N° 1716
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 juin 1999.
PROPOSITION DE LOI
tendant à la création d'un Office parlementaire d'évaluation
des
relations économiques internationales,
(Renvoyée à la commission de la production et des échanges, à défaut de constitution
d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)
présentée

par MM. Jean-Claude LEFORT, François ASENSI, Gilbert BIESSY, Claude BILLARD, Bernard BIRSINGER, Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Jacques BRUNHES, Patrice CARVALHO, Alain CLARY, Christian CUVILLIEZ, René DUTIN, Daniel FEURTET, Mme Jacqueline FRAYSSE, MM. André GERIN, Pierre GOLDBERG, Maxime GREMETZ, Georges HAGE, Guy HERMIER, Robert HUE, Mmes Muguette JACQUAINT, Janine JAMBU, MM. André LAJOINIE, Patrick LEROY, Félix LEYZOUR, François LIBERTI, Patrick MALAVIEILLE, Roger MEI, Ernest MOUTOUSSAMY, Bernard OUTIN, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER, Michel VAXÈS et Jean VILA (1),

Députés.

Parlement.
(1) Constituant le groupe communiste et apparentés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
La place croissante des négociations commerciales internationales, l'impact de la mondialisation sur les espaces nationaux et européen, leurs conséquences pour les droits sociaux, la santé, l'environnement, justifient que le Parlement soit pleinement informé de ces enjeux.
Le cas des négociations sur l'Accord multilatéral sur l'investissement (AMI) a bien révélé aux yeux de l'opinion publique l'existence et l'importance des négociations économiques internationales. Aujourd'hui, l'AMI doit être renégocié au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) tandis que la Commission européenne négocie sans mandat clair et précis un Partenariat économique transatlantique (PET) avec les Etats-Unis.
En effet, après avoir réalisé la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes à l'intérieur de ses frontières, la Communauté européenne s'oriente désormais vers une ouverture quasi totale de son marché sur l'extérieur. La politique commerciale extérieure commune est de la compétence exclusive des institutions communautaires et surtout de la Commission, en lien avec le Conseil.
Le Parlement européen peut suivre ces négociations puisqu'il dispose d'une Commission des relations économiques extérieures, appellation qui changera peut-être après le prochain renouvellement du Parlement européen. Ses pouvoirs n'en restent pas moins très incomplets et des propositions sont faites pour exiger qu'il soit tenu informé de l'ordre du jour et du calendrier des négociations, qu'il dispose d'expertises et qu'il obtienne, dans le cadre de nouvelles négociations institutionnelles sur l'Europe, un pouvoir consultatif obligatoire sur cette question.
Il faut rappeler que le Congrès des Etats-Unis se voit confier par la Constitution américaine le pouvoir «de réglementer le commerce avec l'étranger». A l'opposé, les compétences du Parlement français sont bien éloignées de celles du Congrès américain.
L'article 53 de la Constitution prévoit que « Les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l'organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l'Etat, ceux qui modifient les dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l'état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi ».
En vertu de cette compétence législative, de nombreux accords bilatéraux entre la France et des pays non membres de l'Union européenne, ou bien des accords de partenariat entre la Communauté européenne et d'autres régions du monde sont régulièrement soumis à l'examen des commissions des affaires étrangères du Sénat et de
l'Assemblée nationale.
Les accords de la Communauté européenne avec des pays tiers nous sont soumis lorsqu'ils ont un caractère « mixte », c'est-à-dire lorsqu'ils portent à la fois sur la compétence exclusive de la Communauté européenne (la politique commerciale extérieure) et sur des domaines de notre compétence comme les services, la propriété intellectuelle, les mouvements de capitaux et de paiements.
Mais ces ratifications ont une portée limitée : le Parlement ratifie, a posteriori, un accord, sans en suivre les négociations ni la mise en _uvre.
Depuis 1992, un nouvel article 88-4 de la Constitution dispose, que « le Gouvernement soumet à l'Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil des Communautés, les propositions d'actes communautaires comportant des dispositions de nature législative ».
Parmi ces actes, on trouve des accords de nature commerciale avec des pays tiers. La Délégation pour l'Union européenne les examine et vérifie si des textes législatifs doivent être modifiés.
Mais si les accords économiques bilatéraux nous sont régulièrement soumis pour avis, pourquoi ne pas étendre cette pratique aux accords multilatéraux ?
Le problème est que nombre d'accords multilatéraux ne sont pas des « traités de commerce » au sens rigide du terme. Sous le prétexte qu'ils sont non-contraignants, les accords comme ceux conclus au sein de l'OCDE, ne passent pas par la voie législative alors qu'ils ont des effets réels et immédiats sur le comportement des acteurs économiques et sur les décisions des gouvernements.
Pour remédier à ces insuffisances, la fonction de contrôle du Parlement doit être développée.
Au-delà des compétences générales de la commission des affaires étrangères, le sujet reste suffisamment transversal aux autres commissions pour justifier de la création d'une structure de travail spécialisée.
Avant d'en arriver, peut-être, à la création d'une Délégation, il serait donc possible de créer un Office parlementaire d'évaluation des relations économiques internationales.
Sa création relève de la loi puisqu'elle nécessiterait une modification de l'ordonnance n° 58-l100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. Cette ordonnance est déjà en cours de modification, avec la proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture le 11 février 1999.
Comme les autres offices, l'Office parlementaire d'évaluation des relations économiques extérieures comprendrait huit membres de l'Assemblée nationale et huit membres du Sénat, désignés à la représentation proportionnelle des groupes politiques. L'Office devrait compter un membre de droit pour chaque commission permanente et pour la Délégation pour l'Union européenne.
La participation, sans droit de vote, des députés européens élus en France et qui siègent à la Commission des relations économiques extérieures ou à son futur équivalent - huit actuellement, avant le renouvellement de juin 1999 - permettrait une meilleure circulation de l'information et une meilleure association entre le Parlement national et le Parlement européen. Nous pouvons nous appuyer sur l'exemple de la commission des affaires européennes du Bundestag (l'équivalent de notre Délégation pour l'Union européenne) qui comprend 36 membres, plus 11 membres, députés européens, sans droit de vote.
L'Office doit pouvoir auditionner aussi des syndicats, associations, organisations professionnelles et experts compétents dans les domaines économiques internationaux.
L'une des premières missions de cet office pourrait être d'éclairer les enjeux des négociations commerciales multilatérales qui s'ouvriront en l'an 2000 à l'OMC.
L'institution d'un groupe de travail restreint et spécialisé sur ces questions permettrait sans nul doute de combler un retard préjudiciable à l'institution parlementaire.

PROPOSITION DE LOI
Article unique

Il est inséré, après l'article 6 bis de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, un article supplémentaire ainsi rédigé :
« Art. 6 ter I. - Il est institué un Office parlementaire d'évaluation des relations économiques extérieures, chargé d'informer le Parlement sur le déroulement des négociations concernant des accords et traités multilatéraux régissant les relations économiques et commerciales, d'en suivre leur mise en _uvre, d'éclairer les processus de décisions des organismes multilatéraux.
«A cet effet, sans préjudice des compétences des commissions permanentes, l'Office recueille des informations, procède à des évaluations ou à des programmes d'études pour évaluer l'impact des accords multilatéraux sur l'économie française, ses conséquences dans les domaines sociaux, sanitaires et environnementaux.
« II. - L'Office est constitué de deux délégations parlementaires, constituées l'une à l'Assemblée nationale et l'autre au Sénat.
« Chaque délégation de l'Office est composée :
« - d'un membre de chaque commission permanente et d'un membre de la Délégation pour l'Union européenne, membres de droit;
« - de huit membres désignés par les groupes politiques, de manière à assurer leur représentation proportionnelle, en tenant compte des membres de droit.
« Les députés sont désignés au début de chaque législature pour la durée de celle-ci. Les sénateurs sont désignés après chaque renouvellement partiel.
Au début de chaque session ordinaire, la délégation élit son président et son vice-président, qui ne peuvent appartenir à la même assemblée.
« III. - Les députés européens élus en France, membres de la commission du Parlement européen spécialisée dans le domaine des négociations commerciales et des relations économiques extérieures, sont membres associés, sans droit de vote, de l'Office.
« IV. - L'Office peut recueillir l'avis des organisations syndicales et professionnelles les plus représentatives au niveau national, ainsi que des associations et experts spécialisés dans l'étude et l'analyse de la mondialisation économique.
« V. - L'Office est saisi par :
« 1° Le Bureau de l'une ou l'autre assemblée, soit à son initiative, soit à l'initiative d'un président de groupe;
« 2° Une commission spéciale ou permanente.
« VI. - Les travaux de l'Office sont transmis à l'auteur de la saisine.
« VII. - L'Office établit son règlement intérieur qui est soumis à l'approbation des Bureaux des deux assemblées.
« L'Office dispose d'un budget à part égale par les deux assemblées. Ses dépenses sont financées et exécutées comme les dépenses des assemblées parlementaires, dans les conditions fixées à l'article 7 ci-après. »
N°1716. - PROPOSITION DE LOI de M. Jean-Claude LEFORT tendant à la création d'un Office parlementaire d'évaluation des relations économiques internationales (renvoyée à la commission de la production).


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