N° 1778

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 6 juillet 1999.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE (1)
sur le RÉGIME ÉTUDIANT de SÉCURITÉ SOCIALE,

Président
M. ALAIN TOURRET,

Rapporteur
M. PHILIPPE NAUCHE,

Députés.

——

TOME I
RAPPORT

(1) Cette Commission est composée de : MM. Alain Tourret, président, Maxime Gremetz, vice-président, Jacques Heuclin, secrétaire, Philippe Nauche, rapporteur ; MM. Bernard Accoyer, André Angot, Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Bauemler, Bruno Bourg-Broc, Richard Cazenave, Marcel Dehoux, Jean-Michel Dubernard, Jean-Pierre Foucher, Jean-Louis Fousseret, Germain Gengenwin, Claude Goasguen, Joël Goyheneix, Hubert Grimault, Francis Hammel, Christian Kert, Pierre Lasbordes, Bruno Le Roux, Patrick Leroy, Yves Nicolin, Robert Pandraud, Mme Catherine Picard, MM. Jean Pontier, René Rouquet, Pascal Terrasse, André Vallini.

Economie sociale.

SOMMAIRE

INTRODUCTION 7

I. — RÉFLEXIONS SUR LE FONCTIONNEMENT DU RÉGIME ÉTUDIANT DE SÉCURITÉ SOCIALE 10

A. LA GESTION DU RÉGIME OBLIGATOIRE : LA QUESTION DES REMISES DE GESTION 11
1. Historique du système des remises de gestion 11
2. Les remises de gestion, une logique de rente ? 14
a) L’absence de comptabilité analytique 14
b) Remises de gestion et coûts réels de gestion 16
3. Une confusion des genres 18
a) La flambée des dépenses de communication 19
b) Une concurrence exacerbée 20
c) L’affilié " vache à lait " 21

B. LA GESTION DU RÉGIME COMPLÉMENTAIRE : LA PROBLÉMATIQUE DE LA DIVERSIFICATION 23
1. Une diversification inévitable 23
a) Les mutations du monde étudiant 23
b) Des pouvoirs publics incitateurs 25
c) Un champ de la mutualité ouvert 27
2. Une diversification incontrôlée 28
a) Des contrôles multiples 28
b) Des contrôles inopérants 29
3) Des dérives inévitables 32
a) Le maquis des structures de la MNEF 32
b) Une diversification critiquable et critiquée 35
c) Des étudiants absents 45

C. LA DÉFINITION D’UNE POLITIQUE MUTUALISTE ÉTUDIANTE : LES DIFFICULTÉS D’UN FONCTIONNEMENT DÉMOCRATIQUE 48
1. Des élections sans électeurs 48
a) La faiblesse de la participation 48
b) Elections ou cooptation 50
2. Les mutuelles étudiantes aux étudiants ? 54
a) Le président étudiant 55
b) Le conseil d’administration et le directeur général 56
c) Les sections locales mutualistes 58
d) La question du bénévolat, ou l’essence de l’éthique mutualiste 59

II. — UNE EXCEPTION FORTEMENT MENACÉE 62

A. LA COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE : UNE AMÉLIORATION DE LA COUVERTURE SOCIALE DES ETUDIANTS QU’IL FAUDRA GÉRER EN CONCURRENCE AVEC LES COMPAGNIES D’ASSURANCE ET LA CNAM 63
1. Un très faible taux d’assurance complémentaire, autonome, chez les étudiants 63
2. La réponse apportée par la CMU 64
3. Les étudiants boursiers et la CMU 66
4. La place des mutuelles d’étudiants dans la gestion du système 66
5. Le financement de la CMU dans les comptes des mutuelles étudiantes 68

B. LA TRANSPOSITION À LA MUTUALITÉ DES DIRECTIVES ASSURANCE 69
1. La participation des mutuelles étudiantes au service public de la sécurité sociale 70
a) Distinguer remises de gestion et aides d’Etat 70
b) Les actions de prévention du régime obligatoire 71
2. Le fonctionnement de l’assurance complémentaire maladie 71
a) La spécificité de l’action mutualiste 71
b) Le principe communautaire de la spécialité de l’activité d’assurance 73
c) Deux réponses possibles au principe de spécialité 76
d) Les réactions des principaux acteurs 77
3. Le fonctionnement interne des mutuelles 81
a) La transmission des portefeuilles et la réassurance 81
b) Le renforcement du contrôle 85
c) L’incontournable obligation de transparence comptable et fiscale 88

C. L’INFORMATISATION DE LA SANTÉ ET LES MUTUELLES ÉTUDIANTES 93
1. Une gestion informatique peu performante 93
2. Un coût de liquidation des prestations de plus en plus faible 96

III. — LE MAINTIEN DU RÉGIME ÉTUDIANT DE SÉCURITÉ SOCIALE PASSE PAR UNE ADAPTATION EN PROFONDEUR 98

A. FAUT-IL MAINTENIR LA DÉLÉGATION DE GESTION DE L’ASSURANCE MALADIE AUX MUTUELLES D’ETUDIANTS ET À QUELLES CONDITIONS ? 99
1. L’écart entre les charges réelles imputables à la gestion du régime obligatoire et les remises de gestion est à la source des dérives … 99
2. … mais un service spécifique, de proximité, pour l’assurance maladie des étudiants doit être maintenu … 101
3. … A condition de redéfinir les termes de la délégation du service de l’assurance sociale aux mutuelles d’étudiants. 101
a) Réformer le système d’affiliation des étudiants 101
b) Rémunérer des services rendus 104
c) Un pouvoir de contrôle et de sanction financière reconnu à la CNAM 106
d) Une extension contractuelle des missions de service public 107

B. FAIRE VIVRE L'ÉTHIQUE MUTUALISTE 107
1. Une charte pour la mutualité étudiante 107
2. L’assurance complémentaire du risque maladie : une activité à part entière 109
3. Les modalités d’intervention des mutuelles sœurs 110
a) Les activités en gestion directe 110
b) Les activités en partenariat 110
c) La création de filiales 111
4. La rénovation de la démocratie 111
a) Renforcer l’information des adhérents 112
b) Former et indemniser les élus étudiants 112
c) Encadrer les conditions de nomination du directeur général 114
d) Refonder la participation des étudiants aux élections et au processus décisionnel 114

C. RÉNOVER LES CONTRÔLES EXTERNES 116
1. Etendre le champ de compétence de la CCMIP 116
2. Mieux cibler les contrôles 116
3. Augmenter les pouvoirs de la CCMIP 117
4. Prévoir de nouvelles sanctions 118
5. Promouvoir une autorité de contrôle avec des moyens renforcés 119

CONCLUSION 121

EXPLICATIONS DE VOTE 131

Retour au sommaire général

Suite du rapport : annexes

 


MESDAMES, MESSIEURS,

Le 4 mars 1999, l’Assemblée nationale a adopté la proposition de résolution créant une commission d’enquête sur le régime étudiant de sécurité sociale.

Lors de sa réunion constitutive du 16 mars 1999 au cours de laquelle M. Philippe Nauche a été désigné rapporteur, il a été décidé après que M. Alain Tourret eut été nommé président, M. Maxime Gremetz, vice-président et M. Jacques Heuclin secrétaire, de laisser aux membres de l’opposition un poste de vice-président et un poste de secrétaire. Ces postes n’ont pas été pourvus. En conséquence, le président a décidé que les décisions qu’aurait à prendre la commission serait le fait de l’ensemble des membres de la commission.

Créée dans le contexte médiatique des " affaires de la MNEF ", la commission a, d’emblée, rappelé qu’il ne lui appartenait pas d’enquêter sur des faits soumis à la justice. Tout au long de ses travaux, elle n’a d’ailleurs jamais eu à connaître d’éléments ou d’événements délictueux, pas plus que ne lui a été opposée le déroulement des enquêtes judiciaires en cours. La commission a tenu à agir sans exclusive, considérant qu’il n’y avait lieu ni de s’en tenir aux informations de la presse, ni d’écarter les personnalités placées sous les feux de l’actualité.

Compte tenu des éléments en sa possession, la commission s’est donnée pour objectif d’identifier les problèmes qui aujourd’hui se posent à l’ensemble des mutuelles étudiantes, de mieux comprendre les mécanismes qui ont pu finalement aboutir aux dérives qu’a connues la MNEF, avant de s’interroger sur la place que peut encore occuper la mutualité étudiante dans un système mutualiste en pleine mutation.

La commission a procédé à 35 auditions, soucieuse de donner la parole à la fois à l’ensemble des acteurs directs du système mais aussi à ceux qui ont à connaître des problèmes du monde étudiant ou qui ont été amenés à réfléchir à l’avenir de la mutualité dans le contexte européen.

Elle a ainsi entendu les autorités de tutelle, notamment la ministre de l’Emploi et de la solidarité et le directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie, les représentants des différents corps de contrôle parmi lesquels le président de la Commission de contrôle des mutuelles, le chef de l’Inspection générale des affaires sociales, le président de la 6e chambre de la Cour des comptes, les responsables des trois mutuelles régionales étudiantes les plus importantes que sont la SMEREP, la MGEL et la SMENO, l’ancienne et l’actuelle équipe dirigeante de la MNEF, à savoir le président, le directeur général et les principaux membres du conseil d’administration, les dirigeants des associations et syndicats étudiants représentatifs. La commission a également recueilli le point de vue des responsables des différentes fédérations de mutuelles et a reçu l’ancien Premier ministre Michel Rocard chargé d’une mission sur la transposition des directives européennes au secteur mutualiste.

Elle a complété ses informations en entendant le directeur du CNOUS sur le problème du logement étudiant et le directeur de l’association des médecins de médecine préventive sur les questions de santé des étudiants. La commission a également mené ses travaux à partir d’un ensemble documentaire en grande partie composé par les contributions des corps de contrôle.

Deux points méritent d’être ici soulignés concernant la méthode de travail retenue par la commission et la collaboration des corps de contrôle aux travaux parlementaires.

De même que le programme des auditions a été élaboré en commun par l’ensemble des membres de la commission, chaque commissaire a été, à la demande du président, systématiquement destinataire des documents et éléments d’information qui sont parvenus au rapporteur.

La commission a reçu de la CNAM l’audit auquel celle-ci avait procédé en 1993 sur les coûts de gestion des sections locales mutualistes étudiantes et a obtenu, avec l’accord des ministres concernés, le rapport conjoint de l’IGAS et de l’IGF relatif au montant des remises de gestion de février 1999.

La commission a pu disposer du relevé d’observations provisoires établi par la Cour des comptes en juillet 1998 relatif à la situation de la MNEF de 1992 à 1996 et du rapport d’enquête approfondi de l’IGAS de mai 1999, qui lui ont été transmis par les actuels dirigeants de la MNEF.

Au cours de ses investigations, il est rapidement apparu à la commission que la question des remises de gestion accordées aux mutuelles étudiantes pour gérer par délégation le régime obligatoire d’assurance maladie maternité constituait le point de départ de la réflexion à mener sur l’organisation du régime de sécurité sociale étudiant et les missions de service public dévolus aux mutuelles étudiantes.

S’interroger sur la finalité des remises de gestion a conduit très logiquement la commission à distinguer la gestion du régime obligatoire des activités mutualistes développées par les mutuelles étudiantes et à passer de l’objectif de qualité de service rendu à l’affilié à celui de satisfaction des besoins des adhérents. La commission s’est donc intéressée au développement par les mutuelles étudiantes d’une stratégie de diversification en étudiant tout particulièrement le cas de la MNEF, parfait exemple de mise en place progressive d’un système qui se déploie en l’absence de tout contre-pouvoir interne et de tout contrôle externe efficace pour finir par ne servir que les intérêts d’une minorité.

Recentrer l’activité des mutuelles étudiantes sur leurs missions premières de prévention et d’éducation à la santé, rénover l’éthique mutualiste fondée sur la solidarité et la non sélection des risques, rétablir un fonctionnement plus démocratique des instances mutualistes, tels sont les trois axes privilégiés par la commission qui entend confirmer le rôle des mutuelles étudiantes au sein du système de protection sociale. Ce rôle doit cependant être mieux défini dans un contexte que viennent profondément modifier, d’une part, la transposition des directives européennes à venir, d’autre part, l’adoption du projet de loi créant la couverture maladie universelle (CMU).

A l’issue de ses travaux, la commission en retire la conviction de la nécessité d’une modernisation du Code de la mutualité, inchangé dans ses principes essentiels depuis plus de cinquante ans. Une telle mission ne relevait pas des objectifs de la commission qui, à travers l’étude du cas des mutuelles étudiantes, a seulement souhaité avancer certaines recommandations visant simplement à un meilleur fonctionnement et à un meilleur contrôle de leurs activités et reste persuadée du caractère inéluctable d’une réforme plus large du Code de la mutualité.

I. — RÉFLEXIONS SUR LE FONCTIONNEMENT DU RÉGIME ÉTUDIANT DE SÉCURITÉ SOCIALE

Les étudiants qui ne sont ni assurés sociaux, ni ayants droit d’assuré social bénéficient des prestations en nature de l’assurance maladie maternité du régime général jusqu’à l’âge de vingt-huit ans. Le régime de sécurité sociale des étudiants n’est pas un régime de sécurité sociale autonome bien qu’il en donne toutes les apparences. Il est en fait rattaché au régime général. L’ouverture des droits sur une période couvrant l’année universitaire (1er octobre – 30 septembre) est liée au versement d’une cotisation forfaitaire dont le montant fixé chaque année par arrêté ministériel est actuellement de 1 050 F.

La gestion de ce régime obligatoire est confiée par délégation des caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) aux sections locales mutualistes étudiantes (SLM) qui reçoivent pour cela des remises de gestion.

Actuellement, dix mutuelles régionales et la MNEF, seule mutuelle nationale, sont en concurrence pour accueillir les affiliés et gérer le service des prestations aux étudiants.

Gestionnaires du régime obligatoire, les mutuelles étudiantes proposent à leurs adhérents une couverture sociale complémentaire pour laquelle ceux-ci s’acquittent d’une cotisation d’un montant variable allant d’environ 300 F jusqu’à 3 000 F.

Ces deux activités étroitement imbriquées, qui sont effectuées dans les mêmes locaux, par le même personnel, répondent toutefois à des logiques différentes.

Mission de service public dans l’intérêt des affiliés d’un côté, contrat mutualiste passé entre les adhérents et leurs représentants de l’autre, chaque secteur pose des problèmes spécifiques. La gestion du montant des remises de gestion et de leur utilisation, la diversification des activités entreprises par les mutuelles sont directement liées à la crise que connaît la MNEF et pose plus généralement le problème du fonctionnement des mutuelles étudiantes et de leur contrôle.

A. LA GESTION DU RÉGIME OBLIGATOIRE : LA QUESTION DES REMISES DE GESTION

1. Historique du système des remises de gestion

Pendant près de quarante ans, de 1948 à 1985, les mutuelles étudiantes ont géré le régime obligatoire de l’assurance maladie-maternité par délégation de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) en percevant pour chaque affilié une remise de gestion dont le montant représentait 90 % de la cotisation payée par l’étudiant, soit environ 235 F en 1984. Ce dispositif qui présentait l’avantage de la simplicité avait néanmoins pour inconvénients majeurs d’être à la fois totalement dépendant de l’évolution du montant de la cotisation étudiante qui pouvait varier pour des raisons sans liens avec l’évolution des frais de gestion des mutuelles et fortement inflationniste puisque directement fonction du nombre d’étudiants affiliés.

La très forte augmentation de la population étudiante enregistrée à partir du milieu des années 1980 eut finalement raison de ce système par capitation. L’arrêté du 5 novembre 1985 s’inspirant de l’idée de budget global figeait pour chaque mutuelle étudiante le montant des remises de gestion perçues l’année précédente à partir duquel était calculé l’évolution de cette masse. L’objectif de cet arrêté était d’indexer l’augmentation annuelle des remises de gestion sur la progression des dépenses de gestion administrative des caisses d’assurance maladie et non plus sur l’évolution du montant de la cotisation sociale étudiante. La comparaison des coûts de gestion des caisses primaires d’assurance maladie et de ceux des mutuelles étudiantes était ainsi clairement posée. Le principe de l’uniformité était abandonné, le montant des remises de gestion variant désormais d’une mutuelle à l’autre. Pour autant, le système de 1985 fit long feu en raison de son extrême complexité, et ne fut correctement appliqué que pendant deux ans.

L’évolution du montant des remises de gestion résultait de l’application non seulement du taux d’évolution annuelle des dépenses des caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) mais aussi du taux d’activité de la mutuelle considérée. Ce dernier taux était obtenu en faisant la moyenne mathématique de l’évolution en pourcentage de trois éléments : l’augmentation du nombre des cellules actes, l’augmentation du nombre des remboursements, l’augmentation du montant des prestations. Quant à l’augmentation du nombre des affiliés, cette variable n’était pas prise en compte intégralement mais faisait l’objet d’un écrêtement. En figeant le niveau des remises de gestion, l’arrêté du 5 novembre 1985 avait introduit une différence de traitement importante entre la MNEF et les mutuelles régionales au détriment de ces dernières.

Comme l’a souligné M. Dominique Libault, sous-directeur du financement et de la gestion de la sécurité sociale, lors de son audition : " De 1989 à 1992, les effectifs de la MNEF ont crû de 31 %, ceux des mutuelles régionales de 60 %. Or le montant des remises de gestions, calculé globalement, augmentait de façon indifférencié par rapport au nombre d’étudiants. L’évolution aboutissait ainsi à un fort écart (…) entre la MNEF et les mutuelles régionales. Ainsi, en 1992, la MNEF percevait 334 F par étudiant et les autres mutuelles 216 F. " Cette distorsion a eu pour conséquence d’aggraver d’autant plus la situation financière des mutuelles régionales qu’elles enregistraient une augmentation du nombre de leurs affiliés. Comme l’a noté M. Jean-Luc Warsmann, député, ancien directeur de la MGEL : " Plus les étudiants nous choisissaient, plus nous nous enfoncions ; nous étions au bord de la faillite. "

Jugeant la situation fondamentalement inéquitable – la gestion d’un assuré à Nancy n’étant pas moins coûteuse que celle d’un assuré à Nanterre – les mutuelles régionales ont obtenu la modification du dispositif et l’adoption le 31 mars 1992 d’un arrêté, qui régit actuellement le système des remises de gestion. Il fixe les modalités générales et renvoie à une convention passée entre la CNAM et l’ensemble des mutuelles étudiantes la détermination du montant des remises de gestion pour une période pluriannuelle. L’arrêté du 31 mars 1992 retient trois éléments pour calculer le montant des remises de gestion : l’évolution des dépenses de fonctionnement des CPAM, les tâches accomplies par les mutuelles étudiantes pour gérer le régime obligatoire par rapport aux activités d’une CPAM, le coût d’évolution des effectifs de chaque mutuelle étudiante pondéré par l’effort de productivité. Deux conventions ont ainsi été conclues, la première portant sur la période 1993 à 1995, la seconde sur la période 1996 à 1998. A l’heure actuelle, la convention relative aux années 1999 à 2001 n’a toujours pas été signée. Le montant des remises de gestion n’est donc pas connu des mutuelles étudiantes qui n’ont pas manqué de dénoncer le caractère inconfortable de cette situation.

En plaçant les différents acteurs – CNAM et mutuelles étudiantes – dans une situation de négociation, l’arrêté du 31 mars 1992 n’a pas permis pour autant d’aboutir à une solution satisfaisante, ni de créer un contexte apaisé. En 1993, la CNAM fit procéder à un audit pour évaluer le niveau d’activité d’une caisse primaire d’assurance maladie et celui d’une mutuelle étudiante dans sa fonction de gestionnaire du régime obligatoire. Les conclusions de ce travail furent si fortement contestées que ce document ne put constituer une base de négociation à la fixation du montant des remises de gestion. Dans le même temps, l’inégalité de traitement entre la MNEF et les mutuelles régionales persistait. La revalorisation des remises de gestion s’effectuant sur la base du même taux, l’écart dans leur montant ne pouvait pas être réduit. Pour sortir de cette situation ressentie de plus en plus durement par les mutuelles régionales, le législateur est intervenu en 1994 en posant le principe de l’égalité du montant des remises de gestion accordées aux mutuelles étudiantes, l’article 75 de la loi du 18 janvier 1994 prévoyant que " le montant de la remise de gestion accordée (…) par étudiant affilié est (…) identique quel que soit l’organisme gestionnaire ". Cette harmonisation, en vigueur depuis 1995, s’est réalisée à la hausse pour les mutuelles régionales, après que la MNEF eut consenti une réduction de 5 millions de francs sur le montant total de ses remises de gestion.

Sur ce point, l’ensemble des représentants des mutuelles régionales auditionnés ont souligné que leur demande portait initialement sur une revalorisation substantielle du niveau des remises de gestion sans que cela signifie pour autant un alignement sur la valeur la plus haute accordée à la MNEF, répondant par là même à ceux qui considèrent ce niveau trop élevé. Comme l’a rappelé M. Christian Doubrère, directeur général de la SMEREP " Quand nous avons obtenu l’égalité de traitement (…) nous n’avions pas de revendication autre que cette égalité (…) Notamment nous n’avions pas de revendication sur le niveau de cette égalité ". En 1997, les mutuelles étudiantes ont perçu environ 500 millions de francs de remises de gestion pour gérer 2 milliards de prestations en nature d’assurance maladie en soins de ville.

Actuellement le montant des remises de gestion s’élève à 318 F par affilié. Ce niveau est considéré comme excessif par les responsables de la CNAM qui voient dans ce mécanisme une pure logique de rente, justifiant le retour dans le giron des CPAM de la gestion du régime d’assurance maladie obligatoire des étudiants. Le rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances de février 1999 préconise une baisse des remises de gestion dont le montant atteindrait 260 F. C’est dans ce contexte que se place la négociation de la prochaine convention pluriannuelle destinée à fixer pour la période 1999-2001 le montant des remises de gestion, la Cour des comptes dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 1998 ayant pour sa part constaté une " substantielle revalorisation des remises de gestion consenties aux mutuelles sans qu’aucun lien ne soit jamais établi avec les coûts de gestion réellement engagés ".

2. Les remises de gestion, une logique de rente ?

Entendu par la commission d’enquête, le directeur de la CNAM, M. Gilles Johanet est intervenu sans ambages : " Le montant des remises de gestion est fixé par l’Etat. Ce montant est non seulement uniforme mais il est surtout, point capital majeur qui pourrit la totalité du dispositif, déconnecté de la réalité des coûts de gestion et n’a pas à être justifié par les bénéficiaires de cette provende (…) Si nous passons, comme nous le demandons, au coût réel, et si nous abandonnons l’uniformité du montant des remises de gestion, nous changeons de logique. Nous passons à une logique du service rendu, nous quittons la logique de rente. " Cette prise de position du directeur de la CNAM sous-entend, à juste titre, que le montant global des remises de gestion versé aux mutuelles étudiantes doit être exclusivement destiné à couvrir les coûts de gestion du régime obligatoire d’assurance maladie-maternité. Cela nécessite, d’une part, que soit clairement distinguées les activités qui relèvent du régime de base de celles qui résultent du régime complémentaire, d’autre part, qu’une fois identifiés, les coûts de gestion du régime de base soient optimisés et donc ramenés au plus bas niveau possible.

a) L’absence de comptabilité analytique

Si ces objectifs ne sont pas contestés dans leur principe, la mise en place par les mutuelles étudiantes d’une comptabilité analytique n’est, en pratique, toujours pas réalisée en dépit de l’obligation qui leur avait été faite à deux reprises lors de la signature des conventions précitées, fixant le niveau des remises de gestion.

Cet échec, selon M. Gabriel Mignot, président de la 6e chambre de la Cour des comptes, tient notamment au refus des mutuelles étudiantes de justifier leurs dépenses tant il est vrai que la confusion des genres a longtemps été de mise entre les activités propres des mutuelles et leurs missions de service public.

Du côté des mutuelles étudiantes, ou non, les réactions sont diverses. Certains, comme M. Philippe Delemarre, secrétaire général de la Fédération nationale interprofessionnelles des mutuelles (FNIM), estime que les mutuelles étudiantes régionales qui n’ont pas mis en place la comptabilité analytique ont eu tort mais ne voit dans cette attitude qu’" une prise de conscience un peu tardive ". Pour M. Pierre-Yves Le Dœuff, délégué de la Mutualité étudiante régionale (MER), s’il est toujours possible de mieux définir les coûts, " il serait néanmoins irréaliste de prétendre que nous serions capables de distinguer très précisément dans nos comptes ce qui relève de la gestion du régime obligatoire et ce qui relève de la gestion du régime complémentaire. "

Le président de l’Union sociale des sociétés étudiantes mutualistes (USEM), M. Philippe Stoffel-Munck a, quant à lui, insisté sur les difficultés de mise en application en soulignant que, sur cette question de la comptabilité analytique comme sur bien d’autres dossiers d’importance, la mutualité étudiante avait été traitée par la CNAM comme la " cinquième roue du carrosse " et qu’après que cette dernière eut exprimé cette exigence " les opérateurs de la CNAM, ayant souvent autre chose à faire, ont peu à peu laissé filer ce dossier effectivement complexe. "

Les difficultés techniques de mise en place d’une comptabilité analytique ont d’ailleurs été soulevées à plusieurs reprises, comme a été souligné le fait que cette comptabilité pour être opérante devait s’accompagner de garanties sérieuses.

Malgré ces difficultés, les actuels président et directeur général de la MNEF, auditionnés par votre rapporteur, affirment vouloir mettre en place une comptabilité analytique dès la prochaine rentrée universitaire.

Selon M. Gabriel Mignot, l’obstacle à la mise en place d’une comptabilité analytique par les mutuelles étudiantes " a tenu au refus des mutuelles de justifier leurs dépenses [à la CNAM]. La CNAM a plusieurs fois demandé au ministre de tutelle une aide pour obtenir ces justifications et notamment la mise en place d’une comptabilité analytique, mais la tutelle n’est pas intervenue de façon suffisamment efficace pour que cela aboutisse. "

M. Alain Deniel a apporté les précisions suivantes : " Le problème d’une comptabilité permettant de déterminer de manière claire les coûts de gestion effectifs du régime obligatoire ne peut pas être résolu. En effet, l’opacité du système comptable général induit des difficultés pour appréhender les différents coûts intermédiaires. Par ailleurs, une comptabilité analytique suppose de résoudre des problèmes généraux de répartition et de coefficients de répartition, lesquels dans l’opacité actuelle de la comptabilité des organismes de sécurité sociale, ne peuvent pas être déterminés avec précision. "

M. Luc Machard a insisté sur ce dernier point et s’est montré plus réservé sur les améliorations à attendre d’une comptabilité analytique : " Créer une comptabilité analytique sans laisser la tutelle ou la Commission de contrôle, contrôler la manière dont sont établies les clés de répartition, c’est créer de l’opacité là où aujourd’hui il en existe un tout petit peu moins dès lors que l’on peut contrôler l’ensemble des comptes (…) Or comment contrôler les clés de répartition du temps de travail, des charges d’informatique, des charges d’affranchissement, par exemple. C’est impossible. Les clés seront donc arbitraires. "

Du côté de la tutelle exercée par le ministère de l’Emploi et de la solidarité, l’approche est comparable.

M. Raoul Briet, directeur de la sécurité sociale dans ce ministère a estimé devant la commission d’enquête que l’intégration des locaux, du personnel et des moyens techniques pose des " problèmes redoutables " et que " ces difficultés sont aggravées par l’absence, dans les organismes mutualistes, de plan comptable parfaitement adapté aux différentes opérations à retracer, par l’ancienneté de ce plan comptable et par le défaut fréquent d’éléments de comptabilité analytique fiables et sincères qui permettraient d’isoler les charges afférentes à la gestion du régime étudiant et celles relatives aux autres activités des mutuelles ". Il a lui aussi précisé qu’une comptabilité analytique rigoureuse ne dispenserait pas de " s’assurer que les clés de répartition des charges communes entre l’activité pour le compte du régime général et les autres activités des mutuelles sont sincères et établies rigoureusement. "

Consciente qu’une méthode comptable ne peut à elle seule prévenir toutes les dérives d’un système et que sa mise en place suppose de résoudre de nombreuses questions techniques, la commission d’enquête reste cependant convaincue que l’introduction de la comptabilité analytique constitue un élément de transparence et un progrès indéniable permettant de mieux distinguer les activités qui relèvent de la gestion du régime obligatoire, des activités purement mutualistes, à condition que les clés de répartition puissent être régulièrement évaluées en partenariat entre la CNAM et les mutuelles étudiantes.

Quoiqu’il en soit, l’heure n’est plus aujourd’hui à un débat de principe puisqu’en application des directives européennes sur l’assurance il ne sera plus désormais possible aux mutuelles étudiantes de se soustraire à la présentation analytique de leurs activités et de leurs comptes.

b) Remises de gestion et coûts réels de gestion

Une fois distinguées, sur le plan comptable, des activités liées au régime complémentaire, les missions de gestion du régime obligatoire de sécurité sociale doivent s’effectuer au moindre coût et en tout état de cause à un coût comparable à celui des caisses primaires d’assurance maladie. Cette comparaison des activités, outre qu’elle suscite des réactions de principe, n’est pas non plus facile à élaborer. Il est clair néanmoins que la gestion par les mutuelles étudiantes du régime de base de l’assurance maladie maternité ne peut se concevoir sans établir de lien entre les coûts de gestion des mutuelles étudiantes et ceux des caisses de sécurité sociale.

Plusieurs intervenants, entendus par la commission d’enquête, ont réfuté la comparaison avec les caisses primaires d’assurance maladie, craignant que cet exercice ne serve finalement à remettre en cause le maintien et la spécificité du régime étudiant de sécurité sociale.

Ainsi M. Salomon Botton, l’actuel directeur de cabinet de la direction générale de la MNEF a-t-il estimé : " A propos de la nécessité du maintien du régime étudiant de sécurité sociale, je dirai que ceux qui considèrent que les mutuelles étudiantes qui gèrent le régime de sécurité sociale effectuent le travail d’une caisse primaire se trompent lourdement et abordent le sujet d’une manière assez simpliste ". Ce point de vue a été développé tant par M. Jean-Marie Le Guen, député, ancien directeur-adjoint à la MNEF : " Les mutuelles étudiantes ne sont pas des caisses primaires d’assurance maladie : elles ont une délégation de service public, elles gèrent la sécurité sociale, mais ce sont des structures de droit privé qui agissent dans une logique et selon des pratiques qui ne sont pas celles d’une caisse primaire d’assurance maladie " que par l’ancien directeur général, M. Olivier Spithakis : " la MNEF n’est pas et ne s’est jamais considérée comme une caisse de sécurité sociale, et ne souhaite pas être jugée comme telle ".

En dépit de ces considérations, différentes études ou simulations ont été élaborées en vue de comparer les coûts de gestion des mutuelles étudiantes et ceux des caisses d’assurance maladie.

L’audit des sections locales mutualistes d’étudiants réalisé en 1993 par la CNAM estimait que, sur la base d’un ratio ayants droit / assuré de 0,61 pour les CPAM et de 0,0071 pour les familles d’étudiants, la charge de travail de gestion d’un " bénéficiaire actif " étudiant ne représentait que 61,3 % de celle d’un " bénéficiaire actif " relevant des CPAM. Sur la base de cette équivalence, un coût complet opposable avait été établi qui intégrait les charges administratives et les charges informatiques et donnait les résultats suivants :

û moyenne des 129 CPAM : 262,37 F

û groupe médian de 25 CPAM : 237,72 F

û 50 premières CPAM : 219,56 F

Il ressortait en conséquence de cette étude que les remises de gestion versées par la CNAM en 1993 étaient notoirement surévaluées dans leur ensemble et qu’après les mesures de " rattrapage " au titre des années 1989 à 1991, les mutuelles étudiantes recevaient en moyenne 23,6 % de plus que le coût moyen calculé pour les 129 CPAM, 36,4 % de plus que le coût moyen calculé pour le groupe médian et 47,7 % de plus que le coût moyen calculé pour les 50 premières CPAM.

Cet audit ayant provoqué les plus vives réactions de la part des mutuelles étudiantes est resté lettre morte.

Le rapport d’enquête établi en février 1999 par l’IGAS et l’IGF sur les remises de gestion allouées aux mutuelles étudiantes admet que la comparaison des coûts de gestion est délicate, d’une part, parce que l’étendue des activités est très différente, d’autre part, parce que la population concernée est également très différente. Ainsi, par exemple, les CPAM gèrent d’autres prestations que celles de l’assurance maladie-maternité mais le renouvellement annuel de l’affiliation pèse lourdement sur les mutuelles étudiantes. Au total, le rapport conclut qu’un niveau de remise de gestion de 260 F ou 270 F en intégrant les frais de communication, inférieur de 15 % à celui en vigueur, respecterait la réalité des charges tout en soulignant qu’il existe " une certaine ambiguïté dans la comparaison des coûts de gestion entre CPAM et mutuelles d’étudiants : d’un côté, sur la base des remises de gestion, le coût des mutuelles est présenté comme élevé par rapport au coût des CPAM pour souligner le caractère peu rationnel, économiquement, de la gestion du régime étudiant, de l’autre côté, la réalité des coûts des mutuelles étudiantes est jugée probablement inférieure au niveau des remises de gestion pour appeler une baisse du niveau de ces remises. Il convient donc d’apprécier au mieux la réalité de ces coûts, mais aussi leur légitimité, au regard du service offert aux étudiants et aux acteurs du système de santé ".

En distinguant la réalité des coûts de la légitimité des coûts, l’IGAS et l’IGF soulèvent plus largement le problème de l’utilisation de ces remises de gestion à d’autres fins que celles de pure gestion d’un régime de sécurité sociale.

Si l’on considère, sans pouvoir l’évaluer avec exactitude, que le montant des remises de gestion excède le montant des coûts de gestion et que cette mission de service public est par ailleurs exercée par des mutuelles qui ont en même temps une activité privée de mutuelles complémentaires, il est indéniable que le système a conduit à une confusion des genres et qu’il a été amplifié par le régime de concurrence et d’affiliation mis en place.

3. Une confusion des genres

La difficulté à distinguer les coûts réels de gestion du régime obligatoire et du régime complémentaire témoigne de l’imbrication des deux activités. Cette situation a été critiquée par M. Denis Kessler, président de la Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA) qui considère que la réalisation par un même organisme de ces deux types d’opérations constitue une distorsion de concurrence ainsi qu’une source de confusion : " d’où viennent les fonds qui financent les opérations marchandes, dans quel cadre, sous quel contrôle ? ". Sous l’effet combiné du versement de remises de gestion d’un montant supérieur aux coûts de gestion, de la mise en concurrence des mutuelles étudiantes gérant le régime obligatoire et de la dualité de leurs activités, la confusion des genres n’a fait que s’aggraver, entraînant les mutuelles étudiantes à dépenser plus que de raison pour s’attirer des affiliés générateurs de recettes.

a) La flambée des dépenses de communication

Dès 1993, l’audit réalisé par la CNAM soulignait le coût, qualifié de spectaculaire, des dépenses de communication des mutuelles étudiantes estimé dix fois supérieur à celui observé pour les 128 CPAM et jusqu’à treize fois supérieur à celui de la moyenne des 50 premières CPAM.

La CNAM s’indignait de ce gaspillage de moyens résultant de la concurrence à laquelle se livraient les mutuelles dans le but d’accroître le nombre de leurs affiliés. Cette situation a été soulignée également par le rapport précité de l’IGAS et de l’IGF qui s’inquiète du montant atteint par les budgets de communication.

Le rapport qui juge ces dépenses disproportionnées indique qu’en 1996-1997 elles atteignaient 51,3 millions de francs pour la MNEF, 4,7 millions de francs pour la SMEREP, 7,8 millions de francs pour la MGEL, 5 millions de francs pour la SMESO … et conclut en disant que l’emploi de ces sommes ne peut être légitimement imputé au seul régime obligatoire et que la logique commerciale à laquelle répond aussi cette utilisation apparaît elle-même parfois très éloignée des missions des mutuelles.

Le rapport relève notamment des partenariats entre Mac Donald’s et la MNEF, la MGEL, la SMESO ou la SMERA.

La Cour des comptes a également relevé dans ses observations provisoires de juillet 1998 (1) la progression de 40 % des dépenses de communication de la MNEF entre 1993 et 1996, évolution qui s’explique surtout par le développement des partenariats et des relations publiques et l’augmentation du budget des dons et cadeaux.

Déplorant ce " phénomène pathologique ", M. Philippe Stoffel-Munck, président de l’USEM, a indiqué que l’an dernier une charte de bonne conduite avait été conclue et respectée entre la MNEF et la mutuelle étudiante régionale de la région lyonnaise afin d’éliminer les dérapages.

M. Vincent Béguin, président de la MGEL, a précisé que le budget global de communication de sa mutuelle représentait un peu moins de 10 % du budget global, soit 7 millions de francs sur 73 millions de francs et que seulement 1,3 million de francs était consacré stricto sensu à des dépenses de communication engagées au moment de la rentrée universitaire pour attirer les étudiants. Intervenant sur ce sujet, M. Pierre-Yves Le Dœuff, délégué national de la Mutualité étudiante régionale (MER), a tenu à souligner l’écart existant entre la MNEF consacrant environ 70 F par assuré en dépenses de communication contre environ 40 F pour les mutuelles régionales.

Quand bien même cet écart serait confirmé, il ne fait pas disparaître pour autant le caractère préoccupant de cette évolution. Comme l’a justement fait remarquer l’ancien trésorier de la MNEF, M. Matthieu Séguéla, il est difficile de justifier une telle concurrence alors que l’affiliation est obligatoire et qu’il serait surtout prioritaire de lutter contre le phénomène de démutualisation qui frappe les mutuelles étudiantes.

b) Une concurrence exacerbée

En 1948, au moment de l’adoption de la loi consacrant la spécificité du régime étudiant, deux mutuelles ont été créées, la mutuelle nationale des étudiants de France (MNEF) et la mutuelle générale des étudiants de Lorraine (MGEL).

Pendant plus de vingt ans, la situation a été celle d’un monopole de la MNEF partout en France sauf en Lorraine où la MGEL était implantée. Dans les années 1970, la situation a évolué à la demande des pouvoirs publics et neuf mutuelles régionales se sont créées qui ont reçu l’agrément de gestion du régime obligatoire.

Ce système de concurrence délibérément organisé a eu les classiques effets bénéfiques de dynamisation et d’amélioration de la qualité de service rendu mais très rapidement, cette situation, outre qu’elle a entraîné des dépenses de communication très élevées a été exacerbée par les spécificités du monde étudiant. Comme l’a souligné M. Olivier Spithakis devant la commission d’enquête. " Nous sommes confrontés à une situation de concurrence quasi-unique dans le système de sécurité sociale accentuée de surcroît par le taux de renouvellement de ses représentants et de ses affiliés qui est le plus élevé de France. Il s’agit du seul régime qui affronte une situation concurrentielle et qui renouvelle chaque année l’ensemble de ses affiliés. En votant la loi de 1948, le législateur n’a pas cru bon de préciser qu’un étudiant qui a choisi un centre de gestion doit y rester pour toute la durée de ses études. Cette concurrence, en matière de sécurité sociale, n’est pas un choix et, de ce point de vue, il ne serait pas raisonnable de comparer le fonctionnement de la MNEF ou des SMER à celui de la CNAM ou des mutuelles de fonctionnaires. "

A l’heure actuelle, le régime se fait concurrence à lui-même au prix, selon M. Luc Machard, conseiller à la Cour des comptes, d’une progression de 60 % sur trois ou quatre ans de certaines charges financées par les remises de gestion. Dans ces conditions, comment ne pas s’interroger sur l’usage de ces remises de gestion si elles doivent en grande partie être utilisées à financer la concurrence que se livrent entre elles les mutuelles. Comme l’a reconnu M. Jean-Marie Le Guen, " cette concurrence telle qu’elle se présente aujourd’hui est un peu folle " et il est quelque peu aberrant de dépenser des sommes aussi importantes pour proposer un produit public et par définition unique. Comme l’a également souligné Mme Karine Delpas, la présidente de l’UNEF SE : " Il n’est pas bon que les mutuelles se mettent en concurrence sur un régime (…) qui servira les mêmes prestations quel que soit le choix des étudiants. (…) En même temps si les mutuelles dépensent autant pour avoir des affiliés, c’est parce qu’ils représentent leur principale source de financement : c’est là que se situe le principal problème ! Aujourd’hui, les mutuelles devraient avoir des moyens pour exister en dehors des remises de gestion accordées par le régime général de sécurité sociale. " Toute la question réside effectivement dans l’utilisation rendue possible à d’autres fins du montant de ces remises de gestion.

c) L’affilié " vache à lait "

Les ressources des mutuelles étudiantes étant constituées par les remises de gestion versées par affilié et les cotisations complémentaires des adhérents, le phénomène de démutualisation a fait de l’affilié un personnage très recherché des mutuelles étudiantes.

La Cour des comptes constate dans ses observations provisoires en juillet 1998 sur la MNEF que le poids relatif des cotisations des adhérents diminue et passe de 47,36 % en 1992 à 42, 75 % en 1996 alors que celui des remises de gestion augmente et représente 52 % en 1996 contre 47 % en 1992.

La facilité avec laquelle chaque année l’étudiant peut changer de mutuelle en cochant simplement une case dans un dossier d’inscription fait de l’affilié un véritable " produit d’appel ", une source de financement pour les mutuelles étudiantes. cette recherche de l’affilié est d’autant plus vitale que s’accentue le phénomène de démutualisation des étudiants.

La démutualisation, soulignée dans le rapport de la Cour des comptes, n’a pas manqué d’inquiéter la plupart des intervenants devant la commission qui ont avancé différentes explications. Le président de la Fédération de la mutualité française (FMF), M. Jean-Pierre Davant, explique ce faible taux de mutualisation – 400 000 étudiants sur 2,2 millions – à la fois par le montant trop élevé des cotisations et l’attitude des mutuelles parties " à la pêche à l’inscription " avec des arguments purement commerciaux qui n’ont plus rien de mutualistes. M. Jean-Marie Le Guen a souligné que les mutuelles proposaient en matière d’assurance complémentaire des tarifs et des niveaux de remboursement assez proches de la logique assurancielle, qui ne font plus apparaître la spécificité et l’intérêt de l’engagement mutualiste.

Compte tenu des tarifs indiqués par les mutuelles allant de 300 à 500 à plus de 3 000 F, la moyenne se situant autour de 1 000 F, il n’est guère étonnant de constater une réelle désaffection pour les mutuelles étudiantes et une mutualisation dans d’autres mutuelles, mutuelles parentales notamment.

En conséquence, faute d’un niveau très satisfaisant de cotisations, et en l’absence de toute gestion et de toute comptabilité séparées, l’excédent des remises de gestion est utilisé à des fins sans liens avec la gestion du régime obligatoire. Cette situation ne choque guère les nouveaux administrateurs de la MNEF et notamment la trésorière Mme Anne-Charlotte Keller qui a déclaré que la mise en place d’" une comptabilité analytique qui séparerait complètement et a priori l’utilisation des remises de gestion d’une part et d’autre part l’argent des cotisations reviendrait à diviser les étudiants en deux catégories alors que ce qui fait le fondement (…) de la MNEF (…) c’est une conception globale du statut social étudiant ", soutenue en cela par le président Pouria Amirshahi qui a tout simplement considéré que la " remise de gestion (…) appartient, une fois dans la caisse de la MNEF, aux adhérents de la MNEF et à personne d’autre ".

Il est difficile d’adhérer à cette conception fusionnelle et généreuse. En effet, si les remises de gestion ne doivent pas exclusivement servir à financer des tâches purement techniques de gestion et doivent aussi permettre la réalisation d’actions de prévention à destination de tous les étudiants, il n’est pas sain qu’elles soient utilisées soit de façon vaine à des dépenses de communication, soit de façon inappropriée à satisfaire des besoins même légitimes qui ne seraient que ceux des adhérents mutualistes.

En conclusion, du point de vue des principes, les remises de gestion doivent servir largement mais exclusivement à la gestion du régime obligatoire, et il conviendrait de réfléchir, dans un cadre contractuel négocié cas par cas avec chacune des mutuelles étudiantes, à la réalisation d’objectifs quantitatifs et qualitatifs visant d’une part à diminuer les coûts de gestion, d’autre part à améliorer la mission de service public que constitue cette gestion du régime et les tâches de santé publique s’y rattachant.

B. LA GESTION DU RÉGIME COMPLÉMENTAIRE : LA PROBLÉMATIQUE DE LA DIVERSIFICATION

La très forte progression, dans les années 1980, du nombre des étudiants a fait que cette population jusqu’alors socialement à peu près homogène a accueilli, du fait de sa démocratisation, un nombre croissant d’étudiants ayant à surmonter des difficultés financières, matérielles, psychologiques ou de santé.

Parallèlement les besoins exprimés par les étudiants se modifiaient pour concerner des domaines extra-scolaires touchant plus généralement à leur environnement et leurs conditions de vie, tandis que les pouvoirs publics cherchaient auprès des mutuelles un relais pour développer leurs actions. Dans ce contexte les mutuelles étudiantes ont développé une stratégie de diversification destinée à satisfaire les nouvelles demandes de leurs adhérents.

Facilitée par un environnement juridique moins contraignant que celui dans lequel évoluent les sociétés ayant d’autres statuts, cette diversification qui s’est réalisée principalement par le biais de création de filiales ou de prises de participation a rapidement atteint ses limites avant de connaître des dérives que des procédures de contrôle peu adaptées ont mis en évidence avec retard.

1. Une diversification inévitable

a) Les mutations du monde étudiant

En une vingtaine d’années, de 1975 à 1995, le nombre des étudiants a plus que doublé passant de 980 000 à 2 200 000. Actuellement la situation n’évolue plus et on enregistre même une légère décrue. Cette forte augmentation s’est traduite par la multiplication des équipements universitaires. En France toute ville de plus de 100 000 habitants est devenue une ville universitaire. Les étudiants constituent donc aujourd’hui une population spécifique dont les besoins ont changé et se sont multipliés.

La santé des étudiants préoccupe très fortement les responsables des mutuelles étudiantes qui décrivent une population à la fois insouciante de sa santé, ce qui explique en partie le faible taux de mutualisation, et en même temps composée dans des proportions non négligeables de personnes angoissées et souffrant de troubles psychologiques mal pris en compte et mal remboursés. Pour M. Vincent Beguin, président de la MGEL, le mauvais état de santé de la population étudiante a conduit les mutuelles à ne plus se contenter d’assurer la gestion du système d’assurance maladie et les a incitées à développer un ensemble de services destinés à aider les étudiants à mieux vivre dans la société.

La SMEREP a développé des partenariats en décidant de travailler avec des associations ou des organismes tels que la Croix Rouge ou l’Office Santé Jeunes. Elle a récemment recentré sa diversification sur la santé en reprenant la gestion du centre de soins de la caisse d’allocations familiales de la rue Viala à Paris.

En matière de santé, la MNEF a privilégié une approche plus ciblée avec la création de neuf Maisons des Jeunes et de la Santé réunies en association, ces centres de santé polyvalents sont ouverts aux étudiants et à tous les jeunes en difficulté.

Pour préoccupant qu’il soit, notamment s’agissant du problème du remboursement des consultations psychiatriques limité à dix séances, l’état de santé des étudiants doit être replacé dans un contexte plus général pour être apprécié comparativement à sa juste valeur. Comme l’a exposé M. Michel Zorman, président de l’Association des médecins directeurs de médecine préventive universitaire, les étudiants connaissent avant tout les problèmes de leur âge et parmi les jeunes de cette tranche d’âge restent ceux qui vont le mieux et de très loin. Evoquant une étude menée auprès de 1 200 étudiants afin de savoir s’ils avaient les moyens de se soigner lorsque des médicaments ou examens avaient été prescrits, M. Michel Zorman a indiqué que " seuls 20 % des étudiants n’ont pas suivi les recommandations du médecin, dont 15 % pour des raisons financières. Parmi ces 15 %, 2 % des étudiants étaient dans une situation extrêmement précaire, les autres 13 % dans une situation financière tendue – leurs moyens étaient limités, et devant faire des choix, ils préféraient ne pas renoncer à leur mode de vie plutôt que de payer le ticket modérateur. Quoi qu’il en soit, l’accès aux soins n’est pas, pour eux, un problème. "

Par conséquent, même s’il s’agit d’une question importante, la santé ne constitue pas pour les étudiants le domaine dans lequel se sont exprimés leurs nouveaux besoins. Ceux-ci sont apparus essentiellement en matière de logement, de tourisme ou de culture, d’assurance … Aujourd’hui, les étudiants qui cherchent à se loger ne veulent plus l’être dans les conditions d’il y a vingt-cinq ans et demandent des surfaces minimum plus élevées – 15 à 20 m2 au lieu de 8 à 9 m2 – des immeubles de plus petite taille qui ne soient plus isolés sur un campus, etc.

Pour M. Daniel Vitry, directeur du CNOUS, le logement social pose un énorme problème de coût puisqu’il faudrait 5 milliards de francs pour rénover 80 000 lits sur les 148 000 existants et qu’il manque 15 à 20 000 lits dont les trois quarts en Ile-de-France où la situation est décrite comme catastrophique.

Il n’est pas surprenant dans ces conditions que les mutuelles étudiantes aient diversifié leurs activités dans ce domaine pour proposer à leurs adhérents des logements dans des conditions plus avantageuses que celles du marché.

De proche en proche, le champ d’intervention des mutuelles s’est élargi, s’étendant du logement, au cadre de vie et au bien être étudiant en général. Les mutuelles étudiantes se sont alors lancées dans des activités d’assurance et de voyages. Comme l’a rappelé au cours de son audition le député Jean-Luc Warsmann, ancien directeur de la MGEL : " Chez nous, dans l’Est, la chute du mur de Berlin a entraîné un développement massif d’une nouvelle forme de voyage étudiant, les voyages en bus. Ce n’était pas cher, le week-end à Prague ou dans un pays de l’Est coûtait de l’ordre de 400 F. Ce sont des milliers, des dizaines de milliers d’étudiants qui, dans les mois qui ont suivi, ont fait ces voyages à l’Est. Dans un esprit de partenariat que la mutuelle entretient avec divers organismes, des démarches ont été entreprises avec des associations spécialisées dans ce domaine. Là encore, nous sommes à la limite de la légalité parce que l’acte de vendre du voyage est une profession réglementée. Il faut être agent de voyage, avoir un personnel qui ait une certaine ancienneté et une compétence professionnelle, qui puisse être agréé dans chaque lieu où vous faites du voyage. C’est la démarche qui a conduit à la logique d’agence de voyages qui offre des garanties au consommateur. "

La diversification dans des domaines où les professions sont réglementées a entraîné inéluctablement un phénomène de " filialisation " ou des prises de participation dans des sociétés purement commerciales. Cette stratégie a été rendue possible par l’attitude des pouvoirs publics qui ne se sont jamais, bien au contraire, élevés contre cette extension du champ d’intervention des mutuelles étudiantes.

b) Des pouvoirs publics incitateurs

Dans les années 1990, l’attitude des différents gouvernements confiant aux mutuelles étudiantes des tâches qu’ils ne s’estimaient pas en mesure d’accomplir, a été soulignée par de nombreux intervenants.

M. Philippe Evanno, secrétaire général de l’UNI, a même précisé que son syndicat, longtemps peu favorable au maintien d’un régime étudiant de sécurité sociale, avait changé de point de vue lorsque face au désengagement des pouvoirs publics, les mutuelles étudiantes " semblaient être capables de lancer des opérations dans toute une série de domaines importants pour les étudiants, notamment celui de l’emploi. "

Très sévèrement critiquée par le dernier rapport de l’IGAS pour sa politique de diversification (2), la MNEF s’est défendue par la voix de son ancien directeur général, M. Olivier Spithakis qui, devant la commission, a rappelé que cette stratégie de diversification s’était réalisée de façon publique et qu’elle fut même encouragée par les pouvoirs publics. Dans une note, communiquée à la commission, M. Olivier Spithakis, en réponse à une demande de la Cour des comptes, a dressé la liste des opérations dans lesquelles s’était engagée la MNEF à la demande des pouvoirs publics.

Cette collaboration de la MNEF avec les pouvoirs publics a pris des formes variées. Dans le cadre de la réflexion lancée par M. Michel Rocard, alors Premier ministre, sur le droit au prêt pour tous les étudiants, la MNEF a participé au Comité interministériel chargé de cette question, elle a également été associée par M. Lionel Jospin, ministre de l’Education, à l’élaboration du plan Universités 2000. M. Olivier Spithakis a par ailleurs été successivement nommé par Mme Edith Cresson, alors Premier ministre, dans le GEM Education pour travailler sur les conditions de vie des étudiants et par M. François Fillon alors ministre des universités, dans la Commission Laurent qui s’est prononcée sur les évolutions souhaitables en matière universitaire. La MNEF a également été associée par le Premier ministre Edouard Balladur à l’élaboration des mesures concernant les jeunes et notamment la création des maisons de jeunes et de la santé. L’Etat ayant d’autre part souhaité que la totalité du capital de Carte Jeunes SA ne soit pas seulement composé du secteur privé à but lucratif, la MNEF est entrée dans son capital.

Ces différents exemples ne justifient en rien les décisions prises par l’équipe dirigeante de la MNEF mais témoignent simplement du fait que les pouvoirs publics ne trouvaient pas illégitime qu’une mutuelle étudiante puisse intervenir et être entendue dans des domaines et sur des sujets plus vastes que celui de la santé.

En revanche en janvier 1994, la Commission de contrôle des mutuelles, après avoir constaté le redressement financier encore fragile de la MNEF, a formulé certaines recommandations touchant à la politique de diversification des activités de la MNEF qui lui paraissait devoir être maîtrisée. A ce sujet, la Commission précise : " le projet de création d’une Union d’économie sociale (UES) fédérant cet ensemble d’activités externes peut constituer une réponse appropriée " avant d’ajouter " la MNEF doit prêter une plus grande attention à l’opportunité de ses voies de diversification … afin d’éviter la confusion des organisations ou la trop grande dispersion des initiatives. "

Loin d’avoir les effets escomptés, la création d’une UES n’a, en réalité, fait qu’accroître l’opacité, rendant les contrôles plus délicats, ainsi que l’a souligné M. Christian Rollet, chef de l’IGAS : " C’est une réponse sans doute opportune, mais qui ne fait que compliquer les choses parce que nous, nous avons trouvé un écran supplémentaire. Maintenant, on voit bien l’union d’économie sociale mais l’on ne sait plus ce qu’il y a derrière. A la limite, c’est encore pire en termes de connaissance de la situation d’avoir un écran supplémentaire, mais on peut dire, formellement, que cela répondait à une recommandation du rapport de 1994 ! " Sous cet artifice juridique, la MNEF a poursuivi la diversification de ses activités tout en restant en conformité avec le large objet social des mutuelles défini par le Code.

c) Un champ de la mutualité ouvert

L’article L. 111-1 du Code de la mutualité définit très largement l’objet social des mutuelles.

Les mutuelles sont des groupements à but non lucratif qui, essentiellement, au moyen de cotisations de leurs membres, se proposent de mener, dans l’intérêt de ceux-ci ou de leur famille, une action de prévoyance, de solidarité et d’entraide en vue d’assurer notamment :

1° la prévention des risques sociaux liés à la personne et la réparation de leurs conséquences ;

2° l’encouragement de la maternité et la protection de l’enfance, de la famille, des personnes âgées ou handicapées ;

3° le développement culturel, moral, intellectuel et physique de leurs membres et l’amélioration de leurs conditions de vie. "

C’est sur cette base, et notamment sur le dernier alinéa de cet article, que les mutuelles étudiantes se sont fondées pour opérer la diversification de leurs activités en vue d’améliorer les conditions de vie des étudiants. Il faut bien admettre que la généralité de cette disposition fait rentrer dans le champ légal d’intervention des mutuelles les activités les plus diverses et qu’à ce titre, on peut considérer que l’obtention de places de cinéma à prix réduit contribue autant à l’amélioration des conditions de vie que la réalisation de campagnes de prévention contre les maladies sexuellement transmissibles. C’est donc à un problème d’interprétation que l’on se trouve confronté, car si les conditions de vie se sont fort heureusement améliorées pour l’ensemble de la société française depuis le lendemain de la guerre, cette notion ne doit pas être retenue abusivement pour justifier systématiquement l’intervention des mutuelles étudiantes. Il convient en s’adaptant aux exigences actuelles de la qualité de la vie de respecter l’esprit dans lequel le législateur est intervenu, il y a maintenant plus de cinquante ans, en 1945.

Plutôt que d’invoquer l’existence de l’article L. 111-1 du Code de la mutualité comme une justification imparable, il convient surtout de savoir si les actions de diversification entreprises par des biais juridiques divers s’inscrivent bien dans l’éthique mutualiste et en respectent les principes de solidarité, de non-sélection des risques et d’intérêt général des adhérents. Examinée sous cet angle, l’utilité pour la MNEF de prendre des participations dans une société détenant un bateau de croisière sur lequel le directeur général choisit d’organiser des colloques ou de passer ses vacances même à ses frais, s’apprécie très différemment.

Il n’est pas question de considérer que les activités annexes des mutuelles étudiantes ne contribuent pas directement ou indirectement à une amélioration générale des conditions de vie et donc de la santé des étudiants, néanmoins, comme l’a très justement fait ressortir le directeur de la CNAM, M. Gilles Johanet : " Là où nous commençons à percevoir, dans leur propre logique, une petite faille, c’est quand la conception de l’amélioration de l’état de la santé des étudiants va jusqu’à payer des places de cinéma. Je me réfère à la définition de l’OMS qui vise l’état complet de bien-être ; je ne pense pas que l’action publique soit de poursuivre pour chacun l’atteinte de l’état de béatitude ! Même si des films peuvent y contribuer, il y a des limites à poser. "

2. Une diversification incontrôlée

a) Des contrôles multiples

Les mutuelles étudiantes font l’objet de plusieurs types de contrôles de la part de différentes institutions qui interviennent indépendamment les unes des autres, dans un certain désordre.

La Cour des comptes est compétente pour contrôler les institutions qui gèrent les régimes légaux obligatoires de sécurité sociale et par conséquent les mutuelles étudiantes chargées de cette gestion par délégation. Le champ d’intervention de la Cour des comptes ne concerne que le régime obligatoire mais, en l’absence de comptabilité analytique ou séparée distinguant la gestion du régime obligatoire de celle du régime complémentaire, la Cour est amenée de ce fait à contrôler l’ensemble des opérations.

En septembre 1998 dans son rapport relatif à la loi de financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes a consacré un chapitre à la situation générale des mutuelles étudiantes dans lequel elle a relevé une série de dysfonctionnements – non respect de certaines dispositions, lourdeur de la procédure d’agrément, etc. – avant d’examiner plus en détail les formes de la diversification des activités de la MNEF.

Celle-ci, comme d’autres mutuelles étudiantes, a plus spécifiquement fait l’objet d’une deuxième procédure de contrôle de la Cour sous forme d’observations provisoires qui, après avoir reçu les réponses des intéressés, deviendront définitives. Des éléments issus de ces premières observations ont été transmis au Parquet.

Les activités du régime complémentaire, en vertu de la loi du 31 décembre 1989, sont contrôlées par des autorités administratives indépendantes. La Commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance (CCMIP) intervient pour les mutuelles dont les ressources sont supérieures à 150 millions de francs ou lorsque celles-ci sont amenées à constituer une caisse autonome mutuelle. Les mutuelles de plus petite taille relèvent des préfets de région qui détiennent en la matière un pouvoir propre sans lien hiérarchique avec la CCMIP. La CCMIP est composée de cinq membres nommés pour six ans. Elle est présidée par un membre du Conseil d’Etat et son secrétaire général est le chef de l’IGAS. Les contrôles de la commission comme ceux des préfets portent sur la régularité du fonctionnement institutionnel des mutuelles et sur le respect des règles prudentielles.

Enfin, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) intervient à la fois pour ce qui concerne le régime obligatoire sur saisine ministérielle
– deux rapports concernant les remises de gestion ont été réalisés dans ce cadre en 1996 et 1999 – et pour ce qui relève du régime complémentaire sur saisine de la Commission de contrôle des mutuelles. Les mutuelles étudiantes de taille modeste ont, depuis 1994, fait l’objet sur saisine des préfets de région de nombreux rapports établis par les DRASS dont certains concernent des mutuelles très proches de la MNEF, comme la Mutuelle universitaire du logement (MUL), la Mutuelle interprofessionnelle (MIF), la Mutuelle interjeunes (MIJ) ou l’Union technique mutualiste professionnelle (UTMP) et d’autres des mutuelles régionales comme la SMENO ou la SMEBA.

b) Des contrôles inopérants

" Nous sommes à la fois sur-contrôlés et mal contrôlés ", cette appréciation du directeur général de la SMEREP, M. Christian Doubrère, résume bien la situation. Ce dernier a d’ailleurs fait remarquer que la succession des contrôles a, depuis un an, ralenti les activités de sa mutuelle et a estimé qu’il serait plus cohérent de globaliser ce contrôle, qui porterait à la fois sur le régime obligatoire et le régime complémentaire, et de le confier à un seul organisme de contrôle. Cet empilement des contrôles peut, à juste titre, apparaître comme un aveu de faiblesse, comme si un seul organisme n’était pas à lui seul en mesure de porter une appréciation sur l’ensemble du système au point que certains, comme M. Philippe Evanno, secrétaire général de l’UNI, ont estimé que cette concurrence entre ministères n’a pas donné une apparence très sérieuse du traitement de ce dossier.

A l’heure actuelle, la spécialisation des contrôles pose problème comme l’a constaté la ministre de l’Emploi et de la solidarité, Mme Martine Aubry : " Il existe actuellement un double système de contrôle, qui n’est pas coordonné et ne permet pas, sans doute, de porter une appréciation claire, à tout moment, sur la gestion des mutuelles (…) D’autant qu’aucun des deux contrôles effectués (…) ne peut donner lieu à un droit de suite, sauf preuve quasi-certaine de l’existence d’un problème majeur ". En effet, mal coordonnés, ces contrôles sont d’autre part limités, tant dans leur fréquence que dans leur champ d’application.

Au total, la CCIMP exerce son contrôle sur 350 institutions alors que les DRASS doivent s’intéresser à la situation de 5 800 mutuelles. Dans un cas comme dans l’autre, les moyens sont limités et dans cet ensemble les mutuelles étudiantes ne sont que de petites structures comparées aux mutuelles de fonctionnaires.

Enfin, il ressort de l’intervention de M. Dominique Libault, sous-directeur du financement et de la gestion de la sécurité sociale que le travail de la Cour des comptes est dérivé de celui des services déconcentrés du ministère de l’Emploi et de la solidarité : " Lorsqu’on veut faire un contrôle particulier de tel ou tel point (…) en accord avec la Cour, nous le mettons au programme des comités départementaux d’examen des comptes (CODEC) (…) C’est donc le travail des organismes de tutelle qui met en lumière des éléments dont se servira la Cour dans son rapport ".

L’absence de coordination a, par ailleurs, entraîné une multiplication inutile des contrôles sur un même sujet. Ainsi, la Cour des comptes a traité en septembre 1998, dans son rapport annuel, du financement des remises de gestion et de la nécessité d’adapter leur montant aux coûts réels de gestion. A la demande des ministres des affaires sociales et de l’économie, l’IGAS et l’IGF ont remis, sur ce même sujet, un rapport en février 1999. En matière de régime complémentaire, la 6e chambre de la Cour des comptes a contrôlé les comptes de la MNEF sur les exercices 1992-1993 à 1995-1996 et établi en juillet 1998 un relevé de constatations provisoires. Elle devrait prochainement rendre ses observations définitives mais celles-ci seront à mettre en regard des conclusions du rapport que l’IGAS vient de remettre à la Commission de contrôle des mutuelles portant sur les activités de la MNEF et sa situation financière, étudiées au cours de la même période.

S’agissant de la situation de la MNEF et de ses filiales, la Commission de contrôle des mutuelles a de toute évidence adopté un raisonnement exclusivement juridique pour conclure à l’automne 1998 qu’il n’y avait pas lieu de nommer un administrateur provisoire. En 1993, la Commission de contrôle avait constaté, même si le solde demeurait négatif, un redressement du montant des fonds propres de la MNEF qui étaient passés de
– 200 millions de francs en 1987 à – 15 millions de francs en 1993. Mais elle avait émis, début 1994, des recommandations concernant la diversification des activités de la mutuelle. En 1998, pour reprendre les termes du président de la Commission M. Jean Fourré, le doute s’est instauré, la gestion de la MNEF devenant de plus en plus opaque derrière un système de holding à deux sous-têtes. La Commission a donc demandé des explications et des pièces complémentaires. Estimant qu’il ne lui est pas possible " de sonder les cœurs et les reins ", elle s’est appuyée sur les procès-verbaux des réunions du conseil d’administration de la MNEF pour constater que l’ordre du jour contenait, alors que cela n’était pas obligatoire, un point sur les participations des deux UES Saint-Michel et Raspail Participations et Développement dans des " organismes plus lointains " et que les contrôles sur pièces ne faisaient pas ressortir un mauvais fonctionnement de la mutuelle. De surcroît, il n’y avait pas, selon M. Jean Fourré, de raisons prudentielles justifiant la nomination sanction d’un administrateur provisoire. Les articles L. 531-1-2, 531-1-3 et 531-1-4 du Code de la mutualité étant respectés et la Commission de contrôle n’ayant pas fait jouer l’article L. 531-1-5 du même code qui dispose " Si cela est nécessaire … la commission peut décider d’étendre le contrôle sur place d’une mutuelle à toute personne morale liée directement ou indirectement par une convention à celle-ci et susceptible d’altérer son autonomie de fonctionnement ou de décision concernant l’un quelconque de son domaine d’activité … ", celle-ci a décidé de ne pas procéder à la nomination d’un administrateur provisoire à la MNEF, non sans susciter un certain étonnement de la part de la ministre de l’Emploi et de la solidarité, qui avait précisé " que le commissaire du gouvernement s’exprimerait au nom du Gouvernement en demandant la nomination d’un administrateur provisoire ".

Cette décision de refus a été assortie, en novembre 1998, d’une demande à l’IGAS d’un contrôle approfondi de la MNEF pour évaluer, de façon exhaustive, les engagements de la mutuelle dans ses filiales, sous-filiales et autres partenaires commerciaux ou associatifs et pour apprécier les risques financiers qui en découlent.

Le travail de l’IGAS vient de s’achever et révèle une situation beaucoup plus grave que ce que laissait apparaître, un an plus tôt, le simple examen des documents de la " maison-mère ". Depuis le début de la décennie 1990, un système s’est progressivement mis en place de plus en plus tentaculaire – il y aurait entre 50 et 70 satellites de la MNEF – sans que cela ait provoqué jusqu’à ce jour de la part des organismes de contrôle de sérieuses réactions.

On ne peut que regretter l’attitude adoptée dans cette affaire par la Commission de contrôle des mutuelles qui s’est auto-limitée par une lecture unilatérale du Code de la mutualité concernant l’exercice du droit de suite, telle que son président l’a livrée à la Commission " J’ai l’impression que le droit de suite a été conçu par le législateur de 1945 comme dirigé vers l’amont, à l’encontre des sociétés d’assurance qui créent des mutuelles et qui les réassurent à cent pour cent, mais non vers l’aval, à l’encontre de " filiales ", constituées sous forme de sociétés commerciales, d’une mutuelle, à la différence du droit d’évocation qui, je le répète, n’a pas à être motivé … ".

3) Des dérives inévitables

Aujourd’hui les multiples contrôles tardifs dont a fait l’objet la MNEF mettent en évidence la présence d’une série de faits qui ont permis le développement de la nébuleuse de la MNEF à des fins autres que l’intérêt bien compris des adhérents, même si l’ancien directeur général M. Olivier Spithakis a pu dire devant la commission d’enquête : " J’ai le sentiment qu’il nous est reproché aujourd’hui ce que la puissance publique nous a demandé de faire pendant dix ans. J’ai quitté la MNEF avec le sentiment d’avoir restructuré cette entreprise, d’avoir permis de répondre aux nouveaux besoins des étudiants … ".

a) Le maquis des structures de la MNEF

L’immobilier, la communication, l’assurance et les services aux étudiants (restauration, stages, …) constituent les secteurs dans lesquels la MNEF a développé ses activités regroupées en trois sous-ensembles : le premier constitué par l’ensemble des participations directes dans différentes entités commerciales, le deuxième défini par les sociétés fédérées dans l’UES Saint-Michel, le troisième formé par l’ensemble des parts détenues par la holding Raspail Participations et Développement (RPD).

— L’ensemble des participations directes

On trouve là les huit sociétés dans lesquelles la MNEF détient, dans des proportions extrêmement variables, une part du capital et dans lesquelles par conséquent siègent des représentants de la MNEF. De nombreux secteurs sont concernés, l’immobilier, la communication, l’informatique, l’édition :

· Une société holding, l’UES Saint-Michel, dont la MNEF détient 64,28 % du capital ;

· La SCI Immocampus, qui gère les baux immobiliers de la mutuelle (MNEF : 44 % ; mutuelles " satellites " MIJ, MIF, UTMP : 51 % ; AMJS : 5 %) ;

· La SCPI Foncier Etudes, sur le champ des résidences étudiantes (MNEF : 8,40 %) ;

· Carte Jeunes SA, dans le domaine de la communication vers les jeunes (MNEF : 39,17 %) ;

· CODLES Coop, qui intervient dans l’édition de l’économie sociale (MNEF : 7,24 %) ;

· Mind Soft International SA (MNEF : 0,04 %), dont le capital est détenu à 99,76 % par CONSULT, sous-filiale de l’UES Saint-Michel ;

· La Compagnie de Formation, dont l’objet est la prise d’intérêts dans toutes entreprises gérant des établissements d’enseignement (MNEF : 613,80 F sur un capital de 55 602 065,20 F) ;

· GIE Phone Campus, pour la mise en œuvre de systèmes d’information et de communication (pas de capital social : la MNEF détient 7 parts et la MIF 3 parts dans ce GIE) (3).

— L’ensemble UES Saint-Michel

Officiellement, cette structure de l’Union d’Economie Sociale a été choisie pour répondre en 1994 à une démarche de la Commission de contrôle.

Elle s’articule autour de quatre pôles, eux-mêmes subdivisés en sociétés filiales ou sous-filiales.

Le pôle services universitaires regroupe une partie des activités de la holding RPD (cf. infra p. 34).

Le pôle communication vers les jeunes comprend deux structures importantes Media jeunes et Carte Jeunes SA. Media Jeunes a une activité de régie publicitaire, elle a créé en octobre 1993 la SARL SPIM qui, elle-même, a racheté en 1996 à RPD sa participation dans Editif, anciennement EFIC, à l’origine imprimeur de la MNEF.

Carte Jeunes SA offre à ses détenteurs de 16 à 25 ans des avantages sur divers services. La MNEF, a la suite d’un appel d’offres, a bénéficié de l’exclusivité de l’exploitation de ce système sous forme d’une concession de dix ans signée en avril 1995.

A côté de ces deux entités, on trouve dans ce pôle la SA Cyberis spécialisée dans les réseaux en ligne, la société de presse Inform’Jeunes ou la SARL Transpromo intermédiaire en panneaux publicitaires.

Le pôle assurance est structuré autour de la holding Figeris qui comprend notamment la SARL CAP IRAM, société de courtage, de placement de police d’assurances.

Le pôle informatique est principalement constitué par la holding financière Consult, elle-même détentrice de Consult SA qui, entre autres, intègre une filiale de la MNEF, Mindsoft Mistintel.

— La holding Raspail Participations et Développement (RPD)

Cet ensemble est organisé autour de cinq types d’activités.

· Le secteur " conseil et études " qui regroupe les sociétés chargées du développement des résidences universitaires en France et en Espagne – ESPACE U et RUE.

· Le secteur " gestion des résidences étudiantes " où l’on trouve les sociétés Campus Habitat, Campus Gestion, Etud Invest et SGRS chargées de l’exploitation, la réhabilitation ou la location de logements ou de résidences étudiantes …

· Le secteur " investissement immobilier " rassemble onze SCI spécifiques à une opération donnée de construction ou d’exploitation de résidences universitaires.

· Le secteur " aménagement des campus " comprend notamment la société SAIACU chargée d’opérations immobilières dans les universités, l’UES Interfaces qui regroupe trois sociétés dont les activités concernent la conception, la location vente et l’exploitation des espaces universitaires dans les campus.

· Le secteur " restauration et cafétérias " composé de deux SARL AGCT et CAF’SERVICES qui les exploitent.

Cette prolifération des filiales et sous-filiales de la MNEF a été justifiée devant la mission par M. Olivier Spithakis comme le résultat inéluctable de la concurrence : " Nous avons dû protéger notre marché. C’est d’ailleurs l’une des raisons de la diversification ". Pour l’ancien directeur général, tout commence en 1989 en réaction à une tentative de l’UAP qui cherche à conquérir le milieu étudiant en proposant des assurances complémentaires puis essaie de pénétrer le secteur de l’enseignement privé. " Nous réagissons avec la création d’un pôle communication Media Jeunes, la création d’un pôle assuranciel par lequel nous nous assurons une certaine protection du marché ". Poursuivant sa démonstration, M. Olivier Spithakis a déclaré devant la commission que, de 1990 à 1995, la logique qui prévalait dans cette stratégie de diversification n’était pas économique mais stratégique " pour la raison que la MNEF (…) ne remplissait pas les obligations fixées par le Code de la mutualité en matière de réserve, de ratio et de liquidité ". Ce constat n’a pas échappé aux corps de contrôle, même s’ils l’ont établi un peu tard.

b) Une diversification critiquable et critiquée

Les critiques formulées tant par la Cour des comptes dans son relevé d’observations provisoires que par l’IGAS dans son rapport de contrôle peuvent être regroupées autour des points suivants :

—  La MNEF n’a pas respecté les obligations fixées par le Code de la mutualité ou des sociétés

La MNEF s’est largement appuyée sur la structure de l’UES Saint-Michel pour se développer. Cette union a bénéficié sur la période 1993-1994 à 1998-1999 d’un financement par la MNEF, de 64,545 millions de francs dont 14,7 millions de francs d’apports en capital et 49,84 millions de francs d’apports en compte courant pour un total des engagements de l’UES de 69,48 millions de francs.

Selon l’IGAS, la MNEF a mis à la disposition de l’UES des ressources de court terme qu’elle a utilisées dans des investissements de moyen et long terme. La MNEF a donc aujourd’hui des fonds immobilisés qu’elle ne peut plus rapatrier de l’UES.

De ce fait l’IGAS a constaté que, pour paraître en règle avec les obligations du Code de la mutualité, la MNEF a majoré artificiellement, dès l’exercice 1995-1996, son ratio de liquidité (article R. 124-5 du Code de la mutualité) en procédant à différents mouvements comptables sur les comptes courants et qu’après avoir abondé les comptes de la MNEF, Immocampus et l’UES Saint-Michel ont été remboursés de leurs avances quelques mois plus tard.

L’IGAS constate que cette opération s’est répétée pour l’exercice 1997-1998 et qu’en réalité la MNEF n’est jamais réellement parvenue à respecter ses obligations de liquidité avec un ratio égal à 1.

Sur ce point, M. Olivier Spithakis a communiqué au rapporteur les éléments de réponse suivants qui auraient été fournis à l’IGAS : " concernant le ratio de liquidité, il ne s’agit pas d’une majoration artificielle du ratio de l’activité, mais tout simplement d’une analyse bilantielle, d’une photographie à un moment donné puisque c’est à partir du bilan que l’on doit faire ressortir un certain nombre de ratios. On ne peut pas qualifier un mouvement de fonds "d’artificiel" à partir du moment où il a été réellement effectué. "

L’obligation de dispersion des actifs prévue par l’article R. 124-6 du Code de la mutualité n’a pas non plus été respectée ou ne l’a été, d’après l’IGAS, " qu’en raison des mouvements transitoires opérés sur les comptes courants de la MNEF auprès de l’UES ".

Cette appréciation de l’IGAS est confortée par les conclusions d’une expertise des comptes de la mutuelle confiée à la SEREC par le comité d’entreprise de la MNEF et portant sur la situation au 30 septembre 1996.

La Cour des comptes, quant à elle, relève que les comptes de l’UES Saint-Michel et de la holding Raspail Participations et Développement ne sont pas déposés au greffe du tribunal de commerce et que l’article 357-1 du Code des sociétés qui prévoit la publication de comptes consolidés ainsi qu’un rapport sur la gestion du groupe n’est pas respecté.

—  La MNEF a enregistré de nombreuses pertes et a exposé ses adhérents à des risques financiers

La Cour des comptes relève qu’en dépit d’une capacité d’autofinancement et d’une trésorerie qui se dégradent, la MNEF poursuit sa diversification en engageant des fonds dans des sociétés commerciales. De 1992 à 1996, les immobilisations financières ont augmenté de 197 %.

L’IGAS, de son côté, rappelle que, de 1994 à 1998 , la MNEF a pris une centaine de décisions à caractère financier qui représentent un montant total de 50 millions de francs.

Ces engagements, dont ont également bénéficié de multiples associations, ont pris des formes diverses allant de la subvention à l’abandon de créances en passant par les prêts, le cautionnement, les avances en compte courant ou les prises de participation.

La Cour des comptes précise que les placements de la MNEF restent essentiellement constitués par des prises de participation mais qu’à partir de 1993-1994, leur proportion diminue au profit de la technique des apports en compte courant qui permet d’obtenir une rémunération et d’améliorer la structure du bilan des filiales concernées, puisque les comptes courants sont considérés comme des quasi-fonds propres. L’examen détaillé de la situation de chaque " satellite " de la MNEF a été entrepris par l’IGAS. La commission se bornera donc, à travers les quelques exemples qui suivent, de montrer comment peut s’organiser le développement de tout un système.

—  " L’affaire Pirlot "

Pour développer ses activités dans le domaine du logement aux étudiants, la MNEF a chargé RPD de s’associer avec des partenaires privés. RPD s’est engagé à parité avec le groupe Pirlot en l’espace de trois ans dans la création, pour un coût total prévisionnel d’environ 290 millions de francs, de 7 SCI dont la société Immobilier Claude Pirlot (ICP) assurera la gestion et la comptabilité.

En septembre 1996, un tiers minoritaire récemment entré dans le capital de RPD, spécialisé dans l’immobilier, alerte M. Olivier Spithakis sur les difficultés financières du groupe Pirlot. Un audit révèle alors que le pré-financement des SCI a été assuré exclusivement par RPD et que la société ICP détournait à son profit les avances de fonds apportées par RPD.

Le groupe Claude Pirlot dépose le bilan sur différentes de ses sociétés et n’honore plus ses engagements de maîtrise d’ouvrage et d’associé des SCI.

Le 1er septembre 1997, le conseil d’administration de l’UES Saint Michel obtient que le montant des comptes courants versés à RPD passe de 15 à 25 millions de francs ; le 28 mai 1998, un avenant précise que le remboursement des sommes mises à disposition est bloqué à hauteur de 25,25 millions de francs pendant cinq ans jusqu’à 28 mai 2003. La MNEF a ainsi été amenée à assumer seule le renflouement de cette opération, sa filiale RPD ayant été contrainte de récupérer les parts de son associé défaillant. L’IGAS estime que cette affaire pourrait se terminer par environ 20 millions de francs de pertes et un surcoût financier d’environ 90 millions de francs.

L’opération se soldera par le licenciement de M. Plantagenest responsable de la diversification qui a simplement déclaré, lors de son audition " on m’a accusé d’avoir engagé la MNEF de façon abusive, dans une diversification qui avait donné de mauvais résultats, notamment dans le domaine du logement étudiant … Je n’ai pas négocié mon départ ".

En se fondant sur l’analyse des termes de la lettre de licenciement de M. Philippe Plantagenest qui fait référence à " une mauvaise évaluation des risques encourus (…) s’avérant affecter gravement et de manière irréversible la situation financière de certaines filiales de la MNEF ", l’IGAS estime que l’expression filiales de la MNEF révèle le poids véritable de la MNEF et plus précisément celui de la direction générale sur l’activité de structures jouissant théoriquement d’une autonomie.

L’IGAS note également que l’affaire Pirlot a fait l’objet d’une simple évocation auprès des instances dirigeantes de l’UES Saint-Michel et de RPD …

M. Olivier Spithakis a fait parvenir au rapporteur la réponse ci-après, notamment :

s’il est vrai que la société RPD est passée très près de la faillite à cause de l’affaire "Pirlot", on ne peut vraiment considérer que ce soit de la responsabilité directe de la MNEF, mais de la responsabilité des dirigeants de RPD et notamment du directeur général adjoint, à qui toutes les opérations de gestion avaient été déléguées et qui a été sanctionné.

La MNEF n’avait juridiquement pas à être consultée sur l’opportunité de chaque projet mené ou envisagé au niveau de ses instances, car il s’agissait de personne morale et de filiale de troisième niveau. "

—  L’opération Les Messagers de la Santé

Il s’agit ici d’une opération menée non pas par une société commerciale filiale ou sous-filiale du groupe MNEF mais par une des nombreuses associations proches de la mutuelle percevant des concours financiers de sa part.

Créée en juillet 1996, cette association avait pour objet notamment d’apporter un soutien logistique aux actions de la Fondation Santé des Etudiants de France (FSEF), de la MNEF et de la MIJ avec la mise en place d’une base de données sanitaires et sociales sur le milieu jeune et étudiant et la réalisation d’études sur les besoins de cette population en matière de santé. Cette association était présidée par Mme Obadia, directrice de la communication de la MNEF.

Cette association, après avoir bénéficié d’1,2 million de francs de subvention de la MNEF, qui mettait de surcroît des locaux, du matériel et du personnel à sa disposition, s’est trouvée en 1998 en état de cessation de paiement.

Cette opération, qui a coûté en deux ans près d’1,7 million de francs à la MNEF s’est achevée par la dissolution de l’association, le 23 septembre 1998. L’IGAS relève qu’aucune mention des difficultés de cette association, de sa dissolution et de la décision de reprise de son passif par décision du bureau de la MNEF du 28 septembre 1998 n’a figuré dans les compte-rendu d’activité 1997-1998 des associations bénéficiant d’une subvention de la MNEF, dont le conseil d’administration a eu connaissance le 25 novembre 1998.

Cette aventure, qui n’est pas de la même ampleur que la précédente, est néanmoins caractéristique de l’emprise de la direction générale sur l’ensemble du système, qu’elle qu’en soit la structure juridique, sans qu’aucun contrepoids, aucune contestation ne soit jamais opposée par le conseil d’administration tenu à l’écart des décisions et maintenu dans un état de désinformation.

—  Une coûteuse diversification dans le secteur de la communication

La société Media Jeunes est présentée par l’ancien directeur général comme un des fleurons de la diversification de la MNEF dans les activités de communication à destination des jeunes. En décembre 1997, Media Jeunes, détenue en partie par l’UES Saint Michel (88 %) et en partie par RPD (12 %), détient elle-même dans des proportions variables des parts dans différentes sociétés aux activités fort diverses : SPIM, société d’impression (76 %), Derya Force 1 (5,76 %) propriétaire d’un bateau, Calame studio graphique (51 %) et Cœur de cible société d’études des comportements de la jeunesse (14 %).

L’analyse faite par l’IGAS de la situation de ces différentes structures n’est pas aussi positive que celle présentée par la MNEF. L’IGAS constate que l’activité propre de régie publicitaire de Media Jeunes repose essentiellement sur la MNEF. Celle-ci loue 3,5 millions de francs par an le fichier de l’OFUP et le remet avec le fichier de la MNEF à disposition de Media Jeunes. Pour autant, la location de ces deux fichiers ne suffit pas à rentabiliser la location initiale du fichier OFUP et l’IGAS constate une charge nette d’1,5 million de francs par an pour la MNEF, ce qui représente le prix du gel du fichier OFUP auprès des concurrents utilisateurs potentiels. Sur ce point, M. Olivier Spithakis estime devoir répondre : " En ce qui concerne le fichier, la MNEF n’a pas acquis le fichier pour le mettre à la disposition de Media Jeunes. La MNEF a acquis le fichier de l’OFUP, après qu’il ait été loué par l’UAP, pour mener un certain nombre de campagnes sur des produits complémentaires maladie en milieu étudiant. Il s’agit donc d’une logique de protection de son marché. Le fichier n’a été ensuite reloué à Media Jeunes que justement pour diminuer cette charge. "

Media Jeunes développe d’autres activités (CD Rom, " bus mailing " …) dont l’IGAS relève qu’elles proviennent avant tout de la MNEF et évalue à 40 % la part du chiffre d’affaires de Media Jeunes qui est due à la mutuelle. Dans le même temps, les participations de Media Jeunes dans les sociétés précitées se justifient difficilement si l’on considère l’intérêt des étudiants.

M. Olivier Spithakis l’a d’ailleurs admis au cours de son audition "  … je ne vous ai pas expliqué que nous avions diversifié que pour répondre aux besoins des étudiants. Je vous ai également parlé de la nécessité de protection de notre marché et des outils techniques … Par ailleurs, il convient de ne pas confondre les activités où nous sommes majoritaires et celles où nous sommes minoritaires et dans lesquelles … existent des structures en cascade ".

L’activité d’imprimerie de la société SPIM a été justifiée par la nécessité pour la MNEF d’avoir une autonomie technique. Ce dossier fait actuellement l’objet d’un examen par les autorités judiciaires. A l’origine, la faillite de l’imprimerie EFIC se traduit pour la MNEF par une perte de 0,5 million de francs sur des titres EFIC cédés 1 F à RPD et un abandon de compte courant de 4,5 millions de francs cédé pour 1 F à M. de Haynin. La société EFIC est reprise par Editif dont ce capital est détenu à 30 % par M. de Haynin et 40 % par RPD. Cette dernière cède en 1996 sa participation à la SARL SPIM créée par Media Jeunes. La SPIM bénéficie des travaux d’impression de la MNEF avec laquelle elle réalise la quasi totalité de son chiffre d’affaires, soit, d’après l’IGAS, 50 millions de francs de 1994 à 1996. En réalité, la SPIM n’a aucune valeur propre et n’est qu’un démembrement de la MNEF.

De façon laconique, M. Olivier Spithakis a déclaré devant la commission d’enquête qui l’interrogeait sur l’absence de mise en concurrence des prestataires de la MNEF et des surcoûts pouvant en résulter " En ce qui concerne l’impression, il y a effectivement un problème. La politique de fidélisation était liée au volume considérable que nous avions à imprimer. Cela étant, nous avons hérité, dans les années quatre-vingt-dix, d’une imprimerie en situation extrêmement difficile que nous n’avons pas su gérer. Cette imprimerie était, en plein mois de mai, en train d’imprimer notre brochure de rentrée quand un administrateur provisoire est arrivé et nous a dit : "Je liquide. Soit vous prenez la majorité de la société, soit je mets tout au pilon". Or, si la MNEF n’a pas cette brochure dans les délais requis, elle perd une année de "chiffre d’affaires" et n’a plus qu’à mettre la clé sous la porte ".

Parmi les autres sociétés détenues en partie par Media Jeunes, l’IGAS constate que le studio graphique Calame est géré par M. Obadia, époux de Mme Marie-Belle Obadia, directrice de la communication de la MNEF (cf. infra p. 44) et que cette SARL présente une situation nette négative.

Quant à la société Derya Force 1, propriétaire d’un bateau du même nom, on peut se demander en quoi il était indispensable que Media Jeunes en acquiert des parts, même minoritaires.

La réponse de M. Olivier Spithakis n’est guère éclairante. Selon lui, la MNEF, par le jeu mécanique des participations en cascade, se serait retrouvée en quelque sorte " à son corps défendant " en partie propriétaire de ce bateau. Puis, en 1995, lors de la modification de la composition du capital de Media Jeunes, repris majoritairement par l’UES Saint Michel, M. Olivier Spithakis aurait demandé la cession de cette participation de Media Jeunes dans Derya " La MNEF possédait à l’époque une sous-filiale dans laquelle elle détenait sans pouvoir décisionnaire 15 % du capital. Cette sous-filiale avait elle-même une participation de 5 % dans une société d’incentive qui possédait un bateau. Lorsque nous avons pris la majorité du capital de cette société de communication qui détenait ces 5 %, nous avons demandé que cette participation soit liquidée. Mais cela a suffi à la presse pour titrer "Le bateau de la MNEF" … En ce qui me concerne, j’ai effectivement été amené à utiliser à quelques reprises ce bateau : deux fois pour un séminaire et quelquefois pour usage personnel, comme j’ai utilisé d’autres bateaux avant, comme je continue à en utiliser depuis que Derya a coulé ! Dans ce cadre-là, j’ai réglé mes vacances comme tout le monde ".

La prise de participation majoritaire de l’UES Saint Michel dans la société Media Jeunes est elle-même l’aboutissement coûteux d’une stratégie inexpliquée de revirements.

Créée en 1990 sous forme de SARL, Media Jeunes est détenue alors à 30 % par la MNEF et 20 % par M. de Haynin. En 1991, Media Jeunes a, par convention, l’exclusivité de la prospection publicitaire de la MNEF. En 1993, la MNEF se désengage en partie de sa participation dans Media Jeune qui passe de 30 à 14 %, celle de M. de Haynin augmente d’autant et atteint 36 %. Au passage, l’IGAS note que les procès-verbaux du conseil d’administration et de l’assemblée générale de la MNEF ne contiennent aucune explication sur les raisons tactiques ou stratégiques de ce désengagement.

M. Olivier Spithakis a également réagi à cette constatation et fait valoir : " La mission évoque les textes des délibérations du conseil d’administration. Il est bien évident que ces extraits de délibération étaient accompagnés d’explications qui ne sont pas retranscrites dans les procès-verbaux, comme cela se fait dans la quasi-totalité des relevés de délibérations des sociétés de droit privé.

Chacun pourra constater que si seuls les éléments retranscrits dans les procès-verbaux avaient été évoqués, les conseils d’administration n’auraient duré que quelques minutes et non pas plusieurs heures. "

Les affaires de Media Jeunes prospèrent et la société se transforme en SA en mai 1995. A cette date, la MNEF cède sa participation de 14 % à RPD pour 840 000 F

La société Media Jeunes est valorisée à 6 millions de francs, mais cette valorisation est avant tout due à la MNEF, principal pourvoyeur du chiffre d’affaires de Media Jeunes. A ce moment, sans qu’il y ait eu de la part des instances élues de la MNEF le moindre débat, l’UES Saint Michel, en novembre 1995, acquiert 84,87 % de Media Jeunes valorisée non plus à 6 millions de francs, mais à 7 millions de francs. L’IGAS souligne que ces fluctuations stratégiques ont représenté pour la MNEF un coût d’1,1 million de francs et que cette dernière opération de prise de contrôle de Media Jeunes par l’UES Saint Michel a représenté pour M. de Haynin une bonne affaire financière de 2,5 millions de francs. Celui-ci est ensuite recruté par l’UES comme directeur chargé de la publicité et des régies avec la garantie d’une indemnité de licenciement d’environ 3 millions de francs.

L’opération est moins fructueuse pour la MNEF, car cette prise de participation s’est effectuée au moment où Media Jeunes connaissait selon l’IGAS, un exercice 1996 difficile avec un recul de 20 % de son chiffre d’affaires, un déficit de 468 000 F et une quasi disparition de sa trésorerie.

Sur la société Media Jeunes, M. Olivier Spithakis apporte les réponses suivantes :

On constate que le regain d’intérêt pour Media Jeunes commence à l’instant où la MNEF ayant atteint ses réserves obligatoires se posait les problèmes de diversification, avec une optique financière et non plus simplement en terme de stratégie commerciale (…)

Nous investissons à partir du moment où nous avons les moyens légaux d’investir, c’est-à-dire lorsque nous avons atteint nos réserves obligatoires mais lorsque nous avons aussi la certitude que c’est une société qui fonctionne de façon saine.

L’écart d’1 million de francs vient du délai qui s’est écoulé entre le moment où le commissaire aux apports fait son rapport et l’acquisition qui intervient, me semble-t-il, un exercice plus tard.

Encore une fois, les rapporteurs disent qu’il n’y a eu aucun débat qui permette d’examiner l’opportunité des conséquences de cette décision ; c’est un jugement purement subjectif, qui repose sur la lecture des procès-verbaux, qui ne reprennent que les délibérations à l’exclusion des débats de fond.

La chute de 20 % du chiffre d’affaires de Media Jeunes en 1996 est très directement liée à la grève qui a affecté, au moment du plan Juppé, l’ensemble de la France et notamment les P&T qui ont cessé leur activité, au moment où les commandes passées à Media Jeunes sont les plus importantes, c’est-à-dire avant la période Noël. "

—  La diversification de la MNEF a profité à une minorité

Dans son relevé d’observations provisoires, la Cour des comptes remarque que les prises de participation se sont accompagnées de la nomination aux postes clés de salariés de la MNEF et rappelle que les personnes chargées d’une mission de service public confiée par la loi – ce qui est le cas des mutuelles étudiantes bénéficiaires d’une délégation de gestion du régime obligatoire – ne peuvent avoir des intérêts dans des structures qu’ils avaient à administrer ou surveiller en tant que représentants de la mutuelle.

Si la MNEF a répondu que " la nomination de cadres de la MNEF à des fonctions de responsabilité dans différentes filiales à caractère commercial correspond à un souci de cohérence, d’économie de transparence et de contrôle ", la Cour des comptes a fait observer que, outre le directeur général M. Olivier Spithakis qui bénéficiait d’un cumul de rémunérations, soigneusement prévu par son contrat de travail, se trouvaient également dans cette situation M. Michel Proust, directeur du développement, M. Philippe Plantagenest, directeur de la diversification et des filiales, M. Philippe Conte, directeur de la production, M. Hervé Zwirn, directeur général adjoint.

Rémunérés à temps plein par la MNEF dans des emplois de direction, M. Olivier Spithakis et Michel Proust étaient rémunérés par la mutuelle satellite MIF, M. Frédéric Vigouroux, directeur de l’assurance-maladie et Mme Marie-Belle Obadia, directeur de la communication étaient quant à eux rémunérés par la MIJ.

Le tableau figurant en annexe donne une idée du montant de ces rémunérations auxquelles il faut ajouter les rémunérations en tant que salarié de la MNEF.

Interrogé à ce sujet, M. Olivier Spithakis a répondu devant la commission d’enquête en pointant certaines contradictions : " On nous reproche d’avoir détaché des cadres de la MNEF dans des filiales. C’est vrai. On découvre aujourd’hui que cela pourrait constituer une prise illégale d’intérêts, or deux mois plus tard, nous recevons une lettre de la Commission de contrôle de la Mutualité nous demandant de payer ces cadres et, en plus, sur les fonds de la MNEF. Excusez-moi, mais cela s’appelle un abus de bien social ! ".

Poursuivant les investigations de la Cour des comptes, l’IGAS a souligné la situation particulière de M. Hervé Zwirn, cadre salarié de la MNEF depuis 1983, devenu PDG, sans en détenir d’actions, de Mindsoft Prestintel avec une rémunération brute de 400 000 F début 1994. En mai 1994, une cession partielle du capital de Mindsoft Prestintel a lieu en partie au profit de la SARL Paradigme dont la gérante est l’épouse de M. Hervé Zwirn.

La commission d’enquête a retrouvé cet esprit de famille lors des auditions de MM. Olivier Spithakis et Salomon Botton. Interrogé sur l’absence de mise en concurrence des prestataires extérieurs de la MNEF, l’ancien directeur général a déclaré : " En matière de communication, la société Policité n’est pas une filiale (…) Nous avons commencé à travailler avec cette société, qui existe depuis 1989, seulement en 1994. J’ai hésité à le faire pendant longtemps parce qu’elle était dirigée par M. Obadia dont la femme faisait partie de mon équipe de direction. Et puis lors d’un appel d’offre (…) je me suis dit qu’il était anormal d’exclure cette société (…) au prétexte qu’elle était dirigée par M. Obadia. "

Sur cette question, la Cour des comptes fait néanmoins observer que l’agence Policité, de plus en plus souvent retenue par la MNEF, devient en 1996, sans mise en concurrence préalable, son agence attitrée de communication et de conseil en stratégie institutionnelle. Le montant des prestations de Policité semble élevé à la Cour des comptes qui constate des honoraires représentant en moyenne 35 % du coût total de certaines opérations. Policité a ainsi perçu 400 000 F pour organiser pendant trois jours les rencontres " l’étudiant, la ville, l’université " ou 150 000 F pour la réalisation d’une journée d’études sur l’intégration des étudiants handicapés.

Au cours de son audition, M. Salomon Botton s’est déclaré, quant à lui, très perturbé d’apprendre certains faits par la presse. " Nous avions des bureaux dans des locaux municipaux à Toulon. Lorsque le Front national a pris la mairie, la question de savoir si l’on devait rester dans ces locaux mis à disposition par l’ancienne mairie s’est posée. Le conseil d’administration a décidé de rester afin de mener le combat de l’intérieur. En application de cette décision, des campagnes d’information sont menées dans ces locaux sur la contraception ou les étudiants étrangers. Or quelques mois plus tard, j’apprends que la totalité de la gestion locative de l’immeuble, qui porte le nom de " Maison de l’étudiant ", est confiée à une agence immobilière de Toulon qui appartient à M. Spithakis – ou plus exactement à son ex-épouse à qui il venait de la vendre. "

Ces quelques exemples indiquent que le système s’est développé en dehors de toute considération des intérêts des étudiants dont les représentants étaient totalement inféodés à l’équipe dirigeante de la MNEF.

Sur la diversification, M. Olivier Spithakis a d’ailleurs déclaré non sans cynisme à la commission : " S’agissant des étudiants, je n’ai jamais dit qu’ils étaient incompétents ou pas assez formés. Les discussions avaient lieu, mais ils analysaient les problèmes dans leur globalité. On a parlé pendant des heures du partenariat avec Vivendi. Mais, ce qui les intéressait, c’était la philosophie ".

c) Des étudiants absents

Au cours de son audition, le président de la Commission de contrôle, M. Jean Fourré, a rappelé que l’objet du contrôle sur place demandé à l’IGAS " est de savoir si l’ensemble des prises de participation ont été délibérées, si elles sont connues et exactement chiffrées ".

Sur ce point les conclusions de l’IGAS sont claires et confortent l’analyse de la Cour des comptes. Les organes statutaires de la MNEF, adhérents et instances élus, ont bien reçu une information générale mais n’ont jamais disposé d’éléments précis leur permettant d’avoir une vision complète et dynamique de la situation d’ensemble de la nébuleuse MNEF. L’IGAS conclut que " tout concourt à considérer que la "politique de diversification" de la MNEF a été l’affaire de M. Spithakis et d’un nombre restreint de décideurs, sans que pour l’essentiel les responsables institutionnels élus en aient eu ni la maîtrise, ni le contrôle. "

La commission d’enquête arrive à des conclusions identiques au vu du caractère succinct des procès verbaux de réunion du conseil d’administration qui lui ont été communiqués et du contenu de l’audition de l’ancienne présidente, Mme Marie-Dominique Linale.

Certes, il est toujours loisible à M. Olivier Spithakis, pendant son audition devant la commission, de jouer non pas sur les mots mais sur les procédures. Tour à tour, en effet, l’ancien directeur général a affranchi les élus étudiants de toute responsabilité puis a déclaré à propos de ces mêmes anciens administrateurs : " Si ces derniers estiment aujourd’hui qu’ils n’ont pas participé aux décisions, à partir du moment où ils on voté un certain nombre de délibérations, on peut considérer qu’ils sont frappés d’amnésie ".

L’audition de l’ancienne présidente est tout à fait caractéristique de l’équilibre mis en place par M. Olivier Spithakis.

Après avoir déclaré que toutes les décisions d’orientation prises par la MNEF l’avaient été par le conseil d’administration après avoir fait l’objet d’une présentation par la direction générale puis d’une discussion, Marie-Dominique Linale a reconnu, non sans une certaine fraîcheur : " Je savais ce qui se passait dans l’UES Saint-Michel. J’aurais facilement pu savoir ce qui se passait dans ses filiales et sous-filiales mais, il est vrai, je me suis arrêtée à ce qui se passait au niveau de l’UES. Mais il n’y avait pas de blocage, j’aurais pu m’informer davantage si j’avais été plus intéressée. "

La situation est d’autant plus grave qu’une responsabilité pénale pèse sur les épaules d’un président de conseil d’administration de mutuelle. Comment la constitution d’un conseil d’administration aussi peu averti des affaires économiques et des techniques de gestion a-t-elle pu se mettre en place si ce n’est grâce à quelques failles dans le fonctionnement démocratique de la mutuelle.

Comme l’a souligné le député Jean-Claude Warsmann, ancien directeur général de la MGEL : " Sur le principe, je pense qu’il est assez difficile de contester la démarche de filialisation. Maintenant, évidemment, cela pose un problème de contrôle à plusieurs niveaux. Un problème de contrôle démocratique parce qu’il faut que les instances qui dirigent la mutuelle gardent le contrôle de ce qui se passe dans les filiales et un problème de contrôle, au moins aussi important, en termes de gestion. "

En conclusion, il ressort que cette mécanique de la diversification officiellement justifiée pour répondre aux besoins des étudiants s’est réalisée en l’absence de leur consentement éclairé. La Cour des comptes et l’IGAS l’ont montré, la commission d’enquête en a eu la confirmation à travers les auditions auxquelles elle a procédé, rien de ce qui s’est passé n’aurait été possible si les règles de fonctionnement interne de la mutuelle n’avaient pas été dévoyées.

A l’heure actuelle, la MNEF a commencé d’entreprendre une politique de désengagement de certaines de ses filiales ou sous filiales.

Les participations de l’UES Saint-Michel dans la société d’assurance Figeris ont été cédées ainsi que la société Media Jeunes.

L’actuel directeur général de la MNEF a d’ailleurs précisé à la commission : " C’est ainsi que la société Media Jeunes a été vendue après un appel d’offres et un tour de table qui a concerné sept entreprises et nous considérons que nous n’avons pas fait une mauvaise opération puisque cette société avait été, en quelque sorte, achetée à valeur de 5,5 millions de francs, qu’elle était valorisée à hauteur de 8,5 millions de francs et que nous l’avons vendue 11 millions de francs ".

D’après les informations recueillies par votre rapporteur, la MNEF souhaite se défaire des éléments déficitaires de la holding RPD. Il ne resterait à l’UES Saint-Michel que le groupe informatique et à RPD le secteur immobilier, celui des cafétérias et des galeries marchandes. Faute de repreneur intéressé par des activités aussi spécifiques tel que les CROUS ou le CNOUS, la MNEF, semble-t-il, aura du mal à se désengager de ces activités.

Pour l’instant, la restructuration est restée assez timide et la commission s’étonne du contenu peu contraignant de la motion adoptée par le conseil d’administration de la MNEF lors de sa réunion du 19 avril 1999 :

Le conseil d’administration de la MNEF instaure le principe suivant :

û Les décisions, inhérentes aux filiales en général et à leur dimension financière en particulier, devront, chaque fois que cela sera possible, être précédées d’un débat en conseil d’administration.

û Dans tous les cas de figure, ces décisions feront l’objet d’un compte rendu lors du conseil d’administration de la MNEF suivant immédiatement lesdites décisions.

La motion est adoptée à l’unanimité ".

Si cette démarche va dans le bon sens, il ne faudrait pas qu’elle se ramène à un vœu pieu qui maintiendrait inchangé l’équilibre instauré jusqu’alors d’un conseil d’administration débattant à l’occasion d’idées générales face à une direction prenant en réalité les décisions.

Pour être complet, il faut indiquer que le conseil d’administration de la MNEF vient d’élaborer un plan d’économies de 11 millions de francs en supprimant notamment les diverses subventions accordées ici et là par M. Spithakis. Il a été indiqué à votre rapporteur que le projet de budget ainsi modifié avait été envoyé aux ministères de tutelle et n’avait pas, à ce jour, suscité d’observations. Un questionnaire a par ailleurs été envoyé aux adhérents pour connaître leurs besoins et mieux y répondre (cf. annexe p. 317).

C. LA DÉFINITION D’UNE POLITIQUE MUTUALISTE ÉTUDIANTE : LES DIFFICULTÉS D’UN FONCTIONNEMENT DÉMOCRATIQUE

1. Des élections sans électeurs

a) La faiblesse de la participation.

Au cours des dernières élections organisées par la MNEF au début de l’année 1999, la participation d’un peu plus de 30 000 étudiants sur 220 000 adhérents a été considérée comme un grand succès en comparaison de ce qui se passe généralement lors de consultations électorales du même type. Ce taux de participation qui, pourtant, ne représente qu’environ 15 % des électeurs possibles est néanmoins apparu au nouveau président de la MNEF, M. Pouria Amirshahi, " significatif du potentiel de participation des étudiants à la gestion de leur mutuelle " et a fait dire à M. Salomon Botton, directeur de cabinet de la direction générale de la MNEF qu’il n’était dans ces conditions pas possible de remettre en cause la légitimité démocratique de la nouvelle direction. Il est vrai que les taux de participation habituellement avancés oscillent entre 1,5 % et 3 %.

Dans ces conditions, comment ne pas être amené à s’interroger sur la signification de la démocratie au sein des mutuelles étudiantes, même s’il ne s’agit pas là d’un problème qui leur est propre. Le lien de proximité, entendu non seulement dans son acception géographique mais aussi dans son sens psychologique, a constamment été invoqué comme constituant un argument de poids pour défendre les mutuelles étudiantes considérées comme les mieux placées pour être à l’écoute des problèmes et du monde étudiant, puisque celles-ci sont dirigées par les étudiants. L’extrême faiblesse du taux de participation aux élections tendrait à montrer que les mutuelles étudiantes rencontrent aujourd’hui des difficultés à faire comprendre à leurs adhérents ce que l’on pourrait appeler l’éthique mutualiste et son corollaire qui implique, dans une structure collective d’économie sociale de cette nature, un engagement de ceux qui en font partie beaucoup plus important que s’il s’agissait d’une société ou d’une entreprise.

Cette question rejoint celle précédemment évoquée de la logique de concurrence provoquée par la course à l’affilié qui a placé les mutuelles étudiantes dans un contexte commercial de plus en plus éloigné de la philosophie mutualiste. Il n’est donc pas surprenant, dès lors, de constater que les liens pouvant exister entre les mutuelles et leurs adhérents se soient progressivement distendus au point de devenir parfois quasi inexistants. Le caractère " ridiculement faible " – pour reprendre les termes employés devant la commission d’enquête – de la participation étudiante conduit à se demander quelle représentativité peut avoir, dans ces conditions, un conseil d’administration et de quel poids ce dernier peut éventuellement se prévaloir face à une technostructure omnipotente, hypothèse qui n’est pas une simple hypothèse d’école.

Compte tenu par ailleurs du mode de désignation de certains responsables de mutuelles étudiantes, il apparaît qu’une partie du conseil d’administration peut en fait procéder de la direction générale et qu’entre démocratie et cooptation, la balance pencherait plutôt vers cette dernière.

b) Elections ou cooptation

Le règlement intérieur de chaque mutuelle étudiante définit les modalités des élections de l’assemblée générale et du conseil d’administration. Devant la commission d’enquête, M. Joël Dockwiller, président de la SMENO a décrit un processus de prospection entrepris par le bureau du conseil d’administration en vue de constituer une liste de 80 personnes exigée par les statuts. " Nous profitons de nos équipes de développement qui sont en contact régulier avec des personnes dans telle ou telle association, pour qu’elles nous introduisent auprès de celles qui nous paraissent intéressantes. Nous les rencontrons et nous leur présentons notre mutuelle … Nous avons au moins une liste …Cette liste est constituée par sections donc par ville. Dans chaque ville, on fait se rencontrer les gens … ils choisissent une tête de liste … une fois … le calendrier électoral établi … nous procédons à la distribution du matériel de vote ". Il n’y a donc pas de campagne électorale ou d’information, ni même de débats, les candidatures sont suscitées par les membres du conseil d’administration qui, d’une certaine façon, procèdent à un pré-recrutement de leurs successeurs. A la différence de la MNEF, qui entretient des liens étroits avec le monde syndical étudiant, la SMENO considère qu’il lui faut au contraire préserver l’indépendance politique et syndicale de ses équipes opérationnelles. De nombreuses mutuelles régionales partagent ce point de vue et se distinguent ainsi de la MNEF où, lors des dernières élections, des listes se sont constituées sur une base syndicale. Pour autant, les modalités des élections à la MNEF ne favorisent pas non plus les candidatures spontanées ou les candidatures locales qui n’auraient pas l’imprimatur au niveau national.

Evoquant ses fonctions de directeur général de la MNEF, M. Olivier Spithakis a déclaré devant la commission d’enquête " J’ai toujours pensé que la mise en place d’un plan de redressement passait par une dépolitisation de la MNEF, de ses orientations, de sa gestion …j’ai fait jouer [la] clause de conscience à partir du moment où un rapprochement institutionnel s’est effectué avec d’une part, l’UNEF-ID, et d’autre part les organisations syndicales. La stabilité économique de la MNEF étant retrouvée, on a souhaité qu’il puisse y avoir une réappropriation du conseil d’administration de la MNEF par les forces syndicales. Or, cette orientation était en totale contradiction avec la mission que l’on m’avait confiée … ".

La présidente du conseil d’administration de l’époque confirme cette analyse " Il fallait faire entrer au conseil d’administration de la MNEF les associations, les syndicats. La MNEF avait retrouvé une stabilité … nous avions une bonne année en perspective ". Lorsqu’on sait aujourd’hui ce qu’est la situation économique de la MNEF, ces appréciations laissent perplexe. Mais il convient ici de s’interroger sur la traduction qu’a eue sur le plan électoral ce changement d’orientation.

Au cours de la période où le conseil d’administration ne comptait pas la présence de représentants d’associations ou de syndicats, les conditions à satisfaire pour présenter une liste étaient, semble-t-il, tellement opaques et le système mis en place tellement compliqué que, de fait " certains habitués " des élections à la MNEF comme les représentants de l’UNEF-SE n’ont pas réussi à présenter leurs propres listes et que les élections se sont déroulées le plus souvent sur la base d’une liste unique. Cet état de fait a été confirmé par Mme Karine Delpas, présidente de l’UNEF et dont le syndicat a retrouvé sa place à la MNEF lors des dernières élections, mais également par la présidente de l’UNEF-ID, Mme Carine Seiler, qui a indiqué " les élections étaient jouées d’avance, une seule liste était présentée, si l’on peut dire, composée par la direction sortante ".

Par conséquent, la politique affichée de dépolitisation de la MNEF, entreprise de 1984 à 1998, a eu pour effet de faire disparaître toute forme de pluralisme en organisant, via les modalités d’organisation des élections, une forme de présélection des élus étudiants.

La situation a-t-elle véritablement changé lors des dernières élections ? Interrogé sur cette question, l’ancien trésorier M. Matthieu Séguéla ne le pense pas. Selon lui, le conseil d’administration sortant présidé par Mme Marie-Dominique Linale et chargé d’organiser les élections aurait passé un accord avec le Président de l’UNEF-ID " lequel faisait entrer dans le conseil d’administration et dans le bureau national [de la MNEF] des syndicalistes de l’UNEF-ID qui n’avaient pas de légitimité mutualiste ".

Sur le plan électoral, une Commission de contrôle électoral a été mise en place par Mme Marie-Dominique Linale pour définir le processus des élections. A l’ancien système qui prévoyait huit sections de vote et le dépôt dans huit villes d’une liste entièrement différente à chaque fois, a été préférée la création de deux sections de vote et le dépôt d’une liste de 65 étudiants représentant les quatre cinquièmes des académies. Trois listes, dans la première section de vote, se sont constituées pour pourvoir 65 sièges sur 66, la deuxième section représentant les étudiants adhérents de l’étranger n’ayant, elle, qu’un seul siège à pourvoir. La liste " Changer la MNEF " était celle conduite par M. Pouria Amirshahi, ancien président de l’UNEF-ID et Mme Karine Delpas, présidente de l’UNEF-SE réunis pour la circonstance, la liste " Reconstruire ensemble la MNEF ", qui bénéficiait du soutien de la FAGE, était, elle aussi, composée de militants de l’UNEF-ID et dirigée par le président de la section de la MNEF de Pau. Enfin, la liste " SOS remboursement " était menée par M. Matthieu Lapprand, président de la section MNEF de Lyon, également élu de l’UNEF-ID. Le 11 mars 1999, la liste " Changer la MNEF " est arrivée en tête avec 40,8 % des suffrages exprimés, " Reconstruire ensemble la MNEF " ayant obtenu 33,05 % contre 26,87 % à la liste de " SOS remboursement ". Les décisions du conseil d’administration organisant les élections ayant été annulées par le tribunal de grande instance de Paris, les élections se sont trouvées elles-mêmes annulées puis confirmées indirectement par la décision d’appel du 11 juin 1999 validant les décisions du conseil d’administration précité.

Ces résultats appellent quelques constatations et commentaires suivants. Tout d’abord, l’UNEF-ID a, régulièrement, perçu de la MNEF une subvention de fonctionnement d’un montant de près d’un million de francs, même si elle n’a pas été reconduite pour l’année 1999 ; cette somme représentait un tiers du budget total du syndicat qui s’élevait à environ 3 millions de francs. La FAGE, dont le président était numéro 2 sur la liste " Reconstruire ensemble la MNEF " a, également, perçu des aides indirectes de la MNEF.

Dans ces conditions, comment ne pas s’interroger sur un mécanisme qui consiste pour la MNEF à subventionner des syndicats ou associations étudiants qui, eux-mêmes, vont pouvoir constituer et soutenir des listes de candidats aux élections de la mutuelle et pour finir les remporter sans grande surprise, puisque seules trois listes au total se sont retrouvées en lice.

C’est non sans une certaine amertume que M. Matthieu Séguéla, au cours de son audition, a déploré cette situation où dès la première assemblée générale, on a vu la liste " SOS remboursement " fusionner avec l’UNEF-ID et élire un conseil d’administration, même si cela est conforme aux règles de fonctionnement. On peut s’interroger sur la décision prise par la Commission de contrôle électoral de la MNEF de créer non plus huit sections de vote, mais seulement deux sections, la première regroupant les étudiants français résidant en France, soit 212 728 électeurs, la seconde ne comptant que 1 158 inscrits représentant les étudiants résidant hors de France. Dans ces conditions, on peut considérer que de fait, il n’existe qu’une seule et unique circonscription, la seconde permettant simplement d’être en conformité avec les textes exigeant plusieurs circonscriptions de vote. L’existence d’une seule circonscription constitue un frein à l’expression démocratique car, dans ce contexte, il est bien évident qu’il n’est pas possible à un étudiant adhérent dans une section locale de province de disposer de moyens suffisants pour réunir 65 noms d’étudiants représentants les 4/5e des académies. Il est indispensable, pour y parvenir, d’appartenir à une structure nationale qui désignera les candidats. Sur les raisons qui ont justifié la création de deux sections de vote aussi disproportionnées, la commission d’enquête n’a obtenu aucune réponse satisfaisante, l’argument de la simplicité ne pouvant être retenu à lui seul pour défendre un tel dispositif.

Une autre question est également restée sans réponse, celle du sort réservé au matériel électoral revenu au siège de la MNEF avec la mention " NPAI " c’est-à-dire " n’habite plus à l’adresse indiquée ". En effet, les élections ont lieu – à la MNEF comme dans d’autres mutuelles – par correspondance et ne se déroulent pas, comme on pourrait l’imaginer, dans des lieux de vie étudiante, comme les campus ou les établissements universitaires. De façon surprenante, la présidente et le vice-président de l’UNEF-ID ont défendu ce type de vote au motif qu’il permettait d’encourager la participation précisant même " dans les élections étudiantes, devoir se déplacer pour voter, cela signifie que tous les étudiants n’ont pas accès au vote … la massification du monde étudiant conduit à ce que moins d’étudiants soient présents régulièrement sur le campus parce que beaucoup sont salariés … ; les délocalisations universitaires se multiplient ". L’organisation d’un vote sur le campus sur plusieurs jours n’a, semble-t-il, pas traversé l’esprit des organisateurs et l’on découvre que la population étudiante se déplace … avec difficulté ou en tout cas avec plus de difficulté qu’une population salariée à plein temps. Le vote par correspondance, justifié apparemment par le fait que les étudiants ne se rendent quasiment plus ni sur les campus, ni à l’université a donc été retenu … La population étudiante changeant fréquemment d’adresse à défaut de pouvoir se déplacer facilement, il est par conséquent plus que probable qu’un nombre non négligeable d’envois de matériel électoral ont été renvoyés à l’expéditeur. La commission d’enquête a donc été très étonnée qu’aucun des procès-verbaux établis par les huissiers concernant les opérations électorales n’ait constaté ce qui avait été fait de ce matériel retourné et qu’aucune réponse précise sur ce point n’ait pu être apportée au cours des auditions.

Selon les informations recueillies par le rapporteur, l’Imprimerie nationale chargée du routage a procédé à l’expédition du matériel électoral qui a été affranchi au bureau de poste de Nanterre. Ce bureau par voie de conséquence a reçu l’ensemble des retours " NPAI " qu’il n’a pas comptabilisés, mais qu’il a remis aux responsables de la section locale de la MNEF de Nanterre.

Ces derniers les ont ensuite envoyés à la direction générale de la MNEF où ils ont été mis dans un coffre. Intervenant à ce sujet pendant son audition, M. Pouria Amirshahi a déclaré : " J’aimerais (…) vous dire que cette question, je l’ai posée moi-même, à mon arrivée, au service en charge des élections qui m’a montré un tas de cartons remplis de retours de courriers, de listings et de matériel électoral. Je dois donc vous confier que je me suis, personnellement, préoccupé de cette question, que l’on m’a montré beaucoup de matériel électoral – essentiellement des professions de foi – mais qu’il y avait également là-dedans des retours de courriers … ".

Pour sa part, Mme Sylvie Enfert (4), désignée chef de projet sur le déroulement des élections par M. Delpy, directeur général de la MNEF, a déclaré à votre rapporteur que le nombre approximatif de " NPAI " qu’elle a réceptionnés et placés dans une armoire forte était de 3 250, soit selon elle un nombre faible par rapport aux élections précédentes. Elle a expliqué ce faible nombre parle traitement différent des fichiers des adhérents. Votre rapporteur fait observer qu’au cours de ce même entretien, Mme Sylvie Enfert a déclaré qu’elle n’avait jamais auparavant participé à l’organisation des élections de la MNEF. (voir par ailleurs lettre du 17 mai 1999 de Mme Sylvie Enfert p. 310).

On ne peut conclure ici qu’à un manque de rigueur dans l’organisation des élections.

2. Les mutuelles étudiantes aux étudiants ?

Le fonctionnement des mutuelles étudiantes est très différent selon qu’il s’agit de la MNEF ou d’une mutuelle régionale. Globalement, les auditions ont montré que, dans les mutuelles régionales, le conseil d’administration, même s’il est plus souvent constitué sur une base de cooptation que d’élections ouvertes, exerce un réel contrôle sur les activités de la direction générale qui met en application les orientations définies par les élus et qui rend compte. La politique de diversification entreprise par les mutuelles régionales est mieux maîtrisée et a, dans certains, cas fait l’objet d’un recentrage sur les activités de santé. Le président de certaines mutuelles régionales, comme la MGEL ou la SMENO, n’est pas étudiant, mais il est bénévole. A la MNEF, au contraire, si le président est étudiant, il est indemnisé ainsi que les membres du conseil d’administration qui, à la différence de ce que l’on constate dans les mutuelles régionales, n’a pas réussi à jouer son rôle face à une direction générale toute puissante. Or, l’équilibre des pouvoirs entre la direction générale salariée et le conseil d’administration élu constitue la question majeure, si l’on veut garantir le bon fonctionnement des mutuelles étudiantes où se rencontrent par définition des jeunes administrateurs élus pour une courte période et le plus souvent inexpérimentés et des gestionnaires rompus aux techniques de la direction d’entreprise avec, à leur actif pour certains, des dizaines d’années d’ancienneté.

a) Le président étudiant

Aucune disposition du Code de la mutualité ou des statuts-type n’exige la qualité d’étudiant pour être président du conseil d’administration d’une mutuelle étudiante, par conséquent, chaque mutuelle décide ou non d’en faire une condition statutaire. Si, à la SMEREP, le président est étudiant, ainsi qu’à MNEF, il n’en va pas de même à la MGEL ou à la SMENO dont le président, M. Joël Dockviller s’est clairement exprimé sur cette question " On pourrait imaginer de mettre un jeune étudiant à la présidence et de l’entourer d’un aréopage de non-étudiants qui le suivrait à la trace pour vérifier qu’il ne fait pas un pas de travers. Ce n’est pas notre philosophie. Nous refusons catégoriquement depuis des années d’avoir des présidents fantoches ".

Ce point de vue selon lequel une personne peu expérimentée, élue à la tête d’un organisme qui fonctionne comme une entreprise avec des centaines de salariés et plusieurs centaines de millions de francs à gérer, n’est pas en mesure d’assumer seule et correctement la totalité des missions liées à sa charge, n’est pas sans fondement lorsqu’on sait ce qui s’est passé à la MNEF ces dernières années. L’analyse faite de sa fonction par Mme Marie-Dominique Linale, présidente de la MNEF de janvier 1995 à avril 1999, est des plus instructives. Par principe, celle-ci considère qu’il ne lui est pas possible de suivre l’ensemble des questions, d’une part parce qu’elle n’est pas disponible quotidiennement, d’autre part, parce qu’elle limite volontairement sa fonction. A la tête d’une entreprise de 700 salariés et dotée d’un budget de 400 millions de francs, la présidente de la MNEF, qui vit dans le midi de la France, ne se trouvait pas à Paris tous les jours et notamment pas le mardi, jour où se réunissaient la commission permanente, puis les comités exécutifs de la MNEF et de ses filiales. Autrement dit, les directeurs de la MNEF débattaient chaque semaine des différentes orientations avec le directeur général, M. Olivier Spithakis, en l’absence de la présidente ! Celle-ci ne s’est d’ailleurs guère formalisée de ce fonctionnement qu’elle s’est contentée de justifier en disant " C’était dû à mon emploi du temps … C’était comme cela. Ces réunions concernaient les directeurs ".

De surcroît, la présidente concevait son rôle comme celui d’un responsable des questions sociales, de santé et des réunions du conseil d’administration et de l’assemblée générale. Les problèmes financiers, économiques et de gestion relevaient de la direction générale et la situation consolidée de la MNEF intégrant l’activité des filiales lui échappait totalement " Je dois avouer qu’en raison de mon âge, de mon faible niveau en matière de gestion, je ne m’y intéressais que de façon générale ". Pour autant, Mme Marie-Dominique Linale considère qu’un étudiant peut occuper le poste de président de la MNEF à condition de bien distinguer les rôles en excluant notamment de gérer les salariés et de suivre une formation appropriée pour acquérir une compétence en matière financière et de gestion. " Je pense qu’il faut définir ce poste de président étudiant … nous sommes étudiants … nous devons arriver à finir nos études … On ne peut pas nous demander d’être là tous les jours … Je pense que nous pouvons tenir ce poste … en séparant bien les rôles … on ne peut pas être à la tête d’une mutuelle et gérer les salariés. Nous n’en avons ni le temps, ni la carrure, ni l’expérience. " C’est effectivement cette expérience et cette compétence qui ont cruellement fait défaut à l’ensemble du conseil d’administration étudiant de la MNEF face à un directeur général et une équipe administrative très entreprenants …

b) Le conseil d’administration et le directeur général

Interrogé sur ses relations avec les personnels administratifs, le président de la MGEL, M. Vincent Béguin, a indiqué qu’il était régulièrement informé et tenu au courant par le personnel d’encadrement qui faisait parvenir un compte-rendu d’activité concernant l’état de la trésorerie, celui des liquidations, le nombre d’affiliés ou les résultats.

De son côté, le directeur général de la SMEREP, M. Christian Doubrère, a considéré qu’il revenait à l’équipe administrative d’assurer la continuité de l’institution et de participer à la formation des élus, tout en soulignant que, nommé par le conseil d’administration, il pouvait à tout moment être révoqué par lui pour rétention d’informations. La situation à la MNEF est tout autre. Si l’ancien directeur général M. Olivier Spithakis a considéré que la formation des élus mutualistes étudiants constituait un problème de fond, il n’a pas néanmoins pris les mesures nécessaires pour tenter de remédier à cette difficulté et s’est borné à dire " Il faut être objectif : l’égalité d’accès à la compréhension des problèmes n’existe pas totalement ". M. Philippe Plantagenest, qui fut son chef de cabinet, a convenu que les nombreuses réunions de formation des élus étudiants portaient sur la politique mutualiste mais pas sur les questions ayant trait à la vie classique d’une entreprise. De ce fait, c’est très logiquement et très paradoxalement que M. Olivier Spithakis a déclaré devant la commission d’enquête " Ce que j’ai fait, je l’assume et je souhaiterais que les élus étudiants qui ont accompagné ce processus n’en soient pas tenus pour responsables. Car même s’ils ont été informés, même s’ils ont défini et voté toutes les orientations, même si tous les grands débats de la MNEF les ont concernés, je pense que la différence de statut entre eux et moi, la permanence de mes fonctions, la force de propositions, liées à mon statut un peu particulier – les pouvoirs publics discutant avec moi et rarement avec eux – font qu’il serait assez illégitime de leur faire porter une quelconque responsabilité ".

A un conseil d’administration composé d’étudiants triés sur le volet à l’issue de consultations électorales très fermées incombait les belles discussions d’ordre général, au charismatique directeur général " sauveur " de la MNEF, revenait les très concrètes décisions de gestion, de création de filiales, de diversification et de prises de participation destinées au bien-être des étudiants.

De discussions et de questions précises, il n’y en eut guère si l’on en croit Mme Corine Maillard, commissaire aux comptes de la MNEF, dont les rapports et les remarques n’ont jamais suscité la moindre réaction des étudiants. Il est vrai que l’esprit n’était pas à la contestation si l’on en juge par l’intervention de la présidente lors de la réunion du conseil d’administration du 8 avril 1998 au lendemain de la parution d’un article sur les affaires de la MNEF dans le journal Libération. A ce sujet, Mme Marie-Dominique Linale déclare " Il ne faut pas oublier que c’est l’équipe qui entoure notre directeur général et le directeur général lui-même qui ont redressé financièrement notre mutuelle sous l’impulsion du conseil d’administration de la MNEF … Cet article vise à affaiblir la direction générale et vise ainsi, par là même, la MNEF ".

Ceux qui ont tenté de réagir, comme l’ancien trésorier M. Matthieu Séguéla, se sont trouvés rapidement exclus du système. Il est vrai qu’à la MNEF le directeur général, bénéficiant d’un statut très spécial, avait plus facilement raison des élus étudiants du conseil d’administration que l’inverse.

Devant la commission d’enquête, M. Olivier Spithakis, évoquant les clauses de son contrat de travail renégociées en 1992 – clause de conscience, révocation soumise à l’avis de l’association les Amis de la MNEF, indemnités de licenciement de 3,9 millions de francs – les a justifiées en disant que le conseil d’administration de l’époque, présidé par M. Dominique Lévêque, les avait acceptées après que ce contrat eut été lu en séance comme l’indique le procès-verbal. Il a considéré que ces dispositions exorbitantes du droit commun constituaient la contrepartie d’un redressement financier de la MNEF, passant en quinze ans de – 118 millions de francs à + 110 millions de francs, et rendu possible grâce à l’instauration d’une certaine stabilité incarnée par deux organes : l’association les Amis de la MNEF et le comité consultatif tous deux prévus par le règlement intérieur.

L’association les Amis de la MNEF, aujourd’hui dissoute, dont M. Olivier Spithakis a été vice-président jusqu’au 23 octobre 1995 et ensuite simple membre – ce qu’il a qualifié de grossière erreur – était composée des anciens administrateurs de la mutuelle, membres de droit. Les autres membres choisis pour leur compétence et leur expérience dans les domaines de la santé et de la protection sociale jouaient le rôle de personnalités qualifiées chargées de conseiller les élus étudiants du conseil d’administration. L’association les Amis de la MNEF représentait les membres honoraires, soit le tiers du conseil d’administration, elle assistait la commission permanente et exerçait un rôle consultatif auprès des instances dirigeantes de la MNEF. De l’aveu de la présidente, Mme Marie-Dominique Linale, l’association les Amis de la MNEF " avait un rôle modérateur, parce qu’à l’époque où la MNEF avait été laissée entièrement aux mains des étudiants, on se souvient de ce qu’il en était advenu … " L’association était aussi consultée en cas de licenciement du directeur général. Autrement dit, M. Olivier Spithakis se consultait lui-même sur son licenciement …

Le comité consultatif, qui n’a toujours pas été supprimé, exerce une mission de conseil et assiste le conseil d’administration en lui apportant une aide technique sur les dossiers relatifs aux questions d’éducation, sanitaires et sociales. Il est notamment composé d’anciens membres du conseil d’administration.

De fait, le comité consultatif, comme l’association les Amis de la MNEF, ont fonctionné, aux dires de M. Olivier Spithakis, comme des instances de lobbying visant à promouvoir les actions du directeur général.

En conclusion, il ressort de ce qui précède que le conseil d’administration de la MNEF a fonctionné comme une chambre d’enregistrement permettant au directeur général de procéder dans les formes aux opérations de diversification précédemment décrites sans rencontrer la moindre résistance. Dans ces conditions, M. Olivier Spithakis a eu beau jeu de déclarer lors de son audition " Je pense que les étudiants doivent conserver un rôle important ; c’est une question de responsabilisation et d’appréhension des problèmes de santé … en revanche, les élus étudiants doivent être encadrés d’une part par un collège de personnalités qualifiées, composé de représentants des pouvoirs publics, d’autre part par une direction générale qui doit être redéfinie ".

c) Les sections locales mutualistes

La réalité des instances des sections locales mutualistes reste difficile à appréhender. Certains, comme le directeur général de la CNAM, M. Gilles Johanet estiment que le seuil de 1 000 étudiants à partir duquel la création d’une telle section est de droit est beaucoup trop bas et que bien souvent ces structures théoriquement gérées par un conseil d’administration n’en possèdent pas et sont simplement composées d’un ou deux gestionnaires délégués et payés par la " maison mère " de la mutuelle.

Le directeur général de la SMEREP, M. Christian Doubrère, a confirmé que le conseil d’administration de la section locale universitaire, appelé le comité des sept, ne se réunissait pratiquement jamais, que ceux de la SMEREP ne s’étaient pas réunis depuis une dizaine d’années et qu’il en était très vraisemblablement de même pour les autres mutuelles.

Toutefois, il semble qu’au niveau décentralisé des sections locales existe une certaine vitalité des mutuelles étudiantes. Ainsi, M. Philippe Plantagenest, ancien chef de cabinet d’Olivier Spithakis, a-t-il fait la distinction entre le conseil d’administration national et les conseils d’administration locaux qui animaient la vie des sections : " Autant au niveau national, les élus étudiants jouaient un rôle faible, autant au niveau local, ils étaient beaucoup plus présents dans la vie quotidienne des sections locales de la MNEF qui étaient le lieu où les étudiants se rendaient. Les deux situations coexistaient. "

Si tel est bien le cas, cela signifierait qu’à la MNEF, la possibilité d’une expression et d’un fonctionnement plus démocratique qui prendrait sa source au niveau local se trouve effectivement entravée par un système qui confisque au profit du niveau national les moyens de se faire entendre.

d) La question du bénévolat, ou l’essence de l’éthique mutualiste

Le principe du bénévolat qui a longtemps caractérisé l’éthique mutualiste n’est plus aujourd’hui respecté systématiquement par les mutuelles étudiantes. Ce problème constamment évoqué au cours des auditions appelle toute une série de considérations qui touchent, à nouveau, à la question du fonctionnement démocratique des mutuelles. D’une mutuelle à l’autre, cette question est traitée de façon radicalement différente. A la MGEL ou à la SMENO où les présidents ne sont pas étudiants, ces derniers sont totalement bénévoles et ne connaissent que le remboursement de leurs frais réels. Mais, compte tenu de leur situation, ces élus ont, d’une certaine façon, les moyens d’être bénévoles, car le bénévolat ne constitue pas pour eux une condition déterminante qui les aurait empêchés d’exercer un tel mandat.

Tel n’est pas le cas à la SMEREP ou à la MNEF où les étudiants élus, s’ils avaient dû être bénévoles, n’auraient jamais pu accepter une fonction d’administrateur ou de président d’une mutuelle. L’exemple de la SMENO est à cet égard tout à fait caractéristique de l’évolution qui se dessine puisqu’après avoir posé pendant longtemps le principe du bénévolat, le président de cette mutuelle estime désormais qu’il serait de bonne méthode d’indemniser un certain nombre d’administrateurs élus.

En somme, si le principe d’une indemnisation des administrateurs d’une mutuelle étudiante peut venir corriger les inconvénients d’un bénévolat empêchant certains d’exercer ces fonctions, encore faut-il que le montant d’une telle indemnisation reste conforme à l’esprit mutualiste dans lequel s’exerce un tel mandat.

Le principe du bénévolat résulte de l’article L. 125-5 du Code de la mutualité : " Les fonctions de membre du conseil d’administration sont gratuites. Toutefois, l’assemblée générale peut décider, exceptionnellement, d’allouer annuellement une indemnité à ceux des administrateurs qui, à raison des attributions permanentes qui leur sont confiées, supportent des sujétions particulièrement importantes ". La possibilité, envisagée à titre exceptionnel par le législateur, d’une rémunération est directement fonction du temps passé et de la technicité des missions accomplies. Or, ces deux facteurs, depuis une cinquantaine d’années, se sont considérablement amplifiés, au point qu’aujourd’hui, la question pour les administrateurs étudiants est plutôt de savoir comment rester encore étudiant s’il faut exercer son mandat à plein temps pour le remplir correctement. Comme l’a souligné M. Eddy Agnassia, président de l’association Promotion et Défense des Etudiants (PDE), qui estime pourtant que les administrateurs doivent être étudiants et bénévoles, " il est très difficile de concilier à la fois ses études et son engagement mutualiste (…) ceux qui consacrent trente ou quarante heures à l’activité de leur mutuelle ne sont plus tout à fait des étudiants ; soit ils sont en thèse, soit ce sont des enseignants ayant une carte d’étudiant. "

Le mandat d’administrateur exige énormément de temps et de plus en plus de compétences techniques car les mutuelles, même les plus modestes, se gèrent désormais comme de véritables entreprises. La MNEF gère 400 millions de francs et compte 700 salariés et 800 000 affiliés. La SMEREP emploie 123 salariés et gère 100 millions de francs.

L’addition des exigences de disponibilité et de technicité peut difficilement s’accroître de l’exigence absolue de bénévolat pour un étudiant, faute de quoi le risque est de n’avoir plus à la tête des mutuelles que des non-étudiants, de faux étudiants ou des étudiants qui n’exerceront leur mandat que de très loin et de façon très éphémère sans pouvoir assurer à l’équipe du conseil d’administration un minimum de stabilité. C’est ce point de vue que M. Joël Dockwiller, président de la SMENO, a exprimé devant la commission d’enquête : " A la réflexion, aujourd’hui, sans regretter de ne l’avoir jamais pratiquée, nous pensons que ce serait une bonne chose d’indemniser même faiblement les principaux élus de la mutuelle, essentiellement pour conserver un certain nombre de personnes compétentes dans l’entourage de la mutuelle. "

Le problème n’est donc plus celui d’une indemnisation, qui d’exceptionnelle tend à devenir la règle, mais celui du montant de cette indemnisation qui doit rester adapté au contexte.

Comme l’a rappelé M. Raoul Briet, directeur de la sécurité sociale, lors de son audition, une lettre ministérielle de 1987 estime qu’une rémunération allant jusqu’à la moitié d’un SMIC mensuel reste compatible avec le principe du bénévolat.

L’instruction fiscale du 15 septembre 1998 relative aux associations et établie sur la base du rapport Goulard préconise une indemnisation égale aux trois quarts du SMIC quel que soit le nombre de mandats. Pour M. Philippe Delemarre, secrétaire général de la Fédération nationale interprofessionnelle des mutuelles (FNIM), il s’agit là " d’un montant convenable pour un étudiant qui s’engage dans la vie mutualiste ".

A l’heure actuelle, ce montant est largement dépassé s’agissant notamment des administrateurs de la MNEF.

L’ancien trésorier M. Matthieu Séguéla a indiqué à la commission d’enquête avoir perçu la première année de son mandat une indemnité de 6 000 F mensuels, portée à 10 200 F la deuxième année. L’ancienne présidente Mme Marie-Dominique Linale recevait la même somme et a déclaré ne toucher aucune autre indemnité pour les fonctions qu’elle exerçait en tant que représentante de la MNEF dans les structures filiales. A ce sujet, Mme Linale a précisé : " J’avais obtenu un poste de "pionnicat" que j’ai dû quitter parce que je ne pouvais pas tout faire. Sans cette indemnité, nous sommes nombreux dans ce cas, nous n’aurions pas pu occuper ce genre de poste … Je ne conçois pas que l’on ne puisse pas nous rémunérer un minimum. "

Dans cet esprit l’indemnisation est plutôt considérée comme une valeur de remplacement d’un travail que l’on quitte et non comme une rémunération proportionnée aux responsabilités que l’on prend.

L’actuel président de la MNEF, M. Pouria Amirshahi, qui perçoit 12 000 F par mois, estime que, si l’on veut que les élus aient les moyens d’assumer leurs fonctions, cette somme n’est pas très élevée, notamment si on la compare à celles versées par d’autres mutuelles.

Quoiqu’il en soit, il faut rappeler que le montant des indemnités des administrateurs fixées par l’assemblée générale de la mutuelle fait l’objet d’une déclaration au directeur de la sécurité sociale et qu’au demeurant, aucune objection n’a été jusqu’à présent formulée à ce sujet par l’administration de tutelle.

Lors de leur audition, MM. Christian Rollet, chef de l’IGAS et secrétaire de la Commission de contrôle des mutuelles, et Laurent Gratieux, son adjoint, n’ont pas porté d’appréciation sur le montant que devrait atteindre l’indemnité des administrateurs et ont préféré insister sur la nécessité de " mettre fin à toutes les voies détournées de rémunération des administrateurs … par une structure tierce ou par des systèmes de mise à disposition. ", avant de conclure sur l’utilité d’une intervention du législateur pour modifier la situation actuelle qualifiée de malsaine.

Des réformes sont donc urgentes pour adapter les textes fondateurs (Code de la mutualité 1945) (affiliation des étudiants à la sécurité sociale 1948) qui ne reflètent plus la réalité du monde économique et encore moins du monde étudiant.

C’est à l’examen de trois données nouvelles et déterminantes que votre rapporteur va maintenant s’attacher.

II. — UNE EXCEPTION FORTEMENT MENACÉE

Comme on vient de le relater, à travers les nombreux aspects très préoccupants, du fonctionnement des mutuelles d’étudiants, le pilotage de l’ensemble du système – régime obligatoire, régime complémentaire – s’avère délicat.

Assez rapidement, à travers les témoignages recueillis, la commission d’enquête a fait sienne la formule utilisée par la Cour des comptes dans ses conclusions sur la gestion des assurances sociales des étudiants (5) : " Le régime étudiant est à la croisée des chemins ".

Ce constat apparaît avec encore plus de force si l’on confronte le fonctionnement actuel de la mutualité étudiante avec trois événements imminents auxquels elle va devoir faire face :

—  La loi portant création d’une couverture maladie universelle (CMU) (6), devrait, en partie, remédier au très faible taux de mutualisation des étudiants, qui rend l’accès aux soins difficile pour nombre d’entre eux. Mais les mutuelles étudiantes sauront-elles gérer la CMU et susciter une forme de remutualisation ?

—  L’inévitable transposition, au secteur mutualiste, des directives européennes sur l’assurance, répondra aux exigences de transparence maintes fois exprimées devant la commission d’enquête, à propos de la gestion et de la comptabilité des mutuelles étudiantes. Mais, comme pour l’ensemble de la mutualité française, cette transposition va nécessiter des aménagements substantiels du mode de fonctionnement des mutuelles et de leur cadre juridique.

—  Enfin l’informatisation du système de santé avec l’usage généralisé de la carte Sesam Vitale devrait réduire les coûts de gestion et renforcer l’accès au tiers payant pour les étudiants. Mais le retard accusé par les mutuelles étudiantes dans la mise en place d’une gestion informatisée et l’inévitable réduction des remises de gestion qui en résultera laisse perplexe sur la capacité des mutuelles régionales et de la MNEF à prendre ce tournant.

Il importe donc, à la lumière des témoignages entendus par la commission d’enquête, d’identifier pour chacun de ces événements, les avantages et les écueils qui vont survenir sur le chemin du régime étudiant de sécurité sociale.

A. LA COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE : UNE AMÉLIORATION DE LA COUVERTURE SOCIALE DES ETUDIANTS QU’IL FAUDRA GÉRER EN CONCURRENCE AVEC LES COMPAGNIES D’ASSURANCE ET LA CNAM

L’objet essentiel de la loi créant une couverture maladie universelle est de rompre avec l’inégalité devant la prévention et les soins en raison du niveau de revenus, aggravée au cours des dernières années par la diminution des prestations de la sécurité sociale. Une large fraction d’étudiants fait partie de ces 6 millions de personnes qui peuvent être amenées à renoncer aux soins, faute d’une couverture maladie adaptée.

Si l’on admet le principe de l’éligibilité des étudiants répondant aux critères posés par la loi, au volet complémentaire de la CMU, sa mise en œuvre par les mutuelles d’étudiants laisse subsister quelques interrogations.

1. Un très faible taux d’assurance complémentaire, autonome, chez les étudiants

Seul un tiers environ des étudiants affiliés à une mutuelle étudiante au titre du régime de base, acquittent auprès de cette mutuelle une cotisation pour bénéficier d’une couverture complémentaire.

Trois explications éclairent ces chiffres. La faible inclination de la population étudiante, liée à l’âge, pour la prévention du risque maladie; des primes d’adhésion trop onéreuses entraînant un arbitrage défavorable à la couverture complémentaire dans le choix des dépenses toujours élevées de la rentrée universitaire; la troisième explication est d’une toute autre nature, puisqu’il s’agit de la prise en charge de la couverture complémentaire par les mutuelles des parents de certains étudiants.

Il convient de revenir quelques instants sur ce dernier point. Il a été signalé à plusieurs reprises à la commission d’enquête, que certaines mutuelles, en particulier des mutuelles de fonctionnaires, maintiennent les droits des enfants de leurs adhérents jusqu’à la fin de leurs études parfois même sans limite d’âge. On comprend bien l’objectif de ces mutuelles qui est de retenir une population et de la fidéliser pour l’avenir. Il est tout aussi clair que cette concurrence ne va pas dans le sens d’une aspiration forte des étudiants, relayée par les différents syndicats et associations que la commission d’enquête a entendus, à l’autonomie et à la responsabilisation en matière de santé. Cette concurrence qui prive les mutuelles d’étudiants d’une part de marché importante, a une autre conséquence indirecte. Elle les oblige, compte tenu de leurs faibles marges mutualistes, liées au faible nombre d’adhérents, à maintenir des tarifs d’assurance complémentaire prohibitifs, comme on l’a vu, pour un bon nombre d’étudiants. Il en résulte une tendance à sortir de l’activité purement mutualiste pour se positionner sur d’autres secteurs.

On ne peut cependant totalement nier que si les étudiants préfèrent les mutuelles parentales, c’est parce que les mutuelles étudiantes sont trop chères et peu attractives.

Il serait, néanmoins souhaitable, que dans les travaux de réflexion entrepris par la mutualité française pour sa rénovation et son accès au marché européen de l’assurance sans l’abandon de ses principes éthiques, cette forme de concurrence quelque peu déloyale soit envisagée. Sur ce point précis, M. Jean-Pierre Davant, président de la Fédération nationale de la Mutualité française lors de son audition par la commission a été peu précis : " Nous avons essayé entre nous de réguler cela, puisque si un Français sur deux est mutualiste, la moitié ne l’est pas. C’est plus intéressant d’aller chercher des adhérents chez M. Bébéar, le patron d’Axa, que de les prendre à la mutuelle du voisin ". M. Jean-Pierre Davant a ajouté un peu plus loin, dans son intervention : " Le jour où une grande mutuelle étudiante retrouvera toute sa place au sein de la Fédération nationale de la mutualité française, prendra sa place au conseil d’administration, dans les commissions, dans la vie de la mutualité, les mutuelles parentales seront tout à fait raisonnables et favoriseront cette mutuelle ".

Le résultat est, en tout cas, une insuffisante prise en charge sanitaire et un grave retard dans le recours aux soins, qui peuvent se traduire par de sérieux et durables problèmes de santé, en particulier dans le domaine des troubles psychologiques.

2. La réponse apportée par la CMU

L’affiliation des étudiants au régime de base d’assurance maladie géré par les mutuelles d’étudiants reste inchangé dans le cadre de la nouvelle loi.

En effet, l’article 3 de la loi réserve l’affiliation au régime général dans le cadre de la CMU aux personnes résidant en France métropolitaine ou dans un département d’outre-mer, lorsqu’elles n’ont droit, à aucun autre titre, aux prestations en nature d’un régime d’assurance maladie et maternité.

Il n’en va pas de même en ce qui concerne l’extension d’une couverture maladie complémentaire, sous condition de ressources, instaurée par l’article 20 de la loi.

Cet article ouvre, aux personnes dont les ressources sont inférieures à un plafond, déterminé par décret et révisé chaque année pour tenir compte de l’évolution des prix, un droit à une couverture complémentaire, sans contrepartie contributive et sans avoir à faire l’avance des frais médicaux pris en charge.

La CMU assure le remboursement du ticket modérateur dans la limite des tarifs de responsabilité des prestations couvertes par le régime obligatoire, du forfait hospitalier et de certains frais dentaires et dépenses d’optique. Ces prestations équivalent aux premiers niveaux de garantie offerts par les mutuelles d’étudiants.

Le plafond de ressources varie selon la composition du foyer et le nombre de personnes à charge. Un décret en Conseil d’Etat précisera les conditions d’âge, de domicile et de ressources auxquelles une personne est considérée comme étant à charge. Ce plafond serait, dans un premier temps, fixé à 3 500 F pour une personne isolée.

Si un étudiant, affilié au régime obligatoire de sécurité sociale des étudiants, est considéré à charge de sa famille, en application du décret à venir et si les revenus de cette famille sont inférieurs au plafond, l’étudiant sera éligible à la CMU.

Si un étudiant n’est pas considéré comme à charge de sa famille, ses revenus personnels seront seuls pris en compte pour l’ouverture des droits à la CMU.

L’éligibilité des étudiants français et étrangers à la couverture complémentaire de la CMU a été confirmée par Mme Martine Aubry, ministre de l’Emploi et de la solidarité devant la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale au cours de sa séance du 10 mars 1999 et répétée devant la commission d’enquête le 7 avril 1999 où elle s’est exprimée dans les termes suivants :

La couverture maladie universelle ne bouleverse en rien la spécificité du régime étudiant, qui demeurera ce qu’il est pour le régime de base. Il en va de même pour le régime complémentaire : les étudiants, comme l’ensemble des Français, resteront adhérents à leur régime complémentaire. Et lorsque leurs ressources se situeront en dessous du plafond, qu’ils seront indépendants fiscalement et n’habiteront pas avec leur famille, ils pourront bénéficier de la CMU comme tout autre Français remplissant les mêmes conditions. "

La situation de nombreux étudiants devrait en être changée et peut-être aussi la situation de leurs mutuelles, car on pourrait assister à une remutualisation des étudiants par le biais de la CMU.

Il importe également de s’interroger sur la situation des étudiants boursiers.

3. Les étudiants boursiers et la CMU

Au cours de l’année 1998-1999, selon les chiffres du ministère de l’Education nationale, de la recherche et de la technologie, 410 882 étudiants, soit 26 %, ont bénéficié d’une aide financière dont 361 450 sur critères sociaux et 49 432 sur critères universitaires.

Le ministère prévoit 40 000 boursiers supplémentaires pour l’année 1999-2000, ce qui représentera 28 % des étudiants. Par ailleurs l’un des objectifs du plan social étudiant est de parvenir à 30 % d’étudiants aidés sur 1 700 000 étudiants relevant du ministère de l’Education nationale.

En ce qui concerne les montants de ces aides, ils ont été fixés, pour l’année en cours, par un arrêté du 7 septembre 1998.

Ils s’échelonnent entre 7 524 F et 20 682 F, pour l’année, pour les bourses sur critères sociaux et entre 20 286 F et 23 976 F par an pour les bourses sur critères universitaires.

Le plan social prévoit là aussi une revalorisation de 15 % du montant des bourses sur quatre années.

Si on fait un peu de prospective, pour l’année 1999-2000, l’étudiant le plus aidé par le ministère, soit l’étudiant bénéficiant d’une bourse allouée sur critères universitaires au dernier échelon, laquelle aura augmenté de 3,75 %, percevra 24 875 F par an, soit 2 073 F par mois.

Tous les étudiants boursiers non rattachés fiscalement à leur famille et ne disposant pas d’un autre revenu que leur bourse ont donc vocation à être éligibles au volet assurance complémentaire de la CMU.

4. La place des mutuelles d’étudiants dans la gestion du système

M. Jean-Pierre Davant, Président de la FNMF, s’est inquiété devant la commission d’enquête des conséquences de la CMU sur l’existence même des mutuelles étudiantes dans les termes suivants : " Il y a peu d’étudiants qui gagnent plus de 3 500 F par mois. S’ils s’inscrivent tous à la CMU, gérée par les caisses primaires, nous n’aurons plus à débattre de l’avenir de la sécurité sociale et des mutuelles étudiantes, ce que je regrette ".

Mme Martine Aubry lui a, en quelque sorte, répondu devant la commission d’enquête en disant : " Les mutuelles étudiantes ne seront (…) pas gênées par le développement de la CMU. A l’inverse, comme toutes les mutuelles, elles pourraient être amenées à gérer la CMU pour certains étudiants, si elles se portent candidates pour le faire. "

L’article L. 861-4 du Code de la sécurité sociale (article 20 de la loi) stipule que les bénéficiaires de la protection complémentaire de la CMU obtiennent le bénéfice des prestations correspondantes, à leur choix: auprès des organismes d’assurance maladie gestionnaires de ces prestations pour le compte de l’Etat (CPAM), par adhésion à une mutuelle régie par le Code de la mutualité, ou par souscription d’un contrat auprès d’une institution de prévoyance régie par le Code de la sécurité sociale ou d’une entreprise régie par le Code des assurances.

Les étudiants bénéficiaires de la CMU auront évidemment le même choix et donc la possibilité d’adhérer, gratuitement, à une mutuelle étudiante pour percevoir les prestations complémentaires.

Cet espoir de remutualisation des étudiants est renforcé par une autre disposition de la loi destinée à atténuer les effets de seuil. Il s’agit de l’article 21 qui prévoit qu’à l’expiration de son droit aux prestations complémentaires de la CMU, c’est-à-dire lorsque ses ressources viennent à dépasser le plafond, tout bénéficiaire peut prolonger son adhésion ou son contrat d’assurance complémentaire, pour une période d’un an, avec les mêmes prestations et pour un tarif n’excédant pas un montant fixé par arrêté.

Une disposition de la loi vient cependant assombrir cette perspective de remutualisation des étudiants.

L’article L. 861-5 du Code de la sécurité sociale, introduit par l’article 20 de la loi, prévoit que la demande d’attribution de la protection complémentaire, accompagnée de l’indication du choix de l’organisme gestionnaire, est faite auprès de la caisse du régime d’affiliation du demandeur. La décision d’attribution relève de l’autorité administrative qui peut déléguer ce pouvoir au directeur de la caisse.

La difficulté tient au fait, qu’en l’état actuel de leur fonctionnement, les mutuelles d’étudiants délégataires du régime de base pour le compte des caisses primaires, ne sont pas caisses d’affiliation.

En effet, l’affiliation des étudiants au régime de base se fait en même temps que leur inscription universitaire et en même temps que le choix de la mutuelle qui leur versera les prestations du régime obligatoire, mais l’article L. 381-6 du Code de la sécurité sociale précise que les bénéficiaires du régime étudiant " sont affiliés aux Caisses primaires d’assurance maladie à la diligence des établissements où ils sont inscrits ".

Les textes en vigueur confèrent donc une entière responsabilité aux caisses primaires en matière d’affiliation et de vérification des conditions requises, mais, comme le signale la Cour des comptes (rapport précité), ces opérations, sont conduites en parallèle par les sections locales mutualistes, de façon à réduire les délais d’édition des cartes d’assuré social des étudiants.

Le choix des étudiants pourrait pencher en faveur de leur mutuelle pour gérer la CMU, si ces mutuelles pouvaient se prévaloir d’un système conforté de guichet unique intégrant le dépôt de la demande d’attribution.

En l’absence de cet argument, les mutuelles d’étudiants auront beaucoup de mal à résister à la concurrence d’autres organismes d’assurance en mesure de proposer des services attractifs, en particulier dans le domaine de l’assurance " non Vie ".

C’est pourquoi, il conviendrait de modifier l’article L. 381-6 du Code de la sécurité sociale afin de permettre l’affiliation des étudiants au régime de base directement auprès des sections locales mutualistes. Les CPAM continueraient d’exercer un contrôle sur l’ouverture des droits et la régularité des conditions de liquidation des prestations a posteriori.

Cette mesure, outre le meilleur positionnement qu’elle entraînerait pour les mutuelles étudiantes sur le marché de l’assurance complémentaire, irait dans le sens, souhaité par nombre des interlocuteurs de la commission d’enquête, de la simplification de la procédure d’affiliation au régime étudiant.

Cette solution répondrait, de surcroît, au point 5 des recommandations de la Cour des comptes dans son rapport de septembre 1998 : " Simplifier et fiabiliser les procédures d’affiliation des étudiants au régime obligatoire de sécurité sociale. "

L’affiliation directe des étudiants auprès de leurs mutuelles qui seraient également chargées du recouvrement des cotisations avant leur reversement à l’URSSAF, s’accompagnerait nécessairement, comme toute extension de responsabilité, d’un renforcement des contrôles.

5. Le financement de la CMU dans les comptes des mutuelles étudiantes

Le financement de la couverture complémentaire de la CMU est organisé par l’article 25 de la loi.

Un fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie est créé et alimenté, en sus d’une dotation budgétaire de l’Etat, par une contribution des organismes gestionnaires, y compris des mutuelles, assise sur la totalité des cotisations ou des primes, hors taxes, perçues des adhérents ou des contractants, au titre de la protection complémentaire en matière de santé. Le versement de la contribution est trimestriel, son taux est fixé à 1,75 %.

Les organismes gestionnaires déduisent du montant de cette contribution, une somme de 1 500 F par an et par bénéficiaire de la CMU pris en charge au cours de la période correspondante (375 F par trimestre).

Lorsque le montant de la contribution due au fonds sera inférieur au montant de la déduction, la différence sera versée par le fonds à l’organisme gestionnaire au plus tard le dernier jour du mois suivant la période considérée.

La proximité des mutuelles étudiantes à l’égard de la population étudiante devrait leur permettre de jouer un rôle positif dans la mise en place de la CMU et d’une certaine manière de renouer avec les missions fondatrices de la Mutualité, dans des conditions financières qui ne semblent pas défavorables.

Il n’est pas sans intérêt de faire remarquer, à ce stade du développement et en vue de la suite, que la gestion de la CMU implique le respect des principes de l’obligation d’assurance et de non sélection des personnes et des risques, par tous les opérateurs y compris les compagnies d’assurance.

Il faut enfin, dès maintenant préciser, même si la question des contrôles sera globalement réexaminée ci-après, que la loi créant la CMU attribue au fonds de financement le contrôle des dépenses réalisées par les caisses et par les organismes gestionnaires et que ces derniers ont l’obligation de communiquer tous les éléments nécessaires à la détermination de l’assiette de la contribution et de la déduction.

B. LA TRANSPOSITION À LA MUTUALITÉ DES DIRECTIVES ASSURANCE

Depuis l’adoption des troisièmes directives européennes d’assurance dommages (non Vie) du 18 juin 1992 et d’assurance vie du 10 novembre 1992, les mutuelles régies par le Code de la mutualité sont reconnues, sur le plan européen, comme organismes habilités à diffuser des produits d’assurance.

Lorsque la Mutualité française a demandé, en 1991, que les mutuelles soient intégrées dans ces directives afin qu’elles puissent accéder à la libre prestation de services et à la liberté d’établissement au sein de la Communauté européenne, elle avait posé plusieurs conditions visant à faire prendre en compte la spécificité de l’action mutualiste, par l’adoption de dérogations au droit européen de l’assurance.

Ces dérogations n’ayant pas été intégrées dans les directives, adoptées à l’unanimité des Etats membres, la transposition de ces directives dans le Code de la mutualité s’est avéré impossible, alors que des lois de transposition ont été adoptées le 4 janvier 1994 et le 8 août 1994, pour les compagnies d’assurance et les institutions de prévoyance.

Aujourd’hui, certaines obligations prévues par le Code la mutualité sont clairement contraires aux directives, comme l’obligation de se réassurer auprès d’une autre mutuelle ou de la CNP, ou celle de diversifier ses activités pour accomplir l’objet même de la mutualité défini par l’article L. 111-1, ou enfin l’interdiction du rachat d’une mutuelle par une entreprise d’assurance relevant du Code des assurances.

Le manquement aux délais impartis pour transposer les directives sur les assurances dans le Code de la mutualité a conduit la Commission européenne à engager, contre la France, une procédure devant la Cour de Justice des Communautés européennes.

Cette situation est à l’origine d’une mission de concertation et de propositions en vue de l’établissement rapide d’un projet de loi de transposition confiée par le Premier ministre le 6 novembre 1998 à M. Michel Rocard.

M. Michel Rocard a remis son rapport au Premier ministre (7) le 27 mai 1999 et quelques jours auparavant il avait accepté de faire part à la commission d’enquête, des solutions de compromis susceptibles d’être retenues.

La mutualité étudiante est concernée de très près par la transposition des directives assurance, tant dans le champ de sa participation au service public de la sécurité sociale que dans celui de l’assurance complémentaire.

En tenant compte des analyses et des propositions de M. Michel Rocard et des témoignages apportés devant la commission d’enquête par les différents acteurs concernés, il est possible d’entrevoir les contraintes mais aussi les occasions de modernisation et de clarification qui devraient en résulter pour les mutuelles d’étudiants.

Une première certitude a été exprimée par M. Michel Rocard et éclaire l’ensemble du débat : " Il est exclu que la France puisse espérer que la Communauté européenne révise les directives (…) pour répondre à une exception française, car la mutualité n’existe nulle part ailleurs ".

(Il faut toutefois préciser qu’un secteur mutualiste existe en Belgique).

1. La participation des mutuelles étudiantes au service public de la sécurité sociale

M. Michel Rocard a éclairé la commission d’enquête sur un point important pour les mutuelles étudiantes : " L’application du droit communautaire des assurances ne met pas en cause la gestion par une mutuelle du régime obligatoire ".

Selon l’ancien Premier ministre, la gestion du régime obligatoire d’assurance maladie par une mutuelle, moyennant rémunération, n’intéresse le droit communautaire que du point de vue des règles de la concurrence.

Il faut cependant examiner de quelle façon ces règles devront être respectées.

a) Distinguer remises de gestion et aides d’Etat

Le droit de la concurrence, qui est de la compétence exclusive de la Communauté européenne, implique, selon M. Michel Rocard : " que les remises de gestion rémunérant l’exercice de ce risque n’en excèdent pas le volume et le coût, ce qui nécessite un contrôle approprié ".

Dans son rapport (précité), M. Michel Rocard apporte des précisions, en s’appuyant sur des réponses circonstanciées de la Commission européenne.

Rien ne s’oppose dans les directives assurances à ce qu’une entreprise d’assurance (au sens européen, englobant les organismes régis par le Code de la mutualité, les instituts de prévoyance régis par le Code de la sécurité sociale et les assurances régis par le Code des assurances), passe une convention avec les caisses de sécurité sociale, aux deux conditions suivantes :

· que les entreprises d’assurance " limitent leur objet social aux activités prévues par la directive et aux opérations qui en découlent directement, à l’exclusion de toute activité commerciale " ;

· que " les versements ou contributions reçus des caisses de sécurité sociale constituent la contrepartie exacte du coût du service fourni aux assurés sociaux et ne soit pas une subvention publique indirecte ou déguisée aux mutuelles ".

La gestion du régime obligatoire est bien une activité d’assurance prévue dans la directive et elle n’a rien de commercial.

La seconde condition rejoint l’une des questions qui est au centre des préoccupations de la commission d’enquête.

La transposition des directives assurance obligera à proposer avec force que le montant des remises de gestion soit fixé au niveau approprié, afin de préserver l’avenir même du service public. De même la question du contrôle de ce niveau approprié est relancée.

b) Les actions de prévention du régime obligatoire

Le service public de la sécurité sociale inclut, conformément à l’article L. 221-1 3°) du Code de la sécurité sociale, des actions de prévention, d’éducation et d’information de manière à améliorer l’état de santé de la population.

L’analyse développée par la mission de M. Michel Rocard sur ce point permet de dire que la prévention du risque santé découle directement de l’assurance obligatoire de ce risque. En conséquence, les mutuelles d’étudiants ne seraient pas en infraction au regard des règles communautaires en fournissant à l’ensemble des étudiants des prestations de cette nature.

La participation des mutuelles à des bilans gratuits de santé, à des campagnes de vaccination, d’information et de formation à la santé, par exemple, entre dans le cadre de leur délégation de service public et justifie une rémunération correspondante.

Ce point est important car il devrait permettre de mieux cadrer le contenu des obligations réciproques entre la CNAM et les mutuelles d’étudiants sur lesquelles la commission d’enquête sera amenée à faire des propositions.

2. Le fonctionnement de l’assurance complémentaire maladie

a) La spécificité de l’action mutualiste

M. Michel Rocard pose clairement le problème : " Le droit européen ne connaît pas cette spécificité mutualiste. Il aborde les problèmes du risque maladie essentiellement en référence à la concurrence mais avec une possibilité d’ouverture en faveur d’une exception fondée sur l’intérêt général ".

Le problème se complique, selon l’auteur du rapport, car la spécificité mutualiste n’est nulle part définie en droit français, pas plus que l’intérêt général qu’elle exprime. " En matière d’assurance maladie, nous sommes en France devant une évolution coutumière très fortement marquée par la tradition mutualiste ".

M. Michel Rocard préconise, en conséquence, qu’une disposition de la loi de transposition définisse la spécificité mutualiste ce qui constituerait une base légale permettant d’écarter, au nom d’un intérêt général clairement perceptible, certaines règles posées par les directives assurances.

Comme l’indique M. Michel Rocard, c’est du côté de la jurisprudence de la Cour de Justice des communautés européennes qu’il faut chercher la prise en compte d’un intérêt général pour justifier des restrictions aux règles de la concurrence. Le rapport cite plusieurs arrêts pour lesquels, la protection des travailleurs, la protection des consommateurs, la sauvegarde de la diversité culturelle sont constitutives d’un intérêt général. Il devrait donc être possible à la loi française de définir, sans risque de contentieux, la protection de la santé et l’égalité d’accès à cette protection comme motif d’intérêt général.

C’est parce qu’elles seraient tenues, au nom d’un intérêt général légalement défini, à des obligations spécifiques et contraignantes vis à vis de leurs adhérents, que les mutuelles françaises pourraient s’exonérer de certaines règles communautaires, lesquelles provoquent parfois, selon l’expression de M. Michel Rocard " une vraie colère du mouvement mutualiste ".

Quels sont les éléments de cette spécificité mutualiste, en matière d’assurance maladie complémentaire ?

Devant la commission d’enquête, M. Michel Rocard a indiqué que l’on pouvait en " deviner les traits ". Il s’agit du caractère viager de l’engagement de la mutuelle, de la solidarité organisée au sein d’une catégorie de population. Ces engagements interdisent toute possibilité de sélectionner les risques et les assurés, et de fixer les cotisations en fonction du risque, c’est à dire de l’état de santé de l’assuré. Cela différencie les mutuelles des institutions de prévoyance et des compagnies d’assurance dont la tarification est libre.

Cependant, dans son rapport, M. Michel Rocard constate que l’encadrement législatif des tarifications des mutuelles est faible et qu’elles disposent de larges possibilités de modulation tant des cotisations que des prestations.

Cette situation résulte d’une rédaction très ouverte de l’article L. 121-2 du Code de la mutualité : " Les mutuelles ne peuvent instituer, en ce qui concerne le niveau des prestations et des cotisations, des discriminations entre membres ou catégories de membres participants si elles ne sont pas justifiées par les risques apportés, les cotisations fournies ou la situation de famille des intéressés. Les cotisations peuvent être modulées en fonction du revenu des membres participants ".

C’est pourquoi la mission conduite par M. Michel Rocard, considère nécessaire, en raison de la grande variété de pratiques des mutuelles sur ces formes de discrimination, d’inscrire dans la loi les principes mutualistes qui justifieraient une transposition différenciée.

Ces principes à inscrire dans la loi, pourraient être les suivants :

· caractère viager de l’engagement qui ne peut être rompu par les mutuelles du fait des modifications de l’état de santé ou de la consommation médicale de l’adhérent ;

· non individualisation de la cotisation en fonction du risque ;

· interdiction de la sélection à l’entrée et de l’utilisation du questionnaire médical ;

· interdiction de toute rémunération directe ou indirecte en fonction du chiffre d’affaires des " commerciaux ".

Il appartiendra à l’autorité de contrôle de vérifier le respect de ces règles et en cas de violation, des mécanismes juridiques conduisant au retrait de l’agrément mutualiste devraient être prévus selon l’analyse du rapport de M. Michel Rocard.

La mission estime que l’inscription des principes mutualistes dans la loi va clairement dans les sens de l’intérêt général en garantissant que l’emploi de cette forme juridique correspond à un comportement solidaire. Pour autant, le mouvement mutualiste ne pourra s’exonérer de toutes les contraintes imposées par les directives assurance aux entreprises qui revendiquent l’autorisation d’exercer sur le marché européen.

Dans cette hypothèse, quelles seraient les adaptations inévitables qui résulteraient de la transposition des directives, pour la gestion du régime complémentaire par les mutuelles et qui rejailliront bien évidemment sur les mutuelles étudiantes ?

b) Le principe communautaire de la spécialité de l’activité d’assurance

M. Michel Rocard a rappelé devant la commission d’enquête que l’action mutualiste consiste à " prendre en charge moins des risques de maladies spécifiques que des personnes ". En conséquence, l’adhésion à une mutuelle crée pour cette dernière " l’obligation d’agir sur le risque par la prévention et une offre de soins pas uniquement liée à la survenance du risque qu’est la maladie ".

Le rapprochement est alors immédiatement fait avec l’élément majeur des directives assurance : le principe de spécialité qui interdit à une entreprise d’assurance (au sens européen) de pratiquer au sein de la même structure juridique des activités autres que d’assurance.

Cela signifie que toutes les activités sociales, qui ne sont pas liées à la réalisation d’un aléa couvert par le contrat d’assurance, ne peuvent être exercées par la structure juridique de la mutuelle offrant la prestation d’assurance.

M. Michel Rocard traduit cette règle en disant que " les mutuelles ne pourront plus assurer directement la gestion de leurs colonies de vacances ou de leurs centres optiques ".

Les œuvres sociales créées et gérées par de nombreuses mutuelles ne représentent pas de simples accessoires de leurs activités d’assurance, elles constituent une mission fondamentale du mouvement mutualiste. Selon l’article L. 411 du Code de la mutualité, figurant au livre IV entièrement consacré à l’action sociale, c’est " pour la réalisation des objectifs définis à l’article L. 111-1 (que) les mutuelles peuvent créer des établissements ou des services à caractère sanitaire, médico-social, social ou culturel ".

De surcroît, le Code de la mutualité interdit que ces œuvres soit gérées de manière autonome. L’article L. 411-2 édicte que " les établissements et services, mentionnés à l’article L. 411-1 n’ont pas de personnalité juridique distincte de celle de la mutuelle fondatrice, même si les opérations relatives aux œuvres sociales doivent faire l’objet de budgets et de comptes séparés ".

On se trouve donc en pleine contradiction. D’un côté, la position mutualiste qui revendique une unité de personnalité juridique qui facilite la circulation des fonds entre les différentes activités des mutuelles et la compensation des déficits des œuvres sociales par les excédents de gestion des activités d’assurance. De l’autre, le principe communautaire de spécialité " interdisant aux mutuelles de s’occuper d’autres choses que d’assurance maladie ", selon les termes de M. Michel Rocard.

Afin d’éclairer cette contradiction, il faut s’attarder un instant sur les raisons qui fondent le principe de spécialité en droit européen.

C’est une règle d’inspiration prudentielle qui vise à protéger, dans l’intérêt des assurés, les actifs des entreprises d’assurance destinés à gager leurs engagements. La prohibition du cumul d’activités veut empêcher que les résultats éventuellement négatifs d’une activité autre que l’assurance, c’est à dire d’une activité non soumise aux contraintes rigoureuses des règles prudentielles, mettent en péril l’efficacité du système spécifique de sécurité financière que constitue l’ensemble des règles prudentielles (provisions techniques et actifs représentatifs, marge de solvabilité, fonds de garantie).

L’idée est que ce système prudentiel ne fonctionne bien que s’il est appliqué à une activité homogène, l’activité d’assurance, en fonction de laquelle il a été précisément défini et calculé.

Dans son rapport, M. Michel Rocard considère que " dans la pratique, il est difficile de nier que la gestion d’un établissement de soins est, même s’il est admis au service public hospitalier, un facteur de risque ne correspondant pas à une activité d’assurance et non pris en compte dans les règles prudentielles ".

Il faut cependant préciser que les activités que le législateur européen a souhaité prioritairement proscrire sont les activités financières de banque, d’institutions financières et placements de produits financiers, souvent associées à des activités d’assurance.

Cet argument est souvent repris par les fédérations mutualistes qui estiment que cette règle communautaire ne devrait pas s’appliquer aux œuvres sociales gérées par les mutuelles.

Il est en effet probable que les auteurs des directives qui entendaient combattre des phénomènes de captation de clientèle résultant de l’offre systématique, à côté des produits d’assurance, de multiples autres produits financiers plus ou moins voisins, n’avaient pas présent à l’esprit la diversité de l’objet des mutuelles.

Néanmoins tous les commentateurs s’accordent pour dire que même si les œuvres sociales gérées par les mutuelles ne sont pas directement visées, la rédaction très large du texte des directives ne permet pas non plus de les exclure dans la mesure où le risque de mauvais résultats peut également les concerner.

Un autre argument est tiré par le mouvement mutualiste du fait que les œuvres sociales ne sont pas des activités commerciales au sens des directives. En effet, les entreprises d’assurance autorisées à accéder au marché européen doivent limiter leur objet à l’activité d’assurance et aux opérations qui en découlent directement, à l’exclusion de toute autre activité commerciale. Seules les activités commerciales seraient donc proscrites.

Or en application de l’article L. 111-1 du Code de la mutualité, les mutuelles sont des " groupements à but non lucratif " et les actions de " prévoyance ", de " solidarité " et " d’entraide " ne sont pas des activités à finalité commerciale. Cependant cette affirmation doit être tempérée.

Les associations, par exemple, sont des personnes morales sans but lucratif, mais dont certaines activités, sont, au regard de la loi fiscale, regardées comme des activités commerciales.

La plupart des activités gérées par les mutuelles, par exemple dans le domaine du logement, des transports ou des loisirs, pour les mutuelles d’étudiants, sont des activités économiques, intervenant sur le marché, même si l’objectif final n’est pas la réalisation de profits et la distribution de dividendes. A ce titre, elles sont susceptibles d’être déficitaires et donc inévitablement proscrites par la règle communautaire de mono-activité.

c) Deux réponses possibles au principe de spécialité

Michel Rocard, estime que face à la contradiction soulevée, il existe " deux marges de liberté ", développées dans son rapport, la seconde reprenant une proposition qui avait déjà été formulée dans un précédent rapport, sur le même thème présenté par M. Alain Bacquet, président de la section sociale du Conseil d’Etat, en 1994 (8) et restée sans effet.

— La gestion directe des prestations en nature

Le droit européen n’exige pas que toutes les prestations d’assurance maladie soient des prestations en espèce ; " En l’absence d’une disposition communautaire contraire, une prestation d’assurance complémentaire maladie peut avoir la forme d’une prestation en nature ", selon M. Michel Rocard.

Une mutuelle peut donc gérer au sein de la même structure une activité d’assurance et des œuvres sanitaires dont le but est de fournir en nature à ses adhérents et à eux seuls, les prestations prévues par le contrat et découlant directement de l’activité d’assurance.

De plus la Commission européenne a indiqué à la mission Rocard, qu’" une mutuelle peut passer avec d’autres mutuelles des accords pour la mise à disposition de ses moyens techniques afin de lui permettre d’exécuter la prestation objet du contrat d’assurance ".

Rien n’interdit donc à une mutuelle offrant des prestations en nature d’en faire bénéficier les adhérents d’une autre mutuelle, sous réserve des règles européennes relatives à cette activité et notamment des règles de concurrence.

Sans préciser la nature des activités mutualistes qui rentreraient dans cette catégorie, le rapport Rocard, indique qu’il ne peut s’agir que des activités découlant des relations contractuelles et statutaires entre les mutuelles et leurs adhérents et qu’il appartient aux autorités de contrôle de vérifier l’application du principe de spécialité et donc de contrôler, au cas par cas, que la prestation en nature comme la mise à disposition d’une autre entreprise d’assurance y sont conformes.

Cette marge de liberté est faible et l’auteur du rapport a raison de préciser que l’activité de contrôle dans ce cas de figure " ne sera pas une tâche aisée "

C’est pourquoi, M. Michel Rocard a retenu une deuxième voie, directement inspirée du rapport de M. Alain Bacquet.

— Les mutuelles sœurs

" Une mutuelle non agréée au titre de l’assurance maladie, servant des prestations en nature, peut être gérée par le même conseil d’administration, les mêmes autorités qu’une mutuelle sœur qui, elle, fait de l’assurance maladie ".

Le rapport Rocard précise cette solution en disant : " Si la séparation des œuvres non liées à l’activité d’assurance est une obligation européenne, la possibilité qu’elles puissent être gérées sous une forme mutualiste, par exemple une union sans activité d’assurance ou une mutuelle spécifique, peut être offerte par le droit français sans contradiction avec le droit européen ".

Afin d’éviter le risque de parcellisation et, à terme, d’éloignement entre les mutuelles " entreprises d’assurance " et celles n’ayant pas cette activité, il est proposé que le droit interne organise une communauté de décision et de direction entre ces mutuelles sœurs.

Le rapport Bacquet suggérait que la mutuelle sœur gérant les œuvres sociales puisse avoir les mêmes adhérents et dans le respect des règles démocratiques, les mêmes dirigeants que ceux de la mutuelle d’assurance. Il ajoutait qu’en toute hypothèse, les mutuelles partenaires dans le cadre d’un tel binôme devraient conclure entre elles une convention déterminant leurs relations financières et les modalités de leurs coopération.

S’agissant des transferts de fonds qui auraient lieu entre les mutuelles sœurs, ils ne sont pas interdits par le droit communautaire et peuvent donc être prévus par le droit français, à la condition qu’ils ne mettent pas en péril les règles prudentielles de la mutuelle assurance, ce qui nécessitera là aussi des contrôles très réguliers.

Mais M. Michel Rocard attire tout de même l’attention sur " la question de la nature du contrat dans le cadre duquel l’adhérent de base qui aurait souscrit aux deux mutuelles, à la fois, une unique cotisation, ventilée entre les deux, accepterait une procédure dans laquelle finalement, la mutuelle bénéficiaire, celle de l’assurance maladie, verrait, sous réserve des règles prudentielles applicables aux compagnies d’assurance, une possibilité de transférer régulièrement des fonds pour financer la mutuelle prestataire de services en nature qui correspond à l’exercice des anciennes œuvres ".

Devant la commission d’enquête, M. Michel Rocard s’est montré raisonnablement optimiste sur le réalisme de cette construction en disant : " Le mouvement mutualiste aura à explorer la faisabilité des choses. Il a besoin d’une négociation de bonne foi avec le Gouvernement et d’une clarté durable dans le traitement fiscal des transferts financiers. Une solution de cette nature, même si elle complique la vie à un certain nombre de mutuelles, je ne sais pas ce qu’il en serait pour la MNEF, je sais que pour la MGEN ce serait difficile, est possible, compatible avec le droit européen et pourrait donc être introduite en droit interne au moment de la transposition. "

d) Les réactions des principaux acteurs

— La position des Fédérations mutualistes

M. Michel Rocard ayant indiqué à la commission d’enquête que l’accueil réservé à ces propositions était différent suivant les fédérations mutualistes, il lui a été demandé de préciser sur quels points.

En ce qui concerne la FNIM qui représente 3 % du mouvement mutualiste, elle " a depuis longtemps séparé ses œuvres sociales de toute gestion assurancielle et avale la totalité de la transposition des directives sans poser de problèmes ", selon l’auteur du rapport.

Cette approche a été plus ou moins confirmée par M. Philippe Delemarre, secrétaire général de la FNIM, devant la commission d’enquête lorsqu’il a déclaré à propos de la gestion des œuvres sociales en milieu étudiant : " Il me semble qu’il faut conserver au sein de l’université une gestion des œuvres sociales, sous forme d’une section, d’une division ou d’un département, car elles sont au cœur de la vie quotidienne de l’étudiant. Le système parallèle de la MPU (médecine préventive universitaire) dont j’ai entendu parler par les syndicats étudiants, qui n’en sont pas très contents, ne me paraît pas satisfaisant et la réforme actuellement en cours est salutaire. "

Un peu plus loin, dans son intervention, M. Philippe Delemarre a ajouté :

Avec des moyens qui restent à définir, nous préconisons d’une façon générale la création de centres spécifiques, destinés aux besoins des étudiants, la création de points de rencontre dans la section locale mutuelle; l’accueil, le guichet CMU, pourrait se trouver, avec l’aide de la caisse primaire et de la MPU, dans cette section locale. La population jeune serait ainsi prise en charge, ce qui est indispensable en matière de prévention. "

A l’inverse, M. Michel Rocard a constaté que la FMF, qui représente 3 ou 4 % du mouvement mutualiste, " trouve scandaleux que l’Europe se permette de mettre en cause des éléments de notre identité mutualiste ; elle conteste l’orientation du gouvernement français à légiférer pour transposer ces directives (...). Elle refuse toute concession sur l’urgence de se réassurer de manière mutualiste, sur le combat législatif contre tout risque qu’à l’occasion de transferts de portefeuilles, les garanties qu’a souscrit un mutualiste puissent être mises en cause et a fortiori, sur la gestion des œuvres sociales par des mutuelles d’assurance maladie complémentaire, à raison de leur vocation à faire de la prévention, du traitement de risque global … ".

Cette forme d’opposition n’a pas été totalement confirmée, devant la commission d’enquête, par M. Daniel Le Scornet, président de la FMF qui a déclaré à propos de la transposition : " Nous proposons – dans une perspective d’assainissement pour les mutuelles étudiantes mais aussi pour tout acteur en ce domaine – de faire ce que nous appelons "une spécialisation" du risque santé, c’est à dire faire en sorte que, sur ce risque, l’on trouve les mesures légales, tant au niveau national qu’au niveau européen, qui permettent que, quels que soient les acteurs qui interviennent sur ce champ, puisque concurrence il y a, ils puissent le faire dans un cadre éthique qui soit normé de façon légale forte. "

La suite de son intervention est cependant plus éloignée du droit communautaire : " Il nous semble que des règles de non-sélection, de non-exclusion doivent être imposées à l’ensemble des opérateurs; il nous semble qu’il ne faut pas qu’un opérateur, quel qu’il soit, puisse consolider le risque santé sur l’ensemble de son portefeuille (assurance) (9), parce que cela introduit des distorsions de concurrence terribles, qui conduisent ensuite l’ensemble des acteurs à mener des politiques qui ne sont pas des politiques éthiques; et il nous semble qu’il ne faut pas dissocier les activités d’assurance du risque, des activités d’action sur le risque et de prévention. (…) Il s’agirait de faire en sorte que tous les opérateurs qui interviennent sur ce risque – assurances privées, institutions de prévoyance et mutuelles – soient tenus à intervenir selon les mêmes règles. " Cette spécialisation et cette spécificité du risque santé permettraient par exemple, selon M. Daniel Le Scornet : " de laisser les mutuelles étudiantes gérer à la fois les services de prestations, mais également un certain nombre de réalisations qu’elles ont mis en place dans le domaine essentiel de centres de santé ou de centres de contraception, par exemple ".

Nous verrons un peu plus loin que M. Denis Kessler, président de la Fédération française des sociétés d’assurance est radicalement opposé à cette position.

La FNMF qui représente 82 % du monde mutualiste, est, selon M. Michel Rocard plus conciliante, bien que traversée elle-même par des courants contradictoires.

Elle a transmis à la mission Rocard, un projet de création de structures communes pour les mutuelles sœurs les " groupements d’intérêts mutualistes ", visant à rechercher une cohérence par une structure de tête à laquelle les mutuelles de base délégueraient certaines de leurs activités.

M. Jean-Pierre Davant, président de la FNMF, s’est montré très prudent devant la commission d’enquête à propos du problème général de la transposition des directives : " Si l’on transpose sans nuance des directives qui ont été fabriquées pour les sociétés commerciales d’assurance, on handicape et l’on dénature considérablement le mouvement mutualiste. (…) Vous dire de quelle manière cette transposition affectera le mouvement mutualiste, je ne peux le faire aujourd’hui. Je ne pourrai vous le dire que lorsque le projet de loi aura été adopté. "

— La position de la Fédération française des sociétés d’assurance

M. Denis Kessler, président de la Fédération française des sociétés d’assurance, entendu par la commission d’enquête, a tout d’abord contesté le principe de la délégation de gestion de la sécurité sociale pour les fonctionnaires et les étudiants et pas pour les salariés du privé. " Un certain nombre de mutuelles relevant de la FNMF disposent donc de remises de gestion par délégation, fixées de manière que je qualifierais de spécifique. Or nous aimerions faire le même type d’opérations avec les remises de gestion pratiquées par la CNAM. " Il a toutefois tempéré un peu plus loin cette revendication en disant : " Bien entendu, la confusion, dans un organisme qui réalise à la fois des opérations de base de manière délégataire – avec les remises de gestion – et de la protection sociale complémentaire qui relève du marché, peut être à l’origine des dysfonctionnements dont la presse s’est fait l’écho et qui justifie votre commission d’enquête. La protection complémentaire doit relever d’organismes complètement séparés avec des comptabilités séparées, des personnels séparés et de moyens séparés. "

M. Denis Kessler considère que les mutuelles bénéficient d’avantages, en particulier dans le domaine fiscal, à l’origine de graves distorsions de concurrence sur le marché de l’assurance et il souhaite la transposition intégrale des directives assurance à la mutualité. Ce que M. Denis Kessler illustre par la formule : " Bienvenue au club, le port de la cravate est obligatoire. " Et il ajoute un peu plus loin : " Nous avons le sentiment qu’une transposition complète des troisièmes directives vie est le meilleur moyen d’éviter de nouveaux problèmes tels que ceux rencontrés par la MNEF. "

M. Denis Kessler décline alors toutes les conséquences de cette transposition intégrale : " … une spécialisation claire de l’activité d’assurance. Dans les directives une clarté des comptes est imposée aux assureurs : les opérations figurent dans un compte, et les comptes doivent correspondre à l’activité d’assurance. Cela permet d’établir des bilans et des comptes d’exploitation qui n’expriment que les opérations d’assurance. "

Les normes de solvabilité – qui existent pour les institutions de prévoyance et les assureurs – seraient identiques, de façon à garantir, à l’égard des mutualistes, la solvabilité des organismes mutualistes auxquels ils adhèrent. "

L’obligation de transparence. Il y a là l’idée d’un plan comptable afin que les opérations soient dûment répertoriées et publiées. La sagesse commence par la comptabilité ! "

Viennent enfin la " suppression des différentiels fiscaux ", la " liberté de transfert des portefeuilles " et la liberté de réassurance ".

En ce qui concerne la définition spécifique de règles éthiques propres à l’assurance complémentaire maladie, excluant par exemple la sélection des risques, sa position est tout aussi inconciliable : " La protection sociale complémentaire relève, en France, du libre choix des individus depuis 1945. (…) Les assurés choisissent le contrat qui correspond à leur souhait de couverture. Les garanties ne sont pas les mêmes, les prix non plus et les contrats sont donc différents. "

M. Denis Kessler a également indiqué à la commission d’enquête : " Tout le monde pense que l’assurance est obsédée par la sélection des risques, alors que ce n’est pas le cas. Le risque joue moins dans le domaine de l’assurance santé où s’appliquent les conditions de la loi Evin (10) que dans le domaine de l’assurance-vie où des personnes viennent assurer des capitaux très importants. "

Aux questions réitérées du rapporteur et des commissaires sur l’assurance maladie et la sélection des risques, M. Denis Kessler a répété que cette question relève du libre choix des assurés sans répondre sur le principe d’une interdiction ou d’une limitation de la sélection des risques , en précisant cependant : " Si le risque est déjà survenu, il ne peut être question de l’assurer ".

Cependant la couverture complémentaire maladie ne peut être traitée comme une autre assurance parce que son existence conditionne la réalité de l’accès aux soins et l’efficacité globale du système de protection sociale.

C’est sans doute pour cette raison que le mouvement mutualiste prédomine très largement en France dans ce secteur. Comme le fait remarquer M. Michel Rocard : " L’ensemble de la mutualité compte 22 millions de cotisants et 30 millions d’ayants-droit. Ce système repose également sur une tradition historique et une légitimité immense. "

C’est pourquoi il est urgent de le rénover afin de le préserver. Car comme l’a également souligné M. Michel Rocard, si pour les taux de remboursement de l’assurance maladie obligatoire, la France est lanterne rouge en Europe, avant-dernière avant la Grèce avec un taux de 52 % pour le remboursement des soins ambulatoires, " elle est la seule, parmi les Quinze, à disposer de cet extraordinaire système mutualiste qui apporte les critères de non-sélection des risques, de solidarité par profession ou par région, et de non-tarification en fonction des risques. Partout ailleurs, l’assurance maladie est soumise aux règles du marché dans ce qu’elles ont de brutal, c’est-à-dire l’absolue sélection des risques. "

Il faut donc persévérer dans la démarche d’une transposition aménagée qui nécessitera inévitablement des modifications du Code de la mutualité.

3. Le fonctionnement interne des mutuelles

a) La transmission des portefeuilles et la réassurance

Il s’agit de deux autres conséquences de la transposition qui pourraient poser des problèmes importants au secteur mutualiste mais pour lesquels, là aussi, des solutions existent, dont les mutuelles d’étudiants devront se préoccuper.

— Les transferts de portefeuilles

Le premier problème concerne les règles de rachat d’une mutuelle en difficulté par une autre entreprise d’assurance. La Commission européenne a indiqué à la mission Rocard que les règles communautaires interdisent toute restriction à la liberté de transfert de portefeuilles entre entreprises d’assurance autre que " l’examen et l’attestation de la marge de solvabilité de l’entreprise concessionnaire. "

Mais dans la mesure où les mutuelles prennent à l’égard de leurs adhérents des engagements supplémentaires par rapport à ceux des autres entreprises d’assurance, il apparaît nécessaire de soumettre le transfert des contrats à des conditions visant à préserver ces engagements. Comme l’indique M. Michel Rocard, " il s’agit de sortir d’un univers mutualiste pour passer dans un univers de libre entreprise. "

Les solutions préconisées par la mission Rocard ne relèvent pas de la loi mais du renforcement des garanties mutualistes dans les contrats d’adhésion. Les mutuelles devraient en effet s’engager, dans leurs statuts et dans les contrats mutualistes, sur deux points en cas de transfert.

Tout d’abord garantir aux mutualistes que la décision de transfert sera prise en assemblée générale extraordinaire, par un vote solennel à la majorité qualifiée.

En second lieu et en plein accord avec la Commission européenne, les mutuelles doivent s’engager statutairement à obtenir en cas de transfert, l’obligation pour l’assureur cessionnaire, de respecter intégralement les engagements de l’entreprise cédante envers les assurés au titre des contrats mais aussi des statuts (ex. : non sur-tarification des risques ou non exclusion des assurés en raison de la modification de leur état de santé) et de ne pas modifier unilatéralement les conditions des contrats d’assurance souscrits par l’entreprise cédante. Le non-respect des conditions établies dans la convention de transfert peut être invoqué par les assurés ou par toute autre partie intéressée devant les autorités compétentes (autorité de contrôle, tribunaux). De plus, la Commission européenne considère que les autorités de contrôle, chargées de la surveillance de l’entreprise cessionnaire devront surveiller le respect des conditions de la convention de transfert et pourront, le cas échéant, prendre les mesures appropriées.

Dans leur propre intérêt, il appartient donc aux mutuelles de renforcer les dispositions protectrices de leurs adhérents et de réaffirmer les caractéristiques qui font la spécificité de la mutualité.

— La réassurance

Le second problème est celui de la réassurance. En effet, dans le cadre des directives européennes, si la loi peut permettre la réassurance au sein du mouvement mutualiste, elle ne peut la rendre obligatoire, contrairement à la rédaction actuelle du Code de la mutualité. La position sur ce point est inflexible d’après M. Michel Rocard et le droit de la réassurance ne peut être que libre.

M. Michel Rocard a analysé ce problème devant la commission d’enquête comme suit : " Aucun organisme mutualiste sérieux ne fonctionne sans réassurance. Or, plus l’organisme est fragile, plus le réassureur est le commandant. Quelle que soit l’intensité de l’engagement mutualiste, un réassureur conséquent cherchera à ne pas trop s’alourdir du caractère viager de l’engagement, à faire sentir ici ou là que tel malade a abusé et qu’il serait bon de le renvoyer vers l’aide sociale … "

Il pourrait donc s’agir d’une vraie menace pour la spécificité et l’éthique mutualiste. Mais là aussi, l’auteur du rapport considère que la solution ne réside pas dans la loi mais ne peut découler que d’une obligation statutaire interne.

Le choix du réassureur, union de mutuelles ou groupe d’assurances, doit relever de l’assemblée générale dans des conditions de majorités renforcées car il s’agit d’un enjeu essentiel pour la mutuelle.

La mutualité ne parviendra à se différencier des autres entreprises d’assurance et à obtenir des règles spécifiques que si elle accepte dans sa propre réglementation des évolutions importantes. Parmi ces évolutions on en retiendra trois qui seront précieuses dans l’évolution de la mutualité étudiante :

—  poser des limites aux engagements des mutuelles dans les entreprises d’assurance ayant une autre forme juridique ou dans des entreprises commerciales de droit privé ;

—  interdire l’existence d’organismes ayant la forme juridique d’une mutuelle mais dont l’objet est limité à un rôle de présentation d’assurance pour le compte d’entreprises d’assurance ayant un statut différent ;

—  prévoir des sanctions à l’inexistence d’une réelle vie mutualiste et à l’encontre des comportements exclusivement entrepreneuriaux identiques à ceux des sociétés commerciales.

M. Michel Rocard a raison de dire que " c’est un problème d’autorité intellectuelle, politique et éthique, interne au mouvement mutualiste. "

— Le cas particulier des petites mutuelles

La mission Rocard estime que pourrait être tentée une obligation légale de réassurance auprès d’un organe mutualiste, dans le cas ou la réassurance est souhaitée pour les petites mutuelles (de moins de 3 500 mutualistes).

M. Michel Rocard a apporté à la commission d’enquête les précisions suivantes : " Nous sommes là dans un univers à fragilité plus grande, le réassureur pèsera donc d’un poids beaucoup plus fort que sur de gros organisme … Il est donc admissible que dans ce cas la loi intervienne…[afin de] déterminer un intérêt général et, dans ce cadre, le traitement de la spécificité mutualiste au nom duquel il mérite une certaine protection ".

Le législateur devra " définir cet intérêt général mutualiste, dont les grandes mutuelles se portent garantes toutes seules à cause de leur puissance et de leurs dispositions statutaires en matière de réassurance, alors que les petites mutuelles requièrent la protection de la loi afin de leur permettre de se réassurer dans le monde mutualiste. "

Très peu de mutuelles d’étudiants appartiennent à la catégorie des petites mutuelles. Conformément au tableau, communiqué à la commission par l’USEM et reproduit ci-dessous, seule la SMERAG (Société mutualiste des étudiants des régions Antilles-Guyane) aurait eu moins de 3 500 adhérents pour l’année 1997/1998. La MGEL (61 722 adhérents) et la SMESO (43 377 adhérents), rattachées à la MER (Mutualité étudiante régionale) et évidemment la MNEF (184 718 adhérents pour l’année 1997/1998 et 153 691 pour l’année en cours) sont beaucoup plus grosses.

Mutuelle

1997/1998

MEP

20 865

SEM

5 885

SMECO

14 850

SMENO

31 941

SMERAG

1 626

SMEREB

12 661

SMEREP

55 293

SMERRA

49 835

MNEF

184 718

b) Le renforcement du contrôle

L’examen des différents problèmes posés au mouvement mutualiste par la transposition des directives assurance, a montré que le problème de la rénovation et du renforcement de l’efficacité des contrôles est pressant, d’autant que de nouvelles obligations devront être respectées.

M. Michel Rocard a abordé ce point devant la commission d’enquête en comparant le fonctionnement de la Commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance (CCMIP) et celui de son homologue la Commission de contrôle des assurances (CCA). Il a indiqué que l’on trouverait dans son rapport " deux pages assassines sur l’insuffisance des moyens juridiques de l’appareil de sanction et des moyens en personnel " de la CCMIP.

M. Denis Kessler ne l’a pas contredit sur ce point. Il aurait souhaité pour sa part " une commission de contrôle identique pour les institutions de prévoyance, les mutuelles et les sociétés d’assurance puisqu’elles pratiquent les mêmes opérations qui relèvent des mêmes directives européennes ". Il a indiqué également que la commission de contrôle des assurances lui semblait mieux fonctionner que celle dépendant du ministère des affaires sociales.

Le fonctionnement de la CCMIP est en effet jugé sévèrement dans le rapport Rocard.

En ce qui concerne tout d’abord les moyens. La CCMIP est chargée du contrôle de quatre catégories d’organismes de protection sociale complémentaire, dont les mutuelles ou unions de mutuelles ayant versé plus de 150 millions de francs de prestations en 1990 ou gérant une caisse autonome mutualiste (113) et les fédérations de mutuelles. L’ensemble de ces activités correspond à 29 organismes par agent contrôleur pour la CCMIP contre 12 par agent contrôleur pour la CCA.

Le contrôle opéré par les services déconcentrés, sous l’autorité des Préfets de Région, pour les mutuelles ayant versé moins de 150 millions de francs et ne gérant pas de caisse autonome (plus de 5 600 groupements mutualistes) est lui aussi insuffisant, faute de moyens, selon le rapport. Dans la pratique, le contrôle déconcentré se concentre quasi exclusivement sur les 1 100 mutuelles de plus de 3 500 personnes protégées, ce qui représente déjà 48 organismes par contrôleur.

Au-delà de ces aspects matériels, une autre critique, plus fondamentale est avancée dans le rapport. Le contrôle prudentiel prend trop de temps au détriment du fonctionnement général et de la régulation de la protection sociale complémentaire articulée à la protection sociale obligatoire, c’est-à-dire du respect des textes.

Le rapport s’étonne, à ce propos, que le problème de la compatibilité des prestations en nature servie par les mutuelles avec le droit communautaire n’ait jamais été soulevé par la CCMIP, dans la mesure ou selon la jurisprudence de la Cour de justice, les dispositions claires et inconditionnelles des directives sont directement applicables en droit interne, en particulier en l’absence d’une loi de transposition.

M. Michel Rocard impute le retard pris pour la transposition des directives, au fonctionnement même de l’Etat dans le traitement des problèmes de la mutualité. Il déplore que la délégation interministérielle à l’économie sociale qu’il avait lui-même installée auprès du Premier ministre ait été sortie des attributions du Premier ministre pour n’être plus rattachée qu’au ministère des Affaires sociales, ce qui prive ce dossier de sa dimension interministérielle.

Mais il y a plus grave encore dans la faible portée du contrôle exercé aujourd’hui par la CCMIP. Il s’agit du manque de base légale, en particulier en matière de sanction des comportements déviants des dirigeants mutualistes. Le rapport préconise, comme la CCMIP elle-même, un renforcement des textes sur deux points :

—  la fixation par un texte réglementaire d’un plafond cumulé que peuvent atteindre les diverses indemnités allouées au profit des administrateurs par l’assemblée générale; la sanction pénale prévue par le Code de la mutualité (article R. 541-1) en cas de non respect des termes de l’article L. 125-5 relatif à la gratuité attachée aux fonctions de membres du conseil d’administration, ne peut être mise en jeu en l’absence d’un tel texte qui fait défaut depuis 1945 ;

—  Une extension aux mutuelles du délit d’abus de biens sociaux.

Les pouvoirs de l’autorité de contrôle chargée du secteur de la mutualité apparaissent particulièrement faibles lorsqu’on les compare à ceux de l’autorité chargée du secteur assurance qui applique les directives assurances en matière de contrôle.

Le contrôle prudentiel prévu par les directives dépasse largement la vérification du calcul des provisions et le respect mathématique des règles prudentielles.

Les directives vie ont introduit les obligations suivantes en matière de contrôle des entreprises d’assurance :

—  Les Etats membres sont invités à introduire des dispositions législatives ou réglementaires qui prévoient l’approbation des statuts et la communication de tout document nécessaire à l’exercice normal du contrôle.

—  La surveillance financière comprend notamment la vérification pour l’ensemble des activités de l’entreprise d’assurance, de son état de solvabilité et de la constitution de provisions techniques, y compris les provisions mathématiques et des actifs représentatifs.

—  Les autorités de contrôle doivent exiger que toute entreprise d’assurance dispose d’une bonne organisation administrative et comptable et de procédures de contrôle interne adéquates.

On voit le chemin qu’il reste à parcourir pour hisser le monde de la mutualité étudiante à ce niveau d’exigence.

La Commission de contrôle des assurances peut étendre son contrôle à toute société dans laquelle l’entreprise détient directement ou indirectement plus de la moitié du capital social ou des droits de vote (article L. 310-15 du Code des assurances), alors que la CCMIP dispose d’un droit de suite très limité sur les filiales des mutuelles.

La CCA dispose d’un panel de mesures destinées à rétablir ou à renforcer l’équilibre financier ou à corriger les pratiques de l’organisme contrôlé, avant de recourir à la nomination d’un administrateur provisoire. Elle peut mettre l’organisme sous surveillance spéciale, restreindre ou interdire la libre disposition de tout ou partie des actifs.

Enfin, la CCA dispose de pouvoirs de sanction plus larges que la CCMIP, notamment lorsque les normes prudentielles ne sont pas respectées.

Les pouvoirs de sanction concernent non seulement l’organisme mais aussi ses dirigeants. Entre l’avertissement et le blâme, sanctions sans réelle portée et le retrait d’agrément, sanction ultime qui ne peut être utilisée qu’en dernier recours, la CCA dispose d’une gamme de sanctions disciplinaires, dont on voit bien à quel point elles ont fait défaut à la CCMIP dans le contrôle de la MNEF.

La CCA peut, en vertu du Code des assurances, prononcer les sanctions suivantes :

—  interdiction d’effectuer certaines opérations et toutes autres limitations dans l’exercice de l’activité ;

—  suspension temporaire d’un ou plusieurs dirigeants de l’institution ;

—  retrait total ou partiel d’agrément ou d’autorisation ;

—  transfert d’office de tout ou partie du portefeuille des contrats.

En outre, l’article L 310-18 du Code des assurances donne à la CCA le pouvoir de prononcer des sanctions pécuniaires à l’encontre de l’entreprise fautive, à la place ou en sus des sanctions énumérées ci-dessus :

… le montant de cette sanction pécuniaire doit être fonction de la gravité des manquements commis, sans pouvoir excéder 3 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé au cours du dernier exercice clos calculé sur une période de douze mois. Ce maximum est porté à 5 % en cas de nouvelle violation de la même obligation . Les sommes correspondantes sont versées au Trésor Public. "

La CCA ne peut toutefois prononcer ces sanctions qu’après avoir adresser une injonction à l’entreprise pour l’inviter à respecter les dispositions législatives et réglementaires applicables.

Cette comparaison fait clairement ressortir la faiblesse des moyens et des pouvoirs de la CCMIP à l’égard des mutuelles. Le simple pouvoir dissuasif de cet arsenal de sanctions aurait peut-être suffi à éviter nombre des dérives qui ont été dénoncées dans le fonctionnement de la MNEF ou de mutuelles créées par elle.

La question se pose alors: faut-il fusionner les deux commissions de contrôle, ou simplement harmoniser leurs pouvoirs, à l’occasion de la transposition des directives dans le Code de la mutualité ?

M. Denis Kessler s’est déclaré clairement en faveur d’une commission unique.

La position de M. Michel Rocard est beaucoup plus nuancée puisqu’il a déclaré à la commission d’enquête " Il s’agit de l’un des rares points que le rapport ne tranche pas car les investigations sont encore insuffisantes. "

Il a néanmoins présenté les avantages et les inconvénients de chacune des solutions.

La mise en place d’une autorité de contrôle unique aurait l’avantage d’unifier la surveillance prudentielle du secteur des " assurances " au sens des directives et de garantir un traitement homogène des différents opérateurs.

Mais cette solution ne prendrait pas en compte la spécificité mutualiste et le contrôle des règles propres qui la fondent. Pour reprendre l’expression de M. Michel Rocard, " Il est inconcevable, si l’on fusionne les deux organismes, que ce ne soit pas la philosophie du ministère des finances qui la domine. " Or, le contrôle des mutuelles doit porter sur le respect des engagements particuliers à l’égard des adhérents tel que le fonctionnement démocratique et le pouvoir des assemblées générales et des conseils d’administration.

L’autre solution est de maintenir les deux organismes, qui sont l’un et l’autre des autorités administratives indépendantes, ayant un président commun mais, comme on l’a vu, des pouvoirs très différents.

C’est pourquoi, selon M. Michel Rocard, si le gouvernement choisit de maintenir les deux organismes, " Il y a un énorme travail pour rehausser le second ".

Le statu quo étant exclu ", sur ce problème des contrôles, il présente dans son rapport les grandes lignes de ce rehaussement.

Il faut, en premier lieu, donner une base législative certaine aux missions de la mutualité dont la mise en œuvre sera objet de contrôles.

Quant à la commission elle-même, " présidée par une personnalité qualifiée, elle devrait regrouper des personnes à même d’appréhender dans sa diversité le secteur des assurances et le secteur de la santé. Elle devrait structurellement faire appel à des contrôleurs issus pour moitié du corps de contrôle des assurances et pour moitié d’inspecteurs des affaires sociales ou d’agents nommés par le ministre de l’Emploi et de la solidarité. En effet, seule la diversité des origines et compétences des contrôleurs peut permettre la réalisation d’un contrôle qui ne se limiterait pas au respect des règles strictement financières. "

c) L’incontournable obligation de transparence comptable et fiscale

Faire entrer le secteur mutualiste dans le champ d’application des directives sur l’assurance, à condition de préserver un traitement spécifique au domaine de l’assurance maladie, devrait donc dans de nombreux domaines être l’occasion de moderniser ce secteur et de le revivifier.

Il est deux domaines dans lesquels le fonctionnement des mutuelles ne pourra qu’être amélioré, ceux de la comptabilité et de la fiscalité.

— La mise à jour du plan comptable des organismes de mutualité

Les directives assurance vie prescrivent aux autorités compétentes de l’Etat membre où l’organisme d’assurance est agréé qu’elles " exigent que toute entreprise d’assurance dispose d’une bonne organisation administrative et comptable et de procédures de contrôle interne adéquates ".

Un arrêté du 22 mars 1985 (11), relatif à la comptabilité des organismes mutualistes, décrit le plan comptable particulier que les mutuelles doivent utiliser pour la tenue de leur comptabilité.

Elles doivent par ailleurs respecter des règles financières, que l’on rappellera rapidement.

Les excédents annuels des recettes sur les dépenses sont affectés à raison de 50 % à la constitution d’un fonds de réserve. Le prélèvement cesse d’être obligatoire quand le montant du fonds de réserve atteint les trois quarts du total des prestations payées par la mutuelle pendant l’année précédente.

Toute mutuelle doit justifier qu’elle dispose d’une marge financière de sécurité composée de l’ensemble de ses réserves et égale à 10 % des cotisations nettes de réassurance, perçues à la clôture de l’exercice précédent, ce ratio devant augmenter avec la transposition des directives. Les engagements contractés à l’égard des membres participants ou de leurs ayants droit sont garantis sur l’actif des mutuelles.

En application du plan comptable de 1985, les mutuelles n’ont pas l’obligation de dissocier les immobilisations, les investissements et les résultats propres à chacune de leurs activités.

Cette situation a conduit la Cour des comptes à constater dans son rapport de septembre 1998, que " L’absence de séparation des comptes relatifs aux diverses activités des mutuelles d’étudiants et le retard qu’accuse la mise en œuvre d’une comptabilité analytique entraînent le manque de transparence des comptabilités, rendant tout contrôle inopérant. "

On peut, sans trop de risque de se tromper, considérer que cette situation ne sera pas regardée par la Commission européenne comme constitutive d’une bonne organisation comptable permettant des procédures de contrôle interne adéquates.

Cette situation est intenable lorsque l’on rappelle que la MNEF et les dix mutuelles étudiantes à vocation régionale, gèrent le régime obligatoire de sécurité sociale des affiliés et, depuis la loi du 4 février 1995, celui des ayants droit autonomes majeurs, le régime complémentaire santé des adhérents et qu’à côté des missions mutualistes traditionnelles, elles offrent de nombreux produits (contrats d’assurance, services bancaires, cartes de réduction, offres de stages et d’emplois…) et ont développé différentes activités de nature commerciale (publicité, imprimerie, construction et gestion de résidences universitaires, gestion de cafétérias…).

L’absence de comptabilité analytique facilite évidemment la circulation des fonds entre les différentes activités et notamment la compensation des déficits d’exploitation des activités extra-mutualistes par les excédents de gestion des activités d’assurance y compris des excédents de gestion du régime obligatoire.

La clarté des comptes imposée aux assureurs par les directives et qui rejoint le problème de la mono-activité imposée aux entreprises d’assurance pour des raisons de sécurité financière, peut difficilement être combattue. Elle appelle, conformément au souhait de nombre d’interlocuteurs de la commission d’enquête, un nouveau plan comptable assorti d’une obligation de publication des comptes annuels des mutuelles pour leur activité d’assurance.

Dans le même souci de solvabilité et de respect des engagements des mutuelles vis à vis de leurs adhérents, l’obligation pour les mutuelles ayant une activité d’assurance d’établir et de publier des comptes consolidés intégrant les résultats de leurs participations financières, a été à plusieurs reprises évoquée devant la commission d’enquête, comme ont été longuement exposées les difficultés inhérentes à l’établissement d’une comptabilité analytique.

A la lumière des difficultés qui ont été ainsi soulevées, il convient de s’interroger sur la question de savoir si la seule solution ne serait pas la séparation totale des activités et des moyens affectés à chacune d’elle.

Sur les solutions à envisager, M Raoul Briet a été clair : " Le mode conventionnel retenu pour inciter les organismes mutualistes à la tenue d’une comptabilité analytique sincère [a] démontré son inefficacité, puisque les principes posés deux fois de suite dans des documents de caractère conventionnel n’ont pas été mis en œuvre. (…) Nous pouvons donc raisonnablement nous dire qu’il existe sûrement un mode plus impératif, éventuellement réglementaire, visant à imposer aux mutuelles cette exigence de transparence comptable. Nous y réfléchissons activement au ministère. "

La transposition des directives est peut-être l’occasion de rompre avec " l’histoire de la gestion du régime étudiant [qui] fait beaucoup de place à la discussion, à la négociation, au contrat, et n’en fait pas beaucoup à l’édiction de normes publiques. ", selon les termes de M. Raoul Briet.

Ce dernier a élargi son propos à l’ensemble de la mutualité en disant : " Pour pouvoir sanctionner, il faut qu’il y ait un interdit. Il faut qu’il existe une règle d’ordre public, qui soit sans ambiguïté et qui puisse être assortie de sanctions adaptées. Une des principales difficultés auxquelles on se heurte sur ce sujet et, plus généralement sur celui du Code de la mutualité, c’est le caractère à la fois laconique et anachronique de certaines dispositions. "

On mesure encore mieux l’ampleur du problème, lorsque M. Jean Fourré, président de la Commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance, déclare à la commission d’enquête : qu’il ne peut être sûr que "l’ensemble des engagements hors bilan d’une mutuelle est bien soumis à l’assemblée générale" et que s’agissant de la MNEF, la commission de contrôle ne dispose " d’aucun document certifiant qu’il n’existe pas d’engagements hors bilan autres que ceux que nous connaissons. "

Le coup de grâce a été porté, sur ce problème de transparence des comptes, par M. Gilles Johanet, directeur de la CNAM, pour qui " Il est tout de même paradoxal que les établissements de service public [CPAM] soient astreints à une obligation de transparence et de compte rendu auxquelles les concessionnaires de service public ne sont pas astreints. (…) ".

Deux obligations en découlent selon M. Gilles Johanet, celle " d’un plan comptable séparant les sections obligatoires et complémentaires, donc d’une comptabilité analytique … " et celle, pour les mutuelles étudiantes " de publier leurs comptes d’une façon claire, accessible aux étudiants, au moins aux étudiants en comptabilité ! ". A une question sur la faisabilité de cette comptabilité analytique, en raison de l’intégration des moyens de fonctionnement, il a indiqué qu’il faut une nomenclature comptable distinguant les prestations de base obligatoires et les prestations complémentaires qui constituent l’essentiel de la dépense, et en ce qui concerne " les basculements entre l’action sanitaire et sociale, de base et complémentaire (… )la portée de cette ventilation est réduite et l’on peut se mettre d’accord avec les mutuelles étudiantes sur une clé de répartition. "

Le problème de la transparence du fonctionnement des mutuelles préoccupe également Mme Martine Aubry, ministre de l’Emploi et de la solidarité, qui a rappelé devant la commission d’enquête, les propos qu’elle avait prononcés lors de l’anniversaire de la Mutualité française quelques mois auparavant : " J’ai été amenée … à dire combien j’espérais voir perdurer les principes de la mutualité grâce à une plus grande transparence dans le fonctionnement des mutuelles et grâce à un contrôle plus démocratique en interne et plus ouvert sur l’extérieur. La mutualité aurait tout à y gagner notamment dans le débat européen où nous défendons l’originalité que représentent les mutuelles ".

La ministre a précisé que " Sans une gestion et des comptes séparés pour les trois domaines que sont le régime obligatoire, le régime complémentaire et la gestion des autres activités, nous en resterons là où nous en sommes aujourd’hui ; (…) La comptabilité analytique devra être mise en place, accompagnée des dispositions législatives adéquates. "

— L’évolution de la fiscalité

En contrepartie du caractère non lucratif des mutuelles, des dispositions fiscales ont été instituées pour faciliter leur gestion.

C’est ce que M. Denis Kessler, président de la FFSA, appelle les " privilèges fiscaux " qu’il a évalué à environ 10 milliards de francs par an et dont il a dressé la liste devant la commission d’enquête : " Ces aides vont de l’économie de la taxe de 7 % sur les contrats d’assurance maladie, à l’exonération de la taxe professionnelle, des taxes d’apprentissage, de la taxe ORGANIC, de l’impôt sur les sociétés et de l’impôt sur les excédents, aux problèmes de TVA (sur les prestations), sans parler des fonctionnaires et des personnels mis à disposition. " Il s’agit, selon lui, d’aides d’Etat, qui entraînent des distorsions de concurrence qui pourraient bien expliquer l’importance de la place de la mutualité sur le marché de l’assurance maladie. Les mutuelles sont cependant redevables de l’impôt sur le revenu au titre de leurs placements financiers et de leurs revenus immobiliers.

Il faut bien admettre que cette situation aussi devra être éclaircie et aménagée à la hauteur des contraintes d’intérêt général auxquelles les mutuelles seront légalement tenues.

Dans le rapport effectué, en 1997, à la demande du Premier ministre de l’époque, par M. Guillaume Goulard (12), des problèmes de nature comparable concernant les associations sont abordés.

Comme pour les mutuelles, les exonérations fiscales dont bénéficient les associations sont liées au caractère non lucratif de leur activité.

L’auteur du rapport s’est donc attaché à déterminer les principes généraux des critères de non lucrativité, en l’absence desquels le juge fiscal peut opérer des requalifications rendant l’assujettissement fiscal possible.

Il est intéressant de s’arrêter un instant sur ces critères, dans la mesure où lorsqu’elles les respectent, les mutuelles pourraient s’en prévaloir, pour s’exonérer au moins en partie des charges fiscales qui pèsent sur les entreprises d’assurance.

Selon M. Guillaume Goulard, un organisme a une activité non lucrative lorsque deux conditions sont remplies: sa gestion est désintéressée et les conditions de cette gestion la distinguent de celle des entreprises commerciales du même secteur d’activité.

Le Conseil d’Etat a précisé, dans plusieurs arrêts, visés dans le rapport Goulard, la notion de gestion désintéressée mentionnée par le Code général des impôts (13) pour les exonérations de taxes sur la valeur ajoutée. Le Conseil d’Etat raisonne a contrario en disant que le caractère non désintéressé d’une gestion est toujours révélé par une appropriation privée des résultats, tandis que la réalisation d’excédents n’exclut pas que la gestion soit désintéressée, pourvu que ceux-ci soient exclusivement affectés à la réalisation de l’objet social (14).

M. Guillaume Goulard précise, par exemple, que n’est pas gérée de manière désintéressée, une association qui consent une rémunération importante à ses fondateurs ou à ses dirigeants, ou qui leur consent des avantages particuliers sous forme de loyers élevés ou anormaux ou de mise à disposition de locaux et d’installations pour une activité privée lucrative.

La deuxième condition touche au principe d’égalité devant l’impôt : deux personnes exerçant la même activité dans les mêmes conditions doivent être soumises au même régime fiscal.

La similitude des activités entre entreprises d’assurance étant au cœur même des directives européennes on ne s’attardera que sur les conditions d’exercice.

Le rapport Goulard se réfère sur ce point également à la jurisprudence du Conseil d’Etat qui recense des indices caractéristiques d’un comportement " associatif " et d’un comportement " commercial ".

On retiendra parmi ces indices, les prix pratiqués pour un même service, la modulation des prix en fonction des revenus des usagers, la participation au service public et le contrôle exercé par l’autorité administrative compétente, le champ d’intervention orienté vers des secteurs délaissés par les entreprises lucratives.

M. Guillaume Goulard résume l’ensemble de cette jurisprudence en disant qu’elle " requalifie une association en organisme à but lucratif lorsque le dossier ne fait apparaître aucune différence substantielle entre la gestion de l’association et celle des entreprises commerciales du même secteur d’activité ".

Ces éléments de clarification fiscale des associations peuvent, mutatis mutandis, contribuer à éclairer le cadrage, qui devra être entrepris, des activités et du fonctionnement des mutuelles qui interviennent dans le champ de l’assurance maladie.

C. L’INFORMATISATION DU SYSTÈME DE SANTÉ ET LES MUTUELLES ÉTUDIANTES

Une part importante de cette informatisation réside dans la télétransmission des feuilles de soins électroniques aux caisses d’assurance maladie, mise en place par le système Sesam-Vitale. Ceci va alléger les tâches de gestion des agents dans les sections locales mutualistes et contribuer à réduire considérablement le coût de cette gestion.

Les conséquences de cette avancée technologique sur le fonctionnement des mutuelles étudiantes peuvent être analysées à la lumière du retard qu’elles accusent, dès à présent, dans l’informatisation de leur gestion et de la remise en cause, dans sa forme actuelle, du principe même du service de liquidation des prestations dans un avenir plus lointain.

1. Une gestion informatique peu performante

Dans son rapport annuel (précité), la Cour des comptes fait un premier bilan :

" Alors que l’évolution de l’assurance maladie, et particulièrement les mutations profondes induites par le développement du dispositif Sesam-Vitale, constitue un véritable enjeu pour les mutuelles d’étudiants, peu d’entre elles, à ce jour, se sont préparées à ces changements. Il a même été constaté sur place que certaines continuent à mettre en œuvre des méthodes de gestion qui semblent dépassées."

" A ce jour, seule la mutuelle nationale a obtenu un accès direct au répertoire national d’identifiants de l’assurance maladie (RNIAM) et se prépare à accéder au Réseau de Santé Social. "

" Les mutuelles reprochent par ailleurs à la CNAM de ne pas les avoir suffisamment associées au projet Sesam-Vitale, même s’il est vrai que la diversité des systèmes informatiques qu’elles utilisent et la dispersion des moyens qui en résulte ne facilitent pas les relations avec les services de la caisse nationale. "

Lorsque l’on examine de plus près la politique suivie par certaines mutuelles en matière d’informatisation, on comprend mieux à la fois les coûts élevés et la faiblesse des résultats.

Le système de sous-traitance de la gestion informatique, pratiqué à la MNEF, a été étudié par la 6ème chambre de la Cour de comptes dans le cadre du contrôle des comptes et de la gestion de la mutuelle nationale, effectué pour les exercices 1992/1993 à 1995/1996 (15).

La Cour a constaté tout d’abord des coûts élevés : 4 millions de francs pour chaque exercice 94/95 et 95/96, dont la moitié au titre de la maintenance IBM. A cette somme s’ajoute les sommes versées à la filiale informatique de la MNEF, Mindsoft SA rachetée en 1996 par la société Consult SA dans laquelle la MNEF a une participation. Ces versements s’élèvent à 10 millions de francs par an d’après le compte de résultat détaillé examiné par la Cour des comptes, pour des prestations mal répertoriées mais confiées en exclusivité et sans appel à la concurrence, à la filiale.

Cette politique est d’autant plus critiquable que, selon la Cour des comptes, la CNAM a proposé d’offrir gracieusement son logiciel de gestion de prestations, mais la mutuelle a préféré recourir à son prestataire et verser des sommes importantes pour une application existante.

Le résultat est de surcroît très médiocre. En effet dans son rapport général pour l’exercice clos le 30 septembre 1998, le commissaire aux comptes de la MNEF, Mme Corine Maillard a formulé la réserve suivante à propos de la gestion informatisée :

" La refonte du système d’informatisation avec PREMUNI (mis en œuvre par Consult SA) comme logiciel de base, a entraîné le basculement informatique en juillet 1998. "

" Des anomalies de natures diverses ont pu être constatées lors de cette phase de démarrage avec des incidences plus ou moins fortes sur les processus de gestion et par voie de conséquences des incidences financières, notamment en ce qui concerne le montant de la provision pour dossiers reçus et non payés. "

" En raison des dysfonctionnements qui ont entraîné des anomalies de traitement, voir l’impossibilité de décomptes de certains dossiers, j’émets une réserve d’ordre général sur les procédures de traitement informatisées. "

Ces médiocres performances informatiques ont été également relevées dans le rapport d’enquête sur les remises de gestion allouées aux mutuelles d’étudiants (16).

Les inspecteurs de l’IGF et de l’IGAS indiquent que leurs investigations effectuées sur place leur ont permis de relever les carences des systèmes utilisés, " notamment au regard des nouveaux objectifs de l’assurance maladie ".

Ils considèrent que " l’éparpillement des mutuelles est peu propice à la modernisation d’outils informatiques qui nécessitent, à court terme, d’être adaptés pour répondre aux normes fixées par la CNAM ".

Cet éparpillement est préjudiciable " à la fois en raison de la redondance des dépenses de conception de développement et d’entretien, engagées par chaque mutuelle pour satisfaire in fine les mêmes objectifs techniques, mais également du point de vue de la nécessaire concertation avec la CNAM, qui se trouve ainsi confrontée à un nombre d’interlocuteurs disproportionnés par rapport à la population couverte ".

Les auteurs du rapport estiment que " en dehors des formules d’union technique choisie par les mutuelles adhérentes à l’UITSEM (17), ou de sous-traitance auprès d’autres organismes assureurs, comme dans le cas de la SMEREP, la faible masse critique des mutuelles régionales ne leur permet pas de faire face rapidement et avec efficacité aux nouveaux objectifs de l’assurance maladie dans le domaine informatique. "

A titre de comparaison, le rapport IGF/IGAS, indique que le seuil minimum de gestion des centres informatiques, agréés par le régime d’assurance maladie des professions indépendantes est fixé à 125 000 assurés soit 285 000 individus protégés.

Comme on l’a vu, seule la MNEF a près de 200 000 adhérents et près de 800 000 affiliés.

Sur le plan technique, les logiciels de liquidation sont souvent issus d’applicatifs anciens dont, selon le rapport sur les remises de gestion, " l’adaptation aux exigences de télétransmission a pris plusieurs années de retard ".

Il a été constaté dans le cadre de cette enquête que pour l’UITSEM, la SMESO, la SMEBA et la MGEL, la proportion de factures télétransmises par les pharmaciens par rapport au total des factures est inexistante et qu’elle est de l’ordre de 5 % pour la MNEF.

Comme pour la MNEF, la plupart des mutuelles régionales ont eu des difficultés pour faire évoluer leur outil informatique. Elles se sont souvent retrouvées tributaires d’un unique prestataire ou ont dû abandonner des projets à mi-chemin avec des répercussions financières toujours importantes.

Les auteurs du rapport s’interrogent sur " la capacité actuelle des mutuelles étudiantes à faire face rapidement aux exigences des cahiers des charges informatiques en cours, tant au plan de la compatibilité des architectures informatiques entre les sections locales mutualistes et les CPAM, qu’au plan des normes utilisées en télétransmission et qu’a fortiori aux contraintes liées à la mise en place de la carte Vitale. "

Selon la CNAM, le taux de rejet des données de production qui lui sont transmises par les mutuelles d’étudiants, bien qu’en diminution depuis 1995, s’élevait encore à près de 5 % pour l’année 1997.

A la décharge des mutuelles d’étudiants, il faut préciser que la CNAM n’a pas pris la peine de les associer aux travaux préparatoires et à l’information nécessaires à la mise en place de Sesam-Vitale.

Toutes ces observations conduisent les inspecteurs chargés de l’enquête à conclure que cette situation est peu compatible avec les contraintes nouvelles liées au dispositif des lois annuelles de financement de la sécurité sociale. Dans le domaine de la présentation d’objectifs quantifiés nationaux des dépenses opposables aux professionnels de santé, l’alimentation du système actuel inter-régimes géré par la CNAM suppose que les données transmises soient susceptibles d’être toutes agrégées, pour rendre compte, quel que soit l’organisme gestionnaire, de la nature et du montant des prestations payées. Or, les mutuelles étudiantes ne sont pas en mesure, en raison de leur gestion informatique peu performante, de transmettre utilement leurs données à la CNAM.

Cette partie du rapport de l’IGAS/IGF sur les retards dans la mise à jour de l’informatisation des mutuelles d’étudiants, a conduit Mme Martine Aubry à indiquer à la commission d’enquête qu’il faudrait dans le cadre des contrats d’objectifs à envisager entre la CNAM et les mutuelles d’étudiants, fixer des objectifs " en terme de mise à niveau informatique et de productivité. Dans ce cas, la CNAM pourrait voir son rôle élargi à celui de prestataire de service et assurer, contre rémunération, la conception et le développement des outils informatiques des mutuelles ". Une autre possibilité, selon la ministre, serait " que les mutuelles se regroupent pour développer ensemble leur réseau informatique. "

Il y a lieu toutefois de rester prudent sur la capacité technique de la CNAM à conduire un projet industriel de la dimension de Sesam-Vitale. C’est en tout cas une remarque formulée par la mission d’information sur l’informatisation du système de santé, créée par la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale et présidée par notre collègue Jean-Paul Bacquet, dans son rapport d’étape publié le 14 octobre 1998 (18).

2. Un coût de liquidation des prestations de plus en plus faible

La feuille de soin électronique (FSE), permet à la fois au malade d’être remboursé plus vite, puisqu’il n’a plus de feuille à renvoyer (elle devrait même faciliter la généralisation du tiers-payant) et à l’assurance-maladie de réaliser des économies de gestion grâce aux gains de productivité correspondant.

M. Jean-Marie Spaeth, président de la CNAM, a déclaré au journal " Les Echos ", le 11 mai 1999, que l’intention de la CNAM est bien que " d’ici le début de l’année prochaine, la majorité des actes des médecins fasse l’objet d’une transmission électronique aux caisses. " Il a rappelé que : " au 1er janvier 2000, les feuilles de soins papier seront facturées aux médecins par le biais d’une taxe que le gouvernement doit fixer ".

Cette échéance découle d’un calendrier très rigide adopté dans le cadre de l’ordonnance du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins et qui n’était peut-être pas très réaliste.

Cet aspect de l’évolution du traitement des prestations d’assurance maladie a évidemment retenu l’attention des auteurs de l’enquête sur les remises de gestion allouées aux mutuelles d’étudiants (rapport IGAS/IGF précité).

Il ressort des investigations réalisées par la mission d’enquête auprès de plusieurs CPAM, qu’en raison du type de prestations consommées majoritairement par les étudiants (consultations, pharmacie), les opérations de liquidation sont particulièrement destinées à être effectuées en télétransmission. Pour cette raison en particulier, les CPAM consultées, considèrent que si la gestion directe du régime étudiant leur était confiée, il en résulterait, pour elles, un faible coût marginal.

" A terme, l’activité de liquidation proprement dite, majoritairement automatisée et dématérialisée dans le cadre de Sesam-Vitale, ne représentera plus qu’une part résiduelle des coûts de gestion des CPAM ", selon les auteurs du rapport.

Cette quasi-disparition de tâches de liquidation oblige à réexaminer la question de la première mission des mutuelles d’étudiants en matière de sécurité sociale.

Le rapport d’enquête considère, en effet, que les gains de productivité qui devraient être réalisés avec la télétransmission, devraient être encore plus massifs dans les mutuelles d’étudiants que dans les CPAM, puisqu’elles vont devoir passer brutalement d’une situation caractérisée par l’absence de télétransmission à une situation où celle-ci deviendra prépondérante.

De plus, les possibilités de redéploiement d’effectifs, réelles au sein de la CNAM, apparaissent beaucoup plus limitées dans les mutuelles d’étudiants. En effet, selon les auteurs du rapport, " la pertinence du développement des rôles d’interlocuteur des professionnels de santé, de contrôle a posteriori et de gestion du risque n’apparaît pas du fait de la part marginale des prestations aux étudiants dans l’activité globale des professionnels de santé. "

Cette situation conduit la mission à considérer que " la question des fonctions pour lesquelles les mutuelles d’étudiants sont rémunérées par la sécurité sociale se posera avec une acuité grandissante. L’idée que la liquidation des prestations aux étudiants constitue la base de l’activité qui leur est déléguée par la CNAM apparaîtra de plus en plus comme une fiction, alors même que cette activité de liquidation représentera de moins en moins le cœur de l’activité des caisses primaires elles-mêmes, si ce n’est sous forme de flux automatisés transitant par des infrastructures informatiques lourdes. "

Afin de rééquilibrer ces sombres prévisions, il importe de réaffirmer que la perspective d’un rôle actif des mutuelles d’étudiants dans la mise en œuvre de la CMU, devrait permettre des possibilités de redéploiement internes des effectifs.

Il faut également préciser que les conclusions provisoires formulées par le premier constat de la mission d’information de l’Assemblée précitée ont été de dire : " que l’informatisation du système de santé ne constituait pas un véritable projet public, défini et piloté par l’Etat. "

En ce qui concerne Sesam-Vitale, il est apparu à la mission comme un sous-projet d’un plan global d’informatisation de la santé encore non formulé.

Toutefois le premier objectif de ce projet qui est la fourniture
– " avec une économie de frais de fonctionnement pour les caisses " – à l’assurance maladie de données informatisées de gestion, paraît mieux engagé que le second qui est " la continuité de soins grâce au volet d’informations médicales ".

Même si le déploiement sur tout le territoire du projet Sesam-Vitale est lent, coûteux, en proie à des difficultés techniques et à une faible mobilisation des professionnels de la santé, il s’agit d’une perspective inéluctable, dont il faudra tenir compte dans les propositions visant à améliorer la gestion des assurances sociales des étudiants.

III. — LE MAINTIEN DU RÉGIME ÉTUDIANT DE SÉCURITÉ SOCIALE PASSE PAR UNE ADAPTATION EN PROFONDEUR

La loi du 23 septembre 1948 a étendu aux étudiants le bénéfice des dispositions du Code de la sécurité sociale relatives à la couverture des risques maladie et des charges de maternité.

Le législateur de 1948, reconnaissant le caractère spécifique de la population étudiante, a souhaité l’associer à la gestion de sa propre couverture sociale. Il a donc confié le service des prestations maladies et maternité à des " sections ou correspondants locaux dont le rôle est assumé par des mutuelles ou sections de mutuelles d’étudiants régie par le Code de la mutualité, dans les conditions définies par décret en Conseil d’Etat ". (art. L. 381-9, premier alinéa, du Code de la sécurité sociale.).

Au cours de la discussion à l’Assemblée nationale, qui a précédé le vote sur la création de la commission d’enquête, Mme Martine Aubry, ministre de l’Emploi et de la solidarité a formulé plusieurs interrogations auxquelles elle espérait que la commission d’enquête apporterait des réponses.

Ses questions étaient les suivantes :

—  Faut-il revoir les conditions de la délégation de gestion ?

—  Faut-il définir de façon plus précise, dans le cadre de cette délégation, la répartition des rôles entre la CNAM et les mutuelles ?

—  Faut-il organiser la mise en commun, entre les mutuelles, d’un certain nombre d’opérations qui seraient confiées à une union technique, à l’instar de ce qu’ont déjà fait entre elles trois mutuelles régionales ?

A la lumière des travaux de la commission et des rapports d’enquêtes et de contrôles effectués sur la MNEF, d’une part par la 6ème chambre de la Cour des Comptes (juillet 1998) et d’autre part par l’IGAS à la demande de la CCMIP (mai 1999), la commission d’enquête ne peut faire l’économie d’une autre question : Qu’est-ce qui justifie aujourd’hui le renouvellement de la délégation de gestion du régime aux mutuelles d’étudiants ?

En second lieu il sera fait des propositions sur le fonctionnement même des mutuelles d’étudiants dans l’espoir qu’elles renouent avec les principes essentiels de la mutualité. En effet une question particulièrement pressante a animé les travaux de la commission: les mutuelles d’étudiants ont-elles vocation à répondre à tous les besoins, en perpétuelle évolution, des étudiants ?

Enfin la commission a relevé au cours des travaux, de graves lacunes dans les mécanismes de contrôle aussi nombreux qu’inefficaces à enrayer des dérives à l’œuvre depuis de très nombreuses années. Des propositions de réforme en vue d’une meilleure efficacité des contrôles seront également formulées.

A. FAUT-IL MAINTENIR LA DÉLÉGATION DE GESTION DE L’ASSURANCE MALADIE AUX MUTUELLES D’ETUDIANTS ET À QUELLES CONDITIONS ?

1. L’écart entre les charges réelles imputables à la gestion du régime obligatoire et les remises de gestion est à la source des dérives …

Le niveau actuel des remises de gestion est supérieur aux coûts réels supportés par les mutuelles pour la gestion des prestations du régime
obligatoire. Même si elles s’opposent aux réductions importantes proposées par l’IGAS, les mutuelles régionales ne contestent pas que la hausse accordée en 1995 avait pour seul objectif le rattrapage du niveau qui était alors alloué à la MNEF seule.

Le système a en effet été aggravé par l’article 75 de la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 (art. L 381-8 1°, 3ème alinéa du Code de la sécurité sociale) qui a retenu le principe forfaitaire des remises de gestion, ce qui a abouti, à partir de 1995 à la fixation d’un montant annuel unique par étudiant affilié, qui a atteint 318 F en 1997, pour toutes les mutuelles d’étudiants.

Il en est résulté sur la période 1992-1995, une augmentation des remises de gestion versées par la CNAM de 38 % alors que dans le même temps le nombre des étudiants affiliés progressait de 25 % !

On ne s’étonne pas alors de lire dans le rapport de l’IGAS/IGF sur les remises de gestion que : " la plupart des mutuelles examinées connaissaient une situation financière très favorable au terme de l’exercice 1996/1997 ".

Cette situation n’a évidemment pas incité les mutuelles à rationaliser leurs coûts et la commission d’enquête a même constaté que le niveau élevé des remises de gestion n’a pas été utilisé pour rattraper le retard accumulé en matière d’informatisation par la plupart des mutuelles d’étudiants.

L’harmonisation, par le haut, de la rémunération d’un service public, sans rapport démontré avec les charges afférentes, ne peut pas être approuvée par la commission d’enquête.

Cette situation s’explique par le fait que les mutuelles n’ayant aucune obligation légale de distinguer les charges qui doivent être couvertes par les remises de gestion au titre du service des prestations obligatoires, de celles induites par leurs autres activités se trouvent, aujourd’hui encore, dans l’impossibilité de justifier la réalité de ces charges.

Cette surrémunération constatée dans toutes les enquêtes, alimente, à l’évidence, les excédents réalisés sur l’ensemble des activités des mutuelles ou, si l’on préfère, en augmente sensiblement le volume puisqu’une très large partie des frais de fonctionnement globaux des mutuelles sont fondus dans ceux financés par la sécurité sociale.

C’est ce que la Commission européenne appelle des aides d’Etat.

Il faut impérativement faire cesser cette hémorragie de fonds publics que l’on retrouve, dans le cas de la MNEF, transférés sur des opérations sans rapport avec la protection de la santé des étudiants et même sans rapport avec l’objet social de la mutualité pourtant très étendu.

2. … mais un service spécifique, de proximité, pour l’assurance maladie des étudiants doit être maintenu …

La massification de l’enseignement supérieur a fait entrer à l’université et dans les écoles post-bac, de nombreux problèmes sanitaires sociaux et culturels qui ne s’y trouvaient pas en 1948, lorsque 5 % d’une classe d’âge seulement fréquentait l’université.

Il n’est pas admissible qu’une proportion, même faible, d’étudiants renoncent à se soigner ou présentent des pathologies liées à de mauvaises conditions de vie.

D’un point de vue de santé publique, l’apprentissage de la santé, chez les jeunes adultes, s’il peut être conduit avec l’aide d’organismes en prise sur leurs problèmes et en contact étroit avec la population concernée est une démarche hautement nécessaire.

Les mutuelles d’étudiants ont incontestablement contribué à relayer la forte aspiration des jeunes en général et des étudiants en particulier, à une totale autonomie dans le domaine de la santé.

Elles ont également, par exemple en organisant les états généraux étudiants de la santé, le 19 mars 1999, permis de mieux cerner le " mal être étudiant ", les lacunes de la médecine préventive dans de nombreuses régions et les problèmes de santé les plus urgents qui sont souvent en rapport avec une souffrance psychologique.

Elles doivent pouvoir continuer et amplifier ces actions de proximité qui constituent une véritable mission d’intérêt général auxquelles les caisses primaires d’assurance maladie ne sont pas en mesure de répondre spécifiquement.

C’est pourquoi la commission d’enquête ne conclut pas à la remise en cause de la délégation de gestion de l’assurance maladie aux mutuelles d’étudiants à condition de spécifier et de renforcer leurs obligations, d’en contrôler la réalisation et de sanctionner leur non respect.

3. … A condition de redéfinir les termes de la délégation du service de l’assurance sociale aux mutuelles d’étudiants

a) Réformer le système d’affiliation des étudiants

— Une affiliation pour tous les usagers des établissements d’enseignement supérieur

Il n’est pas raisonnable de vouloir réorganiser la gestion des assurances sociales des étudiants en maintenant un système qui écarte 40 % d’entre eux.

Tous les étudiants inscrits dans les établissements d’enseignement supérieur doivent être rattachés au régime étudiant.

L’article L. 381-4 du Code de la sécurité doit être réformé en ce sens et les exclusions liées à l’âge ou à une activité salariée doivent disparaître et les droits être ouverts à compter de l’inscription dans un établissement d’enseignement supérieur ou assimilé.

Pour les mêmes raisons de simplification et d’uniformisation des droits d’ouverture au sein d’une population clairement identifiable, il est proposé de revoir la situation des ayants droits majeurs autonomes (ADMA).

La loi du 4 février 1995 a prévu un accès autonome à l’assurance maladie et maternité des jeunes majeurs ayants droit d’un assuré social se caractérisant par l’attribution d’un numéro d’inscription spécifique au répertoire national d’identification des personnes physiques (NIR) et par un remboursement à titre personnel des frais de santé engagés. Ce dispositif est obligatoire et les prestations sont gérées par les mutuelles d’étudiants. Jusqu’à l’âge de 20 ans, ces étudiants restent ayants droits de leurs parents, ils n’ont pas la qualité d’assuré social et n’ont donc pas à acquitter le montant de la cotisation.

Ces dispositions donnent en partie satisfaction à l’aspiration des jeunes de moins de 20 ans de pouvoir se soigner sans être dans l’obligation d’en aviser leurs parents et à la revendication des mutuelles d’étudiants d’aligner la majorité sociale sur la majorité civile.

Mais le système mis en place est beaucoup trop lourd. L’affiliation des ADMA est soumise à la production de la preuve de leur qualité d’ayants droit ce qui retarde souvent l’accès aux prestations.

C’est pourquoi il est proposé, dans un souci de simplification et de rapidité des remboursements de reconnaître à l’ayant droit majeur autonome de 18/20 ans, la qualité d’assuré social.

Afin d’éviter les redondances avec les droits acquis au titre du régime parental, un abattement forfaitaire sur la cotisation au régime étudiant, pourrait être pratiqué pour les jeunes de moins de 20 ans inscrits pour la première fois à ce régime.

Outre les allégements de gestion qui devraient résulter de cette mesure, on peut penser qu’elle sera de nature à inciter les jeunes étudiants à faire une démarche mutualiste autonome.

Certaines mutuelles prennent en charge la part complémentaire de l’assurance maladie des enfants des mutualistes, aussi longtemps qu’ils demeurent ayants droit de leurs parents. Le changement préconisé risque d’entraîner la disparition de cette faculté et de consolider l’accès à une véritable autonomie sociale.

— Les sections locales mutualistes : centres d’affiliation à la sécurité sociale

La lourdeur et la complexité de la procédure d’affiliation, par l’intermédiaire des établissements qui transmettent les informations aux caisses primaires d’assurance maladie, retardent considérablement la délivrance des cartes d’assuré social aux étudiants et l’accès aux remboursements.

Si l’on souhaite responsabiliser les mutuelles d’étudiants, il ne faut pas les exclure du processus d’immatriculation et d’affiliation.

Par ailleurs, comme on l’a vu, la désignation des sections locales mutualistes comme caisses d’affiliation des étudiants, leur permettrait d’être dépositaires des demandes d’attribution de la CMU et donc probablement de devenir gestionnaire de la CMU pour la grande majorité des étudiants bénéficiaires.

L’implication des sections locales mutualistes dans l’encaissement des cotisations avant reversement à l’URSSAF, nécessitera de la part des mutuelles la mise en place de moyens permettant une gestion sécurisée et rapide.

Ce système devrait améliorer le service rendu aux étudiants en rendant possible le paiement fractionné des cotisations.

— Une affiliation permanente sauf changement de situation

Il faut enfin mettre un terme au caractère annuel de l’affiliation qui représente une surcharge de travail et contribue sans doute à faire exploser, en début d’année universitaire, les dépenses de communication des mutuelles.

Le système serait renversé de telle sorte qu’un étudiant affilié à une mutuelle étudiante le resterait l’année suivante, sous réserve du versement de sa cotisation, sauf s’il manifeste une demande de changement de mutuelle ou si son rattachement est demandé par un autre régime.

L’un des inconvénients à l’utilisation par les étudiants de la carte Sesam-Vitale, pluriannuelle dans sa conception, devrait par la même occasion disparaître.

b) Rémunérer des services rendus

Les remises de gestion et les versements reçus de la CNAM doivent être la contrepartie exacte du coût du service fourni aux assurés sociaux.

— Déterminer objectivement les coûts de gestion

La gestion des prestations d’assurance maladie et maternité pour le compte de la CNAM au bénéfice des étudiants ne doit plus être totalement imbriquée dans la gestion d’ensemble des mutuelles. Pour cela la commission d’enquête a acquis la conviction qu’une disposition législative doit rendre obligatoire la tenue, par les mutuelles étudiantes, d’une comptabilité analytique faisant clairement apparaître les charges et les produits propres à chaque activité. Cette obligation légale pourra être assortie de sanction financière.

Il incombera donc aux mutuelles de justifier des dépenses afférentes à leurs missions obligatoires pour obtenir les rémunérations correspondantes.

Restent à définir les clés de répartition des dépenses.

Il faut introduire à la fois de la souplesse, car les clés de répartition peuvent varier d’un poste budgétaire à l’autre et d’une mutuelle à l’autre et un suivi très régulier de ces imputations.

Les enquêteurs de l’IGAS et de l’IGF ont étudié les dépenses des différentes mutuelles et effectué des simulations de répartition des coûts de gestion entre leurs diverses activités.

Leur démarche a consisté tout d’abord à définir le périmètre des coûts de gestion de l’assurance maladie des étudiants, en écartant les activités sans aucun rapport ni avec le régime obligatoire ni avec le régime complémentaire.

Ensuite, pour la répartition des coûts entre le régime obligatoire (RO) et le régime complémentaire (RC) des clés spécifiques de répartition ont été attribuées à quatre postes de dépenses:

—  Les cotisations à des organismes supérieurs sont affectées à 100% au régime complémentaire s’agissant de cotisations internes au secteur mutualiste.

—  Les charges informatiques sont affectées à 85 % au RO, 10 % au RC et 5 % aux autres activités. Il est en effet apparu aux enquêteurs qu’une très large part de ces charges est induite par la complexité de la liquidation des prestations de sécurité sociale.

—  Les dépenses d’information et de communication sont affectées à 20 % au RO, 75 % au RC et 5 % aux autres activités.

—  Les provisions sont affectées à 100 % au RC puisqu’elles découlent de l’application du Code de la mutualité.

Pour les autres postes (personnel, loyers, charges, affranchissements, équipements divers …), il a été appliqué une clé de répartition en rapport avec le versement de prestations relatives au RO et le versement de prestations relatives au RC. Deux cas ont été retenu, la répartition RO/RC fixée à 50/50 ou à 75/25.

Cette approche, qui reste selon les auteurs de l’enquête " estimative à défaut de disposer de clés absolument objectives et fiables ", permet de sortir de l’opacité totale qui avait jusqu’alors prévalue.

Les simulations effectuées sur la base de ces différentes clés de répartition font apparaître que le niveau objectif de remise de gestion par individu protégé au titre du régime obligatoire se situerait à 270 F. Mais les enquêteurs ajoutent qu’il serait peut-être plus conforme au fonctionnement normal du régime obligatoire, d’exclure les dépenses de communication du calcul des remises de gestion. Cette exclusion permettrait de limiter à 260 F le montant des remises.

Les remises de gestion versées actuellement seraient donc, en moyenne, surévaluées de 12 %.

Cette clarification, renforcée par l’obligation légale, pour les mutuelles, d’établir une comptabilité par activité constitue une base solide pour faire aboutir la négociation en cours entre la CNAM et les mutuelles étudiantes en vue de l’établissement du nouveau contrat de 3 ans (1999 à 2001).

Cependant, la logique de rente persiste si l’on n’intègre pas, dans les contrats, des objectifs de qualité de service et de gains de productivité qui devraient permettre aux mutuelles d’accompagner le processus de diminution inéluctable des coûts de liquidation sans perdre leur délégation de service public.

— Des contrats d’objectifs pour faire baisser les coûts

Dans une lettre, en date du 21 mai 1999, adressée à M. Raoul Briet, directeur de la sécurité sociale, et dont une copie a été communiquée à la commission, M. Gilles Johanet, directeur général de la CNAM, réagit au rapport d’enquête IGAS/IGF sur les remises de gestion aux sections locales mutualistes d’étudiants.

Il propose de modifier l’article 75 de la loi du 18 janvier 1994 (art. L. 381-8 1° du Code de la sécurité sociale) en abandonnant le système de capitation, qui attribue une remise de gestion par étudiant affilié. Il lui serait substitué " un système de modulation des remises de gestion qui tienne compte non pas du nombre d’affiliés mais de la charge de travail réelle pour le régime obligatoire, qui, dans un premier temps, pourrait être constituée par le nombre et la complexité des décomptes émis ".

La commission d’enquête n’ira pas si loin dans la remise en cause du système qui pourrait bien être fatale au régime étudiant.

Il faut néanmoins, à côté de la rémunération des coûts de gestion déterminée sur la base des bilans antérieurs, fixer dans les contrats d’objectifs pluriannuels entre la CNAM et les mutuelles des objectifs précis et quantifiables, assortis de sanctions et qui doivent tendre vers la rationalisation et la baisse des coûts.

Ces objectifs seraient les suivants :

—  la mise à niveau informatique et l’adoption d’un schéma directeur d’informatisation de la santé ;

—  le regroupement des petites mutuelles pour développer en commun leur réseau informatique et d’autres activités internes éventuellement ;

—  le relèvement du nombre d’étudiants affiliés nécessaire à la création d’une section locale afin de générer des économies d’échelle ;

—  l’amélioration de la qualité du service aux étudiants (délais de remboursement, généralisation du tiers payant…) ;

—  des gains de productivité et la réduction du recours à l’emploi précaire.

Ces objectifs devront être fixés à partir de critères identiques pour toutes les mutuelles. Des indicateurs de résultats suffisamment fiables et contrôlables devront leur être associés dans les contrats, afin de permettre un suivi et une évaluation objective des résultats.

c) Un pouvoir de contrôle et de sanction financière reconnu à la CNAM

Le contrôle de la délégation de service public doit incomber à l’organisme qui paie les remises de gestion.

Le contrôle de la Cour des comptes ne peut pas, en effet, s’exercer tous les ans. Il faut donc que l’organisme qui délègue ait le droit de contrôler que les objectifs fixés ont été atteints et que les remises de gestion demandées sont conformes à la réalité des coûts et sont bien la contrepartie du service rendu.

La CNAM doit donc être autorisée à baisser unilatéralement, y compris en cours de période triennale, le montant des remises de gestion en cas de non respect des engagements. Elle doit pourvoir également remettre en cause les clés de répartition des coûts lorsqu’elles ne paraissent plus conformes à la réalité.

Pour cela les mutuelles d’étudiants doivent avoir l’obligation de se soumettre périodiquement à des audits diligentés par la Caisse Nationale. Celle-ci devra avoir un accès complet à toutes les données des mutuelles, tant sur l’activité du régime obligatoire que du régime complémentaire.

Tous les 3 ans, les relations entre la CNAM et les mutuelles feront l’objet d’une enquête de l’IGAS et de l’IGF remise au gouvernement.

d) Une extension contractuelle des missions de service public

La commission d’enquête propose enfin d’offrir la possibilité aux mutuelles et à la CNAM d’étendre, dans un cadre contractuel, les missions d’intérêt général découlant de l’assurance maladie qui pourraient être confiées aux sections locales mutualistes d’étudiants.

Plusieurs missions d’intérêt général peuvent, en effet, être confiées aux mutuelles d’étudiants .

Deux viennent d’être examinées et pourront être inscrites dans la loi. Il s’agit d’une part, du service de l’affiliation et de l’immatriculation de tous les étudiants inscrits dans un établissement d’enseignement supérieur et du service des prestations en nature de l’assurance maladie et maternité, d’autre part.

D’autres missions d’intérêt général découlant directement de l’assurance maladie obligatoire pourraient être définies contractuellement entre les unions mutualistes et la CNAM, sans obligation pour les mutuelles d’étudiants de les assumer, et donnant lieu à une rémunération correspondante :

· des actions de prévention et d’éducation sanitaire en milieu étudiant ;

· des actions en direction des étudiantes mères de famille ;

· des actions d’aide sociale en direction d’étudiants en difficulté. Un fonds d’action sanitaire et sociale, qui n’existe pas, pourrait être créé pour les étudiants et gérés par leurs mutuelles ;

· des actions d’information par une présence sur les campus pour guider les étudiants dans leurs démarches de soins.

Toutes ces missions qui incombent aux CPAM qui sont rémunérées en conséquence, resteraient facultatives pour les mutuelles d’étudiants.

Leur rémunération serait négociée pour des périodes pluriannuelles et des objectifs quantifiés seraient également fixés afin de permettre la poursuite ou l’interruption de l’activité concernée.

B. FAIRE VIVRE L’ÉTHIQUE MUTUALISTE

1. Une charte pour la mutualité étudiante

Les mutuelles d’étudiants doivent se démarquer de la logique essentiellement assurancielle vers laquelle elles tendent actuellement et marquer par un acte fort et symbolique leur engagement à respecter la spécificité mutualiste. Ces engagements qui pourraient être formalisés par l’adhésion à une charte se traduiront par des modifications statutaires.

La charte de la mutualité étudiante, établie sous l’égide du Conseil supérieur de la Mutualité et approuvée par les ministères exerçant la tutelle, devrait être de nature à inciter les étudiants à renouer avec la démarche mutualiste.

Cette charte rappellerait les principes de base de l’action mutualiste en les adaptant au monde étudiant.

Par leur adhésion à la charte, les mutuelles étudiantes affirmeraient que le moteur de l’action mutualiste est la solidarité entre les adhérents et le refus de toute forme de discrimination entre les plus malades et les moins malades, entre les plus riches et les moins riches.

Autrement dit les mutuelles étudiantes s’engageraient à limiter voir à supprimer le système actuel de tarification et de remboursements complémentaires en fonction des ressources de l’étudiant.

Il en résulterait une véritable péréquation du risque maladie entre tous les adhérents dont le nombre pourrait, grâce à cette démarche, augmenter.

Les mutuelles s’engageraient également à ce que tous les excédents dégagés soient utilisés au bénéfice exclusif de leurs adhérents, soit sous la forme d’une baisse des tarifs soit sous la forme d’une amélioration des services rendus, la transparence et la publication des résultats financiers permettant aux adhérents de vérifier le respect de cet engagement.

La mutualité étudiante s’engagerait à agir en vue de l’amélioration des conditions de vie de ses adhérents en privilégiant des actions ciblées en direction des étudiants les moins solvables qui peuvent difficilement accéder aux offres du marché en matière de soins, de logement, de loisirs, de sport …

L’engagement mutualiste consisterait donc à rechercher les meilleurs partenaires financiers publics ou privés, non pas seulement pour leur offrir un accès au marché convoité des étudiants, mais essentiellement pour solvabiliser les besoins de ces derniers. Les mutuelles s’engageraient à se donner les moyens de contrôler en permanence les orientations de leurs partenaires financiers.

En troisième lieu, il serait rappelé dans cette charte que la mutualité étudiante doit contribuer à l’apprentissage de la santé, de la citoyenneté et de la responsabilité. Les mutuelles s’engageraient donc à introduire dans leurs statuts un certain nombre de règles favorisant l’information des adhérents et leur contrôle sur les orientations de la mutuelle.

La liste, non limitative, de ces engagements pour un fonctionnement plus transparent et plus démocratique pourrait être la suivante :

—  l’engagement au pluralisme électoral afin d’introduire de véritables débats internes et un véritable contrôle interne ;

—  l’engagement de procéder par appel d’offre et mise en concurrence lors des passations de marchés ;

—  l’engagement de publier chaque année, les comptes et les résultats de telle sorte que tous les étudiants puissent y avoir accès ;

—  l’engagement d’introduire dans les bilans comptables des mutuelles, les résultats consolidés des filiales ;

—  l’interdiction pour les élus mutualistes de devenir salarié de la mutuelle moins d’un an après la fin de leur mandat ;

—  l’obligation de définir un statut de l’élu mutualiste fixant ses droits et ses obligations ;

—  l’interdiction pour les élus mutualistes de cumuler plusieurs indemnités au sein du même groupe mutualiste ;

—  l’engagement de soumettre au vote de l’assemblée générale de la mutuelle les engagements financiers les plus importants: transferts de fonds, création de filiales, constitution de partenariats financiers avec un rapport spécial du commissaire aux comptes ;

—  l’engagement d’offrir, aux adhérents, le moyen de saisir directement les autorités de contrôle en cas d’irrégularité ou d’atteinte à leurs intérêts.

En dernier lieu les mutuelles d’étudiants signataires de la charte, s’engageraient, dans la perspective de la transposition des directives européennes, à faire figurer dans leurs statuts, en vue de la protection des intérêts de leurs adhérents et de la pérennité de leurs engagements mutualistes, les deux obligations suivantes :

—  l’obligation de se réassurer au sein du secteur mutualiste ;

—  l’obligation, en cas de transferts de portefeuilles à une compagnie d’assurance privée, de soumettre la décision à une assemblée générale extraordinaire, se prononçant par un vote solennel à une majorité renforcée.

Cette charte pourrait d’ailleurs servir de base à l’élaboration d’un texte législatif à venir.

2. L’assurance complémentaire du risque maladie : une activité à part entière

Les mutuelles étudiantes doivent respecter le principe communautaire de la spécialité de l’activité d’assurance.

L’activité mutualiste des mutuelles d’étudiants devra être recentrée sur la gestion de l’assurance maladie complémentaire, la gestion de la CMU pour les étudiants qui pourront en bénéficier et sur les actions de prévention en relation directe avec la prévention du risque.

Les activités sociales propres à améliorer les conditions de vie des étudiants auxquelles les mutuelles se seront engagées en signant la charte, seront gérées, pour des raisons de sécurité financière, par des mutuelles sœurs dispensées de toute activité d’assurance.

La mutuelle sœur, créée par la mutuelle gestionnaire de l’assurance complémentaire maladie, verra son objet centré sur les actions sociales en direction des étudiants (logement, restauration, loisirs…) et devra agir dans le respect des engagements de la charte.

Les mutuelles sœurs pourront avoir des instances dirigeantes communes et elles seront liées par une convention déterminant leurs relations financières et les modalités de leur coopération.

Ces dispositions permettront aux étudiants, par un seul acte d’adhésion et le paiement d’une cotisation unique, de bénéficier automatiquement des services des deux mutuelles partenaires.

Les transferts de fonds de la mutuelle en charge de l’activité d’assurance vers la mutuelle en charge des activités sociales devront répondre à des conditions de totale transparence, tant au niveau de la décision elle-même que du respect des règles prudentielles liées à l’activité d’assurance, qu’au niveau des comptabilités obligatoirement distinctes des mutuelles. Les contrôles devront être exercés simultanément sur les deux branches d’activité.

3. Les modalités d’intervention des mutuelles sœurs

Comme on l’a vu les mutuelles sœurs chargées des activités sociales de la mutuelle assurance, seront liées par les principes définis dans la charte et qui devront figurer dans leurs statuts.

Les mutuelles sociales devront s’efforcer de rendre accessibles, à tous leurs adhérents étudiants, des services de nature à favoriser leur intégration sociale, leur bien être général, d’améliorer leurs conditions de vie et leurs chances de succès dans leurs études.

Le mode d’intervention juridique et financier de ces mutuelles mérite d’être examiné.

a) Les activités en gestion directe

Il s’agit des activités qui ne nécessitent pas des investissements financiers lourds, ni un savoir-faire professionnel particulier ou réglementé.

On citera les exemples de la location de locaux d’habitation aux OPHLM et de leur sous-location aux adhérents, ou de la mise en relation des employeurs et des adhérents en vue de la recherche de stages ou d’emplois.

b) Les activités en partenariat

Il s’agit des activités pour lesquelles la mutuelle a besoin d’un partenaire financier pour améliorer l’accès des étudiants à différents services d’intérêt général: soins médicaux, transports, restauration, sport, culture.…

c) La création de filiales

Les mutuelles sont autorisées à créer des filiales pour offrir à leurs adhérents des services marchands relevant le plus souvent de professions réglementées: voyages, assurance non vie, gestion immobilière de résidences universitaires, accès aux nouvelles technologies.

Plusieurs conditions doivent être posées pour le développement de ces activités par les mutuelles :

—  objet des filiales en relation évidente et directe avec les objectifs de la mutualité étudiante définis dans la charte, la vérification de la réalité de ce lien entrant dans le champ de compétence des autorités de contrôle ;

—  conservation en permanence par la mutuelle de la majorité du capital et de la majorité des votes au sein de la filiale ;

—  transmission des comptes et des résultats des filiales chaque année aux instances élues de la mutuelle accompagnés d’un bilan exhaustif des opérations d’avance en compte courant ;

—  interdiction de création de sous filiales.

L’ensemble de ces règles encadrant les activités économiques des mutuelles sœurs devrait évidemment figurer dans les statuts.

Le rapport moral et financier présenté chaque année en assemblée générale devrait faire le bilan de ces activités tant du point de vue des résultats commerciaux que des avantages qui en résultent pour les étudiants.

4. La rénovation de la démocratie

L’observation du fonctionnement des mutuelles étudiantes a fait apparaître un fort contraste entre les mutuelles régionales et la MNEF, seule mutuelle nationale. Limitées à une zone géographique, il semble que les mutuelles régionales ont pu conserver un lien plus étroit entre la direction et les sections locales, alors qu’à la MNEF deux mondes s’étaient mis en place, deux réalités avaient fini par se superposer entre Paris et la province, créant entre les étudiants et leurs représentants une distance de plus en plus grande.

De ce point de vue, la volonté affirmée du nouveau président de la MNEF, Pouria Amirshahi, de voir les étudiants se " réapproprier " leur mutuelle est significative du fossé croissant qui avait fini par s’instaurer.

Vouloir redonner un sens à l’engagement mutualiste des étudiants nécessite la mise en place d’un certain nombre de mécanismes destinés à améliorer la transparence des modes de fonctionnement des mutuelles et à mieux faire ressortir la spécificité de la mutualité.

a) Renforcer l’information des adhérents

Les représentants des mutuelles régionales ont insisté sur les efforts entrepris pour améliorer l’accueil et la qualité des services rendus à leur adhérents et ont cité l’amplitude des horaires d’ouverture, la multiplication des guichets, la mise en place de structures d’écoute, etc. En revanche, rien n’a été dit concernant l’information qui pourrait être donnée aux adhérents sur les décisions importantes du conseil d’administration ou sur la situation financière de leur mutuelle.

A cet égard, on ne peut qu’approuver la suggestion préconisée lors de son audition par M. Jean-Luc Warsmann, député, ancien directeur général de la MGEL, d’améliorer et surtout de normaliser le contenu du rapport moral et du rapport financier de la mutuelle présentés à chaque assemblée générale. Ces rapports mentionneraient obligatoirement certaines informations, non seulement sur la mutuelle elle-même, mais aussi sur la situation des filiales, avec l’indication de la composition du capital, des salariés et des représentants élus se trouvant dans ces structures ainsi que leur rémunération éventuelle.

Ces rapports seraient communiqués à leur demande aux adhérents. A l’heure actuelle, comme l’a souligné Jean-Luc Warsmann, un adhérent de mutuelle est moins informé qu’un actionnaire minoritaire de société et " plutôt que de remettre systématiquement un exemplaire des statuts, reconnaissons plutôt un droit automatique et élargi à l’accès à l’information. "

En cas de contrôle de la mutuelle par la Commission de contrôle des mutuelles, l’article L. 531.16 du Code de la mutualité précise que " les résultats des contrôles sur place sont communiqués au conseil d’administration de la mutuelle ". En pratique, certaines mutuelles n’ont transmis aux administrateurs qu’un rapport de synthèse de ce contrôle établi par le directeur et le président. Une telle attitude est contraire au bon fonctionnement de la mutuelle et peut même, le cas échéant, permettre certaines manipulations. Il serait donc opportun de prévoir la communication non plus des seuls résultats du contrôle mais celle des rapports définitifs et des décisions ou recommandations des autorités de contrôle résultant de ces rapports.

b) Former et indemniser les élus étudiants

Le déséquilibre des pouvoirs au sein de la MNEF entre l’administration et les élus étudiants du conseil d’administration a montré la nécessité de protéger ces derniers contre le risque de mainmise de la technostructure sur la mutuelle. Afin de minimiser ce risque, il convient d’assurer une formation des élus aux techniques de gestion et de direction d’entreprise. L’article L. 125-6 du Code de la mutualité fait bénéficier les administrateurs des mutuelles des dispositions des articles L. 133-7, L. 225-7 et L. 950-21 du Code du travail accordant des facilités et des crédits d’heures dans le cadre du contrat de travail. Mais, par définition, ces dispositions sont inopérantes s’agissant des étudiants.

Par conséquent, il faudrait définir un statut de l’étudiant élu mutualiste qui, en sus de cette formation, prévoirait également le principe d’un aménagement d’études et celui d’une rémunération.

Concernant ce dernier point, la CCIMP s’est montrée favorable à l’indemnisation des fonctions assurées par certains administrateurs sous réserve d’un encadrement réglementaire et d’un contrôle des instances dirigeants de la mutuelle.

Votre rapporteur estime qu’il ne lui appartient pas de fixer un plafond à cette indemnisation mais considère que la notion de " juste indemnisation " qui tout à la fois reconnaît la réalité des tâches à accomplir sans pour autant assimiler l’activité mutualiste, qui doit rester un engagement, à un travail salarié constitue une réponse appropriée, corrigeant une application trop rigoureuse du principe du bénévolat. Pour les mutuelles étudiantes, les éléments contenus dans le rapport Goulard constituent une référence que l’on pourrait transposer.

Le cumul de cette indemnisation avec d’autres indemnités du même type devrait être également réglementé.

Par ailleurs, il est indispensable que les élus étudiants du conseil d’administration bénéficient du renfort de personnalités compétentes. Certaines mutuelles étudiantes ont résolu la question en acceptant de confier la présidence du conseil d’administration à des non-étudiants qui peuvent ainsi " faire le poids " face à la direction générale. Cette solution, rendue possible par les textes, ne doit pas devenir le droit commun et il semble de loin préférable de laisser à un étudiant la présidence d’une mutuelle étudiante en prévoyant la présence auprès du conseil d’administration de personnalités qualifiées, nommées par la Commission de contrôle des mutuelles. L’association les Amis de la MNEF ou le comité consultatif prévus par le règlement intérieur ne pouvaient jouer correctement un rôle de conseil, puisque leur composition ne relevait pas d’une autorité extérieure et que ces instances ont fonctionné non pas au service des étudiants mais comme des instruments de lobbying au profit de la direction générale.

c) Encadrer les conditions de nomination du directeur général

Plusieurs hypothèses méritent d’être évoquées.

On peut concevoir d’entourer de certaines garanties la nomination du directeur général d’une mutuelle étudiante qui serait recruté par le conseil d’administration sur une liste d’aptitude définie par le ministère de tutelle.

D’autres propositions alternatives répondant à cette même préoccupation de rééquilibrage des pouvoirs au sein de la mutuelle peuvent être avancées. On peut ainsi envisager une codésignation du directeur général par le conseil d’administration et le ministère de tutelle ou prévoir la nomination auprès de la mutuelle d’un contrôleur d’Etat qui assurerait notamment le suivi du budget concernant le régime obligatoire.

Le contrat de travail de ce dernier pourrait être soumis, pour avis, à la Commission de contrôle des mutuelles. En effet, les clauses exorbitantes du droit commun figurant dans le contrat de travail d’Olivier Spithakis, si elles avaient été portées à la connaissance de la commission, l’aurait incontestablement alertée sur les conditions de fonctionnement internes de la MNEF.

d) Refonder la participation des étudiants aux élections et au processus décisionnel

Les dernières élections qui se sont déroulées à la MNEF avec 15 % de participation font figure d’exception par rapport à la moyenne du taux de participation évalué à 3 %. Ce désintérêt des adhérents à l’égard de la mutuelle vient en partie du fait que la spécificité mutualiste est de moins en moins perçue, que les sections locales ne fonctionnent pas pleinement et que les procédures de vote sont inadaptées.

Il appartient aux mutuelles étudiantes dans les relations qu’elles entretiennent avec leurs adhérents de réaffirmer l’éthique de la mutualité et la signification de l’engagement mutualiste fondé sur la solidarité et la non-sélection des risques.

Dans cette perspective, la personnalisation des relations avec les adhérents et les liens de proximité avec les étudiants nécessitent que les sections locales étudiantes soient réellement dotées d’un conseil d’administration et que le " comité des sept ", composé de quatre étudiants et de représentants de la CNAM et des ministères, soit réellement constitué, alors que la grande majorité d’entre eux ne se sont plus réunis depuis dix ans. Sur ce point, le conseil d’administration de la MNEF récemment élu vient de décider de renouveler, d’ici décembre 1999, l’ensemble des conseils d’administration des sections locales et d’organiser trimestriellement leur réunion avec les directeurs de la mutuelle. Cette décision va dans le sens préconisé par la commission d’enquête d’une meilleure information et d’une plus grande coordination entre les actions menées localement et au niveau de la direction de la MNEF.

Il convient d’autre part de s’interroger sur la représentativité des membres du conseil d’administration. Actuellement, ces derniers sont élus par l’assemblée générale, elle-même élue. Si la représentativité des élus est fonction, comme on le sait, du pluralisme des élections et du taux de participation, alors le principe de la liste unique de candidats élaborée et soutenue par le bureau de la mutuelle – ce qui reste aujourd’hui quasiment la règle – et le niveau extrêmement faible de la participation ne peuvent pas conduire à la constitution d’un conseil d’administration représentatif.

Avec trois listes en lice et 15 % de participation, la MNEF a-t-elle pour autant réussi à garantir le pluralisme et la représentativité de son conseil d’administration. Ce résultat n’est pas certain dans la mesure où au vu des accords passés entre les listes après la première assemblée générale le conseil d’administration de la MNEF ne compte pas d’opposition ou de tendance minoritaire.

Si poursuivre un idéal d’élection amène in fine à se priver de toute diversité d’expressions ou de représentations, ne faudrait-il pas réfléchir à une composition du conseil d’administration des mutuelles étudiantes où siégeraient des représentants des syndicats ou associations étudiants représentatifs aux élections universitaires ?

Quoiqu’il en soit, il apparaît indispensable de revenir sur le principe du vote par correspondance pratiqué par l’ensemble des mutuelles. Ce système fort coûteux – la MNEF le chiffre à 6 millions de francs pour les dernières élections – sans grande incidence en cas de liste unique, se révèle très lourd à gérer avec des listes multiples et en tout état de cause ne se justifie pas. Si l’on défend le principe de l’élection, celle-ci doit s’accompagner d’une campagne sur le terrain et d’un vote sur place dans les campus ou dans les sections locales, dont on sait qu’elles sont nombreuses. De même que pour le vote par correspondance, le vote dans les bureaux de vote peut avoir lieu sur une durée de plusieurs jours avec toutes les mesures nécessaires pour en assurer la sincérité.

Supprimé pour les élections nationales, le vote par correspondance a été remplacé par le vote par procuration. On peut, pour les mêmes raisons de fiabilité et d’irréprochabilité, préconiser la suppression du vote par correspondance pour les mutuelles étudiantes, les étudiants ne pouvant opposer leur indisponibilité.

C. RÉNOVER LES CONTRÔLES EXTERNES

Actuellement, les pouvoirs de la Commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance sont trop limités, il conviendrait donc de les étendre en même temps qu’il faudrait réfléchir, comme l’envisage le rapport de mission de M. Michel Rocard à la création d’une autorité de contrôle unique qui maintiendrait en son sein la spécificité du contrôle exercé sur les mutuelles.

1. Etendre le champ de compétence de la CCMIP

La CCMIP n’intervient pas dans le contrôle de toutes les mutuelles puisque les plus petites structures relèvent de la compétence des DRASS et qu’une liste détermine celles des mutuelles de plus de 150 millions de francs qui sont du ressort de la CCMIP.

L’existence de ce seuil a eu pour effet de séparer les mutuelles étudiantes qui toutes ne dépendent pas de la CCMIP. Cette situation n’est pas satisfaisante, car la spécificité des mutuelles étudiantes nécessite qu’elles soient appréciées dans leur fonctionnement interne par une même autorité. Il faudrait, par conséquent, prévoir que, par principe, indépendamment de leur taille, les mutuelles étudiantes relèvent toutes du contrôle de la CCMIP.

En pratique, la révision de la liste, qui date de 1992, des mutuelles dépendant de la CCMIP, ferait d’ores et déjà figurer très vraisemblablement la quasi-totalité des mutuelles étudiantes.

2. Mieux cibler les contrôles

Les directives européennes prévoient que le contrôle du respect des règles prudentielles s’entend de façon large et ne se réduit pas à la vérification mathématique d’un ratio. Leur transposition devrait conduire à la modification de l’article L. 531-1-1 du Code de la mutualité qui préciserait que la Commission de contrôle des mutuelles exige que toute mutuelle dispose d’une bonne organisation administrative et comptable et de procédures de contrôle interne adéquates " (article 13.3 de la directive non vie et 15.3 de la directive vie).

La Commission de contrôle des mutuelles ne peut actuellement, à l’instar de la Commission de contrôle des assurances (CCA), exercer un droit de suite dans de bonnes conditions.

La Commission peut seulement recourir au droit d’évocation prévu à l’article L. 531-1-5 du Code de la mutualité qui l’autorise, lors du contrôle sur place d’une mutuelle, à étendre ce contrôle à toute personne morale liée directement ou indirectement par une convention à celle-ci et susceptible d’altérer son autonomie de fonctionnement. C’est par ce biais que la MIF, la MUL et l’UTPM très proches de la MNEF sont tombées dans l’escarcelle du contrôle de la CCMIP. Cependant, ce droit de suite est trop restreint et difficile à mettre en œuvre. Il conviendrait donc de reconnaître à la CCMIP un droit de suite tel qu’il est prévu dans le Code des assurances. La CCMIP étendrait ainsi son pouvoir de contrôle aux personnes morales dont les mutuelles possèdent le contrôle. La mission de la Commission vise en effet à garantir les intérêts des adhérents en s’assurant que les mutuelles sont toujours en mesure de remplir leurs engagements. Or, la situation de ces structures satellites est susceptible, en cas de faillite, d’engager la responsabilité financière de la mutuelle. Le droit de suite pourrait, pour les mêmes raisons, être étendu aux personnes morales recevant des concours réguliers et importants d’une mutuelle.

3. Augmenter les pouvoirs de la CCMIP

En cas de manquements constatés, la CCMIP dispose certes du pouvoir d’injonction de " présenter un programme de redressement ", mais elle n’a pas la faculté, comme la CCA, de prendre des mesures d’urgence en mettant une mutuelle sous surveillance spéciale.

La possibilité de mise sous curatelle " d’une mutuelle en lui restreignant ou en lui limitant l’utilisation de certains de ses actifs devrait être reconnue à la CCMIP. Cette mesure souple, qui donne la possibilité de s’adapter au cas par cas, est dans le même temps moins traumatisante pour les adhérents et les salariés et déstabilise moins l’avenir de la mutuelle que la nomination d’un administrateur provisoire.

En cas de " difficultés financières de nature à compromettre le fonctionnement normal d’une mutuelle ", la CCMIP peut, sur proposition de l’assemblée générale, confier tout ou partie des pouvoirs exercés par le conseil d’administration à un ou plusieurs administrateurs provisoires choisis par l’assemblée générale en dehors des membres du conseil d’administration (article L.351-2 du Code de la mutualité).

Pour rendre cette disposition opérationnelle, il faudrait que l’administrateur provisoire puisse aussi être choisi en dehors de l’assemblée générale.

En cas d’irrégularité grave constatée dans le fonctionnement d’une mutuelle ou si des difficultés financières persistantes mettent en péril l’existence de la mutuelle, la CCMIP peut, enfin, décider, de son propre chef, de confier les pouvoirs du conseil d’administration à un administrateur provisoire (article L. 531-4 du Code de la mutualité). Cette notion " d’irrégularité grave " reste sujette à interprétation et gagnerait à être définie et précisée par rapport à certaines normes.

Il s’agit là d’un point essentiel, car de graves dysfonctionnements internes de la mutuelle, s’ils constituent souvent des signes précurseurs de difficultés financières, peuvent néanmoins exister indépendamment de ces dernières.

4. Prévoir de nouvelles sanctions

La CCMIP devrait pouvoir disposer d’une gamme de sanctions élargies visant à la fois la mutuelle mais aussi ses dirigeants ce qui n’est pas le cas pour l’instant à la différence de ce qui se passe pour les entreprises d’assurance ou les institutions de prévoyance.

Des procédures disciplinaires devraient pouvoir être engagées dès lors qu’une disposition du Code de la mutualité n’a pas été respectée.

Il faut rappeler que la CCA dispose des possibilités de sanctions suivantes qui pourraient être reprises pour les mutuelles :

INTERDICTION D’EFFECTUER CERTAINES OPÉRATIONS ET TOUTES AUTRES LIMITATIONS DANS L’EXERCICE DE L’ACTIVITÉ ;

SUSPENSION TEMPORAIRE D’UN OU PLUSIEURS DIRIGEANTS DE L’INSTITUTION ;

RETRAIT TOTAL OU PARTIEL D’AGRÉMENT OU D’AUTORISATION ;

TRANSFERT D’OFFICE DE TOUT OU PARTIE DU PORTEFEUILLE DES CONTRATS.

Les sanctions existantes sont, par ailleurs, insuffisamment dissuasives et devraient être aggravées. Le fait qu’il s’agisse de peines contraventionnelles prescrites par le délai d’un an n’aboutit en pratique qu’à des classements sans suite. Les violations graves des principes fondamentaux du Code de la mutualité – bénévolat, administration par les adhérents… – ne sont donc pas sanctionnées. Seuls les délits pénaux de droit commun (escroquerie, faux et usage de faux…) peuvent faire l’objet de procédures judiciaires.

A cet égard, il faudrait étendre aux mutuelles la notion de délit d’abus de biens sociaux prévue par l’article 425 de la loi de 1966 sur les sociétés commerciales.

5. Promouvoir une autorité de contrôle avec des moyens renforcés

La fusion de la Commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance avec la Commission de contrôle des assurances ne peut être envisagée car elle ne semble pas correspondre au respect de la spécificité de la mutualité. Il est nécessaire comme nous l’avons développé précédemment de donner à la future CCMIP des compétences et des moyens très proches de la Commission de contrôle des assurances. Ces deux commissions ont déjà la même présidence.

Le contrôle exercé ne pouvant être exclusivement comptable et financier mais s’étendant au respect des engagements mutualistes et aux règles de fonctionnement interne des mutuelles, il est impératif de promouvoir un corps de contrôle compétent pour intervenir dans ce secteur.

En revanche, les contrôles strictement prudentiels doivent être cohérents et un traitement homogène des différents acteurs mutualistes, d’instituts de prévoyance ou des sociétés régies par le Code des assurances doit être affirmé.

Il conviendrait également de modifier, pour l’élargir, la composition de cette Commission et de décharger totalement ses membres de leur activité dans leurs corps d’origine. La présidence devrait être désignée au sein de la Commission par le gouvernement sans qu’il y ait d’attribution automatique à tel ou tel grand corps de l’Etat.

Il importerait enfin d’augmenter sensiblement les effectifs de fonctionnaires mis à la disposition de l’autorité de contrôle.

CONCLUSION

Lorsque la commission d’enquête sur le régime étudiant de sécurité sociale a été créée, il était légitime de se demander ce que l’Assemblée nationale, dont les moyens d’investigation sont, dans certains domaines, en dépit des dispositions de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, moins étendus que ceux des différents corps de contrôle, pourrait ajouter à l’impressionnante collection de rapports qui ont émaillé la vie des mutuelles étudiantes depuis quelques années, d’autant plus que le champ était limité par les procédures judiciaires en cours.

Au terme de l’exercice, chacun conviendra qu’il a été salutaire. La commission d’enquête s’est, en effet, efforcée d’analyser avec objectivité, et sans complaisance, l’ensemble du régime étudiant de sécurité sociale, ce qui a permis de dépassionner le débat. Nous nous sommes attachés à démontrer les mécanismes à l’origine ou en amont des dérives observées.

Après avoir constaté, avec la Cour des comptes, que le régime étudiant de sécurité sociale se trouvait à la croisée des chemins, la commission d’enquête a souhaité réaffirmer son attachement au maintien de la spécificité du régime étudiant ainsi qu’à sa pluralité d’organisation.

Elle s’est par conséquent efforcée de définir les conditions de préservation de ce régime appelé à s’adapter à un nouveau contexte.

Avec la transposition des directives assurance, certaines des recommandations formulées par la commission pourraient dépasser le champ limité de la mutualité étudiante et constituer le socle de renouveau de la Mutualité " 1945 ", dont l’éthique doit être rappelée avec force et revivifiée en tenant compte des évolutions survenues depuis plus de cinquante ans. Il appartiendra donc à la représentation nationale, lors de la prochaine discussion du projet de loi de transposition, de veiller à ce qu’il en soit ainsi.

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La Commission a examiné le présent rapport au cours de sa séance du mardi 6 juillet 1999 et l’a adopté.

Elle a ensuite décidé qu’il serait remis à M. le Président de l’Assemblée nationale afin d’être imprimé et distribué, conformément aux dispositions de l’article 143 du Règlement de l’Assemblée nationale.

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EXPLICATIONS DE VOTE

EXPLICATIONS DE VOTE DE M. MAXIME GREMETZ,
VICE-PRÉSIDENT, AU NOM DU GROUPE COMMUNISTE

Je me félicite des propositions qui sont formulées dans le rapport, portant notamment sur la nécessité de renforcer la démocratie et la transparence et de rendre par des mesures réelles la MNEF aux étudiants.

Il faut bien constater que, face à l’extrême gravité des faits, des dérives, des enrichissements personnels, des rapports qui se multiplient, le rapport de la Commission est en déphasage compte tenu de ses compétences limitées.

Je considère donc ne pouvoir approuver le rapport présenté, non pas pour ce qu’il contient, mais pour ce qu’il ne contient pas. Par ailleurs, de ce que nous connaissons à cette date, il est évident que des personnes auditionnées, et ayant prêté serment, n’ont pas dit, pour le moins, la vérité.

Je considère que la Commission, à la lumière de confirmations éventuelles de tels faits, devrait saisir la justice.

En tout état de cause, je considère que la Commission doit s’exprimer avec force pour que toute la lumière soit faite, et que la justice soit effectivement rendue.

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Suite du rapport : annexes


() Le relevé de constatations provisoires sur la gestion de la MNEF du 10 juillet 1998 a été communiqué à la commission d’enquête par la MNEF.

() Le rapport provisoire – c’est-à-dire non contradictoire – de contrôle de la MNEF par l’IGAS de mai 1999 a été communiqué à la commission d’enquête par M. Pouria Amirshahi.

() Extrait du rapport de contrôle de la MNEF de l’IGAS - Mai 1999 – p. 9.

() Mme Sylvie Enfert a été auditionnée par le rapporteur dans le cadre de ses pouvoirs propres le 26 mai 1999.

() Rapport annuel au Parlement sur la sécurité sociale, septembre 1998.

() Adoptée définitivement par l’Assemblée nationale le 30 juin 1999.

() Mission mutualité et droit communautaire. Mai 1999.

() Étude de certaines difficultés soulevées par l’application aux mutuelles régies par le Code de la mutualité de plusieurs dispositions des directives européennes concernant les assurances. Mai 1994. Rapport établi en la demande du Premier ministre.

() Précision du rapporteur.

() Loi du 31 décembre 1989 renforçant la protection des personnes assurées contre certains risques, modifiée par la loi du 8 août 1994 relative à la protection sociale complémentaire des salariés.

() Journal officiel du 12 mai 1985.

() Clarifier le régime fiscal des associations, mars 1997.

() Article 261-7-1 a du C.GI.

() CE 26 avril 1965 n° 61744 : Rec. CE p. 241.

CE 14 octobre 1988 n° 62147 : RJF 12/88 n° 1308.

() Ce relevé de constations provisoires sur la gestion de la mutuelle des étudiants de France du 10 juillet 1998, a été communiqué à la commission d’enquête par la MNEF.

() Rapport d’enquête de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection des affaires sociales février 1999.

() Union interrégionale et technique des sociétés étudiantes mutualistes, regroupe 5 mutuelles dont 3 mutuelles d’étudiants (SMERRA, SMEREB, SMECO).

() L’informatisation du système de santé. Rapport d’étape. M Jean-Paul Bacquet. n° 1139.