N° 2151
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 février 2000.
PROPOSITION DE LOI

tendant à renforcer le dispositif juridique à l'encontre des associations ou groupements constituant, par leurs agissements délictueux, un trouble à l'ordre public ou un péril majeur pour la personne humaine.
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée

par MM. Jean-Pierre BRARD, François ASENSI, Gilbert BIESSY, Claude BILLARD, Bernard BIRSINGER, Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jacques BRUNHES, Patrice CARVALHO, Alain CLARY, Christian CUVILLIEZ, René DUTIN, Daniel FEURTET, Mme Jacqueline FRAYSSE, MM. André GERIN, Pierre GOLDBERG, Maxime GREMETZ, Georges HAGE, Guy HERMIER, Robert HUE, Mmes Muguette JACQUAINT, Janine JAMBU, MM. André LAJOINIE, Jean-Claude LEFORT, Patrick LEROY, Félix LEYZOUR, François LIBERTI, Patrick MALAVIEILLE, Roger MEÏ, Ernest MOUTOUSSAMY, Bernard OUTIN, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER, Michel VAXES, Jean VILA (1).

Députés.

(1) Constituant le groupe communiste et apparentés.
Ordre public.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Les deux rapports de commission d'enquête produits en 1996 et 1999 par notre Assemblée ont permis de mieux analyser et définir les agissements délictueux des organisations à caractère sectaire qui sévissent dans notre pays.
Ces travaux ont fait connaître l'ampleur du phénomène et en ont souligné les dangers pour les individus et le corps social.
Cette dangerosité se traduit concrètement par des infractions souvent graves qui doivent logiquement être sanctionnées par des décisions de justice. C'est de plus en plus souvent le cas, comme l'indiquent les statistiques du ministère de la justice.
Ainsi, au 31 juillet 1999, on dénombrait 134 enquêtes préliminaires parmi lesquelles : 53 ont été classées sans suite, 58 sont en cours, 11 ont fait l'objet d'une décision de relaxe et 12 l'objet d'une décision de condamnation.
A la même date, on dénombrait également 116 informations judiciaires, parmi lesquelles : 10 ont fait l'objet d'un non-lieu, 77 sont en cours, 1 a fait l'objet d'une extinction de l'action publique pour cause de décès, 2 ont fait l'objet d'une décision de relaxe et 25 l'objet d'une décision de condamnation.
Il convient de noter qu'entre le 1er février et le 31 juillet 1999, 78 nouvelles procédures judiciaires ont été enregistrées, parmi lesquelles 62 enquêtes préliminaires et 16 informations judiciaires.
Mais les condamnations prononcées contre les responsables de ces structures, voire contre ces structures elles-mêmes, en tant que personnes morales, n'ont pas actuellement d'incidence légale sur l'existence même de l'organisation qui peut continuer à fonctionner comme avant, y compris pendant l'accomplissement des peines pénales par ses dirigeants.
Il y a là une situation singulière où la société renonce en quelque sorte à s'attaquer à la cause connue de maux graves et récurrents dont elle a pourtant découvert et qualifié juridiquement les symptômes.
Nos concitoyens auraient beaucoup de peine à comprendre et à accepter que les pouvoirs publics se comportent d'une manière aussi inconséquente alors que le danger est connu de tous et menace constamment les individus et notre société démocratique elle-même.
C'est pourquoi la proposition de loi adoptée à l'unanimité par le Sénat le 16 décembre dernier présente un grand intérêt en ce qu'elle permet de mettre hors d'état de nuire les organisations sectaires en fonction de leur caractère criminogène attesté par des décisions de justice devenues définitives et du trouble à l'ordre public ou du péril majeur pour la personne humaine qu'elles constituent. La dissolution est alors la sanction logique dans le cadre de la loi du 10 janvier 1936.
Les dispositions retenues permettent, de plus, de sanctionner l'exercice illégal de la médecine et de la pharmacie par des personnes morales, ce qui est fréquemment le cas des organisations à caractère sectaire. Ces pratiques représentent un danger majeur pour les adeptes et particulièrement pour les enfants que des parents exposent aux méthodes condamnables des gourous, au péril de leur santé et parfois de leur vie.
En outre, il est apparu opportun d'ajouter aux dispositions relatives à la dissolution, la possibilité pour les pouvoirs publics de prendre en compte la dimension internationale des agissements des organisations à caractère sectaire et donc des décisions de justice rendues dans d'autres pays de l'Union européenne pour les mêmes motifs que ceux visés dans la proposition.
Sous le bénéfice de ces observations, nous vous demandons, mesdames et messieurs, d'adopter la proposition de loi suivante.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

Il est inséré, avant le dernier alinéa de l'article 1er de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées, trois alinéas ainsi rédigés :
« 8° Ou qui, condamnés définitivement à plusieurs reprises en application des articles 221-7, 222-21, 223-2, 223-9, 225-12, 225-16, 226-7, 226-12, 227-14, 227-17-2, 227-28-1, 311-16, 312-15, 313-9 et 314-12 du code pénal, L. 376 et L. 517 du code de la santé publique, constitueraient un trouble à l'ordre public ou un péril majeur pour la personne humaine;
« 9° Ou dont les dirigeants ou responsables de fait ont été condamnés définitivement à plusieurs reprises en application des articles 221-1 à 221-6, 222-1 à 222-20, 222-22 à 222-32, 223-1, 223-3 à 223-8, 223-13 à 223-15, 224-1 à 224-5, 225-5 à 225-11, 225-13 à 225-15, 226-1 à 226-6, 226-10, 226-11, 227-1 à 227-13, 227-15 à 227-28, 311-1, 311-3, 311-4, 312-1 à 312-12, 313-1 à 313-4, 314-1 et 314-2 du code pénal ou des articles L. 376 et L. 517 du code de la santé publique, ou pour fraude fiscale, et qui constitueraient un trouble à l'ordre public ou un péril majeur pour la personne humaine.
« Peuvent être prises en considération pour l'application des 8° et 9° ci-dessus, les condamnations définitives prononcées dans les autres Etats membres de l'Union européenne pour des infractions semblables. »

Article 2

I. - L'article L. 376 du code de la santé publique est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, de l'infraction définie à l'alinéa précédent.
« Les peines encourues par les personnes morales sont :
« 1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal;
« 2° Les peines prévues par l'article 131-39 du code pénal. »
II. - L'article L. 517 du code de la santé publique est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, de l'infraction définie à l'alinéa précédent.
« Les peines encourues par les personnes morales sont :
« 1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal;
« 2° Les peines prévues par l'article 131-39 du code pénal. »

Article 3

Dans le deuxième alinéa de l'article 8 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, les mots «d'une amende de 30 000 F et d'un emprisonnement d'un an» sont remplacés par les mots : «de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 F d'amende.


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