RAPPORT

FAITAU NOM DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE (1)
sur L'ACTIVITE ET LE FONCTIONNEMENT DES TRIBUNAUX DE COMMERCE

TOME I
RAPPORT

    AVANT PROPOS

    PREMIÈRE PARTIE : CONSTATATIONS ET DIAGNOSTIC

I.-UNE EXCEPTION FRANÇAISE 6

A.- UNE DOUBLE LÉGITIMITÉ : HISTOIRE ET SPÉCIFICITÉS DE L'ACTIVITÉ COMMERCIALE 6

1.- L'histoire, principale source de légitimité et facteur d'inertie 7

a) Une remarquable continuité 7

b) Des compétences étendues : de la foire à la Bourse 12

2.- Le dogme de la spécificité de l'activité commerciale 15

B.- L'EXCEPTION FRANÇAISE : DROIT COMPARÉ 17

1.- Un système unique dans les pays occidentaux 17

a) Les chambres ou tribunaux échevinés 17

b) Les juges spécialisés en droit commercial appartenant à la juridiction ordinaire 18

c) Les tribunaux ordinaires 19

2.- Les clauses d'exclusion de compétence des tribunaux de commerce sont-elles une réaction à cette exception française ? 19

C.- LE SCHÉMA ACTUEL : DES DISPARITÉS QUI COMPLIQUENT LE DIAGNOSTIC 21

1.- Carte judiciaire ou manteau d'Arlequin ? 21

2.- La difficile évaluation de l'efficacité des tribunaux de commerce 25

a) Un élément fondamental du débat sur la légitimité des tribunaux de commerce 25

b) Un système statistique défaillant 26

    AVANT PROPOS

« Les fautes des Magistrats ou gens de justice doivent estre moins tollerees, qu'en tous les autres estats. »

La Roche Flavin, Treize livres des Parlements de France, 1617

On entend parfois dire que les parlementaires seraient absents de l'hémicycle, se désintéresseraient des affaires nationales, préféreraient la gestion locale, et abandonneraient l'exercice de leurs prérogatives à la toute puissance du pouvoir exécutif et de l'administration.

Cette commission d'enquête, dirigée par son Président François Colcombet, député de l'Allier, par ailleurs conseiller à la Cour de cassation en disponibilité, a choisi de se donner une méthode de travail qui démentira ces mauvais préjugés.

Nous aurions pu faire ce que les professionnels concernés espéraient de nous, c'est à dire quelques conversations mondaines et huis clos de convenance sur l'hypothétique réforme à engager qui ne vient pourtant jamais.

Le Président François Colcombet, votre Rapporteur et la majorité des députés composant la commission d'enquête ont pris une décision différente et ont choisi, non seulement d'entendre tous ceux qui le souhaitaient parmi les professionnels, mais aussi d'aller sur le terrain, de poser des questions, y compris celles qui parfois embarrassent, de soumettre à leurs propres contradictions les auteurs de certaines pratiques contestables, et d'engager une véritable recherche de la vérité.

Tous ceux de nos collègues qui ont suivi d'un bout à l'autre les travaux passionnants de cette commission, désireuse d'exercer son sens de la curiosité, ont découvert que l'administration de la Chancellerie jusqu'au plus haut niveau ne connaissait pas elle-même l'étendue des dégâts sociaux, économiques et juridiques, que nous avons pu mesurer à chacune de nos visites dans les tribunaux de commerce de province ou des grandes villes de France.

Mais que sont donc ces tribunaux de commerce ? Une institution multi-séculaire inchangée depuis plus de quatre siècles, survivance archaïque des charges publiques offertes par la royauté à des commerçants soucieux d'administrer en leur sein leurs affaires et leur propre déconfiture.

Aujourd'hui, c'est un service public juridictionnel qui a la charge de décider du sort de milliers d'entreprises en difficulté, et du destin de centaines de milliers d'emplois.

Les députés, membres de notre commission ou non, sont nombreux à recevoir de véritables cahiers de doléances de la part de justiciables, de débiteurs et de créanciers, écrits et remplis avec la colère, le désespoir ou la tristesse, contre les liquidations administrées par des juges commerçants soupçonnables de partialité, de lenteur, de déni de justice, ou, plus grave, dans certains cas, d'indélicatesse.

Voilà pourquoi la Représentation nationale a créé cette commission d'enquête, dotée des pouvoirs d'investigation sur pièces et sur place, confiés à son Rapporteur.

Je voudrais dire ici à tous les justiciables, citoyens ordinaires un jour confrontés à la machinerie judiciaire des tribunaux de commerce et qui ont pris la peine de nous écrire, de nous transmettre les éléments de réflexion, ou la narration de leur expérience personnelle, et qui s'estiment bafoués, que si la commission n'a pu les entendre individuellement, le souci constant de leur défense et de leur protection a guidé notre travail et nos démarches.

Je tiens également à dire à tous les professionnels concernés par l'activité et le fonctionnement des tribunaux de commerce, les greffiers, les administrateurs judiciaires, les liquidateurs, les juges consulaires eux-mêmes, que nous avons eu à chaque instant la préoccupation de ne réfléchir que sur pièces, d'entendre les arguments qui ont pu nous être opposés, et d'écouter avec une attention constante ce qui pouvait même perturber nos propres schémas d'analyse et de diagnostic, élaborés au fur et à mesure de nos investigations.

La commission d'enquête a ainsi procédé à de très nombreuses auditions - près de 200 personnes au total ont été entendues - destinées à recueillir le point de vue des juges consulaires eux-mêmes organisés dans la Conférence générale des tribunaux de commerce, des différents professionnels concernés, à travers les porte-parole autorisés de chacune des professions, travaillant autour et avec les tribunaux de commerce.

Nous avons également entendu sans complaisance les fonctionnaires et magistrats de la Chancellerie, les magistrats de terrain au contact dans leurs parquets respectifs de la réalité quotidienne des tribunaux de commerce.

Puis, nous avons décidé d'organiser des déplacements dans des juridictions de taille différente, si possible dans chacune des régions de France. D'abord un petit tribunal, le 17 mars à Auxerre où je me suis rendu avec M. Jacky Darne, député du Rhône, puis dans les tribunaux de taille moyenne, un en Bretagne, le 14 avril à Saint-Brieuc, un dans le sud-est, le 12 mai à Toulon, où MM. Jacky Darne et Robert Gaïa, député du Var, m'accompagnaient, un autre dans le sud-ouest, le 11 juin à Mont-de-Marsan, visite à laquelle ont participé MM. Gérard Gouzes, député du Lot-et-Garonne et Jean Codognès, député des Pyrénées-Orientales. Puis nous nous sommes rendus dans les deux tribunaux qui nous ont été invariablement présentés comme étant la vitrine de la réussite des tribunaux de commerce français : Lyon, où M. Jacky Darne m'accompagnait et Paris où se sont rendus également le Président, MM. Jacky Darne et Jean Codognès. Nous n'aurions pas été complets si nous ne nous étions pas rendus dans un tribunal écheviné en raison des particularités de l'histoire de l'Alsace et de la Moselle, Strasbourg, le 4 juin. Nous ne pouvions nous rendre sur tout le territoire, répondre aux innombrables sollicitations des justiciables ; nous avons choisi de compléter nos informations en adressant un questionnaire à tous les tribunaux de commerce, ainsi qu'à l'ensemble des procureurs généraux, à charge pour eux de questionner leurs procureurs de la République. Des réponses, bien que de valeur très inégale, parfois également d'une cruelle vérité, parfois d'une langue de bois les rendant inutilisables, ont fourni aux députés membres de la commission, des renseignements très précieux.

Nous avons souhaité parachever notre travail de terrain en nous rendant enfin en Corse, au tribunal de commerce d'Ajaccio. Pour ce déplacement, nous avons choisi de faire _uvre particulière en joignant les efforts de notre commission d'enquête sur les tribunaux de commerce à ceux d'une autre commission d'enquête disposant des mêmes pouvoirs dévolus à son Rapporteur, M. Christian Paul, député de la Nièvre, sur l'utilisation des fonds publics et la gestion des services publics en Corse. Les deux commissions s'y sont conjointement rendues le 1er juillet 1998, afin de mettre en commun leurs efforts d'analyse et d'expertise sur le tribunal de commerce de la Corse du Sud. Le produit du travail d'enquête effectué dans ce département pourra être intégré au rapport de M. Christian Paul à l'issue des travaux d'enquête sur la gestion de l'argent public en Corse.

Au fur et à mesure que la commission progressait dans ses investigations, elle s'est heurtée à une hostilité grandissante et de plus en plus ouverte des juges consulaires et de leur instance représentative, la Conférence générale des tribunaux de commerce, dirigée par son président, M. Jean Pierre Mattei, par ailleurs président du tribunal de commerce de Paris.

Les premiers actes de résistance des juges consulaires sont apparus au tribunal de commerce de Mont-de-Marsan. Votre Rapporteur avait reçu une pétition d'une centaine de justiciables adressée à Mme le garde des sceaux, Élisabeth Guigou, demandant que le tribunal fut inspecté par la commission d'enquête parlementaire. De mémoire d'homme ou de connaisseurs de la magistrature française, les cas d'accusation collective contre une juridiction particulière ont été rarissimes. La commission d'enquête ne pouvait pas ne pas s'y rendre.

Votre Rapporteur, accompagné de M. Gérard Gouzes, député du Lot-et-Garonne et ancien président de la commission des Lois, et de M. Jean Codognès, député des Pyrénées Orientales, se sont rendus le 11 juin 1998 au tribunal de commerce de la préfecture des Landes. Les trois députés que nous étions ont été surpris de découvrir à notre arrivée vers 9 heures 30, une quarantaine de manifestants devant le tribunal, composés de justiciables et, particularité importante, de leurs avocats, eux-mêmes entrés en rébellion contre les procédés en cours au sein de cette juridiction. A notre arrivée, tous les juges consulaires, sous l'autorité du président et du vice-président étaient rassemblés dans la salle d'audience. Après les cordialités d'usage, le président s'est assis, accompagné des plus hauts magistrats du tribunal, sur le siège de la salle d'audience et nous a lu solennellement une motion exposant le refus de déposer sous serment devant la commission d'enquête, et ordonnant au greffier de refuser formellement la transmission des documents de service et des dossiers du tribunal. Avant qu'ils ne quittent les lieux, votre Rapporteur a rappelé aux magistrats le contenu de l'ordonnance du 17 novembre 1958, qui permet au président de la commission de faire usage de la force publique, et de demander sans délai des poursuites à toute personne refusant non seulement de comparaître ou de prêter serment, mais également de déposer en qualité de témoin requis devant la commission d'enquête. Les juges ayant immédiatement quitté les lieux après cet échange de bonnes paroles, le Président François Colcombet, alerté par mes soins à Paris, décida de demander au procureur de la République l'usage de la force publique, ce qui fut fait. De nouvelles convocations pour l'après-midi ont été délivrées dans la matinée par les gendarmes de la brigade territoriale de Mont-de-Marsan, aux dix-sept juges consulaires récalcitrants. À l'heure de la convocation, les magistrats obtempérèrent et prêtèrent serment. Les deux députés de la commission et votre Rapporteur ont été littéralement stupéfaits par les découvertes qu'ils ont faites dans ce tribunal : déni de justice, allégations de pots-de-vin, menaces sur le greffier, empoignades physiques dans l'enceinte du tribunal entre le greffier et un liquidateur, juge intéressé personnellement à une affaire qu'il avait eu à connaître, anomalies répétitives dans les reprises d'entreprises en difficulté. Le refus par les magistrats de déposer sous serment devant la commission d'enquête coïncidait-il avec les graves anomalies que ceux-ci ne souhaitaient pas se voir reprocher et que pourtant des justiciables, aidés de leurs avocats, leur reprochent depuis, semble-t-il, plusieurs années ?

Cette révolte des juges, par ailleurs orchestrée par la Conférence générale des tribunaux de commerce, et s'appuyant comme on le voit sur des procédés illégaux, paraît inspirée par des méthodes ancestrales. Souvenons nous des réactions des soixante dix milles juges seigneuriaux après l'installation, par la Révolution française, de nos premières institutions républicaines. Ces titulaires de charge et d'office avaient réalisé le prodige de se faire admettre - non sans une certaine usurpation - dans l'opinion pour les seuls et les plus autorisés représentants des intérêts du peuple. La jeune assemblée constituante dut prendre le fameux décret du 3 novembre 1789 : « Tous les parlements continueront de rester en vacance et ceux qui seraient rentrés reprendront l'état de vacance ». Les républicains avaient déjà dû éprouver la résistance de ce qu'il est convenu aujourd'hui d'appeler l'esprit de corps.

Plus près de nous, la Conférence générale des tribunaux de commerce avait déjà utilisé en 1983 la menace du chantage à la démission collective, lorsque M. Robert Badinter, garde des sceaux, chercha à réformer les tribunaux de commerce. Son directeur de cabinet, haut magistrat, M. Pierre Lyon-Caen est venu conter devant la commission d'enquête cette curieuse répétition de l'histoire.

Et il en fut de même dernièrement devant Mme Élisabeth Guigou, garde des sceaux, au mois d'octobre 1997, lorsque le président de la Conférence générale des tribunaux de commerce annonça, une nouvelle fois, le même chantage à la démission instantanée des juges consulaires si le Gouvernement entendait proposer l'échevinage, c'est-à-dire l'introduction de magistrats professionnels dans les tribunaux de commerce dans le but d'offrir de nouvelles garanties aux justiciables.

L'orchestration de cette résistance connut son point culminant au cours de l'audition de M. Jean Pierre Mattei, président du tribunal de commerce de Paris, par votre Rapporteur et deux de nos collègues, MM. Jacky Darne, député du Rhône, et Jean Codognès, député des Pyrénées-Orientales, le 10 juin dernier. Si le président Mattei, cette fois, acceptait de comparaître et de déposer sous serment, il refusa de répondre aux questions les plus embarrassantes de la commission qui avait relevé quelques anomalies manifestes avec l'aide du ministère public dans plusieurs dossiers dont les enjeux financiers économiques et sociaux sont considérables.

C'est précisément à raison de cette obstruction - je renvoie à la lecture des procès verbaux, qui parlent d'eux-mêmes - que le Président Colcombet et moi-même avons pris la décision de transmettre à M. le procureur de la République de Paris, non seulement les graves contradictions des déclarations du président Mattei avec certains des juges que la commission d'enquête a interrogés, afin de les faire analyser sous l'angle du faux témoignage, ainsi que l'ensemble des éléments collationnés par la commission d'enquête et votre Rapporteur, laissant penser que de graves infractions pénales pourraient avoir été commises dans le sein du tribunal de commerce de Paris. En outre, nous avons décidé de transmettre aux procureurs de la République compétents dans les départements où la commission s'est rendue, les produits de ses investigations concernant plusieurs mandataires de justice dont le comportement a fait apparaître des infractions pénalement répréhensibles.

Ces péripéties montrent à quel point certaines corporations n'admettent pas la réforme quand elle est pourtant hautement nécessaire, rejettent le regard critique exercé par les représentants de la Nation, pourtant dépositaires de l'intérêt général. Mais elles n'ont pas empêché la commission d'enquête de parvenir à un diagnostic fondé sur des observations de terrain et sur des faits. Certains peuvent rassurer, d'autres nous ont paru inquiétants.

C'est à partir de ces constatations et de ce diagnostic, que nous avons posé la question d'une réforme en profondeur des juridictions commerciales. Rien ne pourra désormais l'arrêter.

    PREMIÈRE PARTIE : CONSTATATIONS ET DIAGNOSTIC

I.- UNE EXCEPTION FRANÇAISE

Les tribunaux de commerce, au nombre de 227, forment une juridiction d'exception. Leur originalité se manifeste d'abord au plan national : ils ont survécu depuis le XVIe siècle à toutes les variations de l'Histoire ; ils sont composés de juges élus parmi les commerçants et qui exercent à titre exclusivement bénévole ; ils interviennent de plus en plus dans des domaines non juridictionnels, tels que la prévention des difficultés des entreprises.

Ce caractère original se traduit ensuite au plan international : le modèle français, s'il a pu faire des émules au XIXe siècle ou au début du XXe siècle, n'est plus guère pratiqué à l'étranger, si l'on exclut quelques cas, tels que celui du Maroc qui s'est doté il y a peu d'un système de juridictions consulaires « à la française ».

Enfin, la justice consulaire pratiquée en France est originale par nature : c'est une justice essentiellement privée. Son domaine de compétence, en raison de son mode d'organisation et de la qualité de ses membres, se trouve au point de jonction entre l'intérêt du service public et la vie des affaires, entre l'objectif de justice et la recherche de la rentabilité.

Cette originalité a longtemps assuré en apparence la légitimité du service public de la justice commerciale. Mais, depuis quelques années, comme en témoignent de nombreux rapports, des dysfonctionnements sont apparus, révélant une véritable crise de l'institution. Cette crise est d'autant plus criante que le niveau de justice exigé avec raison par nos concitoyens est devenu plus élevé.

Sans omettre les défaillances de l'institution elle-même, il convient de souligner à quel point la crise fut aggravée par un développement très important des procédures collectives, développement auquel les tribunaux de commerce et les auxiliaires de justice ont fait face avec plus ou moins de succès. Ainsi, de facto, les tribunaux les plus importants ont su développer des outils de prévention des difficultés des entreprises, hors du champ juridictionnel, tandis que les plus petits d'entre eux, ayant connaissance d'un très petit nombre d'affaires par an, se sont souvent contentés de s'en remettre aux auxiliaires de la justice commerciale que sont les mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises et les administrateurs judiciaires.

Conçue sur mesure pour régler les contentieux nés de l'activité commerciale, la justice consulaire fait figure d'exception, à la fois dans le paysage juridictionnel français, mais également par rapport aux systèmes en vigueur à l'étranger. Une organisation complexe, résultat d'une longue histoire, renforce ce caractère « exceptionnel »

A.- UNE DOUBLE LÉGITIMITÉ : HISTOIRE ET SPÉCIFICITÉS DE L'ACTIVITÉ COMMERCIALE

L'article L. 311-2 du code de l'organisation judiciaire précise que « le tribunal de grande instance a compétence exclusive dans les matières déterminées par les lois et règlements ». Les tribunaux de commerce n'ont qu'une compétence d'attribution. Le code de l'organisation judiciaire dispose ainsi, dans son article L. 411-1, que « leur compétence est déterminée par le code de commerce et par les lois particulières ». Comme pour relever le caractère spécial de cette compétence, le législateur insiste dans l'article L. 411-3 du code précité : « Dans les circonscriptions où il n'est pas établi de tribunal de commerce, le tribunal de grande instance connaît des matières attribuées aux tribunaux de commerce. »

De façon plus précise encore, l'article 631 du code de commerce affirme que :

« Les tribunaux de commerce connaîtront :

« 1° des contestations relatives aux engagements et transactions entre négociants, marchands et banquiers ;

« 2° des contestations entre associés, pour raison d'une société de commerce ;

« 3° de celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes. »

Pour justifier cette justice d'exception, deux principaux arguments sont traditionnellement invoqués : la pérennité de l'institution dans le temps, sa compétence technique adaptée aux réalités du commerce.

Or, il faut malheureusement constater que cette double légitimité doit être discutée. En effet, d'une part, le caractère durable de la juridiction consulaire ne signifie pas qu'elle doit être intangible dans ses modes de fonctionnement et son organisation. D'autre part, la connaissance que les juges issus du monde commerçant ont des réalités économiques, aussi large soit-elle, ne saurait suffire à rendre une bonne justice. Et ce, d'autant plus que la compétence attribuée aux tribunaux de commerce s'est élargie à des domaines nouveaux et que le monde des affaires est devenu de plus en plus vaste et compliqué.

1.- L'histoire, principale source de légitimité et facteur d'inertie

De toutes les juridictions, la juridiction consulaire est la seule qui ait survécu presque en l'état à la période révolutionnaire. Apparue au XVIe siècle dans sa forme moderne, la juridiction consulaire faisait alors figure de juridiction d'avant-garde.

Sans cesse évoqué pour légitimer le maintien de l'organisation actuelle dans ses principes, ce glorieux passé tend à sacraliser une institution devenue monolithique et fermée, alors même que les responsabilités qui lui ont été attribuées, notamment en matière de procédures collectives, sont devenues de plus en plus importantes et de moins en moins transparentes.

a) Une remarquable continuité

Indubitablement, la justice consulaire a su s'imposer face aux juridictions ordinaires et a perduré parce qu'elle a fait preuve d'incontestables qualités :

- rapidité des jugements nécessaire à la bonne marche des affaires ;

- connaissance précise des usages commerciaux dans des temps où chaque bailliage, chaque ville avait ses propres pratiques ;

- coût financier nul pour l'État, voire supplément de ressources.

Ces caractéristiques étaient déjà réunies à Athènes dans les tribunaux des métèques, qui n'avaient pas accès aux tribunaux de leur cité de résidence mais qui obtinrent la création de juridictions spéciales. Presque tous commerçants, marins ou industriels, ils traitaient dans leurs tribunaux des affaires essentiellement commerciales.

Rome entreprit de fondre le droit commercial dans son droit des gens et les spécificités de la justice commerciale disparurent. Il faudra attendre la fin du Haut Moyen Âge pour voir réapparaître des juridictions commerciales spécifiques, tenues par des professionnels du commerce.

L'Ancien Régime

Il faut en effet rechercher l'origine des juridictions consulaires dans le développement des foires médiévales de Saint-Denis, de Champagne ou encore du Lyonnais. Des gardes de foires, devenus plus tard conservateurs des privilèges de la foire, étaient chargés de façon temporaire de régler les conflits de nature civile, commerciale ou pénale, nés entre toutes personnes participant à la foire.

Un mouvement de spécialisation et la montée du commerce moderne légitimèrent la création de juridictions dédiées uniquement et de manière permanente au règlement des conflits commerciaux. On passa ainsi progressivement d'un système d'officiers royaux à un système de juridictions professionnelles inspirées du modèle italien. Les premières juridictions furent créées à Lyon en 1419, à Toulouse en 1549, à Rouen en 1556 et à Paris en 1563. C'est à cette date qu'un édit royal, rédigé par Michel de l'Hospital, permit à toutes les villes de France de se doter de juridictions consulaires, appelées alors « tribunaux des juges et consuls ». Les consuls étaient désignés par leurs pairs commerçants et placés sous l'autorité d'un « juge » choisi parmi eux.

Se heurtant souvent à l'hostilité des juridictions ordinaires et au poids des particularismes locaux, ces nouvelles institutions éprouvèrent dans un premier temps des difficultés à s'imposer. L'ordonnance du commerce de mars 1673 vint préciser leur organisation et leur compétence.

Créée au XVIe siècle, maintenant sa place au XVIIe siècle, la justice consulaire connut un renouveau au XVIIIe siècle. On vit alors une reprise des créations de tribunaux, parallèlement au développement du commerce. La commission Miromesnil, chargée d'établir un code de commerce (1778-1789), faisait ainsi référence à une « justice prompte et peu dispendieuse » susceptible de répondre aux attentes des commerçants.

La monarchie a laissé se développer une justice commerciale indépendante, parce qu'elle avait besoin de l'appui financier et politique de la bourgeoisie marchande dont les membres les plus éminents peuplaient les juridictions consulaires. C'est bien sur la base de ce compromis que les tribunaux de commerce ont pu s'implanter dans le paysage juridictionnel français. Or, ce compromis n'a plus aucun sens aujourd'hui.

La Révolution

justice concédée à des particuliers pour qu'ils règlent leurs affaires privées, la justice commerciale résista aux réformes révolutionnaires. Rapide, parfois même expéditive, peu coûteuse, démocratique dans la mesure où les juges consulaires étaient élus au second degré par les marchands de la ville qui désignaient un collège de marchands notables, parmi lesquels étaient choisis un juge et quatre consuls assesseurs, elle sut conserver son organisation et maintenir son autorité.

Lors des débats sur l'organisation judiciaire, les adversaires des juridictions consulaires furent peu nombreux, et beaucoup de réformateurs considéraient leur maintien comme nécessaire à l'ordre social et voyaient dans « leurs juges des connaisseurs irremplaçables des choses du négoce »(1). Les rédacteurs des cahiers des doléances réclamèrent souvent la création de telles juridictions dans le plus grand nombre possible de villes.

Les juridictions consulaires ne figuraient pas parmi les préoccupations majeures des réformateurs de l'organisation judiciaire. Pourtant, lors des débats, le débat entre unité et diversité juridictionnelle toucha également la justice consulaire : la question était de savoir si dans le grand mouvement de réforme de l'organisation des juridictions, les tribunaux de commerce devaient être maintenus dans leur spécificité ou bien intégrer un nouvel ensemble juridictionnel unitaire et hiérarchisé.

Certains, parmi les plus progressistes, défendaient le principe de l'unité juridictionnelle, principe qui avait commandé la réorganisation de l'ensemble des juridictions ordinaires. Ainsi, le député Defermon soutenait : « Je ne puis croire que vous écartiez cette unité qui fait la base de la Constitution. Bien loin de voir des motifs qui puissent vous engager à conserver les tribunaux de commerce, je n'y trouve qu'une source d'inconvénients (...). La formation des tribunaux d'exception fournit des contestations sur les matières dites consulaires, et sur celles dites ordinaires ; elle fournit des aliments à la chicane. Qu'a-t-on à craindre en attribuant le jugement de toutes les causes aux tribunaux ordinaires ? La juridiction consulaire n'excitait notre admiration que parce que nous la comparions à une foule d'autres plus vexatoires ».

À l'inverse, au sein des représentants issus de la bourgeoisie marchande favorable à l'exception consulaire, le député Paul Nairac affirmait : « Il n'y aura jamais de tribunal moins à charge à la nation, où la justice soit rendue avec plus de célérité, où les subtilités de la chicane soient aussi peu connues et où il en coûte moins pour plaider »(2). On le voit, après deux siècles, les termes du débat n'ont rien perdu de leur fraîcheur. Le principe général du maintien de ces juridictions spécialisées fut acquis par un décret du 27 mai 1790.

La loi des 16-24 août 1790 créa les tribunaux de commerce. Un décret du 24 mars 1791 disposa que l'appel serait porté devant l'un des tribunaux de district de l'arrondissement, tandis que la loi du 18 mars 1800 institua les cours d'appel, désormais compétentes pour juger des décisions des tribunaux de commerce en seconde instance. Le personnel consulaire lui-même changea peu, même en 1793, et joua un rôle essentiel dans la pérennité de l'institution.

Bien représentée dans les différentes assemblées délibérantes révolutionnaires, la bourgeoisie marchande sut conserver la spécificité de la justice consulaire, qui, par ailleurs, présentait toujours l'avantage d'être peu coûteuse pour les finances de l'État.

L'époque contemporaine

Entré en vigueur avec la loi du 14 septembre 1807, le code de commerce consacra la juridiction consulaire et fixa définitivement ses attributions. La création des juridictions releva désormais de l'administration centrale du ministère de la justice. Un décret du 6 octobre 1809 relatif à l'organisation de la justice commerciale comportait une annexe qui fixa notamment la liste des 216 villes en France qui devaient accueillir un tribunal de commerce.

    LA JUSTICE CONSULAIRE VUE PAR BALZAC

Balzac publie en 1837 Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau. Il y raconte les déboires d'un parfumeur, juge consulaire, adjoint d'un maire d'arrondissement, dans les années 1818-1819. Négociant honnête, César Birotteau se trouve victime d'un de ses anciens employés, du Tillet, devenu brasseur d'affaires. Il est conduit à déposer son bilan. Balzac, qui lui-même s'est trouvé plusieurs fois face au tribunal de commerce, dépeint sans concession le fonctionnement d'une institution dont certains traits frappent par leur actualité..

« Sur le vu du bilan, le tribunal de commerce nomme aussitôt un juge-commissaire qui veille aux intérêts de la masse des créanciers inconnus et doit aussi protéger le failli contre les entreprises vexatoires de ses créanciers irrités : double rôle qui serait magnifique à jouer, si les juges-commissaires en avaient le temps. Ce juge-commissaire investit un agent du droit de mettre la main sur les fonds, les valeurs, les marchandises, en vérifiant l'actif porté dans le bilan ; enfin le Greffe indique une convocation de tous les créanciers, laquelle se fait au son de trompe des annonces dans les journaux. Les créanciers faux ou vrais sont tenus d'accourir et de se réunir afin de nommer des syndics provisoires qui remplacent l'agent, se chaussent avec les souliers du failli, deviennent par une fiction de la loi le failli lui-même, et peuvent tout liquider, tout vendre, transiger sur tout, enfin fondre la cloche au profit des créanciers, si le failli ne s'y oppose pas...

Ce beau drame commercial a trois actes distincts : l'acte de l'agent, l'acte des syndics, l'acte du concordat. Comme toutes les pièces de théâtre, il offre un double spectacle : il a sa mise en scène pour le public et ses moyens cachés, il y a la représentation vue du parterre et la représentation vue des coulisses. Dans les coulisses sont le failli et son agréé, l'avoué des commerçants, les syndics et l'agent, enfin le juge-commissaire. Personne hors Paris ne sait, et personne à Paris n'ignore qu'un juge au tribunal de commerce est le plus étrange magistrat qu'une Société se soit permis de créer. Ce juge peut craindre à tout moment sa justice pour lui-même. Paris a vu le président de son tribunal de commerce être forcé de déposer son bilan. Au lieu d'être un vieux négociant retiré des affaires et pour qui cette magistrature serait la récompense d'une vie pure, ce juge est un commerçant surchargé d'énormes entreprises, à la tête d'une immense maison. La condition sine qua non de l'élection de ce juge, tenu de juger les avalanches de procès commerciaux qui roulent incessamment dans la capitale, est d'avoir beaucoup de peine à conduire ses propres affaires. Ce tribunal de commerce, au lieu d'avoir été institué comme une utile transition d'où le négociant s'élèverait sans ridicule aux régions de la noblesse, se compose de négociants en exercice, qui peuvent souffrir de leurs sentences en rencontrant leurs parties mécontentes (...).

Le juge-commissaire est donc nécessairement un personnage devant lequel il se dit beaucoup de paroles, qui les écoute en pensant à ses affaires et qui s'en remet de la chose publique aux syndics et à l'agréé, sauf quelques cas étranges et bizarres, où les vols se présentent avec des circonstances curieuses, et lui font dire que les créanciers ou le débiteur sont des agents habiles. Ce personnage, placé dans le drame comme un buste royal dans une salle d'audience, se voit le matin, entre cinq et sept heures, à son chantier, s'il est marchand de bois ; dans sa boutique, si, comme jadis Birotteau, il est parfumeur, ou le soir, après dîner, entre la poire et le fromage, d'ailleurs toujours horriblement pressé. Ainsi ce personnage est généralement muet. Rendons justice à la Loi : la législation, faite à la hâte, qui régit la matière a lié les mains du juge-commissaire et dans plusieurs circonstances il consacre des fraudes sans les pouvoir empêcher (...).

L'agent, au lieu d'être l'homme des créanciers, peut devenir l'homme du débiteur. Chacun espère pouvoir grossir sa part en se faisant avantager par le failli, auquel on suppose toujours des trésors cachés. L'agent peut s'utiliser des deux côtés, soit en n'incendiant pas les affaires du failli, soit en attrapant quelque chose pour les gens influents : il ménage donc la chèvre et le chou. Souvent un agent habile a fait rapporter le jugement en rachetant les créances et en relevant le négociant, qui rebondit alors comme une balle élastique. L'agent se tourne vers le râtelier le mieux garni, soit qu'il faille couvrir les plus forts créanciers et découvrir le débiteur, soit qu'il faille immoler les créanciers à l'avenir du négociant. Ainsi, l'acte de l'agent est l'acte décisif. Cet homme, ainsi que l'agréé, joue la grande utilité dans cette pièce où, l'un comme l'autre, ils n'acceptent leur rôle que sûrs de leurs honoraires. Sur une moyenne de mille faillites, l'agent est neuf cent cinquante fois l'homme du failli. À l'époque où cette histoire eut lieu, presque toujours les agréés venaient trouver le juge-commissaire et lui présentaient un agent à nommer, le leur, un homme à qui les affaires du négociant étaient connues et qui saurait concilier les intérêts de la masse et ceux de l'homme honorable tombé dans le malheur. Depuis quelques années, les juges habiles se font indiquer l'agent que l'on désire, afin de ne pas le prendre, et tâchent d'en nommer un quasi-vertueux...

Quand un boutiquier arrive au dépôt de son bilan, le pauvre honnête homme a vendu le châle de sa femme, a engagé son argenterie, a fait flèche de tout bois et a succombé les mains vides, ruiné, sans argent même pour l'agréé, qui se souci fort peu de lui.

Cet effroyable gâchis commercial est si bien apprécié à Paris, qu'à moins d'être intéressé dans la faillite pour une somme capitale, tout négociant, quelque peu affairé qu'il soit, accepte la faillite comme un sinistre sans assureurs, passe la perte au compte des profits et pertes et ne commet pas la sottise de dépenser son temps ; il continue à brasser ses affaires. Quant au petit commerçant, harcelé par ses fins de mois, occupé de suivre le char de sa fortune, un procès effrayant de durée et coûteux à entamer l'épouvante, il renonce à y voir clair, imite le gros négociant, et baisse la tête en réalisant sa perte.

Les gros négociants ne déposent plus leur bilan, ils liquident à l'amiable : les créanciers donnent quittance en prenant ce qu'on leur offre. On évite alors le déshonneur, les délais judiciaires, les honoraires d'agréés, les dépréciations de marchandises. Chacun croit que la faillite donnerait moins que la liquidation. Il y a plus de liquidations que de faillites à Paris.

Après l'homologation de ce concordat, le failli redevient négociant comme devant : on lui rend son actif, il recommence ses affaires, sans être privé du droit de faire faillite des dividendes promis, arrière-petite-faillite qui se voit souvent, comme un enfant mis au jour par une mère neuf mois après le mariage de sa fille. »

Le XIXe siècle marqua un renforcement de l'implantation des tribunaux de commerce. Mais la compétence juridique des juges consulaires, l'absence de représentant du parquet auprès des tribunaux de commerce alimentait un débat déjà d'une grande violence. Un spécialiste de la question, É. Pierre Menuisier dénonce ainsi, en 1897, dans son ouvrage Réforme des tribunaux de commerce - Création d'un ministère, « le règne florissant de cette catégorie d'agents d'affaires », dont le « privilège exorbitant et scandaleux » tendrait à créer « un monopole odieux » au profit « d'hommes insatiables ». L'absence de l'État auprès des tribunaux de commerce est stigmatisée comme elle l'avait été déjà au début du XIXe siècle.

L'institution résiste aux critiques en organisant ses intérêts. C'est ainsi qu'est créée en 1897 une Conférence générale des tribunaux de commerce. En 1898, 168 tribunaux sur 224 ont adhéré à la Conférence. La Conférence générale des présidents et membres des tribunaux de commerce de France se voit reconnaître d'utilité publique par un décret du 9 juin 1926.

Avec la crise des années trente, la justice consulaire se trouve confronté aux conséquences de la multiplication des défaillances d'entreprise. Des similitudes avec la situation actuelle peuvent être recherchées : complexification des relations commerciales, abondance et complexité des législations, multiplication des difficultés pour les entreprises.

Pendant l'Occupation, les juges consulaires, comme les juges ordinaires, ont prêté sans aucune difficulté serment au maréchal Pétain. Aucun incident n'est relevé à cet égard. Un décret du 27 octobre 1939 prévoit que les élections aux tribunaux de commerce sont suspendues et que les juges sont maintenus en fonctions. Les tribunaux de commerce appliquent les lois, décrets et arrêtés promulgués par l'État français.

À la Libération, les juridictions consulaires menacées par les nouvelles autorités trouvent un appui auprès des gardes des sceaux successifs qui appellent à la coopération entre tribunaux de commerce et Chancellerie pour rétablir la morale commerciale, dans un climat de développement du marché noir.

Elles traverseront la IVe et la Ve République, maintenant leur position dans le paysage juridictionnel français. La crise économique et les lois de 1984 et 1985(3) vont accroître leur rôle et placer les procédures collectives au coeur de leur action.

Il est important de noter que la réforme intervenue au début des années 1980 comportait, outre le volet « prévention » et le volet « traitement des difficultés des entreprises », un volet « tribunaux de commerce » qui était destiné à venir appuyer les réformes de procédure sur de nouvelles structures. Or, le projet a été abandonné face aux pressions exercées par le corps des magistrats consulaires qui menaçaient de démissionner en bloc, mais aussi face aux résistances locales. Ainsi, la réforme en profondeur qui avait été prévue n'a pas été appliquée et a laissé presque en l'état l'organisation des juridictions consulaires, laissant nombre de problèmes en suspens, problèmes que la commission a tentés de mettre en lumière dans le présent rapport.

Ce court panorama historique montre à quel point les juridictions consulaires ont su faire preuve de souplesse et de capacité de défense, deux qualités détenues par leurs membres et héritées de la pratique du commerce. Mais il faut souligner qu'une telle continuité s'explique également par l'immense avantage tiré par l'État de la gratuité de l'institution. En effet, on peut rappeler que les juges consulaires exercent à titre bénévole et que les dépenses de fonctionnement étaient assurées jusqu'en 1982 par les seuls départements.

Une étude, même succincte, des compétences des tribunaux de commerce suggère que la pérennité de l'institution s'est accompagnée d'une extension de son rôle dans le règlement des conflits commerciaux et la solution des défaillances d'entreprises.

b) Des compétences étendues : de la foire à la Bourse

Héritières des gardes de foires médiévaux, les juridictions consulaires ont su progressivement faire reconnaître leurs compétences, d'abord par le pouvoir royal par le biais des députés du commerce(4), puis par le pouvoir républicain.

Compétentes pour juger tous les différends qui pouvaient surgir entre marchands pour cause de marchandise, elles se virent en effet concéder, à partir de 1715 le jugement de toutes les questions de faillite et de banqueroute simple, tandis que les banqueroutes frauduleuses à caractère pénal relevaient de la justice royale ordinaire.

La loi du 28 mai 1838 accorda aux tribunaux de commerce la connaissance des faillites. La loi de 1856 abroge l'obligation de l'arbitrage pour les litiges entre associés et offre ce contentieux au juge commercial. La loi de 1893 décide que toute société anonyme est soumise, quel que soit son objet, au droit commercial.

Les décrets-lois signés entre 1953 et 1955 confirment, s'il en était besoin, le rôle éminent joué par les juridictions consulaires : nouveau droit de la faillite, réforme des conditions d'exercice du privilège du Trésor et de la sécurité sociale, allongement du mandat des présidents de tribunal, institution de postes de président de chambre.

Le tribunal de commerce est, aujourd'hui, compétent pour juger les litiges entre les entreprises, en toutes matières, y compris en droit boursier et financier, en droit communautaire et en droit national en matière de commerce et de concurrence. Il tranche les conflits relatifs aux actes de commerce entre toutes les personnes, ainsi que les litiges opposant des particuliers à des commerçants ou sociétés commerciales dans l'exercice de leur commerce, et il examine les contestations entre les associés d'une société commerciale (article 631 du code de commerce). Il convient cependant de noter que les contestations entre associés d'une société de professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé relèvent de la compétence des tribunaux civils (article 631-1 du code de commerce). L'ensemble de ces matières forment ce que l'on appelle le « contentieux général », dans lequel domine le contentieux des injonctions de payer.

En vertu de l'article 639 du code de commerce, « les tribunaux de commerce jugent en dernier ressort les demandes dont le principal n'excède pas la valeur de 13 000 francs ».

Par ailleurs, le tribunal de commerce est également compétent pour les défaillances d'entreprises commerciales et artisanales (articles 34 et suivants de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises, article 7 de la loi n°85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises). Il intervient ainsi dans les procédures de prévention, de redressement ou de liquidation judiciaire. En revanche, les procédures collectives engageant des sociétés civiles, des associations, ou des structures agricoles échappent à ses attributions.

LES PROCÉDURES DEVANT LE TRIBUNAL DE COMMERCE

Quatre types de procédure sont pratiqués devant les tribunaux de commerce.

· La procédure ordinaire

La saisine du tribunal de commerce se fait par assignation par le biais d'un huissier, par requête conjointe des deux parties au greffe du tribunal ou par présentation volontaire des parties devant le tribunal (articles 57 et 854 du nouveau code de procédure civile).

Quelques différences apparaissent par rapport à la procédure civile ordinaire.

Il n'y a pas de constitution d'avocat d'aucun côté, ni de tentatives de conciliation ou d'écritures. Le demandeur ne pose point de conclusions qui sont considérées comme formulées dans le libellé de l'exploit de citation. Le défendeur pose ses conclusions verbalement à l'audience (article 871 du NCPC). Quand elles sont verbales, il peut les consigner dans un procès-verbal ; il peut aussi les remettre par écrit au greffier, qui les note au dossier.

Il n'y a pas de juge de la mise en état, mais un juge Rapporteur (articles 862 à 868 du NCPC). Enfin, le ministère public ne fonctionne pas organiquement devant les tribunaux de commerce.

· L'injonction de payer

Réglée par les articles 1405 à 1425 du nouveau code de procédure civile et par l'article R. 411-1 du code de l'organisation judiciaire, cette procédure permet d'obtenir rapidement auprès du président du tribunal le paiement d'une créance. La demande est déposée au greffe du tribunal, accompagnée de tout document attestant l'existence de la créance (bon de commande, lettres de rappel de paiement, etc.).

· La procédure de référés

Cette procédure rapide et simplifiée permet de saisir en urgence le président du tribunal, pour qu'il tranche un litige, à titre provisoire, lorsque la demande n'est pas sérieusement contestable (articles 872 et 873 du nouveau code de procédure civile).

· Les requêtes au président

Le président peut rendre des ordonnances sur requête, notamment pour autoriser des mesures conservatoires (loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant
réforme des procédures civiles d'exécution), des assignations à bref délai, des réassignations par huissier commis après défaut d'une partie, en cas de pluralité de défendeurs, mais aussi le paiement d'une lettre de change, d'un warrant ou d'un récépissé de marchandises perdues.

Il peut également, par ce moyen, désigner des experts pour vérifier et constater l'état d'objets transportés en cas de contestation, pour commettre un huisser en vue de signifier un jugement de défaut, en cas d'empêchement de celui qui avait été nommé par jugement ou pour faire un constat, pour commettre un officier public autre qu'un courtier assermenté pour procéder à la vente d'un gage commercial (article 93 du code de commerce), pour délivrer une injonction de payer en matière de recouvrement de certaines créances ainsi qu'en de nombreux cas prévus par la loi n° 66-537 relative aux sociétés commerciales, son décret d'application du 23 mars 1967 et par la loi du 1er mars 1984 et son décret d'application du 1er mars 1985 sur le règlement amiable, enfin pour désigner un administrateur provisoire ou un mandataire ad hoc.

· Les procédures collectives : prévention, redressement ou liquidation judiciaire des entreprises

Si une entreprise est en difficulté le président du tribunal peut convoquer les dirigeants pour rechercher avec les créanciers une solution amiable.

Si l'entreprise est dans l'impossibilité de faire face à son passif (règlement des cotisations sociales, des salaires, des factures...), c'est-à-dire en cessation des paiements, une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire est ouverte d'office, à la demande du débiteur, du ministère public, d'un créancier ou du comité d'entreprise ou des délégués du personnel. Le tribunal prononce l'ouverture de la procédure, désigne un mandataire judiciaire en tant que représentant des créanciers, et le cas échéant un administrateur judiciaire. Les salariés de l'entreprise élisent leur représentant.

L'entreprise ne peut payer les créances nées avant l'ouverture de la procédure. Les poursuites individuelles des créanciers, les intérêts et majorations, sont suspendues. Les contrats en cours peuvent néanmoins être poursuivis.

L'activité de l'entreprise peut se poursuivre pendant 20 mois au plus (régime général) ou 8 mois (procédure simplifiée). C'est la période d'observation. À l'issue de cete période, le tribunal prononce le redressement (plan de continuation ou cession de l'entreprise à un tiers), ou la liquidation judiciaire, qui peut être prononcée dès l'ouverture de la procédure. Dans ce dernier cas, la poursuite de l'activité est limitée à 4 mois.

Incarnation du modernisme sous l'Ancien Régime, la juridiction consulaire a vu son champ d'intervention s'élargir progressivement, mais sans que les principes de son organisation aient été remis en cause. Elle n'offre plus aujourd'hui cette image de modernité qui a assuré en partie sa légitimité. L'exemple de la carte judiciaire des juridictions consulaires qui a subi très peu de variation depuis le XVIIIe siècle montre à quel point les tribunaux de commerce sont tributaires de leur passé.

Il reste que la justice consulaire est une justice rendue par des professionnels au fait des pratiques et des usages commerciaux.

2.- Le dogme de la spécificité de l'activité commerciale

La proximité des juges consulaires et des pratiques commerciales constitue, avec la tradition historique, la principale source de légitimité de l'exception consulaire.

Parce que l'activité commerciale s'accommode mal, par tradition, de procédures longues et d'une publicité excessive, parce qu'elle est basée essentiellement sur des relations contractuelles et interpersonnelles, l'institution des tribunaux de commerce fondée sur le principe de juges bénévoles élus par des commerçants parmi des commerçants apparaît pleinement justifiée. La célérité des jugements rendus par l'institution est l'une des qualités les plus attendues de son fonctionnement. Si elle peut être souvent constatée dans les procédures simples de contentieux général, à savoir celles concernant les injonctions de payer, faciles à juger la plupart du temps, elle est plus difficile à établir dans les contentieux complexes, techniques ainsi que dans les procédures collectives. Selon le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, le délai est de 3 jours pour une injonction de payer, de 8 jours pour un référé et entre 6 et 8 mois pour les jugements.

Les connaissances techniques et pratiques des juges consulaires sont ainsi mises en avant pour légitimer l'exception que constituent les tribunaux de commerce. En effet, qui mieux qu'un commerçant peut juger un autre commerçant ? Lors des débats du 27 mai 1790 relatifs au maintien de l'exception de la juridiction consulaire, le député Leclerc s'interrogeait : « Qui peut mieux connaître la probité et la capacité d'un marchand que des marchands ? Qui peut mieux juger des causes presque toutes appuyées sur des faits, que ceux qui pratiquent journellement ces mêmes faits ? »(5)

Appliqué à notre époque, cet argument joue à plein dans des domaines tels que ceux déjà évoqués de la prévention ou de la médiation, qui s'effectuent dans le cadre de règles juridiques particulièrement souples. L'expérience des juges consulaires, en fonction ou honoraires, dans les tribunaux les plus importants, est en mesure de contribuer à résoudre de nombreux problèmes qui se posent aux entreprises en difficulté, en amont de toute procédure judiciaire. Par ailleurs, la proximité sociologique des différents acteurs de ce type d'opérations facilite les contacts et la recherche de solutions adéquates.

De façon plus générale, dans les matières réglées de façon stricte par le droit et dans lesquelles l'argument de leurs connaissances pratiques est moins prégnant, les juges consulaires invoquent leur capacité à juger en équité et de façon rapide, dégagés qu'ils sont de tout souci relatif à la gestion d'une carrière au sein de l'appareil judiciaire. Ils se présentent comme des « juges de la Cité », des « juges citoyens ».

Pour Thaller déjà, à la fin du XIXe siècle, dans ses Annales du droit commercial, la connaissance du droit par des hommes de la pratique n'étaient plus aussi nécessaire que dans le passé, la part des usages s'étant considérablement restreinte, tandis que les juges élus restant peu de temps en place laissaient la réalité du pouvoir à des auxiliaires qui n'offraient pas grandes garanties. Nous retrouverons ce problème avec les mandataires de justice.

L'extension considérable du champ du droit commercial et la complexification du monde des affaires accroissent le champ d'intervention des juges consulaires. Et aucun juge consulaire, aussi expérimenté soit-il, n'est susceptible d'être compétent dans tous les domaines dans lesquels il peut être appelé à intervenir. Ainsi, M. Pierre Bézard, président de la chambre commerciale de la Cour de cassation, lors de son audition par la commission, a déclaré à propos des juges consulaires : « La question de leur légitimité se pose quand même, dès lors que des juges sont élus par des commerçants, non plus pour des affaires de commerce, non plus pour être des arbitres de leur propre profession, mais pour des affaires concernant d'autres domaines tels que le droit du contrat, le cautionnement, les garanties... » Le professeur Michel Germain souligne que « le droit commercial n'est plus le droit commercial et il devient, selon les cas, droit des affaires, droit économique, voire droit commercial des affaires »(6).

De la même façon, la conciliation des multiples objectifs fixés par la législation sur les procédures collectives exige une connaissance des questions économiques et sociales beaucoup plus large que celle offerte par la pratique du commerce. D'une manière générale, spécialisation et démocratie ne sont pas nécessairement liées lorsque la matière considérée concerne le plus grand nombre, ce qui est le cas des procédures collectives. Aristote, dans sa défense de la démocratie, dissocie ainsi compétence technique et légitimité à juger : « Le fabricant ne saurait être ni le seul ni le meilleur juge, dans la mesure où ceux qui ne sont pas des techniciens ont aussi à connaître des produits : connaître d'une maison, par exemple, ce n'est pas seulement le fait de celui qui la construit, mais celui qui s'en sert en juge mieux (...) ; de même en est-il du pilote par rapport au charpentier, pour le gouvernail, et dans le cas du festin c'est le convive et non le cuisinier qui jugera le mieux. »(7)

De nos jours, le juge consulaire élu parmi les commerçants ne cuisine plus pour les seuls commerçants. La pertinence de l'argument de la spécialisation est de moins en moins claire.

Elle l'est d'autant moins que le juge commercial est amené, aujourd'hui, à appliquer des mesures répressives (sanctions de faillite personnelle). Un juge commerçant est-il le mieux à même de sanctionner un autre commerçant ?

    LES COMMERÇANTS SONT-ILS LES SEULS COMPÉTENTS POUR JUGER DES COMMERÇANTS ?

    L'AVIS D'UN MAGISTRAT PROFESSIONNEL

Mme Mireille Gazquez, vice-présidente du tribunal de grande instance de Lyon, lors de son audition par la commission, a remis en cause l'exclusivité de la connaissance du commerce et de l'économie que s'attribuent les juges consulaires.

Mme Mireille GAZQUEZ : La lecture des bilans - dont on nous parle souvent - n'est pas un exercice insurmontable ! J'évoquais tout à l'heure la formation des juges commissaires ; sachez que les juges professionnels suivent également une formation - et un certain nombre de juges-commissaires ne savent pas lire un bilan, j'en ai été le témoin. Alors dire que les juges professionnels sont incapables de lire un bilan est un faux argument ; le problème n'est pas là. Il ne s'agit ni d'un problème de compétence, ni de disponibilité, ni d'intérêt, car il s'agit de fonctions passionnantes dans la mesure où l'on prend l'entreprise dans sa globalité, avec ses difficultés et qu'il y a un véritable travail de reconstruction, une aide à apporter. La difficulté est bassement matérielle et concerne l'organisation des services des juridictions de droit commun.

M. le Rapporteur : Il est souvent opposé aux partisans de l'installation de juges professionnels dans les juridictions commerciales l'argument de la culture économique. Ne prendraient-ils pas finalement des décisions fantaisistes, parce que le monde des juges professionnels évolue à huis clos ?

Mme Mireille GAZQUEZ : Je juge des affaires de responsabilité médicale alors que je ne suis pas médecin. Je ne pense donc pas que, pour être un bon juge, on doive avoir la compétence professionnelle de celui que l'on juge.La spécificité économique existe, certes, mais nous sommes entourés de personnes que nous pouvons consulter. Et pourquoi ne pas rattacher les spécialistes des tribunaux de commerce aux TGI ?

Enfin, la légitimation de la juridiction consulaire par la mise en avant de la spécialisation de ses membres reposait également sur le fait que les juges consulaires pouvaient juger en équité, en opportunité, compte tenu de leur bonne connaissance du milieu commerçant. Or, de nos jours, l'encadrement juridique du droit commercial est de plus en plus strict et le juge doit appliquer la loi. Le juge consulaire ne juge plus en opportunité.

En deux siècles, les juridictions consulaires sont passées d'un droit des marchands à un droit de l'entreprise. Elles ont été progressivement amenées à régler des problèmes économiques et sociaux qui ne les concernaient pas directement ; elles doivent désormais arbitrer entre plusieurs objectifs : maintien de l'emploi, assainissement des relations commerciales, satisfaction des créanciers, etc. Cette mutation pose la question de leur organisation et de leurs modes de fonctionnement.

Les critiques ne viennent plus des magistrats ordinaires, jaloux de leurs prérogatives, comme sous l'Ancien Régime, mais des justiciables, du monde de l'entreprise et de l'institution elle-même.

Exception dans le paysage juridique français, la juridiction consulaire à la française est également originale si l'on examine les juridictions de la plupart des pays occidentaux.

B.- L'EXCEPTION FRANÇAISE : DROIT COMPARÉ

1.- Un système unique dans les pays occidentaux

Au sein des pays développés, la juridiction commerciale française est une véritable exception. En effet, seule la France dispose encore de tribunaux de commerce composés uniquement de juges non professionnels, des commerçants élus par leurs pairs. Tous les autres États qui avaient ce type de juridiction les ont soit supprimées, soit transformées en profondeur.

Cette formule de juridiction commerciale élective mise en place au Moyen Âge s'est diffusée progressivement en Europe jusqu'au XVIIIe siècle avant que Napoléon Ier ne l'étendît de manière systématique. Elle ne perdura qu'en France.

Ainsi, aujourd'hui, à côté des tribunaux de commerce français, il existe trois types de justice commerciale : les chambres ou tribunaux échevinés formés par un magistrat professionnel et par des juges commerçants, les juges spécialisés en droit commercial appartenant à la juridiction ordinaire et, enfin, les tribunaux ordinaires.

a) Les chambres ou tribunaux échevinés

En Allemagne, l'introduction de juridictions particulières en matière commerciale est due dans une large mesure à l'influence des idées françaises ; cependant, à la différence des tribunaux de commerce français, les tribunaux allemands ont toujours été présidés par un magistrat professionnel. Leur organisation définitive été fixée par la loi sur l'organisation judiciaire du 27 janvier 1877. C'est le système qui prévaut en Alsace-Moselle. La chambre commerciale appartient à un tribunal de grande instance.

La compétence de la chambre commerciale n'est pas exclusive. Les parties sont libres de porter le litige devant le tribunal ordinaire. En fait, la chambre commerciale n'est compétente que si le requérant en justice la saisit expressément.

La chambre est composée d'un juge professionnel qui exerce la fonction de président et de deux juges consulaires, appelés juges commerciaux. Ils sont nommés pour une durée de trois ans sur proposition des chambres d'industrie et de commerce. Tous les membres de la chambre commerciale jouissent du même droit de vote.

Le président a la tâche de préparer la décision de la formation collégiale. Etant le seul juge permanent, le président possède une série de compétences particulières ; il peut même décider comme juge unique si les parties sont d'accord.

En Belgique, l'échevinage a été instauré en 1967. Auparavant, et depuis 1798, le système qui prévalait était celui des tribunaux de commerce français. Le développement de la réglementation commerciale fut à l'origine de la mise en place, à côté des « commerçants », d'un juge de carrière.

Les tribunaux de commerce sont restés des juridictions indépendantes des tribunaux civils. Ils sont composés d'une ou plusieurs chambres. Chaque chambre est présidée par un magistrat de profession, assisté de deux juges consulaires ayant exercé le commerce pendant deux ans au moins et nommés par le roi et non plus élus.

b) Les juges spécialisés en droit commercial appartenant à la juridiction ordinaire

_ En Angleterre, il existait un droit commercial autonome avec une juridiction propre mais qui a fusionné avec la common law au XVIIIe siècle. Les matières commerciales ne sont donc pas jugées dans des tribunaux spéciaux mais dans les tribunaux civils ordinaires au sein d'une division de la High Court of Justice, la Commercial Court. Les juges de la Commercial Court sont des juges professionnels. Ils sont choisis par leurs pairs pour leur connaissance des affaires commerciales. La procédure devant la Commercial Court est simplifiée, plus rapide et moins coûteuse. La Grande-Bretagne est parvenue à mettre en place une juridiction professionnalisée très performante et très appréciée des étrangers, puisque dans 50 % des affaires dont la Commercial Court est saisie, les deux parties n'ont pas la nationalité britannique.

_ Aux États-Unis, le système est identique. Il n'existe pas de juridiction commerciale spécifique, les litiges commerciaux relevant du droit commun. Au niveau des états fédérés, la juridiction saisie est la Trial Court comparable au tribunal de grande instance. Le statut des juges est différent selon les États ; le juge peut être élu par le peuple ou l'Assemblée de l'État, ou nommé par le gouverneur. Il exerce ses fonctions au cours d'un mandat limité dans le temps (2 à 15 ans) ou à vie. Au niveau fédéral, la juridiction compétente est la District Court. Les juges fédéraux sont nommés à vie par le président des États-Unis avec l'approbation du Sénat.

Pour le droit de la faillite, la juridiction compétente est la Bankruptcy Court, une formation spéciale de la District Court. Les juges du tribunal des faillites sont des juges fédéraux spécialisés, nommés pour cinq ans.

LA JURIDICTION COMMERCIALE AUX ÉTATS-UNIS

Les États-Unis ont fait le choix de la professionnalisation et de l'indépendance comme l'explique Me Emmanuel Rosenfeld, avocat international :

Me Emmanuel ROSENFELD : Le système français a choisi de voir dans les affaires de faillite ce que j'appellerais « des affaires de proximité ou des affaires de place, ce qui est évidemment, pour prendre un cas important, une option rigoureusement inverse à celle qui a été retenue ab initio par les États-Unis puisque la constitution de ce pays, dans son article 1er, section 7, a tenu à préciser que les affaires de faillites relèvent de la compétence fédérale ce qui signifie deux choses : premièrement, que c'est le Congrès et non pas les législatures des États, qui a compétence pour légiférer sur le fond en matière de faillites ; deuxièmement, que la faillite est un domaine géré par les juridictions fédérales.

Donc le Congrès ou, plus exactement selon la formule « les pères fondateurs » ou la tradition juridique américaine au sens large, ont considéré qu'il était essentiel de soustraire le domaine de la faillite au jeu des influences locales qui auraient pu se manifester de manière excessive dès lors que, dans un système où les nominations judiciaires dans les États sont essentiellement des nominations électives, de proximité elles aussi, les affaires de faillites seraient entrées dans la compétence des juridictions des États.

c) Les tribunaux ordinaires

Cette catégorie n'établit pas de distinction entre les litiges civils et les litiges commerciaux. Ce système existe en Italie, en Suisse, en Espagne, en Grèce, en Suède, au Luxembourg et aux Pays-Bas.

_ En Italie, l'idée d'une juridiction unique l'emporta en 1888 pour des raisons politiques car le droit commercial était considéré comme un droit de classe. De plus, le comportement très contestable des juges spéciaux durant la dictature fasciste a fait que la Constitution républicaine de 1948 les a radicalement interdits. Au sein des tribunaux ordinaires, il existe une spécialisation de fait de chacune des sections (responsabilité civile, droit de la famille, droit commercial...).

_ Aux Pays-Bas, les causes commerciales sont également toutes portées devant le juge « ordinaire ». Les tribunaux de commerce ont existé pendant la validité du code français de procédure civile de 1811 à 1838. À partir de 1838, ils ont disparu ainsi que le droit commercial en tant que branche de droit autonome.

Cependant, les juges civils ont très souvent recours à des experts commerciaux et l'arbitrage est pratiqué de manière fréquente dans la vie des affaires hollandaises (industrie de la construction, etc.).

Une étude comparative des différents systèmes montre donc que la formule initiale de juges exclusivement commerçants a été partout abandonnée, sauf en France. La pratique de la justice commerciale est donc très diverse même s'il existe des points communs. L'appel des décisions en matière commerciale appartient toujours à des juridictions exclusivement composées de magistrats professionnels. Seule existe l'exception autrichienne où le tribunal régional supérieur est écheviné avec une majorité de juges non élus. Ainsi, essaie-t-on toujours de concilier la connaissance du monde du commerce et la compétence juridique. L'autre aspect commun réside dans une procédure moins formaliste car, en matière commerciale plus encore qu'en matière civile, la justice se doit d'être rapide.

En matière de justice commerciale, l'exception française est donc réelle. Selon certains, cette exception apparaîtrait de plus en plus saugrenue aux entreprises étrangères et expliquerait l'augmentation des clauses d'exclusion de compétence.

2.- Les clauses d'exclusion de compétence des tribunaux de commerce sont-elles une réaction à cette exception française ?

Dans un certain nombre de contrats internationaux, les clauses d'exclusion de la compétence des tribunaux de commerce français ont augmenté ces dix dernières années. Cette procédure est possible dans la mesure où la compétence n'est pas d'ordre public. Les parties ont alors recours à l'arbitrage. L'arbitrage est un mode conventionnel et coûteux de règlement de litiges par des particuliers choisis par les parties et investis du pouvoir de trancher à la place des juridictions étatiques. Il constitue donc une dérogation importante au monopole de la justice étatique. Cependant, la sentence arbitrale n'a pas de force exécutoire. Pour l'obtenir, l'arbitre doit donc avoir recours au juge étatique ; il s'agit de l'exequatur. À cet effet, ont été signés un certain nombre de traités internationaux, le plus connu étant la Convention de New-York de 1958, dont la France est un État contractant avec une centaines d'autres États.

Faut-il considérer ce phénomène de recours à l'arbitrage comme un signe de défiance du monde des affaires à l'égard des tribunaux de commerce ? Le CNPF l'a laissé entendre dans son rapport sur l'avenir de la justice consulaire.

La Cour internationale d'arbitrage de la chambre de commerce internationale (créée en 1923), qui occupe une position de premier rang en matière d'abitrages commerciaux, a indiqué à la commission d'enquête qu'elle n'avait traité que cinq affaires concernant des contrats signés entre deux sociétés françaises, un chiffre à peu près constant sur les cinq dernières années.

Ainsi, s'agissant des affaires d'arbitrage qui opposent des sociétés françaises entre elles, où n'intervient aucune élément d'internationalité, il ne semble pas y avoir de mouvement de fuite de la juridiction consulaire.

Le nombre de procès qui auraient pu être traités devant le tribunal de commerce compétent et qui ont fait l'objet d'un arbitrage est très faible . En effet, ce chiffre de 5  affaires portées devant la CCI (chambre de commerce internationale) doit être rapporté à celui des 450 affaires nouvelles traitées chaque année et celui des 120 affaires impliquant des parties françaises. Il n'empêche qu'il existe comme le dit M. Emmanuel Rosenfeld une « difficulté propédeutique » à expliquer à des investisseurs étrangers ce qu'est un tribunal de commerce car il constitue une exception. Me Rosenfeld a évoqué la crainte chez l'investisseur du « favoritisme » : « Lorsque l'on négocie un contrat et que l'on discute la clause attributive de juridiction, il est évident que l'on explique à l'investisseur étranger que certains groupes français ont des stratégies d'influence dans les juridictions consulaires, qu'ils sont représentés et qu'il est donc souhaitable d'éviter d'attribuer compétences à ces juridictions. »

En réalité, l'arbitrage connaît un développement considérable dans tous les pays développés.

Aujourd'hui, l'arbitrage est l'instrument juridictionnel adéquat pour résoudre les différends commerciaux internationaux. Dans des affaires internationales, les parties ne veulent pas d'une décision prise au nom d'un État dont l'une d'entre elles est ressortissante.

Ainsi, Mme Dominique Outin-Adam, directeur-adjoint de la délégation générale des études à la chambre de commerce et d'industrie de Paris déclare à ce sujet : « Ce n'est pas tant le rejet du tribunal de commerce français que celui de la justice d'un pays donné. Le raisonnement pourrait être le même vis-à-vis d'un tribunal d'un autre pays (...). Effectivement, personne n'a envie d'être jugé selon le système judiciaire de l'autre pays, par crainte que le juge n'ait tendance à être imprégné de la culture de ce pays ».

Ce phénomène de recours à l'arbitrage se retrouve partout, y compris face à des magistratures professionnelles (Allemagne, Pays-Bas...). Avec la mondialisation de l'économie, le recours à l'arbitrage ne pourra que s'amplifier d'autant que les avantages de ce mode de justice sont nombreux : rapidité, confidentialité (peut-être l'avantage le plus apprécié par les milieux d'affaires), choix des arbitres par les parties suivant leur compétence et leur neutralité, caractère conciliateur de la procédure (les arbitres statuent en équité).

Il existe autour des grandes affaires commerciales internationales un véritable marché juridique qui n'est pas seulement créé par les entreprises mais aussi par les cabinets d'avocats dont sont souvent issus les arbitres. M. Lucien Jibert, président de la commission juridique de la chambre de commerce et d'industrie de Paris, attribue cette évolution au développement très important des cabinets anglo-saxons.

Ainsi, le développement de l'arbitrage en France s'explique plus par l'internationalisation de l'économie que par un rejet de la spécificité de la juridiction française par les milieux d'affaires. Il serait cependant illusoire de penser que l'arbitrage puisse remplacer à terme la justice étatique. L'arbitrage demeure un mode exceptionnel de règlement des litiges qui s'adapte bien au commerce international, mais il présente des problèmes de coût (il est souvent une justice de luxe) et d'organisation (l'arbitrage multipartite est très difficile à mette en oeuvre).

S'il ne peut remplacer les juridictions, certains des principes de l'arbitrage, - ce qui concerne par exemple le choix de l'arbitre et les garanties de sa neutralité -, pourraient cependant utilement inspirer de nouvelles règles de désignation des juges consulaires. Le Rapporteur y reviendra.

C.- LE SCHÉMA ACTUEL : DES DISPARITÉS QUI COMPLIQUENT LE DIAGNOSTIC

1.- Carte judiciaire ou manteau d'Arlequin ?

Le tribunal de commerce est une juridiction d'exception qui souffre elle-même bien des exceptions. 85 % seulement des juridictions exerçant des compétences commerciales sont des tribunaux de commerce : 227 sur un total de 268, outre-mer compris. La carte consulaire, produit d'une longue histoire, comporte donc des lacunes laissant place à des systèmes très disparates. Leur énumération a même été qualifiée d'« inventaire "à la Prévert" » devant la commission, par M. Philippe Lemaire, directeur-adjoint à la direction des services judiciaires du ministère de la justice.

Schématiquement la France compte aujourd'hui :

- 227 juridictions uniquement composées de commerçants ou de cadres supérieurs : les tribunaux de commerce ;

- 26 juridictions composées de magistrats professionnels statuant en matière commerciale ;

- 14 juridictions échevinées : les 7 tribunaux de grande instance à chambre commerciale d'Alsace-Moselle et les 7 tribunaux mixtes de commerce d'outre-mer.

La carte relève de la compétence réglementaire : l'article L. 411-2 du code de l'organisation judiciaire dispose que les tribunaux de commerce sont créés par décret en Conseil d'État, qui fixe leur siège et leur ressort(8).

· Le principe très général est qu'un tribunal de commerce est établi par arrondissement. Mais cette carte indicative, sources d'inévitables décalages avec la réalité de l'activité économique, a toujours connu maintes dérogations. Si le plus souvent, le ressort se confond avec celui du tribunal de grande instance, il correspond dans bien des cas à celui d'un tribunal d'instance, voire seulement à un ou plusieurs cantons. Comme le montre le tableau figurant en annexe, dans la plupart des ressorts de cour d'appel, les tribunaux de commerce sont plus nombreux que les tribunaux de grande instance. Ils sont 227 en métropole, contre 175 tribunaux de grande instance.

Depuis que la loi du 16 octobre 1809 a fixé le siège des tribunaux de commerce, la carte consulaire n'a été retouchée qu'au coup par coup. La grande réforme de la carte judiciaire de 1959 a laissé de côté les juridictions consulaires, et aucun Gouvernement n'a eu ensuite le courage de s'attaquer à cet épineux dossier. La répartition des tribunaux de commerce sur le territoire est donc le fossile d'un paysage économique et administratif révolu.

La complexité de la carte consulaire ne fait d'ailleurs que croître : depuis des décennies, le solde des créations et des suppressions est légèrement positif. De toute évidence, les considérations locales pèsent très lourd, et les pressions sont plus fortes pour assurer la pérennité des très petits tribunaux de commerce que pour objecter à des créations d'utilité incertaine. L'illustration la plus récente en a été apportée par le tribunal de commerce de Montélimar, créé à compter du 1er janvier 1998 par décret du 28 mai 1997, mais qui n'a jamais été installé (voir encadré).

    UN CAS D'ÉCOLE : LA CARTE CONSULAIRE DANS LA DRÔME

Le département de la Drôme est un abrégé des bizarreries de la carte consulaire et des difficultés de toute retouche partielle. Deux tribunaux de commerce et un tribunal de grande instance se partagent actuellement la compétence commerciale dans ce département relevant de la cour d'appel de Grenoble :

- à l'Est, le tribunal de commerce de Die dont le ressort se confond avec celui du tribunal d'instance de cette ville ;

- au Nord du sillon rhodanien, dans le ressort des tribunaux de grande instance de Romans et de Valence, le tribunal de commerce de Romans ;

- en l'absence du tribunal de commerce au Sud du département (Nyons et Montélimar) le tribunal de grande instance de Valence.

Ainsi, un litige entre commerçants de Valence n'est pas jugé dans cette ville mais par des commerçants à Romans, tandis que le même litige né à Montélimar sera soumis aux magistrats professionnels de Valence.

Il a été tenté, depuis de longues années, de remédier à ce double chassé-croisé difficilement compréhensible pour les justiciables. Le dossier a figuré sur le bureau de plusieurs ministres de la justice successifs, sans qu'un consensus se dégage localement sur l'une des trois grandes solutions envisageables :

- la mise en place d'un tribunal de commerce à compétence départementale, dont le siège serait logiquement situé à Valence, la préfecture, qui abrite plus de la moitié de la population de la Drôme. Les juridictions consulaires de Die et Romans seraient supprimées ;

- inversement, l'extension de la compétence de ces deux tribunaux pour couvrir l'ensemble du département. Le TGI de Valence n'aurait plus alors à statuer commercialement ;

- la création d'un tribunal de commerce à Montélimar, compétent dans les ressorts des tribunaux d'instance de cette ville et de Nyons, d'où trois juridictions consulaires dans la Drôme.

C'est finalement cette troisième option qui a été retenue par le précédent garde des sceaux, M. Jacques Toubon, et qui s'est traduite dans l'article 2 du décret n°97-594 du 28 mai 1997, promulgué une semaine avant la formation du Gouvernement de Lionel Jospin.

Il est significatif qu'à l'heure des choix, l'on ait renoncé à réduire le nombre des juridictions.

Après la nomination Mme Élisabeth Guigou place Vendôme, il est apparu que cette solution ne recueillait pas un plein accord dans l'ensemble du département : bien acceptée dans la vallée du Rhône, elle suscitait des réserves dans le ressort du tribunal de commerce de Die, qui connaît une très faible activité, et qu'une extension de compétence aurait opportunément renforcé. Dans l'attente d'une analyse approfondie, le nouveau garde des sceaux n'a pas pris le décret fixant les effectifs de magistrats du tribunal de commerce de Montélimar. Les élections n'ont donc pu être organisées. Le tribunal de grande instance de Valence continue à statuer commercialement, non plus sur le fondement de l'inexistence d'un organisme consulaire, mais de sa carence (article L. 412-6 du code de l'organisation judiciaire).

Ainsi, la pérennité de ce paysage consulaire tourmenté, légué par l'histoire, résulte-t-elle de la difficulté à concilier deux exigences contradictoires :

- regrouper les juridictions pour rationaliser les moyens de la justice ;

- assurer le maintien des services publics pour enrayer le déclin de certains pays, comme le Diois dans une optique d'aménagement du territoire.

Cette problématique est exemplaire. Elle est commune à tous les départements où des « petits » tribunaux de commerce ont été maintenus jusqu'à présent.

Il paraît pourtant douteux que les tribunaux de commerce soient le service public le plus adapté à une politique d'aménagement du territoire. Ils ont vocation à représenter les commerçants, donc à refléter le tissu économique, et l'on voit mal comment ils pourraient suppléer à un dynamisme défaillant.

Cette répartition géographique a pour corollaire une grande inégalité de dimensions. Les plus grands tribunaux de commerce comportent plusieurs chambres : 22 à Paris, 17 à Marseille, 9 à Lyon, à Nanterre et à Bobigny. Mais la plupart ne comporte qu'une chambre. Certains ne tiennent audience que par quinzaine, voire moins souvent encore.

· La carte judiciaire des juridictions commerciales comprend également 22 tribunaux de grande instance en métropole et un à la Réunion. Deux cas de figure sont possibles : l'absence ou la carence d'un tribunal de commerce.

Tout d'abord, la carte consulaire comporte des trous : dans certaines circonscriptions, il n'est pas établi de tribunal de commerce. C'est alors le tribunal de grande instance, juridiction de droit commun, qui est compétent pour statuer en matière commerciale, comme le prévoient expressément les articles L. 311-3 et L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. Dans trois départements, la Creuse, la Lozère et la Haute-Savoie, les affaires commerciales ne sont jugées que par des magistrats professionnels des tribunaux de grande instance. Au total, 21 tribunaux de grande instance de métropole et un outre-mer exercent la compétence commerciale sur ce fondement(9).

Dans leur ressort, ils connaissent de tous les litiges commerciaux, même si le montant de la demande est inférieur à leur taux de compétence en matière civile. Ils sont bien entendu compétents en matière de procédures collectives.

En second lieu, un tribunal de grande instance peut être amené à statuer commercialement dans le cas où un tribunal de commerce « ne peut se constituer ou statuer », selon les termes de l'article L. 412-6 du code de l'organisation judiciaire. La cour d'appel, saisie par le parquet, désigne alors un tribunal de grande instance pour suppléer le tribunal défaillant. Le greffier du tribunal de commerce dessaisi continue d'exercer ses fonctions, et le mandat de ses juges n'est pas interrompu, à condition bien sûr que le tribunal ait pu se constituer.

Cette situation d'empêchement est le fondement de la compétence du tribunal de grande instance de Valence depuis le 1er janvier 1998, puisque le tribunal de commerce de Montélimar, créé à cette date, n'a pu se constituer faute du décret fixant le nombre des juges (voir encadré ci-avant).

Pour les tribunaux constitués, mais seulement mis dans l'impossibilité de statuer, par exemple du fait d'un nombre insuffisant de magistrats, l'empêchement peut n'être que temporaire. Il peut aussi ne concerner que les procédures collectives, pour lesquelles la formation de jugement doit comprendre une majorité de juges ayant plus de deux ans d'ancienneté.

On remarquera en passant que, sur la base de ces dispositions, les tribunaux de grande instance seraient compétents commercialement dans les ressorts de tribunaux de commerce où les juges mettraient à exécution les menaces parfois proférées de démission collective.

· Les juges professionnels sont également appelés à statuer commercialement dans 3 tribunaux de première instance outre-Mer. Dans le territoire de Wallis-et-Futuna et les collectivités territoriales de Mayotte et Saint-Pierre et Miquelon, ces tribunaux de droit commun, statuant à juge unique, ont la compétence commerciale(10).

· Les trois départements d'Alsace-Moselle connaissent un régime mixte dans lequel domine l'échevinage, au sein de la chambre commerciale du tribunal de grande instance.

L'échevinage est hérité de la législation allemande. La loi allemande du 27 janvier 1877 sur l'organisation judiciaire attribuait la compétence en matière commerciale à une chambre commerciale des tribunaux civils, composée d'un magistrat professionnel et de deux juges commerciaux. Après le retour des départements de l'Est sous la souveraineté française, le principe de l'échevinage, qui donnait satisfaction, a été conservé, la loi du 25 juillet 1923 en adaptant seulement les modalités. Désormais, les « assesseurs » sont élus comme les juges consulaires des autres départements. Les règles applicables figurent aujourd'hui aux articles L. 911 à L. 913-4 du code de l'organisation judiciaire.

Une particularité du régime alsacien-mosellan est la compétence du juge d'instance en matière commerciale, jusqu'au taux de compétence du tribunal d'instance, soit 13 000 francs en dernier ressort et 30 000 francs à charge d'appel. Outre cette compétence de droit commun, le tribunal d'instance détient des compétences exclusives (injonction de payer, saisie conservatoire). Il est à noter enfin que c'est le greffier du tribunal d'instance qui assure la tenue du registre du commerce et des sociétés.

Les sept chambres commerciales du tribunal de grande instance du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de Moselle(11) ont les mêmes compétences que les tribunaux de commerce, sous réserve des attributions du tribunal d'instance (article L. 913-2 du code de l'organisation judiciaire)(12).

Comme les autres chambres, elles sont présidées par un magistrat du tribunal de grande instance, désigné par son président et chargé de la rédaction des jugements. Elles sont en outre composées de 2 assesseurs élus comme les juges des tribunaux de commerce et disposant du même statut, ainsi que du greffier du tribunal de grande instance. Le nombre des assesseurs des 7 chambres commerciales est fixé par décret à 117 au total depuis 1995.

Douze magistrats professionnels exercent les fonctions de président de chambre ou de section. En effet, les 3 principales chambres commerciales (Mulhouse, Strasbourg et Metz) sont subdivisées en deux sections, l'une traitant les procédures collectives, l'autre les affaires contentieuses.

· L'échevinage est également le mode d'organisation de droit commun outre-mer(13), où existent 7 tribunaux mixtes de commerce(14), sur un total de 11 juridictions statuant en matière commerciale.

Ces tribunaux se composent du président du tribunal de grande instance, président, de juges élus dans les mêmes conditions que les juges consulaires, et d'un greffier. Après l'élection des juges, une liste complémentaire est établie afin de faire face à l'éventualité d'une insuffisance du nombre de juges lors de l'audience. Les jugements sont rendus par une formation comprenant le président et trois juges élus ou tirés au sort sur la liste complémentaire.

· Tels sont les différents types de juridictions susceptibles de connaître les litiges commerciaux, en fonction de l'implantation géographique du défendeur. Une complication supplémentaire tient à ce que, depuis la loi de 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, toutes les juridictions ne sont pas de plein exercice. Il a été prévu que les procédures collectives concernant les entreprises de plus de 50 salariés seraient soumises à un nombre limité de juridictions spécialisées. L'idée initiale était qu'une juridiction par département, en règle générale, serait spécialisée. De fait, leur nombre a d'abord été fixé par décret à 109, dont 96 tribunaux de commerce.

Puis, comme M. Jean-Paul Jean, conseiller technique au cabinet du garde des sceaux, l'a expliqué à la commission, la répartition par département a été critiquée, et la notion de spécialisation , progressivement étendue, a été largement vidée de son sens. Elle reste cependant en vigueur, et à ce jour, deux-cent seize juridictions sont spécialisées dans les grandes procédures collectives :

- 189 tribunaux de commerce sur 219, soit 87,5 % d'entre eux ;

- 20 tribunaux de grande instance à compétence commerciale en métropole sur 22 (91 %) ;

- les 7 tribunaux de grande instance à chambre commerciale d'Alsace-Moselle.

A contrario, les 52 juridictions commerciales non spécialisées sont implicitement considérées comme des « petits tribunaux », dans le cadre d'une carte judiciaire à deux vitesses.

Cette diversité de modèles appelle bien des critiques, évoquées. ci-après, mais elle permet de disposer de laboratoires pour l'expérimentation de modes alternatifs d'organisation.

2.- La difficile évaluation de l'efficacité des tribunaux de commerce

a) Un élément fondamental du débat sur la légitimité des tribunaux de commerce

Très fréquemment, le nombre de décisions rendues par les tribunaux de commerce, le taux d'appel, d'infirmation et de confirmation en matière de commerciale, la durée des procédures devant les juridictions consulaires servent d'argument apparemment déterminant pour démontrer l'efficacité des tribunaux de commerce et pour justifier, par conséquent, le maintien de cette catégorie de juridictions.

Ainsi, M. Jean-Pierre Mattei, président de la Conférence générale des tribunaux de commerce soulignait lors de son audition par la commission : « S'agissant de la rapidité, quelle est la situation en 1998, quatre cent trente-cinq ans après la création des juridictions consulaires ? Ces dernières ont rendu sur l'ensemble du territoire national 1 136 109 décisions en 1996. Selon la Chancellerie, le délai moyen de jugement est de 5,6 mois sur l'ensemble du territoire national (...). »

Il convient, d'ores et déjà, de noter que le chiffre de 1,1 million de décisions mentionnées ci-dessus intègre les décisions d'injonction de payer, décisions prises très rapidement (150 000 décisions en 1995), et les ordonnances des juges-commissaires (497 011 ordonnances en 1996). Mélanger des catégories de décisions extrêmement différentes - il n'y a aucun rapport entre une injonction payer et un jugement décidant la cession d'une entreprise en difficulté - n'a aucune valeur objective. Il s'agit même de désinformation et de manipulation statistiques, si l'on se réfère à l'extrême diversité des matières et des procédures qui entrent dans l'activité des tribunaux de commerce. Quelques chiffres de base peuvent être cependant exposés :

STATISTIQUES DES AFFAIRES COMMERCIALES

(hors injonctions de payer)

Types de décision

1995

1 996

 

TGI

TC

TGI

TC

Contentieux général

15 035

207 080

13 765

194 924

Référés

5 496

54 158

4 920

51 033

Procédures collectives (1)

7 766

74 134

8 599

70 913

Ordonnances (2)

39 832

477 025

41 837

497 011

(1) Il s'agit des décisions d'ouverture de la procédure, de rejet d'ouverture et des décisions de radiation, d'incompétence.

(2) Il s'agit des ordonnances du président (désignation d'un conciliateur, saisie conservatoire, expertise, dispense des conditions nécessaires à la concession d'une location-gérancce du fonds de commerce, inscription provisoire de nantissement du fonds de commerce, autorisation de vente amiable du bien fondée par le débiteur, nomination d'un commissaire aux apports, report d'assemblée générale, prorogation pour le paiement des dividendes, mandat et pouvoir du liquidateur d'un groupement, autres) et du juge-commissaire (inventaire et scellés, autorisation d'actes de disposition étranger à la gestion courante, vente d'un bien grevé d'une sûreté réelle ou de substitution de garantie, autorisation de prêts ou délais de paiement, délai pour opter sur les contrats en cours, en matière de clause de réserve de propriété, revendication de meubles, demandes d'admission des créances, réclamation sur l'état des créances, relevé de forclusion, autorisation de saisie immobilière, adjudication amiable de gré à gré des immeubles, autorisation de cession globale d'unités de production, autorisation de licenciement en période d'observation, autres).

Source : Registre des tribunaux de commerce et des TGI à compétence commerciale.

Les comparaisons dans le temps sont extrêmement hasardeuses. En effet, le système de collation des statistiques des affaires commerciales a été modifié en 1995, ce qui interdit la détermination de séries longues.

b) Un système statistique défaillant

Le système statistique tel qu'il est organisé aujourd'hui comporte de très nombreuses lacunes.

C'est bien ce que M. Guy Canivet, premier président de la cour d'appel de Paris a relevé lors de son audition : « Un article mentionnait, un taux d'appel de 2 %. Il est manifestement faux. Le taux d'appel des juridictions consulaires est, je crois, à peu près identique à celui d'autres juridictions. Je n'ai pas d'indicateurs qui me permettent de dire qu'il y a moins ou plus d'appels concernant les décisions des tribunaux de commerce. On pourrait d'ailleurs faire une approche statistique précise. Mais on ne dispose pas encore à la cour d'appel de Paris d'un outil statistique me permettant de le faire. Il faudrait pouvoir calculer le taux d'appel non seulement pour l'ensemble des jugements des tribunaux de commerce mais aussi par juridiction. Nous pourrions éventuellement procéder par sondage et voir, sur une année de jugements d'une juridiction consulaire, le nombre d'affaires frappées d'appel et le nombre d'infirmations. »

La masse des décisions rendues par les tribunaux de commerce n'a pas grande signification si elle est exposée brute, sans être rapportée au nombre de juges. Ainsi, M. Philippe Lemaire, directeur-adjoint à la direction des services judiciaires du ministère de la justice rappelait les éléments suivants : « C'est moins l'activité contentieuse que la charge de travail par magistrat qu'il est intéressant de connaître. Les tribunaux connaissent un peu moins de 200 000 affaires contentieuses générales par an, soit 58 affaires par juge consulaire. Dans les TGI statuant en matière commerciale, qui couvrent un peu moins de 10 % des affaires commerciales générales traitées en France, un juge professionnel traite 600 affaires par an. S'agissant des 71 000 procédures collectives, un juge consulaire traite 16 affaires par an, alors qu'un magistrat professionnel en juge 327. Je rappelle que l'ensemble formé par les procédures collectives et les contentieux liés à ces procédures représente 50 % des affaires traitées par une juridiction commerciale ou une juridiction ordinaire statuant en matière commerciale. Sur les 227 tribunaux de commerce, 111 n'atteignent pas le seuil de 500 affaires nouvelles par an. Ils comportent, en moyenne, moins de 15 juges. (...) En ce qui concerne les moyens en hommes, on estime que 330 équivalents temps plein de juges professionnels peuvent assurer la même tâche que 3 400 magistrats consulaires»

Le calcul du taux d'appel lui-même pose problème : calculer un taux sur la base du rapport entre le nombre de décisions rendues en appel l'année x et le nombre de décisions rendues en premier ressort la même année n'a pas grand sens, compte tenu des délais de la procédure qui peut s'étaler sur plusieurs années. Ainsi les appels enregistrés en 1996 concernent en partie des décisions rendues en 1995 et les appels des décisions prononcées en 1996 seront comptabilisés sur l'année 1997. Tout au plus peut-on calculer un taux d'appel approximatif et trop peu pertinent de 13,1 %(15) en 1996. Ce taux, calculé selon la même méthode, est de 13,8 % pour les décisions provenant des tribunaux de grande instance pour l'ensemble du contentieux.

Une étude partielle effectuée par la Chancellerie en octobre 1997(16) donne des éléments d'appréciation intéressants, mais son périmètre rend sa pertinence relative.

Selon cette étude comparative des taux d'appel et de réformation des décisions prononcées par les tribunaux de commerce, de grande instance et d'instance en 1995 portant sur le seul contentieux général (droit des affaires, droit des contrats, paiement de cotisations sociales), hors procédures collectives :

- les décisions des tribunaux de grande instance sont plus souvent attaquées que celles des tribunaux de commerce (taux d'appel respectifs de 35,2 % et de 22,9 %) ;

- la proportion de demandeurs qui obtiennent gain de cause devant les tribunaux de commerce est plus forte que devant les tribunaux de grande instance (taux de satisfaction respectif de 92 % et 85,5 %) ;

- le contentieux de l'impayé est particulièrement important devant les tribunaux de commerce (89 % des décisions rendues au fond) ;

- les décisions des tribunaux de commerce sont en moyenne plus souvent infirmées que celles des tribunaux de grande instance (taux d'infirmation respectifs de 29 % et 21,4 %).

Dans le domaine des procédures collectives, les décisions des tribunaux de commerce sont en moyenne plus souvent infirmées que celles des tribunaux de grande instance (taux d'infirmation respectifs de 28,2 % et 24,5 %). Le taux d'infirmation varie beaucoup d'un contentieux à l'autre pour les deux juridictions.

Les résultats de cette étude doivent impérativement être relativisés.

L'étude ne compare pas l'activité des tribunaux de commerce à celle des seuls tribunaux de grande instance à compétence commerciale, mais à celle des tribunaux de grande instance de droit commun pris dans leur ensemble.

Elle n'intègre pas les décisions rendues par ordonnance du président ou par référé.

En raison de la faiblesse du nombre des arrêts rendus dans plusieurs contentieux, le taux d'infirmation des décisions prononcées par les deux juridictions ne sont pas toujours significatifs.

Par ailleurs, les différences de volume concernant les décisions de fond en matière de procédures collectives rendent improbable toute comparaison entre tribunaux de grande instance (1 894 décisions) et tribunaux de commerce (5 079 décisions).

En tout état de cause, plusieurs éléments viennent lourdement relativiser l'appréciation de la qualité de la justice rendue par les tribunaux de commerce au regard d'un taux d'appel réputé faible :

- les procédures devant les tribunaux de commerce sont simples et généralement se font de manière orale ; la motivation des décisions est souvent peu développée ce qui limite les possibilités de faire appel (cf. ci-après II - C - c).

- la loi limite drastiquement les possibilités de recours devant les jurdictions d'appel ;

- l'appel est moins utilisé en matière commerciale pour des raisons de délai ; un créancier mécontent d'une décision rendue en première instance hésitera, si sa créance est d'un montant relativement faible, à prolonger la procédure ;

- le recours à la conciliation, au règlement amiable est beaucoup plus pratiqué en matière commerciale qu'en matière civile ;

- 80 % des procédures collectives s'achèvent par une liquidation ; or, le recours est peu utile après le prononcé d'une telle solution.

Compte tenu de l'appareil statistique dont dispose le ministère de la justice, il est impossible d'obtenir une évaluation comparative précise du taux d'appel des décisions des tribunaux de commerce et des tribunaux de grande instance statuant en matière commerciale.

Une dernière remarque concerne le choix du dénominateur. Ainsi, un taux d'appel de moins de 10 % est assurément calculé avec un dénominateur qui intègre les décisions d'injonction de payer. Or ces dernières ne sont pourtant pas susceptibles d'appel, mais seulement d'opposition.

S'agissant des taux de réformation et d'infirmation des décisions rendues en premier ressort par les tribunaux de commerce, aucune statistique n'a été publiée. Néanmoins, les statistiques fournies par la cour d'appel de Paris permettent d'avoir une approche intuitive de ces taux. Ainsi, en 1997, 12,2 % des décisions des tribunaux de commerce faisaient l'objet d'une infirmation totale. Ce taux s'élevait à 7,6 % pour les tribunaux de grande instance. Toutes choses étant égales par ailleurs, les comparaisons ne sont pas favorables aux tribunaux de commerce dans le ressort de la cour d'appel de Paris.

Le Rapporteur tient à souligner que la Chancellerie dans ses réponses au questionnaire envoyé par la commission(17) relatif à l'activité des tribunaux de commerce s'est contentée de transmettre des données tirées de documents existants (Annuaire statistique de la justice, Statistiques des affaires commerciales) sans les retraiter pour fournir une réponse précise aux interrogations de la commission, et a omis de répondre à certaines questions.

Enfin, en ce qui concerne les délais de jugement, l'Annuaire statistique de la justice 1992-1996 fournit le chiffre de 6,2 mois devant les tribunaux de commerce, à comparer avec 9,4 mois pour les conseils de prud'hommes, 5 mois pour les tribunaux d'instance, 8,9 mois pour les tribunaux de grande instance. Mais, là encore, il est difficile de faire des comparaisons valables compte tenu de la nature particulière de la procédure suivie devant les tribunaux de commerce.

Les manipulations statistiques sont d'autant plus faciles que des bases de données complètes et précises manquent.

En conséquence, il est extrêmement difficile de mesurer l'efficacité de la justice rendue par les tribunaux de commerce. Toute appréciation de cette activité, faute d'appareil statistique fiable et complet, repose plus sur des jugements de valeur que sur des constats chiffrés précis. Il faut bien constater que les éléments statistiques disponibles sont insuffisamment précis et fiables pour servir de fondement décisif à la pérennité de l'exception française que constitue le tribunal de commerce tel qu'il est organisé aujourd'hui. Des progrès considérables en matière d'information statistique devront être faits par le ministère de la justice.



© Assemblée nationale

( ) Voir Jean-Pierre ROYER, Histoire de la justice en France, Paris, 1996.

() Voir Débats de l'Assemblée Nationale du 27 mai 1790, Archives parlementaires, première série, tome XIV.

() Lois n° 84-148 du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises et n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises.

() Élus des grandes villes commerçantes du royaume, porteurs des voeux des marchands, placés auprès du conseil puis du bureau du commerce au sein de l'administration royale.

() Voir Débats de l'Assemblée Nationale du 27 mai 1790, Archives parlementaires, première série, tome XIV.

() Michel Germain, « Les tribunaux de commerce entre passé et avenir », in Droit & Patrimoine, octobre 1997, page 38.

() Aristote, Politique, III, 11, 1282-a.

() Leur liste figure, avec leur siège et leur ressort, au tableau VII annexé à l'article R. 411-1 du code de l'organisation judiciaire.

() Il s'agit des tribunaux de grande instance de Digne, Laon, Péronne, Montbéliard, Lure, Albertville, Annecy, Bonneville, Thonon-les-Bains, Avesnes-sur-Helpe, Hazebrouck, Béthune, Bourgoin-Jallieu, Guéret, Belley, Montbrison, Mende, Carpentras, Bréssuire, Dinan et Guingamp en métropole, ainsi que de Saint-Pierre à la Réunion.

() Respectivement tribunaux de Mata-Utu, Mamoudzou et Saint-Pierre.

() Au sein des TGI de Mulhouse, Colmar, Saverne, Strasbourg, Sarreguemines, Metz, Thionville.

() Elles ont également compétence de droit commun en matière de faillite.

() Article L. 921-4 du code de l'organisation judiciaire pour les départements de la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion, et article L. 932-23 pour les territoires de Nouvelle-Calédonie et Polynésie française.

() Basse-Terre, Pointe-à-Pitre, Saint-Denis-de-la-Réunion, Cayenne, Fort-de-France, Nouméa et Papeete.

() 269 350 affaires terminées en 1996 devant les tribunaux de commerce, 35 233 affaires nouvelles ayant pour origine les tribunaux de commerce devant les cours d'appel en 1996, selon L'annuaire statistique de la justice 1992-1996.

() Ministère de la justice, direction des affaires civiles et du sceau, sous-direction du droit commercial, du droit immobilier et de l'entraide judiciaire, cellule études, octobre 1997.

() Voir questionnaire reproduit en annexe.