N° 2713
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 15 novembre 2000.
PROPOSITION DE LOI
tendant à sanctionner les diverses formes de racolage
sur la
voie publique.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée
par M. Claude GOASGUEN,
Député.

Droit pénal.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Le développement des activités de prostitution, en France et à Paris en particulier, sur les boulevards périphériques, constitue pour les habitants concernés une préoccupation majeure. Ces activités connaissent actuellement une recrudescence importante.
Les services de police se plaignent du cadre juridique actuel, trop restrictif, qui entrave leur action. En effet, en droit français, la prostitution ne constitue pas une infraction, dès lors qu'elle n'est pas exercée par des mineurs. Seuls sont pénalement réprimés le racolage actif, l'exhibition sexuelle et le proxénétisme.
S'agissant du racolage, le décret 93-726 du 29 mars 1993 portant réforme du code pénal a atténué les dispositions juridiques sur lesquelles s'appuyaient les services de police pour réprimer cette infraction.
En effet, l'article R. 625-8 du nouveau code pénal la décrit désormais comme le fait de procéder par tous moyens au racolage d'autrui en vue de l'inciter à des relations sexuelles et prévoit qu'elle est passible d'une contravention de 5e classe.
Ce texte fait donc obligation d'une incitation directe et non équivoque, clairement exprimée dans le but d'accomplir avec son auteur des actes de nature sexuelle. De même, cette forme de racolage doit être publique, soit exercée sur la voie publique, soit dans un lieu ouvert au public, soit dans un endroit fréquenté par le public.
Les actions coercitives sont donc plus difficiles, depuis le 1er mars 1994, à l'encontre des personnes dont les attitudes de nature à favoriser la débauche constituaient auparavant l'infraction de racolage dit " passif ", à savoir: les tenues osées de personnes stationnant longuement sur la voie publique ou allant et venant sur un même emplacement, ou demeurant ostensiblement au volant de leur véhicule en attente de clientèle.
Pour ce qui est de l'exhibition sexuelle, l'article du nouveau code pénal dispose que " l'exhibition sexuelle imposée à la vue d'autrui dans un lieu accessible aux regards du public est puni d'un an d'emprisonnement et de 100 000 F d'amende ".
Enfin, le proxénétisme tel qu'il est défini dans l'article 225-5 du nouveau code pénal comprend trois types d'incriminations : les infractions du souteneur, les infractions d'aides au proxénétisme et les infractions de tolérance à la prostitution.
Le proxénétisme est puni de cinq ans d'emprisonnement et 1 000 000 F d'amende.
Toutes ces sanctions paraissent désormais insuffisantes et inefficaces.
L'action des services de police s'inscrit donc aujourd'hui dans un cadre juridique particulièrement étroit qui nuit à son efficacité réelle. En effet, s'agissant des boulevards périphériques, aucun des éléments constitutifs des deux premières infractions concernant le racolage, exigées pour l'engagement des poursuites pénales, n'est constaté.
Or, il s'agit, la plupart du temps, de jeunes femmes qui ont un comportement non ostentatoire. Certes, depuis quelques mois, des prostitués originaires du Kosovo et de Sierra Leone tentent de s'implanter mais leur attitude reste discrète et leur présence sporadique, ce qui rend la mission des services de police difficile. La présence de plus en plus fréquente de ces jeunes femmes qui racolent souvent devant les écoles ou les lieux de culte rend la situation insupportable.
Par ailleurs, ces jeunes femmes disposent souvent d'un statut de réfugié pour se maintenir le plus longtemps possible sur le territoire national, c'est la raison pour laquelle les opérations de contrôle effectuées par les fonctionnaires de la brigade de répression du proxénétisme ont souvent pour objectif d'examiner la situation de ces personnes au regard de la réglementation relative au séjour en France.
Les résultats montrent une fois de plus les limites de l'arsenal juridique, puisque sur les 164 prostituées d'origine étrangère contrôlées depuis le 4 septembre dernier dans le cadre de ces opérations, qui ont concerné les principaux sites parisiens ayant à connaître de ces activités, aucune d'elles n'étaient en situation administrative irrégulière.
A l'évidence donc, le travail des services de police est rendu difficile en raison d'un cadre administratif inadapté à la situation. Le caractère réglementaire des mesures répressives concernant le racolage, la compétence du tribunal de police et non du tribunal correctionnel conduit en outre à l'inefficacité de la répression, à l'insuffisance des poursuites, le parquet, dans la pratique se dispensant de poursuivre.
Seul un dispositif pénal sévère est en mesure de rendre les sanctions crédibles envers les prostituées en tant que telles mais aussi envers leurs proxénètes pour lesquels les peines devraient également être aggravées.
Le phénomène ne se limite pas au seul racolage et l'accent ne doit pas être mis sur le seul aspect répressif. II est important de ne pas négliger le problème de la réinsertion des prostituées, ce qui passe par un contrôle rigoureux de leur situation administrative. Le droit d'asile doit-il être détourné par les proxénètes ? Ne faut-il pas envisager des mesures de contrôle judiciaire préventif tendant à éliminer des demandes d'asile en France des délinquants connus par les services de police internationale ?
Il est temps aujourd'hui de donner aux services de police les moyens de lutter efficacement contre cette forme d'esclavage qu'est la prostitution, c'est pourquoi cette proposition de loi entend, de nouveau, faire la distinction entre racolage actif et racolage passif, en faisant du premier un délit puni de 20 000F d'amende, assorti d'une peine complémentaire d'intérêt général et du second une contravention de 5e classe.
Pour ces raisons, nous vous demandons, Mesdames, Messieurs, de voter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

Après l'article 225-12 du même code, il est créé un article 225-12-1 ainsi rédigé :
" Le fait par tout moyen de procéder publiquement au racolage d'autrui en vue de l'inciter à des relations sexuelles est puni d'une amende de 20 000F.
" Les personnes coupables du délit prévu au présent article encourent également une peine de travail d'intérêt général pour une durée de vingt à cent vingt heures. "

Article 2

Une attitude sur la voie publique de nature à provoquer la débauche sera sanctionnée comme infraction de racolage passif et sera punie de l'amende prévue pour les contraventions de 5e classe.
Un décret en définira les modalités.
2713 - Proposition de loi de M. Claude Goasguen tendant à sanctionner les diverses formes de racolage sur la voie publique (commission des lois).


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