légumes, l'horticulture, la viticulture- ne bénéficient pas de dispositif de soutien du prix ou de compensation des revenus, alors qu'il s'agit d'un marché ouvert à la concurrence internationale.

Cette agriculture est une composante du développement durable par son rôle dans l'entretien de l'espace rural, le maintien d'écosystèmes diversifiés et la gestion patrimoniale de la ressource en eau.

Il apparaît donc nécessaire de lui apporter un soutien politique fort pour qu'elle soit prise en compte dans les politiques européennes. Dans ce contexte, quelles peuvent être l'avenir et le rôle des offices par produit ?

M. le Ministre - Je reconnais bien là votre engagement total pour la défense de votre région. C'est vrai que la production de l'agriculture méditerranéenne bénéficient de soutiens communautaires beaucoup moins importants que d'autres secteurs comme les grandes cultures.

Toutefois, dans le cadre de la réforme de l'organisation du marché du vin, j'ai obtenu des avancées significatives, dont la revalorisation des aides à la restructuration des vignobles. Par ailleurs, pour cette campagne, j'ai abondé la dotation de l'ONIVIN : 300 millions sont consacrés à la restructuration des vignobles et les départements languedociens, provençaux et corses en seront les principaux bénéficiaires.

Le secteur des fruits et légumes mérite une attention particulière parce qu'il compte beaucoup d'emplois et qu'il a connu cet été une crise grave. L'organisation commune du marché doit être réformée pour être plus incitative. Je suis intervenu en ce sens à Bruxelles avec mes collègues italiens et espagnols et nous avons bon espoir d'obtenir des avancées significatives sous la présidence portugaise, au premier semestre de l'an 2000. Par ailleurs, les relations avec la distribution doivent être plus équilibrées, nous travaillons sur ce sujet. Enfin, dans l'immédiat, des mesures de soutien aux exploitations fragilisées ont été décidées pour un montant de 240 millions. Je viens de signer la circulaire d'application et de signifier aux préfets les dotations dont ils disposent. Elles concernent prioritairement les départements méditerranéens et la vallée du Rhône.

En ce qui concerne les grandes cultures, le plan de régionalisation adopté en 1997 a été révisé, ce qui se traduit par une revalorisation substantielle des aides aux producteurs de céréales de votre région. Une nouvelle étape est prévue pour le printemps prochain et entrera en vigueur en 2001.

Par ailleurs, la politique générale tendant à une attribution plus équilibrée des aides publiques à l'agriculture bénéficiera à vos départements. Les CTE devraient y trouver une large application. Je vais d'ailleurs signer le 13 décembre des CTE symboliques, l'un dans l'Hérault, l'autre dans les Bouches-du-Rhône.

Enfin, dans le contrat de plan entre l'Etat et la région PACA, le volet agricole se présente sous les meilleurs auspices.

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions. La séance est suspendue pour quelques minutes.

La séance, suspendue à 1 heure 10, jeudi 18 novembre, est reprise à 1 heure 20.

M. le Président - J'appelle les crédits de l'agriculture et de la pêche.

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ÉTAT B

Les crédits du titre III, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président - Plusieurs amendements ont été déposés sur le titre IV.

M. André Angot - Mon amendement 191 réduit les crédits prévus pour les CTE que vous avez fixés à 650 millions.

Les agriculteurs ne veulent pas de ce monstre administratif qui créera plus d'emplois dans les DDA que dans nos communes rurales. Je propose de rétablir les 155 millions supprimés sur la DJA et les 145 millions supprimés au FIA ; il y aura ainsi plus de jeunes qui s'installeront. Le reste serait affecté à l'augmentation des retraites de nos agriculteurs qui méritent bien cette reconnaissance pour avoir fait de notre agriculture l'une des meilleures du monde.

M. Christian Jacob - Mon amendement 135 est identique. Les CTE seront financés grâce à la modulation. Mais s'il existe des disparités de revenu, ils sont corrigés par l'impôt. Pourquoi vouloir opérer cette redistribution préalable ?

Ces crédits pourraient aller à l'installation des jeunes et aux retraites. Mais votre budget comporte aussi d'autres secteurs en baisse. Ainsi les crédits consacrés au soutien de la production de sucre dans les DOM diminuent de 8 millions. Pourtant, à la veille des négociations de l'OMC, les Brésiliens veulent écouler leur surproduction sur le marché européen et attaquent les betteraviers comme les producteurs de canne.

Les crédits pour la restructuration des abattoirs publics diminuent d'un million. Pourtant, cette restructuration n'est pas terminée et la réglementation sur l'environnement et sur les carcasses a entraîné des charges nouvelles. Elles seront répercutées soit sur les producteurs, déjà en difficulté, soit sur les consommateurs. Enfin, les crédits destinés à l'aide alimentaire diminuent de 19 millions. Les Etats-Unis souhaitent exclure des négociations de l'OMC cette aide, dont ils usent comme d'une arme politique envers les pays en voie de développement. Mais nous y sommes très attachés. Pourquoi la diminuer ?

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial de la commission des finances, pour l'agriculture - Les amendements n'ayant pas été examinés par la commission, je me prononcerai à titre personnel, pour souligner que la position défendue par M. Jacob nous est, ô combien, connue : purement politique, elle revient à refuser le CTE. C'est pourquoi il convient de rejeter ces deux amendements identiques. Je constate par ailleurs que nous ne devons pas rencontrer les mêmes agriculteurs car ceux auxquels j'ai parlé m'ont dit être disposés à signer un CTE.

M. le Ministre - Je constate que ces amendements visent à réduire les crédits du ministère de l'agriculture -alors que M. Jacob s'est plaint, auparavant, de ce qu'ils étaient insuffisants. Le ministre de l'agriculture que je suis ne peut approuver pareille proposition et je suis donc contre les amendements.

M. Jean-Claude Chazal - Nous avons décidément entendu tout et le contraire ! Je suis contre les amendements qui nient la réalité : ce que les agriculteurs redoutent, c'est l'insuffisance du financement des CTE ! Eux qui souhaitent signer ces contrats apprécieront ces amendements et les suivants à leur juste valeur ! Il faut rejeter ces amendements, car le CTE sera un outil de développement rural efficace. J'aimerais, à ce sujet, que le Gouvernement précise la teneur du plan de développement rural qu'il entend mettre en _uvre à la suite des accords de Berlin.

M. Christian Jacob - J'ai saisi l'occasion qui s'offrait à moi, en présentant cet amendement, d'interroger le ministre sur trois points précis, et je m'étonne de n'avoir reçu aucune réponse de sa part.

Les amendements 135 et 191, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - M. Jacob propose toute une série d'amendements de repli dont il pourra peut-être regrouper la présentation.

M. Christian Jacob - L'amendement 143 tend à réduire les crédits de 400 millions. Les sommes ainsi dégagées pourraient servir à augmenter les ICHN. Une réflexion pourrait aussi s'engager sur l'élargissement des critères d'attribution, pour l'heure très restrictifs. Une telle démarche, qui aiderait les zones défavorisées, serait tout aussi intéressante que les CTE.

L'amendement 144 vise, en réduisant les crédits de 325 millions, à augmenter de 50 % la prime à l'herbe. La modulation des aides va en effet inciter bien des exploitants à délocaliser leurs exploitations dans des régions qui n'ont pas de tradition céréalière.

L'amendement 146 tend à réduire les crédits de 275 millions.

Je n'ai pas été convaincu par les explications du ministre sur l'agri-monétaire et j'aimerais des précisions de sa part.

Avec l'amendement 147, je propose de réduire les crédits de 175 millions et d'affecter cette somme au chapitre des calamités agricoles, au titre de l'article 10. On sait le retard accumulé en la matière ; l'occasion serait ainsi trouvée de le compenser.

Quant à l'amendement 148, il vise à réduire les crédits de 60 millions, somme qui pourrait utilement servir à compenser l'écart entre l'enseignement public et l'enseignement privé.

Pour ce qui est des 80 millions de réduction de crédits que je propose dans l'amendement 145, ils permettraient d'abonder le budget de la maîtrise des pollutions agricoles, ce qui éviterait d'imposer aux exploitants agricoles une TGAP qui n'est rien d'autre qu'une charge sans contrepartie. De toute évidence, les problèmes environnementaux ne sont pas considérés comme une priorité dans ce budget.

En proposant, par les amendements 149, 150 et 151 de réduire les crédits de 50, 30 et 20 millions, je suggère d'affecter ces sommes à l'amélioration de la qualité du lait et de la viande de porc produits en montagne : on sait que le coût de la collecte de lait augmente en montagne, on sait aussi les surcoûts des constructions induits par la topographie.

Avec l'amendement 152, il s'agit de réduire les crédits de 10 millions pour les affecter au suivi des agriculteurs en difficulté, dont le nombre ne cesse d'augmenter, en particulier parmi les jeunes installés. Le conseil en gestion les aiderait notablement. Or, dans ce domaine aussi, nous sommes à crédits constants, ce qui est paradoxal.

Les 8 millions que permettrait de récupérer l'amendement 153 devraient servir à améliorer l'identification des animaux et donc leur traçabilité.

Enfin, les 5 millions que l'amendement 154 nous rendrait pourraient aider à la réinsertion professionnelle des agriculteurs en difficulté.

Vous aurez constaté, Monsieur le Président, que je n'abuse pas de mon temps de parole, pour peu que l'on me laisse m'exprimer.

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial - Je m'exprimerai une nouvelle fois à titre personnel, puisque la commission n'a pas examiné les 12 amendements. Ma remarque précédente vaut toujours : les amendements présentés traduisent un refus des CET qui est d'ordre politique. Pour le reste, je constate que M. Jacob vient de nous exposer son propre budget, en nous proposant le redéploiement de quelque 2,441 milliards au total, si mes calculs sont justes. Je ne pense pas que cet exercice s'impose et je suis contre ces amendements.

M. le Ministre - Je suis opposé à ces amendements, qui auraient pour effet de réduire le budget de mon ministère, ce qui serait mauvais.

M. Christian Jacob - Que je sache, Madame Marre, l'opposition a encore le droit de présenter un contre-projet de budget ! De surcroît, il s'agissait, bien sûr, d'amendements de repli, et non de sommes qui s'additionnent. Enfin, je déplore que, forts de votre majorité, vous ne daigniez pas répondre aux questions de fond qui vous sont posées !

L'amendement 143, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 144, 146, 147, 145, 148, 149, 150, 151, 152, 153 et 154.

Les crédits inscrits au titre IV de l'état B, mis aux voix, sont adoptés.

Les crédits inscrits au titre V et au titre VI de l'état C, successivement mis aux voix, sont adoptés.

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AVANT L'ART. 64

M. le Président - En accord avec la commission des finances, j'appelle plusieurs amendements portant article additionnel avant l'article 64.

M. le Ministre - Les amendements 62, 61 rectifié, 59 et 60 du Gouvernement ont pour but de mettre en _uvre la revalorisation des retraites dont nous avons déjà longuement discuté. L'amendement 62 prévoit la revalorisation elle-même.

Il fallait, ensuite, tenir compte de la parution tardive de la loi d'orientation, et, pour ne pas pénaliser les nouveaux titulaires du statut de conjoint collaborateur, prévoir une rétroactivité sur 1999 des nouvelles dispositions qui leur sont applicables. C'est l'objet de l'amendement 61 rectifié.

Il est, par ailleurs, proposé de ne pas limiter aux chefs d'exploitation ayant eu une carrière brève en tant que chef le bénéfice de la revalorisation de 1999, et de décompter les périodes revalorisables en fonction de la qualité dans laquelle l'intéressé les a effectuées, et non de celle qu'il avait au jour de sa retraite : c'est l'objet de l'amendement 59.

L'amendement 60, enfin, tend à réintégrer dans le champ de la revalorisation applicable en 1998 ceux des chefs d'exploitation retraités en 1997 dont les carrières en tant que chefs d'exploitation étaient trop brèves pour qu'ils soient éligibles. Ces quatre propositions s'inspirent d'un souci d'équité que chacun comprend.

M. Charles de Courson - La revalorisation des petites pensions, telle que le propose le Gouvernement, ne tient pas compte du fait que 40 % des retraités agricoles sont des polypensionnés. Mon sous-amendement 120 à l'amendement 62 a pour objet de prendre en compte, pour les revalorisations, de l'ensemble des avantages vieillesse en droits propres. C'est une mesure que je propose depuis plusieurs années. Si nous ne l'adoptons pas, nous étendons la revalorisation à des personnes qui, outre leur retraite agricole, peuvent percevoir 5 000 ou 6 000 F du régime général ou d'un autre.

Le Gouvernement a d'ailleurs partiellement tenu compte de mes suggestions puisqu'il réserve aux monopensionnés la réduction de 32 à 27 années de la durée requise. Ma proposition tend à une plus grande justice sociale. Elle permettrait, en outre, des économies qui pourraient être utilisées, soit pour accélérer la revalorisation, soit pour abaisser les seuils et toucher ainsi davantage de retraités.

Enfin, Monsieur le ministre, je préciserai, cette fois comme rapporteur du BAPSA, qu'il n'est pas exact qu'il y ait une accélération de la revalorisation. Vous trouverez page 31 de mon rapport les chiffres, qui tiennent compte de la mesure que nous allons voter. L'ensemble des revalorisations intervenues depuis 1994 s'élèvera en 2000 à 6,233 milliards en coût net : il ne faut pas, en effet, invoquer le coût brut comme vous le faites, Monsieur le ministre, puisque chaque fois qu'on revalorise, on réduit le FSV. Sur ces 6,233 milliards d'augmentation, 2,967 sont dus à l'ancienne majorité et 3,266 à la nouvelle, en incluant la mesure que nous allons voter. Donc, grosso modo, nous progressons chaque année d'un milliard : ne polémiquons pas à ce sujet, il y a assez d'autres sujets de discussion.

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial - La commission des finances n'a pas examiné ce sous-amendement, non plus que les amendements du Gouvernement ; j'émettrai donc un avis personnel. M. de Courson soulève une question réelle, mais sa proposition serait techniquement très complexe. D'autre part, si 40 % des retraités agricoles sont polypensionnés, très peu en revanche atteignent le seuil fixé par l'article L. 815-8 du code de la Sécurité sociale, auquel se réfère M. de Courson. Ne compliquons pas un dispositif qui est lisible !

Je suis en revanche favorable à l'amendement 62, qui traduit l'engagement pris de revaloriser les petites retraites à hauteur de 1,2 milliard en 2000, et 1,6 en année pleine.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial de la commission des finances, pour le BAPSA - Comme l'a dit Mme Marre, la commission des finances n'a pas examiné cet amendement, ce qui aurait pourtant été possible, la décision étant déjà prise le 21 octobre. A titre personnel -car il est logique que je donne mon avis, comme rapporteur du BAPSA- j'y suis bien sûr favorable, sous réserve des arguments que j'ai formulés pour soutenir mon sous-amendement.

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial - Il est exact que je ne suis pas rapporteur du BAPSA, mais ces amendements n'en relèvent pas, étant situés avant l'article 64.

M. le Ministre - Votre éminent collègue de Courson est sans cesse en quête d'astuces, comme la distinction entre coût net et coût brut, pour minimiser l'engagement du Gouvernement. Il est vrai que plus on élève le niveau des retraites, plus les économies sur le FSV sont importantes. Il n'en reste pas moins que l'effort budgétaire et sa traduction pour les retraités se sont singulièrement accélérés.

Le sous-amendement 120 aurait pour effet de restreindre le champ de la revalorisation aux seuls pensionnés dont la somme de tous les droits à retraite -de quelque régime qu'ils proviennent- est inférieure au minimum vieillesse. Il s'inscrit dans une logique d'attribution de la revalorisation sous condition de ressources. Nous avons au contraire choisi une logique de revalorisation intrinsèque des retraites agricoles, sans tenir compte d'éventuels autres éléments de retraite, auxquels les intéressés ont légitimement droit compte tenu des cotisations qu'ils ont versées. Le Gouvernement est défavorable à l'idée d'exclure certaines personnes de la revalorisation au seul motif qu'elles touchent quelques centaines de francs d'un autre régime.

Le sous-amendement 120, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 62, mis aux voix, est adopté.

199-2CT63 M. Charles de Courson - Pour mon sous-amendement 119 à l'amendement 61 rectifié du Gouvernement, je propose un délai supplémentaire de six mois, repoussant au 1er janvier 2001 la date limite où l'option pour le statut de conjoint collaborateur pourrait donner droit au rachat de points. Le délai de six mois après la promulgation de la loi de finances que prévoit le texte du Gouvernement paraît insuffisant pour diffuser une large information sur cette modification d'un dispositif qui concerne potentiellement plus de 100 000 personnes. Le texte de loi d'orientation donne actuellement deux ans après sa publication pour les rachats de points, soit jusqu'en juillet 2001.

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial - La commission n'a pas examiné cette proposition. Elle est séduisante, mais la date butoir ne s'applique pas seulement au rachat de points, mais aussi à d'autres droits. Dans un souci de cohérence, il me semble donc difficile d'adopter ce sous-amendement qui ne concerne que les points. Je suis personnellement favorable à l'amendement 61 rectifié.

M. le Ministre - L'objection de Mme Marre est décisive : la date du 1er juillet 2000 s'applique non seulement au rachat de points, mais à l'ouverture des droits à la rétroactivité pour le statut de conjoint collaborateur et au montant maximal de revalorisation en cas de départ à la retraite. Il s'agit donc d'un ensemble cohérent. Modifier la date pour un seul de ses éléments créerait une complexité inutile, sans apporter un avantage réel.

Le sous-amendement 119, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 61 rectifié, mis aux voix, est adopté.

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial - Avis favorable aux amendements 59 et 60.

L'amendement 59, mis aux voix, est adopté, ainsi que l'amendement 60.

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ART. 64

M. le Président - Les amendements à cet article ont été retirés.

L'article 64, mis aux voix, est adopté.

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APRÈS L'ART. 64

M. le Président - Avec l'accord de la commission des finances, j'appelle les amendements après l'article 64.

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial - L'amendement 73, présenté par le Président Bonrepaux et moi-même, dans la logique de l'amendement voté en première partie, étend à l'ensemble des opérations effectuées par les SAFER l'exonération de droits d'enregistrement qui a été accordée aux acquisitions et cessions d'immeubles ruraux à destination agricole. Les cessions réalisées sous forme de parts de sociétés et les parcelles boisées de plus de 10 hectares pourront ainsi bénéficier du dispositif.

M. le Ministre - Le Gouvernement est très favorable à cet amendement et lève le gage.

L'amendement 73, mis aux voix, est adopté.

M. Charles de Courson - L'amendement 121, que je présente avec mon collègue Sauvadet, concerne le fonds commun des accidents du travail agricole -FCATA-, qui est l'exemple même de ce qu'il ne faut pas faire. Pour le financer, on a constamment augmenté les taux de la taxe sur les assurances complémentaires, qui atteignent 65 et 87 % ... Conséquence : le nombre des souscripteurs est passé entre 1985 et 1997 de 200 000 à 32 000. C'est pourquoi je propose de fixer un taux unique -12,5 %- de taxation des primes, qu'il s'agisse de l'assurance de base -actuellement taxée à 10 %- ou de l'assurance complémentaire, en attendant une réforme du FCATA. Celle-ci est inéluctable, le financement du fonds provenant pour une part croissante des subventions de l'Etat. Il s'agit à cet égard, d'un amendement d'appel.

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial - La commission des finances l'a rejeté car ce problème sera examiné dans le rapport sur les charges sociales et fiscales en agriculture que Jérôme Cahuzac et moi-même devons remettre au Gouvernement en avril.

M. le Ministre - Il convient en effet d'attendre ce rapport d'ensemble. Avis défavorable, donc.

L'amendement 121, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Charles de Courson - Les agriculteurs sont soumis à une cotisation minimale de 290 F par mois, soit 3 500 F par an. Il ne serait pas juste de maintenir ce système alors que la loi sur la CMU a institutionnalisé le principe d'une couverture maladie de base gratuite. Mon amendement 122 est, là encore, destiné à interroger le Gouvernement sur ses intentions.

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial - Là encore, il convient d'attendre le rapport. Avis défavorable de la commission.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 122, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Charles de Courson - L'année dernière l'assujettissement à la CSG, à la CRDS et au prélèvement de 2 % des exploitants qui se trouvent sous le seuil d'application à la MSA ne s'est pas accompagné d'une diminution à due concurrence du taux de la cotisation de solidarité qui n'a été réduit que de deux points, passant de 19 à 17 %. L'amendement 123 que je présente avec M. Sauvadet tend, pour rétablir la neutralité du basculement, à le ramener à 9 %.

L'amendement 124 a pour but, pour la même raison, de supprimer une autre cotisation de solidarité.

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial - Même remarque que précédemment. Rejet.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 123, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 124.

M. Charles de Courson - Notre amendement 126 tend à charger la caisse centrale de la MSA de la gestion commune de la trésorerie des caisses, les intérêts créditeurs et débiteurs demeurant répartis entre celles-ci en fonction du solde comptable quotidien de leur trésorerie. Cela permettrait d'économiser au moins 50 millions.

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial - La commission n'a pas examiné cet amendement. S'agissant d'une proposition de réforme assez profonde, il me semblerait nécessaire de l'examiner plus longuement.

M. le Ministre - La caisse centrale n'est pas une caisse nationale, mais une tête de réseau. L'existence de 81 caisses départementales ou pluri-départementales répond à la diversité de l'agriculture et à la nécessité d'un service de proximité. La gestion commune par la caisse centrale constituerait un changement de fond. Je suis prêt à examiner cette question avec les représentants des caisses. Le nouveau conseil central issu des élections sera installé le 5 février 2000 ; je prends l'engagement de l'interroger. Dans cette attente, je souhaite que cet amendement soit rejeté, à moins que M. de Courson n'accepte de le retirer.

L'amendement 126 est retiré.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial - Mon amendement 125 pose le problème du financement de la revalorisation de ces deux dernières années, dont le coût net est cette année comme l'année dernière d'un peu plus d'un milliard. Pour y parvenir, on a prélevé sur le produit de la «C35» en disant que c'était pour la dernière fois. Mais on ne peut financer une revalorisation pérenne par une recette qui ne l'est pas. Et cette année, on recommence ! La C35 a été étendue au secteur agricole : le Crédit agricole et toutes les coopératives la paient et le produit de la C35 qui provient des structures agricoles est estimé à 500 millions. Je propose donc qu'on maintienne le retour au financement sur le BAPSA pour un montant au moins équivalent.

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial - La commission des finances a rejeté cet amendement. M. de Courson parle de pérennisation alors qu'il s'agit d'une mesure ponctuelle même si elle peut être reconduite l'an prochain. L'excellent rapport de M. Peiro formule des propositions pour les modes de financement futurs des régimes de retraite. Avis défavorable donc.

M. le Ministre - Je n'ai jamais dit que le prélèvement sur la C35 intervenait l'année dernière pour la dernière fois. En tant que membre éminent de la Cour des comptes, M. de Courson sait bien que l'on ne peut jamais prendre ce type d'engagement avec l'administration des finances. Pour ce qui concerne le financement, l'Etat assume ses responsabilités d'année en année et y pourvoit. Je suis donc défavorable à cet amendement.

L'amendement 125, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Charles de Courson - Mon amendement 128, 2ème correction est essentiel car il pose le problème de l'utilisation par le Gouvernement de l'article 4 du règlement communautaire qui permet, tout en l'encadrant de manière stricte, la mise en place de la modulation. Je veux avertir le Gouvernement des trois erreurs de fond qu'il commet en suivant cette voie.

En premier lieu, et contrairement à ce que vous aviez laissé entendre lors du débat sur la loi d'orientation agricole, la France sera seule à l'utiliser en 2000 et le risque contentieux devant la CJCE s'en trouve renforcé car la modulation entraînera une perturbation des relations intracommunautaires.

J'en viens, ensuite, à vos objectifs, qui sont officiellement au nombre de deux. Vous prétendez d'abord freiner la concentration des terres, mais la modulation n'est pas le bon outil, car il y a la part non aidée de l'activité agricole qui, par définition, n'est pas concernée par la modulation des aides alors qu'elle est parfois majoritaire, comme pour la vigne. Votre deuxième objectif, de nature politique, est de faire payer les riches. Mais vous risquez d'aboutir au résultat exactement inverse. En effet, avec des marges brutes standards encadrées par l'article 4 du règlement communautaire, on définit une moyenne régionale qui recouvre des cas très divers si bien que l'on aboutit à un résultat exactement opposé à celui qu'on cherchait.

A titre d'exemple, dans mon département, 60 % du revenu agricole vient de la viticulture qui n'est absolument pas concernée par la modulation alors qu'elle enregistre des profits importants. Elle n'est pas modulée puisqu'elle vit sans aide. D'après les chiffres qui viennent de m'être communiqués et que vous annoncerez demain au CSO, 51 % des exploitations de mon département seront modulées. Il s'agit d'une véritable catastrophe économique pour les entreprises des secteurs les plus fragiles, avec un risque de perte de revenu de l'ordre de 25 %. On ne peut, en effet, établir aucune corrélation entre le montant des aides et le niveau des revenus tirés d'une activité : le montant moyen des aides à l'hectare pour la fécule de pomme de terre est de l'ordre de 5 000 F alors que le revenu moyen à l'hectare ne dépasse pas 1 200 F. La modulation ne frappe donc pas les plus hauts revenus.

Votre troisième erreur tient à la mise en cause des équilibres internationaux car la France, je le disais en introduction, sera seule à pratiquer la modulation.

M. Patrick Lemasle - Baratin !

M. Charles de Courson - Vous allez modifier complètement les choix économiques sur les assolements et l'exemple de la fécule est à cet égard typique. En deux ans, le marché s'effondrera de deux tiers.

Trois usines fermeront et vous laisserez trois mille personnes sur le carreau. Je vous aurai avertis !

M. le Président - Veuillez conclure, Monsieur le rapporteur.

M. Charles de Courson - Enfin, vous n'avez même pas besoin de ces sommes compte tenu des sommes que vous avez inscrites dans le budget 1999 et des retours communautaires.

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial - La commission des finances rejette cet amendement qui répond à l'intention politique d'empêcher la modulation des aides communautaires autorisée par la réforme de la PAC. Il se fonde de surcroît sur des prémisses fausses en assimilant la modulation à un impôt supplémentaire, ce qu'elle n'est en aucun cas. Enfin, cet amendement constitue une injonction au Gouvernement dans un domaine où il est seul compétent. La modulation est un mécanisme essentiel de la loi d'orientation agricole et du contrat territorial d'exploitation. Il ne saurait être question d'y renoncer.

M. le Ministre - Je comprends qu'il y ait des adversaires de la modulation mais leurs arguments me semblent contestables. Comme l'a dit Mme Marre, la modulation n'est pas un nouvel impôt. Elle vise à redistribuer des aides publiques.

D'autre part, s'il est vrai que la France sera seule à l'appliquer en 2000, d'autres pays tels que le Portugal, l'Italie, la Suède, le Royaume Uni étudient la question et l'exemple français sera vraisemblablement suivi.

Enfin, soyez assuré que le Gouvernement n'a pas pour ambition de fermer des usines et de provoquer du chômage dans des filières telles que la fécule de pomme de terre ou le tabac. Le système que je présenterai demain au CSO tient compte de ces situations particulières et, ainsi, la quasi-totalité des exploitations de fécule de pommes de terre seront exclues de la modulation, grâce aux critères que nous avons mis en place. Avis défavorable, donc.

M. le Président - Peut-être pourriez-vous, Monsieur Sauvadet, ne pas présenter un par un vos sous-amendements qui vont tous dans le même sens.

M. François Sauvadet - Monsieur le Président, depuis le début de cette discussion, vous faites des commentaires sur l'opportunité de nos amendements. Nous ne partageons pas les choix du Gouvernement sur ce sujet très important et nous entendons développer nos arguments. Ce n'est pas parce qu'il est deux heures et demie du matin que nous allons cesser le débat. Il doit se dérouler dans des conditions normales.

M. le Président - J'ai simplement indiqué que ces sous-amendements pouvaient être présentés ensemble.

M. François Sauvadet - Notre premier sous-amendement concerne les grandes cultures. Il y a un problème de fond. On ne peut pas évacuer d'un revers de main le risque de distorsion de concurrence en disant que d'autres pays vont s'engager dans la voie de la modulation : jusqu'à présent la France est bien la seule à le faire. Certains de nos collègues semblent dire que nous ne connaissons pas le sujet : mais j'étais récemment au congrès de la fédération des oléoprotéagineux, j'ai regardé les chiffres et M. le ministre, qui y assistait également, a reconnu que des problèmes pouvaient se poser à certaines filières dans certaines zones. Il y a un danger réel de désorganisation et pour les 60 ou 70 000 exploitations qui vont être modulées, les conséquences économiques ne seront pas négligeables.

Il ne faut pas confondre compensations économiques et revenus. Il y a eu des baisses des prix du marché et vous ne voulez les compenser ni par la productivité ni par la baisse des charges -mais peut-être le rapport de Mme Marre vous fera-t-il évoluer sur ce dernier point. Qu'il faille mettre un terme à la course à l'hectare, nous le disons tous, mais c'est le rôle d'une politique des structures. C'est le sens de mon sous-amendement 172.

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial - Ce sous-amendement a le même objet que l'amendement, à savoir éviter la mise en _uvre de la modulation. J'en propose le rejet.

M. le Ministre - En tant que conservateurs, il est normal que vous soyez opposés à un projet politique de redistribution des aides. C'est votre droit.

Mais dire qu'il s'agit d'instaurer un impôt est fallacieux. Les compensations sont de nature économique, je le sais parfaitement ; mais elles ont été conçues pour répondre à une baisse des prix survenue à un moment donné, non pour durer éternellement.

Quoi qu'il en soit tous ces sous-amendements sont contraires au règlement communautaire car celui-ci ne permet pas d'exclure un secteur de la modulation.

M. Christian Jacob - Monsieur le ministre, vous affirmez que nos propositions sont anti-communautaires et nos arguments fallacieux : acceptez donc que nous ne soyons pas d'accord avec vous !

Nous n'avons jamais dit que votre seule ambition était de faire disparaître des emplois, mais c'est un fait que votre politique aura des conséquences -on le voit déjà avec le recul des installations.

La modulation va ouvrir droit à des recours. En effet, on va utiliser des fonds communautaires pour créer une distorsion nationale au sein de l'Union européenne. C'est un comble qu'un ministre de l'agriculture propose des mesures qui diminueront la compétitivité de certains de nos secteurs agricoles par rapport à nos partenaires !

Comment vont-ils pouvoir faire face à cette situation ? Tout a déjà été fait pour diminuer les frais. Le seul moyen de s'en sortir, pour les exploitations touchées, c'est de s'agrandir. Je rappelle qu'il ne s'agit pas de très grosses exploitations : en Seine-et-Marne leur taille moyenne est de 115 hectares, beaucoup moins que dans la Meuse ! La modulation va donc faire disparaître les exploitations moyennes, ce qui va à l'inverse de ce que vous prétendez vouloir.

M. Joseph Parrenin - Ce débat est intéressant, mais il révèle bien l'état d'esprit de l'opposition : elle veut continuer à défendre ce que l'ensemble de l'opinion a condamné, c'est-à-dire la répartition très inéquitable de l'aide publique.

Je sais bien, Monsieur Jacob, que vous avez été syndicaliste, car vous aviez besoin de tous les agriculteurs, y compris des petits, pour leur faire jouer le rôle de mercenaires...

M. Christian Jacob - Question de représentativité, vous ne pouvez pas m'en remontrer !

M. Joseph Parrenin - ... mais aujourd'hui vous révélez vos véritables intentions. Cessez de défendre des privilèges alors que nous avons fait le choix de rétablir la justice dans le monde paysan !

M. Charles de Courson - Le débat est pipé. Nous essayons de vous exposer les réalités économiques, de vous démontrer que vous n'allez pas obtenir les résultats que vous escomptez en prélevant sur les aides aux «gros exploitants», car les gros ne sont pas là où vous croyez. Les gros, ce sont ceux qui ont des revenus élevés, et non pas ceux qui reçoivent des aides élevées ! Les viticulteurs, qui sont très aisés, ne sont pas concernés par votre réforme. Ceux qui paieront les pots cassés ne seront pas les gros.

Votre taux progressif va produire des effets pervers et aboutir à des aberrations.

Le sous-amendement 172, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Sauvadet - Je passerai rapidement en revue mes sous-amendements 173 à 187, mais sur certains secteurs j'aimerais des précisions. Mais d'abord, pourquoi nous reprocher des arguments fallacieux ? Vous exposez les vôtres, nous exposons les nôtres et nous aussi, nous voulons une agriculture présente sur tout le territoire. La dimension territoriale et sociale de l'agriculture est importante, sa vocation économique et exportatrice également.

En tout cas, la modulation est un mauvais système. Voyons les secteurs où les aides ne devraient pas être modulées : la fécule de pomme de terre, on l'a vu ; l'huile d'olive, si importante pour l'aménagement du territoire ; les légumineux à grain ; le chanvre que dans la Côte-d'Or ou l'Aube on sacrifiera alors qu'il est un facteur de diversification ; le lin, le ver à soie ; la banane qui a tant souffert ; les raisins secs ; le tabac pour lequel Monsieur Gengenwin vous le dirait, les aides représentent 80 % du produit, et 600 % de la rémunération. En touchant les aides, vous touchez directement le revenu. Mais votre erreur est de croire que les plus aidés ce sont «les gros». Sont concernés aussi les semences, le houblon qui, en Alsace et en Bourgogne nécessite des investissements lourds et se heurte à la concurrence américaine ; le riz, le lait et les produits laitiers ; la production ovine qui sera dans une situation absurde. Plus ses prix seront liés au marché, plus il y aura modulation. Et il ne s'agira pas de «gros», mais de petits éleveurs. La fédération nationale ovine met en garde contre les fermetures d'ateliers. J'en arrive à la viande bovine. Elle ne sera pas épargnée puisque dans la deuxième tranche que vous prévoyez de 6 % à 9 % des exploitations bovines seront frappées par la modulation. J'insiste encore sur la confusion que vous faites entre richesse présumée et aide compensatrice.

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial - Je ne reviens pas sur cet inventaire à la Prévert, plutôt confus puisqu'on y trouve le lait. Nous refusons ces sous-amendements qui empêcheraient de mettre en _uvre la politique que nous avons voulue.

M. le Ministre - Nous ne confondons pas les aides et la richesse, puisque les critères de modulation sont les aides, la marge brute standard et l'emploi.

Je retire le mot «fallacieux» s'il vous choque. Mais vous connaissez si bien le système que vous y introduisez le lait. Or il n'y a pas d'aide directe pour le lait. La banane ne sera pas concernée non plus, puisqu'on ne peut pas calculer la marge brute standard dans les DOM. Pas un élevage ovin ne sera touché. Vous inventez ! Vous semblez dire que par égalitarisme forcené, nous allons amputer les capacités économiques des agriculteurs. Prenons l'exemple du département de la Seine-et-Marne, celui de M. Jacob, où la modulation sera l'une des plus fortes. Aujourd'hui, le montant d'aide moyen est de 3,55 fois la moyenne nationale et de 5,6 fois plus pour les exploitations qui vont être soumises à la modulation. Une fois celle-ci opérée, ces chiffres deviendront 3,4 et 5,3. Quel drame épouvantable pour la Seine-et-Marne ! Mais grâce à cela, de petits agriculteurs, et notamment des éleveurs ovins qui n'ont pas d'aide directe, pourront signer un CTE. C'est cela notre projet politique !

M. Christian Jacob - Je regrette cette mise en cause de M. Sauvadet auquel le ministre a dit qu'il invente.

M. le Ministre - Monsieur Jacob, vous avez un quota de 600 000 litres de lait sur votre exploitation, vous ne recevez pas d'aide directe ?

M. Christian Jacob - Non. Mais puisque vous aimez citer mon exploitation, je dois vous dire que je la dois au travail de mes grands-parents, à celui de mes parents et au mien, et que cinq familles en tirent un revenu. Vous, Monsieur le ministre, qui avez été nommé préfet hors cadre grâce à 14 ans d'amitié mitterrandienne, combien d'emplois avez-vous créés ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

D'autre part, ne comparez pas la Seine-et-Marne, où 80 % de la production est en SCOP avec d'autres départements : cela ne veut rien dire ! Quand vous parlez de 5 % à 20 % de modulation, en fait l'incidence sera beaucoup plus élevée si l'aide représente 100 % ou plus du revenu. On l'a dit pour le tabac. Mais vous faites délibérément de la démagogie à propos de mon département.

M. Charles de Courson - L'important, tout le monde en conviendra, c'est moins l'avis des parlementaires que ce qui se passe sur le terrain. Lors de la conférence agricole, le président Guyau qui, chacun le reconnaîtra, n'est pas un excité, a dit des choses simples, demandant, par exemple, comment l'on pourrait expliquer aux agriculteurs français qu'ils reçoivent des aides modulées à partir de 66 hectares, alors que leur voisin allemand, fort de ses 666 hectares, n'est soumis à rien de ce genre ? Et tout cela se passe dans un marché commun ! La preuve est ainsi faite, ajoutait M. Guyau, des effets pervers de la modulation décidée par le ministre de l'agriculture, qui en a été averti. Or nous n'avons pas été écoutés, poursuivait-il, et il est grand temps de rectifier le tir.

Pour ce qui est maintenant de la fécule, vous avez reçu une multitude de courriers, qui démontrent à l'envi que loin d'être le fruit des cogitations des parlementaires, les problèmes que nous évoquons sont bien réels.

M. le Président - Vous avez déjà traité de la fécule. Je vous prie donc de vous en tenir là, et j'invite l'Assemblée à se prononcer sur les sous-amendements.

Le sous-amendement 173, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les sous-amendements 174 à 187.

L'amendement 128, 2ème correction, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - J'appelle les crédits inscrits au budget annexe des prestations sociales agricoles.

L'amendement 132 de M. de Courson à l'article 42 tombe.

Les crédits ouverts à l'article 42 et à l'article 43, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président - Nous avons terminé l'examen des crédits de l'agriculture, de la pêche et du BAPSA.

La suite de la discussion du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin, jeudi 18 novembre, à 11 heures.

La séance est levée à 3 heures 5.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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