Document
mis en distribution
le 16 mars 1999

N° 1462

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 mars 1999.

PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE

insérant au titre VI de la Constitution un article 53-2 et relatif à la Cour pénale internationale,

(Renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

AU NOM DE M. JACQUES CHIRAC
Président de la République,

PAR M. LIONEL JOSPIN,
Premier ministre,

ET PAR Mme ÉLISABETH GUIGOU,
garde des sceaux, ministre de la justice.

Droit pénal.

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

La conférence diplomatique qui s'est tenue à Rome du 15 juin au 17 juillet 1998 a adopté le statut de la Cour pénale internationale. Ainsi que l'indique le préambule du statut, la Cour est une juridiction " permanente et indépendante, reliée au système des Nations unies, ayant compétence à l'égard des crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale ".

Le Gouvernement français a signé ce traité dès le 18 juillet 1998 et entend permettre sa ratification dans les plus brefs délais.

Or, celle-ci ne peut intervenir qu'après une révision constitutionnelle. En effet, saisi par le Président de la République et le Premier ministre, en application de l'article 54 de la Constitution, le Conseil constitutionnel a estimé, dans sa décision n° 98-408 DC du 22 janvier 1999, que le statut de la Cour pénale internationale était en contradiction avec notre loi fondamentale sur les trois points suivants :

- l'article 27 du statut, qui rend justiciables de la Cour pénale internationale tous les ressortissants des Etats parties, sans que la qualité officielle de chef d'Etat ou de gouvernement ou de membre d'un gouvernement ou d'un parlement entre en ligne de compte, est contraire aux régimes particuliers de responsabilité institués par les articles 26, 68 et 68-1 de la Constitution ;

- le traité, alors même qu'il stipule que la juridiction qu'il institue " est complémentaire des juridictions criminelles nationales ", est susceptible de porter atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, dans la mesure où il pourrait contraindre l'Etat partie à remettre à la Cour pénale internationale des personnes accusées d'avoir commis les crimes visés par le statut, non seulement du fait d'une soustraction

volontaire de l'Etat aux obligations résultant du traité ou d'une indisponibilité de son appareil judiciaire, mais également parce que ces personnes ne pourraient faire l'objet de poursuites devant le juge
national en raison de l'intervention d'une loi d'amnistie ou par application des règles de prescription prévues en droit interne ;

- pour le même motif, a été jugé contraire à la Constitution l'article 99 du statut qui autorise le procureur près la Cour pénale internationale à recueillir des dépositions de témoins et à inspecter des sites publics ou des lieux publics sur le territoire d'un Etat, hors la présence des autorités judiciaires dudit Etat.

Le Président de la République et le Gouvernement estiment que les obstacles de nature constitutionnelle relevés par le Conseil constitutionnel doivent être surmontés afin que la France puisse devenir partie au statut. En effet, la création de la Cour pénale internationale représente une avancée significative dans la construction d'un ordre juridique international qui assure, par des mécanismes concrets, la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d'asservissement et de dégradation, et qui contribue ainsi au maintien de la paix.

C'est pourquoi il est proposé de compléter le titre VI de la Constitution, relatif aux traités et accords internationaux, par un article 53-2 disposant que la République peut reconnaître la juridiction de la Cour pénale internationale dans les conditions prévues par le traité, signé le 18 juillet 1998.

PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Le Président de la République,

Sur la proposition du Premier ministre,

Vu l'article 89 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi constitutionnelle insérant au titre VI de la Constitution un article 53-2 et relatif à la Cour pénale internationale, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat, sera présenté à l'Assemblée nationale par le garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

Article unique

Il est inséré au titre VI de la Constitution un article 53-2 ainsi rédigé :
Art. 53-2. - La République peut reconnaître la juridiction de la Cour pénale internationale dans les conditions prévues par le traité signé le 18 juillet 1998. "

Fait à Paris, le 11 mars 1999.

Signé : JACQUES CHIRAC
Par le Président de la République :
Le Premier ministre,
Signé : LIONEL JOSPIN
Le garde des sceaux
ministre de la justice,
Signé : ÉLISABETH GUIGOU
N°1462. - PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE présenté par le garde des sceaux, ministre de la justice insérant au titre VI de la Constitution un article 53-2 et relatif à la Cour pénale internationale (renvoyé à la commission des lois)


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