N° 2078
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 janvier 2000.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
tendant à créer une commission d'enquête sur les conditions sanitaires dans les prisons françaises et plus particulièrement sur celles de la prison de la Santé.
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée
par MM. Claude GOASGUEN, José ROSSI,
Jean-François MATTEI et Philippe HOUILLON,
Députés.

Système pénitentiaire.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Les récentes déclarations et le livre du médecin-chef à la prison de la Santé depuis 1993 mettent sur le devant de la scène les graves dysfonctionnements du système pénitentiaire français et de la prison de la Santé plus particulièrement, révélant au grand jour ce que beaucoup soupçonnaient déjà sans oser le dire, à propos de la Santé et d'autres établissements.
La condition qui est faite aux détenus, la violence, les trafics, les conditions d'application des peines sont en effet montrés du doigt. Sont également dénoncées de nombreuses pratiques que l'on croyait d'un autre temps comme les sanctions disciplinaires sans appel et sans avocats pour défendre les détenus.
Mais surtout, et plus grave encore, ce sont la promiscuité et les conditions sanitaires déplorables dans certaines prisons françaises qui sont soulignées. Il n'est pas acceptable qu'en France, les détenus ne puissent disposer de conditions sanitaires minimum et soient obligés de subir des situations dégradantes.
Les chiffres sont édifiants : certaines prisons françaises n'abritent pas moins de 57 918 détenus pour seulement 50 014 places et au 1er janvier 1999, 124 suicides ont été recensés, ce qui fait de la France un des pays d'Europe où le taux de suicide est le plus élevé.
Nos prisons se caractériseraient donc par leur manque d'hygiène, la promiscuité en leur sein, qui sont autant de facteurs qui favorisent violences, viols et autres maltraitances. Dans ce contexte, la condition carcérale ne peut être que le foyer de récidives et ne peut que faire peser les plus grands doutes sur ses capacités à permettre la réinsertion de ses anciens détenus.
Sans remettre en cause la qualité des personnels des prisons qui font un métier difficile, le tableau qui nous est dépeint fait penser à d'autres temps et à d'autres pays. Il est insoutenable et particulièrement déplorable dans un pays comme la France, qui a vocation à défendre et à promouvoir partout les droits de l'homme. L'humanisme dont notre pays se veut le fer de lance ne doit pas se limiter à des déclarations d'intentions. Son premier devoir est naturellement d'appliquer à lui-même les leçons qu'il entend donner au monde entier. Or, ces révélations sont autant de coups portés à une certaine conception de notre pays.
Il est par conséquent légitime de se demander comment, dans un pays comme la France, si fière de l'image qu'elle entretient s'agissant des droits de l'homme, de tels dysfonctionnements soient possibles. A l'évidence, l'opacité de l'univers carcéral explique en grande partie ces dérives, et le scandale, pour ne pas dire les tentatives de décrédibilisation des témoignages sur le sujet, témoignent de l'impérieuse nécessité de rendre plus transparent le système pénitentiaire.
C'est précisément ce à quoi tend la présente proposition de résolution. Les parlementaires, en effet, ne peuvent rester insensibles à l'émotion suscitée dans le pays par ces témoignages et affirmations non démenties par les autorités pénitentiaires.
Cette démarche n'a pas pour but d'accuser mais tout simplement de savoir. En effet, s'il y a un domaine sur lequel les commissions d'enquête parlementaires trouvent toute leur justification, c'est bien dans le contrôle du fonctionnement d'institutions aussi " fermées " que le monde carcéral. C'est aux parlementaires, toutes tendances confondues, qu'il revient de sensibiliser l'opinion sur ces dysfonctionnements et d'élaborer des solutions équilibrées.
Il n'y a là aucune considération de politique partisane, l'enjeu est en effet tout autre et dépasse les clivages puisqu'il en va de l'image de la France, en tant que démocratie moderne, soucieuse et respectueuse des droits de l'homme.
C'est pourquoi nous vous demandons, Mesdames et Messieurs, d'adopter la proposition de résolution suivante.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Il est créé, en application des articles 140 et suivants du Règlement de l'Assemblée nationale, une commission d'enquête de trente membres afin de faire la lumière sur les conditions sanitaires du système pénitentiaire français et plus particulièrement de la prison de la Santé.


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