No 3633
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 février 2002.
PROPOSITION DE LOI

visant à autoriser l'exploitation des « machines récréatives à gains limités » dans l'ensemble des établissements classés parmi la catégorie des « débits de boissons et restaurant » et détenteurs d'une licence de quatrième catégorie.
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)
Jeux et paris.

PRÉSENTÉE
par M. Thierry MARIANI,
Député.
EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Contrairement à de nombreux autres pays européens, la législation française, basée sur un texte obsolète du 15 juin 1907 modifié, limite l'exploitation des jeux de hasard (dont font partie les machines à sous) à un nombre limité d'établissements (les casinos) sous réserve de l'autorisation du ministre de l'Intérieur.
En prohibant l'installation des machines à sous mais aussi des « machines récréatives à gains limités » (sortes de « petites » machines à sous) dans les établissements classés parmi les « débits de boissons et restaurant » (cafés, bars, hôtels, restaurants et boîtes de nuit) et détenteurs d'une licence de quatrième catégorie, le gouvernement va à l'encontre du but recherché, à savoir la préservation de l'ordre et de la moralité publique.
En effet, il est de notoriété publique que cette législation restrictive a pour conséquence de générer un trafic de machines illégales, lui-même à l'origine du développement d'une criminalité spécifique et d'une évasion fiscale de large ampleur. Les pertes sont d'ailleurs évaluées, pour le Trésor public, à environ cinq milliards de francs par an (on estime que le gain procuré par ces machines à sous est d'environ 760 € par semaine et par appareil).
Dans une réponse (publiée au Journal officiel du 26 juillet 1999) à une question écrite n° 30206 que j'avais posée le 24 mai 1999, le ministre de l'Intérieur m'a communiqué, à ma demande, des informations confirmant l'ampleur de ces trafics. Ainsi, pour la seule année 1997, 440 machines à sous et 60 « bingos » (appareils ressemblant à des flippers et exploités comme des machines à sous) ont été saisis dans 4 départements. L'année suivante, 205 « bingos », en provenance d'Espagne, ont également été saisis. De manière plus générale, entre 1995 et 1998, les actions menées par les différentes administrations concernées (douanes, gendarmerie et police nationale) ont permis la saisie de 4760 appareils exploités par des réseaux aux ramifications internationales. Actuellement, il y aurait environ 30000 appareils illicites en circulation, dont près de 6000 en Ile-de-France. Compte tenu de la faiblesse des moyens dégagés par les autorités pour lutter contre ces trafics (faute d'effectifs suffisants), on peut raisonnablement en conclure que ces quelques chiffres ne constituent que « la partie émergée de l'iceberg » constitué par un marché parallèle particulièrement dense et bien organisé.
Une note réalisée par le Centre universitaire et juridique de recherche sur les menaces criminelles contemporaines (MCC) n'a-t-elle pas démontré, dans ses conclusions, que la criminalité autour de l'exploitation de machines à sous illégales ne cessait de progresser ? Cette note a également souligné que cette menace était propre à la France, seul pays de l'Union européenne (à l'exception du Portugal où la législation est, dans ce domaine, en pleine évolution) à interdire l'exploitation des « machines récréatives à gains limités » dans les débits de boissons.
Par ailleurs, il est légitime de s'interroger sur la cohérence de la législation actuelle qui crée des situations inéquitables et difficilement justifiables. Par exemple, comment les autorités peuvent-elles, d'un côté, sous le couvert de la Française des Jeux, autoriser la multiplication des jeux d'argent dans les établissements classés dans la catégorie des « débits de boissons et restaurant » (ainsi, la « Française des jeux » a obtenu, en 1999, l'autorisation d'exploiter dans les cafés le « rapido », qui permet aux consommateurs de miser plusieurs dizaines de fois par jour dans une loterie) et, de l'autre, maintenir l'interdiction d'exploiter des machines à sous dans ces mêmes endroits. Ce paradoxe est de plus en plus mal compris par nos concitoyens.
A ce titre, il convient de préciser que si le gouvernement n'a encore pas agi en ce sens, il pourrait être favorable à l'attribution, à la « Française des jeux », de l'exploitation de machines à sous dans les établissements possédant une licence IV. Si une telle initiative venait à se réaliser, cela renforcerait l'incohérence d'un arsenal législatif qui ne saurait, en aucun cas, être justifié par le respect de l'ordre ou de la moralité publique, mais plutôt par la recherche de nouvelles recettes fiscales sans contrepartie pour les établissements exploitants.
En légalisant l'utilisation des « machines récréatives à gains limités » dans l'ensemble des établissements classés parmi « les débits de boissons et restaurant », cette proposition de loi présenterait de nombreux avantages :
- Elle permettrait de mettre un coup d'arrêt radical à des trafics occultes et illégaux qui alimentent les milieux mafieux, voire terroristes, représentent une menace permanente à l'ordre public et provoquent une évasion fiscale non négligeable.
- Elle aurait également pour avantage de renforcer l'attractivité des débits de boissons qui, notamment en zone rurale, représentent un lieu primordial de socialisation et jouent un rôle indispensable dans la revitalisation du centre des villages et des petites villes.
- De plus, en permettant aux débits de boissons d'augmenter leurs recettes, cette proposition de loi faciliterait le dynamisme d'un secteur économique fortement créateur d'emplois. Ainsi, en Allemagne et en Espagne, plus de 60000 emplois ont été créés de cette manière.
- Enfin, cette proposition de loi permettrait de générer des recettes fiscales supplémentaires au bénéfice de l'Etat mais aussi des collectivités territoriales.
Je conclurai en soulignant que cette proposition de loi n'a pas pour intention de transformer ces établissements en lieux exclusifs de jeux sur le modèle des casinos (les gains limités des « machines récréatives » qui seraient autorisées ne pouvant concurrencer les salles de jeux traditionnelles). En outre, ce système serait soumis à un contrôle des autorités compétentes (notamment, un agrément du ministère des Finances) destiné à éviter les abus et assurer le respect de la loi.

PROPOSITION DE LOI
Article unique

L'article 2 de la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard est ainsi rédigé :
« Art. 2. - L'ensemble des établissements classés parmi les « débits de boissons et restaurants » et titulaires d'une licence de quatrième catégorie est autorisé à exploiter des « machines récréatives à gains limités » dont les conditions d'agrément et d'utilisation seront déterminées par décret.
« Un Décret fixera les plafonds de mises et de gains applicables à ces appareils.
« Ces appareils sont soumis à une taxe, due par l'exploitant, fixée à 20% du produit des jeux, après imputation des frais d'amortissement et d'entretien. Agréés par le ministère des Finances, ces appareils sont obligatoirement dotés d'un équipement électronique établissant de manière automatique et contrôlée par les services administratifs compétents l'assiette sur laquelle est calculé le montant de la taxe. Le produit de cette taxe est affecté pour moitié au budget général de l'Etat et pour moitié aux communes, au prorata du produit réalisé sur le territoire de chacune d'elles. »
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N°3633-Proposition de loi de M.Mariani visant à autoriser l'exploitation des « machines récréatives à gains limités » dans l'ensemble des établissements classés « débits de boissons et restaurant » licence de quatrième catégorie.(commission des lois)


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