N° 1404
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 février 1999.
PROPOSITION DE LOI
visant à protéger les droits des usagers, à améliorer le dialogue social et à assurer la continuité dans les services publics.
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution
d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)
présentée
par MM. Dominique BUSSEREAU, José ROSSI,
Jean-Louis DEBRÉ et Philippe DOUSTE-BLAZY,
Députés.

Travail.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Grèves à Air France avant la Coupe du monde en juin dernier, grèves des contrôleurs de la SNCF en décembre, multiplication des conflits locaux, passagers en colère et défilés bruyants viennent épisodiquement rappeler la triste "gréviculture" française. Or, comment expliquer, sinon par une forme d'abus de l'usage du droit de grève, que d'Air France à la SNCF, les entreprises publiques cumulent les jours chômés pour faits de conflits sociaux? En 1998, les conflits locaux dans les transports publics urbains ont augmenté de 75 %, la SNCF a connu près de 180000 jours de grève, soit un jour de grève par agent et 40 % des jours de grève en France.
Aujourd'hui, il n'est pas acceptable, comme l'a indiqué le
Président de la République à Rennes le 4 décembre dernier, "que les services publics aient le triste monopole de grèves qui paralysent en quelques heures toute l'activité d'une agglomération, quand elles n'affectent pas la France entière. C'est le symptôme des défaillances de notre dialogue social. C'est aussi bien souvent l'aveu d'une démission de l'Etat".
Il faut dire que le blocage régulier des services publics a des conséquences désastreuses pour le pays : les grèves gênent les clients et les usagers qui ont pourtant droit à un service régulier et paralysent notre économie (marchandises bloquées, personnel au chômage technique, difficultés de trésorerie).
Si la grève est un droit, il est nécessaire et urgent qu'elle redevienne dans les entreprises l'arme ultime des salariés dans les négociations sociales et qu'elle cesse d'être un moyen de chantage dans lequel les clients et les usagers sont pris en otages.
Il est donc essentiel de moderniser le dialogue social avec des procédures efficaces de prévention des grèves et d'organiser en dernier ressort un service minimum.
Il est urgent d'établir dans toutes les entreprises de service public une politique de débat et de coopération entre la direction et les salariés grâce à une modernisation du dialogue social et l'instauration d'un service minimum.
Les partenaires sociaux sont incités à négocier des conventions afin d'instaurer des mécanismes de prévention des conflits sociaux, la direction et les salariés s'engageant à rechercher d'abord des solutions non conflictuelles aux problèmes qui seraient susceptibles de surgir entre elles et d'instituer, avant le déclenchement de la grève, une procédure de prévenance dite " d'alarme sociale ".
Enfin, l'exercice du droit de grève doit être aménagé : la grève sera décidée à bulletins secrets.
Pour tous ces motifs, Mesdames et Messieurs, nous vous demandons de bien vouloir adopter la présente proposition.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

Les dispositions de la présente proposition de loi s'appliquent aux collectivités, entreprises, organismes et établissements et à leurs personnels, visés à l'article L. 521-2 du code du travail.

TITRE Ier
L'AMÉLIORATION DU DIALOGUE SOCIAL
Article 2

La direction et les organisations syndicales représentatives des entreprises, des organismes et des établissements cités à l'article 1er acceptent de construire ensemble et de faire respecter des règles de fonctionnement de la négociation collective propres à améliorer la qualité du dialogue social, et à veiller à l'application rigoureuse des accords collectifs.

Article 3

Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, les employeurs et les organisations syndicales de salariés reconnus comme représentatives au sens de l'article L. 521-3 du code du travail négocient une convention visant à améliorer le dialogue social dans l'entreprise.
Cette convention prévoit notamment la recherche de solutions non conflictuelles aux problèmes qui seraient susceptibles de surgir entre elles et l'institution, avant le dépôt d'un préavis de grève, d'une procédure d'anticipation des conflits.
La convention fixe les modalités de la procédure d'anticipation des conflits qui peut être menée soit par l'intermédiaire d'une structure de médiation, soit directement entre les partenaires sociaux.
Pendant la négociation, les parties mettent tout en _uvre pour arriver à un accord. Aucun préavis de grève ne peut être déposé sans la mise en _uvre de la procédure d'anticipation des conflits.
Au terme de la négociation, les partenaires sociaux signent un accord et s'engagent à le mettre en _uvre. En cas d'échec de la négociation, le désaccord est constaté par écrit.
L'accord ou le constat d'échec est affiché sur les lieux de travail.

Article 4

Dans les entreprises n'ayant pas négocié de convention selon la procédure décrite à l'article 3, après un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, le ministre chargé du travail ou son représentant met en _uvre directement, à la demande de l'une des parties ou de sa propre initiative, la procédure d'anticipation des conflits.
Les parties sont tenues de comparaître en personne devant les commissions de conciliation prévues à l'article L. 523-2 du code du travail.
A l'issue des réunions de conciliation, le président établit un
procès-verbal qui constate l'accord, le désaccord total ou partiel des parties qui leur est aussitôt notifié. L'accord ou le constat d'échec est affiché sur les lieux de travail.
Aucun préavis de grève ne peut être déposé sans la mise en _uvre de la procédure d'anticipation des conflits.

TITRE II
L'EXERCICE DÉMOCRATIQUE DU DROIT DE GRÈVE
DANS LES SERVICES PUBLICS

Article 5

Les deux premiers alinéas de l'article 3 de la loi n° 63-777 du 31 juillet 1963 relative à certaines modalités de la grève dans les services publics sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
" Lorsque les personnels visés à l'article 1er de la présente loi décident de l'usage du droit de grève, à l'appel d'une organisation syndicale représentative sur le plan national, dans la catégorie professionnelle, ou dans l'entreprise, l'organisme ou le service intéressé, à la majorité des voix, par un vote à bulletin secret, la cessation concertée du travail doit être précédée d'un préavis. "

TITRE III
L'INSTAURATION D'UN SERVICE MINIMUM
DANS LES TRANSPORTS PUBLICS

Article 6

Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, dans les entreprises chargées d'une mission de service public, les employeurs et les organisations syndicales reconnues représentatives au sens de l'article L. 521-3 du code du travail négocient une convention visant à instaurer un service minimum.
Le service minimum doit notamment assurer l'ensemble des moyens de transport pendant les périodes de grande affluence des voyageurs et permettre aux usagers d'aller et de revenir de leur lieu de travail ou d'enseignement.

Article 7

Dans les entreprises n'ayant pas négocié de convention selon la procédure décrite à l'article 6, après un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, les modalités de mise en _uvre du service minimum sont fixées par décret, après avis des partenaires sociaux.
N°1404. - PROPOSITION DE LOI de MM. Dominique BUSSEREAU, José ROSSI, Jean-Louis DEBRÉ et Philippe DOUSTE-BLAZY visant à protéger les droits des usagers, à améliorer le dialogue social et à assurer la continuité dans les services publics (renvoyée à la commission des affaires culturelles)


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