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N°  3151

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 juin 2001.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN (1) en conclusion des travaux d'une mission d'évaluation et de contrôle constituée le 20 décembre 2000 (2),

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Jean-Louis DUMONT,

Député.

--

MM. AUGUSTIN BONREPAUX ET JEAN-PIERRE DELALANDE, Présidents

M. DIDIER MIGAUD, Rapporteur général


sur
LE LOGEMENT SOCIAL

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

(2) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

Logement.

La Commission des finances, de l'économie générale et du plan est composée de :

M. Henri Emmanuelli, président ; M. Michel Bouvard, M. Jean-Pierre Brard, M. Yves Tavernier, vice-présidents ; M. Pierre Bourguignon, M. Jean-Jacques Jégou, M. Michel Suchod, secrétaires ; M. Didier Migaud, Rapporteur Général ; M. Maurice Adevah-Poeuf, M. Philippe Auberger, M. François d'Aubert, M. Dominique Baert, M. Jean-Pierre Balligand, M. Gérard Bapt, M. François Baroin, M. Alain Barrau, M. Jacques Barrot, M. Christian Bergelin, M. Yves Deniaud, M. Michel Destot, M. Patrick Devedjian, M. Laurent Dominati, M. Julien Dray, M. Tony Dreyfus, M. Jean-Louis Dumont, M. Daniel Feurtet, M. Pierre Forgues, M. Gérard Fuchs, M. Gilbert Gantier, M. Jean de Gaulle, M. Hervé Gaymard, M. Jacques Guyard, M. Edmond Hervé, M. Pierre Hériaud, M. Jean-Louis Idiart, Mme Anne-Marie Idrac, M. Michel Inchauspé, M. Jean-Pierre Kucheida, M. Marc Laffineur, M. Jean-Marie Le Guen, M. Maurice Ligot, M. François Loos, M. Alain Madelin, Mme Béatrice Marre, M. Louis Mexandeau, M. Gilbert Mitterrand, M. Pierre Méhaignerie, M. Jean Rigal, M. Gilles de Robien, M. Alain Rodet, M. José Rossi, M. Nicolas Sarkozy, M. Gérard Saumade, M. Philippe Séguin, M. Georges Tron, M. Jean Vila.

*

* *

La Mission d'évaluation et de contrôle est composée de : MM. Augustin Bonrepaux, Jean-Pierre Delalande, présidents ; M. Didier Migaud, rapporteur général ; MM. Michel Bouvard, Jean-Pierre Brard, Mme Nicole Bricq, M. Alain Claeys, Yves Deniaud, Daniel Feurtet, Gilbert Gantier, Jean-Jacques Jégou, Marc Laffineur, Pierre Méhaignerie, Jean Rigal, Michel Suchod, Yves Tavernier, membres titulaires ; MM. Jacques Barrot, Jérôme Cahuzac, Gilles Carrez, Yves Cochet, Christian Cuvilliez, Laurent Dominati, Jacques Guyard, Pierre Hériaud, membres suppléants.

M. Alain Cacheux, membre de la commission de la Production et des Échanges, a participé à ses travaux.

SOMMAIRE

-

Pages

INTRODUCTION 5

I.- LA POLITIQUE DU LOGEMENT SOCIAL EN PANNE D'EFFICACITÉ 7

A.- ASPECTS STATISTIQUES ET BUDGÉTAIRES 7

B.- UNE CRISE PROFONDE 9

C.- UNE CONJONCTURE PARADOXALEMENT AGGRAVANTE 11

II.- DE MULTIPLES BLOCAGES STRUCTURELS 13

A.- UNE COMPÉTENCE D'ETAT EXERCÉE AVEC DES MÉTHODES SCLÉROSÉES 13

1.- La rigueur budgétaire 13

2.- Une réglementation foisonnante et changeante 15

3.- Des structures déconcentrées peu adaptées 16

4.- Une politique de l'Etat émoussée qui repose sur des financements extérieurs 16

B.- LES STRUCTURES DU MOUVEMENT HLM À MODERNISER 17

C.- L'AVENIR DU 1% LOGEMENT 19

D.- LE RÉGIME DES AIDES EN FAVEUR DE L'HABITAT PRIVÉ 22

III.- DES PROPOSITIONS POUR CONFORTER LE LOGEMENT SOCIAL 23

A.- DÉCONCENTRER LA MISE EN _UVRE DE LA POLITIQUE DU LOGEMENT SOCIAL 23

B.- MIEUX RÉPONDRE À LA QUESTION FONCIÈRE 25

C.- ORGANISER LE PARTENARIAT ENTRE LES ACTEURS 26

D.- RENOUVELER LES MODES DE FINANCEMENT 28

E.- PROMOUVOIR UNE VRAIE POLITIQUE D'ACCESSION SOCIALE À LA PROPRIÉTÉ 29

1.- Ne pas s'engager dans le processus irréversible de « papisation » du prêt à taux zéro (PTZ) 29

2.- Promouvoir une accession très sociale 29

3.- Recentrer les efforts budgétaires et évaluer 30

4.- La vente HLM 30

PROPOSITIONS DE VOTRE RAPPORTEUR 31

EXAMEN EN COMMISSION 33

AUDITIONS 35

1.- Audition de M. Christian Nicol, chef de la Mission interministérielle d'inspection du logement social (MIILOS) 37

2.- Audition de M. Michel Mouillart, professeur des universités 61

3.- Audition de M. Louis-Gaston Pelloux, président de l'Union d'économie sociale pour le logement, accompagné de MM. Jean-Luc Berho, vice-président et Bertrand Goujon, directeur général 79

4.- Audition de M. Bertrand Meary, préfet, directeur régional de l'équipement d'Ile-de-France 93

5.- Audition de M. Paul-Louis Marty, délégué général de l'Union nationale des fédérations d'organismes d'habitations à loyer modéré 105

6.- Audition de Mme Michèle Attar, présidente de la section du cadre de vie au Conseil économique et social 119

7.- Audition de M. Philippe Pelletier, président de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH), et de M. Pierre Pommellet, directeur général 133

8.- Audition de M. Patrick Doutreligne, Secrétaire général du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées et de M. Olivier Nodé-Langlois, Responsable du secrétariat « habitat-ville » du mouvement ATD-Quart monde 147

INTRODUCTION

La Mission d'évaluation et de contrôle de la Commission des finances (MEC) a retenu le logement social parmi les thèmes qu'elle a approfondis au printemps de 2001.

Elle est partie du constat de la diminution, observée depuis presque dix ans, des constructions de logements locatifs sociaux, malgré les efforts très significatifs de l'Etat en faveur des intervenants, pour s'interroger sur les causes structurelles de cette tendance et sur les moyens d'y remédier. Elle a souhaité mener sa réflexion, au-delà de la seule question du logement locatif social, sur la problématique de l'ensemble de la politique du logement en France, dont il convient d'examiner les fondations.

Alors que paraissent continûment des analyses souvent chiffrées sur la situation de tel ou tel secteur du logement social, la mission a souhaité apporter une contribution différente basée sur l'information de terrain des principaux acteurs du logement social, qu'il s'agisse des députés, comme maires ou gestionnaires d'organismes, ou des personnalités qu'elle a entendues.

A cette fin, elle a procédé à trois séances d'auditions les 5 avril 2001, 19 avril 2001 et 17 mai 2001.

La mission a entendu le 5 avril 2001 M. Christian Nicol, actuel chef de la mission interministérielle d'inspection du logement social (MIILOS), dont l'expérience de trente ans dans le secteur du logement résulte des fonctions qu'il a exercées précédemment, de conseiller technique de différents ministres, de directeur du cabinet de M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement de 1998 à 2000, et de directeur de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH). Le même jour, elle a reçu le professeur Michel Mouillart, spécialiste incontournable du logement social.

Le 19 avril 2001, la mission a reçu M. Louis-Gaston Pelloux, président de l'Union d'économie sociale pour le logement, accompagné de MM. Jean-Luc Berho, vice-président, et Bertrand Goujon, directeur général, puis M. Bertrand Meary, directeur régional de l'équipement d'Ile-de-France et enfin M. Paul-Louis Marty, délégué général de l'Union nationale des fédérations d'organismes d'habitations à loyer modéré. Ces trois auditions ont permis à des intervenants essentiels du secteur du logement social de donner leur point de vue, à savoir les collecteurs du 1% logement, le mouvement HLM et le représentant de l'Etat pour l'équipement dans la région parisienne où les problèmes se posent avec une particulière acuité.

Enfin, le 17 mai 2001, la mission a été éclairée par les auditions de Mme Michèle Attar, présidente de la section du cadre de vie au Conseil économique et social, de M. Philippe Pelletier, président de l'ANAH accompagné de M. Pierre Pommellet, directeur général, puis de MM. Patrick Doutreligne et Olivier Nodé-Langlois respectivement secrétaire général du Haut comité au logement des personnes défavorisées et responsable du secrétariat du réseau Habitat-ville du mouvement ATD-Quart monde.

Le présent rapport présente les enseignements qui peuvent être retirés de ces travaux.

Dès à présent, votre Rapporteur souhaite préciser la démarche globale qui l'a guidé. En premier lieu, il convient d'observer que, si le problème essentiel est celui du logement locatif social, l'ampleur des difficultés constatées, notamment du fait de blocages administratifs et budgétaires, invite à proposer des pistes de solutions globales. Le rapport s'intéressera donc aussi à l'action publique en direction du logement social privé, qui a fait l'objet ces dernières années d'un regain d'intérêt et à la question de l'accession sociale. Ce dernier point est essentiel, car la politique du logement social s'inscrit comme une étape d'une trajectoire résidentielle, dans la perspective de l'accession sociale à la propriété.

Comme l'a fort bien exprimé Mme Attar lors de son audition, on peut considérer que l'accession sociale n'a pas à être conditionnée par le mérite supposé de l'accédant, mais constitue un objectif en soi de la politique du logement, compte tenu de ses effets globaux en termes d'intégration et de socialisation.

En effet, l'un des enjeux de la crise actuelle est d'adapter l'action publique aux transformations de la problématique du logement : jusqu'à la fin des années 80, la politique du logement social visait à permettre l'accès à un logement, au moyen d'aides publiques, à des ménages aux revenus faibles ou moyens, dans le respect de critères de ressources. Cette politique quantitative, tendant à faire disparaître la pénurie, a réussi. La perspective nouvelle est celle de la politique sociale du logement, y compris l'action en faveur des plus démunis, la politique de la ville, l'intégration, la sécurité, l'aménagement du territoire.

Il faut cesser de gérer le logement social comme au temps de la pénurie, mais refonder la politique du logement sur la volonté de répondre à une demande diversifiée.

Cet enjeu exige une adaptation des acteurs et, tout d'abord celle de l'Etat, qui a conservé en 1983 la compétence du logement social alors que l'urbanisme était transféré aux communes, mais également celle des autres acteurs, en particulier le mouvement HLM et les gestionnaires du 1% logement.

On ne peut que constater, en premier lieu, le déclin de la construction sociale, perceptible au plan budgétaire, comme sur le terrain, et aggravée paradoxalement par la bonne conjoncture économique depuis 1997. Il convient donc de mettre en évidence les multiples blocages à l'origine de ce déclin : une compétence d'Etat très mal exercée en raison de certains travers bureaucratiques et de la contrainte budgétaire, pesante et insidieuse, un mouvement HLM trop peu dynamique dans son ensemble et dont les structures sont à revoir, et un secteur du 1% logement dont la réorganisation doit être accélérée. Enfin votre rapporteur formulera des propositions tendant à refonder la politique du logement social.

I.- LA POLITIQUE DU LOGEMENT SOCIAL EN PANNE D'EFFICACITÉ

Le déclin de la politique du logement social se manifeste sous différents aspects, en premier lieu, à l'analyse des statistiques physiques et budgétaires, ensuite par des constatations de terrain ; enfin on observe que le phénomène a été paradoxalement aggravé par la bonne conjoncture économique depuis 1997.

A.- ASPECTS STATISTIQUES ET BUDGÉTAIRES

Chaque année, les rapports et avis budgétaires des commissions compétentes des assemblées parlementaires sur le projet de loi de finances font le point sur la politique de construction de logements locatifs sociaux. Les tableaux ci-après, actualisés avec les données les plus récentes, mettent en évidence un déclin des constructions depuis 1993.

 

FINANCEMENTS LOCATIFS AIDÉS AU 31/12/2000

 

Nombre d'agréments DDE

1998

1999

2000

2000/99

Programme budgétaire

1999

2000

PLA PLUS

42.500

38.400

31.900

- 17%

58.000

55.000

PLA d'intégration

3.600

3.800

5.100

+ 34%

10.000

5.000

PLA CFF PPLS

5.000

4.900

4.000

- 18%

7.000

8.000

PLA démolition

400

600

1.600

+ 180%

5.000

2.000

TOTAL

51.400

47.600

42.600

- 11%

80.000

70.000

Palulos

156.000

125.000

122.000

- 2%

120.000

120.000

Source : « Actualités HLM » n°700 du 15 mars 2001.

 

ÉVOLUTION DU PROGRAMME PLA

 

Année

PLA prévus au budget

PLA financés (neuf et acquisition-accession)

PLA mis en chantier(neuf)

PLA normaux

PLA sociaux

Total

1993

88.000

13.000 PLA-I

101.000

92.868

72.000

1994

80.000

20.000 PLA-TS

100.000

89.324

72.500

1995

60.000

28.000 PLA-TS

88.000

66.440

60.000

1996

60.000

20.000 PLA-TS

80.000

60.051

54.000

1997

50.000

30.000 PLA-TS

80.000

59.911

45.600

1998

50.000

30.000 PLA-LM et PLA-I

80.000

51.415

44.000

1999

50.000

30.000 PLA-LM et PLA-I

80.000

47.695

42.500

Source : Secrétariat d'Etat au logement.

 

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EFFORT PUBLIC EN FAVEUR DU LOGEMENT (hors collectivités locales) (DO+ CP ouverts en LFI en millions de francs )

 

1997

1998

1999

LFI 2000

PLF 2001

Aide Personnalisée au Logement (APL)

13.370

14.580

16.554

15.800

15.000

Allocation de logement à caractère social (ALS)

16.360

18.575

18.075

18.545

20.000

Fonds de solidarité pour le logement, aide au logement temporaire, fonds d'aide aux accédants en difficulté

450

457

685

720

720

Total aides budgétaires à la personne

30.180

33.612

35.314

35.065

35.720

Anciennes aides aux HLM et à l'accession

516

500

350

271

186

Prêts aidés pour l'accession à la propriété (PAP)

819

263

295

63

54

Fonds de garantie de l'accession sociale (FGAS)

400

260

300

425

370

Prêt à 0%

7.000

6.640

6.270

5.897

5.865

Construction et amélioration de l'habitat (Ligne fongible)

3.575

3.205

2.888

2.724

2.996

Amélioration de l'habitat (ANAH+PAH+RHI)

2.682

2.902

3.009

3.079

2.746

Aide au logement dans les DOM

463

569

897

918

950

Compte d'affectation spéciale Ile-de-France

565

510

490

0

0

Opérations sociales et divers

199

368

298

380

320

Total aides budgétaires à la pierre

16.219

15.216

14.797

13.757

13.487

Epargne-logement

6.000

8.100

8.100

7.500

9.000

Compensation de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB)

620

450

295

200

200

Compensation de la réduction des droits de mutation à titre onéreux (part logement)

   

3.700

8.352

8.638

TOTAL AIDES BUDGETAIRES

53.019

57.378

62.206

64.874

67.045

Réduction d'impôt des propriétaires occupants

10.100

10.960

10.600

7.970

3.900

Régime TVA des travaux dans les locaux à usage d'habitation

   

4.300

20.000

20.200

Réduction d'impôt des propriétaires bailleurs

8.000

9.460

10.040

11.500

12.080

Exonération des intérêts et primes des comptes et plans d'épargne logement (CEL et PEL)

7.800

8.800

8.800

10.300

10.900

Exonération des organismes HLM de l'impôt sur les sociétés (IS)

1.400

1.300

1.700

1.700

1.700

Régime TVA des terrains à bâtir pour la construction de logements sociaux

670

400

330

320

310

Régime TVA sur la construction, l'aménagement ou la vente de logements sociaux

1.200

2.100

4.000

4.700

4.400

Exonération de l'IR des intérêts livret A - part logement

4.000

3.900

3.800

3.100

3.100

Total dépenses fiscales

33.170

36.920

43.570

59.590

56.590

1% logement (Total des emplois à long terme)*

12.470

12.127

11.755

13.000

14.000

Contribution des régimes sociaux au financement de l'AL et de l'APL*

36.639

37.723

39.026

40.918

42.302

Contribution des employeurs au FNAL*

8.557

9.059

9.881

9.438

10.200

TOTAL AIDES NON BUDGETAIRES

90.836

95.829

104.232

122.946

123.092

TOTAL GENERAL

143.855

153.207

166.438

187.820

190.137

Progression année n-1

- 0,2%

6,5%

8,6%

12,8%

1,2%

*Estimations pour 2000 et 2001

Sur un plan plus global, les aides publiques au logement, selon les informations transmises au Parlement dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2001, s'élèvent à un montant de l'ordre de 190 milliards de francs (tableau joint).

Ces éléments statistiques sont intéressants même s'ils sont lacunaires, puisqu'ils ne prennent pas en compte les concours des collectivités locales, dont on sait qu'ils sont très difficiles à évaluer, mais essentiels (apport de foncier et garantie). L'affirmation, dans un rapport de séminaire récent de l'ENA (1), que les collectivités locales n'interviendraient dans le financement du logement qu'à hauteur de 6 milliards de francs ne semble pas réaliste. Pour le reste, on peut constater que la croissance de l'effort public est essentiellement due aux aides non budgétaires. Les aides à la personne n'augmentent plus depuis le retour à la croissance économique et l'amélioration de la situation des ménages. Le déclin des aides à la pierre est manifeste, la dotation en crédits de paiement, de 16.219 millions de francs en loi de finances initiale pour 1997 a régressé à 13.487 millions de francs en loi de finances pour 2001. Le maintien des primes à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale (PALULOS) à un niveau élevé n'est peut-être pas un bon signe en ce qu'il peut s'interpréter comme témoignant de l'insuffisance des démolitions-reconstructions et de la faiblesse de la construction de logements neufs. Elle est la traduction budgétaire de la crise du logement social, dont la perception est vive sur le terrain.

B.- UNE CRISE PROFONDE

Le développement de la vacance dans les logements sociaux a été souligné par MM. Nicol et Mouillart : elle atteint 3% à la fin de l'année 2000 et reste très concentrée puisqu'un quart des logements vacants se trouvent dans 1,5% du parc. Ce phénomène, récent selon M. Nicol, a des explications variées : un environnement urbain répulsif selon plusieurs députés membres de la mission ou une qualité des logements insuffisante selon M. Mouillart. Certaines sociétés anonymes d'HLM ont recours aux petites annonces pour placer leurs logements, ce qui est révélateur de l'inadaptation d'une fraction de l'offre à la demande.

L'amorce de développement des démolitions-reconstructions témoigne de l'insuffisance d'une partie du parc existant au regard des normes élémentaires de logement communément admises en 2001. On peut se satisfaire de l'augmentation des indicateurs de confort, d'un recensement à l'autre, ou d'enquête-logement en enquête-logement (M. Nicol), ou bien considérer, somme toute, que ces améliorations doivent être mises au regard de l'évolution des critères de confort (M. Mouillart), qui sont différents de ceux d'il y a 50 ans. Le rythme actuel des démolitions, de 5000/7000 par an, devrait augmenter pour atteindre 20.000/30.000 logements par an sur les 20 prochaines années. Ces opérations indispensables ont été retardées longtemps du fait des réticences de l'administration (M. Nicol) aujourd'hui moins fortes. Elles apparaissent comme un objectif du Gouvernement, mais pourraient être contrariées par un financement insuffisant, compte tenu de leurs effets sur la péréquation dans les comptes des organismes (M. Marty). La qualité du logement ou/et celle de l'environnement est donc essentielle. Il ne peut plus y avoir de politique du logement sans politique de la ville, sans prise en compte des abords.

La crise profonde du logement social s'exprime aussi par l'incapacité des systèmes actuels à assurer le logement des plus démunis. Ainsi certains maires sont amenés à faire construire des logements qui leurs sont destinés hors des procédures prévues pour la construction de logements sociaux (Le Président Delalande), les cas les plus lourds étant pris en charge par le milieu associatif (M. Nodé-Langlois).

Dans un autre registre, les mécanismes d'accueil des gens du voyage ne semblent pas toujours adaptés à leurs spécificités, le véritable problème étant celui de la sédentarisation (Le Président Delalande) et non celui de la création d'aires de stationnement. La question de la sédentarisation saisonnière n'est pas réglée.

La recherche de la mixité sociale est certainement un objectif de la politique de la ville, mais sa définition est imprécise, et la réalisation de la mixité se heurte à celle d'autres objectifs de la politique du logement. La demande déteste ce qui ne lui ressemble pas (M. Mouillart). Comme la réalisation de la mixité suppose le logement commun de populations diverses, cet objectif se heurte aux contraintes financières inhérentes aux normes de confort élevées qui renchérissent les coûts de construction. L'existence de plafonds de ressources, sans parler des surloyers (« supplément de loyer de solidarité ») dont les barèmes ont été réduits, est directement en contradiction avec l'objectif de mixité.

Comme le souligne, à juste titre, l'Union des HLM (UNHLM), « s'il est normal qu'une plus grande complexité sociale se traduise par une exigence multiple à l'égard des acteurs du logement social, on peut craindre que cette exigence multiple finisse, faute de priorités, voire par excès de priorités, par nuire à l'efficacité immédiate et à la lisibilité des politiques engagées. Ainsi on demande aux acteurs du logement social de produire plus de logements et en même temps de réaliser l'accueil des démunis dans la mixité (sans définir précisément ces deux termes), de procéder à des répartitions de ménages de revenus différents dans des proportions prédéterminées dans chaque immeuble et de garantir le maintien de cette répartition dans le temps. On leur demande aussi de lutter contre les ghettos sans exporter les problèmes sociaux dans les autres quartiers, d'empêcher les concentrations ethniques sans discriminer. »

Ainsi la recherche de mixité contrarie l'accès au logement social des immigrés, comme l'a souligné un très récent rapport du groupe d'études et de lutte contre les discriminations (GELD).

D'autres phénomènes de micro exclusion résultent de l'application mécanique des barèmes. Les salariés de l'Ile-de-France en limite de plafond de ressources pour l'aide personnalisée au logement sont soumis à un taux d'effort de l'ordre de 38% (M. Guyard), ce qui les exclut du parc conventionné : le logement social loge plus facilement les plus démunis que les demandeurs aux revenus moyens à faibles. Les statistiques mettent en évidence la part croissante des ménages à très bas revenus, 66% des emménagés récents ont des revenus inférieurs à 60% du plafond et, chaque année, le quart des attributions va à des ménages qui ne dépassent pas 20% des plafonds de ressources, selon l'UNHLM.

Aujourd'hui, l'image de marque des HLM, marquée par la dérive de certains quartiers d'habitat populaire et un urbanisme contesté, est devenue négative, alors qu'il y a 30 ans, l'accès à un logement locatif social signifiait une promotion sociale et revêtait un caractère gratifiant. L'implantation d'un logement d'accueil en centre ville peut déclencher des réactions d'hostilité forte (le Président Delalande). Pourtant, selon les témoignages concordants de plusieurs députés membres de la mission, les problèmes sont le fait d'un nombre limité de familles créatrices de difficultés, aux handicaps de comportement lourds, et dont l'insertion sociale mériterait un traitement adapté et non pas le placement forcé par le préfet sur ses droits de réservation.

C.- UNE CONJONCTURE PARADOXALEMENT AGGRAVANTE

Le renouveau de croissance, depuis le milieu de l'année 1997, n'est pas sans incidence sur les deux composantes principales affectant le logement, les coûts de la construction et le prix du foncier. Le lancement du prêt locatif à usage social (PLUS) à la fin de l'année 1999 a été précédé par des mesures très favorables au logement social : principalement le réaménagement de la dette HLM et l'extension à 50 ans de la durée d'amortissement des prêts locatifs pour la partie foncière, auxquelles s'ajoutent les dispositions fiscales de lois de finances successives (application du taux réduit de TVA aux travaux d'entretien, allégement de la taxe foncière sur les propriétés bâties des logements sociaux...). Ainsi le PLUS, même en nécessitant des financements complémentaires du 1% logement et des collectivités locales, aurait pu trouver son équilibre de financement (2). Votre Rapporteur a déjà considéré, dans son rapport spécial sur les crédits du logement inscrits au projet de loi de finances pour 2001 (n°2624, annexe 25), que l'absence de relance du logement social s'explique par l'envolée des prix de la construction, dynamisme favorisé par l'activité soutenue du secteur, stimulée par des mesures fiscales récentes (taux réduit de TVA, droit de bail, droits d'enregistrement) et des événements fortuits (ouragans de décembre 1999). On peut y ajouter la pression accrue des prix du foncier, qui, après la crise du début des années 90, sont repartis à la hausse.

Les effets de la conjoncture contribuent donc à freiner l'investissement d'organismes HLM dont la situation financière, de manière générale, est saine, selon M. Nicol. Le chef de la MIILOS précise que la capacité d'épargne des organismes, est de 10% pour les sociétés anonymes d'HLM et de 6 % pour les offices d'HLM. Dans les projections ou les simulations réalisées à l'occasion de chaque contrôle d'organisme, les inspecteurs de la MIILOS constatent que cette situation est encore amenée à s'améliorer, de manière générale.

De multiples blocages, de nature structurelle, expliquent fondamentalement le déclin du logement social.

II.- DE MULTIPLES BLOCAGES STRUCTURELS

Les principaux acteurs de la politique du logement social n'ont pas encore su s'adapter aux transformations d'une demande diversifiée, exigeante, et plurielle. Le principal facteur de blocage est sans conteste l'Etat.

A.- UNE COMPÉTENCE D'ETAT EXERCÉE AVEC DES MÉTHODES SCLÉROSÉES

1.- La rigueur budgétaire

La contrainte budgétaire est constante et insidieuse, car elle s'exprime dans le domaine du logement autant, voire davantage, en pesant sur les critères d'éligibilité, que par la régulation budgétaire classique pratiquée dans les autres départements ministériels. La méthode porte un nom : c'est la « papisation ». Le prêt aidé pour l'accession à la propriété (PAP) est mort progressivement, dans les années 80, en raison de la non-réévaluation des critères d'éligibilité, qui a eu pour effet de raréfier la distribution du produit et donc son coût budgétaire.

Le prêt à taux zéro, créé en septembre 1995, supporte, depuis 1996, des mesures de « papisation ». Plusieurs mesures réglementaires dites « techniques » en ont réduit la portée, en octobre 1996, octobre 1997, décembre 1999, septembre 2000, avec la diminution des durées d'amortissement et la réservation du produit aux primo-accédants. En même temps, les différents plafonds (ressources, prix maximaux d'opérations, montant de prêt) sont restés inchangés depuis l'origine. Votre Rapporteur, dans le cadre de son analyse des crédits du logement, a pu mesurer les effets de cette politique en concluant que l'« on constate donc que des seules considérations de gestion budgétaire, d'autant moins motivées que la situation des finances publiques est bonne, ont conduit à réduire le coût de l'accession sociale de plus de 1 milliard de francs, par rapport aux exercices 1997 et 1998. »

Un exemple de limitation d'un avantage par l'absence de prise en compte de la réalité économique dans un barème est donné par le forfait charges retenu pour le calcul de l'aide personnalisée au logement. Il a été souvent cité lors des auditions. Le forfait est fixé (sauf pour un coemprunteur isolé) uniformément à 300 francs augmentés de 66 francs par personne à charge. L'UNHLM conteste la faiblesse de cette base qui ne prend en aucune manière en compte les variations de dépenses (par exemple sur les produits pétroliers) ni la réalité des charges, probablement plus du double, ni les nouvelles demandes (sécurité, ordures ménagères...).

Les barèmes ont donc un impact direct sur les charges budgétaires de l'Etat et sur le bouclage des plans de financement. C'est si vrai que le plan gouvernemental pour le logement social du 7 mars 2001 a non seulement agi sur les taux de subvention mais prévu également d'« augmenter les valeurs de base de 10%, ce qui permet de rattraper le retard sur l'inflation », et le dossier de presse du secrétariat d'Etat au logement d'expliquer que « les valeurs de base, qui servent d'assiette aux subventions aux PLUS et aux PLA-I, sont indexées sur l'indice du coût de la construction, qui traduit mal de telles évolutions. Entre 1996 et 1999, le prix de revient des logements collectifs neufs a progressé de 14% en moyenne. Dans le même temps, les valeurs de base n'ont été réévaluées que de 3,6% ».

La contrainte budgétaire peut prendre un tour plus classique et brutal : dans le cadre du projet de loi de finances pour 1997, le gouvernement d'alors avait décidé de cantonner dans un nouveau compte d'affectation spéciale n°902-29 « Fonds pour le logement des personnes en difficulté » des postes de dépenses fort dynamiques (Fonds de solidarité pour le logement, aide aux associations logeant des personnes défavorisées) adossés à une recette nouvelle fort incertaine, le produit de la contribution sur les logements sociaux. Le résultat a été à la hauteur de la méthode employée, les recettes s'élevant à 256 millions de francs au lieu des 450 millions de francs prévus et un abondement d'urgence à partir du budget général s'est avéré indispensable.

La direction du budget est donc, probablement davantage que pour d'autres politiques publiques, maîtresse de la politique du logement, et non l'administration réputée compétente en la matière, à savoir la direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction (DGUHC). Mais la main droite peut contrarier ce que fait la main gauche, et il y a plus d'une direction au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Alors que les services du budget s'efforcent constamment de faire des grandes et des petites économies, un mécanisme de subvention, mis en place par la direction du Trésor, continue d'alimenter, année après année, sans nécessité immédiate, la société de gestion du fonds de garantie de l'accession sociale (SGFGAS). Créée en 1993, la SGFGAS disposait, au 31 mars 2001, de 6,12 milliards de francs inscrits au fonds de garantie FGAS, lequel n'avait eu à supporter qu'environ 8 millions de francs de sinistres pris en charge, depuis l'origine.

Dans le même ordre d'idée, il est souhaitable de s'interroger sur l'impact réel de l'épargne logement sur la politique du logement au regard de son coût en termes de primes d'Etat et d'exonération fiscale des intérêts servis. Son encours, d'environ 1.400 milliards de francs, représente globalement la moitié de l'épargne administrée alors que l'épargne logement n'est pas exempte de critiques : elle est socialement aveugle à l'égard de l'épargnant et constitue un produit d'épargne attractif pour les gros revenus avec un taux de 4,25% et un plafond de dépôt de 400.000 francs pour les plans. Le mécanisme du plan d'épargne logement (PEL) avantage donc les épargnants en mesure de mobiliser une épargne financière abondante et stable ; il constitue en cela une niche fiscale d'autant plus spacieuse que les revenus du ménage sont élevés. Elle est également socialement aveugle à l'égard de l'emprunteur et les analyses montrent que la mobilisation du prêt d'épargne logement est d'autant plus fréquente que le revenu est élevé. Enfin, l'épargne logement est économiquement peu sélective, puisque l'utilisation du prêt est très large et permet de financer la résidence secondaire, la construction ancienne, voire les travaux de tiers en cas de cession de droits. En moyenne, moins d'un tiers des plans donne lieu à des prêts. Le coût de l'épargne logement pour les finances publiques est très élevé : 6.437 millions de francs pour les seules primes des PEL et 631 millions de francs pour celles des comptes en 1999. Il s'y ajoute l'allégement fiscal correspondant à l'exonération des intérêts des primes des plans et des comptes d'épargne logement, évalué à 10,9 milliards de francs par le projet de loi de finances pour 2001 (voir le tableau ci-dessus).

Pour la mise en _uvre de la politique du logement, le maître des finances (budget, trésor) n'est pas le décideur (DGUHC), lequel est éloigné des instances déconcentrées d'instruction des dossiers mais pourtant assure la plus grande part des engagements budgétaires. Le contrôleur financier, dans son rapport sur l'exécution du budget de 1999 de la section « Urbanisme et logement » des crédits de l'Equipement, a observé que « la déconcentration de la dépense demeure toujours aussi faible : les dépenses ordinaires sont presque entièrement engagées par l'administration centrale, qui affecte aussi 79% des autorisations de programme ». Le deuxième facteur de blocage est donc dans l'excessive centralisation des dossiers qui « remontent » trop souvent à Paris. Lorsqu'un ministre prévoit que les décisions sur les projets de démolition de moins de 100 logements sont de la compétence du préfet de département, il n'empêche que l'examen au moins partiel des dossiers de reconstruction associés oblige à un traitement en administration centrale.

Les délais de programmation des constructions et d'examen des dossiers sont donc excessivement longs et dépendent de la circulaire annuelle de programmation. Les lenteurs administratives et la complexité des normes contribuent à expliquer la lenteur des agréments délivrés par les directions départementales de l'équipement pour l'attribution de prêts PLA/PLUS. Ainsi en 2000, sur 42.300 agréments, 2.430 avaient été délivrés au 30 avril et 8.707 au 30 juin, les décisions sur dossiers étant concentrées en fin d'année. Si l'année 2000 est particulière, dans la mesure où la hausse du taux des prêts consécutive à celle des taux administrés a contraint les organismes à réexaminer les dossiers, les résultats pour 1999 ne sont guère meilleurs : sur 47.600 agréments, 3.319 avaient été délivrés au 30 avril et 9.236 au 30 juin.

Le secrétaire d'Etat au logement M. Louis Besson avait illustré cette difficulté lors de son audition par la Commission des finances de l'Assemblée nationale le 24 juin 1998, en précisant que 105 prêts locatifs aidés seulement avaient été financés au premier trimestre de 1998 pour l'ensemble de la région Provence-Alpes-Côte d'azur.

2.- Une réglementation foisonnante et changeante

A la contrainte budgétaire s'ajoute un excès de réglementation dont tous les intervenants ont souligné la lourdeur. Le montage des dossiers de constructions de logements est extrêmement complexe compte tenu des normes techniques et des conditions détaillées d'occupation. On pourrait en donner de multiples exemples, mais votre Rapporteur limitera son propos à trois problèmes inhérents à la production législative récente. En effet, comme l'a fort bien expliqué le Président Jean-Pierre Delalande à l'occasion de l'audition de M. Meary, le Gouvernement maîtrise suffisamment la procédure législative pour devoir et pouvoir veiller à ce que les textes adoptés (législatifs ou réglementaires) soient techniquement applicables.

Le 8 novembre 2000 seulement sont parus le décret et l'arrêté permettant d'appliquer l'article 56 de la loi d'orientation et de lutte contre les exclusions, du 29 juillet 1998, relatif au numéro unique départemental d'enregistrement des demandes de logements locatifs sociaux. Différentes auditions, principalement celle de M. Meary, ont montré que la procédure retenue ne peut s'adapter de façon pertinente au cas de l'Ile-de-France, région pour laquelle pourtant le numéro unique avait précisément été conçu à titre principal.

S'agissant de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, du 13 décembre 2000 (dite loi SRU), votre Rapporteur s'était opposé à la mise en place, par l'article 164 de cette loi, d'une nouvelle structure de garantie, la société de garantie des opérations d'accession à la propriété, à partir du démembrement de la caisse de garantie du logement social (CGLS). Compte tenu de la mise en _uvre de la seconde mesure un an avant la première, les organismes HLM qui font de l'accession ne bénéficient plus de garantie entre le 1er janvier et le 31 décembre 2001.

Les études préliminaires à la constitution de cette innovation législative n'ont pas manqué de souligner nombre d'obstacles, accentuant, s'il le fallait, le sentiment que la volonté de dissocier strictement activité locative et activité en accession pratiquées par les mêmes organismes était le fruit d'esprits peu au fait des réalités du mouvement HLM.

Enfin M. Gilles Carrez a posé au directeur de l'équipement de la région Ile-de-France, M. Meary, une question très précise sur la coordination entre les nouvelles réglementations d'urbanisme et les anciennes, notamment au sujet des anciennes zones d'aménagement concerté (ZAC). On attend toujours la réponse ...

Aux blocages budgétaires et à l'excès de réglementation s'ajoute l'inadaptation des structures déconcentrées de l'Etat qui ont la charge, au plus près du terrain, de mettre en _uvre la politique du logement social.

3.- Des structures déconcentrées peu adaptées

Le rapport de l'ENA précité sur l'interministérialité au niveau local en matière de logement social insiste sur l'inconvénient de l'éclatement des compétences entre les acteurs pour la mise en _uvre locale de la politique du logement social. Ainsi le préfet est « un chef de file aux marges de man_uvre restreintes dans le domaine du logement social », bien qu'il dispose de nombreux pouvoirs. Il semble pourtant peiner à mobiliser des services éclatés entre la direction départementale de l'équipement (DDE), la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) et le bureau logement de la préfecture. De manière plus concrète, la préfecture de l'Essonne n'arrive pas à régler ses problèmes informatiques et le niveau pertinent de discussion de l'administration n'est pas au rendez-vous, alors que, selon M. Meary, le système informatique des préfectures de l'Ile-de-France est différent de celui du reste du pays.

4.- Une politique de l'Etat émoussée qui repose sur
des financements extérieurs

Le tableau de l'effort public en faveur du logement, présenté ci-dessus, met en évidence que la majeure partie du financement du logement n'est pas budgétaire mais ressortit soit du domaine des « dépenses fiscales », concept intéressant mais peu précis, soit de financements extérieurs à l'Etat. En projet de loi de finances pour 2001, les aides budgétaires ne représentent, pour un domaine de la compétence de l'Etat, que 67 milliards de francs sur 190 milliards de francs (35,26%). Encore convient-il d'observer que ces montants comprennent 9 milliards de francs pour les primes et intérêts de l'épargne logement et 8,8 milliards de francs de compensations d'allégements fiscaux qui paraissent plutôt relever du domaine de la politique générale du Gouvernement (droits de mutation et taxe foncière sur les propriétés bâties). Le poids des dépenses fiscales, de 56,6 milliards de francs en 2001, est en très forte croissance (33 milliards en 1997). On peut relativiser un phénomène dont l'explication réside, pour l'essentiel, dans l'application du taux réduit de TVA aux travaux d'entretien, mais observer toutefois que l'Etat a tendance à utiliser l'outil fiscal plutôt qu'une administration dont il connaît les lourdeurs.

Les financements extérieurs obligés, maintes fois évoqués lors des auditions, sont principalement ceux du 1% logement et ceux des collectivités locales. Leur évaluation précise n'a pas encore été réalisée. L'approche micro-économique de ce phénomène a été menée dans plusieurs analyses : on retiendra les travaux de M. Gilles Horenfeld (3)ou la contribution aux travaux de la mission présentée par l'UNHLM, qui a tenté de mesurer les besoins en « fonds gratuits », à savoir les financements complémentaires du 1% logement, des collectivités locales ou sur fonds propres des organismes HLM.

Les multiples blocages déjà évoqués ont pour effet d'émousser la politique de l'Etat, ou, selon l'expression employée par le Rapporteur général, M. Didier Migaud, la volonté politique affichée par le Gouvernement en faveur du logement social. On se contentera d'en donner deux exemples budgétaires : comme la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions avait décidé d'augmenter le rôle des fonds de solidarité pour le logement (FSL), les crédits avaient été majorés notamment en loi de finances initiale pour 1999 et en loi de finances initiale pour 2000. La très faible consommation de ces crédits, donc le montant considérable des reports d'un exercice à l'autre, a justifié des annulations substantielles en novembre 1999 et, au 31 décembre 2000, la consommation n'a atteint que 527 millions de francs pour plus de 600 millions de francs de disponible.

Les crédits de lutte contre le saturnisme, objectif phare du Gouvernement depuis 1998, ne sont pas consommés : 2,344 millions de francs engagés au 31 décembre 2000 sur 103,895 millions de francs de disponible, dont 28,895 millions de francs reportés des exercices antérieurs. Ces crédits viennent de faire l'objet d'une annulation de 50 millions de francs par l'arrêté du 21 mai 2001. La définition de la politique de l'Etat en matière de logement social, qui ne peut être menée qu'en partenariat avec les collectivités locales, le 1% logement et les associations, subit l'effet émollient de ses propres structures. C'est sur l'administration d'Etat, pour l'essentiel, que le remède doit être porté, même si les autres partenaires du logement social peuvent aussi améliorer leurs interventions.

B.- LES STRUCTURES DU MOUVEMENT HLM À MODERNISER

Le mouvement HLM, principal partenaire de l'Etat et des collectivités locales pour la mise en _uvre de la politique du logement social, constitue une constellation d'opérateurs aux statuts juridiques divers, hérités de l'histoire, et dont les spécificités sont moins fortes qu'auparavant.

On distingue traditionnellement :

- les offices publics d'HLM, au nombre de 207 en 2000, qui sont des établissements publics administratifs communaux ou départementaux ;

- les offices publics d'aménagement et de construction (OPAC), au nombre de 85 en 2000, qui sont des établissements publics industriels et commerciaux rattachés à une ou plusieurs collectivités locales ;

- les sociétés anonymes et fondations d'HLM (331 en 2000), qui sont régies par le droit des sociétés, mais soumises à certaines particularités, comme la limitation de la distribution des dividendes et la « règle des 10 voix » qui prévoit que « le nombre de voix dont dispose un actionnaire dans les assemblées est limité à un maximum de 10, qu'il agisse en son nom propre ou en tant que mandataire d'un ou plusieurs autres actionnaires » (article 9 des statuts types des SA d'HLM). Cette situation empêche l'identification, voire l'intervention d'un actionnariat fort et identifié ;

- les sociétés coopératives d'HLM (157 en 2000), qui ont pour vocation première la réalisation et la gestion de programmes de construction en accession, mais qui ont la faculté de réaliser des opérations de construction locative ;

- les sociétés anonymes de crédit immobilier SACI (102 en 2000), qui ont, par l'intermédiaire de filiales non HLM, pour activité l'octroi de prêts et la réalisation de constructions destinées à l'accession.

Il s'ajoute à ces catégories les sociétés d'économie mixte intervenant dans le logement social et les associations agréées dans le cadre de la loi du 31 mai 1990 dite loi Besson.

Il est clair, comme l'ont souligné les auditions, et particulièrement celles de MM. Nicol et Mouillart, que le nombre élevé d'organismes (par l'émiettement du patrimoine et le nombre des interlocuteurs) freine le dynamisme et rend difficile la coordination des acteurs locaux. Ainsi à Evry, 29 organismes HLM sont susceptibles d'intervenir.

Cette situation est génératrice d'inégalités entre les grands et petits organismes, ceux dont la structure financière est saine et les autres (même si leur situation est globalement bonne et va en s'améliorant - audition de M. Nicol-), ceux qui conservent une compétence de maîtrise d'ouvrage et ceux qui ne l'ont jamais eue ou qui l'ont perdue parce qu'ils ne construisent plus (audition de M. Nicol). On peut ajouter que les sociétés anonymes d'HLM filiales de collecteurs du 1% logement ont un accès privilégié au produit de cette collecte (audition de M. Nicol) à la différence des autres, et elles représentent un bon tiers du patrimoine des SA (audition de M. Pelloux).

Dès lors, les contraintes de gestion patrimoniale ont pu prendre le pas sur la vocation sociale des organismes à investir dans des opérations éventuellement mal équilibrées. L'attitude des HLM a pu être jugée décevante parce que « défensive » sur la question du logement des plus démunis (audition de M. Doutreligne) .

On peut même considérer, comme le président d'une fédération d'organismes HLM, que certains d'entre eux sont « dodus » mais, malheureusement « dorment ». L'Union nationale qui fédère ces différentes structures joue un rôle pratique dont les limites ont été rappelées à l'occasion du plan de relance de l'automne 1999. Les « contrats locaux de relance » annoncés par le président de l'UNHLM sont restés pratiquement sans effet.

La spécialisation caractérisant autrefois les différentes familles d'organismes est moins rigide qu'avant : ainsi les offices (OPHLM et OPAC), dont la vocation principale est la construction et la gestion de logements locatifs sociaux peuvent exercer de nombreuses compétences dérogatoires comme la gestion d'immeubles d'organismes sans but lucratif. Ces dérogations ont été étendues par la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Egalement, les sociétés coopératives de production d'HLM peuvent réaliser des opérations de construction locative, la loi SRU ayant supprimé le régime d'autorisation administrative préalable auquel elles étaient soumises avant son intervention.

Il convient donc de s'interroger sur le maintien de spécificités statutaires, surtout pour les SA d'HLM et les SACI : pour les premières, la « règle des 10 voix », précédemment évoquée, peut apparaître comme un obstacle à la restructuration du secteur, pour les secondes, un rapprochement de leur activité bancaire avec celle du groupe des caisses d'épargne mérite d'être examiné.

Il faut toutefois garder à l'esprit que les réponses à ces interrogations sont susceptibles de provoquer un véritable changement de nature des organismes d'HLM. Le recours à des techniques de capitalisation de droit commun coexistera, en effet, difficilement dans le temps avec ce qui subsistera du principe de lucrativité limitée applicable aux sociétés d'HLM : plafonnement des dividendes, indisponibilité des réserves et du patrimoine.

En conséquence, il est sans doute opportun de rechercher des réponses opérationnelles et concrètes à court et moyen termes, permettant de mieux identifier les actionnaires de référence (qui gère ?) et d'éviter les cooptations alimentaires.

Aussi, il nous paraît plus opérant de rechercher les solutions concrètes aux questions qui font consensus :

- comment diminuer le nombre de bailleurs sur un même site d'intervention ?

- comment mieux mobiliser les moyens financiers des constructeurs sociaux « riches » et « pauvres », entre « actifs » et « inactifs » ?

C.- L'AVENIR DU 1% LOGEMENT

Les organismes collecteurs du « 1% logement » (0,45% de la masse salariale en fait) sont alimentés par les contributions versées par les entreprises au titre de la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC) ; ils ont pour vocation d'employer ces fonds pour le logement de leurs salariés. On distingue les comités interprofessionnels du logement (CIL), au nombre de 135 au 31 décembre 1999, 37 chambres de commerce et d'industrie (CCI), 33 sociétés anonymes de crédit immobilier (SACI), une société immobilière filiale de la SNCF et une caisse d'allocations familiales.

Les ressources à long terme annuelles des collecteurs s'élevaient, au 31 décembre 1999, à environ 16 milliards de francs soit 7 milliards de collecte et 9 milliards de remboursements de prêts à long terme. Les collecteurs du 1% logement ont supporté des prélèvements destinés au budget de l'Etat, de 994 millions de francs en 1995, 942 millions de francs en 1996, 7.724 millions de francs en 1997, 7.549 millions de francs en 1998, et 6.575 millions de francs en 1999. Le prélèvement pour 2000 avait été estimé à 5.180 millions de francs en loi de finances initiale ; selon les états de recettes de la direction générale de la comptabilité publique, les recettes nettes ont atteint 5.069 millions de francs au 31 décembre 2000. En 2001, le prélèvement alimentant le budget général était estimé à 3.520 millions de francs par la loi de finances initiale.

En 2002, il devrait atteindre 1.800 millions de francs pour les seuls associés membres de l'Union d'économie sociale pour le logement (il s'y ajoute celui des non associés) et disparaître en 2003. Sur huit ans, le total des prélèvements devrait être compris entre 32 et 33 milliards de francs.

Les CIL et les chambres de commerce sont regroupés, depuis 1997, dans l'Union d'économie sociale pour le logement (UESL), qui fédère et représente ces collecteurs.

La convention du 3 août 1998, passée par l'Etat avec l'UESL, permet, comme l'expose son préambule, de :

« - clarifier les relations entre l'UESL et l'Etat en remplaçant progressivement la contribution financière de l'UESL à une politique d'Etat par le développement d'actions complémentaires à celles de l'Etat notamment en matière de sécurisation ;

- poursuivre la modernisation du fonctionnement interne du réseau des collecteurs par un renforcement du paritarisme, une rénovation des structures et une amélioration de la productivité. »

La convention prévoit, indépendamment du volet concernant la modernisation des interventions et des structures de l'UESL, la programmation quinquennale de l'extinction des contributions à l'Etat dans les termes suivants :

« L'UESL versera à l'Etat, au titre de sa contribution à la politique du logement, les montants suivants :

- 6,4 milliards de francs en 1999 ;

- 5 milliards de francs en 2000 ;

- 3,4 milliards de francs en 2001 ;

- 1,8 milliard de francs en 2002.

Cette contribution s'éteint en 2003.

Les modalités de calcul de la contribution à verser à l'UESL par chacun de ses associés collecteurs sont déterminées par le conseil d'administration de l'UESL. Une convention annuelle entre l'Etat et l'UESL fixe les modalités de versement de ces contributions.

L'Etat s'engage sur la durée de la convention à maintenir le taux de la participation à 0,45% des salaires et à n'effectuer aucun prélèvement sur les associés collecteurs de l'UESL en sus de la contribution prévue au présent article. »

[...]

« La présente convention sera mise en _uvre à compter du 1er janvier 1999 et expirera le 31 décembre 2003. »

L'enjeu de la convention du 3 août 1998 était donc celui de la modernisation du 1% logement dont la quasi totalité des collecteurs est maintenant regroupée au sein de l'UESL. L'importance du 1% se mesure à sa puissance financière, à peine entamée par les prélèvements étatiques, puisque, selon ses dirigeants entendus par la mission, des emprunts d'un montant légèrement supérieur à 8 milliards de francs lui ont permis de maintenir sa capacité d'intervention.

Les prélèvements des sept dernières années sont intervenus en raison de l'aisance d'organismes collecteurs qui n'avaient plus une volonté d'intervention à la hauteur de leurs capacités. La création de l'UESL en 1996 a effectivement constitué le début de la modernisation du 1% logement, qui, à l'occasion de la signature de nouvelles conventions, a entrepris le développement de mécanismes de sécurisation qui connaissent un réel succès : l'avance « Loca-pass » qui permet le financement du dépôt de garantie à l'emménagement, la garantie « Loca-pass » de paiement du loyer et des charges, le prêt « Sécuri-pass » pour remboursement d'emprunts immobilier, le prêt « Pass-travaux » d'aide au financement des travaux, et l'aide « Mobili-pass » en cas de changement de logement pour raison professionnelle.

Cependant, la réorganisation du 1% logement doit être accentuée et accélérée. Selon certaines sources, ces nouveaux produits sont accordés avec des garanties insuffisantes parfois, et il a déjà été constaté des anomalies liées à la mobilité résidentielle des bénéficiaires.

Par ailleurs, la rationalisation des structures des CIL est toujours attendue. Deux collecteurs, Solendi (issu de la fusion de Aipal-Cilmi et Unipec) et le groupement interprofessionnel de la construction (GIC) ont réalisé respectivement 855 millions de francs et 571 millions de francs de collecte en 1999, soit près de 20% du total. Ils n'ont rien de commun avec certains collecteurs qui sont alimentés par moins de 1 million de francs de ressources à long terme. La modernisation des structures doit donc être accélérée.

Enfin, on peut s'interroger sur le manque de transparence des organismes du 1% logement et des anomalies parfois constatées lors des contrôles de l'agence nationale pour la participation des employeurs à l'effort de construction (ANPEEC). A titre d'exemple, le rapport de contrôle de l'ANPEEC pour 1999 fait état de diverses sanctions sérieuses : retrait de l'agrément d'une chambre de commerce et d'industrie, suspension du conseil d'administration d'un CIL, transmission au Parquet du rapport sur des irrégularités graves par leur nombre, leur nature et leur importance dans un autre CIL, interdiction professionnelle du directeur général d'un troisième CIL.

Le 1% logement doit donc encore rationaliser ses structures et améliorer la transparence de son fonctionnement.

D.- LE RÉGIME DES AIDES EN FAVEUR DE L'HABITAT PRIVÉ

Les incitations à l'amélioration des logements privés sont essentiellement fiscales, les aides budgétaires étant de moindre ampleur. Le tableau synthétique de l'effort public en faveur du logement fait état de 50.100 millions de francs de dépenses fiscales pour les propriétaires, hors logements sociaux, à comparer aux 2.746 millions de francs d'aide budgétaire (ANAH, PAH, RHI).

Chacun connaît le rôle essentiel que joue l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) pour aider les propriétaires bailleurs à réhabiliter leurs logements et le rôle nouveau qu'elle est appelée à assurer pour la distribution de la prime à l'amélioration de l'habitat (PAH). L'intervention de l'ANAH est appelée à se renforcer, notamment pour participer à la réhabilitation des copropriétés dégradées. Toutefois, la Cour des comptes, dans son récent rapport public pour 2000, de janvier 2001, a fait une observation sur les subventions de l'Etat pour l'amélioration de l'habitat privé.

Elle a émis trois séries de critiques : l'une sur la mauvaise connaissance du parc privé et des besoins exprimés par le ministère ou les DDE, une autre sur la multiplication des dispositifs d'aide, tant de l'Etat que des collectivités locales et leur mise en cohérence entre elles et avec les aides fiscales.

La troisième critique vise les anomalies constatées dans les modalités d'attribution des aides et le caractère jugé inéquitable de la politique d'aide aux propriétaires occupants. La Cour considère que la politique d'aide aux propriétaires bailleurs manque de lisibilité et que l'instruction des dossiers pâtit d'un dispositif informatique ancien et peu sécurisé, d'une analyse trop sommaire des demandes et de l'insuffisance, voire de l'absence, des contrôles. La création de la « grande ANAH » chargée de la distribution des aides aux propriétaires occupants comme aux bailleurs peut être l'occasion d'améliorer encore son fonctionnement.

Au total, les blocages qui affectent la politique du logement social sont multiples, mais il apparaît clairement que les principales difficultés résident dans les insuffisances des services de l'Etat. Il convient donc de refonder cette politique en appliquant quelques principes simples, et en premier lieu, celui de la déconcentration de la politique de l'Etat.

III.- DES PROPOSITIONS POUR CONFORTER LE LOGEMENT SOCIAL

A.- DÉCONCENTRER LA MISE EN _UVRE DE LA POLITIQUE
DU LOGEMENT SOCIAL

L'Etat, en matière de logement, demeure le garant de la solidarité nationale et de la mise en _uvre effective du droit au logement. Toutefois, les blocages actuels dans la réalisation des objectifs en matière de construction de logements sociaux montrent à l'évidence la nécessité de transférer à l'échelon local une partie des missions jusque là réalisées à un niveau central. Il nous paraît nécessaire de confier à l'échelon local la mise en _uvre de la politique du logement, c'est-à-dire une partie de la gestion des politiques publiques.

Compte tenu de la situation actuelle et de la nécessaire adaptation progressive des moyens, des structures et des compétences, la déconcentration nous paraît plus adaptée que la mise en _uvre d'une véritable décentralisation.

La note de synthèse transmise à la mission par Mme Attar sur les travaux du Conseil économique et social résume bien la problématique générale de la réorganisation attendue : « A tous les niveaux, la coordination des partenaires est nécessaire. Il en existe six principaux : l'Etat, la région, le département, les communes et leurs groupements, le secteur HLM, et le secteur privé. Au plus haut niveau, il a été estimé, en 1996, que les fonctions de régulation et de planification publique ne fonctionnaient plus de manière optimum depuis le milieu des années 80, la décentralisation ayant conduit à un enchevêtrement des actions. Par ailleurs, le cadre juridique de l'urbanisme est instable. Aussi a-t-il été estimé qu'il convenait de recentrer le rôle de l'Etat, de renforcer les compétences des collectivités locales et de les inciter à coordonner leurs interventions dans un cadre intercommunal. »

·  En premier lieu, il convient donc de conserver à l'Etat la responsabilité de la ligne stratégique, du financement du logement social, de l'utilisation optimale du livret A, et celle d'assurer la stabilité des règles.

·  A l'échelon de la région, il revient à notre sens la responsabilité de la programmation et le pouvoir de décision sur les projets d'intervention élaborés dans le cadre des structures intercommunales. La concertation régionale entre les différents acteurs (HLM, 1% avec les commissions paritaires interprofessionnelles du logement -COPARIL-, collectivités territoriales...) peut être pilotée par le préfet de région. C'est l'Etat local qui intervient alors et non l'Etat national et ce dans le cadre d'un nécessaire partenariat qui va au-delà, à notre sens, de la simple concertation.

Pour l'organisation pratique des services de l'Etat, le rapport précité de l'ENA comporte des propositions intéressantes. Ainsi, « le renforcement de l'Etat local passe par la mise en place d'un pôle de compétence interministériel unique dans le domaine du logement social ». Le rapport cite plusieurs exemples de coordination dans le cadre départemental, notamment le service interadministratif du logement à Lyon ou le pôle interministériel de Montpellier.

La déconcentration de la gestion du logement social ne peut réussir que si un certain nombre de conditions sont réunies. Le transfert des compétences à l'Etat local ne doit pas s'accompagner du transfert des rigidités administratives (observation du Rapporteur général M. Didier Migaud), il suppose une diminution des effectifs d'administration centrale (observation du Président Jean-Pierre Delalande) dont l'activité de gestion disparaîtrait et dont la propension à réglementer devrait être atténuée. Enfin, un conseiller-maître à la Cour des comptes, ancien préfet de région, a fait part à la mission de son expérience de la mise en _uvre de la déconcentration des aides à l'emploi en 1996 : le maintien de règles contraignantes par l'administration centrale a eu pour effet, progressivement, de vider de sa substance l'intention initiale en permettant une nouvelle centralisation de fait en matière d'aides à l'emploi. La déconcentration suppose donc un allègement de la réglementation.

·  Le préfet de région détiendrait le pouvoir de décision sur les projets élaborés dans le cadre local le plus pertinent. On a évoqué celui du bassin d'habitat ou le « périmètre opérationnel de restauration urbaine ». Peut-être est-il plus simple que les projets soient élaborés dans le cadre intercommunal le plus approprié, celui de la communauté de communes ou celui de la communauté d'agglomération.

Il faut introduire une nécessaire souplesse et laisser des marges de man_uvre à l'appréciation de l'échelon local.

La politique de l'Etat ne peut plus se résumer à l'application mécanique de règles souvent grossièrement définies à l'échelon central : comment aujourd'hui se contenter, pour les barèmes de l'APL, d'une sectorisation en trois zones qui ne recouvre pas la diversité des situations locales ? Où se situe aujourd'hui, dans bon nombre de conurbations, la solution de continuité entre la zone 2 et la zone 3 ?

Seul « l'Etat local » peut finement apprécier les situations locales. Il convient de lui laisser des marges de man_uvre et des possibilités de déroger à un cadre national, de favoriser les expérimentations et de lui donner les moyens de les évaluer.

A cet égard, il paraît indispensable d'engager un travail en profondeur sur la simplification de la réglementation. Est-il normal de devoir consulter les comités départementaux de l'habitat (CDH), de faire remonter les dossiers à Paris préalablement à la mise en _uvre d'un programme de démolition décidé localement ?

De même, la gestion des fonds de solidarité pour le logement (FSL), malgré la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions de 1998 qui avait tenté de simplifier les procédures, se révèle toujours particulièrement lourde et apparaît comme un frein dans la lutte contre les exclusions.

Il convient d'observer que la mise en _uvre des propositions qui précèdent est essentiellement de la compétence du Gouvernement, soit parce qu'elles se rapportent à l'organisation des services (dans le cadre de la réforme de l'Etat), soit parce qu'elles relèvent de mesures de simplification de prescriptions pour l'essentiel réglementaires.

Les dérogations aux normes nationales doivent être permises pour un nombre limité de projets et de sujets d'un intérêt reconnu. Ces dérogations pourraient s'appliquer dans la limite d'un certain pourcentage de crédits alloués à l'échelon régional ou d'une enveloppe prédéterminée. Le rapport de l'ENA propose également des dérogations en matière de subventions, de plafonds de ressources ou de plafonds de loyers pour les PLUS, un assouplissement du plafond de subvention de 50% s'agissant de la PAH. Ces pistes nous paraissent intéressantes.

Enfin, la déconcentration de l'action de l'Etat et sa mise en _uvre locale dans le cadre d'une négociation avec les acteurs de terrain, exigent la mise en place d'un système d'évaluation fiable. Actuellement, comme le souligne le professeur Mouillart, la connaissance fine de la demande et des besoins, à l'échelon des marchés locaux de l'habitat « fait cruellement défaut ». On ne connaît que partiellement les contours des interventions des collectivités locales dans la mise en _uvre de la politique du logement, particulièrement la portée réelle des garanties et de leurs interventions en matière foncière. Le rapport de la Cour des comptes sur les aides de l'Etat pour l'amélioration de l'habitat privé insiste sur la mauvaise connaissance du parc privé ; celui de l'ENA considère comme embryonnaire l'évaluation par l'Etat des dispositifs d'aide, l'administration consacrant l'essentiel de son activité à contrôler - sans toujours manifester une efficacité réelle - le respect de la réglementation (sans cesse plus complexe) qu'elle édicte. Le rapport de l'ENA fait des propositions sur l'organisation d'un système d'évaluation à mettre en place : on peut utilement s'en inspirer en mettant toutefois l'accent non seulement sur la mesure statistique de l'impact des aides au logement, mais également sur leur capacité à prendre en compte le caractère diversifié et évolutif de la demande.

On rappellera également que le Conseil économique et social peut être saisi sur l'évaluation des politiques publiques, l'efficacité des aides ou encore l'appréciation des besoins en logement. Les derniers rapports relatifs à ces sujets datent de 1993 (rapports de MM. Joseph Niol et Marcel Lair). Alors que le Gouvernement dispose d'une assemblée consultative constitutionnelle, on peut regretter qu'elle ne soit pas plus souvent saisie sur ces sujets, où l'apport de la société civile peut être éclairant.

B.- MIEUX RÉPONDRE À LA QUESTION FONCIÈRE

La question foncière intéresse les observateurs depuis fort longtemps, mais elle est actuellement très prégnante : en Ile-de-France et dans les autres grandes agglomérations, le manque de foncier limite très fortement la construction de logements nouveaux. Les grands instruments de constitution de réserves foncières tels le fonds national d'aménagement foncier et d'urbanisme (FNAFU) ont disparu ou, comme l'agence foncière et technique de la région parisienne (AFTRP), sont en sommeil.

La récente convention conclue en avril 2001 par le Conseil régional d'Ile-de-France et l'Etat mériterait, à cet égard, d'inspirer les autres instances régionales. S'inscrivant dans le cadre du contrat de plan Etat/région, cette convention prévoit un engagement de principe de l'Etat à hauteur de 350 millions de francs en moyenne annuelle pour financer la surcharge foncière. La région s'engage, pour sa part, à consacrer 600 millions de francs sur la durée du contrat pour bonifier les intérêts des emprunts contractés par les communes, leurs groupements et les opérateurs du logement social pour l'acquisition de foncier destiné au logement social, au renouvellement urbain et au développement économique.

Cette initiative, cumulée avec les mesures annoncées par M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement, en septembre 2000, va favoriser la construction sociale dans les zones franciliennes où les marchés fonciers atteignent de tels niveaux qu'ils sont inaccessibles, sans un effort de la collectivité, aux maîtres d'ouvrage HLM.

Cependant, si la prise en charge de la surcharge foncière est la bienvenue lorsqu'elle est générée par des causes objectives (pression foncière, coûts de libération des terrains...), elle ne peut être l'unique moyen pour favoriser la mixité. En effet, trop souvent les communes et les organismes d'HLM établissent leurs budgets en visant une subvention pour surcharge foncière la plus importante possible, ce qui n'est pas sans répercussion sur les loyers de ces opérations. Ainsi, des communes ont renoncé à céder gratuitement leur foncier à leurs offices d'HLM pour le vendre au prix plafond de la surcharge foncière admissible. De ce fait, le mécanisme de subvention a pour effet pervers de déconnecter du marché foncier les charges foncières des opérations sociales.

D'autres solutions doivent donc être mobilisées. Le recours au bail emphytéotique ou au bail à construction est un moyen de déconnecter une opération de son environnement et s'apparente au bout du compte à une subvention déguisée. L'organisme d'HLM ou le promoteur ne verse qu'un loyer pour l'usage du terrain, qui est rétrocédé avec la construction au propriétaire foncier au terme du bail (18 à 99 ans). Cette dissociation entre le terrain et la construction, courante dans d'autres pays européens, est utilisée avec parcimonie en France. Son régime mériterait d'être simplifié (notamment par l'allégement des droits d'enregistrement) et plus systématiquement encouragée.

La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains a assoupli, avec raison, le statut des établissements publics fonciers locaux. Ces instruments, encore trop peu nombreux, sont les bras armés des collectivités locales pour maîtriser la ressource foncière. La politique du logement ne peut se dispenser d'une politique active de gestion foncière, qui passe par la constitution de réserves foncières en cohérence avec les documents de planification.

Un dernier élément de réponse aux difficultés foncières des organismes du logement social réside dans la mobilisation des terrains publics. L'exemple récent des terrains de l'hôpital Laennec à Paris est caricatural et exige que les pouvoirs publics et locaux tranchent définitivement le litige entre intérêt financier et mixité des usages ou sociale. Qu'on se le dise : la politique du logement social n'est pas faite pour générer du profit financier !

C.- ORGANISER LE PARTENARIAT ENTRE LES ACTEURS

L'enjeu de la refondation de la politique du logement social est son adaptation à une demande plus diversifiée, plus changeante qu'auparavant selon la conjoncture économique, et dans le respect d'objectifs souvent contrastés pour ne pas dire contradictoire : loger les plus défavorisés en assurant la mixité, insérer les familles issues de l'immigration en évitant la constitution de ghettos culturels ou sociaux, organiser l'égalité de traitement des demandeurs sans l'application mécanique d'un système de file d'attente (ou de numéro unique), susceptible de générer une « ghettoïsation », participer à la mobilité résidentielle sous son double aspect géographique et concernant le statut d'occupation).

La demande est variée : elle porte de plus en plus sur le logement individuel ou le petit collectif, implique la réhabilitation de logements anciens dégradés, souvent en copropriété. Le retour à la croissance en 1997 a augmenté la demande de jeunes devenant autonomes de leur milieu familial d'origine, mais a également relancé l'aspiration à une accession à la propriété « populaire ».

Le développement des partenariats suppose, tout d'abord, une organisation de la contractualisation de la politique du logement et une évolution des modes de fonctionnement des organismes HLM.

Le rapport de l'ENA, déjà cité propose la contractualisation et la programmation globale de la politique de l'habitat dans le cadre du programme local de l'habitat (PLH), qui constitue d'ailleurs le cadre retenu par la loi Solidarité et renouvellement urbains, du 13 décembre 2000, pour la mise en _uvre du dispositif d'incitation à la construction de logements sociaux. La contractualisation devrait permettre la coordination des interventions opérationnelles et financières de l'Etat, des collectivités locales, de leurs groupements, des bailleurs sociaux, des organismes du 1% logement, de l'ANAH et des associations chargées de l'accompagnement social qui assurent déjà la mission d'accueillir les plus démunis.

La contractualisation permettrait d'améliorer la réalisation d'opérations complexes, comme les démolitions-reconstructions, ou celles qui appellent un traitement « dans la dentelle », telles qu'évoquées notamment par M. Gilles Carrez, parce qu'elles portent sur de petits logements dégradés et/ou concernent des personnes âgées.

Le cadre contractuel permettrait également la mise en _uvre des mécanismes préconisés depuis longtemps par le Président Jean-Pierre Delalande pour la sédentarisation des gens du voyage dans le cadre de fonds départementaux alimentés par des crédits de l'Etat, des départements et des communes, afin d'appliquer sur ce terrain le principe de responsabilité librement consentie des collectivités en cause.

L'instauration d'un véritable partenariat opérationnel nécessite, préalablement, une clarification des positionnements de certains opérateurs.

Deux réflexions stratégiques devraient, à cet égard, être d'ores et déjà engagées pour créer les conditions d'un « remembrement » du patrimoine de logements sociaux sur les sites où la multiplicité de bailleurs est patente. Des procédures souples de vente ou d'échange de logements peuvent être mises en _uvre : il faut redonner un contenu au statut HLM des SA de Crédit immobilier. Le positionnement de ces sociétés est actuellement paradoxal à un double titre : elles n'exercent plus en fait de mission HLM ; l'affectation de leur savoir-faire et de leur potentiel financier demeure en attente depuis trop longtemps. Il convient enfin de noter que leur sortie pure et simple du mouvement HLM constituerait pour le logement social un appauvrissement de 15 milliards de francs. L'adossement aux caisses d'épargne préconisé par M. Dominique Strauss-Kahn, alors ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, devant la représentation nationale, devrait être concrétisé rapidement et il devrait être mis fin aux tergiversations actuelles.

D.- RENOUVELER LES MODES DE FINANCEMENT

Aucune politique de redressement du logement social n'est possible sans le desserrement des contraintes budgétaires. Il convient d'abord de rétablir les crédits des aides à la pierre aux montants inscrits dans la loi de finances initiale pour 1997, soit plus de 16 milliards de francs. Il serait paradoxal de constater une diminution de cette politique, qui serait imputable à la majorité élue en 1997.

En deuxième lieu, il est important de conforter le prêt à taux zéro et non d'en limiter les effets par des mesures réglementaires souvent subreptices.

Il apparaît clairement ensuite que la déconcentration de la politique du logement social et l'autorisation d'opérations dérogatoires aux normes nationales, en pourcentage des crédits alloués ou sur la base d'une enveloppe prédéterminée, doivent se traduire par une augmentation des autorisations de programme et des crédits de paiement. Les annulations en gestion sur le chapitre 65-48 « Construction et amélioration de l'habitat » des crédits du logement, constatées depuis 1998, sont nettement plus importantes pour les autorisations de programme que pour les crédits de paiement : les prévisions de crédits de paiement depuis plusieurs années apparaissent assez bien ajustées à la consommation réelle des crédits qui correspond à la réalisation d'un programme physique très inférieur à celui annoncé par le Gouvernement.

Il convient donc de rétablir un niveau de dotations en relation avec le programme physique annoncé.

On ne peut toutefois envisager une telle impulsion budgétaire sans prévoir des mesures d'économie, afin de préserver l'équilibre des finances de l'Etat. Votre Rapporteur a retenu trois terrains d'économies budgétaires. En premier lieu, l'épargne logement est d'un coût très élevé, de 20 milliards de francs en 2001 selon les chiffrages du projet de loi de finances, et ce pour un impact très limité sur le logement. Il est donc proposé de réduire les avantages attachés aux prêts et aux comptes d'épargne logement. Des économies substantielles sont à attendre de la limitation de l'accès au prêt au financement de la résidence principale (avec une modification du ratio définissant la charge des intérêts et de la prime pour la banque et pour l'Etat), de l'assujettissement à l'impôt sur le revenu des intérêts perçus en cas de retrait avant quatre ans du PEL, ou du recentrage social des produits d'épargne logement. Ces économies ne pourraient être constatées qu'à moyen terme, compte tenu de la durée des PEL, mais leur impact budgétaire serait très significatif.

En deuxième lieu, l'Etat continue d'abonder la société de gestion du fonds de garantie de l'accession sociale (SGFGAS) sur le chapitre 65-50 « Contribution de l'Etat au fonds de garantie de l'accession sociale », sur la base de conventions qui n'ont pas été portées à la connaissance du Parlement et qui semblent reposer sur des prévisions de sinistralité très exagérées. Il convient donc de réexaminer la subvention budgétaire (de 370 millions de francs en 2001), voire de s'interroger sur l'avenir de la trésorerie du fonds.

Enfin le développement des démolitions-reconstructions pourrait se traduire par des économies de constatation sur la consommation des PALULOS, les immeubles les plus dégradés devant être détruits. Ces économies de constatation ne sauraient empêcher un recentrage des primes sur leur véritable objet : le véritable entretien courant des logements et non des interventions répétées et inutiles sur des locaux trop dégradés. On a cité à votre Rapporteur le cas de fenêtres remplacées trois fois dans un laps de temps suffisamment court pour que les trois séries d'amortissement soient inscrites simultanément au bilan de l'organisme bailleur. De telles situations ne doivent plus se reproduire.

E.- PROMOUVOIR UNE VRAIE POLITIQUE D'ACCESSION SOCIALE À LA PROPRIÉTÉ

L'accession sociale a trop souvent été le « parent pauvre » des politiques du logement. Depuis la création du prêt à taux zéro (PTZ), le Gouvernement s'en est remis à ce seul outil pour promouvoir sa politique.

La politique du logement social doit se donner comme objectif à long terme le développement de l'accession sociale, qui constitue un puissant facteur d'intégration, de constitution d'un capital retraite et de cohésion sociale.

Il n'est plus cohérent de faire dépendre l'accession à titre principal, du mérite et de l'effort, si l'on considère que la satisfaction du désir d'accession à la propriété est d'un intérêt social majeur.

1.- Ne pas s'engager dans le processus irréversible de « papisation » du prêt à taux zéro (PTZ)

Votre Rapporteur approuve le retour du financement du PTZ dans le budget de l'Etat. Pour cela, il faut maintenir les moyens nécessaires au financement « à guichet ouvert » de 120.000 PTZ, ce qui correspond à peu près à la demande.

Par ailleurs, le PTZ ne doit pas être resserré dans ses effets solvabilisateurs, comme c'est le cas depuis sa création, mais au contraire favorisé notamment au profit de l'accession très sociale.

On notera également que la maison individuelle représente les trois-quarts des opérations avec PTZ. Si la maison individuelle représente une forte aspiration des français dans leur acte d'accession, il n'en demeure pas moins que rien dans la réglementation du PTZ n'a été prévu pour prévenir le « mitage » et les coûts différés en découlant, que supportent seules les collectivités locales (réseaux, transports scolaires, assainissement...).

A cet égard, on se souviendra que le financement en PAP groupé était plus intéressant et solvabilisateur que le PAP non groupé et qu'un avantage financier accordé aux opérations groupées en zone urbaine, périurbaine ou en lotissement, permettrait d'éviter cet émiettement parcellaire coûteux.

2.- Promouvoir une accession très sociale

Le PTZ ne peut seul suffire à favoriser une accession très sociale pour les ménages modestes. Pour cette catégorie de ménages, il serait souhaitable de revenir à une aide à la pierre significative, qui ne se traduirait pas nécessairement par une augmentation des charges budgétaires puisqu'elle pourrait n'être accordée qu'à des opérations montées de façon à ce que les taux d'effort des ménages n'excèdent pas 25% (soit le seuil d'exclusion de l'APL). Ce type de financement spécifique existe déjà dans les départements d'outre-mer. Il est bien évident que les accédants de ce type d'opérations doivent être sécurisés au mieux. A cet égard, la sécurisation mise en place par le mouvement HLM est une bonne référence (garantie de rachat du logement et garantie de relogement).

3.- Recentrer les efforts budgétaires et évaluer

Les efforts consacrés par la Nation en matière d'accession à la propriété doivent faire l'objet d'évaluation et de recentrage lorsque c'est nécessaire. A cet égard, on peut citer la SGFGAS : alors que les services du budget s'efforcent de faire des économies sur le PTZ, au risque de rendre caduc le produit, un mécanisme de subvention mis en place par la direction du Trésor, continue d'alimenter année après année, sans nécessité immédiate, la société de gestion du fonds de garantie de l'accession sociale (SGFGAS). Créée en 1993, la SGFGAS disposait à la clôture du dernier exercice au 31 mars 2001, de 6,12 milliards de francs inscrits au fonds de garantie FGAS.

La récente loi SRU a, dans le même ordre d'idée, imposé aux organismes HLM promoteurs en accession à la propriété de créer une société de garantie autonome de la caisse de garantie du logement social (CGLS devenue CGLLS et cantonnée à la seule activité locative) sans que les études préalables à l'adoption par le Parlement aient été réalisées par les services de la DGUHC et du Trésor.

Il semble que la mise en _uvre de ce projet se heurte à des problèmes considérables et qu'il n'est pas sûr que cette société puisse être opérationnelle au 1er janvier 2002. Dans ce cas, les organismes HLM seront contraints de choisir entre l'arrêt pur et simple de cette activité ou l'illégalité.

Votre Rapporteur s'était, au moment de l'examen de la loi SRU, opposé à cette disposition, faisant valoir que l'activité des organismes HLM était plurielle (accession, locatif, activité de gestion de syndic, aménagement) et que leur garantie-promoteur ne pouvait être scindée entre plusieurs entités. A notre sens, seule la CGLS est à même de garantir l'activité des organismes. A cette fin, il convient d'organiser la contribution que l'activité accession doit apporter, étant rappelé que, jusqu'à la mise en place du PTZ, les organismes payaient une redevance à la CGLS sur chaque PAP, ou prêt dit HLMA émis.

4.- La vente HLM

Enfin, le dernier volet de l'accession à la propriété concerne le segment particulier que constitue la vente de logements HLM. Sa mise en _uvre a largement été simplifiée et modernisée par le législateur. Malgré cela, la vente de logements aux locataires reste très marginale puisque au cours des cinq dernières années, les ventes n'ont pas dépassé 5.000 unités par an, parmi lesquelles il faut compter les ventes de patrimoine entre organismes d'HLM. Malgré la modestie de ces chiffres, la vente HLM doit être encouragée : elle constitue un élément de fluidité des marchés locaux et favorise le renouvellement du parc locatif HLM.

PROPOSITIONS DE VOTRE RAPPORTEUR

Il faut cesser de gérer le logement social comme au temps de la pénurie, mais refonder la politique du logement sur la volonté de répondre à une demande diversifiée. Le droit au logement est de la compétence de l'Etat. Celui-ci peut en assurer la mise en _uvre au niveau local en contractualisant les objectifs et en évaluant les résultats.

I.- Déconcentrer la mise en _uvre de la politique du logement social

-  Conserver à l'Etat, garant de la solidarité nationale, la responsabilité de la ligne stratégique en matière de logement social.

-  Déconcentrer la gestion du logement social à l'échelon régional avec un pôle de compétence interministériel sous l'autorité du préfet de région. Alléger en conséquence les effectifs d'administration centrale.

-  Simplifier et alléger la réglementation.

-  Mettre en place un système d'évaluation fiable prenant la mesure statistique de l'impact des aides au logement et le caractère diversifié et évolutif de la demande. Associer le Conseil économique et social à l'évaluation de la politique publique du logement.

II.- Mieux répondre à la question foncière

-  Réactiver les grands instruments de constitution de réserves foncières et mettre en place les financements correspondants.

-  Mobiliser les terrains publics en affectant au logement social des emprises disponibles.

-  Recourir plus largement au bail emphytéotique ou au bail à construction.

III.- Organiser le partenariat entre les acteurs

-  Elaborer de façon contractuelle les projets dans le cadre intercommunal approprié, la communauté de communes ou la communauté d'agglomération.

-  Réorganiser les structures des intervenants (HLM et organismes du 1% logement) par le remembrement des patrimoines, la diminution du nombre de bailleurs sur un même site et l'identification d'actionnaires de référence.

IV.-  Renouveler les modes de financement

-  Rétablir les crédits d'aide à la pierre aux montants de la loi de finances initiale pour 1997.

-  Ouvrir la possibilité d'opérations dérogatoires aux normes nationales et faciliter les expérimentations, ce qui aura pour effet une meilleure consommation des crédits.

-  Réaliser des économies, principalement sur la subvention à la société de gestion du fonds de garantie de l'accession sociale (SGFGAS) et sur les avantages consentis au titre de l'épargne logement.

V.- Promouvoir une vraie politique d'accession sociale à la propriété

-  Ne pas s'engager dans le processus irréversible de « papisation » du PTZ
Cesser de resserrer les effets solvabilisateurs du PTZ en agissant sur le cadre réglementaire, comme c'est le cas depuis 1996.

-  Promouvoir une accession très sociale
Prévoir des mécanismes d'accession très sociale avec un taux d'effort plafonné à 25%.

-  Recentrer les efforts budgétaires et évaluer

-  La vente HLM

Encourager la vente de logements par les HLM.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent rapport d'information au cours de sa séance du mardi 19 juin 2001.

M. Jean-Louis Dumont a présenté les principales propositions du rapport en observant notamment que, si elles étaient peu nombreuses, il en souhaitait une véritable application.

M. Jean-Pierre Delalande a déclaré qu'il n'était pas opportun de prolonger un débat ayant déjà eu lieu, au cours des réunions du 7 et du 14 juin de la Mission d'évaluation et de contrôle.

M. Gérard Bapt s'est déclaré préoccupé par les perspectives de transfert de la gestion des programmes locaux de l'habitat à l'échelon des structures intercommunales. Il existe un risque que les communes résidentielles se déchargent sur d'autres communes de leur obligation de construction de logements sociaux.

M. Jean-Louis Dumont a déclaré qu'il souhaitait effectivement que la compétence en matière de logement soit transférée aux communautés de communes et maintenant aux communautés d'agglomération. On ne peut forcer une commune à construire des logements sociaux et il n'est pas certain non plus que certaines d'entre elles souhaitent se débarrasser sur d'autres de l'obligation de construire des logements sociaux.

M. Pierre Méhaignerie a craint que le choix de l'échelon régional pour la mise en _uvre de la déconcentration souhaitée par la Mission ne comporte le risque d'une reconcentration. Il a obtenu du Rapporteur des précisions sur les crédits d'aide à la pierre inscrits au budget de l'Etat en 1997 et 2001 et il a souhaité l'audition rapide de Mme la Secrétaire d'Etat au logement.

M. Yves Tavernier, président, après les interventions de MM. Jean-Louis Dumont, Jean-Pierre Delalande et Gérard Bapt, a conclu sur la nécessité de fixer une date pour cette audition en accord avec le Gouvernement.

La Commission a ensuite autorisé, en application de l'article 145 du Règlement, la publication du présent rapport d'information.

AUDITIONS

1.- Audition de M. Christian Nicol,
chef de la Mission interministérielle d'inspection
du logement social (MIILOS)

(Extrait du procès-verbal de la séance du jeudi 5 avril 2001)

Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président

Le Président Augustin Bonrepaux : Nous entamons nos travaux d'aujourd'hui avec les auditions sur le logement social.

Je remercie la Cour des comptes de nous assister toujours aussi fidèlement dans notre travail. Je sais qu'une réunion a eu lieu avec le Rapporteur spécial des crédits du Logement pour préparer cette audition.

J'accueille M. Christian Nicol, chef de la mission interministérielle d'inspection du logement social (MIILOS), et je vais donner tout de suite la parole au Rapporteur spécial des crédits du Logement. Je rappelle que les questions doivent être brèves et les réponses aussi précises que possible.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur spécial : Monsieur le Président, nous recevons aujourd'hui M. Nicol, qui est, certes, dans son rôle de directeur de la mission interministérielle d'inspection du logement social, mais qui est aussi l'un des meilleurs connaisseurs de l'ensemble des acteurs et des missions du secteur du logement social. Ses diverses responsabilités exercées au cours des années passées, que ce soit comme conseiller de différents ministres, comme directeur du cabinet de M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement, ou comme directeur de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH), devenue aujourd'hui « la grande Agence », n'y sont certainement pas pour rien.

Les activités de M. Nicol doivent l'amener aujourd'hui à éclairer notre mission d'une façon tout à fait particulière, non seulement sur l'évolution des financements du logement social à travers le prêt locatif aidé (PLA) et la mise en place du prêt locatif à usage social (PLUS), mais aussi sur la manière dont on peut couvrir les besoins de logements sociaux, aussi bien ceux émanant des plus démunis que ceux exprimés par les ménages qui correspondent aux plafonds de ressources définis par les pouvoirs publics.

Vous menez, depuis quelques années, depuis que vous êtes en place à la MIILOS, des missions d'inspection des organismes. Pouvez-vous nous indiquer quelles évolutions vous percevez dans les grands indicateurs financiers chez ces organismes
- HLM, offices, OPAC, sociétés anonymes, voire coopératives d'Alsace-Moselle - qui font traditionnellement du logement locatif, ou organismes qui ont des compétences dans le domaine du locatif ?

En effet, on constate qu'un organisme HLM riche et puissant peut continuer à s'enrichir à condition de ne pas construire. Nous avons ainsi une formule célèbre qui a été utilisée par l'un des responsables de l'Union des HLM, président d'une fédération, en parlant « d'organismes dodus mais qui dorment ». Faut-il les réveiller et comment ?

On connaît les difficultés rencontrées pour mener des opérations dites équilibrées, c'est-à-dire permettant des loyers de sortie compatibles avec les ressources des ménages, ces ressources étant différentes d'une région à l'autre, voire d'un bassin d'emploi à l'autre. Votre analyse générale permet-elle de distinguer les opérations qui sont menées dans le milieu rural, dans telle ou telle région, et celles menées en Ile-de-France ?

Un mot particulier sur l'Ile-de-France. C'est là où les demandes de logement sont les plus fortes, où le différentiel entre l'offre de logements sociaux et les demandes est le plus important et où l'on a du mal à satisfaire les demandes. C'est aussi pour tenter de résoudre les problèmes rencontrés en Ile-de-France que des projets de loi et des réglementations sont préparés par le ministère chargé du logement. Je pense en particulier au numéro unique départemental d'enregistrement des demandes de logements locatifs sociaux.

Hier, quelle n'a pas été ma surprise en entendant l'un des responsables de l'Ile-de-France dire que ce numéro unique était complètement inadapté à l'Ile-de-France. J'avais cru que le numéro unique avait été mis en place pour résoudre les problèmes du logement social en Ile-de-France. Manifestement, il y a quelque chose qui ne va pas. Si je parle de ce numéro unique, c'est parce qu'il faut se demander pourquoi des crédits sont inscrits au budget du logement si l'on est dans l'incapacité de les utiliser parce que l'on ne maîtrise pas le niveau de la demande ; ensuite, lorsqu'on sait qu'il y a demande, lorsque les collectivités locales ont réalisé des investissements, parfois, l'opération ne trouve pas son équilibre et le loyer de sortie devient prohibitif.

Pouvez-vous nous indiquer aussi quelles grilles vous utilisez pour analyser les capacités financières des organismes HLM, en particulier sur les provisions pour gros travaux, qu'elles impliquent ou non la réhabilitation du logement social et donc l'augmentation ou non des loyers ?

Comme les magistrats de la Cour des comptes me le disaient tout à l'heure, existe-t-il une grille d'analyse permettant de savoir si un bâtiment peut être palulosé (4) ou non ? Ne remet-on pas inconsidérément de l'argent dans un logement existant, alors qu'il serait peut-être plus simple de construire du neuf et de démolir l'ancien ? N'est-ce pas une difficulté culturelle qui empêche des démolitions pourtant justifiées ? Comment vos inspecteurs et vous-même appréciez-vous cette difficulté ?

Il s'agit de construire du neuf, de reloger ou de loger les familles et les individus et, également, de pratiquer des démolitions. Cette frontière entre la démolition et la construction est au c_ur du débat lors de chaque budget, mais aussi au sein des organismes du logement social.

Enfin, pouvez-vous nous indiquer quel équilibre trouver entre le logement social public et le logement social de fait, conventionné et privé ?

Le Président Augustin Bonrepaux : Il faudra être plus concis dans les questions et les poser les unes après les autres. Je souhaite aussi que les réponses soient concises, et même plus concises que les questions.

M. Christian Nicol : Je dirai tout d'abord que je ne suis responsable de la MIILOS que depuis un an et que je ne suis pas certain d'avoir suffisamment de recul, du moins à ce poste, pour tirer des conclusions fortes sur le monde HLM, qui fait l'objet des contrôles réguliers de la mission interministérielle d'inspection du logement social.

Cependant, pour répondre à votre première question, je tiens à dire que la situation financière des organismes HLM s'améliore sans arrêt. On peut dire de manière générale qu'elle n'a jamais été si bonne que ce qu'elle est aujourd'hui.

Les explications sont nombreuses. Cette amélioration est liée essentiellement à la baisse de la charge de la dette qui, comme vous le savez, représente, pour les organismes HLM, environ la moitié des charges. Cette diminution des charges financières a un effet très sensible ; elle procède, bien sûr, de la baisse des taux d'intérêt et de l'allongement de la durée des prêts qui ont été décidés au cours des dernières années. Il s'y ajoute la baisse du taux de la TVA sur l'ensemble des travaux réalisés par les organismes HLM, ainsi que, à partir de cette année, la baisse ciblée de la taxe foncière sur les propriétés bâties.

Le résultat de tout cela, c'est que la situation financière, de manière générale, est saine. L'autofinancement, c'est-à-dire la capacité d'épargne des organismes, est en moyenne de 10 % pour les sociétés anonymes d'HLM et de 6% pour les offices d'HLM. Dans les projections ou les simulations réalisées à l'occasion de chaque contrôle d'organisme, on s'aperçoit que cette situation est encore amenée à s'améliorer de manière générale.

Voilà pour le contexte financier général.

Le deuxième élément marquant des dix dernières années, c'est un changement de priorité ou, en tout cas, une prise de conscience par la plupart des organismes que le problème principal est celui de la gestion de leur patrimoine, en termes de maintenance, de destruction, d'amélioration, dans le cadre de la politique de renouvellement urbain que vous avez évoquée.

Le développement de la vacance, qui est un phénomène peu habituel pour les organismes HLM, et la paupérisation de la population logée en HLM ont fait prendre conscience à ces organismes qu'il fallait désormais consacrer l'essentiel des moyens, humains ou financiers, à cette action de renouvellement urbain.

La réhabilitation des organismes d'HLM se maintient à un très haut niveau. On a dit autrefois qu'il suffisait d'un plan de cinq ans pour améliorer l'ensemble du parc et l'on s'aperçoit, en fait, qu'une action permanente est à mener. De même, en ce qui concerne les destructions de logements, on est en train de passer rapidement d'un rythme annuel de quelques centaines de logements détruits à un rythme probable de 10.000 logements détruits.

Désormais, tout le monde se penche sur ces questions et essaie de les résoudre. Je pense que les moyens ont été mis en place pour cela.

Ce changement de priorité a des conséquences sur l'investissement neuf, c'est-à-dire que les organismes ne se développent plus, de manière générale, par la construction neuve. La priorité est donnée à cette politique de renouvellement urbain et donc à la gestion du patrimoine. Elle est coûteuse et il n'est pas anormal que les fonds propres dont disposent les organismes HLM soient mis en priorité au service de la politique de renouvellement urbain, alors que la hausse des loyers à l'occasion des réhabilitations, qui alimentait autrefois les ressources des organismes, n'est plus possible aujourd'hui, puisque la plupart des loyers sont maintenant fixés au plafond prévu par la réglementation : du point de vue des recettes, les organismes HLM n'ont plus de marge de man_uvre.

Ils sont donc bien obligés de trouver en interne, notamment pour la réhabilitation, les ressources nécessaires, qui sont moins fréquemment consacrées à des opérations neuves.

Il est intéressant de constater que la demande a également évolué : ce fait est bien connu. Les tours et les barres, c'est fini ; l'évolution du métier conduit les organismes HLM à produire du « petit collectif », voire de l'individuel ainsi que de l'acquisition-amélioration, qui doit se développer. La demande porte surtout maintenant sur les petites opérations bien situées en milieu urbain ou sur des opérations de type pavillonnaire en milieu rural. Cela implique un changement de métier, car l'action traditionnelle des organismes HLM était autrefois de construire du neuf sur du terrain nu.

L'évolution des métiers et des compétences internes aux organismes tarde peut-être à se mettre en place.

Un autre facteur doit être pris en compte : la multiplicité des acteurs dans le monde HLM, qui comprend environ 800 ou 900 organismes. Ce n'est pas, contrairement à ce qu'on peut croire, un facteur d'émulation, car les organismes ont du mal à se structurer autour de projets, notamment de territoire. De plus, la plupart des petits ou des moyens organismes n'ont jamais eu ou n'ont plus d'équipe de maîtrise d'ouvrage et ils ne sont donc plus aptes à construire. Certains d'entre eux n'ont même pas les compétences pour engager des réhabilitations. La question de la réorganisation et de la restructuration du mouvement HLM se pose ; elle relève avant tout de la profession, mais, à mon avis, elle devra être réalisée dans l'avenir.

Il est difficile d'analyser la demande et les besoins. A la MIILOS, les 200 rapports d'inspection d'organismes réalisés par an correspondent à 200 situations locales différentes. On rencontre des besoins différents, concernant aussi bien, des régions ou des communes en déclin démographique où, bien évidemment, le problème n'est certainement pas de construire, que, à l'autre extrême, des zones où le marché est particulièrement tendu et où les besoins sont importants, l'archétype étant bien évidemment la région Ile-de-France.

Les besoins restent donc importants, sans qu'il soit évidemment possible, pour moi, de les chiffrer précisément.

J'ai indiqué tout à l'heure quelques facteurs qui, globalement, peuvent expliquer le manque d'appétence actuel des organismes de HLM pour la construction.

Il faut y ajouter l'image des HLM, qui est devenue très mauvaise au fil des ans. C'est une chose que je ressens profondément. Cette mauvaise image des HLM a des conséquences dans les refus de plus en plus fréquents des collectivités locales d'accueillir du logement social, refus qui accroissent, bien évidemment, les difficultés des organismes. Ils ont toujours eu besoin, ce n'est pas nouveau, pour financer des opérations (les logements aidés par l'Etat, que ce soit les PLA, les PLUS ou les autres catégories, n'ayant jamais été équilibrés depuis l'origine des financements HLM), notamment dans les zones où la situation est tendue, d'avoir recours à des financements externes des collectivités locales ou du 1 % logement.

Il est clair que beaucoup de collectivités locales hésitent ou refusent maintenant d'aider les organismes HLM par apport de foncier. Il y a eu aussi un reflux des financements par le 1 % logement qui, comme vous le savez, a été ponctionné fortement par le budget de l'Etat et a dû se désengager de nombreuses opérations HLM.

Le résultat de tout cela, c'est que l'équilibre des opérations est de plus en plus mal assuré. Cependant, le plan de relance récent devrait permettre de compenser l'essentiel de ces difficultés.

Il reste que l'on aura, malgré tout, quelques difficultés à convaincre les organismes à construire, pour plusieurs raisons : le rappel permanent par les pouvoirs publics, depuis dix ans, que la vocation principale des organismes HLM est l'accueil des défavorisés n'a pas suscité partout l'enthousiasme chez les dirigeants de ces organismes. Une reprise en main a accompagné ce discours. Les préfets ont rétabli leur contingent de réservation alors qu'ils y avaient plus ou moins renoncé pour la plupart.

La MIILOS s'est mise systématiquement à contrôler le respect des plafonds de ressources en infligeant des sanctions financières aux organismes HLM qui ne les respectaient pas. Du fait de ces contrôles, la plupart des organismes respectent maintenant les plafonds de ressources, ce qui n'était absolument pas le cas il y a dix ans.

Ces rappels à la règle mettent mal à l'aise certains organismes HLM. Un certain nombre d'entre eux, bénéficiant de capacités financières, n'ont pas trop de problèmes de politique de la ville ou de renouvellement urbain. Mais un certain nombre aussi, soit ne font plus rien, soit, s'ils décident d'être actifs, se réfugient dans un secteur que je qualifierai d'intermédiaire, que ce soit du logement locatif intermédiaire ou de l'accession à la propriété, et abandonnent le créneau du logement social.

Enfin, je dirai que la différenciation en catégories, qui a pu se faire au cours des dernières années, des différents produits locatifs, entre le PLA très social, le PLA d'intégration, le PLA à loyer modéré, et autres, a eu, à mon avis, un effet d'image négatif et néfaste sur la construction de logements sociaux.

Cependant, la création du PLUS me semble aller maintenant dans le bon sens.

M. Jean-Pierre Delalande : Je suis toujours frappé, quand on parle de logement social, qu'on se concentre sur les HLM. Les HLM ne logent pas les personnes en difficulté. Elles demandent un rapport de 1 à 4  entre le revenu et le loyer charges comprises, c'est-à-dire que vous ne pouvez pas vous loger, même dans un petit appartement, à moins de 9.000 ou 10.000 francs. Cette offre concerne la catégorie que les anglo-saxons appellent la « lower middle class », mais non les personnes en difficulté. Elle ne permet pas de loger les personnes très défavorisées.

Vous avez ici plusieurs maires de banlieue d'Ile-de-France qui imaginent des dispositifs complètement différents. Nous faisons appel à des sociétés qui ont l'habitude de construire plutôt des foyers, mais qui sont appelées à construire, sur la base de leur métier et de leurs connaissances, des appartements de meilleure qualité que des foyers. Nous y arrivons en imaginant des solutions appropriées à chaque opération, avec des concours de la Caisse des dépôts et consignations, mais de moins en moins par les mécanismes qui nous sont offerts par l'Etat.

Je trouve que c'est un vrai problème. C'est vraiment la faillite de la politique du logement social en France. On en construit de moins en moins, ou disons que cela a considérablement baissé, parce que cette politique n'est pas appropriée.

Comment nous déterminons-nous en rencontrant nos concitoyens ? Nous regardons objectivement leur situation et nous essayons de bâtir une politique de logement social pour chacune des tranches de revenu. Nous partons de ce constat et non pas d'un modèle unique qui serait censé permettre de loger tout le monde et qui ne le fait pas parce que, évidemment, les offices publics de HLM ont leurs contraintes. De toutes façons, ils ont eu tellement de soucis qu'en effet, ils se sont réfugiés dans les pratiques que notre collègue Dumont et vous-même avez rappelées : ils sont attentifs à leur équilibre financier, c'est-à-dire qu'ils ne renouvellent pas leur parc.

C'est la première question lourde que je voulais vous poser. N'y a-t-il pas lieu de renouveler cette politique ? De ce point de vue, sans polémique aucune, parce que ce n'est pas le genre de notre Mission d'évaluation et de contrôle, je tiens à vous dire que la loi « Solidarité et renouvellement urbains » (SRU), qui impose 20 % de HLM à toutes les communes, est absurde ! Ce n'est pas comme cela que l'on va résoudre la question du logement social ; on ne le fera que par la méthode que je vous ai indiquée, en renouvelant la politique de logement social complètement et avec de nouveaux dispositifs.

La deuxième faillite est avérée : nous sommes très concernés dans notre département du Val d'Oise en matière de sédentarisation des gens soi-disant « du voyage ». Ce n'est pas du tout un sujet éloigné. En effet, quand vous creusez ces questions, vous vous apercevez qu'énormément de problèmes sociaux et de malaises perdurent et qu'ils pourraient être réglés avec une consommation de crédits publics beaucoup moins importante et beaucoup plus efficace.

Notre souci d'efficacité de l'emploi des crédits publics permet de constater que, dans les mécanismes actuels, il y a des pertes en ligne considérables et des crédits qui ne sont pas orientés à bon escient.

La troisième question est celle du débat sur le renouvellement urbain, les réhabilitations et les reconstructions. Je me suis beaucoup occupé de la politique de la ville et j'ai visité énormément de quartiers en difficulté.

Je me rappellerai toujours le maire du XIIIème  arrondissement de Marseille qui m'a montré (j'étais à l'époque président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts, organe très actif) les opérations de réhabilitation des quartiers nord de Marseille. Quand vous faisiez un modeste calcul, vous vous aperceviez que la réhabilitation d'une tour coûtait beaucoup plus cher qu'une construction neuve. On ne peut qu'être perplexe.

Certaines raisons sociologiques peuvent expliquer l'enracinement des jeunes de ces quartiers et l'attachement, l'affection qu'ils ont pour leur tour. Quand on a un peu étudié ces questions, on s'aperçoit que, aussi paradoxal que cela puisse paraître à des gens qui sont extérieurs à ces quartiers, les habitants y sont attachés et donc que la démolition peut poser problème, et doit être préparée dans la durée.

J'ai donc été effaré du coût de ces opérations au regard du résultat et de leur efficacité sur longue période, y compris pour la résolution des problèmes sociaux sur le long terme.

Voilà trois questions qui me paraissent très importantes et sur lesquelles je voudrais avoir votre sentiment.

M. Christian Nicol : Vous considérez que les organismes HLM ne font plus de logement social, compte tenu de la catégorie de population accueillie ; ce n'est pas la vision que j'ai.

M. Jean-Pierre Delalande : C'est pourtant évident.

M. Christian Nicol : Je pense que vous avez une vision particulière en région Ile-de-France, dont la spécificité est bien connue par les statistiques. Cela répond à une question que posait tout à l'heure M. Dumont. D'une manière globale - je le dis de mémoire car je n'ai pas les chiffres exacts en tête - alors que le pourcentage de bénéficiaires de l'aide personnalisée au logement (APL) dans le parc HLM est, au niveau national, de 55%, il est de 30% en région Ile-de-France, alors que les barèmes sont plus favorables en région Ile-de-France.

Il y a donc bien un problème dans la région parisienne, où la demande de logements sociaux est forte, problème qui se traduit, si j'en crois ces chiffres, par le fait que les organismes HLM choisissent les moins pauvres parmi les pauvres qui sont candidats à un logement, ce qui n'est pas le cas en province, où on accueille plus facilement tout le monde.

Quant à la question de la norme selon laquelle le revenu exigé correspondrait à quatre fois le loyer plus les charges, je dirai que votre analyse devrait bien évidemment tenir compte de l'APL. Ce n'est pas la peine d'avoir une APL qui couvre quasiment la totalité du loyer et des charges si l'on n'en tient pas compte pour évaluer la solvabilité des gens.

M. Jacques Guyard : Pas pour les charges.

M. Christian Nicol : Si ; dans certains cas, c'est même supérieur. En tous cas, la prise en compte de l'APL devrait permettre à ceux qui ont des ressources faibles d'entrer en HLM. On sait que ceux qui ont le moins de mal à entrer en HLM sont les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion (RMI). Donc je pense que c'est un problème de comportement des organismes HLM plus que de politique du logement, qui serait inadaptée en région Ile-de-France, puisque c'est un problème qui n'existe qu'en région Ile-de-France.

En ce qui concerne la sédentarisation des gens du voyage, les crédits du budget du logement permettent cette sédentarisation. Certaines collectivités se sont même lancées dans des opérations assez intéressantes de ce point de vue. C'est tout ce que je peux dire à ce stade.

Sur la question de la démolition et du renouvellement urbain, comme je l'ai dit tout à l'heure, il y a une évolution assez importante des mentalités et, notamment, des mentalités au sein de l'administration.

Je considère que c'est l'administration qui a empêché le développement des démolitions pendant des années. Quand elle a fini par les admettre, toute demande de démolition était un véritable parcours d'obstacles qui revenait effectivement à rendre sa réalisation très difficile. Ce n'est que très récemment que l'on s'est rendu compte du gâchis, en termes économiques, résultant des réticences d'une administration qui avait l'impression que l'argent public ayant servi à construire des logements serait gâché en les détruisant. Elle ne se rendait pas compte que le fait de continuer à les réhabiliter dans certaines conditions revenait à gâcher encore plus d'argent public.

Les choses sont rentrées dans l'ordre, car la position de l'administration et celle des pouvoirs publics ont été clarifiées, avec la prise en compte de la situation des locataires et l'organisation du relogement. Il y a maintenant une multiplication des projets de démolition, qui montre que les tabous ont été vaincus, certes récemment.

M. Jean-Pierre Delalande : C'est bien, mais comment règle-t-on, s'il est spécifique, le problème de la région Ile-de-France ? Je n'ai pas de piste là-dessus. Je vous dis que, d'après mon expérience, celle de la banlieue nord, du Val-d'Oise, nous menons des actions parce qu'il est évident qu'il faut le faire, notamment sur le foncier. Nous prenons en charge le foncier, mais pour un coût tellement élevé que nous ne pouvons pas faire un très grand nombre d'opérations. Nous faisons des opérations appropriées aux différentes catégories de revenus de la population.

M. Jean-Jacques Jégou : Je voudrais continuer sur ce registre, parce que, pour ma part, en tant que praticien de terrain, avec un certain nombre de collègues, j'avais plusieurs questions à poser. Nous avons préparé cette Mission d'évaluation et de contrôle de façon assez unanime compte tenu la situation que nous connaissons les uns et les autres, qui est peut-être plus difficile en Ile-de-France que dans ce qu'il est convenu d'appeler la France profonde. Nous voyons bien également que, dans les grandes métropoles, on se trouve dans la même situation. La région Ile-de-France n'est pas la seule.

A la Mission d'évaluation et de contrôle, nous ne sommes pas meilleurs que les autres, mais nous essayons de réfléchir pour savoir comment mieux dépenser, au-delà des courants politiques, en évitant de se reprocher les uns les autres des turpitudes, suivant qu'on est dans la majorité ou l'opposition. C'est dans cet état d'esprit que je travaille ici et j'avais donc préparé un certain nombre de questions.

Cependant, en vous entendant et en entendant aussi mes collègues, alors même que nous savons tous, les uns et les autres, ce qu'il faut faire depuis un certain temps, j'ai l'impression que nous ne sommes pas encore - comme l'on dit - sortis de l'auberge. En effet, il y a une sorte de résignation à la lenteur de l'administration à changer. Pourtant, quand il y a une volonté politique, il devrait en être autrement.

On sait, au regard de la politique passée du logement, qu'il y a maintenant à faire une sorte d'aggiornamento et à mettre tout à plat. En effet, plus rien ne marche. Si je disais cela dans l'hémicycle, la majorité se retiendrait peut-être d'applaudir. Ici, on n'applaudit pas mais on est tous d'accord.

Année après année, le budget du logement est toujours en augmentation mais, comme pour beaucoup de ministères, on commence à comprendre qu'un bon budget n'est pas forcément un budget en augmentation. Vous vous en plaignez presque en disant que ce n'est pas vrai, mais il suffit de voir l'exemple des PALULOS. On dit : « c'est du gâchis », mais on continue à augmenter les crédits PALULOS et à faire en sorte de les utiliser alors qu'on sait bien que la solution n'est pas seulement de réhabiliter les logements sociaux dégradés, mais d'accroître la mixité sociale. C'est-à-dire qu'il faut détruire certains logements existants pour loger d'autres catégories, afin de lutter contre la vacance.

Ma première question est donc la suivante : en ce qui concerne l'affichage, qui n'est pas imputable à ce seul gouvernement (il y a eu suffisamment d'alternances pour que nous soyons tous responsables), on sait bien que les crédits ne sont pas utilisés, que ceux qui sont utilisés le sont mal, ou que certains organismes ne font plus ce qui constitue leur vocation pour un ensemble de raisons. Vous dites qu'ils ne veulent plus construire parce que, finalement, ils n'en ont pas les compétences, mais c'est aussi parce que les opérations de PLA très sociaux, PLA ordinaires, PLUS, etc., ne sont pas équilibrées. Je parle - il est vrai - de ce que je connais le mieux, et notamment je pense aux problèmes du foncier en Ile-de-France.

Nous n'allons pas refaire le monde ce matin, mais en matière de logement, on peut commencer à essayer d'amener des responsables, dont vous faites partie, à dire qu'effectivement, cela ne fonctionne plus et qu'il faut travailler tous ensemble pour faire une véritable politique de logement social moderne et innovante, dont nous connaissons pertinemment la recette les uns et les autres en tant que praticiens de terrain. C'est ma première question.

Par ailleurs, le Président Delalande, est parfaitement fondé à se demander si l'un des échecs de la politique du logement social ne réside pas, finalement, dans l'impossibilité de loger le jeune célibataire au SMIC en région Ile-de-France. Je parle bien du SMIC, parce que, comme vous l'avez dit, le RMI donne davantage de possibilités pour se loger, même si les bailleurs craignent les impayés de locataires sans activité.

N'est-il donc pas possible de convaincre les organismes HLM (la MIILOS est bien là pour les contrôler) de ce que nous savons tous : l'APL couvre pratiquement le loyer, sauf pour un célibataire au SMIC, et, dans cette situation, il faut absolument permettre à un jeune qui commence dans la vie de se loger, sans quoi nous aurons un problème d'emploi. Les maires sont obligés simultanément de résoudre les deux problèmes : il y a emploi s'il y a un logement et il n'y a pas de logement s'il n'y a pas d'emploi.

Enfin, je vous poserai une dernière question, en faisant appel à vos responsabilités récentes et à votre bonne connaissance de la politique du logement. L'Etat est-il décidé à prendre en compte l'investissement financier énorme que réalisent les collectivités locales dans le cadre de sa volonté de transfert de charges aux collectivités locales ? En effet, elles ne sont pas toutes réticentes au logement social. J'ai 20 % de logements sociaux dans ma commune et je connais beaucoup d'autres maires qui font de gros efforts. Les collectivités locales, qui sont souvent des petites communes modestes et peu riches, sont obligées de « mettre au pot », si elles veulent des logements sociaux, sans quoi aucune opération ne peut se faire.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Je voudrais prolonger les questions de M. Jean-Jacques Jégou. Nous sommes tous assez d'accord sur le constat. A la limite, les objectifs affichés par le ministère chargé du logement répondent assez bien à la logique que nous souhaitons. Le gros problème, c'est que l'on affiche sans cesse des objectifs et que l'on n'obtient jamais de résultats. Pourtant, on essaie de s'en donner les moyens.

En ce qui concerne les questions qui vous ont été posées, j'avoue que je n'ai pas été tellement impressionné par les réponses. Manifestement, on touche du doigt un constat que chacun reconnaît, on ajoute plan de relance à plan de relance et on obtient toujours d'aussi mauvais résultats par rapport à des objectifs affichés, même si, parfois, certains plans ont de meilleurs effets que d'autres. Globalement, on ne peut être satisfait.

Comment peut-on sortir de cette situation ? Vous êtes parmi ceux qui, comme cela a été rappelé, ont une grande expérience en la matière. Donc que peut-on envisager de plus pour faire en sorte que les résultats correspondent aux objectifs que nous affichons ? L'Etat a-t-il évalué les effets des mesures du plan de l'été 1999 ? Un certain nombre de mesures importantes avaient été annoncées et les résultats les plus récents témoignent d'une baisse des constructions malgré l'amélioration de la situation financière des bailleurs sociaux, comme vous venez de nous le confirmer.

Je veux bien que l'on donne la priorité à la politique de renouvellement urbain, car cela me paraît effectivement une bonne orientation, mais si, parallèlement, on ne construit pas des logements nouveaux, ne serait-ce que pour accueillir les personnes qui étaient dans les immeubles que nous détruisons, l'idée étant de faire en sorte qu'il y ait moins de tours, et si, parallèlement, on ne poursuit pas cet effort de construction, on ne résoudra jamais l'équation qui nous est soumise.

N'y a-t-il pas non plus un problème d'organisation administrative ? Certains proposent le transfert de la compétence du logement aux collectivités locales et je n'ai pas d'a priori là-dessus. Vous l'avez reconnu vous-même tout à l'heure, d'une certaine façon, en disant que « l'Administration » avait pu prendre sa part de responsabilité dans le retard de compréhension d'un certain nombre de phénomènes, mais avons-nous la bonne organisation administrative pour répondre aux besoins qui s'expriment sur le terrain ?

Tout le monde reconnaît que le processus de décision reste d'une redoutable lenteur. Des mesures de simplification administrative ne seraient-elles donc pas beaucoup plus efficaces que des décisions dont on voit bien qu'elles peuvent être sans conséquence sur le terrain ?

On attend de vous, si je puis dire, de sortir des sentiers battus dans lesquels on se trouve depuis quelques années. On voit qu'il y a des objectifs affichés et une ambition, mais le problème, c'est de savoir si, concrètement, nous arrivons à nous donner les moyens de cette ambition. Pour le moment, en fonction des résultats obtenus, on peut en douter.

M. Christian Nicol : Je ne sais pas si c'est à moi de répondre sur le fond aux questions que vous posez. Je suis dans une position de chef de mission de contrôle et je pense que ces questions s'adressent plus au ministre qu'à moi.

Cela dit, en restant dans mon domaine de compétences, je constate que la succession de tous ces plans de relance, depuis quelques années, n'est pas forcément une bonne chose. Finalement, ils finissent par susciter l'attentisme : on ne fait rien en attendant le prochain plan de relance qui améliorera encore les choses et on aurait tort de se précipiter. Il est vrai qu'ils se sont succédé quasiment tous les ans ou tous les six mois.

Cependant, la conjoncture pousse à l'attentisme. Le plan de l'été 1999, avec notamment la mise en place du PLUS, a été accueilli favorablement. Seulement, quelques mois plus tard, la hausse du taux du livret A, en 2000, a remis à mal l'équilibre qui était atteint en 1999. Il est vrai que ce n'est pas simple.

L'administration évolue probablement trop lentement, par exemple sur les démolitions. Il ne faut pas non plus réduire la politique du logement au logement social. En effet, si les crédits du logement social sont mal consommés, ils le sont très bien dans les autres secteurs, qu'il s'agisse du prêt à taux zéro, de la réhabilitation ou des crédits pour le parc privé, les crédits de l'ANAH et de la prime à l'amélioration de l'habitat (PAH), qui contribuent, chacun à leur manière, à répondre à la question du logement, qui n'est pas uniquement celle du logement locatif social. Elle est à prendre dans sa globalité et que c'est dans cette globalité qu'il faut l'évaluer.

Personne, ici, ne nous dira que la seule politique de logement de l'Etat doit être une politique de construction de logements locatifs sociaux. Il y a même des zones et des régions dans lesquelles il n'y a plus besoin de logements locatifs sociaux ; il faut le dire.

J'ai été aussi directeur de l'ANAH et je pense que l'effort qu'elle fait en matière de remise sur le marché des logements vacants dans le milieu rural est fondamental. Il vaut mieux réhabiliter des logements existants en centre bourg que d'aller construire du PLA qui risque de rester vacant.

C'est dans la globalité qu'il faut analyser la politique du logement. Le problème lancinant qui est posé à tous les ministres du logement est celui de la construction de logements locatifs sociaux ou du développement du parc locatif social dans les grandes agglomérations. J'aurais tendance à dire que c'est le vrai problème du logement aujourd'hui.

Pour le reste, tout se passe assez bien. Tous les indicateurs montrent, de recensement en recensement et d'enquête logement en enquête logement, que les gens sont mieux logés, que la surface par habitant est de plus en plus importante et qu'il y a de plus en plus de propriétaires dans ce pays. Donc il ne faut pas non plus exagérer. On a le petit problème de construire des logements sociaux là où il y en a besoin.

M. Jean-Louis Dumont : En Ile-de-France.

M. Jean-Pierre Delalande : Manque de chance : c'est là que nous sommes : en Ile-de-France !... (Rires.)

M. Jacques Guyard : Il est vrai, monsieur le Président, que la MEC est « mal » constituée, car elle comprend majoritairement des députés d'Ile-de-France.

Je vais essayer de reprendre un peu différemment la question posée par mes collègues avant moi. Nous constatons tous que le budget du logement social est en train de devenir la variable d'ajustement de la gestion budgétaire globale. Les crédits militaires pendant longtemps ont représenté la plus grande part des crédits annulés et le logement social va finir par s'y substituer. Notre souci est d'abord de dépenser utilement, comme le disait M. Jean-Jacques Jégou.

Où sont les blocages ? Avec mon expérience d'élu d'un département de la grande couronne, j'en retiendrai deux.

En matière de renouvellement urbain, ce qui me paraît être le facteur de blocage, aujourd'hui, c'est la structure de la décision plus que les problèmes financiers, c'est-à-dire la nécessité de conjuguer, pour une opération de renouvellement urbain, l'action des organismes HLM. De ce point de vue, l'existence des 800 ou 900 organismes est totalement anachronique. Il suffit de voir la situation de ma commune où 29 organismes interviennent ; c'est une folie pure. Là-dessus, il y a vraiment des mesures brutales à prendre, dont le mouvement HLM lui-même, à mon avis, n'est pas capable. Une initiative des pouvoirs publics est indispensable.

Il est très difficile d'arriver à faire coopérer, comme sur le grand projet de ville chez moi, les organismes HLM, la ville (si on n'agit pas sur l'environnement immédiat des immeubles en même temps qu'on les réhabilite, cela ne marche pas), le département, qui a besoin d'intervenir sur la voirie, et le préfet, qui en principe doit diriger l'opération. On met au mieux trois ans à se mettre d'accord sur un programme et deux ans à l'engager.

Le problème du renouvellement urbain réside d'abord dans la structure de décision, me semble-t-il, et non dans l'insuffisance des crédits, parce qu'aujourd'hui, la situation n'est pas si mauvaise : il y a de l'argent.

La situation de la construction neuve qui, chez nous, reste indispensable parce que la demande existe, est inquiétante. Comme vous l'avez dit tout à l'heure, aujourd'hui, pratiquement tous les loyers sont au plafond, ce qui signifie qu'ils sont chers. Chez moi, à 30 kilomètres de Paris, la différence entre les loyers du secteur privé et ceux du secteur HLM est quasiment nulle ; il y a 5 % de différence et des promoteurs privés arrivent à tirer les loyers jusqu'aux prix HLM, ce qui pose un vrai problème, parce qu'on a augmenté un peu l'aide à la pierre et mis en place des prêts à taux favorables.

La charge foncière explique les blocages. En Ile-de-France, soit les communes ont trop de HLM et elles ne veulent plus en faire à juste titre, parce que, quand on en a 50 %, il ne faut pas en faire plus ; soit elles n'en ont pas, ou très peu, auquel cas il est difficile de persuader l'opinion publique à la fois qu'il faut des HLM et qu'il faut payer lourdement pour les construire. Je me mets à la place de collègues qui ne sont pas de ma tendance politique et qui les refusent et utilisent un argument qui porte sur leur opinion. Ils ne disent pas : « je ne veux pas de HLM », mais « cela nous coûte très cher si on veut en faire ». Il est difficile de combattre cet argument.

L'équilibre des opérations reste depuis toujours, pour l'organisme lui-même, très problématique. Je fais actuellement le bilan des 10.000 PLA que nous avons construits sur la ville nouvelle d'Evry, des PLA de 1970 à 1985, la pire période du point de vue des taux d'intérêt, et je constate des déficits de 80.000 francs par appartement au terme de la période de remboursement. Il est vrai que cela n'encourage pas les organismes à construire.

Il se pose un problème de montage financier en construction neuve. Il serait souhaitable que la MIILOS analyse les conditions d'une réussite, en mesurant la part des collectivités territoriales et celle de l'Etat. Sinon, on continuera de construire de moins en moins, on tombera en dessous de 40.000 ou de 35.000 logements par an et le système sera bloqué.

D'ailleurs, est-ce que le système mis en place en 1977 qui associe les PLA à l'APL correspond à la réalité sociologique et à la situation économique d'aujourd'hui ? Je me pose des questions là-dessus. A ce sujet, M. Delalande a raison : on a tendance à répondre aux situations sociales les plus diversifiées en inventant des produits spécifiques pour les plus pauvres (j'ai fait la même chose) comme l'hôtel social, sinon on n'y arrive pas.

Le Président Augustin Bonrepaux : M. Nicol, pouvez-vous répondre à ces questions précises ?

M. Christian Nicol : Je vais commencer par répondre à une question de M. Migaud. Effectivement, les opérations de constructions neuves, pour être équilibrées, alors que le logement est une politique de l'Etat, nécessitent des financements externes qui ne peuvent que provenir des collectivités locales. C'est en effet un problème qui est à résoudre. Ce système dans lequel les financements conjoints sont indispensables peut être bloquant, s'il n'y a pas de crédits d'Etat, ou s'il n'y a pas de crédits de la collectivité locale.

Je pense donc que l'une des réflexions de fond doit porter sur la clarification d'une compétence, qui est officiellement celle de l'Etat, mais qui est en fait partagée.

M. Jean-Jacques Jégou : C'est le problème du financement croisé.

M. Christian Nicol : Tout à fait. Officiellement, on dit que le PLA est financé par l'Etat, alors qu'en réalité, on sait qu'il ne peut être équilibré qu'avec l'aide de...

M. Jean-Jacques Jégou : ...la région, du département ou de la commune.

M. Christian Nicol : Voilà. Là-dessus, je n'ai pas de réponse à apporter, mais un élément de clarification s'impose.

Le Président Augustin Bonrepaux : M. Guyard a posé une question précise en vous demandant à quelles conditions les organismes HLM pourraient construire. Selon vous, quelle devrait être la participation des collectivités locales ? La question était précise et nous attendons de vous des suggestions précises.

M. Christian Nicol : Je ne peux pas apporter de réponse précise à cela, parce que je vois passer autant de plans de financement qu'il y a de programmes PLA en France. Un organisme HLM peut très bien construire en milieu rural, là où la charge foncière n'est pas très élevée, sans apport extérieur de la collectivité locale, avec éventuellement un petit concours du 1% logement et des fonds propres, s'il en a. En revanche, dans une zone où le prix du foncier est élevé, comme à Paris, cette mission est impossible. Aucun organisme de HLM ne pourra construire à Paris sans une subvention pour le foncier de l'Etat et des collectivités locales, puisque l'Etat ne verse une subvention foncière qu'à condition qu'il y ait une subvention de même nature des collectivités locales. En région Ile-de-France et à Paris, on ne peut construire qu'avec un effort financier considérable des collectivités locales.

Toute cette panoplie existe et il faut y ajouter les capacités financières des organismes. Un organisme qui a beaucoup de fonds propres aura moins à solliciter des partenaires extérieurs. Une société anonyme de HLM qui est filiale d'un collecteur du 1 % logement aura tous les fonds 1 % qu'elle veut pour investir dans les opérations, ce qui n'est pas le cas d'un office HLM. C'est bien connu.

Rares sont les organismes qui peuvent construire, voire engager des réhabilitations, avec leurs seuls moyens. A partir de là, ils sont tous dans des situations inégales selon qu'ils sont aidés ou non par les collectivités locales ou selon qu'ils sont dans l'aire d'influence d'un collecteur du 1 %. Voilà la situation du logement social telle que je peux la décrire aujourd'hui. C'est peut-être cette situation qui est insatisfaisante et qu'il faut faire évoluer.

M. Pierre Méhaignerie : Si le diagnostic est assez largement partagé, quelles solutions peut-on apporter ? Je tempérerai un peu le diagnostic, compte tenu de réussites assez exceptionnelles. En revanche, les échecs et les difficultés sont trop nombreux compte tenu des moyens financiers qu'on y met.

Nous avons donc une diversité de situations et de plus en plus de règles qui tombent d'en haut de façon uniforme et qui sont inadaptées à cette diversité. Le temps n'est-il pas venu, tout en donnant un droit de veto au préfet et à l'administration, de laisser, à l'intérieur d'une dotation globale et en réponse à des objectifs à évaluer par l'Etat, une grande liberté d'action à chacune des villes, ou à chacun des départements en milieu rural ?

Chaque ministre fait son plan mais, par exemple, le blocage des loyers aujourd'hui est agréable à annoncer à la tribune de l'Assemblée alors qu'il illustre la gestion malsaine du logement social. Ensuite, on se plaint que les organismes HLM n'aient aucune prévision d'ensemble. Un nouveau ministre viendra dans quinze mois et il fera un nouveau plan.

Vous nous demandez si nous n'avons pas des solutions. Je pense que la solution est dans les objectifs fixés par l'Etat. Avec une dotation globale, une grande liberté d'action et un droit de veto du préfet, je pense qu'à l'intérieur de l'enveloppe qui est quand même financièrement substantielle, on pourrait vraiment améliorer la situation.

Le Président Augustin Bonrepaux : Vous ne répondez pas, M. Nicol ?

M. Christian Nicol : C'est un constat.

M. Pierre Méhaignerie : Etes-vous d'accord pour aller vers une décentralisation beaucoup plus forte et la création de marges d'initiative pour l'emploi d'une enveloppe financière ?

M. Christian Nicol : Oui. C'est effectivement une solution qui doit être étudiée, mais c'est au ministre qu'il faut poser cette question.

M. Pierre Méhaignerie : Cela fait vingt à quarante ans que vous êtes dans le métier. Vous devriez donc nous aider et nous conseiller.

M. Christian Nicol : Cela rejoint ce que je disais tout à l'heure sur le fait que la situation actuelle, qui témoigne d'une certaine hypocrisie, n'est plus tenable. J'ai dit que le système des financements croisés n'était pas satisfaisant et il est clair que l'Etat ne peut pas tout régler. Donc c'est une question de décentralisation. Le problème, en matière de logement, est bien connu : à quel niveau faut-il décentraliser ? Est-ce la région, la communauté d'agglomération (puisque la commune ne convient pas) ou le département ? On ne le sait pas et cela a toujours été la difficulté.

M. Pierre Méhaignerie : Pour moi, c'est la communauté d'agglomération.

M. Gilles Carrez : J'évoquerai deux points. Tout d'abord, je parlerai de la surcharge foncière, qui a été évoquée tout à l'heure, et je prendrai ensuite un exemple pour illustrer la nécessité de décentraliser et de s'adapter aux situations locales qu'évoquait à l'instant M. Pierre Méhaignerie.

Sur la surcharge foncière, en région parisienne, en particulier dans l'agglomération centrale, dans la plus grande partie des trois départements de petite couronne (mais je pense que c'est même vrai dans des départements de la grande couronne), nous sommes confrontés aujourd'hui à des difficultés inextricables. Il faut absolument que soit mis en place un financement de la surcharge foncière qui ne soit pas communal.

Je vais vous donner des chiffres. Dans ma propre commune, qui se trouve avoir un potentiel fiscal faible, 20 logements sociaux constituent un coût, en termes de surcharge foncière pour la part de 20 % que doit apporter la commune, qui représente un point d'impôts. 20 logements sociaux égalent un point d'impôt. Quand on sait que, selon la loi Gayssot, il nous en manque 1.800, on voit tout de suite les limites de l'exercice.

Il faut absolument mettre en place un financement de la surcharge foncière à un échelon intercommunal. Comme cet échelon n'existe pas, je pense que c'est en direction de la région qu'il faut se tourner. Il faudrait qu'à l'échelon régional, soit mise en place une politique de financement de la surcharge foncière, de l'apport des 20% à la charge des collectivités locales.

Les prix ont à nouveau tendance à augmenter, on a de plus en plus de difficulté à trouver du foncier et il faut donc prendre cette question à bras le corps.

Je ne veux pas entrer dans un débat sur la responsabilité de l'Etat, qui assume déjà suffisamment le financement du logement social. Je trouve donc assez normal que les collectivités locales assurent en partie le financement du foncier, mais il faut trouver l'échelon pertinent.

Ma deuxième observation concerne la diversité. Je suis totalement favorable à la prise en compte, à l'échelon local, des situations spécifiques et donc à la nécessité de déconcentrer, voire de décentraliser les procédures.

A quelques kilomètres de la circonscription dont je suis l'élu, à vol d'oiseau, sur les sites du Bois-l'abbé et des Mordacs, que connaît bien M. Jean-Jacques Jégou, ce serait une aberration de pratiquer le surloyer. Il ne faut en aucun cas le faire. En revanche, dans ma commune, il faut au contraire le pratiquer. Donc, il ne faut pas adopter une attitude idéologique ou dogmatique. Tout est affaire d'appréciation locale. Par conséquent, tant qu'on ne mettra pas en place des procédures décentralisées pour traiter ces différentes questions, on ne relancera pas la construction de logements sociaux.

Les procédures auxquelles nous sommes confrontés et qui sont, grosso modo, identiques sur l'ensemble du territoire national ne marchent plus. Il faut absolument qu'on nous propose une plus grande décentralisation. Sinon, nous allons la faire nous-mêmes parce que nous avons beaucoup d'idées. C'est d'ailleurs à nous de la faire parce que les réponses sont tout à fait limitées.

M. Jean-Jacques Jégou : J'ai oublié un point - pour prolonger ce que vient de dire M. Gilles Carrez - qui montre la nécessité de réformer les choses. Il s'agit de la garantie, qui est un autre facteur de blocage dont nous n'avons pas parlé. Je rappelle la situation. Une SA de HLM ou un office, tout bailleur social, quelle que soit sa forme juridique, qui veut construire dans une commune s'enquiert de la plus prochaine séance du conseil municipal pour « passer la garantie ». C'est la collectivité qui garantit le prêt que contracte l'organisme auprès de la Caisse des dépôts et consignations.

Pourquoi ? L'Etat a institué une espèce de coutume, de rite coutumier. Nous n'avons pas trouvé, mon ami Guyard et moi, le fondement juridique de cette pratique. En l'absence de garantie, il n'y a pas d'éligibilité aux prêts bonifiés. C'est un droit coutumier, alors qu'on ne savait pas qu'il y en avait encore en France.

Je vois que je vous surprends. Pourtant, j'ai évoqué cette question à la Caisse des dépôts et consignations, au conseil de surveillance de laquelle je siège depuis huit ans. Vous verrez que les responsables des organismes disent : « je ne construis pas si vous ne m'apportez pas la garantie », ce qui pose problème ; quand on a construit beaucoup de logements sociaux, le trésorier-payeur-général s'interroge sur la portée de la garantie : « qu'est-ce que c'est que cette histoire de garantie ? Vous vous rendez compte, monsieur le maire, vous êtes en dépassement de garantie ! »

Ce sont des blocages totalement aberrants. Je vous vois très dubitatif là-dessus, ce qui m'inquiète encore plus. Je me demande si on ne pourrait pas mettre fin à des pratiques sans fondement juridique.

M. Jean-Pierre Delalande : Je vais compléter ce que vient de dire mon collègue M. Jean-Jacques Jégou. Avec la mise en place de la comptabilité M 14, qui constitue une très bonne modernisation de la gestion des communes, on doit comptabiliser les garanties dans l'endettement global de la ville. Or, lorsque vous avez très peu de possibilités, ce qui est le cas de ma commune en tant que ville très pauvre, sans taxe professionnelle et sans faculté d'emprunt, et que vous cumulez les garanties, vous ne pouvez plus rien faire dans aucun autre domaine. Les investissements sont bloqués, même dans les autres domaines. Quand vous avez 20.000 habitants et une faculté d'emprunt de 8 millions par an, comment faites-vous ?

Le Président Augustin Bonrepaux : M. Nicol va répondre.

M. Jean-Jacques Jégou : On est en train d'accabler M. Nicol.

M. Christian Nicol : Vous ne m'accablez pas. Sur cette question de garanties, j'avais en tête, mais je me trompe peut-être, qu'il y avait un article du code des Caisses d'épargne, puisque vous savez que les prêts aux organismes de HLM sont adossés au livret A, et dont on peut vérifier l'existence auprès de la Caisse des dépôts, article qui prévoit que les financements accordés à partir de prêts adossés au livret A doivent faire l'objet d'une garantie.

On m'a toujours dit qu'il y avait cette base réglementaire ou législative.

M. Jean-Jacques Jégou : Mais on ne dit pas par qui doit être donnée la garantie. En fait, on a trouvé le plus faible et le moins puissant pour cela.

M. Christian Nicol : Un organisme HLM n'est pas obligé d'avoir la garantie d'une collectivité locale. A défaut, il peut bénéficier d'une garantie de la Caisse de garantie du logement social (CGLS). Cette garantie est payante.

M. Jean-Louis Dumont : Donc cela coûte plus cher.

M. Jean-Jacques Jégou : Du coup, peuvent-ils avoir des prêts bonifiés ?

M. Christian Nicol : Ils ont le droit aux mêmes prêts, quelle que soit la garantie.

M. Jean-Louis Dumont : Pas forcément. Compte tenu de la situation financière de l'organisme, la qualité de l'intervention financière de la Caisse des dépôts et consignations est effectivement fonction de l'obtention de la garantie. Aujourd'hui, on est même obligé de chercher des garanties doubles : 50 % par le conseil général et 50 % par une autre collectivité locale. Encore faut-il que les deux collectivités se mettent d'accord.

Nous sommes dans une situation encore plus difficile sur le plan administratif quand on fait un montage d'opération. Si on va à la CGLS et, demain, à la CGLLS (5), cela coûtera encore plus cher. Il y a donc un léger surcoût.

Ces dernières années, il s'y ajoute toutes les mesures prises en fonction des qualités d'intervention, des qualifications, de la sécurité et de la sécurisation pour cette garantie, qui représentent plusieurs points supplémentaires dans le plan de financement.

M. Christian Nicol : Là-dessus, je suis affirmatif. Les prêts ne sont pas plus chers selon qu'il y a ou non une garantie de la collectivité locale. Les prêts de la Caisse des dépôts et consignations aux organismes HLM sont accordés selon le même barème à tous les organismes, qu'il y ait ou non cette garantie, et la garantie de la CGLS est gratuite dans le cas des logements d'intégration (PLA-I).

M. Jean-Jacques Jégou : Expliquez-nous pourquoi les collectivités locales sont tenues d'apporter leur garantie, dans ce cas.

M. Christian Nicol : Elles n'y sont pas tenues.

M. Jean-Pierre Delalande : S'il n'y a pas de garantie, il ne se fait rien !

M. Christian Nicol : L'organisme qui n'a pas de garantie d'une collectivité locale va voir la Caisse de garantie du logement social qui lui accorde sa garantie. J'ajoute que les cas où la mise en jeu des garanties des collectivités locales a été appelée depuis l'origine des temps se comptent sur les doigts d'une main.

M. Alain Cacheux : Monsieur le Président, je resterai dans le prolongement et la logique de ce que viennent de dire nos collègues, au regard de la problématique de notre mission.

Je pense que cette panne ou ce ralentissement de la construction de logements sociaux s'explique d'abord par des problèmes de financement. M. Jacques Guyard l'a dit et M. Pierre Méhaignerie a rappelé à quelles conditions d'engagement des collectivités locales on pouvait réaliser des opérations de construction : 110.000 francs, ce n'est pas rien ; cela fait quasiment 20% du coût de construction, sans parler des problèmes de surcharge foncière qui ont été évoqués par M. Gilles Carrez. Sur ce point, je voudrais dire deux ou trois choses.

La première, c'est que l'aide à la pierre de l'Etat est devenue notoirement insuffisante. Il est vrai que l'on a mis en _uvre, en 1977, la réforme des aides au logement qui, d'un certain point de vue, pouvait partir d'une idée qui n'était pas fausse et qui consistait à vouloir proportionner l'aide de l'Etat, par les aides personnelles, à la situation des familles ; mais cette réforme des aides personnelles ou du financement appliquée en période de crise est terriblement ségrégative. D'où les difficultés que nous connaissons.

En tenant compte de la faiblesse de l'engagement de l'Etat et malgré le concours des collectivités locales, je veux confirmer ce que disait M. Jacques Guyard. Nous réalisons des logements un peu en deçà des prix du marché, mais pas tellement. Cela veut donc dire que l'on a parfois beaucoup de mal, sur des opérations nouvelles, à trouver des locataires qui satisfont les plafonds de ressources et pour lesquels la charge, en termes de reste à payer, est supportable. Il faut parfois proposer cinq fois un logement neuf pour trouver une famille qui l'accepte finalement.

Comme on est un peu en deçà du prix du marché, très souvent, on ne peut recruter comme locataires que des gens qui sont très largement solvabilisés par l'APL. D'où les effets ségrégatifs que j'évoquais. Je pense donc qu'il faut améliorer l'aide à la pierre.

Les mesures qui ont été annoncées début mars par le ministre vont dans le bon sens. Cependant, je n'oublie pas que l'essentiel de l'effort envisagé vient du 1 % logement et que, pour ce qui est des engagements de l'Etat, il y a des améliorations limitées, puisqu'une circulaire du ministère dit clairement qu'elles ne peuvent concerner, pour les organismes s'engageant dans un contrat de relance, que 25 % de leurs opérations. Par ailleurs, l'augmentation de 5% à 8% du taux de subvention dans la construction neuve - chacun en connaît le détail - est relativement modeste. Je pense qu'il y a un problème de financement.

Il y a aussi un problème de répartition entre l'aide à la pierre et l'aide à la personne. Je constate que si on a vu « exploser » les aides à la personne depuis dix ans, ce n'est pas dû, pour l'essentiel, au parc social mais à la généralisation de l'APL au parc privé. Or, on l'a fait sans contrepartie. Voyez ce qui a été fait pour le logement étudiant. Quelques contreparties auraient dû être prévues.

Je voulais donc d'abord insister sur ce problème de financement.

Le deuxième problème tient, comme tous mes collègues l'ont dit, au fait que nous sommes dans un système absolument inextricable dans lequel on voit des circulaires et des directives nationales changer tous les quatre mois, sans parler des modalités financières qui évoluent au rythme des décisions nationales et de l'évolution des taux d'intérêt, ce qui fait que les organismes doivent modifier continuellement le montage des dossiers avec des équilibres différents.

Si on ne s'achemine pas vers un autre partage des compétences entre l'Etat et les collectivités locales (c'est-à-dire, à mon avis, pour l'essentiel, la région et l'agglomération), le système restera largement en panne, parce qu'il est vrai qu'il faut une énergie folle pour mener à bien un programme de logements sociaux. Il faut vraiment avoir la volonté chevillée au corps, sans quoi on n'y arrive pas. Il y a toujours quelque chose qui manque. Il manque toujours un « bouton de guêtre ».

Il faut donc vraiment modifier radicalement les choses, et j'approuve le point de vue de M. Pierre Méhaignerie, qui propose des dotations régionales, à répartir après débat entre les agglomérations et le monde rural, qui doit avoir toute sa place. Une large liberté de man_uvre serait donnée dans le cadre d'une décentralisation au niveau des régions.

L'application des règles techniques, aboutit par ailleurs à des conséquences affligeantes.

Il faut instituer une large liberté de man_uvre au niveau local, dans le cadre de règles en posant les limites et il faut donner un droit de veto aux préfets. Je pense que c'est la solution.

Les lois de décentralisation de 1982-1983, parce que l'on avait estimé à juste titre, à l'époque, que le logement était un instrument essentiel de la solidarité nationale, ont laissé le logement social dans la compétence de l'Etat. Or nous sommes maintenant dans des systèmes de financements croisés. Ces systèmes croisés sont partout en crise, je pense que la direction doit être assumée par la collectivité locale (région et agglomération), quitte à ce que l'Etat conserve son rôle de contrôle.

M. Christian Nicol : Je voulais simplement répondre sur le point de savoir si les difficultés à assurer l'équilibre financier des opérations étaient le facteur principal pouvant expliquer la situation de la construction aujourd'hui. Je ne pense pas que cette explication soit suffisante et, pour moi, ce n'est pas le facteur principal.

Tout à l'heure, j'ai développé toutes les raisons expliquant le déficit des constructions et, pour moi, le problème de l'équilibre financier des opérations n'est pas une raison suffisante puisque, comme je l'ai dit, les prêts locatifs aidés, avec les seuls financements de l'Etat, n'ont jamais été équilibrés depuis l'origine des temps. Donc ce n'est pas ce qui explique aujourd'hui, alors que la santé financière des organismes est meilleure que jamais, le blocage de la construction.

En revanche, des éléments conjoncturels, dont je n'ai pas parlé tout à l'heure, interviennent : les entreprises sont très sollicitées, compte tenu de la croissance du secteur du bâtiment en général, par le secteur privé. Dans le cadre de nos contrôles, nous constatons que, désormais, la plupart des appels d'offres sont infructueux et qu'il y a une hausse des prix. C'est un élément conjoncturel qui est indéniable, mais il n'est que conjoncturel.

M. Alain Cacheux : Je voudrais prolonger la réflexion de M. Nicol et le débat que nous avons depuis quelques années.

J'ai la chance de présider, à Lille, un organisme qui fait une comptabilité analytique résidence par résidence et je peux vous dire que toutes les résidences construites ces dernières années sont en déficit. Je confirme à cet égard ce que disait M. Jacques Guyard. En fait, on réalise l'équilibre de l'organisme avec les opérations les plus anciennes, malheureusement. C'est ainsi que les équilibres sont réalisés.

Pour prolonger ce qu'a dit M. Nicol, je pense qu'il y a effectivement un manque d'appétence des organismes, auxquels on répète depuis des années qu'ils doivent loger les pauvres, avec les réactions - M. Pierre Méhaignerie les a évoquées - et les difficultés créées par cette perspective au niveau local. Je pense qu'il faut avoir de la mixité sociale une vision ambitieuse mais non pas angélique.

Je fais très régulièrement du porte-à-porte, et les locataires de l'office de Lille me disent : « vous mettez n'importe qui à côté de nous ». S'il y a trois chiens, non pas dans des maisons, mais dans des appartements, imaginez ce que cela donne à longueur de journée. C'est la réalité du vécu de ces gens.

Il y a un manque d'appétence des organismes qui se disent, dans une certaine mesure, que le fait de construire des logements nouveaux conduit, d'une part, à avoir des ennuis nouveaux et, d'autre part, à être en déficit. Ils ne pourraient donc être en situation plus volontariste que si les produits étaient au moins équilibrés, ce qui n'est pas le cas. A ce moment-là, on aurait beaucoup plus de capacité à relancer les choses.

Je mentionnerai un dernier point, monsieur le Président. Il est quand même étonnant qu'on ne soit pas capable de connaître les données de l'engagement financier des collectivités locales pour l'année dernière. La Banque de France est capable de donner, à la fin de chaque semaine, au centime près, les milliards de francs qui sont en circulation en France et on ne serait pas capable de dire ce que les collectivités locales apportent comme financements ? Si l'on avait ce calcul, qu'il conviendrait de demander, croyez-moi, on aurait des surprises.

M. Christian Nicol : Personnellement, je n'ai pas les chiffres en tête, mais le ministère de l'économie et des finances, via la direction générale de la comptabilité publique, publie chaque année un tableau des aides des collectivités locales aux différents secteurs de l'économie, dont celui du logement. Simplement, il y a des aides qui sont difficilement chiffrables, comme les apports de foncier gratuit ou l'accord d'une garantie, qui est quelque chose d'important. Il est faux de dire que l'information n'existe pas.

M. Jean-Louis Dumont : M. Nicol, vous avez bien compris, à la fin de cette première audition qu'a priori, n'étaient pas mis en cause les engagements financiers de l'Etat, voire des collectivités locales, puisque les interventions de ces dernières augmentent. Manifestement, on met en cause les conditions de montage des opérations, leur lourdeur, la durée pour les finaliser et le manque de dynamisme des organismes HLM pour mener ces opérations, du fait, en particulier, de ces obstacles.

Je donnerai un dernier exemple. Le ministre qui vient de partir avait pris l'excellente initiative de décider que les démolitions de moins de 100 logements devaient être de la responsabilité du préfet du département et de ses services. Aujourd'hui, peut-être parce qu'on savait qu'il allait partir, tous les dossiers remontent à Paris. Or, lorsque le dossier remonte à Paris, on doit faire la preuve de la nécessité des démolitions. Autrement dit, systématiquement, il apparaît qu'une pièce manque ou des observations sont formulées. Cela entraîne des situations complètement ubuesques.

Tous nos collègues réclament de la décentralisation - et je pense que la mission, dans ses conclusions, ira certainement vers cet objectif - ainsi qu'un allégement des règles administratives.

Je peux vous dire que, dans un département, on a demandé à un organisme HLM 29 pièces administratives pour compléter un dossier de démolition ! Tant qu'on en sera là, il y a des gens qui n'auront pas de logement et d'autres qui ne seront pas logés là où ils devraient l'être.

Quand on a mis en place les fonds de solidarité logement (FSL), c'était effectivement pour adapter la réponse aux cas précis posés par des ménages qui pouvaient cumuler des handicaps sociaux, de convivialité, financiers, ou autres. Aujourd'hui, on en vient à une gestion administrative de ces cas alors qu'il aurait suffit de rendre responsable l'organisme HLM. Le préfet, de ce point de vue, avait un rôle important à jouer.

Je ne voudrais pas être méchant, mais (cela fera plaisir à nos collègues de l'opposition) un ministre a lancé une opération, il y a quelques années, sur 10.000 logements d'urgence pour les cas très sociaux. Comment a-t-il en partie réussi son opération ? En téléphonant lui-même matin, midi et soir, peut-être même dans la nuit, aux préfets qui, effectivement, se sont non seulement « mis au garde-à-vous » mais ont agi. J'ai vu un préfet qui avait le même état d'esprit que ses prédécesseurs en 1870 se mettre tout à coup à travailler et à exiger des organismes HLM qu'ils fassent quelque chose ! Il réunissait les organismes HLM pour qu'ils agissent. Voilà comment fonctionnent certaines administrations dans ce pays.

Il eût été beaucoup plus simple de responsabiliser les acteurs de la politique publique de l'Etat, c'est-à-dire les organismes de HLM, de leur demander des comptes et de prendre des sanctions si nécessaire. Il est vrai que, lorsqu'on a 900 organismes en face de soi, on ne peut ni les contrôler tous, d'où certaines dérives, ni exiger du dynamisme et de l'efficacité.

En tout état de cause, ce ne sont pas les financements qui ont été mis en cause aujourd'hui mais bien la manière de les gérer, la centralisation des décisions et, surtout, le manque de réponse aux besoins là où ils existent.

M. Jean-Pierre Delalande : Absolument.

Le Président Augustin Bonrepaux : M. Nicol, avez-vous quelque chose à répondre ?

M. Christian Nicol : Non. Je partage entièrement ce que vient de dire M. Dumont, y compris sur la nécessité de mettre fin à ces lourdeurs administratives qui, le plus souvent, sont complètement inutiles. On ne comprend pas pourquoi, à la limite, les opérations de plus de 100 logements doivent remonter à Paris.

M. Jean-Louis Dumont : C'était une première étape.

*

* *

PRÉCISIONS SUR LES CONDITIONS DE GARANTIE DES PRÊTS ACCORDÉS PAR LA CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS
POUR LA CONSTRUCTION OU L'AMÉLIORATION
DE LOGEMENTS LOCATIFS SOCIAUX

(Texte inséré à la demande de M. Christian Nicol,
en complément du compte rendu de son audition)

Depuis 1986, la Caisse des dépôts et consignations distribue directement les prêts destinés à financer la construction de logements locatifs sociaux.

La Caisse des dépôts demande que les prêts qu'elle accorde pour le logement social soient garantis par un tiers : une collectivité locale, ou une chambre de commerce et d'industrie (CCI), ou à défaut par le fonds de garantie de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS).

·  Les garanties des collectivités locales et des CCI

Ces prêts sont adossés à des ressources provenant du livret A centralisées par la Caisse des dépôts dont les conditions d'emploi sont régies par l'article 19 du code des caisses d'épargne qui autorise l'octroi de prêts bénéficiant de la garantie des collectivités locales ou des CCI.

·  Les garanties du fonds de garantie de la CGLLS

Les articles L 431-1 et L 452-1 (antérieurement L. 451-3) du code de la construction et de l'habitation disposent que les prêts au logement locatif social peuvent être garantis par le fonds de garantie géré par la CGLLS qui a succédé, depuis le 1er janvier 2001, à la caisse de garantie du logement social (CGLS). L'objet de ce fonds de garantie a été précisé par un arrêté du 4 septembre 1986 (JO du 13 septembre 1986) : « le fonds de garantie de la caisse de garantie du logement social a pour objet de substituer, partiellement ou en totalité sa garantie à celle des collectivités locales (...) pour les prêts (...) accordés par la Caisse des dépôts et consignations (...) ».

Ainsi, en l'absence de garantie d'une collectivité locale, l'organisme constructeur (HLM ou SEM) doit demander une garantie du fonds de garantie de la CGLLS. Cette dernière garantie a concerné en 2000, 5,5% des prêts au logement social distribués par la Caisse des dépôts.

Les barèmes des prêts au logement social accordés par la Caisse des dépôts sont indépendants de la nature du garant (collectivité locale, ou CGLLS).

Quand elle accorde sa garantie, la CGLLS perçoit une commission égale à 2% du capital garanti. Depuis le 1er janvier 2001, les opérations financées en prêt locatif aidé d'intégration (PLAI) et auxquelles la CGLLS accorde sa garantie sont exonérées de cette commission (circulaire n° 2001-19 du 12 mars 2001 du secrétaire d'Etat au logement).

En contrepartie de l'octroi de la garantie d'emprunt, les collectivités locales peuvent exiger un droit de réservation sur 20% des logements concernés, ce qui n'est pas le cas pour la garantie de la CGLLS.

Les garanties d'emprunts pour le logement social accordées par les collectivités locales ne sont pas soumises aux règles de limitations fixées par le code général des collectivités territoriales (articles L 2252-2, L 3231-4-1 et L 4253-2 du CGCT).

2.- Audition de M. Michel Mouillart, professeur des universités

(Extrait du procès-verbal de la séance du jeudi 5 avril 2001)

Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président

A l'invitation du Président, M. Michel Mouillart est introduit. Le Président lui rappelle les règles définies par la Mission d'évaluation et de contrôle pour la conduite des auditions : pas d'exposé introductif, échange rapide des questions et des réponses.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur spécial : M. le Professeur Mouillart, manifestement, les difficultés rencontrées sur le terrain pour que l'offre de logements réponde aux besoins dans leur diversité, en fonction des ressources des ménages, voire de l'absence de ressources et donc de la solvabilisation des résidents, entraînent des blocages aujourd'hui, dans certaines régions, car on ne construit plus ou on ne construit pas assez. Par conséquent, la première question que je souhaite poser à celui qui est un observateur et un analyste reconnu des problèmes du logement concerne le foncier.

La semaine prochaine, nous recevrons le directeur régional de l'équipement d'Ile-de-France. L'audition précédente ainsi que les interventions d'un certain nombre de nos collègues démontrent combien la question du foncier est toujours d'actualité et difficile à résoudre. Dans le cadre de vos analyses et de vos observations, pouvez-vous nous faire part de votre sentiment sur la question foncière en Ile-de-France ?

M. Michel Mouillart : C'est une question piège pour commencer. Vous avez raison : sans foncier, on aura du mal à construire du locatif social, mais aussi à réunir les autres composantes qui alimentent habituellement l'offre de logement. J'ajouterai que, particulièrement pour la construction locative sociale, le foncier est un élément déterminant des équilibres d'opération.

Il convient donc, bien sûr, de disposer de foncier en quantité suffisante, mais aussi à un prix qui soit abordable et en relation avec la nature des produits que l'on veut présenter sur le marché.

Le foncier existe, mais il entre en concurrence, dans son affectation, avec d'autres usages, un usage privé et résidentiel ou privé et non résidentiel. En la matière, l'intervention fondamentale vient soit des collectivités locales ou des groupements d'agglomérations, soit des autres pouvoirs publics ou de leurs émanations.

C'est une vieille question qui ne semble pas avoir trouvé de réponse jusqu'à aujourd'hui puisque, durant le dernier quart de siècle, c'est le verrou qui n'a jamais sauté.

Je ne pense pas que l'on puisse avancer beaucoup, sauf à rentrer dans des analyses précises d'opérations qui ont pu être observées dans un passé récent. Mais on voit bien que la question du foncier revêt une caractéristique toute particulière, pour ce qui est de la construction locative sociale, puisque sa préparation suppose un délai préalable long. Pour que les réserves soient disponibles là où il faut quand on en a besoin, un engagement à long terme d'opérateurs ayant non seulement la capacité d'intervention mais aussi la capacité de portage est indispensable.

On retrouve les ingrédients qui font que la construction locative sociale est ce qu'elle est aujourd'hui : il faut une volonté, une durée, des moyens et des opérateurs.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur spécial : En matière de foncier, le blocage est celui du portage. L'achat du foncier est cher, le portage plus cher et l'aménagement encore plus cher, c'est-à-dire qu'à chaque étape, on surenchérit le foncier à bâtir, en particulier pour le logement social. C'est donc bien un élément spéculatif.

On sait combien coûte au mètre carré la construction d'un logement, mais, si l'on dispose d'une enveloppe financière importante, on achètera le foncier très cher et si l'enveloppe financière, pour une opération, qu'elle soit publique ou privée, est réduite, on trouvera seulement du foncier bon marché, donc loin du centre-ville.

Ne faut-il pas adopter un rapport au foncier tout à fait différent, par exemple en utilisant les baux emphytéotiques et les mises à disposition de foncier ? A Lyon, dans les Pyrénées-Atlantiques, et dans le sud-est, depuis des décennies, parfois plus d'un siècle, on a monté des opérations dans lesquelles le foncier continue d'appartenir soit à la collectivité territoriale, soit à l'Etat et est mis à la disposition du logement social ou pour réaliser des opérations de caractère économique.

Manifestement, on n'a pas résolu le problème du foncier. J'ai participé à une petite réflexion au Conseil économique et social, je sais qu'une soixantaine de rapports ont été rédigés et qu'on ne fait rien. On réclame de plus en plus d'argent, en particulier là où il y a des tensions sur la mise à disposition des terrains.

J'ai une autre question : selon vous, compte tenu de votre expérience et de vos analyses, quel est l'échelon pertinent, à l'intérieur de la région, pour la définition des opérations, pour que les acteurs du logement social, en particulier, puissent intervenir ? Est-ce l'agglomération, la commune, le département ? Beaucoup parlent de décentralisation ou de déconcentration.

Les organismes HLM interviennent dans le domaine du logement locatif social. Quel regard portez-vous sur les 900 organismes et sur leur Union, sinon sur les fédérations ? N'y a-t-il pas là, manifestement, une réflexion à mener sur les statuts pour rendre aujourd'hui ces organismes plus opérationnels, en particulier en Ile-de-France, où ils sont très nombreux à intervenir sur des territoires souvent restreints, comme les communes ?

J'aurai une dernière question sur la mixité, dont on entend souvent parler. Cela devient un thème récurrent, mais peut-on parler de mixité quand on impose des surloyers ? Peut-on parler de mixité à l'intérieur de l'immeuble ou de mixité dans une zone d'habitat lorsqu'on veut faire cohabiter des cadres moyens avec des familles dont les handicaps sociaux s'accumulent et sont très lourds ?

M. Michel Mouillart : Il y a beaucoup d'aspects dans votre question très riche. Je pense que la question du foncier est réglée. Vous avez raison : le problème du foncier, c'est qu'il est là où il est cher et qu'on n'en a pas besoin là où il n'est pas cher. J'imagine donc que l'on va retrouver cette question dans la suite de l'audition.

Cela renvoie bien, ensuite, à la question du niveau le plus pertinent d'intervention et de réflexion. Le département, la commune, l'agglomération ? Peu importe. Ce niveau ne correspond certainement pas au découpage administratif, qui a certes une légitimité, parce qu'il y a une tradition. Il doit plutôt renvoyer à la réalité d'un marché, car l'offre locative sociale, notamment, vient modifier, transformer ou accompagner l'évolution d'un marché. Il se trouve que les marchés ne sont peut-être pas exactement délimités comme les catégories administratives.

Je vous répondrai donc que le niveau le plus pertinent est celui du marché local de l'habitat.

Maintenant, si vous me demandez comment déterminer ces marchés locaux de l'habitat, je vous répondrai que ce n'est pas très compliqué et qu'il suffit d'y travailler pendant quelques années et de disposer, pour cela, des éléments qui permettent de véritablement engager une réflexion. Or, on constate qu'à cet égard, le matériau fait cruellement défaut. Depuis le temps que des groupes de l'administration, notamment, ont abordé cette question, il y a une bonne quinzaine d'années, il n'y a pas eu véritablement d'avancées en matière de connaissance statistique.

Prenons l'exemple d'une commune rurale aujourd'hui. Pouvez-vous avoir la certitude que le niveau des loyers qui y est pratiqué est connu ? Non. Il existe quelques enquêtes nationales dont la dimension ne permet pas de répondre à cette question et il n'y a pas d'observatoire qui permette d'apporter précisément les éléments de connaissance nécessaires. Par conséquent, même si on souhaitait que les opérateurs pilotent le logement social de manière moins aveugle, il se trouve qu'ils n'ont pas vraiment les éléments permettant de le faire.

Autrement dit, pour définir de façon pertinente le niveau auquel il convient d'intervenir, il faudrait déjà que l'on soit capable d'identifier a priori la réalité des marchés qui correspondent à ces niveaux et que l'on soit donc en mesure de fournir les informations à ceux dont on souhaite l'intervention.

Cela entraîne beaucoup de conséquences et une remarque est souvent entendue : « on construit des logements sociaux en zone rurale, là où les loyers sont tels qu'ils sont inférieurs aux conditions proposées sur ces nouveaux produits ». C'est clair. C'est l'illustration du fait qu'à chaque fois que l'on construit, on vide le centre-bourg.

Cela signifie soit qu'il y a un objectif différent de l'objectif annoncé, qui n'est pas précisé, soit que, comme on ne connaissait pas le marché, la décision a été prise « à l'aveugle ».

Il se pose là un véritable problème qui est certainement aussi important que la question du foncier évoquée tout à l'heure. C'est un problème qui mettra certainement au moins autant de temps à être réglé que la question du foncier.

J'en viens maintenant à la deuxième partie de la question. Vous me demandez quel regard je porte sur les organismes, leur multiplicité, leurs fédérations ou leur union. Tout le monde a un regard, évidemment. Il ne m'appartient pas, de par les compétences qui sont les miennes, de porter un jugement sur la sociologie des organisations. L'économiste, en revanche, peut parfois rencontrer quelques motifs d'étonnement.

Il y a une fonction sociale, pense-t-on, qui est celle d'un organisme d'HLM et qui est généralement assez loin de la fonction économique que l'on attendrait d'un bailleur privé. Même si ces organismes peuvent respecter des contraintes - tout le monde les a incités à cela depuis un grand nombre d'années - beaucoup plus rares sont aujourd'hui les organismes qui vivent uniquement dans l'optique d'opérations financièrement déséquilibrées. Donc la pratique du calcul économique a, au fil des années, pénétré ce milieu. Peu d'organismes n'ont pas intégré cette dimension économique.

Néanmoins, ce n'est pas l'objet social de l'organisme que d'être guidé par une rationalité économique pure qui pourrait le conduire, par exemple, à hésiter face à une opération de construction, ou même à la refuser, sous le prétexte que la rentabilité des fonds propres qui pourraient être investis dans l'opération ne serait pas suffisante. C'est bien un calcul économique au sens strict du terme, mais ce n'est certainement pas une pratique que l'on pourrait attendre de la part d'un organisme d'HLM.

Pourtant, on a l'impression que cette pratique, au fil des années, s'est de plus en plus répandue. Est-elle souhaitable ? Etait-elle nécessaire ? Est-il possible de la modifier ? C'est une question qui devrait être posée à d'autres. Je ne me sens pas suffisamment compétent pour y répondre.

Enfin, le dernier aspect de votre question concernait la mixité. C'est un vieux projet, un projet qui ne date pas de quelques mois ou de quelques années, et c'est une question, comme j'aime à le rappeler, qui est très ancienne dans d'autres pays puisqu'elle était déjà posée par les économistes nord-américains il y a trente-cinq ans. En effet, ils constataient une donnée à laquelle on n'avait peut-être pas fait attention : le fait que la demande aime la ségrégation, la protection, la sécurité, la tranquillité, comme on le dit parfois, et qu'elle a horreur de ce qui ne lui ressemble pas.

Ces économistes nord-américains s'en étaient inquiétés parce qu'ils avaient constaté que, dans la première moitié des années 60, les mouvements appelés « écologistes » plus tard dans les pays occidentaux se préoccupaient des conséquences que la construction des centrales nucléaires pouvait avoir sur l'évolution de la valeur du patrimoine. Tout le monde sait que la construction d'une centrale nucléaire, comme d'une décharge ou d'un hôtel social, provoque une dégradation de la valeur du patrimoine.

Cette question est donc ancienne. Elle a déjà été posée à de nombreuses reprises par les économistes.

Vous vouliez savoir si la mixité signifie la cohabitation de catégories sociales supérieures avec des catégories défavorisées. Oui, peut-être. On ne connaît pas beaucoup de sociétés économiques qui ont pratiqué cela, et les meilleurs exemples sont ceux de villes comme Paris, qui n'ont jamais pratiqué la mixité au fil des siècles, mais seulement la spécialisation. Quand la spécialisation des espaces est réduite à des univers ou à des surfaces limitées, cela ne pose pas de problème. Si la spécialisation consiste à dire, comme c'était le cas au XIXème siècle, que le riche habite les étages inférieurs parce que les crises de goutte l'empêchent de monter au cinquième étage, compte tenu de la richesse de la nourriture qui est la sienne, et le pauvre sous les toits, c'est une forme de non-mixité, parce que l'espace n'avait pas, alors, la même dimension qu'aujourd'hui.

Il est évident que l'invention de l'ascenseur a bouleversé cela. Cependant, comme la nature humaine a une imagination particulièrement fertile, elle recrée ces espaces ailleurs. C'est ainsi que, lorsqu'il a fallu répondre dans l'urgence, comme cela est très souvent le cas dans un pays comme le nôtre, à une pression de la demande sociale au cours des années 60, on n'a pas construit des cités HLM là où le foncier était cher et néanmoins disponible - les opérations d'urbanisation l'ont bien montré plus tard - mais ailleurs et, surtout, loin de là où on pensait voir se développer une ville non accessible à tous. On a donc construit à Sarcelles, au Val Fourré, à Nanterre, par exemple, sans savoir qu'il y aurait le RER, mais non pas dans le périmètre des anciens remparts, ou on ne l'a fait qu'à doses homéopathiques et, bien souvent, on n'a fait qu'utiliser des espaces qui existaient déjà.

La mixité est un très beau projet. Il est probable qu'il exprime une volonté de corriger une tendance, une évolution ou une pratique naturelle de la demande, mais il est peu probable que cela permette un jour de voir les cadres supérieurs venir habiter dans la même cage d'escalier que les plus démunis... Ce ne sera possible que lorsque la société aura suffisamment évolué pour que tout le monde soit riche...

M. Gilles Carrez : Je voudrais faire quelques observations sur la première question qui concerne la politique foncière. Objectivement, il n'y a plus, aujourd'hui, de politique foncière au sens de la constitution de réserves foncières, anticipant l'avenir.

Cependant, je tiens à rappeler qu'il y en a eu une. Il y a eu une politique foncière extrêmement active en Ile-de-France entre la fin des années 60 et la fin des années 80, en particulier dans les villes nouvelles, politique qui a exigé des moyens absolument considérables. Je voudrais les rappeler très brièvement pour que l'on voit l'échelle, la dimension qu'exige une véritable politique foncière.

Entre la fin des années 60 et la fin des années 80, c'est-à-dire sur une vingtaine d'années, l'Etat a mis en place chaque année, entre les crédits budgétaires et les fonds spéciaux tels que le fonds national d'aménagement foncier et d'urbanisme (FNAFU)
- M. Jacques Guyard les connaît bien -, un montant de plus de 200 millions de francs, en moyenne, chaque année. Il s'est doté de moyens juridiques et institutionnels considérables. Il n'a pas hésité à lancer sur des dizaines de milliers d'hectares des zones d'aménagement différé et sur des milliers d'hectares des déclarations d'utilité publique et il s'est doté d'outils institutionnels (agence foncière et technique de la région parisienne - AFTRP, établissements publics d'aménagement) pour conduire cette politique de constitution de réserves foncières.

Cependant, cette politique a été conduite dans le cadre de schémas d'aménagement prévoyant précisément les équipements, ce qui n'avait pas été le cas de la politique précédente de grands ensembles. Cela s'est fait dans le cadre d'une démarche de planification, associant la constitution des réserves foncières et la définition du périmètre sur lequel allaient être acquis les terrains avec des projets d'infrastructures, pour que la plus-value générée par ces infrastructures soit bien récupérée par la puissance publique.

Pour vous donner un chiffre, au début des années 90, l'Etat était encore en mesure de céder aux établissements publics d'aménagement de villes nouvelles du terrain à 30 francs le mètre carré. C'est ce qui explique - et cela a posé des problèmes - que, pendant près de vingt ans, 20 à 30%, selon les années, de la construction sociale en locatif et en accession de l'Ile-de-France s'est réalisé dans ces villes nouvelles. C'est considérable !

Ensuite, cette politique, qui était manifestement ultra centralisée, qui a posé de gros problèmes et qui ne pouvait guère être pérenne, a été arrêtée.

Aujourd'hui, on est passé à un autre extrême : il n'y a plus aucun moyen de portage foncier et de réserves foncières, ni au niveau de l'Etat, ce qui se comprend, ni dans les régions, ni dans les agglomérations, qui n'ont pas pris le relais. Par conséquent, en matière de politique foncière, aujourd'hui, l'approche est seulement directement opérationnelle : on identifie un projet qui nécessite une acquisition foncière et c'est en fait à partir d'« opportunités foncières », comme on dit, que l'on va accueillir des activités ou du logement social, le tout dans un système complètement décentralisé et dans lequel il faut reconnaître que la pénurie est d'une certaine manière organisée.

La plupart des communes, en tous cas celles qui sont proches de Paris, cherchent aujourd'hui à « dédensifier ». Quand elles révisent leur plan d'occupation des sols, c'est avant tout pour abaisser les coefficients d'occupation des sols, car l'exigence de protection de la population, qu'évoquait à l'instant M. Mouillart, est très forte.

Par ailleurs, les grands opérateurs publics qui ont encore des réserves foncières (je pense à la SNCF ou au ministère de l'équipement lui-même) sont les premiers à organiser l'enchérissement et l'augmentation des prix. En effet, soit sous la pression du ministère des finances, soit en suivant leur propre logique, ils ont intérêt à vendre le plus cher possible.

Les arbitrages sur les grandes opérations d'aménagement, sous forme de zones d'aménagement concerté (ZAC), se font d'abord au bénéfice de l'accueil d'activités, parce que, encore aujourd'hui (ce sera moins vrai avec la réforme de la taxe professionnelle dont on n'a pas encore bien mesuré les effets), il est plus intéressant pour la collectivité locale, dans un système décentralisé, d'accueillir des activités qui vont générer une fiscalité importante, alors que les charges seront plus limitées qu'en cas de construction d'habitations.

Vous voyez donc que tout concourt à organiser une véritable pénurie foncière et que nous n'avons plus aucun moyen en matière de réserve de portage.

Que faire ? Serait-il possible, aujourd'hui, de reprendre une politique foncière ambitieuse ? Il me semble qu'il est hors de question de revenir au type de politique des années 70, fortement marquée par l'Etat, avec les moyens coercitifs que j'évoquais. Cependant, sur des opérations de développement urbain, quand il s'agit d'un quartier en zone peu agglomérée, on peut très bien imaginer, dans un cadre décentralisé - en associant l'échelon régional et celui de l'agglomération, le jour où il existera - une approche inscrite dans une certaine durée, qui soit plus rationnelle et dans laquelle soit menée suffisamment en amont, quelques années auparavant, une politique d'acquisition foncière, elle-même suivie d'un ensemble d'aménagements et de réalisations d'infrastructures qui permettent de tirer le meilleur parti possible de cette politique de réserve foncière.

Je trouve par exemple tout à fait choquant qu'aujourd'hui, alors que l'on tire des lignes d'infrastructures avec, dans nos contrats de plan, en Ile-de-France, des projets d'investissement par milliards de francs, plus personne ne se pose la question de l'appropriation publique des terrains qui vont être valorisés par les infrastructures financées par la puissance publique.

Nous sommes passés d'un extrême insupportable (les élus de villes nouvelles ne supportaient plus la tutelle de l'Etat, et je les comprends tout à fait) à un autre extrême, qui a consisté à jeter par-dessus bord tous les éléments d'une politique foncière, aujourd'hui, en Ile-de-France.

M. Michel Mouillart : Je pense que la question contient la réponse d'elle-même. Il est clair que lorsque l'Etat est intervenu fortement dans une politique d'aménagement foncier ou d'aide à la constitution de réserves, il avait une stratégie budgétaire de longue période. L'horizon du décideur allait bien au-delà de la simple annualité budgétaire. Il existait des capacités d'intervention financière, peut-être, mais aussi la volonté d'inscription dans la durée de ces interventions.

La transformation intervenue dans les années 80 et les années 90, c'est qu'aucun acteur ne se projette au-delà de quelques petites années, même l'Etat lui-même, peut-être parce qu'on ne souhaite pas que l'Etat le fasse et parce que, lorsque l'Etat le fait, cela entraîne peut-être des désagréments.

A cette période, lorsque l'Etat intervenait sur la question foncière, il le faisait aussi sur la construction locative sociale. On construisait alors, bon an mal an, 125.000 à 130.000 HLM en location. C'est un chiffre que l'on a évidemment oublié, parce que les quelques dizaines de milliers de mise en chantier désormais font pâle figure à l'égard de ce que l'histoire statistique rappelle.

La question du foncier est donc certainement un révélateur. Ce révélateur dévoile aussi une volonté d'intervention globale sur un secteur que tout le monde a considéré pendant de nombreuses années comme pouvant fonctionner par lui-même.

Il est clair qu'en matière foncière comme en matière de constructions et de fonctionnement du « marché du logement », comme on dit, on a pensé pendant de nombreuses années que la question était définitivement réglée (une partie de l'administration le pense encore aujourd'hui) et qu'à ce titre, il n'y a certainement plus à chercher à mettre en _uvre des mécanismes structurants lourds, qu'il suffit simplement de corriger à la marge quelques écarts, quelques déviations, quelques dysfonctionnements qui empêchent une allocation harmonieuse des ressources dans l'espace entre les agents.

Derrière, il y a donc une évolution philosophique forte. Un dispositif n'existe pas in abstracto. Il s'inscrit dans une problématique qui est, bien sûr, celle du décideur mais aussi celle d'une société en général.

Par conséquent, si la question foncière n'est pas réglée, c'est peut-être parce que, à l'image de ce qu'on observe sur le secteur locatif social, il n'y a pas de volonté de la société de régler cette question.

M. Jean-Jacques Jégou : Au risque de pratiquer l'alternance entre le foncier et la mixité, qui ne sont peut-être pas les seuls sujets à traiter, je voudrais revenir pour ma part à la mixité. En effet, vous avez décrit une mixité idyllique, voire paradisiaque, et chacun sait ici - que l'on croie au ciel ou non - que le paradis n'est pas sur terre, mais que l'on peut essayer d'y tendre tout de même.

Je suis un élu local qui, à l'inverse de M. Jourdain qui pratiquait la prose sans le savoir, fait de la mixité avec la volonté d'en faire. Pour moi, la mixité, sans aller jusqu'à la différence sociale entre occupants d'un même palier, peut tout de même conduire à faire habiter des catégories sociales différentes au même endroit, mais non pas dans le même immeuble, parce qu'on voit déjà la difficulté de construire des logements sociaux tout court. En imaginant une sorte de produit alternatif, en écartant la ségrégation par les étages liée à la crise de goutte, une pratique qui a pris fin grâce aux ascenseurs, on peut tout de même organiser les choses. C'est ce que je fais dans une ville de l'est parisien de la petite couronne comportant 20% de logements sociaux.

Dans les années 60, 70 et 80, il n'y avait pas que le problème du foncier. Il y avait aussi un état d'esprit permettant de faire venir des catégories sociales différentes des quartiers parisiens déshérités ou des fortifications, où, dans les années 50, on vivait dans les voitures. J'ai connu cela étant gamin.

Je pense qu'au-delà de la mixité qui peut être pratiquée en centre-ville, se pose la question de la qualité des logements, et on peut s'amuser à pratiquer le jeu consistant à chercher le logement social. Certains logements, avec le même architecte et les mêmes qualités que les logements sociaux, en respectant les prix, peuvent être construits dans les meilleures conditions de fiabilité à un coût permettant à des catégories sociales différentes (même s'il est pratiqué un loyer élevé, c'est une autre question) de vivre dans les mêmes conditions et au même endroit.

Concernant le foncier, vous avez parlé d'une absence de volonté politique. N'y a-t-il pas non plus une sorte de coutume et de culture qui fait que l'on n'a peut-être pas suffisamment envie, politiquement, de banaliser le logement social comme n'étant pas forcément lié à la nature ou au niveau social dans lequel on se trouve ?

M. Michel Mouillart : Vous avez sans aucun doute raison. La qualité, le confort, l'apparence du logement sont d'une dimension aussi importante que celle de la localisation du bien, même si on peut penser que la corrélation de ces données est forte.

C'est aussi une très vieille question. L'enquête logement de 1973 avait prévu qu'avant d'entrer dans l'immeuble pour interroger les occupants, l'enquêteur devait décrire brièvement son apparence. Pourquoi ? Pour répondre peut-être à une sorte de vieux proverbe du genre : « dis-moi quelle est la qualité de ta façade et je te dirai qui tu es ».

Cette question de la qualité des logements interpelle tout autant que les autres, parce que la qualité a un prix et que l'accès à la qualité est généralement choisi, lorsque le ménage a la capacité d'arbitrage avec la localisation. Lorsqu'un agent économique prend une décision sous contrainte de budget, avec un revenu relativement faible ou moyen, il choisit soit la localisation, soit la qualité. Il ne fait pas les deux en même temps, sauf lorsqu'il est aidé pour cela.

C'est ce qui explique qu'en France, on ait vu se développer aussi rapidement le secteur de la maison individuelle. C'est une illusion ancienne pour la majorité des agents économiques que de croire que la qualité est forcément associée à une forme particulière d'habitat, qui renvoie à l'histoire des locataires durant l'entre-deux-guerres.

Cet accès à la qualité est, pour ces catégories de ménages, rendu possible dès lors que des dispositifs publics et des formes particulières de financement l'accompagnent.

Or on peut remarquer que le projet d'accès à la qualité n'a pas évolué, dans le secteur locatif social, comme on aurait pu l'imaginer, depuis un quart de siècle ou une quarantaine d'années.

Il est vrai qu'un énorme effort a été fait en matière d'apparence architecturale des immeubles. Ce qu'on peut reconnaître de l'extérieur, c'est la qualité architecturale du parc locatif social, mais le logement existe, notamment parce que son intérieur se transforme et évolue en fonction des aspirations de la demande.

A cet égard, la qualité, même si elle est bien meilleure aujourd'hui que ce qu'elle pouvait être auparavant, n'a pas évolué comme elle a pu le faire dans d'autres composantes du parc. Cela explique sans aucun doute la manière dont la vacance, au-delà de son caractère localisé, a commencé à se développer dans le parc locatif social.

Un cadre supérieur, tel qu'évoqué par M. Dumont, prend en compte la localisation, mais également la qualité d'équipement et de confort selon une certaine conception de l'entretien et de l'évolution de l'état d'habitabilité de son logement. Lorsqu'il ne rencontre plus ces références dans le produit qui lui est proposé, il va loger ailleurs, il abandonne un espace. C'est alors que se créent des poches de ségrégation.

Le parc locatif social a connu cela. Les comités interprofessionnels du logement (CIL) ont interpellé des organismes HLM au début des années 90 parce que les produits qui leur étaient proposés dans le cadre des réservations ne présentaient plus un état d'entretien jugé suffisant par les salariés susceptibles d'accéder à ces logements : ceux-ci ne se portaient donc plus candidats à la mobilité résidentielle, notamment, ou n'acceptaient pas les produits proposés.

Ce critère de qualité est important et son appréciation concerne non seulement la construction nouvelle, mais également la manière dont le bien vieillit, peut se transformer et s'adapter aux exigences nouvelles.

Excusez-moi d'utiliser toujours le même exemple (j'en chercherai un autre un jour), celui de l'automobile. On n'achète plus, aujourd'hui, une voiture neuve qui serait une 4 CV de 1950 sans essuie-glaces, sans airbag, sans autoradio, sans climatisation, sans ceintures de sécurité, etc. C'est vrai pour tout le monde et c'est vrai aussi pour les logements. Il se trouve que l'évolution de la notion de qualité n'a certainement pas suivi les aspirations de la demande.

C'est manifeste sur le parc existant et c'est certainement de plus en plus vrai pour l'offre nouvelle de logements, parce que le coût de la qualité est très important et que les dispositifs de financement du logement social, aussi bien pour la construction que pour la réhabilitation, ne permettent pas de le prendre en charge. L'acteur peut, en dernier ressort, décider un jour qu'il s'en fiche puisque, dix ans plus tard, si l'opération est plombée financièrement, ce ne sera pas grave car quelqu'un viendra éponger derrière. Mais comme les pratiques des organismes d'aujourd'hui (c'est une question qui a été posée tout à l'heure) ont intégré une dimension de calcul économique de plus en plus forte, une telle attitude n'est plus possible à la différence d'il y a vingt ans. Donc, l'accès à la qualité, au confort et à la localisation est soit à la charge de l'usager, soit à la charge d'une intervention publique.

Par conséquent, vous avez raison : la mixité, ce n'est pas seulement de faire venir telle catégorie sociale, même sur des petits espaces. Elle exige cet élément de qualité et de confort.

M. Jacques Guyard : Je voudrais nuancer une partie de la réponse de M. Mouillart et poser ensuite une question. Sur la vacance, je ne crois pas, selon mon expérience personnelle, que ce soit la qualité de l'intérieur du logement qui soit l'élément le plus déterminant. Dans les quartiers en difficulté que je gère, c'est la cage d'escalier et l'environnement de l'immeuble qui sont les éléments explicatifs du refus. Dans la plupart des quartiers difficiles, les gens ne vont même pas visiter le logement. Répondant à une proposition de la préfecture, quand ils arrivent au bas de l'immeuble, ils s'enfuient avant d'avoir vu le logement.

C'est donc bien un problème d'image extérieure de l'immeuble et de son quartier. Lorsqu'on examine l'intérieur des logements HLM, sauf les plus vieux ou ceux dont les organismes n'assurent pas l'entretien correctement, cela arrive, on s'aperçoit que l'intérieur de ceux de moins de vingt ans est assez remarquable. Cela n'empêche pas que les gens n'y vont pas.

A partir de là, la réponse est évidemment dans ce qu'on appelle aujourd'hui la politique de la ville. Autant je crois, comme vous, qu'il n'y a pas de volonté de la société pour la maîtrise du foncier et la vision à long terme du développement de l'agglomération, autant il existe au moins une peur forte et partagée et une volonté politique en matière de politique de la ville, c'est-à-dire de politique d'environnement immédiat des quartiers.

A ce titre, vous avez rassemblé des bases de données impressionnantes sur ces questions. Avez-vous l'impression que l'argent public, qu'elle qu'en soit l'origine (Etat, régions, départements, communes, organismes collecteurs du 1% logement, etc.), qui s'investit à la fois pour la nécessaire destruction d'un certain nombre d'immeubles, pour la réhabilitation d'autres immeubles ou pour la construction neuve, qui est un complément indispensable à l'aménagement de l'environnement urbain, est efficace ? Est-ce que l'ensemble de la dépense publique, non seulement pour la construction de l'immeuble mais aussi pour tout ce qui va autour, est efficace ?

Une autre question évidente découle de la première : comment fixer le niveau de décision pour qu'elle soit efficace ? Quel est le vecteur rendant efficace l'intervention publique que vous avez évoquée ? Aujourd'hui, on a clairement le sentiment qu'il n'y a pas de vecteur clair et donc qu'il n'y a pas d'efficacité.

M. Michel Mouillart : Je tiens à préciser que la localisation de l'immeuble et l'immeuble lui-même sont fondamentaux, mais le processus que j'essayais de rappeler très rapidement, c'est que, lorsque l'intérieur du logement ne correspond plus aux aspirations de la demande, cette demande ne se porte plus sur l'immeuble et que, dans ce cas, l'espace environnant est déqualifié. C'est l'histoire de la poule et de l'_uf.

M. Gilles Carrez : Le témoignage constant que l'on a, c'est que les départs sont motivés, alors que les logements sont très bien, par l'insuffisance de l'environnement. C'est un témoignage constant. Je ressens très précisément ce que disait M. Jacques Guyard.

M. Jean-Jacques Jégou : Les locataires se plaignent des nuisances intérieures, aussi.

M. Gilles Carrez : Ce n'est quand même pas le logement qui est en cause.

M. Michel Mouillart : Les moyens investis, d'origines fort nombreuses, sont-ils efficaces ? Il faudrait définir au préalable le critère d'efficacité. On peut se demander si, finalement, il n'y aurait pas la possibilité d'aboutir aux mêmes résultats avec des ressources moins importantes, quitte à ce que cela soit fait par d'autres. C'est l'une des possibilités de réponse.

En la matière, on s'aperçoit que les réponses doivent être prudentes, tout simplement parce que bien d'autres produits existent. Au lieu de la construction locative sociale financée par des anciens prêts locatifs aidés (PLA) ou des prêts locatifs à usage social (PLUS) aujourd'hui, on peut imaginer ce financement par des avantages fiscaux. Au total, les calculs économiques montrent que les produits sont d'un coût comparable si on cherche à maintenir un objectif d'occupation sociale identique. La comparaison laisse à penser que ce n'est pas totalement inefficace.

Maintenant, on peut retenir un autre critère d'évaluation de l'efficacité, que le critère de comparaison des coûts budgétaires ou des coûts d'intervention, soit un critère prenant en compte la qualité et la régularité de la réponse à l'offre que les acteurs peuvent proposer. Il est clair qu'à cet égard, il y a une inefficacité qui, sur d'autres secteurs de l'économie immobilière, a été reconnue depuis bien longtemps. C'est vrai dans le secteur privé. Qu'est-ce qui a interpellé les décideurs pendant un grand nombre d'années ? C'est le fait que l'offre locative privée fluctuait au gré des modifications de périmètres, de natures des produits, d'intensité des avantages fiscaux qui étaient offerts, etc.

Tout le monde a bien conclu que, finalement, il devenait beaucoup plus efficace d'avoir un produit pérenne, durable, inscrit et lisible, tenant compte des évolutions de l'environnement, qui représenterait peut-être un coût lors de sa mise en marche, mais que ce coût serait moindre que celui consécutif aux effets dévastateurs des stop and go sur ce genre de segment de marché.

Il y a donc là un critère d'inefficacité évident lorsqu'on analyse le secteur locatif social et cette inefficacité vient probablement de la variabilité de l'intensité, de la nature, des attitudes, des discours et des pratiques.

Il y a une différence, que vous connaissez bien mieux que moi, entre l'affichage d'un programme budgétaire et la réalité qui sera celle in fine de la consommation des enveloppes qui ont été allouées. On ne peut pas demander à un acteur du secteur de développer durablement une stratégie économique, puisqu'on le lui demande dans un univers qui est plus qu'incertain et aléatoire, avec des règles du jeu qui, elles, sont incertaines et remises en cause de façon remarquablement régulière.

L'inefficacité procède de la pratique et de la conception que l'on peut avoir de la manière dont les acteurs vont réagir aux produits qu'on leur propose. Je pense que n'importe quel acteur du logement, organisme HLM ou non, devant gérer cette situation, aurait la même réaction. C'est ce qui a été constaté sur le locatif privé et c'est ce qui, d'une certaine façon, a peut-être été réglé.

Il faut sur ce point, très certainement, mener une solide réflexion.

M. Pierre Méhaignerie : Pour aller plus loin, à quoi cette réflexion vous conduit-elle ?

M. Michel Mouillart : A l'idée que tout produit n'est pas consommé dès lors qu'il a été rendu inconsommable... (Rires.)

M. Alain Cacheux : Il est évidemment difficile de réagir à un propos liminaire de M. Mouillart que, malheureusement, je n'ai pas entendu, puisque la modernisation de notre Assemblée nous oblige à courir dans l'hémicycle pour aller voter et revenir.

Cela étant, par rapport à tout ce que j'ai entendu, je voudrais faire trois observations. Je crois que c'est M. Mouillart qui disait que l'arrêt de l'action foncière était le révélateur d'un désengagement de l'Etat. Effectivement, c'est un problème de fond. Beaucoup de gens ont pensé que le problème du logement était réglé, sans avoir réglé celui des pauvres, des démunis et des exclus.

M. Mouillart a dit que c'était une évolution philosophique forte. Je le crois aussi, parce que, lorsqu'on parle du « marché du logement », une expression qui m'a toujours fait un peu rire, on laisse entendre qu'une offre libre rencontrerait une demande libre. Or il n'y a pas de marché plus réglementé par l'intervention de l'Etat, aujourd'hui, que le marché du logement.

Je vous donne quelques exemples qui valent pour le locatif social, mais également pour l'accession sociale, qui était complètement en panne. On a fait progressivement mourir le prêt aidé pour l'accession à la propriété (PAP) et il est heureux que l'on ait fait renaître le prêt à taux zéro (PTZ), que l'on a d'ailleurs budgété, ce qui est une bonne chose.

Cela vaut aussi pour la réhabilitation de l'ancien. Je constate que ce secteur est reparti depuis l'application du taux réduit de TVA aux travaux d'entretien. C'est donc bien une intervention de l'Etat, dans le cadre communautaire.

C'est encore plus vrai, bien entendu, pour l'investissement locatif, avec la mise en place du dispositif Périssol, prolongé, pérennisé et, quelque part, consolidé et non pas modifié fondamentalement par le dispositif Besson.

Je veux dire par là que l'Etat est complètement engagé dans la politique du logement et que, plutôt que de parler de désengagement de l'Etat, je préférerais que l'on parle de la réorientation de ses engagements, parce que c'est bien de cela qu'il s'agit : ce ne sont pas les mêmes catégories qui sont concernées.

De la même façon que je disais tout à l'heure, contre l'avis de M. Nicol, qu'il était un peu bizarre que l'on n'arrive pas à mesurer l'engagement des collectivités locales dans le logement locatif social, je voudrais que l'on fasse connaître le montant des exonérations fiscales générées par les dispositifs Besson et Périssol. On va vite s'apercevoir qu'il est considérable.

On a eu parfois tendance à dire que le logement social est le logement aidé. Je dis que dans ce cas, le logement social est le logement privé, parce que, même sous forme d'exonérations fiscales, il est infiniment plus aidé en termes d'aides à la pierre.

M. Pierre Méhaignerie : Hors APL.

M. Alain Cacheux : Bien entendu, mais l'APL est généralisée au parc privé également. C'est d'ailleurs ce qui explique sa forte croissance depuis dix ans.

Il y a donc là une réorientation des engagements de l'Etat qui nous interpelle. C'est la première remarque que je voulais faire, et les termes ont leur importance.

Ma deuxième remarque concerne la mixité sociale. Pour ce qui me concerne, je suis toujours réticent, parce que les mots ont une histoire et une charge affective et que ce sont des symboles, à utiliser le terme « mixité sociale ». Je me souviens du débat sur la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998 : en dialogue permanent avec le Gouvernement en tant que rapporteur du volet logement du projet de loi, j'essayais d'équilibrer le concept de mixité sociale avec celui d'équilibre de peuplement.

Je préfère parler de diversité sociale. Qu'est-ce que la mixité sociale, en général, sur le plan historique ? Je vais le dire de manière caricaturale pour me faire comprendre. Au fond, c'est essayer de mettre un certain nombre de gens très modestes dans des quartiers de couches moyennes, voire supérieures. C'est la mixité sociale telle qu'elle a été définie.

Ce n'est plus le problème d'aujourd'hui. Le problème d'aujourd'hui, c'est qu'un certain nombre de quartiers, voire de résidences, sont devenus des ghettos. J'entendais encore hier après-midi M. Claude Bartolone, ministre délégué à la Ville, dire, et il avait raison, que le problème n'est pas de faire revenir les couches moyennes mais de faire en sorte que ceux qui respectent encore un minimum de règles de vie en collectivité restent, parce qu'en général, du fait de la reprise économique, lorsqu'ils retrouvent un emploi, leur première préoccupation, c'est de quitter l'endroit où ils se trouvent et donc d'aggraver l'effet de ghettoïsation.

Je préfère donc parler de diversité sociale et d'équilibre de peuplement.

Ce n'est pas sans lien avec un certain nombre de difficultés que nous connaissons actuellement. J'ai parfois tendance à dire, là encore de manière très schématique, qu'en termes de diversité sociale, il est facile de faire venir des gens très modestes dans des quartiers de gens supérieurs ; il y faut de la volonté politique et de l'argent. Mais faire venir des représentants des couches moyennes et supérieures dans des quartiers modestes, je ne sais pas le faire, tout simplement parce qu'ils ont les moyens d'aller ailleurs et qu'ils font donc d'autres choix.

La seule solution est de transformer l'image du quartier et d'amener de la qualité urbaine, grâce en particulier au traitement des espaces publics pour lequel il n'y a plus un sou de l'Etat, même pour les espaces extérieurs des HLM.

Je voulais insister sur le problème de la diversité sociale, parce que les mots que l'on utilise sont importants.

Ma dernière remarque concernera la qualité. Je veux confirmer ce que disait M. Gilles Carrez. Quand on se balade dans les résidences, on est frappé par le décalage qui existe entre les appartements, qui sont souvent très bien tenus, et les parties communes, qu'il s'agisse des entrées d'immeuble, des cages d'escalier ou des ascenseurs. Les gens disent que l'appartement est très bien, mais ils veulent s'en aller à cause de problèmes de comportement et d'environnement.

De ce point de vue, je pense que de gros progrès ont été faits en matière de qualité architecturale et qu'un _il non averti ne fait plus la différence entre des constructions récentes de logements sociaux et des constructions privées, même si un _il averti les remarque quand même.

On a donc fait d'immenses progrès, mais le problème posé est celui du comportement. De ce point de vue, j'ai toujours été très réticent sur le concept de droit au logement. Quand je rencontre un locataire qui vient me dire : « j'ai droit à un logement », je lui réponds : « je vais vous recevoir parce que je vais commencer par vous parler de vos devoirs ». Je préférerais que l'on parle de citoyenneté en matière de logement, laquelle est faite de droits et de devoirs. Je le dis aux locataires de l'office de Lille.

Le premier devoir, ce n'est peut-être pas de réussir, mais au moins d'essayer de payer son loyer, ne serait-ce que parce que des gens modestes, eux, respectent cette discipline.

Le deuxième devoir, tel que je le ressens, dans un patrimoine à 94 % collectif, c'est de respecter ses voisins, de respecter les règles de vie en collectivité, de ne pas faire marcher sa sono jusqu'à 2 heures du matin parce qu'on n'a pas à se lever le lendemain matin, de ne pas avoir trois chiens qui vont, quand la personne travaille, hurler pendant toute la journée et déranger éventuellement les enfants qui souhaitent dormir ou se reposer. Il faut respecter les règles de vie en collectivité.

Je pense que l'un des handicaps principaux du logement social, tient au non-respect de ce qui est collectif, à l'exacerbation de l'individualisme.

Le troisième devoir, qui nous renvoie à un autre problème de société, c'est de faire en sorte que les gosses ne cassent pas tout. Cela renvoie à la conception de la société et à la dissociation du tissu familial. Nous logeons en grandes masses des familles monoparentales. Or qu'est-ce qu'une famille monoparentale sinon, à 95 %, une femme seule qui se débrouille avec les gosses ? Où sont les pères ? Chacun est libre de faire ses choix individuels, bien entendu, mais cela ne supprime pas la responsabilité à l'égard des enfants.

De ce point de vue, alors qu'on insiste exagérément sur un certain nombre de droits, parlons de citoyenneté qui est faite de droits et de devoirs. Je le dis très sereinement. Lorsque ces devoirs ne sont pas respectés, après avoir prévenu, reprévenu, surprévenu jusqu'à l'acharnement thérapeutique, moi je sanctionne le non-respect des devoirs. Il y a des expulsions à l'office de Lille, je le dis très sereinement, mais après que tout eut été fait, au niveau des services, pour les éviter.

Le Président Augustin Bonrepaux : Nous allons prendre une dernière intervention. Mes chers collègues, il faut quand même ramener nos auditions au rôle qu'elles ont : il s'agit de poser des questions, sachant qu'ensuite, vous aurez une séance de débat. Si chacun, ici, expose longuement son point de vue, on ne fait plus des auditions. Monsieur Dumont, si vous avez encore une question à poser, je vais vous demander de le faire brièvement, après quoi je demanderai à M. Mouillart de conclure.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur spécial : Je serai très discipliné, M. le Président. Ma question est très courte. M. le Professeur Mouillart, compte tenu de vos travaux, pouvez-vous nous indiquer, dans le cadre général des besoins en logements aujourd'hui, les différentes catégories qui demandent des logements ? Y a-t-il effectivement 300.000 ménages qui sont placés dans des conditions de surpeuplement ? Je ne parle pas, bien évidemment, car nous aurons une audition spécifique sur ce point, des personnes en recherche de logement parce qu'elles ne sont pas considérées comme étant déjà accueillies.

Le Président Augustin Bonrepaux : M. Mouillart, je vous demande de répondre et ce sera la conclusion.

M. Michel Mouillart : Merci, M. le Président. Cela permet effectivement d'aborder un autre aspect de l'offre, de la construction locative sociale. A-t-elle une légitimité face à une demande ou dans un marché qui ne peut pas traiter tous les segments de cette demande ?

Il faut d'abord savoir si la demande existe bien toujours globalement. Sans aucun doute, oui. On a souvent laissé croire que, pour des raisons démographiques, l'effort d'élévation de l'offre nouvelle allait devoir fléchir très rapidement. D'ailleurs, quand on lit à nouveau ce qui a été écrit par certains il y a une dizaine d'années, on s'aperçoit qu'on aurait dû construire, en 2000, environ 250.000 logements ; cela aurait été très largement suffisant. Si on en a en fait construit un peu plus, c'est peut-être parce que la demande est restée très élevée.

En fait, alors qu'on disait que le nombre de ménages allait fléchir, on s'aperçoit que, depuis 1975, il reste au même niveau d'un recensement à l'autre : 280.000 chaque année. Bien sûr, il fléchit lorsque le demandeur ne peut pas réaliser le projet, mais dès lors que l'environnement lui permet de réaliser son projet, la demande s'exprime. Par conséquent, bon an mal an, la demande reste très forte et elle n'a pas beaucoup de raisons de fléchir pour au moins trois motifs.

Le premier, c'est que, de la même façon que l'on change fréquemment de voiture, la mobilité résidentielle est aujourd'hui beaucoup plus forte qu'elle pouvait l'être il y a un quart de siècle, pour des raisons choisies ou pour des raisons subies ; peu importe. Tous les acteurs n'y sont pas préparés. On voit bien que beaucoup d'organismes de HLM subissent cette mobilité plus qu'ils ne l'utilisent.

Beaucoup d'acteurs n'y sont pas préparés, mais la mobilité est forte et elle devrait rester très forte dans les années à venir même si, en cas de ralentissement économique, cette mobilité, on le sait, fléchit un peu. Néanmoins, elle a franchi une marche qui fait qu'aujourd'hui, on peut considérer que, bon an mal an, en longue période, au moins un huitième des locataires du parc social change de logement et environ 30 % des locataires du parc privé, sans compter une mobilité résidentielle sur le parc des propriétés.

Il y a donc, quoi qu'il arrive, un premier motif de maintien de la demande : la mobilité reste forte.

Le deuxième motif, c'est le fait que les conditions de logement ne sont pas forcément excellentes pour tout le monde. Il y a deux façons de présenter les résultats. La première, c'est de dire que le taux de logements inconfortables ou surpeuplés a fortement fléchi et qu'il n'est plus aujourd'hui que marginal en comparaison de ce qu'il pouvait être au début des années 70. La deuxième, quand on est un peu grincheux, comme je le suis, c'est de dire que, néanmoins, cela représente plusieurs centaines de milliers de ménages et de familles qui vivent dans cette situation.

Il est clair que les conditions de surpeuplement sont l'un des éléments constitutifs de cette situation dégradée. La sous-population concernée n'est pas totalement connue. Vous parliez d'environ 250.000 personnes qui vivent dans des logements que l'on pourrait qualifier de surpeuplés. En fait, je baisse un peu ce nombre parce qu'on sait que, par définition, un studio occupé par un couple ne peut être que surpeuplé, même si les occupants ont choisi d'habiter à deux dans le studio.

Ce sont les éléments des recensements, mais il se trouve que le peigne du recensement ratisse seulement une petite partie de la réalité, de cette réalité-là. En effet, lorsque les logements sont très surpeuplés, ils ne sont pas déclarés comme tels. Il est donc probable que c'est une estimation a minima.

Le premier motif de maintien de la demande, c'est la mobilité ; le deuxième motif, réside dans les conditions de logement qui doivent être améliorées pour une partie non négligeable de la population au plan quantitatif, notamment parce qu'il y a du surpeuplement et aussi parce que (c'est un autre débat, mais il renvoie tout de même à l'une des questions posée tout à l'heure) les critères de qualité que l'on utilise aujourd'hui sont de bons vieux critères qui, depuis bien longtemps, ne correspondent plus qu'à l'image de la 4 CV que l'on pouvait acheter dans les années 50.

Il est clair qu'aujourd'hui, on ne peut pas se contenter de dire que le logement est de qualité parce que, premièrement, il sera décent et que deuxièmement, il aura l'eau dans toutes les pièces et l'électricité avec des belles gaines qui auront été refaites. Il y a des conditions d'habitabilité qui sont exigées par la demande. On en a parlé rapidement tout à l'heure et je ne reviens pas là-dessus.

Le troisième motif de maintien de la demande, c'est qu'en période d'amélioration de l'environnement économique, des demandes qui ne souhaitaient pas ou ne pouvaient plus s'exprimer se représentent sur le marché. On l'a vu avec les jeunes et ce n'est certainement pas terminé. On le voit tout simplement parce que la géométrie des couples est devenue totalement variable et que le rythme de reconfiguration de cette géométrie est d'autant plus fort que l'environnement le permet.

Il ne faut pas oublier aussi que nous vieillirons tous beaucoup plus longtemps que nous ne pensions le faire il y a quelques années. L'augmentation de l'espérance de vie est l'un des éléments qui va continuer à lourdement peser sur la demande.

N'oublions pas que 60 % des ménages qui se créent chaque année correspondent à ce qu'on appelle des « non-recohabitations de personnes âgées ». La demande va rester très forte.

Il faut distinguer deux aspects de la demande. Le premier consiste à savoir quelle offre nouvelle on doit maintenir chaque année (à cet égard, la construction locative sociale a une place à part entière) ; le deuxième est de savoir comment, dans le cadre de la mobilité générale, il faut traiter la demande, notamment sociale.

En ce qui concerne le premier aspect, celui de l'offre nouvelle, pour au moins quatre ou cinq années, compte tenu des projections démographiques qui existent et du sentiment que les prévisionnistes peuvent avoir sur ce que sera l'économie alors, le besoin global de constructions nouvelles ne devrait pas fléchir. Pour simplifier, alors que 310.000 mises en chantier ont été constatées l'année dernière, il est probable qu'à l'horizon des cinq prochaines années, on aurait besoin de faire la même chose chaque année.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur spécial : Si vous le permettez, vous confirmez bien là les estimations données par M. Marcel Lair dans son rapport au Conseil économique et social, il y a de cela quelques années, même si, à l'intérieur des 320.000 mises en chantier prônées par M. Marcel Lair, vous venez d'indiquer que le segment représenté par telle ou telle forme de renouvellements, de constructions neuves, de réhabilitations, etc. peut varier. Globalement, je pense que c'est bien cela. C'est important, monsieur le Président, pour l'appréciation du budget que nous sollicitons.

M. Michel Mouillart : Absolument. Comme, pour des raisons multiples et variées, on peut penser que certaines composantes de l'offre peuvent un peu fléchir et rester un peu moins élevées, il serait souhaitable de conserver notamment une composante solide de constructions locatives sociales. C'est clair. En revanche, la partie mobilité de la demande, comme on le disait tout à l'heure, devrait se maintenir à un niveau élevé, ce qui renvoie à une autre question qui est adressée au parc locatif, parce que la mobilité qui se réalise chaque année concerne aussi des ménages à revenus modestes ou très modestes.

3.- Audition de M. Louis-Gaston Pelloux,
président de l'Union d'économie sociale pour le logement,
accompagné de MM. Jean-Luc Berho, vice-président
et Bertrand Goujon, directeur général

(Extrait du procès-verbal de la séance du jeudi 19 avril 2001)

Présidence de M. Jean-Pierre Delalande, Président

Le Président Jean-Pierre Delalande : Nous avons le plaisir d'accueillir M. Pelloux, président de l'Union d'économie sociale pour le logement. Monsieur le président, la mission d'évaluation et de contrôle essaie de travailler très concrètement. Elle est coprésidée par un député de la majorité, le Président Bonrepaux, et moi-même, député de l'opposition.

Dans nos réflexions, nous sommes aidés par la Cour des comptes. Nous avons le plaisir d'accueillir M. Capdeboscq, M. Diefenbacher et M. de Puylaroque, magistrats de la Cour. Monsieur Marmot, président de chambre, devrait nous rejoindre.

L'usage veut qu'il n'y ait pas d'exposé introductif. Nous nous efforcerons de vous poser des questions précises, de manière à avoir un échange vif et rapide.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur spécial : Ces dernières années, le paysage du 1% réservé au logement a connu bien des évolutions. N'avez-vous pas l'impression que ce 1% est de plus en plus administré ? A force de ciblages, de conventions, de chartes d'utilisation, nous ne l'utilisons plus comme à une époque où il permettait de cibler certaines opérations, d'équilibrer des plans de financement et, en quelque sorte, d'avoir des loyers de sortie compatibles avec la capacité, la solvabilité des futurs résidents.

Pour la plupart, ces derniers sont, par construction, des salariés des entreprises qui cotisent, même si, dans le parc locatif social, il y a de plus en plus - et pour cause - de personnes, de couples, de ménages, de familles, que l'on appelle des exclus.

Il y a deux ans, dans cette même salle, j'ai plaidé pour que le Conseil économique et social soit appelé à présenter un rapport pour faire l'état des lieux et proposer éventuellement de nouvelles perspectives au 1%. D'autant que le mouvement lui-même s'était restructuré et présentait peut-être les moyens d'une meilleure gestion. Je reste un peu dubitatif devant les résultats, autant du rapport que des suites qui lui ont été données. Cependant, je ne doute pas que vous allez nous convaincre de l'utilité des réformes, lesquelles vous permettent en particulier de jouer un rôle d'actionnaire important dans certains organismes HLM, tout particulièrement des sociétés anonymes (SA).

Par ailleurs, nous voyons dans nos régions de plus en plus de regroupements des collecteurs du 1%. Est-ce bien pour faire des gains sur le coût des structures, pour en améliorer l'efficacité ? Là aussi, nous nous apercevons que se mettent en place des groupes comportant l'ensemble des opérateurs pouvant intervenir sur le locatif social tant dans le domaine des HLM, qu'en dehors. Confirmez-vous cette tendance qui me semble lourde ? Quel rôle votre mouvement entend-il jouer comme actionnaire de référence ?

A un moment donné, vous avez fait peur à la fédération des sociétés anonymes d'HLM. Dans ces organismes, je ne suis pas sûr que la dispersion de l'actionnariat, qui, de ce fait, ne joue pas complètement son rôle, n'ait pas une incidence sur l'état léthargique de la construction du logement social actuellement.

Voilà la première série de questions que je voulais poser. Je terminerai sur un problème plus spécifique à l'Ile-de-France, où les contrôles sont peut-être plus difficiles. Certains produits nouveaux mis en place, dans l'objectif de solvabiliser la demande, ont connu quelques dérives, semble-t-il.

Pouvez-nous dire si ces dérives sont habituelles, comme dans tout système, si elles sont maîtrisables et très minoritaires et que vous avez conscience qu'il convient de remettre, ici ou là, un peu d'ordre ? Ou bien, est-ce, là aussi, une tendance lourde ? Je veux parler de la mise en place du système de cautions et de reprise de celles-ci. De même il y a un problème pour les loyers qui ne sont pas toujours versés, me semble-t-il. Il s'agit peut-être d'une mauvaise information sur un problème dont un certain nombre de sociétés ou organismes HLM, ont eu à souffrir ces dix-huit derniers mois à plusieurs reprises.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Vous avez la parole pour répondre à ce bouquet de questions.

M. Louis-Gaston Pelloux : L'intervention que je viens d'entendre prouve à l'évidence que le 1% n'a pas su faire une bonne communication depuis la profonde mutation qu'il a connue avec la création de l'Union d'économie sociale pour le logement (UESL). Je me suis permis de me faire accompagner aujourd'hui par le vice-président, représentant les organisations syndicales, M. Jean-Luc Berho et par le directeur général, M. Bertrand Goujon. La nouvelle donne du 1% consiste en une gestion paritaire cohérente pour le financement du logement, afin d'assurer le parcours résidentiel des salariés.

La convention de 1998 fixe des objectifs précis, chiffrés, quantifiés. Notre but est de les respecter. Je tenterai d'être concis et bref pour répondre le plus clairement possible à vos questions.

Au fil des dernières années, avec la création de l'UESL, le 1% a commencé la recomposition de son paysage pour une meilleure implantation régionale. La convention signée en 1998 avec l'Etat, et son avenant de mars dernier, nous imposent des objectifs dans des domaines multiples et variés. Pour réaliser ces objectifs, un certain nombre de comités interprofessionnels du logement (CIL) ont tendance à se regrouper afin d'être plus efficaces localement, territorialement et de mieux répondre aux interrogations et aux besoins des salariés dans le domaine du logement.

Concernant les nouveaux produits, c'est-à-dire les systèmes permettant, dans une société qui évolue, avec une forte précarité chez les jeunes, d'aider ces derniers en situation de salariés précaires ou de recherche d'emploi, notamment par l'avance du dépôt de garantie et par la garantie de loyer, je ne pense pas qu'il y ait des dérives. Non seulement nous avons réussi à tenir nos objectifs, fixés par la convention, mais nous les avons dépassés. Cela prouve à l'évidence que ces garanties de loyer, ces avances du dépôt de garantie, et les garanties apportées aux bailleurs, sociaux ou privés, sont la réponse à un besoin imposé par l'évolution de la société, des entreprises et de la précarité de l'emploi.

Je laisse la parole à M. Jean-Luc Berho, représentant les organisations syndicales, pour répondre sur d'autres points.

M. Jean-Luc Berho : Monsieur le Président, je représente la CFDT et le collège des organisations syndicales de salariés au sein de l'UESL.

Pour tout vous dire, M. le député, je ne me suis pas du tout retrouvé dans votre présentation du 1%. Qu'il y ait un manque de communication de sa part, j'en conviens parfaitement. Quant à la notion de pertinence économique, ou la notion que je qualifierais d'utilité sociale qui se cherche, elles sont en train de subir un bouleversement sur le terrain.

Vous faisiez référence aux nouveaux produits. Je ne parlerai que de ceux touchant à l'accès et au maintien dans le logement locatif. La mise en place de ces produits nous a posé problème par manque de lisibilité. Les partenaires, bailleurs sociaux ou privés, ont d'abord eu du mal à apprécier le contenu et la pertinence de ces produits.

Aujourd'hui, c'est chose faite. L'objectif, pour 2000, de mise en place de ces produits était de 60.000 ; 77.000 ont été effectivement mis en place dans l'année 2000, dont 47.000 au cours du dernier trimestre.

Nous n'avons pas encore les chiffres du premier trimestre 2001. Alors que l'objectif pour cette année est 120.000 produits en circulation, nous devons être proches des 100.000 aujourd'hui.

Cela veut dire que les besoins en matière de soutien à l'accès et au maintien dans le logement locatif étaient extrêmement prégnants et que ces produits sont en train de correspondre à la cible.

Pour compléter ce que disait le président Pelloux à l'instant, d'autres produits sont en circulation ou à l'étude. L'un d'entre eux est directement lié à l'amélioration de l'habitat, paramètre qui est à prendre largement en compte aujourd'hui. Nous l'avons intitulé le « Pass-travaux ». Là aussi, nous sommes en train de mener une étude fine auprès des salariés les plus précaires et de ceux aux salaires les plus bas. Nous sommes loin de l'effet d'aubaine redouté par les uns et les autres mais nous nous situons dans le cadre de la notion d'amélioration de l'habitat, même s'il est trop tôt pour tirer des conclusions définitives.

Je dirai également deux mots sur le logement locatif social. Les partenaires sociaux ont décidé unanimement d'intervenir de manière massive pour soutenir ce secteur et nous avons devancé certaines demandes formulées par les pouvoirs publics. En effet, nous estimons que la place du 1%, dans ce domaine, doit être extrêmement forte.

Le problème est qu'aujourd'hui nous avons beaucoup à dire, nous, sur le logement locatif social. Je ne dis pas à « reprocher ».

Le Président Jean-Pierre Delalande : Ce sera l'occasion.

M. Jean-Luc Berho : Il ne s'agit pas, pour nous, de tirer à boulets rouges sur un secteur qui est aujourd'hui la cible de faux amis. En revanche, nous souhaitons que ce secteur réponde mieux aux attentes des salariés, au sens large.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur spécial : Je voudrais simplement rebondir sur votre dernière formulation. J'ai posé une question, en incidente, sur le rôle que vous pouviez jouer, vous UESL, comme actionnaires d'un certain nombre de groupes, de sociétés, d'organismes. Pourriez-vous aller plus loin dans l'analyse que vous faites de la situation ? De ce point de vue, avez-vous la perspective de jouer le rôle non seulement d'apporteurs de fonds, mais aussi d'orienteurs des actions ou de véritables donneurs d'ordres pour certaines actions ?

Je sais que cela a été craint par certains organismes. Cependant, vous faites, vous aussi, une analyse critique de la situation, comme beaucoup d'observateurs du logement locatif social. Mais vous pouvez quand même jouer un rôle plus particulier si vous en avez la volonté politique. C'est le moment ou jamais de vous poser cette question.

M. Jean-Luc Berho : Avant de présenter un point de vue concernant les réponses éventuelles, il faut partir d'un constat que nous sommes à même de présenter aujourd'hui, avec un certain nombre de failles d'ailleurs.

D'abord, ne perdons pas de vue que le 1% logement a, par convention, 800.000 réservations auprès des différents organismes (SA ou différentes composantes du monde HLM).

Sur ces 800.000 réservations, le premier chiffre que je vais maintenant vous donner demande à être vérifié. Les premières estimations émanant de certains gros collecteurs sont assez bien corroborées ensuite par les demandes formulées dans les entreprises. Le recoupement est intéressant. Moins de 400.000 logements, soit moins d'un logement sur deux, sont directement occupés par des salariés passant par le filtre 1%. Cette situation nous interpelle. Quelle serait l'entreprise, j'utilise ce terme un peu par provocation, qui verrait la moitié de ses fonds ne pas correspondre aux besoins exprimés ?

Deuxième niveau : un groupe de travail vient de rendre son rapport dans le cadre du GELD (Groupe d'étude et de lutte contre les discriminations) sur les notions de discrimination, positives ou négatives, à l'accès au logement.

Nous avons là aussi un certain nombre de remarques fortes à émettre ; les salariés les plus fragiles se retrouvent largement « ghettoïsés ».

A partir de ces deux paramètres, qu'il nous reste à vérifier et à explorer, nous pourrons situer la manière pertinente dont nous avons à nous investir, que ce soit dans les sociétés anonymes, dans les coopératives ou dans les autres composantes du mouvement HLM. En tant que partenaires sociaux, nous souhaitons être davantage acteurs et pas simplement financeurs.

M. Daniel Feurtet : J'aurais aussi un bouquet de questions à poser. La première est de savoir pourquoi l'on parle encore du 1%.

Le Président Jean-Pierre Delalande : C'est une bonne question.

M. Daniel Feurtet : Je crois savoir que ce taux est aujourd'hui de 0,45%. Le 1% est peut-être une référence facile, mais qui masque les diminutions intervenues ces dernières années, s'agissant du prélèvement pour le financement du logement social. Pourquoi ne pas revenir après tout au taux de 1% ?

Ensuite, je voudrais savoir quelles sont les sommes collectées sur l'ensemble du territoire.

Troisième question : quelle est la part dévolue au financement social du logement locatif, et à celle du logement social en accession à la propriété ? En effet, je crois savoir que les deux voies sont possibles.

Quatrième question : j'imagine qu'avec la faiblesse actuelle de la construction du logement locatif, il y a sans doute un problème d'usage des fonds collectés. Je suppose aussi qu'il existe des produits financiers qui suscitent quelques préoccupations.

Nous savons tous que la faiblesse de la construction trouve sa source dans les coûts de production et, par conséquent, dans les coûts de loyers. Aujourd'hui, il ne s'agit pas simplement de permettre à des gens en situation précaire ou fragilisés par l'emploi ou d'autres raisons d'avoir accès à un toit, mais de régler la question des coûts de sortie et donc des loyers. Dans notre pays, ces coûts et le taux d'effort des revenus moyens sont bien trop forts. On peut les supporter le premier mois, le deuxième et le troisième, mais au bout de six mois, souvent, on sort facilement de ces schémas. Cette question va au-delà peut-être de nos débats généraux.

L'usage du 0,45% est aussi complètement adossé aux mécanismes de la politique de logement social, avec ses multiples financements en amont. Comme je m'intéresse également au parcours résidentiel, je pose la question du financement de l'accession sociale à la propriété.

Ma dernière question porte sur les réservataires du 0,45%. Je ne sais pas si elle corrobore votre propos de tout à l'heure, mais il est vrai qu'au bout d'un moment, pour de multiples raisons, les logements financés ou réservés avec le 0,45% sont replacés dans le droit commun. Cela ne tient pas forcément au départ du salarié ou à la disparition de l'entreprise, mais parfois à l'environnement général de cette construction. Quelle est votre réflexion sur ce sujet préoccupant lorsque l'on parle de la mixité de l'habitat ?

M. Bertrand Goujon : D'abord, je vous donnerai des chiffres et quelques ordres de grandeurs qu'il est bon de rappeler. Concernant les ressources annuelles, il existe deux modes d'alimentation : la collecte annuelle nouvelle du 0,45%, qui représente à peu près un montant de l'ordre de 7 à 7,5 milliards de francs. Les retours sur investissements antérieurs, c'est-à-dire les prêts aux personnes physiques ou les financements d'organismes d'HLM, s'élèvent à 8 à 9 milliards de francs. Cela donne, bon an mal an, à l'heure actuelle, des ressources annuelles de l'ordre de 16 à 17 milliards de francs. Aujourd'hui, c'est approximativement la capacité d'investissement du mouvement 1% en flux annuel.

Il faut rappeler, qu'au niveau des emplois, nous avons subi des coupes sévères par les prélèvements de l'Etat. Pour répondre à votre question sur les disponibilités, je rappelle que nous avons subi deux prélèvements de plus de 7 milliards de francs en 1997 et 1998. Dans le cadre de la convention passée avec l'Etat en août 1998, qui porte sur les années 1999 à 2003, il est prévu une sortie en biseau de ce prélèvement annuel. Cette convention est encore lourde de conséquences financières, puisque, sur les années 1999 à 2002, nous aurons encore payé à l'Etat un montant de l'ordre de 16 milliards de francs.

Cela veut dire qu'en six ans, de 1997 à 2002, nous aurons payé 14 puis 16 milliards, soit 30 milliards de francs. Il est bon de rappeler que ces prélèvements pèsent considérablement sur les capacités d'investissement du mouvement 1%. D'ailleurs, sur les années 1997 et 1998, cette situation nous a conduit à emprunter, au niveau de la profession, pour maintenir notre activité et nos capacités d'investissement, un peu plus de 8 milliards de francs. Pour l'essentiel, il est prévu de rembourser cette somme sur une durée de 7 ans.

Cela fait partie des données financières de notre situation et montre que si nous avons au départ, en affichage, des ressources annuelles loin d'être négligeables, nous avons subi, sur la période d'application des prélèvements, des contraintes financières qui ne sont pas sans conséquences sur nos activités d'investissement.

Sur l'emploi des sommes, je voudrais rappeler, en réponse à M. Dumont, que, dans la convention de 1998, nous avons pris un engagement important, parmi d'autres, celui de maintenir nos investissements au profit du logement locatif social. Le chiffre affiché à l'époque était de l'ordre de 4,5 milliards de francs. Nous n'avons pas effectivement respecté, notamment sur les deux premières années, ce montant. Ce n'est pas faute d'avoir fait des propositions aux organismes d'HLM.

Pour la réalisation des opérations, les décideurs ne sont pas le mouvement 1%, mais plutôt les collectivités locales et les opérateurs sur le terrain que sont les bailleurs, puisque ce sont eux qui engagent in fine les opérations.

Par conséquent, l'on ne peut reprocher au mouvement 1% de ne pas s'être mis en situation de pouvoir répondre à la demande de financement des organismes HLM. La preuve en est, je viens de vous l'indiquer, que nous nous étions donnés la possibilité de répondre à cette demande, au moment où nous avons été lourdement ponctionnés, en réalisant un emprunt.

Je voudrais insister sur cet aspect. Nous avons pris des engagements : le président a dit tout à l'heure que notre intention est de les tenir. En particulier, sur le volet important du financement du logement locatif social, il est très clairement affiché que nous avions pris un engagement sur un montant d'investissement de l'ordre de 4,5 milliards de francs. Voilà les chiffres importants que je souhaitais vous communiquer.

M. Louis-Gaston Pelloux : J'ajoute que dans l'enveloppe des 4,5 milliards de francs, à la suite de l'avenant à la convention de 1998 signé en mars 2001, nous avons affecté un milliard de francs d'aides particulières pour le financement des prêts locatifs à usage social (PLUS). Cela fait partie de l'avenant à la convention.

Pourquoi continuer à appeler cela le « 1% » ? En réalité, ce n'est pas 0,45%. Les entreprises versent 0,95% parce qu'elles versent aussi 0,50% pour financer le fonds national d'aide au logement (FNAL). Les 0,45% sont affectés dans le cadre de l'utilisation du 1%. L'appellation du 1% est une image. C'est important notamment en province. Nous entendons souvent les salariés dire qu'ils ont été logés soit en accession, soit en locatif, grâce au 1%.

Est-il essentiel de changer d'image ou plutôt de changer d'attitude et de faire face aux évolutions auxquelles nous sommes contraints en tant que gestionnaires de ce 1% ? Nous avons beaucoup réfléchi pour finalement décider de ne pas changer d'image. Ce n'est pas l'image qui compte, mais la réalité du terrain.

M. Daniel Feurtet : J'avais posé une question sur les réservataires en locatif.

M. Bertrand Goujon : Une des dimensions de la convention de 1998 a été d'essayer d'adapter le 1% logement à l'évolution du monde économique et social. On nous a reproché, bien souvent de manière caricaturale, de réserver le 1% exclusivement à ceux qui ont la chance d'avoir un emploi salarié.

L'une des dimensions de la convention quinquennale - c'est la notion de parcours résidentiel à laquelle vous avez fait référence tout à l'heure - est de faire bénéficier du 1% ceux qui, à un moment de leur vie familiale ou professionnelle, sont confrontés à des difficultés passagères. Il s'agit des jeunes entrant dans la vie active ; c'est pour eux une période d'instabilité à la fois personnelle et professionnelle. Il s'agit aussi des personnes confrontées à une période de chômage ou de celles qui, en fin de vie professionnelle, préparent leur départ en préretraite ou en retraite.

L'une des dimensions de la convention de 1998 a donc été de redéployer nos interventions en tenant compte de cet aspect essentiel de l'évolution de la vie du citoyen français et de développer des actions permettant de répondre à ces périodes de rupture passagère dans le parcours de la vie, à la fois professionnelle et personnelle. C'est le cas des aides Loca-Pass, c'est-à-dire le financement du dépôt de garantie ou même du prêt Pass-travaux, évoqués par Jean-Luc Berho.

Nous avons donc grandement élargi nos possibilités d'intervention et le champ des bénéficiaires. Nous l'avons ainsi fait au profit des jeunes qui ne sont pas encore obligatoirement salariés d'une entreprise cotisant au 1% logement. Nous avons ouvert également des dispositifs pour les salariés d'entreprises de moins de 10 personnes. Ces entreprises ne cotisent pas au 1%, mais elles font partie du secteur économique et commercial.

Sur la notion de réservataire, notre réflexion s'inscrit dans ce cadre. Nos investissements locatifs restent, à l'heure actuelle, encore très orientés au profit des salariés des entreprises cotisantes au 1% logement. Il s'agit d'une des légitimités de nos interventions dans le secteur locatif social.

Toute la difficulté évoquée précédemment dans l'échange entre MM. Dumont et Jean-Luc Berho est que nous avons un problème d'adéquation du logement proposé aux salariés des entreprises, aux attentes des entreprises. Cela représente une vraie difficulté, qui se traduit par la déperdition de droits de réservation.

M. Louis-Gaston Pelloux : Je voudrais ajouter que la grande évolution de ces dernières années, dans le domaine du 1%, est liée au fait que, pendant des décennies, les entreprises choisissaient les implantations et les finançaient, par le 1%, pour leurs salariés. Aujourd'hui, ce sont les salariés qui choisissent et font la sélection du logement. Sur le terrain, nous constatons une profonde inadéquation entre l'offre sur le parc des réservations locatives et la demande des salariés. Ce constat peut se faire dans de nombreux secteurs géographiques.

M. Daniel Feurtet : Je peux comprendre des situations que je vis au jour le jour, étant maire d'une commune possédant 60% de logements HLM sur son territoire, répartis entre 16 bailleurs, et en parler. Je peux comprendre le souci du gestionnaire de diversifier son offre pour répondre aux besoins émergents dans notre société. D'ailleurs, ce sont souvent des besoins de soutien par le haut. En même temps, je me dis que beaucoup le font. Il y a un paradoxe à ce que nous arrivions peu à peu à voir dans l'ensemble du parc social, avec d'autres mécanismes, les personnes se trouvant dans les situations les plus difficiles.

A force de placer tout le monde dans le même champ pour répondre à ces situations, et parfois parce que nous ne trouvons pas de gens solvables, en situation assise sur un plan familial ou professionnel, nous favorisons l'absence de mixité. Pour moi, ce mot n'a pas seulement un caractère social, il est beaucoup plus large. Il a aussi un caractère humain au sens culturel, professionnel, familial, etc.

N'y a-t-il pas nécessité que l'ensemble des employeurs, sur un territoire donné, puisse avoir une certaine autorité ? Cela peut concerner telle entreprise ou tel groupe d'entreprises. N'y a-t-il pas une sorte de pot commun dans la gestion de cette partie financée par l'employeur ? Ma crainte se situe là aussi. En effet, beaucoup se trouvent sur ce terrain là, notamment dans l'ancien parc locatif.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Monsieur le président, avant de passer la parole à M. Jacques Guyard, si vous me voyez particulièrement intéressé à vous entendre, c'est parce que votre bilan pose énormément de problèmes. Non pas que vous soyez en cause, mais vous faites avec ce que l'on vous donne, vous essayez de faire au mieux.

Je résume : les paramètres à explorer, nous dit M. Berho, sont les 400.000 logements occupés par des salariés passant par le filtre du 1%. Cela veut dire que plus de 400.000 ne passent pas par ce filtre. D'autre part, on se demande s'il n'y a pas de discriminations ; on ne sait pas bien lesquelles, dans quel sens, mais elles existent manifestement, même si l'on n'est pas capable de les chiffrer. Voici un premier constat qui pose problème.

Bien sûr, dites-vous, nous avons de l'argent, mais l'Etat nous a ponctionné 30 milliards de francs en 6 ans ; 5 milliards de francs par an en moyenne. Par conséquent, nous sommes obligés d'emprunter et nous payons les intérêts des emprunts. En matière de bonne gestion, nous devrions quand même pouvoir trouver mieux. Un peu de réorganisation doit sans doute permettre d'éviter au serpent de se mordre la queue de cette façon. Ou on diminue les prélèvements...

M. Bertrand Goujon : Ce n'est pas ce qui s'est passé.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Troisième constat : on appelle cela le 1% parce que c'est une image que tout le monde comprend, mais cela ne correspond plus à rien. Si j'ai bonne mémoire, nous sommes à 0,45% depuis déjà plus de huit ans. Là encore, nous sommes en plein surréalisme. C'est un troisième constat douloureux.

Quatrième constat : finalement, malgré tout l'argent dépensé, il n'y a pas adéquation entre les logements proposés et ce que les gens attendent. Le bilan est lourd. Reconnaissez-le.

Notre constat sur le terrain est qu'en effet, le logement dit social ne loge pas les gens en difficulté. Je l'ai dit lors de précédentes auditions. Mon collègue Jacques Guyard a fait le même constat que moi. Dans nos villes, que faisons-nous ? Nous bricolons avec des sociétés la réalisation de logements moins chers, accessibles à des gens ayant moins de revenus.

Rien ne va, tout est à recaler. Nous avons l'impression d'être dans un moule administratif devant s'imposer à tout le monde. Si nous n'y rentrons pas, nous trouvons des solutions : nous payons des garanties, nous assurons le paiement des loyers, etc. Le moule administratif n'a pas tort : mais je suis désolé : la vie est plus riche que cela. La vie a raison et les réponses doivent s'y adapter.

Tout ce que vous nous dites provoque énormément d'interrogations et invite à une remise en ordre. Cela justifie pleinement nos efforts, à la Mission d'évaluation et de contrôle, pour tenter de rationaliser un peu l'usage des crédits et de mieux les adapter à la demande et à la réalité de la vie.

Ce constat me paraissait tellement flagrant que j'avais du mal à le garder pour moi.

M. Jacques Guyard : J'essaierai de prolonger les questions de mes prédécesseurs par des questions précises. 16 milliards de francs représentent une somme considérable, même si l'Etat vous a pris en moyenne 5, 7, au temps de M. Périssol, et 3 ou 4 aujourd'hui. Le 1% logement reste l'un des financements les plus importants pour l'ensemble du logement social. D'autre part, il a l'avantage d'être le plus souple, pouvant s'adapter le plus facilement pour coller aux besoins.

Vous avez pris l'engagement d'affecter 4,5 milliards de francs chaque année pour le financement du logement social, et vous dites qu'ils sont peu utilisés par les organismes HLM. J'entends ces derniers affirmer que les taux d'intérêt pratiqués par le 1% ne sont plus ce qu'ils étaient. Les taux offerts par les organismes collecteurs étaient naguère à 0% avec un différé de remboursement ; aujourd'hui, à 3% ou 4%, ils sont sensiblement au-dessus de l'inflation.

Comment sont utilisés ces 4,5 milliards de francs, à quelles conditions, sur quelle durée, à quels taux ? Les taux d'intérêt sont trop élevés par rapport à l'inflation, c'est un problème central du logement social qui se traduit par des loyers élevés. Par conséquent, comment intervenez-vous pour atténuer ce phénomène ?

Selon votre réponse précédente, si vous ne pouvez utiliser que la moitié des 800.000 réservations, c'est parce que d'abord, il existe des quartiers où les salariés ne veulent pas aller. Comme mon collègue Feurtet, je suis élu d'une ville où l'on compte plus de 60% de logements HLM relevant de 29 sociétés différentes. Le 1% occupe environ un tiers de ces logements, et seulement, dans certains quartiers de la ville.

Outre la difficulté de vivre dans certains quartiers, l'autre raison n'est-elle pas liée au fait que les loyers HLM, qui sont très souvent au plafond, sont trop élevés pour des salariés relativement modestes, qui atteignent presque le plafond de ressources pour avoir droit à l'APL ? C'est la remarque que j'entends très souvent : finalement, on loge plus facilement les personnes vraiment très pauvres que les petits salariés.

Ma troisième question relève de la pure demande d'information : Quelle est la part des sociétés HLM sous contrôle des organismes 1%, c'est-à-dire ceux dans lesquels les organismes sont actionnaires importants ? Qu'est-ce que cela représente sur la masse des HLM ?

Dernier point : vous avez noté que la démarche de l'UESL tendait à une recomposition régionale du réseau de collecte. C'est important. Pouvez-vous nous donner une idée de l'efficacité relative de cette démarche selon les types de régions ? Je suis élu de l'Ile-de-France et je peux vous dire que cela ne marche pas très bien. Existe-t-il des régions où cela fonctionne mieux ? Si oui, pourquoi ? Est-ce lié au prix du foncier, à la stabilité des populations, etc. ?

Notre souci est que les quelque 10 milliards de francs que vous utilisez réellement soient complètement efficaces. Nous n'avons pas vraiment ce sentiment.

M. Bertrand Goujon : Je répondrai sur les aspects plus techniques. Sur l'efficacité de la mise en place, je rappellerai que parmi les objectifs que nous nous sommes fixés figure l'amélioration de la productivité de la profession. Nous avions pris l'initiative, avant même de signer la convention de 1998, de fixer nous-mêmes des objectifs au sein de la profession pour réduire les frais de fonctionnement. En cinq ans, nous avons réduit globalement ces frais de près de 20% par rapport à un ratio d'activité que nous nous sommes fixé, c'est-à-dire un ratio des charges de fonctionnement par rapport aux encours que nous gérons, à savoir les actifs constitués par les prêts aux personnes physiques et les prêts aux organismes d'HLM.

C'est un effort important : ces résultats significatifs s'expliquent par le processus de regroupement. Lorsque l'UESL a été créé au début de 1997, il y avait 203 collecteurs, comités interprofessionnels du logement (CIL) ou chambres de commerce et d'industrie (CCI) ; il y en a aujourd'hui 160. Le processus de regroupement procède de l'initiative locale et non pas d'une décision administrative par rehaussement de seuil. Dès la création de l'UESL, l'option a été de solliciter les regroupements sur initiative locale. Au bout de quatre ans, les résultats sont significatifs.

Sur l'efficacité de ces processus de regroupement, l'exemple de l'Ile-de-France, comme dans beaucoup d'autres domaines, n'est pas le plus évident. Je comprends parfaitement l'absence de lisibilité, à la fois pour les collectivités locales, pour les représentants de l'Etat ou même pour les partenaires HLM. Sur les 160 organismes, il en existe encore plus d'une trentaine en Ile-de-France, dont on peut dire que la coordination des interventions soit la meilleure possible, certains ayant en outre une activité nationale. Nous avons encore des efforts indéniables à faire. Disons les choses de façon réaliste.

En revanche, un certain nombre de coordinations, d'interventions, ont été réalisées dans beaucoup de régions en province. Les travaux de nos unions régionales commencent à développer la coordination des organismes, notamment sur les dispositifs mis en place pour les aides au financement du dépôt de garantie ou les garanties de loyers. Ils essaient de créer des partenariats, y compris avec les bailleurs ou les associations susceptibles d'intervenir dans ces domaines.

Je peux donc vous répondre que, globalement, un énorme effort de regroupement a été engagé, à la suite, j'insiste, d'initiatives locales, et non pas dans le cadre de procédures administratives. Cela s'est traduit par un processus, qui se développe de jour en jour, de coordination régionale des organismes. Cependant, en Ile-de-France, je reconnais bien volontiers que des progrès indéniables peuvent être faits.

Par ailleurs, je précise que l'UESL n'est pas actionnaire de sociétés anonymes d'HLM, à la différence de certains organismes collecteurs. L'UESL n'est que la fédération nationale. Dans les SA d'HLM existent la part en capital et la fameuse règle des « 10 voix », nuance non négligeable. De façon générale, les sociétés anonymes d'HLM sous le « contrôle » d'un organisme du 1% doivent représenter un bon tiers d'un patrimoine de l'ordre de 1.300.000 ou 1.400.000 logements relevant de la fédération des sociétés anonymes d'HLM. Les disparités régionales sont évidemment très importantes. Nous pouvons le constater dans beaucoup de fédérations.

Sur les conditions financières, nous avons passé un protocole d'accord entre l'UESL et l'Union des HLM fin 1999, répondant à cette préoccupation. A ce jour, je cite de mémoire, en ce qui concerne les financements pour la construction, les conditions cadre sont :

- un taux d'intérêt maximal de 1,5%, voire 1% en cas d'opération à finalité très sociale, ce qui n'exclut pas les subventions ;

- une durée des prêts minimale de 25 ans, dans la construction neuve et l'acquisition-amélioration et de 12 ans pour la réhabilitation.

Ces conditions ont été négociées avec le mouvement HLM. A l'époque de la conclusion du protocole, encore relativement récente, elles semblaient donner satisfaction aux différentes parties en présence.

M. Jean-Luc Berho : Avant de répondre à M. le député sur la notion de loyers trop élevés, notion nous tenant particulièrement à c_ur, je voudrais dire deux mots sur la notion de variable d'ajustement évoquée tout à l'heure.

Dans les années 1996/1997, la ponction opérée par l'Etat avait représenté la totalité de la collecte. Pour nous, cela va au-delà de la notion de variable. Ensuite, il y a eu la convention sur 5 ans, qui implique donc le prélèvement de 16 milliards de francs supplémentaires. En 7 ans, le 1% a été ponctionné de 30 milliards de francs, ce qui correspond à peu près à 70% du financement du prêt à taux zéro.

Cela veut dire que la notion d'utilité sociale ne nous a pas échappé. Croyez-le bien, nous, organisations syndicales, ne sommes pas assis sur le 1% en disant « ma cassette, ma cassette ! » (sourires).

Cette ponction ne nous a pas forcément fait plaisir, mais nous n'avons pas non plus lutté, même dans la rue, pour défendre ce qu'était le 1%, avec son utilité sociale allant en s'atténuant. En revanche, lorsqu'il s'est agi de négocier la convention, nos sept secrétaires généraux ou présidents sont montés au créneau et ont mis en garde les autres négociateurs contre la destruction du système du 1% logement, tout simplement, parce que nous avons aujourd'hui un certain nombre de propositions à faire valoir.

Tout à l'heure, nous avons fait état des propositions concernant la notion d'accès et de maintien dans le logement pour les plus démunis. Cette notion est forte. Nous aurons peut-être en fin d'année entre 200.000 et 250.000 Loca-Pass accordés à des personnes ne pouvant présenter une garantie. Ici, nous jouons gagnant/gagnant avec les bailleurs. Cette solvabilisation est importante. Nous avons défini la notion de droit, nous ne sommes plus dans la simple notion de possibilité.

D'autre part, les ayants droits sont largement plus nombreux que les salariés des entreprises cotisantes. En fait, seulement les fonctionnaires titulaires n'ont pas droit à ce type de produit.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Ils en ont d'autres !

M. Jean-Luc Berho : A partir de là, nous sommes dans cette notion de recomposition. Je pense que nous pouvons faire confiance à l'appréciation des partenaires sociaux pour travailler à cette recomposition du locatif social.

Approximativement 3,2 milliards de francs ont été consommés l'année passée dans le locatif social. Je vous rejoins sur le fait qu'aujourd'hui, nous pouvons dire qu'une partie des propositions de contribution financière du 1% n'est pas à la hauteur de ce que les organismes pourraient attendre.

Sachez tout de même qu'à la suite des négociations du dernier avenant avec les pouvoirs publics, un milliard de francs sera débloqué dans des conditions que je qualifierai d'exceptionnelles. Par ailleurs, nous avons demandé à nos administrateurs, présents dans les divers conseils d'administration du 1%, de veiller à ce que les technostructures soient plus enclines à préserver un montage financier qui contienne une notion de loyer de sortie appréciée différemment.

Pour citer un exemple, un collecteur, le second pour la France, adossé à la Caisse des dépôts et consignations, qui est le groupement interprofessionnel pour la construction (GIC) prête aujourd'hui en moyenne sur 40 ans avec un taux moyen de 1%. Dans la plupart des cas, il offre un différé d'amortissement pouvant aller jusqu'à 10 ans, voire 15 ans.

M. Louis-Gaston Pelloux : Monsieur le Président, l'image compacte que vous avez donnée tout à l'heure me dérange quelque part. Ma vocation première est d'être chef d'entreprise et d'essayer de gérer au mieux. Nous faisons à l'heure actuelle des efforts considérables sur le terrain, au sein de l'UESL, pour nous adapter aux contraintes nouvelles résultant de la convention signée en 1998. L'avenant signé à cette convention le 7 mars 2001 a donné lieu à 29 rédactions successives. Cela met en évidence l'importance des négociations que nous devons mener pour être, sur le terrain, les plus efficaces possible.

A un moment donné, vous avez parlé d'image collant à la peau du 1%. Certaines images durent : c'est le tas d'or, avec tous ces sous. Nous n'avons plus l'argent des droits de réservation, nous les avons versés. Dans notre approche, le monde du 1% est en train de vivre une véritable « révolution culturelle ». En effet, les droits ouverts donnent accès au logement à des populations beaucoup plus larges que précédemment. Nous avons l'ambition de réaliser, sur le terrain, des adaptations des structures, des équipes, de promouvoir l'apprentissage de nouveaux métiers, et d'être de vrais acteurs de la politique du logement et de la politique de la ville. Tout cela ne se fera pas d'un coup de baguette magique, mais avec beaucoup de pédagogie et de capacité d'adaptation.

Nous sommes placés dans un cadre de gestion paritaire traduisant une parfaite cohésion. Notre ambition réciproque, nous partenaires sociaux, est d'abord de pouvoir donner aux salariés l'accès à un logement. Pour nous, il ne s'agit pas seulement des salariés en activité mais de ceux qui vont l'être et de ceux qui l'ont été. La vie professionnelle et la vie familiale ne sont plus un long fleuve tranquille. C'est à nous de nous adapter à l'évolution de la société et des entreprises et à la nature de l'emploi. Si nous y parvenons, nous aurons accompli notre devoir face au droit.

Le Président Jean-Pierre Delalande : En tout cas, votre foi fait plaisir à voir.

M. Gilles Carrez : J'ai une question sur l'utilisation du 1% et le partage entre l'accession et le locatif, plus particulièrement du point de vue du salarié. Je connais un peu les comportements en matière de recherche d'un logement dans l'agglomération parisienne et les départements de petite couronne.

Nous entendons constamment la phrase suivante : « Notre entreprise cotise au 1%, mais elle le fait pour une utilisation en accession. Or, nous, nous n'avons pas les moyens d'accéder à la propriété ou ne le voulons pas à cause de la mobilité professionnelle ou pour un autre motif. Nous recherchons donc un appartement en location. ». Par conséquent, je me pose la question suivante : n'y a-t-il pas une répartition inadaptée des fonds du 1% entre l'accession et la location, en tous cas en région parisienne ?

Dans les communes de l'agglomération parisienne, je rappelle que l'on a observé un taux moyen de mobilité, entre les deux recensements de 1990 et 1999, de l'ordre de 40%. Il existe une forte mobilité professionnelle, et le produit locatif doit être encouragé. Il semblerait que cela fasse défaut.

A partir du moment où l'entreprise fait le choix de l'accession, est-il vrai que le salarié de ladite entreprise, même si elle cotise, est privé d'accès au marché locatif ?

M. Bertrand Goujon : Pour éviter toute ambiguïté, je voudrais préciser qu'il n'y a pas de répartition préalable des budgets au sein des organismes entre l'accession et la location. Traditionnellement, les organismes intervenant sur la région Ile-de-France ont une activité d'investissement locatif beaucoup plus importante que certains organismes en province, qui ne font pratiquement que du prêt à personne physique. En principe, la demande porte beaucoup sur l'accession ou sur des travaux d'amélioration en accession.

M. Gilles Carrez : Je parlais uniquement de l'agglomération parisienne du point de vue du salarié.

M. Bertrand Goujon : Sur la demande locative, les situations sont très diverses selon les organismes. Cela fait partie des mutations auxquelles le président faisait référence d'un point de vue plus général. Un certain nombre de CIL ont une pratique locative très ouverte, quelle que soit la relation bilatérale entre l'entreprise cotisante et l'organisme ; d'autres sont plus restrictifs et estiment que si la consommation du budget 1% se fait sur des prêts à l'accession à la propriété, il n'y a plus de disponibilité pour faire des réservations locatives. Honnêtement, la tendance actuelle se trouve plutôt dans la première catégorie d'organismes.

M. Gilles Carrez : Nous entendons que l'entreprise, et non pas l'organisme, estime que la réservation est de l'argent perdu et s'oriente donc vers l'accession.

M. Bertrand Goujon : Pour la région Ile-de-France je ferais plutôt le commentaire inverse. En Ile-de-France la demande est d'abord locative, c'est clair.

M. Gilles Carrez : C'est bien ce je dis, les salariés ne trouvent pas de location.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur spécial : C'est l'objet de notre mission de savoir pourquoi on ne construit pas en locatif.

M. Louis-Gaston Pelloux : Je voudrais indiquer que l'entreprise ne fait pas de choix. Elle doit loger ses salariés et, normalement, répondre à leur demande. En région parisienne, de façon globale, le locatif domine. En province, très souvent, l'accession domine, ceci, pour des raisons économiques compréhensibles, c'est-à-dire le niveau des prix de revient, que ce soit à la construction ou à la location.

M. Pierre Mehaignerie : L'élu de province a une position un peu différente. Nous sommes attachés à l'accession sociale à la propriété.

Que répondez-vous à ces entreprises qui, de plus en plus, disent que l'écart important en France entre le salaire brut global payé par l'employeur et le salaire net relativement faible, selon les comparaisons européennes, mériterait de remettre en question ces lourdes mécaniques bureaucratiques de prélèvements multiples sur le salaire net des salariés ? Et qu'il serait temps en 2001 de réfléchir ?

M. Louis-Gaston Pelloux : Vous me permettrez, M. le ministre, d'être extrêmement prudent sur la réponse, compte tenu du fait que je n'ai, pour ma part, en tant que mandataire patronal, que la lourde charge de m'occuper de l'UESL. Je vous donnerai un avis très personnel.

Il est clair qu'au bout d'un moment, un certain nombre de mécanismes devraient être autodestructibles, biodégradables en quelque sorte, parce qu'ils ne correspondent plus aux besoins. On les adapte au fur et à mesure, et nous qui sommes sur le terrain pour les adapter, en ce qui concerne le 1%, nous faisons au mieux de ce que nous pouvons faire.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Il me reste à vous remercier, M. le président, M. Berho, M. Goujon. Vous nous avez beaucoup éclairés. En tout cas, vous avez suscité beaucoup de questions et de travail.

4.- Audition de M. Bertrand Meary,
préfet, directeur régional de l'équipement d'Ile-de-France

(Extrait du procès-verbal de la séance du jeudi 19 avril 2001)

Présidence de M. Jean-Pierre Delalande, Président

A l'invitation du Président, M. Bertrand Meary est introduit. Le Président lui rappelle les règles définies par la mission pour la conduite des auditions : pas d'exposé introductif, échange rapide des questions et des réponses.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Nous sommes heureux de vous voir, parce que tout ce que l'on entend prouve qu'il existe, en région Ile-de-France, un problème spécifique. Le logement social marche bien ailleurs, moins mal en tout cas que chez nous. Il y a ici beaucoup de députés de la région Ile-de-France.

Nous aborderons deux problèmes d'entrée : le coût du foncier d'abord, qui renchérit considérablement les opérations. Il est de plus en plus souvent demandé un financement aux collectivités locales. Il leur est toujours demandé la garantie d'emprunt qui, avec la comptabilité M14, est inscrite dans le total des engagements de la commune, ce qui peut poser problème et en étrangler plus d'une.

Deuxième problème : on s'aperçoit de plus en plus, cela a été récurrent au cours des débats, que le financement actuel du logement social au travers des sociétés d'HLM, quelle que soit leur forme, est loin d'atteindre son objectif ; c'est-à-dire loger les gens à faibles revenus, en région Ile-de-France notamment.

Nous sommes donc amenés, maires en nos communes, à imaginer d'autres solutions avec d'autres sociétés pour construire des produits aux normes et de qualité, et avec des loyers beaucoup moins élevés. Compte tenu de l'ampleur des sommes consacrées au logement dit social, nous ne pouvons pas ne pas nous interroger sur leur bonne utilisation et l'adéquation de ces crédits aux demandes du terrain.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur spécial : Je partage, M. Meary, les propos préliminaires du Président. Audition après audition, lorsque l'on se plonge dans les questions relatives au logement social, l'Ile-de-France apparaît comme un secteur géographique particulier. J'y ajouterai une critique : ministre après ministre, gouvernement après gouvernement, on nous explique chaque fois qu'il faut prendre des mesures réglementaires, ou le plus souvent législatives. Ensuite, on nous dit qu'elles ne peuvent pas s'appliquer à la région Ile-de-France.

Je n'ai qu'une seule question pour l'instant : vous êtes directeur régional de l'équipement, vous êtes préfet. Vous avez travaillé dans un département d'Ile-de-France. Vous avez été chef de la MIILOS ; nous avons d'ailleurs auditionné votre successeur. Vous avez donc une connaissance particulière du logement en Ile-de-France.

Où en est la connaissance de la demande en Ile-de-France ? Compte tenu de ce que j'ai dit précédemment, où en est la mise en place du numéro unique départemental d'enregistrement des demandes de logements locatifs sociaux ? On nous dit que l'on a inventé ce système pour l'Ile-de-France. Manifestement, celui-ci ne fonctionne pas et serait inapplicable en Ile-de-France. Pouvez-vous nous donner des informations sur le niveau et la qualité de la demande et sur le devenir du numéro unique d'enregistrement ?

M. Bertrand Meary : Sur la nature de la demande, je ne donnerai pas une information tout à fait nouvelle en disant que cette notion n'est pas totalement précise. Si l'on prend les fichiers de demandeurs accumulés, les chiffres restent relativement élevés, de l'ordre de 300.000 logements sur l'ensemble des fichiers des préfectures.

Le caractère statistique de cet agrégat est probablement assez critiquable. La notion de demande recouvre des situations de détresse dans certains cas ou des situations de volonté de confort et d'agrandissement, dans d'autres. On additionne des choux et des carottes quant à la demande sociale. On peut quand même mesurer l'évolution de la demande dans le temps, moins par les fichiers des demandeurs, que par l'analyse objective des gens qui entrent dans le parc social.

Là aussi, gouvernement après gouvernement, il y a une tendance longue. Le logement social fabriqué par les organismes de logement social, dans les années 1970, accueillait majoritairement des Français dont le niveau de revenus était comparable, sinon légèrement supérieur à la moyenne. Aujourd'hui, il accueille majoritairement des gens dont le revenu est significativement inférieur à la moyenne. On peut considérer cela comme un bien ou un mal. J'ai tendance à croire que les logements subventionnés accueillant des ménages à plus faibles revenus relèvent plutôt de la normalité, même si je suis conscient des risques d'accumulation que cela peut créer localement.

Je réponds à la question technique de M. Dumont sur le numéro unique départemental : quand le Parlement vote des lois, et même si cela pose des problèmes techniques, l'administration essaye de les appliquer.

Nous recevons des instructions en ce sens, aussi bien de M. Besson que de Mme Lienemann. Pourquoi le mécanisme mis en place à l'échelle nationale sur le numéro unique ne correspond-il pas à la façon habituelle de travailler de l'Ile-de-France ? Vous qui êtes élu de province, vous savez qu'en général, celui qui veut un logement en province s'adresse à l'organisme dominant : on va plutôt à l'office qu'à la mairie.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Non, pas toujours.

M. Bertrand Meary : En Ile-de-France, parmi les demandeurs, personne ne sait quels sont les organismes bailleurs. Les demandeurs s'adressent très majoritairement au maire et subsidiairement au préfet. Le mécanisme du numéro unique tel qu'il a été établi change cela : les lieux d'accueil et de délivrance du numéro unique sont les organismes bailleurs, les services de l'Etat et les communes si elles le décident. C'est donc un changement de culture, à tort ou à raison, par rapport à ce qui se fait.

Les préfets d'Ile-de-France sont quelque peu gênés par ce système et essaient d'inciter les maires en Ile-de-France à faire des communes les lieux d'accueil de ce numéro unique.

A cela s'ajoutent quelques fantaisies informatiques qui font que le système GIL, essentiellement pratiqué par les préfectures d'Ile-de-France, n'est pas identique à celui mis en place au niveau national. Je ne peux pas certifier que tout tournera parfaitement au 1er juin, objectif fixé par décret. Cela dit, le Parlement a voté une disposition ; elle sera appliquée.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Cela fait plaisir de voir un directeur régional de l'équipement qui a le sens de l'humour. Notre pratique de la confection de la loi est qu'elle est faite par l'administration, que l'on nous demande de la voter, que l'on essaie de l'amender pour la rendre lisible et compréhensible par le citoyen moyen. On a bien du mal parce que l'on nous explique toujours que ce n'est pas possible et que l'on a tort, que l'on soit dans la majorité ou dans l'opposition.

Le fait que vous expliquiez que vous essayez d'appliquer ce que votre administration a mis en place et nous a demandé de voter, sans rien y toucher au prétexte de simplification est assez cocasse !

M. Bertrand Meary : Je ne suis pas sûr pas que la disposition en question soit d'origine gouvernementale, monsieur le Président.

M. Daniel Feurtet : Nous sommes confrontés à une forte demande et nous avons, pour des raisons multiples, des coûts excessifs de sortie des loyers en logement locatif : un 60 m² coûte entre 3.500 francs et 3.800 francs par mois. Et nous sommes aux loyers plafonds, des variations de quelques mètres carrés n'étant pas sans effet.

Si nous voulons répondre à la demande, il faut effectivement que des montages financiers, prenant notamment en compte le foncier, soient examinés. Comment ? Les communes abandonnent souvent le foncier lors du montage des opérations. Je ne suis même pas sûr qu'au regard du contrôle de la chambre régionale des comptes, nous soyons dans une parfaite légalité. Cela nous est parfois reproché.

Deuxièmement, aujourd'hui, l'essentiel des collectivités locales ayant un parc HLM important a mis en place des garanties d'emprunt supérieures à leurs recettes de fonctionnement. On s'entend souvent dire aujourd'hui dans le cadre du contrôle de légalité exercé par les trésoriers payeurs-généraux, que l'on ne peut plus ou que l'on n'est plus en situation d'assumer la garantie d'emprunt de constructions nouvelles. Nous sommes coincés là aussi ; coincés par les coûts de sortie et le contrôle des garanties.

Et je ne parle pas des normes d'urbanisme : dès lors que vous avez dépassé un certain seuil, il faut des dérogations pour pouvoir continuer à construire. Il y a donc des paradoxes. Comment lever ces paradoxes en faisant en sorte que les communes ne se placent pas dans des situations insolubles sur le plan de leur gestion, de leurs comptes ?

On parle de l'extension des droits des maires en matière de sécurité. Que pensez-vous de l'extension des droits des maires dans les politiques d'attribution ? Ce n'est pas un sujet électoral : les schémas classiques selon lesquels le vote à gauche ou à droite serait déterminé par le type de logement me semblent complètement transcendés. Il reste que nous sommes devant une vraie difficulté. Les maires n'ont quasiment pas de droit d'attribution. Ils ont le devoir d'enregistrer les demandes, le devoir de se faire gronder. Souvent, ils ne connaissent les familles arrivées sur le territoire de la commune qu'au moment de l'inscription des enfants à l'école.

Du point de vue de la politique de la ville, nous sommes complètement démunis. Je ne suis pas contre l'évolution du droit des maires en matière de sécurité, mais dans le domaine simple de ce que l'on appelle le peuplement du territoire, comment faire évoluer le droit d'attribution des maires dans une optique de maîtrise des populations qui viennent sur leur commune ? J'interroge aussi bien le directeur que le préfet.

M. Bertrand Meary : Le préfet vous ferait peut-être une réponse relevant de la « langue de bois ». Mais le citoyen qui a pratiqué les questions de logement pourra peut-être apporter quelques éléments de réponse aux questions de M. Feurtet.

Je commencerai par la fin et les problèmes d'attribution. Actuellement, des équilibres quelque peu compliqués existent entre les capacités d'attribution du maire, du préfet, de l'organisme tout seul, et des réservataires, d'ailleurs vous venez d'entendre les représentants de l'UESL. Je ne crois pas que l'on puisse dire que le maire n'est pas au courant des attributions. Normalement, il a un représentant dans chaque commission d'attribution qui lui rend compte, ou non, des délibérations.

En revanche, il est clair qu'il a normalement 20% des attributions en échange de l'octroi de la garantie par la commune, sauf sur le contingent. Dans un certain nombre de cas, je connais des maires qui négocient un taux supérieur avec les organismes, cela participe des rapports de force. Il existe d'autres possibilités d'attribution : celles des réservataires et celles du préfet.

Puis-je me permettre de dire que je ne suis pas sûr du tout qu'un droit absolu des maires sur l'ensemble des attributions serait une très bonne idée.

M. Daniel Feurtet : Je n'ai pas demandé cela.

M. Bertrand Meary : En vieux praticien, je crois que l'un des problèmes principaux du logement social en Ile-de-France est de chercher à ce qu'il contribue, et surtout à ce qu'il ne dégrade pas une répartition à peu près homogène des diverses catégories sociales sur le territoire. Voilà le problème essentiel de l'Ile-de-France. Cette quête est peut-être difficile, monsieur le Président, mais je crois que l'on doit tendre les efforts dans cette direction.

Vous évoquez des problèmes, notamment d'ordre public. Si la plupart des collectivités bénéficiaient d'une autonomie totale, j'ai peur qu'un certain nombre de catégories de population soient unanimement rejetées. Un des graves problèmes de la répartition des logements sociaux, et des capacités d'attribution en Ile-de-France, vient de ce que les représentants professionnels appellent « le fond de panier », de gens dont personne ne veut. Ces gens existent dans notre société. Nous nous cacherions une partie de la vérité si nous ne l'exprimions pas.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Si mon collègue, M. Feurtet est d'accord, je ne voudrais pas que l'on s'éternise sur cet aspect des choses. Sur l'objectif, je pense que nous sommes tous d'accord. Vous avez raison, il faut le plus de mixité possible. La vérité est que, par un travail de longue haleine, un maire qui s'entend bien avec les services de la préfecture et des bailleurs arrive - cela demande beaucoup de temps et de travail - à réaliser une pondération.

En revanche, je m'adresse au préfet parce que bien souvent nous avons des difficultés de gestion. En effet, ainsi que vous venez de le dire, il nous est imposé dans des tours des gens que nous connaissons et dont nous savons qu'ils feront des ravages. Nous savons pourtant que s'ils sont logés ailleurs (parce qu'il suffit de les changer de logement pour qu'ils changent de comportement), s'ils ne sont plus dans leur quartier d'origine, ils ne poseront pas de problème. Face à certains « forcings » des préfets, nous avons du mal à négocier.

Pour le reste, je donne acte qu'à part cet aspect des choses qui, de temps en temps, est désagréable pour un maire, car c'est à lui d'en gérer les conséquences, de gros progrès ont été faits, me semble-t-il. En tous cas, c'est mon expérience. Sur une vingtaine d'années, je trouve que les choses se sont considérablement améliorées en matière d'affectations.

Si nous sommes à peu près d'accord sur ce constat, nous pouvons avancer, car nous avons encore beaucoup d'autres sujets.

M. Bertrand Meary : Pour continuer dans les réponses à M. Feurtet, le prix du foncier dans les grandes agglomérations, et en général en Ile-de-France, résulte d'un phénomène de marché que nous n'arrêterons probablement pas demain matin. Un mécanisme qui a comporté ses perversités, est fondamental : c'est celui de la surcharge foncière. Cela consiste à dire que, pour un organisme de logement social, la différence entre ce que l'on appelle en jargon « le prix de référence », relevé dans le calcul des loyers, et le prix du marché réel, est supportée en forte majorité par les collectivités publiques et partagée entre l'Etat et les collectivités locales. Nous pouvons toujours discuter de l'opportunité de ce partage, je ne me permettrai pas d'en juger. Ce mécanisme permet normalement, je crois, de réaliser du logement social dans des conditions acceptables pour l'organisme, et par conséquent pour les locataires, à condition qu'il soit géré avec suffisamment de rigueur. Il est arrivé qu'il y ait des insuffisances dans cette rigueur.

Par exemple, dans la période de dépression immobilière des années 1994/1995, j'ai vu équilibrer des projets de zone d'aménagement concerté (ZAC) avec du logement social, parce que l'on faisait des prix fictifs supérieurs au prix réel du marché. Tout mécanisme d'intervention publique entraîne éventuellement ses perversités. Il appartient aux agents publics, élus ou fonctionnaires, de s'en garder.

Concernant le problème des garanties, il est exact que l'ensemble du financement du logement social depuis la guerre est basé sur l'intervention de la Caisse des dépôts et consignations et sur le système de garantie des collectivités locales. Il est tout aussi exact que, dans l'ensemble du système, très généralement, « on » s'est dit que tout cela n'était pas un problème et que la garantie avait un caractère fictif.

Les années 80 ont montré que ce n'était pas forcément exact. On s'oriente là aussi vers des dispositifs pouvant être différents ; soit l'intervention de garanties hypothécaires, soit l'intervention de mécanismes extrinsèques de garantie par la Caisse de garantie du logement social.

Juste avant les élections municipales, le Gouvernement a adopté une disposition concernant le point important du prêt locatif aidé d'insertion (PLA-I), en inscrivant d'office le principe de la garantie par la Caisse de garantie du logement social, et donc en réalisant une semi-budgétisation de ce principe de garantie. Je ne crois pas qu'il soit possible d'aller plus loin sur l'équilibre entre le risque et la participation des collectivités locales, et celle de la mutualisation nationale.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Puis-je revenir sur le deuxième sujet, à savoir le foncier ? Il y a une petite dizaine d'années, j'étais conseiller régional. J'avais suggéré à la région de mener une politique foncière de relais de façon à soulager les communes. Maire d'une ville pauvre, sans taxe professionnelle, avec 8 millions de francs de faculté d'investissement pour 20.000 habitants, comment aurais-je pu m'y prendre ? Avec des recettes fiscales inférieures d'un tiers à la moyenne de la strate, comment faire ?

J'avais donc suggéré à l'époque que la région puisse acheter des terrains, assurer le relais, et ainsi puisse apporter son aide. Vous me direz que cette question est de la compétence du politique. Cependant, votre avis de praticien est intéressant. Vous nous avez parlé du rôle de l'Etat, et le rôle des communes a été évoqué par nos collègues. Ne pensez-vous pas qu'il y ait place pour une politique spécifique de la région ? Comme directeur régional de l'équipement, votre réflexion sur le sujet est attendue.

M. Gilles Carrez : Les 20% restant à la commune, en termes de surcharge foncière, dans une commune comme la mienne, conduisent systématiquement, pour des opérations comprises entre 20 et 40 logements sociaux, à des dépenses communales de l'ordre de 1% des impôts communaux. Autrement dit, pour faire 20 logements sociaux dans la commune, il faut augmenter les impôts de 1%. C'est absolument impossible.

Par conséquent, quand la région ou l'agglomération (si celle-ci est créée) prendra-t-elle sa part de financement de la surcharge foncière ? Actuellement, nous rencontrons un vrai blocage.

M. Bertrand Meary : Tout d'abord, je ne suis pas chargé de représenter le conseil régional. Deuxièmement, on a quand même avancé un tout petit peu. Il n'y a pas de conseiller régional d'Ile-de-France ici...

Nous sommes un peu dans l'actualité, puisque le préfet et le président du conseil régional vont signer dans les prochaines semaines - le conseil régional en a délibéré il y a quinze jours - une certaine implication de la région justement dans ces modes de production de logements.

Ce dispositif comporte deux volets essentiels. Le premier volet est une intervention financée intégralement par la région, soit vis-à-vis des collectivités locales, soit vis-à-vis des organismes de logement social. Elle permettra le stockage à moyen terme de biens fonciers, avec une prise en charge pratiquement totale du montant des intérêts.

Le deuxième volet concerne les sites prioritaires du contrat de plan et du schéma directeur de l'Ile-de-France. Il s'agira d'un mode d'intervention en subvention sur les opérations d'aménagement revenant grosso modo à partager entre le couple Etat-Région d'une part, et la collectivité d'autre part la charge d'aménagement dont parlait M. Carrez. Cela ne s'applique pas à l'ensemble de l'Ile-de-France et notamment pas à la commune du Perreux.

Le Président Jean-Pierre Delalande : C'est le principe d'égalité !

M. Bertrand Meary : L'égalité d'une part et la sélectivité d'autre part sont souvent des éléments un peu compliqués à marier.

Nous pourrions imaginer un dispositif allant plus loin, avec des interventions de la région représentant non pas franchement une région administrative, mais l'autorité d'agglomération. En effet, la caractéristique physique de l'Ile-de-France est qu'elle ressemble plus à une agglomération qu'à une région traditionnelle de province. Cependant, rappelons-nous que le niveau régional n'a pas de pouvoir en matière d'urbanisme. Tout dispositif où la collectivité détenant le pouvoir final de définir le droit des sols, et par conséquent la possibilité de construire ou non, n'aurait pas une part de la responsabilité financière me paraîtrait éventuellement dangereux.

Cela étant dit, quel dosage faut-il retenir... ?

M. Jacques Guyard : Je reste sur le sujet de l'Ile-de-France car nous nous trouvons au c_ur des problèmes, en m'excusant auprès de nos collègues élus d'autres régions. De votre expérience, compte tenu en particulier des coûts du foncier et des constructions également, lesquels sont souvent un peu plus élevés, des mécanismes de prêts à la construction, comment s'équilibre en moyenne en Ile-de-France le financement d'une opération ? Que faut-il comme apport supplémentaire, en pourcentage, de la part des collectivités et du 1% pour arriver à produire des logements dans les conditions normales de fonctionnement ? Je n'arrive pas avoir une évaluation à sujet.

La question est cruciale en Ile-de-France, où il faut détruire plus qu'ailleurs aujourd'hui, parce que l'on refait la ville sur la ville ; on ne part pas sur du terrain nu. Le temps des villes nouvelles est passé.

Deuxièmement, quelle conséquence, à votre sens, les nouveaux équilibres devraient-ils entraîner ? Théoriquement, 20% des logements sont réservés pour la commune en échange de la garantie, 35% pour l'Etat (au bénéfice des mal logés et des fonctionnaires). En principe, il reste 40% pour l'organisme 1%, lequel n'en prend pas la moitié. A l'expérience, en Ile-de-France, chez nous, cette part représente moins du tiers. J'en suis à voir les sociétés anonymes d'HLM utiliser les petites annonces pour placer leurs logements ! Cette situation devient de plus en plus fréquente.

A partir de là, ne faut-il pas remettre à plat le système parce que, en effet, le niveau de direction administrative et politique de ce dossier n'est plus pertinent ? La demande des gens a changé, le niveau de population que l'on fait entrer dans le logement social a changé, mais les financeurs réels ont également beaucoup changé.

Tout comme vous, je crois que les communes exerçant la compétence en matière d'urbanisme doivent participer au financement. En revanche, il n'est pas possible de s'arrêter à la théorie selon laquelle l'Etat administre le logement, alors que la réalité montre que les financements locaux croissent fortement.

M. Bertrand Meary : Vous m'avez demandé le montant de la part de l'apport supplémentaire nécessaire à l'équilibre des opérations. Excusez-moi, mais il n'y a pas de réponses à cette question selon les secteurs de l'Ile-de-France. Je vais malgré tout essayer de vous donner des ordres de grandeur.

Les financements, hors financements classiques du logement social, nécessaires pour réaliser un logement, varient, pour un logement coûtant 600.000 francs, de moins de 100.000 francs en grande couronne à une grosse moitié à Paris intra muros. Quand je dis une grosse moitié, c'est probablement encore plus que cela. Là aussi, on pourrait constater des variations au sein de Paris intra muros.

Vous parlez des SA d'HLM cherchant à placer leurs logements par petites annonces. Cela nous permet de revenir sur le problème de la réservation par les organismes du 1 %. Lorsque l'on a un bien suffisamment peu demandé pour en arriver à faire de la publicité pour trouver un client, il est peu probable de trouver des personnes, même des organismes sociaux comme les comités interprofessionnels du logement, prêts à payer pour avoir le droit de désigner le client. A mon avis, voilà la réalité du marché.

Actuellement, dans certains sites d'Ile-de-France, le droit de désignation d'un logement social ne vaut rien. Nous le voyons bien en matière de logement des fonctionnaires, puisque c'est un sujet sur lequel les préfets interviennent plus directement. A certains endroits, les fonctionnaires ne veulent pas aller dans les lieux qui leur sont réservés. De ce fait, le crédit budgétaire en question est perdu.

Cela dit, j'aurais bêtement tendance à penser que, dans les endroits où la majeure partie des citoyens n'ont pas envie d'habiter un logement social, il n'est pas vraiment utile de construire de nouveaux logements sociaux.

M. Jacques Guyard : Mais comment les détruire ?

M. Bertrand Meary : La démolition/reconstruction, en dehors des problèmes financiers complexes qu'elle pose, est une _uvre difficile. Celle-ci n'a de sens que si elle se situe dans un vrai projet urbain, sinon on fait la politique du sapeur Camembert. Nous devons être tous conscients du fait que la démolition/reconstruction est une chance pour l'Ile-de-France, notamment pour sa première couronne, mais qu'elle sera longue à mettre en _uvre. De toute façon, si elle ne s'inscrit pas dans le cadre d'un projet réfléchi, nous créerons non seulement beaucoup de ranc_ur, mais nous perdrons aussi beaucoup d'argent public.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Vous nous faites l'amitié de penser que, généralement, il s'agit de projets réfléchis. Nous ne nous lançons pas comme ça dans ce genre d'opérations.

M. Bertrand Meary : Il m'est arrivé de voir des projets insuffisamment réfléchis.

Le Président Jean-Pierre Delalande : A ce moment-là, vous avez eu raison de faire poursuivre la réflexion. Cependant, les maires font attention et sont responsables. Je n'en connais pas d'irresponsables, même si certains projets ne sont peut-être pas assez travaillés, cela peut arriver.

M. Gilles Carrez : Ma question peut ne pas concerner uniquement l'Ile-de-France. Elle est liée aux procédures d'urbanisme opérationnel, je veux parler des zones d'aménagement concerté (ZAC) en particulier. Il semble qu'une part non négligeable de logements sociaux est réalisée en ZAC. Je n'ai pas le chiffre pour l'Ile-de-France, M. Meary le connaît peut-être, mais j'avancerai le chiffre d'un cinquième.

M. Bertrand Meary : C'est plus que cela sur l'Ile-de-France, me semble-t-il.

M. Gilles Carrez : D'accord, ce n'est donc pas négligeable. Or, une loi récente, dite SRU (Solidarité et renouvellement urbains), a profondément modifié les procédures sous prétexte de les simplifier. Je me doutais bien qu'il ne s'agissait pas d'une simplification mais plutôt d'une complexification. Je voudrais donc interroger M. Meary sur le point suivant : nous avons besoin de réviser le plan d'aménagement de zone (PAZ) d'une zone d'aménagement concerté (ZAC). La question se pose de savoir si cela se passe dans le cadre du droit ancien ou du droit nouveau.

Si cela se fait sous l'empire de la loi SRU, comme cela semblerait être le cas depuis le 1er avril 2001, nous passons de la notion de PAZ à la notion de plan local d'urbanisme (PLU) partiel. Il semblerait que si la commune n'est pas couverte en totalité par son plan d'occupation des sols (POS), la révision du PAZ appelé PLU partiel entraînerait la nécessité de réviser le POS devenu PLU !

J'ai posé évidemment la question au ministre qui ne sait pas et à son cabinet, lequel ne sait pas non plus. L'Assemblée a voté le texte. Pour ma part, je ne l'ai pas voté, car je sentais une grande source de complexité.

Là où les choses deviennent graves, c'est que pour avoir réponse à cette question, on m'a renvoyé à un M. X, sous-chef de bureau au ministère de l'équipement, et que je connais bien depuis plusieurs décennies. Il est le seul à savoir sous quel empire juridique, le régime ancien ou la loi SRU, nous allons aborder ces procédures.

Il semblerait que si l'interprétation selon laquelle le nouveau régime juridique doit s'appliquer prévaut, l'ensemble des ZAC de la ville de Paris pour lesquelles il faudrait réviser les PAZ serait bloqué, parce que Paris ne serait pas couvert en totalité par le POS.

Nous sommes en pleine interrogation. J'ai ce problème concret dans ma commune. Par sécurité, j'ai consulté un établissement d'aménagement de l'Etat parfaitement honorable, très connu, constitué d'experts qui n'ont pas non plus la réponse. Par conséquent, je crains que nous bloquions la construction de logements sociaux à cause de stupides problèmes de soi-disant simplification de l'urbanisme opérationnel.

M. Meary est l'une des personnes les mieux placées pour répondre à mes interrogations. D'ailleurs, je reprendrai l'une de ses observations : aujourd'hui, si nous utilisons la procédure ZAC, c'est aussi pour rendre le foncier moins cher. En 1993/1994, je reconnais que quelques errements ont eu lieu. Nous avons utilisé les logements sociaux et les possibilités de financement en surcharge pour rééquilibrer les bilans de ZAC. Je crois que nous sommes sortis de cette période. Il serait donc dommage que toutes nos ZAC soient bloquées par la loi SRU et que, de ce fait, l'on ne puisse pas relancer la construction de logements sociaux.

Je voudrais donc avoir l'avis de M. Meary sur ce point précis.

Le Président Jean-Pierre Delalande : C'était sans doute un bon exemple de loi faite par les parlementaires (sourires).

M. Pierre Mehaignerie : Nous connaissons le même problème : nous sommes dans une zone à forte demande de terrains pour le développement économique et pour le logement. Beaucoup de collectivités n'ont plus de terrains. Elles voudraient construire des logements pour répondre à la forte demande. Cependant, il leur est répondu qu'avec la nouvelle loi SRU, elles sont obligées de réviser préalablement le schéma directeur (SDAU). Il faudra donc deux ans à deux ans et demi avant de libérer des terrains. N'y a-t-il pas une solution intermédiaire pour éviter la montée des prix ?

M. Gilles Carrez : D'autant qu'il ne s'agit plus du SDAU, mais maintenant de SCOT (schéma de cohérence territoriale) et que la procédure est complètement différente.

M. Bertrand Meary : Tout texte portant des fondements du droit en matière d'urbanisme essaie de trouver un équilibre entre l'objectif de recherche d'une réflexion globale, au niveau de la commune, et à plus forte raison de l'agglomération, et celui, sinon de la simplicité, du moins d'une pas trop grande complexité.

Lorsque l'on a créé la notion de ZAC dans la loi d'orientation foncière de 1967, on a effectivement, et volontairement à l'époque, privilégié une certaine simplicité par rapport à la réflexion. La loi SRU va peut-être un peu en sens inverse en la matière.

Le Président Jean-Pierre Delalande : C'est un hommage à la réflexion, cela fait plaisir.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur spécial : J'ai une petite observation sur la loi SRU. N'oublions pas que certains parlementaires, y compris de la majorité, avaient fait valoir quelques arguments contraires aux propositions votées. On parle toujours de simplifications et l'on s'aperçoit, ensuite, qu'elles sont impossibles à appliquer ; une fois de plus, on a complexifié, voire surenchéri.

Cela fait 30 à 40 ans que l'on parle du foncier en Ile-de-France. Il y a eu près de 55 rapports, le mien étant le 50ème. Je suis un provincial. A une époque, au Conseil économique et social, j'ai fait un rapport sur le foncier, celui-ci est tombé aux oubliettes comme tous les autres.

Néanmoins, c'était l'époque où les ZAC étaient en panne. On aurait pu prendre des mesures plus draconiennes sur l'utilisation de ces espaces libérés ou qui n'étaient pas en capacité d'être utilisés pour les projets initiaux, généralement de développement économique. Ces espaces étaient en panne de financements. Il y avait là une opportunité.

Tant que l'on considérera le foncier comme un domaine éminemment spéculatif, on ne pourra l'utiliser au bénéfice du logement social. Or, ce sont quand même bien les élus, les collectivités locales, qui votent les POS et qui font varier le prix du foncier : dans ma province profonde, il s'agit soit de terre labourable, soit de terrains constructibles. Et dans ce dernier cas, qui fait les voies et réseaux divers (VRD) ? A partir de ce moment, nous savons qui gagnera de l'argent.

Sur l'Ile-de-France, on nous fait voter tous les six mois des lois pour améliorer la situation mais cela ne fait qu'empirer. 300.000 logements sont à construire, aussi bien pour les plus démunis, certes, que pour des cadres moyens ou des fonctionnaires que l'on fait souvent monter à Paris pour les loger dans la plus lointaine des banlieues. Nous avons tous dans nos arrondissements, nos circonscriptions, nos villes, des cas de jeunes qui n'arrivent pas à se loger. Par exemple, à l'équipement, aux douanes, à la police ; surtout dans la police, tous les jeunes passant des concours arrivent en Ile-de-France. Ensuite, on nous demande d'intervenir. Si vous avez l'étiquette HLM, imaginez ce que cela peut donner !

Manifestement, en Ile-de-France, quelque chose est à faire. Comme dans d'autres régions d'ailleurs. N'y a-t-il pas motif à décentraliser, à déconcentrer un certain nombre de décisions ? Tous nos collègues parlementaires dans cette mission ont, à un moment ou à un autre, émis cette hypothèse. A un moment donné, il faudra que le Parlement impose - on peut rêver - sa vision de la situation. Manifestement, nous n'avons plus à gérer le logement comme au temps de la pénurie.

S'agissant de la démolition/reconstruction, excusez-moi, M. Meary, mais, comme provincial, j'ai ressenti dans vos propos, une vision centralisatrice. A savoir que même si un ministre a pu prendre la décision de dire que toute opération de démolition/construction de moins de 100 logements sera de l'autorité, de la responsabilité du préfet du département, aujourd'hui, ces opérations sont recentralisées. Je pense qu'il y a aussi des gens compétents dans les directions de l'équipement départementales, voire régionales, hors Ile-de-France. Il existe des préfets responsables ici ou là. Nous avons le sentiment qu'au lieu d'aller vers plus d'efficacité, nous allons vers de nouvelles contraintes.

Je voudrais aussi revenir au financement. Chaque année nous votons des crédits, en particulier dans le cadre de la fongibilité des crédits, réservés aux opérations PALULOS. N'avez-vous pas la même impression que moi, à savoir qu'en Ile-de-France, et dans certaines régions, les crédits PALULOS servent à remettre en état des bâtiments réservés au logement social ? Cela relance les amortissements pour 10 ou 15 ans. D'ailleurs, on arrive souvent avec des financements croisés, y compris avec l'intervention des collectivités locales, à ne pas surenchérir le loyer, parce que l'on tient compte aussi de la solvabilisation amenée par l'aide personnalisée au logement. Cependant, on conserve un type de logement qui, en tout état de cause, reste inadapté, alors qu'une démolition/reconstruction serait certainement plus efficace quant à la réponse aux vrais besoins du logement d'aujourd'hui.

N'y a-t-il pas une contradiction entre PALULOS et reconstruction/démolition ?

M. Bertrand Meary : Sur la question des équilibres concentra-tion/déconcentration, administration centrale/administration territoriale, je me sens d'une grande tranquillité, n'ayant pas mis les pieds dans une administration centrale depuis la fin de 1970. Je pense qu'il peut y avoir dans les services locaux de l'Etat, qu'il s'agisse de ceux des préfets ou des services de l'équipement, des gens essayant de tenir leur métier à c_ur.

Concernant la PALULOS, je crois que ce financement a été mis à toutes les sauces aux deux bouts de la chaîne. Cela veut dire qu'avec la PALULOS, on a peut-être financé des choses relevant des finances normales de l'organisme et justifiant les provisions pour grosses réparations dont vous avez sûrement parlé avec Christian Nicol la semaine dernière. La question du maintien d'un immeuble et de son évolution doit aussi être arbitrée au regard de son intérêt pour les finances publiques.

Je disais avoir connu des projets où la démolition me paraissait être plus un acte sacrificatoire que le produit d'une réflexion d'urbanisme. J'ai aussi connu des cas où l'acharnement thérapeutique sur un immeuble n'a pas de sens du point de vue des finances publiques. Lorsque l'on arrive à plusieurs centaines de milliers de francs de travaux par logement sur un immeuble existant, et quel que soit le mode de financement, car il s'agit toujours de l'argent public ou de l'argent social, on est sûrement dans l'erreur.

Je pense que M. Besson, et Mme Lienemann maintenant, sont conscients qu'il est souhaitable de recentrer la PALULOS sur l'amélioration de logements. Il en reste encore qui n'ont pas été conçus avec les normes d'aujourd'hui.

Il convient donc de se concentrer plutôt sur des logements antérieurs à la réforme de 1977 que sur l'utilisation permanente de ce produit. Lorsque, dans un programme, on fait la deuxième ou troisième PALULOS, cela veut dire que vraisemblablement, à un moment quelconque, on n'a pas bien géré le problème. Lorsque je dis « on », je parle aussi bien de l'administration, de l'organisme, ou éventuellement des responsables locaux.

La démolition, comme vous l'avez rappelé, est gérée au niveau local pour les petits programmes. Les financements sont d'une assez grande complexité, il faut bien le reconnaître. Je ne portais pas un jugement de valeur quand j'ai fait part du besoin de réflexion en la matière. Lorsque l'on sent confusément à un endroit que le besoin social est de démolir, le problème complexe se pose du point de vue de l'évolution de la ville, et non sur le seul terrain de la pure architecture et de la construction d'un immeuble.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Pour conclure, j'ai connu dans les quartiers nord de Marseille des opérations où le coût de la réhabilitation était supérieur au coût d'une construction neuve. Les élus du quartier justifiaient une telle situation par son intérêt social ; c'est-à-dire l'enracinement des jeunes du quartier qui ne voulaient pas quitter ce qui constituait le cadre de leur jeunesse.

Je ne disconviens pas que ce facteur doit être pris en compte, car il a des répercussions sur l'ensemble de l'environnement. Donc, je n'imagine pas que la démolition/reconstruction soit une panacée. Cependant, elle doit être un outil parmi d'autres dans un certain nombre de situations où elle est plus logique. Et même le problème d'enracinement des jeunes de ces quartiers peut faire l'objet d'un travail d'explication.

5.- Audition de M. Paul-Louis Marty, délégué général
de l'Union nationale des fédérations d'organismes
d'habitations à loyer modéré

(Extrait du procès-verbal de la séance du jeudi 19 avril 2001)

Présidence de M. Jean-Pierre Delalande, Président

A l'invitation du Président, M. Paul-Louis Marty est introduit. Le Président lui rappelle les règles définies par la mission pour la conduite des auditions : pas d'exposé introductif, échange rapide des questions et des réponses.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur spécial : Manifestement, les auditions réalisées depuis le début de cette mission d'évaluation permettent plusieurs constatations. D'une part le logement locatif social est en panne. Il y a une demande que l'on ne cerne peut-être pas facilement, et des besoins, auxquels on n'apporte pas toujours les réponses adéquates. Nous avons souligné cette inadéquation non seulement des interventions, mais aussi souvent des logements eux-mêmes.

Dans ce panorama, l'Union des HLM ou plutôt l'ensemble des organismes HLM apparaissent, ici ou là, comme des acteurs, des opérateurs importants, certes, mais dont l'action suscite manifestement beaucoup d'interrogations.

Je souhaiterai vous poser ma première question, Monsieur Marty, vous qui êtes délégué général de l'Union nationale des fédérations d'organismes HLM, qui avez aussi été un acteur, un opérateur en Ile-de-France et nommé à d'éminentes assemblées comme le conseil économique et social régional d'Ile-de-France. A ce titre, vous avez joué un rôle dans la réflexion, les avis, les orientations, qui ont pu être donnés par différentes instances. Vous pouvez nous apporter l'analyse de l'Union des HLM et de ses services sur le territoire national.

On pourrait aussi, pour faire plaisir aux responsables de certaines de vos structures, parler de l'efficacité des financements publics du logement locatif social dans les DOM-TOM. Je réserve peut-être cela à un entretien particulier avec le président de la fédération des sociétés anonymes (SA), qui en a fait un dossier personnel, des représentants des DOM-TOM devant participer bientôt au congrès de l'Union des HLM.

Je tiens à souligner que le financement public du logement social s'applique non seulement à l'espace métropolitain, mais s'exerce aussi sur des territoires plus lointains. Il ne serait pas inutile d'ailleurs de regarder son efficacité entre deux typhons ou trois ouragans.

Ma première question porte sur la demande et sur le devenir du numéro unique départemental d'enregistrement des demandes de logements locatifs sociaux. Nous avons eu l'occasion de dire à M. Meary notre impression que ce numéro unique avait été instauré pour tenter de mieux cerner la demande en Ile-de-France. On nous explique aujourd'hui que le système retenu est inapplicable en Ile-de-France. Quelle est l'analyse de l'Union des HLM, partenaire de la mise en place du numéro unique ?

La question du financement est essentielle. Comment équilibrer un programme de logements locatifs sociaux ? Quels sont, en la matière, les rôles du 1% logement et des collectivités locales ? Il peut s'agir d'une région ici ou d'un département là-bas, mais ce sont le plus souvent des communes. Comment rendre le programme compatible avec la faculté contributive des ménages ? Avez-vous une idée des écarts de financement des PLA et des PLUS entre les diverses régions ? Le coût de construction au mètre carré est-il au contraire partout à peu près identique, globalement, pour un F3 par exemple ? Des écarts plus ou moins importants, voire très importants, ne sont-ils pas simplement le fait du foncier ?

Nous avons souvent entendu évoquer au cours des auditions, et je ne sais pas si je dois dire « mettre en cause », en tous cas constater, en particulier dans les grandes agglomérations et dans les banlieues, le nombre très élevé de bailleurs sociaux. A une époque, ils avaient certainement amené une capacité, un dynamisme dans la construction d'urgence, permettant de répondre aux besoins. Cependant, aujourd'hui, un nouveau paysage se met en place, beaucoup plus tourné vers la gestion du parc, l'évolution du patrimoine, que vers la construction intense, rapide sous la pression de la demande.

N'avez-vous pas l'impression que la pluralité des bailleurs face à un maire, à un président de communauté de communes, à un syndicat intercommunal, ne devient pas un handicap ? Si cela devait être le cas, qu'entend faire votre mouvement pour que les élus locaux, voire régionaux, aient en face d'eux un interlocuteur ou une famille d'organismes pouvant parler, ici ou là, d'une seule voix ?

M. Paul-Louis Marty : Monsieur le Rapporteur, vous posez de nombreuses questions. Les réponses seront donc quelquefois un peu complexes. J'essaierai de les sérier en vous indiquant, Monsieur le Président, que nous tenons à la disposition de la mission une note de synthèse et des annexes sur notre analyse de la situation.

Il y a plusieurs questions. L'une d'elle touche à l'évolution de la demande des logements sociaux et aux réponses que les HLM peuvent faire à cette demande. Une question, liée à la demande, porte sur la gestion des attributions de logements à travers la mise en _uvre du volet logement de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998, c'est-à-dire le numéro unique, qui ne représente d'ailleurs qu'un aspect de ce volet.

Ensuite, des questions ont trait au problème de financement du logement social. Et enfin, une autre traite du tissu des bailleurs sociaux et de sa grande complexité. Je connais des maires qui ont été ou qui sont confrontés à cette situation.

Pour ce qui est de l'évolution de la demande, je voudrais d'abord dire que les situations sont très diverses. Parler de la demande de logement social au niveau national n'a pas grand sens, à mon avis. En effet, la situation de la demande en région Ile-de-France, dans les grandes agglomérations lyonnaise, marseillaise, du Nord Pas-de-Calais, dans les villes moyennes ou en milieu rural, est extrêmement contrastée et différenciée, tant au plan qualitatif que quantitatif.

En effet, les marchés du logement social, si je puis prendre cette image, ont profondément évolué. Depuis une décennie, la demande de logements sociaux, y compris dans son segment le plus social, réclame la qualité non pas seulement du logement, mais d'abord une qualité de sa localisation.

Dans le segment le plus social, même extrêmement social de la région Ile-de-France, les gens veulent être près de leur lieu de travail, des points de communication. Ils considèrent que la première qualité du logement est son emplacement. Cela est d'une très grande importance sur notre production, à savoir que les organismes d'HLM ont été obligés de revoir complètement la manière dont ils ont programmé et prévu leur production.

A une époque, je prends l'exemple de la région Ile-de-France, le fait de construire en ville nouvelle était une solution qui s'imposait et qui était facile. Actuellement, la demande en ville nouvelle présente des caractéristiques totalement différentes d'il y a 10 ou 15 ans. On recherche beaucoup plus à créer une offre nouvelle dans les hypercentres ou dans la première couronne, ce qui modifie l'approche foncière.

Un autre point me semble important. L'image de marque du logement social fait qu'à l'heure actuelle, celui-ci est difficilement accepté par les populations et souvent par les élus locaux, lesquels traduisent sur ce point l'opinion de ces populations. En tant que délégué général de l'Union des HLM, je ne peux que regretter cette situation, mais en même temps, il convient de l'analyser de manière objective.

Evidemment, des images du logement social, les tours et les barres, ne correspondent plus du tout à ce que nous faisons aujourd'hui. La taille des programmes HLM est de 20 à 25 logements en moyenne. La production n'a plus rien à voir avec ce qu'elle était il y a 20 ou 30 ans. Pourtant, le logement HLM est toujours associé à cette image, et de ce point de vue, rejeté par la population.

Au-delà de cette image physique, l'occupation du parc est de plus en plus sociale. Le fait de penser le contraire à cause des problèmes de logement des plus démunis serait un énorme contresens. Dans les documents que nous vous remettrons, vous pourrez trouver des annexes illustrant bien ce constat, à la fois en termes de flux et de stocks. Il y a une paupérisation considérable de la population logée et entrante.

Cette paupérisation est vue, je ne constate que des faits, de plus en plus par les populations comme une difficulté potentielle et une « dangerosité » du logement social par rapport à la vie collective et à la vie sociale dans les communes ou dans les quartiers. Ce problème d'image est un frein très important à la production de logements sociaux.

D'autres facteurs expliquent l'écart entre une demande toujours forte là où la pression est encore importante, et la capacité des organismes d'HLM à y répondre par des constructions. Ces éléments tiennent à des considérations plus financières ou techniques que je voudrais rappeler.

Il faut savoir qu'à l'heure actuelle, le fait de construire du logement neuf locatif, par prêt locatif à usage social (PLUS) ou prêt locatif aidé d'insertion (PLA-I), nécessite des apports de fonds gratuits, au-delà des financements de l'Etat, très importants.

Selon nos évaluations, qui constituent des ordres de grandeur et non une valeur absolue, nous pensons qu'il faut investir, pour construire des logements PLUS, à peu près 80.000 à 100.000 francs, en fonds gratuits supplémentaires. Bien sûr, ces montants sont plus élevés dans les zones à marché tendu que dans celles où le marché est peu tendu.

Pour une production de l'ordre de 50.000 logements par an qu'il serait souhaitable et raisonnable d'atteindre, il y a nécessité de trouver un financement gratuit de l'ordre de cinq milliards de francs, à comparer aux aides budgétaires pour subventionner le PLUS, qui sont de l'ordre de trois milliards de francs.

D'autre part, un certain nombre d'aides constituaient des éléments très importants d'amélioration des plans de financement, notamment sur les marchés tendus, je pense particulièrement aux apports du 1% logement, mais elles sont de plus en plus rares. Il est évident que l'absorption d'un certain nombre de ressources du 1%, pour le financement du prêt à taux zéro (PTZ), a retardé de façon très importante la mise en _uvre des fonds collectés dans le cadre du 1% logement pour le logement locatif social.

Il y a d'ailleurs d'autres causes. Certaines plus complexes sont à signaler : ainsi, à l'heure actuelle, la demande des salariés, traduite par les organismes collecteurs, ne porte plus forcément sur le logement social ou très social. Elle porte davantage sur des logements intermédiaires. Nous rencontrons un problème d'adéquation entre la demande des salariés et l'offre de logement social, laquelle est importante.

Par ailleurs, dans la mesure où le logement social est parfois difficilement accepté par certaines collectivités locales, leurs aides sont peut-être plus difficiles à mobiliser alors qu'elles jouent un rôle très important dans l'équilibre des opérations.

Il me semble qu'une autre cause de difficulté tient au montage des dossiers, du fait de l'exigence de conditions très complexes d'occupation. Le PLUS a été un progrès du point de vue de la mixité. Cependant, il est associé à des conditions d'occupation, par catégories de familles, qu'il est possible de gérer à l'entrée dans les lieux, mais non dans la durée. Cette difficulté a quelque peu bloqué les organismes HLM et les élus locaux. A mon avis, des solutions peuvent être facilement apportées dans la programmation et les conditions réglementaires de conception du logement social.

Un indicateur est intéressant du point de vue de la difficulté de montage des opérations. Pour l'année 2000, la production de PLA d'insertion (PLA-I) a crû de manière très significative. Cela veut dire que lorsqu'un produit est bien financé (et là, il s'agit des logements les plus sociaux), il arrive à trouver un développement. Cela montre qu'a contrario, le PLUS est aujourd'hui mal financé. Et ceci, même si le plan de relance annoncé par M. Besson il y a un mois et demi présente des caractéristiques d'amélioration réelle.

Il existe un autre élément à prendre en compte, même s'il est moins important dans les zones à marché tendu. Le marché du logement locatif social est un marché d'offre. A l'heure actuelle, lorsque l'on construit du logement locatif social, sauf à faire de très grosses bêtises, on parvient à occuper les logements. Mais on les remplit quelquefois au détriment du logement locatif ancien rejeté par des populations. Il y a donc une concurrence entre le logement locatif ancien obsolète et le neuf.

Cette constatation pose la question de la démolition, de la reconstruction et de la recomposition urbaine, en termes patrimoniaux, mais aussi en termes urbains et territoriaux. Manifestement, un besoin de redistribution du patrimoine social existe à la fois en termes de renouvellement de l'offre, de renouvellement urbain, mais aussi de meilleure répartition sur le territoire des logements sociaux. A mon avis, ce dernier problème ne se réglera pas à court terme mais à moyen ou long terme et il représente un vrai enjeu de société. En effet, des territoires possèdent trop de logements sociaux et d'autres pas assez.

Voilà ce que je voulais vous dire sur l'analyse qualitative de la demande en vous renvoyant aux documents que je vous ai remis et qui traitent de ces problèmes de manière plus détaillée et chiffrée.

Nous avons peut-être tendance à attacher plus d'importance qu'il n'en a au numéro unique départemental d'enregistrement des demandes de logements locatifs sociaux. Le numéro unique permet - c'est tout à fait important - de pouvoir identifier un demandeur et de le suivre, de savoir que telle ou telle famille attend depuis telle date un logement social, et d'identifier les familles ou les ménages rencontrant une difficulté d'accès au logement social.

En revanche, il est à craindre que les demandeurs soient un peu déçus, car ils seront contents d'avoir un numéro mais ils ne seront pas certains d'avoir un logement.

Par ailleurs, le problème de la région Ile-de-France est tout à fait particulier, car le numéro unique n'a de sens que s'il est rattaché à un bassin d'habitat, et celui de l'Ile-de-France correspond à la première couronne. Actuellement, il n'existe pas d'autorité politique à même de prendre en charge la gestion de l'attribution des logements en Ile-de-France à l'échelon pertinent. Quelles que soient les mesures prises, administratives ou d'organisation, le problème de l'attribution des logements en région Ile-de-France sera toujours très difficile à résoudre. Ce problème revêt un caractère politique que les élus de la région Ile-de-France connaissent bien.

Nous, HLM, faisons un gros effort pour faire fonctionner ce numéro unique, particulièrement en Ile-de-France. Je regrette simplement que le décret d'application permette à des communes de s'exonérer de son enregistrement. Je le dis devant des élus qui comprendront sans doute mon état d'esprit. Qu'une commune, quelle que soit sa taille, puisse accueillir mais ne pas enregistrer les demandes de logement, personnellement, me pose problème.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Même si un texte offre cette possibilité, on peut douter qu'une commune sérieuse puisse s'en exonérer. De toutes façons, les gens viennent à la mairie.

M. Paul-Louis Marty : La commune peut accueillir la demande, mais elle n'est pas obligée d'adhérer au système du numéro unique. Elle n'a pas d'obligation de communiquer le numéro d'enregistrement unique.

Je ne suis pas du tout sûr que dans des régions à marché tendu, cela ne puisse pas conduire à quelques aberrations.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Pensez-vous que des communes agissent comme vous le dites ? Avez-vous des statistiques là-dessus ?

M. Paul-Louis Marty : Dans un département que je connais bien, une mairie de 80.000 habitants demandait à ses habitants d'être nés dans la commune pour pouvoir s'inscrire. Cela introduisait un léger biais !

De notre point de vue d'organismes assujettis au numéro unique, je pense qu'une harmonisation complète eût été préférable. Je n'ai pas compris pourquoi le décret d'application n'a pas tout à fait suivi la loi de ce point de vue. Apparemment, le Conseil d'Etat n'a pas relevé ce fait. Je me permets de préciser ce point car je pense que la plupart des maires en seraient d'accord, me semble-t-il.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Nous allons voir cela.

M. Paul-Louis Marty : Je pense qu'il y a eu là une espèce de mise en place biaisée du numéro unique que je n'ai pas très bien comprise.

Cette mise en place, fondamentalement, apportera un plus car elle permettra d'identifier l'ordre des demandes de logement. Cependant un élément n'a pas suffisamment été perçu par la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions. En effet, les problèmes de file d'attente et d'attribution de logement ne sont pas dus à une mauvaise gestion des demandes. Il existe en fait à la fois des endroits avec des insuffisances d'offre par rapport à une demande très forte, et aussi, des catégories de population, pour des raisons sur lesquelles nous pourrions débattre fort longtemps, qui rencontrent une très grande difficulté à accéder à certains lieux.

Je citerai des exemples objectifs. Aujourd'hui, en région parisienne, qui compte un tiers du parc HLM, il existe sur Paris une très forte demande de logements de la part de familles immigrées. Evidemment, Paris ne peut pas répondre à toutes ces demandes qui sont reportées sur la première couronne : un problème de gestion se pose qui n'est pas administratif.

Politiquement, ces questions sont extrêmement difficiles à traiter et à résoudre en responsabilité, ce que le numéro unique ne peut faire. Il aura peut-être l'avantage d'aider à analyser ce genre de difficulté, d'expliquer pourquoi une famille arrive ou non à accéder au logement social.

Je me permets de parler librement : je crois que ces questions mériteraient un traitement de fond.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Je vois M. Carrez qui s'indigne. Effectivement, en banlieue, nous avons le sentiment que Paris exporte ses problèmes et nous les fait gérer.

Je suis élu du Val-d'Oise. A 9 kilomètres de Paris, ma commune est considérée comme appartenant à la grande couronne. En réalité, elle appartient à la petite couronne mais les textes ne sont pas les mêmes. Lorsque j'explique que nous sommes confrontés à des problèmes de la petite couronne, bien que ma commune soit située dans un département de la grande couronne, je n'arrive pas à me faire comprendre. Je pense, en effet, que cette question est à retravailler.

Vous évoquiez la concurrence entre les logements sociaux locatifs neufs et les anciens. Les logements anciens ne doivent-ils pas faire l'objet d'un amortissement en comptabilité ?

M. Paul-Louis Marty : Oui, bien entendu. Le patrimoine ancien est un logement amorti à la fois financièrement et techniquement.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Dans ce cas, son remplacement a dû être provisionné.

M. Paul-Louis Marty : La question est très bonne et elle mérite une réponse circonstanciée. De tous temps, la production de logements neufs sociaux est financée par le biais de ce que l'on appelle la péréquation. Lorsque je vous disais tout à l'heure qu'il fallait à peu près 100.000 francs de fonds gratuits pour construire un logement PLUS, il est évident que ce sont les logements anciens qui payent l'équilibre des logements neufs.

Je dirai peut-être (ce n'est pas très correct) que les logements les plus sociaux, aux loyers les plus faibles, sont les plus rentables, il ne faut pas l'oublier. Si le secteur du logement social est solide, s'il est passé au travers de modifications profondes de l'environnement économique et financier sans accident extraordinaire, c'est parce que le stock ancien a été un moyen d'équilibrer nos comptes, de manière importante.

Le remplacement d'une partie de ce stock serait susceptible de détériorer fortement et rapidement notre équilibre financier. Les comptes agrégés des HLM représentent une capacité d'autofinancement de cinq à six milliards de francs par an. Nous pensons que le coût capitalisé d'une démolition est de l'ordre de 150.000 à 200.000 francs, et cela, en tenant compte non seulement des coûts techniques, mais aussi du manque à gagner capitalisé de la péréquation.

La démolition de 20.000 logements par an dans le patrimoine HLM (à l'heure actuelle, on en démolit 5.000 à 6.000 à peu près) devrait coûter 4 milliards de francs, en termes d'amputation de la capacité de péréquation. Je vous demande de bien vouloir considérer ces chiffres comme des ordres de grandeur et non pas comme des vérités financières absolues. Cela veut dire qu'une telle augmentation des démolitions « plomberait » complètement la capacité d'autofinancement du secteur HLM. Les effets seraient inégaux car les organismes en bonne santé absorberaient assez facilement ce coût ; d'autres en moins bonne santé ne l'absorberaient pas du tout.

Le Président Jean-Pierre Delalande : J'en profite pour rappeler que je suis un vieux combattant de la lutte contre la péréquation. Nous la rencontrons, ici, entre logements anciens et neufs, mais également en matière de retraites par la compensation et la surcompensation. C'est source d'injustice et d'iniquité. Ce sont toujours des visions à court terme, que l'on croit astucieuses, qui hypothèquent l'avenir et les solutions sur le long terme.

Si nous pouvions déjà, dans notre Commission des finances, a fortiori à la Mission d'évaluation et de contrôle, nous dire que nous traquerons les péréquations qui sont toujours de fausses bonnes solutions, je suis convaincu que nous aurions fait un progrès déontologique important.

Je le répète car je suis vraiment isolé sur ces questions.

M. Paul-Louis Marty : Je n'ai pas à commenter cette position. Je me permets simplement d'attirer votre attention sur le fait que tout le système HLM fonctionne depuis un siècle sur ce principe. Pour faire simple, de manière un peu outrancière, si l'on ne voulait pas de péréquation, les budgets de l'Etat ou des collectivités locales ou d'autres financeurs, devraient abonder de manière beaucoup plus importante le financement du logement social.

En effet, le logement HLM constitue un système de solidarité. Une partie est assumée au niveau national ou par l'intervention des collectivités locales. Cependant, une grande partie de cette solidarité rassemble les locataires des HLM.

Aujourd'hui, vous avez un système reposant sur plusieurs niveaux de solidarité concourant au même objet : les solidarités nationales, celles des collectivités locales (régions, départements, communes) qui aident les organismes HLM, celles des salariés par le 1% logement ; et la solidarité entre locataires HLM par laquelle les anciens locataires payent pour les nouveaux.

Pour dire une chose incongrue, je me rappelle de maires du Val-de-Marne se plaignant que les logements très sociaux que j'avais en stock permettaient de payer les logements sociaux neufs que je construisais, au Perreux-sur-Marne par exemple.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Ce n'est pas loyal.

M. Paul-Louis Marty : Je connais suffisamment M. Carrez pour le dire.

M. Gilles Carrez : Cela prouve que l'on construit des logements sociaux au Perreux-sur-Marne !

M. Paul-Louis Marty : J'ai pris l'exemple du Perreux-sur-Marne pour détendre l'atmosphère. Cependant, je connais une commune dans laquelle je logeais 60% de la population. Les logements étaient amortis. Le maire de cette commune me disait toujours que sa commune payait pour toutes celles construisant des logements sociaux neufs. Objectivement, c'était vrai.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Comment faisait-il pour assurer le renouvellement du parc existant ?

M. Paul-Louis Marty : En l'occurrence, cette commune était assez riche. Effectivement, un drame se produit quand la commune est pauvre.

M. Gilles Carrez : Dans nos communes de la proche couronne qui, semble-t-il, sont très attractives aujourd'hui, nous nous rendons compte qu'il est de plus en plus difficile de construire des logements sociaux locatifs neufs. En revanche, le patrimoine bâti n'est pas suffisamment utilisé. Au recensement de 1999, nous venons de constater à nouveau une proportion très importante de logements vacants, vétustes, mal équipés.

D'un point de vue politique, avec des habitants ayant gardé une image un peu négative du logement social, le recours à des procédures de réhabilitation/conventionnement qui débouchent à la fois sur des loyers de niveau HLM mais aussi, je crois, sur des loyers plus élevés (on rejoint la notion de loyers intermédiaires) constituerait un gisement à exploiter, pas très coûteux à première vue, qui me paraît très intéressant.

On ne s'en donne pas les moyens car des démarches parfois très délicates relevant plutôt du travail d'orfèvre sont exigées : se rendre sur place, étudier le statut d'un petit immeuble en copropriété, convaincre les personnes âgées. Dans les communes, nous sommes prêts à réaliser ce travail en liaison avec les bailleurs sociaux ou l'Etat, mais j'ai le sentiment un peu confus que les procédures sont difficiles et que tous les moyens ne sont pas mis en _uvre. Les financements, eux-mêmes, sont trop limités.

Je voudrais savoir quelles seraient vos propositions dans ce domaine ? Si vous partagez ce diagnostic, dans quelles directions pourrait-on aller ?

M. Paul-Louis Marty : Je partage tout à fait votre analyse pour les zones de marché tendu. Il y a là un champ d'exploration très important qui recouvre plusieurs modes d'action.

Premièrement, des actions combinées de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH), des associations PACT-ARIM et des HLM sont possibles. Nous allons sans doute lancer une réflexion commune avec l'ANAH et les PACT sur ce sujet. Hier, je m'en suis entretenu avec le président de l'association des maires de France. Il nous paraît important d'avoir des actions conjuguées de différents acteurs dans des gammes d'interventions différentes.

S'agissant des HLM, d'abord, l'acquisition/amélioration doit être développée, conformément à la demande très forte du Gouvernement.

Dans le plan de relance présenté par M. Besson, une nouvelle possibilité existe pour les HLM d'acquérir des logements anciens sans travaux, ce qui présente un intérêt à deux points de vue. D'une part, les HLM pourront acquérir des logements dans le tissu urbain ancien et les mettre sur le marché au titre de logement social. D'autre part, les HLM pourraient intervenir en cas d'arbitrage sur patrimoine d'investisseurs privés importants, par l'acquisition du patrimoine d'institutionnels ou de grandes entreprises voulant s'en dessaisir.

Il serait très important de prévoir les modes d'action des organismes HLM. Pour se présenter sur ce marché devant de grands investisseurs institutionnels, il convient d'avoir un savoir-faire que nous ne possédons pas encore tout à fait. Il s'agit là en effet d'un autre type d'action.

Nous voudrions aussi pouvoir développer la gestion pour compte de tiers de logements privés par les HLM, en utilisant notre savoir-faire en matière de gestion locative. Nous pouvons aussi proposer d'agir sur des logements en déshérence ou dont la gestion, en termes de prix, de confort ou de surface, est inacceptable. C'est l'ensemble de cette gamme d'actions que nous avons à mettre en _uvre.

Cela suppose pour les organismes d'HLM d'apprendre de nouveaux métiers. A l'heure actuelle, un certain nombre d'organismes font beaucoup plus dans la dentelle que précédemment. Nos actions portent de plus en plus sur de petites opérations, lesquelles coûtent sans doute plus cher en investissements et en efforts, mais qui sont très importantes. Nous sommes donc tout à fait ouverts au développement d'une action significative des HLM dans le sens que vous souhaitez.

M. Jacques Guyard : J'ai deux questions assez générales. La première concerne les risques de « ghettoïsation » d'un certain nombre de quartiers. La ville dont je suis l'élu compte 80.000 habitants.

Le niveau des loyers, en particulier de tous les logements construits depuis 1977, et de ceux ayant fait l'objet de PALULOS, crée une « ghettoïsation ». En effet, on entre dans le logement soit avec une aide personnalisée au logement (APL) élevée, soit en dépassant le barème de plafond de ressources. Le surloyer existait encore récemment. Lorsqu'un trois pièces est loué 3.800 francs, ce qui est à peu près la norme, malheur au salarié à 11.000 francs qui ne touche pas l'APL ; son taux d'effort atteint 37 ou 38%. C'est fou !

Cela explique qu'il n'occupe pas de logement social, et cela entraîne automatiquement la « ghettoïsation ». Je voulais vous soumettre ce problème, évoqué constamment par l'Union des HLM, mais comment le résoudre ?

Par ailleurs, il ressort de tous nos débats que pour financer un logement aujourd'hui, y compris d'ailleurs, ce que je savais moins, dans d'autres régions que l'Ile-de-France, les collectivités territoriales ou le 1% doivent apporter au minimum 100.000 francs, et au maximum 400.000 à 500.000 francs à Paris. C'est un exemple extrême, mais, dans la petite couronne, où les opérations de rachats dans l'ancien avec travaux se développent, nous ne sommes pas loin de ce prix-là.

Cela veut dire que les besoins de financement extérieurs au PLUS représentent de 30 à 50% de ce financement avec des variations très fortes d'une région à l'autre. A partir de là, ne pensez-vous pas qu'il faille entièrement revoir les compétences en matière de logement, en reconsidérant celles des agglomérations ou des régions ? Quelle est la position de l'Union des HLM sur ce point ? L'exemple de la préfecture de l'Essonne montre que, indépendamment des problèmes informatiques de gestion des fichiers qui ne sont pas résolus, le niveau pertinent de discussion de l'administration n'est pas au rendez-vous. La qualité des hommes n'est pas en cause mais l'organisation du système.

M. Paul-Louis Marty : L'amélioration du taux d'effort constitue un vaste problème budgétaire. Il existe effectivement un écart entre les loyers de sortie des logements sociaux (y compris les charges, c'est-à-dire les quittances) et les aides personnelles. Cet écart est très préjudiciable pour ceux qui sont à la limite d'être exclus du bénéfice de l'APL et qui sont le plus en difficulté.

Le PLUS a quand même conduit à des conditions de loyer maximum de 10% inférieures aux conditions de l'ancien PLA ordinaire, pour 90% de la population. Par conséquent, un effort important a été fourni par les organismes d'HLM sur le terrain du loyer maximum.

D'autre part, l'Union nationale des HLM et les fédérations ont demandé aux organismes de geler les loyers pour 2000 et 2001. Cet effort considérable représente près de trois milliards de francs sur nos comptes d'exploitation. Il facilite aussi les équilibres budgétaires, puisque le blocage des loyers génère des économies sur les budgets de l'APL. Je me permets de rappeler ici ces éléments qui n'ont jamais été vraiment mis en avant par les pouvoirs publics.

Cette question de l'ajustement des loyers ou des quittances par rapport aux aides personnelles est réelle. Je pense que le problème porte sur les charges. En effet, on parle toujours de l'augmentation des loyers, mais celle des charges est beaucoup plus importante. J'avoue que nous sommes très inquiets à ce sujet qui touche à tout ce qui concerne l'eau, le chauffage, les problèmes de sécurité où il y a manifestement des transferts de responsabilité sur les bailleurs. Nous voulons bien jouer notre rôle en matière de partage de la sécurité. Mais nous voyons bien que cela implique des moyens supplémentaires. Nous pensons qu'il serait tout à fait important de regarder la réalité des charges par rapport au forfait charges, lequel est de 300 francs, si mes souvenirs sont bons. Ce chiffre est sans commune mesure au regard de l'évolution des charges.

Un autre point m'inquiète. Le chauffage et la distribution de l'eau sont affermés auprès de concessionnaires. Je dois constater que ce n'est pas sur ces postes que nous avons fait le plus d'économies en longue période. De plus en plus, la privatisation de grands services publics comme EDF, GDF, France Télécom, etc., fait que l'on va leur appliquer des systèmes analogues, d'une manière ou d'une autre. Je crains que cela ne conduise pas globalement à un mode de gestion réellement économique de ces domaines.

Je le dis avec prudence, mais nous sommes très inquiets de l'évolution des charges. Nous avons des logements dans lesquels l'eau coûte plus cher que le chauffage, et pas sur la Côte d'Azur.

Ce problème doit être examiné sous l'angle de la limitation du coût des charges, mais aussi au plan budgétaire pour les aides personnelles, compte tenu du forfait de charges.

Le deuxième point traite du rôle des collectivités locales.

Lorsque la décentralisation a été mise en _uvre, Roger Quilliot avait tenu à ce que les politiques du logement et les aides au logement soient maintenues dans la compétence de l'Etat. Je ne pense pas qu'il faille décentraliser de manière directe et immédiate les politiques du logement. On voit mal comment les actions de solidarité nationale et les aides personnelles pourraient être décentralisées.

Ces questions peuvent faire débat au sein du mouvement HLM, mais, je peux le dire au nom du président de l'Union, M. Michel Delebarre, nous avons à nous poser la question de la décentralisation -et non pas celle de la déconcentration- de la mise en _uvre de la politique du logement, même si l'augmentation du pouvoir et des marges de man_uvre des préfets pourrait constituer un progrès dans certains cas.

Compte tenu du niveau d'engagement des collectivités locales qu'il faudrait chiffrer et qui est très mal connu en matière d'aide au logement, la décentralisation de la mise en _uvre de la politique du logement, à un niveau convenable, doit être à l'ordre du jour. Un débat a eu lieu lors de notre dernier congrès à Bordeaux et les rapports du congrès sur le sujet de la décentralisation des aides constituent une contribution.

M. Pierre Mehaignerie : J'apprécie beaucoup votre objectivité et les pages consacrées à l'accession à la propriété, dans le document distribué, me paraissent extrêmement importantes. Vous dites que vous pourriez faire davantage pour l'accession à la propriété des familles les plus des démunies. Le besoin de considération, d'avoir un patrimoine est plus important chez les personnes sans travail et démunies.

Aujourd'hui, la disparité des situations comme la nécessité de responsabiliser les élus et les acteurs locaux font que l'on ne peut plus continuer avec un système centralisé. Je me demande si la délégation de la compétence du logement, sous le contrôle et le droit de veto de l'Etat, ne serait pas un progrès considérable en augmentant les marges d'initiative.

Si l'on ne veut pas généraliser cette démarche par crainte de débats idéologiques, pourquoi ne pas commencer, dans les départements où les communautés urbaines ayant fait des efforts, à lancer les expérimentations montrant qu'il y a des capacités de redéploiement, d'initiative ?

Je suis sûr, en prenant l'exemple de mon département, qu'en diminuant dans certains cas les aides pour les redéployer ailleurs, on ferait plus parce que l'on se sentirait motivé et non pas déresponsabilisé. En outre, on trouverait des solutions adaptées à la diversité des situations. Donc, sans attendre 10 ans, il faut commencer par des expérimentations.

M. Gilles Carrez : Comme l'a très bien dit M. Marty, il s'agit de la décentralisation de la gestion des politiques.

M. Pierre Mehaignerie : Avec des marges d'initiative.

Le Président Jean-Pierre Delalande : On rejoint là les débats qui portent aussi sur l'aide sociale. Je pense comme vous qu'il convient de maintenir les principes républicains, mais l'ingénierie de la mise en _uvre doit être décentralisée.

M. Pierre Mehaignerie : Et la capacité, adaptée dans certaines limites.

M. Paul-Louis Marty : Sans vouloir faire une critique négative, je crois qu'à l'heure actuelle, l'Etat n'est plus en état de programmer. Les circulaires de programmation sont remarquablement faites, mais entrent dans un détail de considérations qui fait qu'il n'y a plus aucune marge d'adaptation. On arrive à des aberrations complètes.

A quel type de collectivité faut-il confier des responsabilités ? Dans certains cas, c'est le département qui est l'échelon pertinent, dans d'autres cas, c'est la région, dans d'autres encore, ce sera la communauté d'agglomération.

Rapidement, je donnerai une réponse à la question de M. Dumont sur le nombre de bailleurs sociaux. A Evry, il y a presque 30 organismes HLM. Le tissu des organismes d'HLM devra être travaillé, non seulement le nombre d'acteurs sur un site donné, mais aussi compte tenu de la décentralisation et de la montée en puissance des communautés d'agglomération ayant compétence en matière de logement.

Cela ne peut pas être sans incidence sur le tissu des offices, établissements publics rattachés à des collectivités locales, ni sur le mode de fonctionnement des sociétés d'HLM. Nous sommes prêts à ouvrir ce dossier très sensible sachant qu'il touche à la vie de nos organismes. Il y a là un travail à faire en veillant à ne pas penser que les petits organismes seraient inefficaces : certains peuvent être très efficaces.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Nous vous remercions pour vos réponses et votre objectivité.

6.- Audition de Mme Michèle Attar,
présidente de la section du cadre de vie
au Conseil économique et social

(Extrait du procès-verbal de la séance du jeudi 17 mai 2001)

Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président

A l'invitation du Président, Mme Michèle Attar est introduite. Le Président lui rappelle les règles définies par la mission pour la conduite des auditions : pas d'exposé introductif, échange rapide des questions et des réponses.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur spécial : En accueillant Mme Attar, présidente de la section du cadre de vie au Conseil économique et social, je remercie également le Président Jacques Dermagne qui a accepté que l'ensemble des travaux du Conseil économique et social puisse servir à nos réflexions et à nos propositions sur le logement social.

Ma première question portera sur les insuffisances de la production de logements locatifs à destination des personnes les plus démunies, en difficulté ou qui répondent aux plafonds de ressources leur permettant d'accéder à un logement HLM ou conventionné. Cette question préoccupe actuellement l'ensemble des acteurs : comment déterminer, par les travaux du Conseil économique et social, le territoire le mieux adapté pour la réflexion et l'action au bénéfice du logement ? Les modes de financement aujourd'hui sont-ils toujours adaptés ?

L'épargne-logement ne présente-t-elle pas des dérives dans l'utilisation des fonds affectés normalement au logement dans son ensemble et particulièrement au logement social, ce qui ne correspond pas à sa mission, alors que l'Etat contribue à la favoriser ?

Enfin, l'Ile-de-France tout particulièrement pèche en raison du manque de logements, mais surtout à cause du refus de mettre en _uvre une vraie politique foncière qui permettrait d'accueillir du logement social, aussi bien en accession sociale ou très sociale qu'en locatif. Cela nous ramène à la première question sur la définition du territoire pertinent d'intervention.

On agit beaucoup sur le montant des loyers, sur les ressources des demandeurs de logements et les aides qui leur sont apportées. L'APL est un puissant levier pour solvabiliser la personne seule ou les ménages. Néanmoins, on oublie souvent les charges, dont le coût est exponentiel dans certains secteurs.

Dans le cadre des politiques mises en _uvre ou de celles proposées par le Conseil économique et social et par sa section du cadre de vie, ne peut-on réaliser des gains, au bénéfice des locataires, sur l'énergie, son utilisation, voire en matière de politique des déchets ?

Mme Michèle Attar : En préalable, je dirai que le Conseil économique et social a remis son dernier rapport sur le logement en 1998, il s'agit de celui de M. Francis Lamarque sur le 1% logement. C'est un peu ancien. Le dernier rapport ayant trait au logement vient de sortir le mois dernier, c'est le rapport de M. Hubert Brin sur les familles et l'insertion économique et sociale des adultes de 18 à 25 ans. C'est dire que la réflexion sur le logement n'est que partielle dans les travaux qui ont été menés récemment.

Néanmoins, je remets à votre mission une synthèse d'une quinzaine de page sur l'ensemble des travaux réalisés par le Conseil économique et social au cours des dix dernières années sur le logement. On s'aperçoit qu'un certain nombre de questions sont totalement récurrentes et que des réponses aux questions posées par M. Dumont ont déjà été apportées il y a quelques années.

Le Conseil, dans ses travaux, préconise de passer à une contractualisation des politiques du logement dans le cadre d'un territoire adapté à ces politiques. Aujourd'hui la politique du logement est très instrumentée par l'Etat, et très centralisée. Il serait souhaitable de passer à une contractualisation avec les acteurs qui interviennent en second lieu dans le logement, c'est-à-dire les collectivités locales.

Dans le maquis des communes, des communautés de communes, des départements et des régions, le Conseil a préconisé la contractualisation des relations entre l'Etat et deux interlocuteurs, d'une part les communes ou les communautés de communes et d'autre part les régions. Pourquoi les régions plus que les départements ? Parce que la région est plus éloignée que le département et peut opérer avec plus de recul une péréquation sur un territoire un peu plus large.

De plus, il nous semble que la politique foncière est l'un des points clés de la politique du logement. Les établissements publics fonciers, quand ils fonctionnent, sont plus adaptés au territoire régional.

Un deuxième élément apparaît dans tous les rapports, même s'il n'est pas formalisé comme je le fais aujourd'hui parce que la réflexion est plus récente : il est temps aussi de passer en matière de logement à une interministérialité, c'est-à-dire à des pôles interministériels décentralisés où l'Etat local ne soit pas représenté par le seul préfet qui ne peut à lui seul assurer l'interministérialité.

Le Conseil économique et social travaille actuellement sur la question des relations avec la justice. On s'aperçoit qu'il est parfois difficile d'avoir une politique cohérente au niveau local, ne serait-ce qu'en matière de logement : quand un juge prononce une expulsion et qu'ensuite le préfet n'accorde pas le recours à la force publique, des contradictions apparaissent qui mettent en évidence la nécessaire coordination locale de l'action de l'Etat.

Le cadre adapté serait donc celui d'une contractualisation de l'Etat avec, de façon concomitante, d'une part la région pour un certain nombre d'éléments comme le foncier et la répartition des crédits, et d'autre part les collectivités locales.

Il nous semble aussi que les règles doivent pouvoir être assouplies pour relancer le logement social, pour mener des politiques cohérentes. La France est très attachée à un Etat central et son administration centrale est très efficiente. Je ne pense pas que l'on puisse passer à un Etat complètement décentralisé comme cela a pu être le cas dans d'autres pays européens.

Néanmoins, il faut plus de souplesse. Aujourd'hui les problèmes d'attributions, de plafonds de ressources, d'éligibilité au logement social ne sont pas les mêmes en Ile-de-France, au fin fond du Limousin ou dans la région Rhône-Alpes. Il est donc nécessaire de pouvoir déroger, au sens propre, à des règles nationales, et que le préfet ou ses représentants puissent engager de réelles politiques contractuelles sur la base de dérogations avec les élus et les acteurs locaux.

Il n'est plus possible d'avoir les mêmes règles, alors que les plafonds de ressources et les aides à la personne sont sectorisés en trois zones. Ces trois zones ne nous paraissent plus pertinentes. Il est nécessaire d'adapter les règles aux territoires, y compris à un niveau micro-économique, sur de petits territoires. Si un préfet ou ses représentants considèrent que, dans un ensemble donné, il est nécessaire de déroger aux plafonds de ressources pour permettre la mixité sociale et l'accès des logements sociaux à des gens dont les revenus sont plus élevés que ces plafonds, il faut qu'ils puissent le faire.

S'agissant des questions de financement, après la réforme engagée par le précédent ministre, M. Louis Besson, sur le financement du logement social, je ne peux émettre qu'un avis personnel : il me semble que les problèmes de financement sont à peu près réglés. Le Conseil économique et social ne s'est pas prononcé à cet égard, puisque les rapports concernant le financement du logement datent de 1998.

A l'époque, le rapport Lamarque sur le 1% logement avait préconisé de mobiliser le 1% pour le financement du logement social. Ce rapport a d'ailleurs préfiguré la convention qui a été signée entre l'Etat et l'UESL en août 1998, et c'est sur la base de ses conclusions et des négociations qui avaient été engagées avec les organisations professionnelles et syndicales du 1% que cet accord a pu être conclu, selon ce que nous en a dit le ministre.

Par conséquent, il est nécessaire de faire intervenir le 1% logement dans le financement du logement. Je rappelle que ce rapport avait préconisé l'exploitation d'autres financements dans le cadre de la répartition des aides de l'Etat au logement social.

Nous avions évoqué l'épargne logement - 1.300 milliards de francs d'encours - dont seulement un tiers est affecté au logement. Cela coûte plus de 10 milliards de francs par an à l'Etat. Il nous semble qu'il y a une réflexion à mener au niveau national sur l'épargne logement et sur les avantages que l'Etat consent à l'épargne logement, non pas en termes de dépense fiscale proprement dite, mais en termes d'efficacité en matière de logement.

Cet effort est-il efficace en matière de production de logements ? On s'est beaucoup intéressé au 1%, ce qui est une bonne chose car cela a permis des accords contractuels intéressants alors que l'on ne s'est pas beaucoup intéressé à l'épargne-logement, à son encours et à son efficacité.

Je reviendrai sur la décentralisation du 1% et de son utilisation : le rapport du Conseil économique et social avait préconisé l'utilisation des commissions paritaires interprofessionnelles du logement (COPARIL), c'est-à-dire des associations locales de collecteurs, pour répartir de façon intelligente ce 1% avec l'instance d'Etat, que l'on déterminera, chargée de la programmation en matière de logement.

J'ai vu des opérations de logements en zone 3 où l'on mettait 250.000 francs de fonds du 1% logement sur une maison individuelle d'une valeur de 600.000 francs ! Est-ce vraiment efficace en termes d'utilisation du 1% ? N'y aurait-il pas lieu de décider localement comment répartir, et en fonction de quelles priorités, les financements du 1% ?

Par ailleurs, on sait que les fonds du 1% ne sont pas également répartis. Quand certains organismes d'HLM sont filiales de collecteurs du 1%, ils sont peut-être privilégiés dans l'éligibilité aux financements par le 1%. Ne serait-il pas souhaitable d'avoir une répartition transparente de ces financements en fonction d'objectifs collectivement déterminés ?

Il nous semble important, sur tel ou tel territoire, d'affecter le 1% prioritairement aux opérations de renouvellement urbain, aux opérations de réhabilitation, à l'habitat rural - que sais-je ? -, mais qu'une structure en décide collectivement et de façon transparente.

Le forfait charges pris en compte pour le calcul de l'APL n'a pas évolué depuis un certain temps et il est vrai qu'un certain nombre de charges ont considérablement augmenté : l'eau, l'énergie, la redevance pour collecte des déchets ménagers. J'ai rédigé le rapport du Conseil économique et social de 1998 sur la gestion des déchets ménagers. Une directive européenne nous oblige à pratiquer la collecte sélective des déchets d'ici à 2002. Nous ne pourrons pas atteindre cet objectif en 2002, tout le monde en est conscient. Surtout, la collecte sélective coûtera cher au contribuable et donc au locataire. Elle ne coûtera pas plus cher que de résorber une décharge, mais augmentera les charges directes des locataires. On ne l'avait pas pris en compte dans le forfait charges. Aujourd'hui, la collecte des ordures ménagères est le quatrième impôt local, ce qui n'est pas négligeable.

Je pourrais faire un raisonnement analogue sur l'eau et sur l'augmentation des coûts de l'énergie, particulièrement cet hiver et l'hiver dernier.

La collecte sélective des déchets, pour le logement locatif social, a pris beaucoup de retard dans l'habitat collectif. Elle est pratiquée surtout en habitat individuel parce qu'elle y est plus facile à organiser que dans les grands ensembles. Un certain nombre de grands ensembles semblent stigmatisés, les gens s'y considèrent comme relégués. L'accès à la citoyenneté par un geste comme la collecte sélective des déchets y est très appréciée. Les gens souhaitent pouvoir le faire comme un acte citoyen. Quand on le leur refuse ou qu'on met en _uvre la collecte sélective, en dernier lieu dans l'habitat collectif, on stigmatise encore plus leurs résidents en leur laissant entendre qu'ils ne sont même pas assez citoyens pour la collecte sélective de leurs déchets ! Il est important de renverser cette tendance.

M. Dumont connaît bien le problème du foncier puisqu'il a déjà été rapporteur au Conseil économique et social sur ce sujet en 1996. C'est l'un des éléments extrêmement importants de la production de logements sociaux. Les réponses ne sont pas faciles à apporter. Il nous semble que des outils doivent être mis en place, en particulier des établissements publics que j'ai déjà évoqués et qui se révèlent efficaces là où ils sont mis en _uvre.

Le rapport du Conseil économique et social préconisait un certain nombre de mesures fiscales susceptibles d'être efficaces sur la production de foncier.

A propos de la non-consommation des crédits et du ralentissement de la production de logements sociaux, le Conseil économique et social estime que, depuis le rapport de M. Joseph Niol de 1993 sur l'approche quantitative et qualitative des besoins en logement et de la solvabilité de la demande, réactualisé par les études de l'Insee en 1997 avec des modèles macro-économiques sur les besoins en logement, on ne sait pas grand-chose sur les besoins en logements en France.

On en est donc aux actualisations de 1997 de l'Insee selon lesquelles les besoins annuels en logements pourraient se situer entre 260.000 et 340.000, soit une moyenne de 300.000. Pour la période 2000/2005, l'Insee avait retenu une hypothèse haute à 305.000 logements et une hypothèse basse à 240.000. En 2000, 311.000 logements ont été construits. Si l'on se réfère aux projections de l'Insee, on est donc « dans les clous ».

Néanmoins, on s'aperçoit qu'un certain nombre de besoins ne sont pas satisfaits, compte tenu du passage d'une demande très quantitative à une demande qualitative. On sait qu'il y a des besoins de logements sociaux en certains points et qu'ailleurs, des logements restent vacants. Il y a donc nécessité de renouveler l'offre et d'adopter une approche qualitative de la demande. C'est autre chose de faire un habitat qui réponde à une demande qualitative que de faire un habitat qui réponde à des impératifs quantitatifs uniquement. Les problèmes de renouvellement urbain et de répartition des logements sociaux sur le territoire sont donc posés.

A cet égard, il est vraiment difficile de savoir pourquoi on ne produit pas plus de logements sociaux. On a beaucoup tendance à dire que c'est la faute des organismes HLM, et je ne crois pas que ce soit l'explication unique. Quand on voit que tous les permis, y compris dans des communes qui ne peuvent pas être suspectées de refuser du logement social, font l'objet de recours de la part des riverains, on s'aperçoit - si j'ose la comparaison avec les déchets - que l'on rencontre le même phénomène de rejet du logement social que de rejet des décharges, avec des réactions telles que : « Pas chez moi, mais chez le voisin ».

(M. Jean-Jacques Jégou proteste).

Je peux vous citer dix endroits où l'on a exercé des recours contre les permis de construire. Ce ne sont pas les logements qui sont stigmatisés, mais bien les gens qui y habitent. On ne veut pas que certaines personnes habitent un logement social dans la commune. C'est ce que l'on a pu constater sur un certain nombre de permis. Il y a aussi quelques difficultés à produire du logement social, mais il me semble qu'elles sont en cours de résorption.

Le manque de foncier conduit à éloigner de plus en plus les constructions de logements sociaux à la périphérie des villes. Là encore, un certain nombre de politiques incitatives peuvent permettre de recentrer la construction de logements sociaux en proximité urbaine de façon à éviter des coûts différés en matière de réseaux de télécommunication.

M. Daniel Feurtet : Avant de poser mes questions, je voudrais revenir, sur votre comparaison entre les logements, les personnes et les déchets ménagers. J'imagine qu'elle ne correspondait pas à votre pensée, mais la comparaison me paraît délicate.

Deuxièmement, pour les élus il n'y a pas une recherche de stigmatisation du logement social au regard du tri sélectif, il y a des contraintes objectives qui nous sont imposées. L'existence de vide-ordures dans les appartements a conduit aussi à des comportements à l'égard des déchets ménagers qu'il est assez difficile de chercher à modifier aujourd'hui. Votre propos mérite d'être nuancé. Je suis dans une commune où nous avons entrepris le tri sélectif de manière hardie et courageuse. Il n'y a pas une volonté de stigmatiser l'habitat collectif, mais des contraintes très objectives à l'égard de l'exigence du tri sélectif.

Ma question portera principalement sur le point suivant : que pensez-vous aujourd'hui du financement du logement social, considérant que le montant du loyer de sortie est, à mon avis, excessif. Le taux d'effort demandé est à la fois excessif pour certains et dissuasif pour d'autres et n'encourage pas non plus la mixité sociale. Que pensez-vous de l'équilibre du financement du logement social ?

Deuxièmement, ma préoccupation porte sur les garanties d'emprunt. Aujourd'hui, de très nombreuses collectivités territoriales ont un niveau de garanties d'emprunt - et parfois de risques d'appel en garantie - qui fait souvent l'objet d'observations de la part des chambres régionales des comptes et qui rend parfois impossible, compte tenu du stock de garanties d'emprunt de telle ou telle collectivité, l'engagement de nouvelles opérations.

N'y aurait il pas aujourd'hui d'autres mécanismes à mettre en place pour les garanties d'emprunts des constructions nouvelles ?

Mme Michèle Attar : Je voudrais rectifier mon propos. Je n'ai absolument pas voulu comparer le logement social aux décharges. Je n'ai voulu parler que du concept de « NIMBY ». Ce concept signifie qu'un résident accepte une décharge, un incinérateur, etc., mais pas dans sa commune et pas sur son territoire : il s'applique maintenant au logement social.

Chacun peut s'accorder à dire qu'il est important de pouvoir loger l'ensemble de nos concitoyens, mais « pas chez moi ». C'est uniquement cela que j'ai dit.

Je sais par ailleurs que beaucoup de collectivités locales ont fait un effort considérable en matière de collecte sélective. Je constate néanmoins que l'on commence toujours par l'individuel plutôt que par le collectif. Certaines communes ont commencé par le collectif et ont parfaitement réussi. Le problème des vide-ordures est un vrai problème, mais il peut être résolu.

Je ne peux répondre qu'à titre personnel sur la question du financement du logement social : le Conseil économique et social n'a pas travaillé sur ce point. Il ne demande que cela. Si vous voulez le saisir, il n'y a aucun problème, mais il n'a pas travaillé sur le financement depuis le rapport de 1998 sur le 1% logement.

M. Jean-Jacques Jégou : Nous avons bien noté qu'il y a une sorte de dilution et une déresponsabilisation de l'Etat puisque, quand on construit un logement social, ce qui est quand même l'une des fonctions régaliennes de l'Etat, les concours de la région, du département, des autres collectivités et de la commune sont sollicités. Or, si nous avons des problèmes pour les réaliser - et selon la loi « Solidarité et renouvellement urbains » (SRU) -, il faudrait construire un minimum de logements sociaux, c'est parce que se posent aussi des problèmes de financement.

Il est donc peut-être difficile d'analyser ces problèmes sans rapport du Conseil économique et social. Vous avez qualifié les collectivités territoriales d'acteurs de deuxième rang, je pense qu'elles sont au premier rang. Une collectivité qui ne veut pas construire de logements sociaux trouvera toutes les bonnes raisons pour cela, il n'empêche que le surcoût du foncier existe bien.

La garantie financière existe aussi, même si le chef de mission de la MIILOS nous a dit que c'était un mirage. Cela reste une énigme pour moi. J'en ai reparlé à la Caisse des dépôts et consignations mercredi. Il est incroyable que le chef de la MIILOS ne sache pas comment sont prises les garanties pour les organismes HLM.

N'y a-t-il pas un problème d'estimation quantitative ? A-t-on vraiment besoin d'autant de constructions de logements sociaux ? N'est-il pas nécessaire de proposer une réponse qualitative plus que quantitative ? Que pensez-vous des opérations qui commencent bien timidement et qui devraient prendre de l'ampleur, de démolition-reconstruction ? Le Conseil économique et social a-t-il travaillé sur cette question ?

Beaucoup de logements ne peuvent plus être occupés, l'importance de la vacance montre bien que certaines résidences, comme des barres, n'ont plus la capacité d'héberger la population dans les conditions normales, exigées aujourd'hui. Cela me paraît important.

Vous avez dit vous-même que l'appréciation des besoins n'était pas claire dans l'esprit du Conseil économique et social ; ils sont plus qualitatifs que quantitatifs. Je crois que nous avons à nous poser cette question parce que, souvent, la problématique se limite au nombre de logements à construire.

Mme Michèle Attar : Je suis pratiquement d'accord avec tout ce que vous avez dit. Quand j'ai dit collectivité locale en deuxième rang, il ne s'agit que du deuxième rang des communes en matière de financement, ce peut être un troisième rang derrière les départements ou les régions. Mais l'intervention des collectivités locales au sens large est moins importante que celle de l'Etat.

Néanmoins, la question est de savoir si le logement social est une mission régalienne de l'Etat. Elle apparaît en filigrane dans les rapports parce que la réflexion n'était pas mûre à l'époque comme elle pourrait l'être maintenant. On s'aperçoit que l'Etat aurait plus un rôle de régulateur à jouer pour assurer la solidarité nationale, pour veiller à ce que les besoins soient couverts dans tous les secteurs. Mais qui mieux que l'Etat local, qui aurait un vrai pouvoir de dérogation et d'adaptation des règles nationales et les collectivités locales pourraient mieux apprécier les besoins au niveau local ?

M. Jean-Jacques Jégou : Le logement social est bien une fonction régalienne de l'Etat aujourd'hui ; c'est lui qui doit le financer. Cela me paraît être une dérive du financement que de faire appel à la région, au département et aux autres collectivités pour pouvoir effectuer des réalisations de logements sociaux.

Vous semblez dire que la fonction de régulation de l'Etat est normale parce que c'est lui qui finance, qui devrait financer.

Mme Michèle Attar : ...et qui est le garant de la solidarité nationale.

M. Jean-Jacques Jégou : Oui, mais l'Etat récupère par exemple 80% des contingents d'attribution au motif qu'il finance le logement. C'est donc bien une fonction régalienne, sinon il faudrait qu'il y ait transfert de charges.

On peut le proposer et il faudra alors voir dans quelles conditions les collectivités dont on parle pourront financer officiellement le logement social. Je ne dirai pas qu'il est financé sous le manteau, mais il n'est pas financé officiellement ; c'est au bon vouloir des assemblées départementales.

Prenons l'exemple d'une opération de démolition-reconstruction dans ma ville. Sa réalisation est suspendue à une délibération du Conseil général du Val-de-Marne qui doit indiquer, suite aux renouvellements des assemblées départementales et d'autres collectivités locales, s'il continue à financer le logement social. Cela ne fait pas partie de ses attributions. Ce sont des choix.

Mme Michèle Attar : Je ne sais pas si l'on pourrait aller jusqu'au transfert de compétences que vous évoquez. Nous n'en avons jamais parlé ; nous avons toujours évoqué la nécessité pour l'Etat de contractualiser avec les autres acteurs, mais sur des bases qui permettent véritablement d'apporter de la souplesse. Il ne s'agit pas d'une contractualisation obligatoire.

A la limite, lorsqu'une collectivité locale intervient beaucoup dans le domaine du logement, on peut envisager que les aides de l'Etat, en raison des problèmes spécifiques de foncier dans sa région, puissent être modulées en fonction des aides des collectivités locales. J'ai parlé de dérogations en matière de plafonds de ressources, de prix-plafond. Dans ces domaines, il me semble que l'Etat local doit avoir des marges de man_uvre par rapport à des règles édictées au plan national, garantes d'une solidarité nationale. C'est ce que le Conseil économique et social qualifie de régulation. Il s'agit, non pas de concurrence, mais d'une régulation « Sunshine », c'est-à-dire qui consiste à donner des orientations, comme dans les pays nordiques.

Penchons-nous véritablement sur l'évaluation des besoins de démolition-reconstruction. Il y a des éléments qui nous permettent de dire aujourd'hui qu'une partie des besoins quantitatifs - c'est ce que j'en conclus à l'examen des projections de l'Insee et d'un certain nombre d'indicateurs - est satisfaite. Néanmoins, les files d'attente demeurent - vous les constatez tous dans les collectivités locales - et des logements restent vacants. Il y a donc un problème d'adéquation entre l'offre et la demande.

Il n'est plus question dans un Etat comme le nôtre d'assigner des gens à résidence quand ils ont envie de changer de domicile. Il y a donc nécessité d'adapter cette offre à cette demande et de démolir un certain nombre de logements qui ne correspondent plus à la demande.

Deuxième remarque : je dis que l'on ne peut pas assigner des gens à résidence, et que l'on ne peut pas non plus les assigner à un statut d'occupation. Il y a une grande aspiration d'un certain nombre de ménages à accéder à la propriété. Les besoins en logements, y compris dans le logement social, ne peuvent pas être satisfaits par la seule réponse locative. Je crois qu'il y a une place pour une véritable accession sociale à la propriété.

Cela veut dire qu'il faut que nous nous donnions tous les moyens pour que ceux qui accéderaient à la propriété, y compris avec des revenus faibles, ne se retrouvent pas en situation d'échec. Les facteurs d'échec en accession à la propriété sont le chômage et le divorce. Aujourd'hui tous les mécanismes assuranciels mis en place par l'Etat visent à assurer les banques et les créances hypothécaires. Il est nécessaire d'assurer les accédants. L'assurance client, c'est la sécurisation telle qu'elle a pu être mise en place par le mouvement HLM : « Je vous rachète votre logement, je vous reloge dans le logement et vous devenez locataire si vous n'arrivez plus à accéder à la propriété ». L'étape extraordinaire, que nous n'avons pas réussi à atteindre, serait qu'après le chômage ou le divorce, on puisse aussi, en cas de remariage ou de retour à l'emploi, et donc à une meilleure fortune, redevenir propriétaire de son logement.

Les statuts d'occupation seraient donc un peu plus perméables qu'ils ne le sont actuellement.

Le dernier rapport de conjoncture de M. Dominique Taddéï souligne la nécessité de favoriser une accession sociale à la propriété dont on estime qu'elle est plus efficace que les fonds de pension car c'est un vrai capital retraite pour les ménages modestes. Quand on arrive à la retraite, et que l'on a payé son logement, on possède quelque chose, et l'on a moins de charges à supporter.

M. Jean-Jacques Jégou : Mais cela ne fait pas vivre. La retraite est un autre problème.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur spécial : On possède un bien.

M. Jean-Jacques Jégou : Mais on ne le vend pas.

Mme Michèle Attar : On ne le vend pas mais on n'a plus de loyer à payer. On a donc une charge en moins.

M. Jean-Jacques Jégou : On n'a pas de retraite non plus. Cela ne fait pas vivre.

M. Jean-Pierre Delalande : Je ne voudrais pas que l'on mélange les notions de pouvoir régalien de l'Etat et de mission de solidarité nationale qui sont pour moi très différentes, y compris par leur portée. Dire qu'il s'agit d'une mission régalienne de l'Etat signifie que l'Etat peut tout faire. C'est d'ailleurs ce qu'il s'est autorisé à faire à travers la loi SRU dont on connaît les méfaits.

La mission de l'Etat sur le territoire national doit s'exercer à travers le financement du logement dont on observe qu'il devient de plus en plus subsidiaire. Voilà ce qu'il faut revoir. Le reste doit s'organiser à partir de la réalité de terrain des collectivités locales. Vous vous êtes d'ailleurs beaucoup exprimée sur ce point.

J'ai rencontré le problème que vous avez évoqué. Voulant faire ce que l'on me pressait d'appeler un hôtel social - ce que j'ai refusé pour des raisons de sémantique - en centre-ville, j'ai immédiatement déclenché un tollé général, avec pétition sur pétition. Nous l'avons néanmoins fait et mis en _uvre pour des populations en grande difficulté (alcoolisme, drogue, etc.). L'opération était très bien encadrée avec un soutien psychologique et social ; nous n'avons jamais eu la moindre difficulté avec l'environnement. J'atteste donc que ce que vous évoquez existe, qu'on peut le faire et que cela fonctionne. Mais ce sont les collectivités locales qui peuvent mettre cela en place.

La réalité des collectivités locales n'est pas la même partout. Imposer 20% ou plus de logements sociaux est absurde. Je ne connais pas un maire, de quelque bord qu'il soit, qui ne soit préoccupé par le souci du logement social : comment loger les jeunes qui veulent rester sur le territoire de la commune ? Comment loger les personnes en difficulté lorsqu'elles subissent un accident de la vie comme vous l'avez évoqué ?

Cela dit, on ne peut imposer des pourcentages identiques, alors que la situation de départ n'est pas la même. Qu'il y ait des incitations pour augmenter le nombre de logements sociaux là où il est insuffisant, fort bien ! Cela étant, taxer réglementairement puis financièrement une commune qui n'est pas en mesure de le faire alors qu'elle n'est pas mal disposée pour autant, avec des conséquences fortes sur le budget, cela signifie alourdir un peu plus sa situation et ses contraintes.

Il me paraît important que l'Etat, dans sa mission de solidarité nationale, adapte les financements et les modules selon la situation des collectivités locales. L'autorité déconcentrée de l'Etat peut opérer l'analyse fine que vous évoquiez pour qu'il y ait une déontologie, c'est-à-dire pas d'injustice, pas de trou. Tout cela ne me paraît pas exagérément compliqué à mettre en _uvre.

Je ne voudrais pas qu'en accréditant l'idée - ce serait une tout autre démarche - que le logement social est une mission régalienne de l'Etat, celui-ci s'autorise tout sans aucune considération de la réalité locale. Il a tendance à le faire quand on s'aperçoit qu'un haut fonctionnaire chargé de ce secteur ne sait même pas que les collectivités locales doivent apporter leur caution, ce qui depuis l'application de la comptabilité M 14, n'est pas neutre dans la mise en place de leurs budgets d'investissement. Quand l'Etat donne des leçons, il convient qu'il apprenne les données élémentaires du financement du logement social.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur spécial : Les observations de mes collègues me confortent dans la démarche, que je souhaite vous proposer, d'aller au plus près du terrain. Comme Mme Attar l'a rappelé, il a fallu construire des logements rapidement et en grand nombre pour faire face à la pénurie et éradiquer les lieux insalubres, en particulier en Ile-de-France. Aujourd'hui, le parcours résidentiel fait apparaître une demande de qualité.

Je voudrais interroger Mme Attar sur ce parcours résidentiel plus fluide du fait de la recomposition des ménages. Ce parcours résidentiel doit tenir compte des effets de société, et permettre de passer du locatif à l'accession à la propriété. De ce point de vue, le parc locatif social peut jouer aussi un rôle dans l'accession à la propriété de son propre logement. Pour certaines catégories de personnes, c'est la seule solution qui permette d'avoir un patrimoine et un lieu que l'on s'approprie. Ce type d'accession peut jouer un rôle important pour l'insertion.

Le parcours résidentiel ne pourrait-il pas être décliné, non pas de façon nationale, mais au plan local où les cultures peuvent jouer un rôle important dans l'accession à la propriété, y compris très sociale, et très développée avec l'émergence de nouveaux produits, évolutifs et même avec l'apport de travail ? On pense que le mouvement associatif Castor (6) est un élément du passé. Or, dans une région comme la Bretagne, ce mouvement Castor est très puissant, très organisé et très efficace. J'ignore si ce modèle pourrait s'appliquer en Ile-de-France, mais il existe en province et en milieu rural.

Le Conseil économique social a publié différents travaux sur le parcours résidentiel et Mme Laurence Douvin avait émis des propositions dans son rapport de 1996 « Urbanisation et citoyenneté dans les grandes agglomérations » pour tenir compte de l'évolution de la société et des offres que l'on devait promouvoir. Quelles sont les propositions du Conseil ?

Mme Michèle Attar : Pour répondre à M. Delalande, je dirai que la mixité sociale ne se résume pas à un chiffre. La mixité sociale n'est pas mesurable par un chiffre ou un pourcentage valable sur l'ensemble du territoire ; la mixité sociale doit être réalisée sur chaque territoire avec une batterie de critères. Attachons-nous tous ensemble à définir ce qu'est la mixité sociale.

Le programme des Nations-Unies pour le développement (PNUD) a bien réussi à définir ce qu'est le bonheur par l'élaboration d'un indice de satisfaction des besoins, un indice de développement qui comprend le bien-être des gens. Cette comparaison est peut-être aussi hasardeuse que celle que j'ai faite tout à l'heure. Cela signifie que l'on peut définir la mixité sociale et qu'elle peut ne pas être la même en Seine-Saint-Denis et en Bretagne. En Bretagne, la tradition d'accession à la propriété est importante, les gens vivent dans leurs logements individuels. En région parisienne, les gens vivent en logement collectif, la densité de population est beaucoup plus importante, les niveaux de revenus ne sont pas les mêmes, etc.

M. Daniel Feurtet : En Seine-Saint-Denis, 52% de la population est en accession individuelle à la propriété. On ne le sait pas assez.

Mme Michèle Attar : Cela confirme d'autant plus la nécessité de procéder à des analyses fines. Le Conseil économique et social propose de façon récurrente la création d'observatoires locaux de l'habitat pour mieux connaître les besoins. La mixité ne peut s'analyser partout de la même façon.

Aujourd'hui, en France, le parcours résidentiel est le suivant : locatif, accession à la propriété. Point. Il n'y a pas de statut intermédiaire : la location-accession n'est pas un statut intermédiaire, mais bien une accession à la propriété ; il n'y a pas d'accession partielle à la propriété telle qu'elle se pratique en Grande Bretagne ou aux Pays-Bas, références qui n'ont pas vraiment convaincu la Fédération nationale des sociétés coopératives d'HLM.

Il nous semble que les parcours doivent être plus fluides et facilités par la fiscalité du logement, et notamment celle qui porte sur les ventes de logements. Je ne peux que répéter qu'il ne nous paraît pas opportun d'assigner les gens à résidence. S'ils veulent accéder à la propriété, il faut le leur permettre. Et personne, pas même l'Etat régalien, ne peut décider que quelqu'un ne peut pas accéder à la propriété parce qu'il est trop pauvre. Si ses revenus sont insuffisants pour qu'il puisse accéder à la propriété, il faut l'aider d'autant plus, y compris par des mécanismes de sécurisation renforcés.

Pour certaines familles à revenus faibles ayant charge d'enfants, l'accession en la propriété est préférable à la cage d'escalier ; elle représente une excellente alternative. En France, il a trop souvent été considéré qu'il fallait être méritant pour accéder à la propriété. Je ne suis pas favorable à ce type de discours.

M. Daniel Feurtet : La notion de mixité sociale est très difficile à cerner. Elle ne prend pas en compte uniquement le niveau des ressources, mais également les origines, la profession, la taille de la famille ; un ensemble de paramètres très complexes. Nous sommes presque en train de définir le bonheur à la place des gens ; nous sommes toujours sur le fil du rasoir. Cela dit, il y a quelques responsabilités à prendre pour circonscrire cette notion.

Une question me préoccupe. On dit que la conception du logement doit permettre son utilisation par une série de personnes, blessées par la vie, - handicapées et autres - et nous y sommes très attentifs. Mais l'est-on suffisamment à ce que l'on appelle les maintiens à domicile, les accompagnements familiaux, aux questions de taille des logements, ou de présence sur le même palier ?

Dans la perspective de la conception des futurs logements, un travail a-t-il été réalisé sur cette question de société à laquelle on a apporté pour le moment des réponses trop faibles à mon avis ? Quand on discute avec des architectes de la conception des logements, on sait qu'il faut élargir une porte pour permettre le passage d'un fauteuil roulant, mais on ne tient pas suffisamment compte de la taille du logement au-delà de la prise en compte du nombre d'enfants, ou de l'organisation des paliers permettant aux parents et aux enfants de rester proches les uns des autres, parce que cela affecte les financements. Existe-t-il une réflexion sur ce sujet ?

Mme Michèle Attar : Une réflexion très importante est en cours sur les personnes en situation de handicap dans la ville. Un rapport de M. Vincent Assante, sur les situations de handicap et le cadre de vie, réalisé par le Conseil économique et social en 2000, est assez alarmant pour le logement : 40% des logements construits et qui ont fait l'objet de contrôles ne sont pas aux normes, même pour les personnes en situation de handicap. Les services de contrôle sont déficients à faire respecter un certain nombre de prescriptions. Notre section du cadre de vie a eu un débat difficile sur la prise en compte du handicap, lors de l'examen du rapport : tous les logements doivent-ils être adaptés ou faut-il pouvoir adapter certains logements à des situations de handicaps particuliers ?

Un rapporteur n'était pas loin de demander que tous les logements soient équipés d'ascenseurs. Cela représenterait un surcoût trop élevé pour la collectivité. Cela étant, il est nécessaire de se donner les moyens d'adapter les logements à toutes les situations. Les évolutions de la vie doivent permettre d'adapter ces éléments.

Comme vous l'avez évoqué pour le maintien à domicile, les enfants devraient pouvoir disposer d'un appartement en face de celui des parents, même s'ils dérogent aux critères de plafonds de ressources. Ces situations doivent être réglées au niveau local et doivent pouvoir faire l'objet de dérogations grâce à un raisonnement en coût global : une telle solution coûte moins cher que de mettre une personne âgée dans une institution spécialisée.

Les adaptations à la vie, au-delà de ces situations de handicap, valent pour la famille. Aujourd'hui, il faut créer des passerelles entre les règles applicables en matière de logement et la justice : les jugent décident de plus en plus la garde alternée en cas de séparation des parents. Pourquoi le deuxième conjoint n'a-t-il pas droit à l'APL ? Ne doit-il pas loger ses enfants au même titre que le premier conjoint ? Une réforme est en cours à l'initiative du secrétariat d'Etat à la famille en la matière. C'est l'évolution de la société qui aboutit à l'augmentation du nombre de gardes alternées, mais quand bien même il n'y aurait pas de garde alternée, le père qui reçoit ses enfants le week-end a quand même le droit d'avoir une chambre et d'en obtenir le financement s'il est pauvre.

Tous ces éléments nécessitent des adaptations et des assouplissements qui n'existent pas aujourd'hui.

7.- Audition de M. Philippe Pelletier,
président de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH),
et de M. Pierre Pommellet, directeur général

(Extrait du procès-verbal de la séance du jeudi 17 mai 2001)

Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président

A l'invitation du Président, MM. Philippe Pelletier et Pierre Pommellet sont introduits. Le Président leur rappelle les règles définies par la Mission d'évaluation et de contrôle pour la conduite des auditions : pas d'exposé introductif, échange rapide des questions et des réponses.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur spécial : Le patrimoine privé est souvent considéré, particulièrement en centre ville, comme du logement social sinon très social, de fait. Depuis 10 ou 15 ans, tous les intervenants ont réclamé pour l'ANAH, soit des moyens nouveaux - ce qui fut fait -, soit des évolutions.

Première question : où en est la grande ANAH qui doit rassembler sous votre autorité l'ensemble des interventions au bénéfice du logement privé, quant à sa remise aux normes, sa remise en état, afin de redonner, surtout dans le c_ur des villes, me semble-t-il, des capacités d'accueil pour des populations qui, autrement, en sont exclues ?

M. Philippe Pelletier : Le Parlement a, par la loi du 13 décembre 2000 « Solidarité et renouvellement urbains » (SRU), constitué cette grande Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) d'une part, en la chargeant de la tâche de continuer sa mission de subvention des travaux dans le parc locatif privé, et, d'autre part, en la dotant d'une nouvelle mission consistant à distribuer la prime à l'amélioration de l'habitat (PAH) aux propriétaires occupants modestes. Vous avez mis les moyens nécessaires à cette mission dans la loi de finances pour 2001 en dotant l'ANAH d'un budget de 3 milliards de francs d'autorisations de programme représentant 2,2 milliards de francs au titre de la première mission - celle de subventionner le parc locatif privé - et 800 millions au titre de la dotation de la PAH.

Depuis cette loi, un décret d'application est paru au mois d'avril 2001, ce qui nous a permis de mettre en place immédiatement le volet subvention au parc locatif privé pour lequel d'autres dispositifs réglementaires n'étaient pas nécessaires. Pour ce qui concerne la PAH, nous ne pourrons _uvrer que lorsque le règlement général de l'agence, en cours de préparation dans les services de la direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction (DGUHC), sera terminé et publié ; ce qui nous permettra de gérer cette prime.

Nos prévisions sont que nous devrions pouvoir commencer à intervenir sur ce parc à partir du dernier trimestre de l'année. Pour l'instant, la prime continue à être distribuée par l'Etat à travers ses directions départementales de l'équipement, avec probablement une situation dont l'orthodoxie comptable n'est peut-être pas totale.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur spécial : On peut constater pour une fois que la volonté du législateur, qui réclamait unanimement cette grande ANAH depuis longtemps, a été suivie d'effet et cette mise en place devrait être rapidement opérationnelle. Monsieur le Président de la Mission d'évaluation et de contrôle, également ancien Président de la Commission des finances, c'est une grande nouvelle d'entendre cela.

Ne craignez-vous pas que le règlement général, venant de la seule grande direction du secrétariat d'Etat au logement, risque de ne pas apporter les assouplissements nécessaires ?

Sur la prime à l'amélioration de l'habitat, nous avons connu des files d'attente à une époque dans nos départements. La bataille parlementaire sur les budgets avait permis de les faire pratiquement disparaître. Y a-t-il, à votre connaissance, un stock de demandes encore important ? Par ailleurs, les 800 millions de francs d'autorisations de programme seront-ils suffisants pour faire face aux flux de la demande en sachant que ces primes sont généralement efficaces et tout particulièrement dans le milieu rural ?

M. Philippe Pelletier : Pour autant que nous puissions avoir une connaissance précise de ce qui se passe aujourd'hui en ce qui concerne la distribution de la prime à l'amélioration de l'habitat, nous sommes inquiets pour plusieurs raisons.

Premièrement, nous constatons que cette prime, qui engendre un nombre important de dossiers, pour un montant unitaire assez faible par logement, est gérée par un nombre d'instructeurs insuffisant en comparaison de ceux dont nous disposons dans le cadre de l'agence pour le parc locatif privé.

Deuxièmement, nous observons une tension vive sur la distribution de la prime, c'est-à-dire que les files d'attente existent à nouveau.

Troisièmement, nous notons que la qualité de l'instruction des dossiers est très sensiblement différente pour la PAH de ce qu'elle est pour l'ancienne ANAH et que l'on a tendance aujourd'hui à ne pas être très regardants sur les renseignements présentés par les demandeurs de la prime. Nous sommes plus stricts en ce qui concerne la distribution des subventions de l'ANAH aux propriétaires bailleurs.

Tout cela fait que, lorsque nous allons prendre en charge cette distribution, nous essaierons d'appliquer à la PAH la même rigueur mise en _uvre du côté de l'ANAH. Nous allons veiller à ce que les instructeurs de la PAH ne disparaissent pas au moment du transfert du personnel de l'Etat à l'agence. M. Pierre Pommellet s'efforce de veiller à ce que les directions départementales de l'équipement (DDE) n'en profitent pas pour récupérer du personnel nécessaire à d'autres fonctions. Nous espérons garder au moins ces instructeurs, sachant que si l'on veut une instruction convenable des dossiers PAH, ils sont en nombre insuffisant.

Voilà les motifs d'inquiétude, même si nous sommes convaincus que c'est une bonne idée que de regrouper ANAH et PAH.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur spécial : Vos observations sur la réapparition des files d'attente ont de quoi nous inquiéter, surtout après les mesures sur l'habitat décent, la lutte contre l'insalubrité, car souvent les logements de centre-ville ont été abandonnés depuis longtemps, ou subissent une dégradation continue. C'est vrai que les loyers sont faibles, mais les conditions de l'habitat sont insuffisantes.

L'intervention de l'ANAH sur ce bâti est importante - il faut quand même des moyens - mais elle répond à un volontariat : c'est le propriétaire qui décide ou non d'intervenir ; éventuellement, ici ou là, c'est le locataire qui souhaite faire quelques travaux.

Ne pensez-vous pas qu'il y a une contradiction entre l'existence d'une vacance en centre-ville, dans le logement privé, et donc la réticence d'un certain nombre de propriétaires à lancer des travaux, souvent de petits propriétaires. - je ne parle pas ici des grands immeubles de l'Ile-de-France ou de la région parisienne - des villes moyennes ou du milieu rural où la demande de locatif n'est pas toujours satisfaite, avec dans le même temps, les nouvelles missions conférées aux acteurs HLM ou autres pour une intervention sécurisante au bénéfice de ces propriétaires ?

Ne pensez-vous pas que l'on prend chaque année un certain nombre de mesures législatives, réglementaires, pour lesquelles on investit des moyens budgétaires sans qu'il y ait une véritable politique globale, ce qui entraîne un manque d'efficacité ?

Je remarque que le fond du discours des ministres successifs sur le logement privé et la propriété privée, tant M. Louis Besson que Mme Marie-Noëlle Lienemann, au cours des assemblées générales du mouvement HLM, est finalement le même : on compte beaucoup sur ce patrimoine, souvent vide ou que l'on remet en état, pour aller vers plus de mixité, pour reconquérir l'habitat en centre-ville.

La grande ANAH peut-elle répondre à ce souci de cohérence et d'efficacité et attirer plus de propriétaires ou de locataires, pour remettre en état ces logements et lutter contre l'insalubrité ?

M. Philippe Pelletier : Je commencerai par une caricature : les cinquante dernières années ont été caractérisées, d'une part, par l'équation logement = construction, et, d'autre part, par l'équation logement social = production d'un parc dédié spécialement à cet effet.

Les cinquante années qui viennent devraient être marquées par deux autres équations : d'une part, logement social = renouvellement du parc existant, public et privé, et d'autre part, logement social = production d'une offre sociale de logements par l'ensemble des parcs.

En d'autres termes, je considère qu'aujourd'hui, la façon dont la politique du logement doit être traitée, doit être sensiblement différente de la façon des années passées.

Si l'on persiste sur des logiques du passé, on continuera à être confrontés à la difficulté que nous observons aujourd'hui : celle de ne pas pouvoir assurer collectivement la production de logements pour tous ; ce qui est la mission que nous nous sommes tous assignés, chacun à sa place.

Ce préalable étant fait, l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) me paraît devenir l'un des acteurs forts de la politique du logement. Nous avons quelques idées pour rendre plus efficace la réhabilitation du parc, sa mission première. Nous sommes en mesure d'expliquer aussi ce que nous pouvons faire pour participer à l'accroissement de l'offre sociale de logements.

Je traiterai ce dernier point en évoquant les contradictions devant lesquelles nous pourrions être placés. Tout d'abord, je rappellerai que le texte sur la notion de logement décent, auquel vous avez fait écho il y a un instant, n'intéresse que notre action sur le parc locatif privé. C'est-à-dire que la situation de propriétaire occupant n'est pas régie par ce dispositif. Ce que le Parlement a voulu encadrer, c'est la possibilité pour un propriétaire de mettre à disposition un logement indécent au profit d'un occupant.

Première observation : puisque nous fonctionnons sur le système du volontariat, il faut que les gens que nous pouvons aider aient l'envie d'être aidés. Nous n'allons pas pouvoir toucher une population qui n'a pas envie de venir demander des subventions et qui pourtant en aurait probablement besoin.

J'ai été interpellé récemment par un dirigeant de Droit au logement (DAL) qui me demandait pourquoi nous ne financions pas les marchands de sommeil, afin qu'ils améliorent la qualité de l'habitat qu'ils offrent. Il a trouvé lui-même la réponse après quelques mots de discussion : pour qu'un marchand de sommeil fasse des travaux et vienne demander une subvention, il faudrait qu'il entre dans le circuit de la régularité, qu'il ait envie de présenter des factures. Bref, vous devinez que la marginalité dans laquelle il inscrit son action demeurera, et nos offres seront sans écho de sa part.

Il y a donc une part de logements indécents qui sont ceux que vous visez pour lesquels nous sommes hélas impuissants à offrir une aide à des gens qui n'en veulent pas.

Deuxième observation : il reste un parc important sur lequel je souhaite m'expliquer. La fonction première de l'ANAH était d'installer partout les trois éléments de confort. Ce processus est très proche de la mise en _uvre de la décence du logement. Nous avons mené à bien ce processus pour plus de 85% du parc. Chaque année, nous contribuons à financer l'installation d'éléments de confort dans 36.000 logements, mais ce n'est plus l'objectif premier de développement de l'agence ; c'est l'un de nos modes d'action.

Troisième observation : l'un de nos objectifs majeurs - vous le constaterez dans les éléments chiffrés que nous vous avons distribués - est de s'attaquer au phénomène de la vacance. L'ANAH n'a jamais voulu participer à ce débat difficile, ésotérique, sur le nombre de logements vacants. L'ANAH pense qu'il y a suffisamment de logements vacants pour constituer un terrain de travail. Bon an, mal an, nous subventionnons de façon très significative des propriétaires de logements vacants qui, grâce nos actions, sont remis sur le marché locatif. Pour l'année 2000, ce sont 35.000 logements vacants, dont 20 à 25.000 avec une vacance supérieure à 12 ou 18 mois, c'est-à-dire une vacance devenant structurelle.

Grâce à la subvention, nous avons contribué à permettre que ces locaux soient remis sur le marché locatif. Et nous pensons que ce sont ces locaux là qui ont le plus vocation à nourrir l'offre sociale de logements que nous voulons favoriser. Si tel logement était vacant, c'est sans doute que le revenu que l'on pouvait en attendre n'était pas nécessaire au bailleur. On lui propose une remise en état de son logement et on lui donne une subvention suffisamment significative pour qu'il prenne la décision de la réaliser.

Dernière observation par voie de conséquence : il paraît adéquat de penser que c'est un type de logement sur lequel nous pouvons inciter le propriétaire à passer un conventionnement. Aujourd'hui le conventionnement ANAH représente 9 à 10.000 logements par an qui, complétés par la contractualisation de loyers intermédiaires et par les logements encore régis par la loi de 1948, fait que notre offre de logements sociaux peut se chiffrer à un peu moins de 20.000 par an.

Notre effort principal va porter sur ce terrain là, pour plusieurs raisons. Le Parlement a décidé, en adoptant l'article 55 de la loi du 13 décembre 2000 « SRU », que le quota de 20% de logements sociaux, qui doit être satisfait dans certaines agglomérations, comprendra des logements conventionnés ANAH. Par les contacts que nous avons pu avoir avec un certain nombre d'élus municipaux concernés par ce dispositif, nous pensons que le conventionnement ANAH peut, dans certaines agglomérations, présenter un caractère attractif pour favoriser ce développement du nombre de logements sociaux.

Nous entreprenons en ce moment une campagne importante qui nous conduit notamment à écrire à 800 maires ou responsables d'agglomérations concernés par ce quota en leur proposant d'examiner avec eux comment nous pourrions, eux et nous, favoriser le conventionnement de locaux, spécialement des locaux vacants, se situant dans le périmètre concerné.

Nous allons développer cette action avec insistance et nous espérons qu'elle portera ses fruits. Pour cela, nous allons mettre en place un outil de développement des opérations programmées d'amélioration de l'habitat (OPAH) thématiques, dont le thème sera la diversité sociale. C'est-à-dire que nous allons reprendre le cadre familier de l'OPAH et le mettre au service de cette fonction d'augmentation de l'offre sociale de logements à partir du parc privé.

Voilà un des grands chantiers qui répondra, je l'espère, à votre préoccupation. Pour résumer, la lutte contre l'indécence des logements était déjà inscrite dans notre action et va se poursuivre. Deuxièmement, nous allons essayer de travailler le terreau des locaux vacants de manière encore plus significative que nous avons pu le faire sur l'exercice 2000, avec 35.000 logements remis sur le marché locatif, volume déjà tout à fait significatif par rapport aux diverses actions publiques.

Enfin, nous allons, par une contractualisation avec les communes ou les agglomérations particulièrement concernées, développer des OPAH thématiques sur ce sujet. Nous nous sommes fixé comme objectif d'en lancer une centaine avant la fin de 2002.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur spécial : Le propriétaire privé est libre de son bien jusqu'au moment où celui-ci peut éventuellement devenir dangereux. Les élus locaux en savent quelque chose puisqu'ils ont un arsenal juridique pour éventuellement intervenir. C'est long et compliqué car il y a quand même la protection de la propriété privée. On ne peut donc passer ordinairement que par une forme d'incitation.

Or, on voit bien que, malgré tous les textes réglementaires, nous sommes assez démunis dans la lutte contre l'insalubrité, alors que nous recevons des locataires dans nos permanences qui viennent se plaindre de leur logement. Vous interpellez les maires ; si un maire lance une OPAH, comme tout est basé sur le volontariat, il peut très bien connaître le propriétaire et la propriété dégradée et n'avoir aucun moyen d'intervention. Ne se pose-t-il pas, en termes de police de l'habitat, une vraie question, même si cela doit déboucher sur la mise en place de mesures incitatives ?

Faut-il laisser un logement vide qui rapporte peut-être certes un peu de taxe foncière mais pas de taxe d'habitation ? Quel type d'incitation peut-il y avoir, sur les propriétaires privés, qui sont souvent de petits propriétaires, et qui ont connu beaucoup de désagréments avec certains locataires ? L'intervention d'un professionnel privé ou bien public est-elle souhaitable ? Doit-on utiliser la fiscalité, qui est toujours un levier fort ? Mais peut-on admettre, alors que des gens n'ont pas de logement, en recherchent un ou veulent en changer, autant de vacance de logements souvent rendus inutilisables pour des raisons psychologiques ? Quelles sont vos propositions ?

M. Philippe Pelletier : C'est un sujet difficile. Je ne crois pas qu'il y ait une réponse unique à cette question. D'abord, j'observe que le Parlement a décidé de rendre possible, avec notre aide, une intervention autoritaire : le maire a la possibilité, lorsqu'une situation d'insalubrité est avérée et que la mise en demeure d'y remédier est restée infructueuse, de se substituer au propriétaire et, avec l'aide de l'ANAH, d'engager les travaux. J'observe que cette procédure existe, je ne suis pas sûr qu'elle sera beaucoup utilisée.

Le reste relève effectivement du volontariat. J'ai tendance à penser que les propriétaires qui ont renoncé à remettre un bien dans le circuit locatif et le laissent vacant, sont généralement placés sous une double contrainte financière et psychologique. La contrainte financière concerne des propriétaires âgés qui n'envisagent pas de recours à l'emprunt - ce n'est plus dans leur culture -, et pensent que leurs enfants décideront ensuite de ce qui sera fait du bien. En attendant, on le laisse en jachère parce qu'il n'y a pas la trésorerie nécessaire pour réaliser les travaux.

Le blocage psychologique découle d'une mauvaise expérience locative, ou de celle de quelqu'un qui connaît quelqu'un qui a été confronté à une mauvaise expérience locative ; il n'est donc pas question, pour un tel propriétaire inquiet, de se lancer sur un terrain aussi peu sûr que la location.

Ce n'est pas la question du niveau de loyer qui est en cause. Le niveau de loyer qui pourrait être demandé par le propriétaire n'est pas la question principale de la relation locative.

- Sur le terrain psychologique, on doit essayer de donner de la sécurité. Notamment avec ce que le Parlement a permis, à savoir que les primes d'assurance des loyers impayés soient déductibles des revenus fonciers. C'est une bonne décision que le Parlement a pu prendre les années passées. Il reste à intéresser les assureurs à ce marché, ce qui n'est pas le cas pour le moment, et les primes sont encore élevées parce que le champ de l'assurance des loyers impayés est faible.

Ensuite, il y a la mobilisation de l'Union d'économie sociale pour le logement (UESL), le 1% logement, qui a proposé des mécanismes un peu compliqués de sécurisation du bailleur privé. On peut aussi se tourner vers le fonds de solidarité pour le logement. Enfin, il y a la délégation de l'allocation logement qui, si elle est décidée en début de bail, devient pérenne pendant toute la durée de la relation locative, ainsi qu'en a décidé la loi du 21 juillet 1994 relative à l'habitat.

Ce faisceau de dispositions peu connues, parfois trop compliquées, peut donner de la sécurité.

Par ailleurs, les préfets, quand une décision de justice enjoint la libération des lieux, devraient faire leur office en faisant libérer les lieux et en assurant le relogement de la personne sans droit ni titre à demeurer dans le local privé. On sait la façon très diverse dont le concours de la force publique est prêtée pour l'exécution de décisions de justice. On sait aussi que l'indemnisation par l'Etat, lorsqu'il décide de ne pas exécuter la décision de justice, intervient aussi de manière extrêmement hétérogène sur le territoire. Il y a des ressorts où la simple lettre de l'avocat au secrétaire général de la préfecture déclenche l'indemnisation. Et il y a des ressorts où il faut engager une procédure devant le tribunal administratif pour obtenir l'indemnisation par l'Etat. Cette procédure peut, si elle est bien mise en _uvre, apporter le confort psychologique au bailleur. Cela dit, il y aura toujours des freins qui empêchent de se lancer dans une relation locative.

- Au plan financier, le dispositif est assez large : la TVA à taux réduit sur les travaux, nos aides qui se sont améliorées, la fiscalité du revenu locatif, même si sur certains points, elle reste à améliorer. Par exemple, le niveau du taux de déduction forfaitaire n'est probablement pas au niveau des charges qui ne peuvent pas être déduites au réel.

Cela dit, le bail à réhabilitation créé en 1990 pourrait constituer un outil idéal pour les personnes âgées qui laissent un local vacant : elles confient ainsi leur bien à un tiers, abandonnent tout le souci de sa gestion, et les enfants, après leur décès, retrouveront un bien en bon état et libre d'occupation. Ce tableau idéal n'est cependant pas encore bien passé dans les m_urs, alors qu'il permettrait à des organismes publics d'intervenir pour être preneurs à bail et assurer ce travail de réhabilitation dans la ville.

En définitive, j'ai l'impression qu'il ne manque pas fondamentalement d'outils juridiques et fiscaux. Aucun des outils n'est parfait, mais la diversité existe. Ce que l'on n'arrive pas à provoquer, c'est une belle mobilisation. On joue à la fois du bâton et de la carotte : du bâton en prévoyant une taxe d'inhabitation sur les logements vacants ; de la carotte dans les huit agglomérations concernées où l'ANAH apporte une aide majorée afin que le bailleur puisse être incité à sortir d'une situation qui le conduirait à payer la taxe.

Somme toute, cette diversité des actions permettra peut-être de progresser, même si la diversité entraîne souvent une difficulté de lisibilité d'un arsenal qui existe et qui est un peu compliqué, j'en conviens.

M. Pierre Méhaignerie : Vous connaissez les problèmes du logement, nous sommes dans une Europe où les Etats sont en compétition et pas seulement les entreprises. Les moyens financiers consacrés à la politique du logement sont quand même importants en comparaison européenne. La question que je vous pose est complexe : n'estimez-vous pas que la multiplicité des intervenants, la complexité des systèmes, l'incompréhension - y compris pour les élus locaux - rendent difficile l'efficacité d'une politique de logement ?

Pensez-vous que des solutions permettraient de résoudre ce problème et d'avoir une politique, compte tenu des moyens financiers qui y sont consacrées, plus efficace pour augmenter l'offre et la qualité des logements ?

Deuxièmement, quel est le différentiel aujourd'hui entre la taxe prélevée par le ministère des finances, compte tenu du nouveau système depuis quelques années, avec le montant des subventions que vous délivrez ?

Troisièmement, sur les secteurs sauvegardés, nous avons beaucoup de mal à avoir de la part des directions départementales des services fiscaux et des trésoreries une réponse claire pour l'application de la loi Malraux. Ne pensez-vous pas que le Parlement doive réduire les avantages qui peuvent être exorbitants pour certains. Le régime de la loi Malraux pourrait être simplifié et moins soumis aux interprétations de chaque directeur des services fiscaux, afin que les propriétaires qui engagent des restaurations lourdes, dans les secteurs sauvegardés, disposent au moins d'informations claires de l'administration.

M. Philippe Pelletier : En réponse à la deuxième question, le montant de la collecte de la CARL (contribution additionnelle au revenu locatif), anciennement taxe additionnelle au droit de bail (TADB) qui, il y a 15 ans, était affectée au budget de l'ANAH représenterait pour 2000 un peu moins de 4 milliards de francs.

Je ne sais pas si la comparaison avec le budget de l'ANAH a encore quelque mérite. Elle n'en a aucun sur le plan de la comptabilité publique, mais elle peut en avoir en termes de rapprochement de masses. Le budget de l'ANAH était de 2,2 milliards de francs pour 2000. On peut y ajouter le budget de la PAH, qui représentait 800 millions de francs. Voilà des éléments de comparaison.

Sur la troisième question touchant aux lois incitatives et à la liberté d'interprétation fiscale qui en est donnée sur le territoire : je partage votre conclusion et je crois qu'il serait préférable que, lorsqu'un dispositif fiscal d'encouragement est pris, il soit suffisamment simple pour éviter au contribuable qui s'est engagé de se trouver dans une situation de dangerosité fiscale. On a vu cela à propos de la « loi Pons » sur les investissements outre-mer : souscrire des parts de navire était souvent synonyme d'une notification de redressement dans les six mois. Ce n'est pas satisfaisant, même si la notification pouvait se terminer convenablement. Les investissements dans le cadre de la loi Malraux sont pareillement à haut risque sur le plan fiscal.

Pour compléter le tableau, l'ANAH a une vive inquiétude s'agissant de la diversité du traitement fiscal des travaux que nous acceptons de subventionner. Aujourd'hui, c'est l'un des sujets principaux auxquels je ne sais pas donner de réponse.

Je m'explique : nous subventionnons des travaux que nous considérons être des travaux d'amélioration de l'habitat dans un immeuble, par hypothèse ancien de plus de 15 ans d'âge. Nous pensons que la nature des travaux justifie une TVA à taux réduit. Il arrive que l'administration fiscale considère que c'est une TVA à taux plein parce que les travaux sont, selon elle, assimilables à une opération de construction.

Par voie de conséquence, les travaux que nous subventionnons entraînent sur le plan de la déclaration du revenu foncier du propriétaire une subvention portée en recettes, et les travaux subventionnés sont portés en dépenses. Parfois, l'administration fiscale considère que les travaux que nous avons subventionnés ne sont pas déductibles. Par exemple, nous avons permis qu'un appentis qui jouxte la maison soit transformé en cuisine. Nous pensons que c'est de l'amélioration de l'habitat ancien. L'administration fiscale considère généralement que cet appentis, qui avait une autre fonction, change de destination et devient une construction neuve. Le propriétaire se trouve donc exposé, d'une part à une TVA à taux plein, et d'autre part et surtout, à la situation désastreuse de devoir déclarer en recettes la subvention que nous lui donnons sans pouvoir porter en dépenses le coût des travaux !

Cette situation est catastrophique pour lui et il aurait préféré ne jamais nous connaître ! Il considère que nous fonctionnons comme un guichet unique et que c'est nous, l'agence, qui sommes responsables de cette situation. Et j'assume cette responsabilité parce que je crois qu'il n'y a pas le choix. Notre rôle aujourd'hui consiste à inviter le bénéficiaire, avant d'accorder une subvention, à rencontrer les services fiscaux pour vérifier quel sera son traitement fiscal, mais l'intéressé n'obtiendra pas d'assurance, parce qu'on lui répondra surtout qu'il lui appartient de déposer sa déclaration dont le traitement fiscal sera assuré postérieurement.

M. Pierre Méhaignerie : Il peut obtenir une décision mais le directeur des services fiscaux suivant n'est pas engagé par une lettre du directeur des services fiscaux précédent.

M. Philippe Pelletier : La seule pratique possible est celle du rescrit qui consiste à interroger l'administration, qui dispose d'un délai de 3 ou 6 mois pour répondre. Elle engage l'autorité de l'administration sur la réponse qui est faite. Dans mon métier d'avocat, j'utilise le rescrit fiscal sur de très grosses opérations où l'on a besoin par exemple de savoir si la récupération de TVA sera admise ou pas, parce que cela change l'équilibre général de l'opération. Il est peu raisonnable d'imaginer que l'on va envahir les services fiscaux de demandes ponctuelles portant sur de petits enjeux unitaires.

Notre souhait est, ici encore, que l'administration fiscale puisse accepter que le label ANAH emporte un traitement fiscal approprié, quitte à ce que nous réduisions le champ de ce que nous pouvons subventionner, de telle façon que nous donnions de la sécurité. C'était votre suggestion, s'agissant de la loi Malraux.

Quant à la première question, savoir ce qu'il faut faire pour que chacun ait un logement dans ce pays, je ne peux que vous donner un avis personnel. J'ai expliqué qu'il me semblait que nos efforts devaient porter principalement sur les parcs existants, et nous sommes entièrement en accord avec l'Union des HLM sur ce point. Nous pensons que l'offre sociale de demain va être constituée par l'offre du parc public, mais aussi par celle du parc privé. C'est-à-dire qu'une première voie consiste à supprimer un certain nombre de cloisons, de schémas du passé qui guident par trop les décisions prises au plan budgétaire.

J'ai été très heureusement impressionné par les propos des deux secrétaires d'Etat au logement successifs, M. Louis Besson et Mme Marie-Noëlle Lienemann, qui sont partisans de la mobilisation de la diversité des parcs au service du même projet. Mais il faut que dans le même temps les moyens suivent.

Nous avons aujourd'hui des inquiétudes parce que nous entendons dire que les dotations de l'ANAH, dans la préparation d'un budget difficile, pourraient être rognées fortement, et les moyens réduits. C'est un propos récurrent et chaque année le Parlement rétablit la situation en nous donnant les moyens nécessaires, mais il serait dommage, alors que l'on nous confie de nouvelles missions et que l'on nous demande d'être plus actifs, de nous couper les ailes en ne nous donnant pas les moyens de cette action.

Vous devriez constater, selon le projet de Mme Lienemann, et pour la première fois dans la présentation du budget logement, que des objectifs chiffrés seront assignés à l'ANAH. Dans le passé, on donnait une somme d'argent à l'ANAH qui devait faire au mieux avec cette somme. Là, nous devrions avoir des objectifs chiffrés, que je souhaite, d'action sur la vacance, sur le conventionnement et sur l'effort de qualité dans les logements. Il y a une réflexion pour que, à l'instar des autres parcs, nous nous voyions assigner des objectifs d'action.

M. Jean-Pierre Delalande : Dans les documents que vous nous avez remis, on lit que vous avez mené une opération de sédentarisation des gens du voyage en Pays basque, cela en liaison avec le PACT-CDHAR Pays basque. J'aimerais savoir si c'était une expérience isolée ou si cette opération correspondait à la mise en _uvre d'une politique vraie à cet égard.

Vous savez que notre mission a pour objectif d'essayer de rendre les crédits publics plus efficaces. Or, en la matière, la politique est complètement inefficace. On a beau dire depuis une bonne quinzaine d'années, pour un certain nombre d'entre nous, que la politique de création d'aires de stationnement ne réglera jamais le problème et que seule la sédentarisation progressive de gens qui sont très peu « du voyage » en réalité est pertinente. J'aimerais savoir si cette expérience correspond à une volonté politique de l'ANAH de commencer à régler ce problème. Cela me paraîtrait sympathique et intéressant en termes d'économie des crédits publics et de pacification de la société sur le moyen et le long terme.

M. Philippe Pelletier : L'opération à laquelle vous faites allusion a un caractère expérimental, comme le sont aussi des opérations concernant une autre population que sont les travailleurs saisonniers. L'ANAH, à l'origine, avait pour fonction de financer la réalisation de travaux dans le parc locatif à usage d'habitation principale. Tout ce qui pouvait donner une impression de précarité ou de mobilité n'entrait pas dans cette définition. Il nous a semblé que la notion d'habitation principale avait été voulue par le législateur, non pas pour ignorer ces situations de mobilité, mais pour la distinguer de la situation de l'habitat secondaire, dit d'agrément. Nous ne finançons pas les travaux dans les résidences secondaires.

Cela nous a conduit, par voie expérimentale, à tenter un travail pour les gens du voyage, comme nous le faisons, par exemple dans le cadre d'un protocole passé avec la région Rhône-Alpes, pour développer des logements en bon état à usage des travailleurs saisonniers de montagne.

Nous sommes très ouverts à l'idée d'adapter l'action de l'ANAH à la société française et à rendre compte de toutes ces situations. La seule question est celle des moyens financiers.

M. Jean-Pierre Delalande : On les trouvera ! Il y a des crédits non utilisés au budget du ministère de l'intérieur pour les aires de stationnement, parce que les maires savent bien qu'elles ne règlent aucun problème. Les préfets expliquent chaque année à tous les maires de tous les départements, en tous cas dans la région Ile-de-France que je connais le moins mal, qu'il faut absolument faire des aires de stationnement. Les maires ont beau dire que cela ne sert à rien et que l'on perd son temps, les crédits existent. On va les passer du ministère de l'intérieur à l'ANAH.

Des idées sur le sujet, j'en ai plein et je suis prêt à les évoquer avec vous, monsieur le Président.

M. Philippe Pelletier : Il faut que vous sachiez que nous avons une grande chance à l'ANAH : la réactivité qu'autorise notre statut.

Nous avons certes la pesanteur de l'établissement public à caractère administratif et financier. Par exemple, le recrutement d'une secrétaire est quasi-impossible, et emmener un journaliste dans un déplacement en province et le financer tient de la gageure, sauf à passer une convention avec une société de communication qui rémunérera le voyage du journaliste.

Cela étant, nous avons une très grande souplesse qui compense la pesanteur de notre statut, grâce à un conseil d'administration paritaire qui décide, quatre à cinq fois par an, de l'aménagement de nos règles, et qui peut décider des aides expérimentales.

Il y a 15 jours, nous avons décidé une action particulière pour apporter notre contribution, une fois que le niveau de la Somme sera descendu, pour « retaper » les logements locatifs des communes sinistrées recensées par le plan de catastrophe naturelle et des communes limitrophes. Nous avons pour cela modifié nos règles : si les travaux sont commencés avant que la subvention soit demandée, nous accepterons néanmoins de donner la subvention.

Nous l'avions fait autrefois pour les inondations dans l'Aude. La décision est prise, les services locaux de l'ANAH sont informés et sont déjà en discussion avec les maires des communes concernées pour que l'information passe. C'est un organisme très réactif et nous sommes capables de nous adapter, sauf en cas de contrainte par un budget trop serré.

M. Gilles Carrez : Je souhaite revenir sur l'aide que pourrait apporter l'ANAH aux maires concernés par la mise en _uvre de l'article 55 de la loi SRU, article d'inspiration profondément « libérale » (sourires) qui propose l'alternative suivante, dès lors que l'on a moins de 20% de logements locatifs sociaux : soit on est taxé à hauteur de 1.000 francs par logement manquant, soit on parvient à réaliser des logements locatifs sociaux. Bien entendu, tous les maires concernés - dont je suis - vont s'orienter et le font depuis longtemps, dans la seconde direction. Sauf que, dans la plupart des situations, concrètement, la construction neuve est très difficile voire impossible, à cause des contraintes foncières notamment.

En revanche, le dernier recensement a montré qu'il existe un parc privé important très peu entretenu, souvent vacant. Il s'agit de reconquérir ce parc privé et de le conventionner. Nous avons obtenu de haute lutte du Gouvernement qu'il accepte dans le décompte de ce qu'il considère comme des logements locatifs sociaux de prendre les logements conventionnés par l'ANAH.

C'est là où les difficultés commencent. Je veux vous parler du problème opérationnel, qui est un enjeu majeur.

Je poserai trois questions : les niveaux de financement paraissent insuffisants. Il faut absolument revaloriser les taux de subvention pour parvenir à faire des montages qui soient acceptés.

Deuxième question : sur les procédures et leur lourdeur, il ne s'agit pas de faire une zone d'aménagement concerté (ZAC) et de construire 400 logements locatifs sociaux nouveaux d'un seul coup avec une programmation qui descend d'en haut dans le cadre d'un système centralisé dont on a trop l'habitude dans notre pays. Il s'agit de faire du travail d'orfèvre sur de petites copropriétés de 4 à 5 logements, ce qui explique le coût beaucoup plus élevé d'une telle opération. J'ai déjà posé la question.

L'ANAH est-elle prête à nous accompagner dans cette démarche de travail d'orfèvre qui consiste à faire un inventaire du bâti, à aller voir les petits propriétaires, à les convaincre et à simplifier les procédures ?

J'ai créé une communauté d'agglomération avec la commune voisine également concernée. Nous allons embaucher quelqu'un pour faire ce travail, mais nous avons absolument besoin d'un accompagnement par l'ANAH.

Troisième question : la sécurisation de tous ces petits propriétaires. La question n'est pas tellement le niveau du loyer ; ce sont les mauvais payeurs, les ennuis à répétition avec les locataires qui découragent définitivement ces petits propriétaires. Quelle solution nous proposez-vous ? Ne peut-on imaginer, au-delà de ce que vous avez évoqué tout à l'heure, une sorte de gestion déléguée à un organisme intermédiaire, peut-être de bailleurs sociaux. C'est une piste que l'on avait évoquée à plusieurs reprises. Que nous proposez-vous ?

En bref, il faut que vous fournissiez, à la fois vis-à-vis des mairies et vis-à-vis des propriétaires prêts à jouer le jeu, un produit simple, clef en main : réhabilitation et puis gestion.

Pour terminer, je reviens aux questions de fiscalité. J'ai été confronté à un problème de requalification après coup au taux normal de TVA de travaux réalisés au taux réduit. J'ai alerté M. Christian Sautter, alors ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et j'ai fini par obtenir une lettre de M. Christian Sautter que j'ai apportée moi-même à l'administration fiscale, au bureau de Nogent-sur-Marne. J'ai reçu la réponse merveilleuse du fonctionnaire : « Monsieur le député, les ministres passent mais l'administration reste ». Il avait tellement raison que deux mois plus tard, M. Christian Sautter n'était plus là et le problème n'est pas réglé.

La MEC devrait se préoccuper de ce type de questions. Sur le terrain, elles sont loin d'être accessoires.

M. Philippe Pelletier : Je demanderai à M. Pierre Pommellet de répondre aux premières questions pratiques. Sur la question fiscale, je n'ai rien à ajouter à ce que j'ai déjà dit. Concernant la sécurisation du bailleur, je pense que cela pourrait justifier une autre séance et je suis à votre disposition pour en parler. Je ne sais pas toutefois comment l'ANAH peut s'engager dans ce cadre.

M. Pierre Pommellet : M. Carrez a raison de dire que dans la plupart des agglomérations, il est totalement impossible d'arriver au seuil de 20% de logements sociaux par la construction neuve. Il faut agir sur les constructions neuves et les réhabilitations, par le mouvement HLM lui-même avec l'acquisition-réhabilitation, mais on n'en sortira pas si on ne fait pas du logement social conventionné.

Pour cela, le conseil d'administration de l'ANAH a pris une décision récente, à savoir qu'en cas de conventionnement, le taux de subvention en Ile-de-France va passer à 50% + 10% si la commune ajoute 10%, ce qui permet d'atteindre 70% de subventionnement des travaux. C'est quelque chose d'important qui permettra au propriétaire de faire les travaux. Par ailleurs, si l'on sort de vacance, il s'y ajoute une prime de 20.000 francs. On peut donc aboutir à des subventions de l'ordre de 80%, que l'on ne peut pas dépasser puisque la réglementation communautaire n'autorise pas un dépassement du taux de 80%.

Comment faire ? La communauté d'agglomération du Perreux-sur-Marne et de Nogent-sur-Marne va recevoir très bientôt une lettre proposant une OPAH « diversité sociale ». Cette OPAH, régie par l'article L. 303-1 du code de la construction et de l'habitation, prévoit que l'on peut faire, non seulement du logement privé, mais aussi programmer de l'acquisition-réhabilitation, voire de la construction neuve, tout cela avec une équipe d'animation choisie par la commune, après appel d'offres et avec l'aide de l'Etat, éventuellement de l'ANAH ; cette procédure va permettre de faire le démarchage maison par maison, propriété par propriété, des divers propriétaires pour leur proposer ces aides qui sont maintenant à un niveau très élevé. C'est en tout cas l'une des priorités du budget de l'ANAH.

M. Philippe Pelletier : Permettez-nous de vous remercier de votre écoute et d'avoir fait en sorte que l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat soit identifiée par la mission d'évaluation comme étant l'un des agents participant à l'offre sociale de logements. Je pense que cette vision est parfaitement juste et correspond bien au propos de l'agence qui est de s'engager plus résolument dans cette voie.

Vous avez compris notre volonté de diversifier nos actions et de les adapter sans cesse aux besoins ainsi que notre conviction que nous agissons sur un vrai terrain de la politique du logement dans les prochaines années. Il reste à espérer que les moyens de cette action nous serons donnés année après année. Je compte bien sur le Parlement pour montrer que nous avons besoin, non pas d'un budget contraint ou qui, a fortiori, se restreint, mais d'un budget croissant, sachant que nous sommes en mesure d'engager des actions efficaces avec un budget plus important. Nous espérons que dès la prochaine loi de finances, nous pourrons le constater.

8.- Audition de M. Patrick Doutreligne,
Secrétaire général du Haut comité
pour le logement des personnes défavorisées
et de M. Olivier Nodé-Langlois,
Responsable du secrétariat « habitat-ville »
du mouvement ATD-Quart monde

(Extrait du procès-verbal de la séance du jeudi 17 mai 2001)

Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président

A l'invitation du Président, MM. Patrick Doutreligne et Olivier Nodé-Langlois sont introduits. Le Président leur rappelle les règles définies par la mission pour la conduite des auditions : pas d'exposé introductif, échange rapide des questions et des réponses

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur spécial : Ma première question portera sur la solvabilisation des personnes en grande difficulté, qu'elles soient accueillies par des organismes HLM, des associations ou dans des locaux locatifs privés conventionnés. Nous avons assisté au cours de ces dernières années à une dégradation de la situation d'une partie de la population. Le droit au logement a été mis en _uvre par le réseau associatif. Je citerai entre autres, le rapport issu des hautes personnalités de ATD-Quart monde dont Mme Geneviève Anthonioz-De Gaulle ; j'ai eu l'occasion de participer au groupe de travail préparatoire à son dernier rapport quand j'étais membre du Conseil économique et social. On sait la force d'une association pour repérer, interpeller et pour agir sur les populations en grande difficulté, populations difficiles aussi, dont la réinsertion demande non seulement l'attribution d'un logement, mais un suivi social.

Or, l'intervention est souvent tardive, et lorsque l'on essaie de solvabiliser ces populations - alors qu'il y a l'allocation logement, l'APL, le PTZ, et les sommes importantes mises en _uvre dans les différents budgets, non seulement de l'Etat, mais aussi ceux des départements, voire des communes - on constate qu'il doit y avoir conjonction de compétences diverses.

Aujourd'hui, nous sommes réunis pour juger de l'efficacité du financement public au bénéfice du logement. Cela explique que je prenne quelques précautions : le logement n'est pas tout mais il est l'élément essentiel, capital, à la base même de la réinsertion, à condition qu'il soit associé complètement à un accompagnement.

Mon expérience de terrain me laisse penser que l'on dépense des sommes considérables qui ne sont pas toujours utilisées à bon escient. On augmente la complexité des interventions et l'on s'aperçoit finalement qu'à un moment donné, sur la base d'une réglementation, la solvabilisation de la personne, du ménage ou de la famille disparaît.

Pourriez-vous nous dire, à partir de votre expérience de terrain, du travail que vous effectuez, si la solvabilisation de ces personnes ne devrait pas être améliorée pour une réelle efficacité du financement public au bénéfice de leur réinsertion ?

M. Patrick Doutreligne : Sur la solvabilisation, l'un des problèmes que nous rencontrons dans la dernière décennie se situe plus au niveau des charges locatives que du loyer et de la reprise du loyer par les aides au logement. Il s'agit de sommes considérables : près de 90 milliards de francs l'an prochain pour les aides au logement.

Or, il s'avère que les difficultés majeures auxquelles sont confrontées les personnes, sont le différentiel entre la quittance de loyer, le bas de quittance, selon l'expression employée par les spécialistes, et les aides qui leur sont accordées.

Bien sûr, la réforme du PLUS entraîne des modifications sur le loyer et une plus grande proximité du loyer et des aides. Par contre, le problème majeur des premières années de cette décennie semble être celui des charges, dans la mesure où les aides au logement sont calculées sur un forfait qui est peu réactualisé. Ce forfait est de 300 francs par ménage plus 66 francs par personne. Pour une famille de deux adultes et deux enfants, il est donc de 480 francs. L'étude nous montre que les charges réelles varient entre 700 et 1.000 francs pour ce type de ménage selon le logement qu'il occupe.

Puisque vous réfléchissez à l'efficacité des réformes, le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées soumettra au Président de la République et au Premier ministre la proposition d'une déconnexion du loyer et des charges, quitte - cela fera sans doute hurler Bercy et la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) parce que cela fera une allocation supplémentaire - à enlever les charges de l'APL et à créer une allocation spécifique pour l'énergie, qui permettrait d'une part, de suivre davantage le différentiel entre le coût réel et le forfait, et d'autre part d'aider aussi une catégorie de population que nous connaissons bien dans le secteur associatif et le mouvement ATD-Quart monde. Je veux parler des propriétaires occupants, soit des vieux centres-villes, soit des bourgs, soit de la campagne qui, une fois qu'ils sont considérés comme propriétaires, ne sont absolument plus aidés. C'est logique au niveau du loyer, mais, ils supportent les mêmes charges que les locataires, voire des charges plus importantes compte tenu de la vétusté de leur logement et des difficultés de réhabilitation. Ils n'ont plus d'aide pour ces charges.

Cette analyse est confortée par l'examen des travaux des commissions de surendettement qui reçoivent de plus en plus de gens qui ont des dettes de dépenses courantes : dettes de loyer, mais aussi d'eau, d'électricité, d'impôts locaux dont ils ne savent pas qu'ils peuvent être exonérés, ou qu'ils subissent un effet de seuil par rapport aux critères des aides.

Ce qui a été mis en place en commission de surendettement par la loi Neiertz pour des gens plutôt prodigues ou victimes d'une société de consommation, dont ils n'avaient pas maîtrisé les ficelles, s'adresse moins à un public qui a totalement changé. Aujourd'hui, il s'agit davantage de personnes en situation de précarité économique ou de difficultés de ressources qui se retrouvent devant ces commissions. Le travail est bien plus difficile, puisqu'il s'agit de traiter non plus un effet conjoncturel mais un effet structurel de l'endettement.

L'Etat contribue à un effort important de solvabilisation pour les loyers. Un effort particulier doit se porter sur les charges et sur une meilleure répartition. Il est sûr que la mixité sociale ne se fera aussi qu'avec la construction de logements sociaux neufs et la possibilité d'y mettre des personnes à ressources modestes, voire très modestes, à condition que les loyers et leur solvabilisation soient appropriés ; ce qui n'est pas le cas dans les conditions actuelles de loyer pour les logements neufs.

M. Olivier Nodé-Langlois : D'abord, je voudrais excuser le président Paul Bouchet qui n'a pu venir et qui m'a demandé de le représenter. Je suis allié au mouvement ATD-Quart Monde où je suis en charge du secrétariat « Habitat ville ».

Je rejoins ce que vient de dire Patrick Doutreligne, en faisant part de la profonde conviction du mouvement ATD-Quart monde. Vous parliez de Mme Geneviève Anthonioz-De Gaulle. Le problème majeur n'est pas celui de l'argent, alors que l'Etat et les collectivités locales dépensent énormément d'argent, mais celui de son usage pertinent.

Il est certain - la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions le précise - qu'il n'y a pas de connaissance de la misère en France. Ce domaine n'a pas été étudié. On y répond donc imparfaitement.

A ce sujet, un observatoire national a été créé par la loi, qui est chargé d'étudier la misère en France. C'est un thème que l'on travaille beaucoup au sein du mouvement ATD-Quart Monde, qui compte parmi ses membres les plus pauvres eux-mêmes, ceux qui sont dans la misère, des volontaires, et des alliés comme moi qui avons une profession. L'idée est de regrouper tout le monde.

On se rend compte que les gens dans la misère sont souvent considérés comme des individus non responsables et qu'on leur applique des règles et des solutions ou des tentatives de solutions qui ne correspondent pas du tout à ce dont ils ont besoin. Il y a là beaucoup d'injustice, mais aussi un grand gaspillage. Les gens sont souvent traités comme des dossiers : on parle souvent de dossiers difficiles et non pas de personnes.

Un office d'HLM m'a un jour présenté une famille en me signalant que la mère était épouvantable. Je ne la connaissais pas et avais été impressionné par tout ce qui m'avait été dit à son sujet, y compris dans un jugement dont on m'a montré le texte. Ensuite, j'ai fait connaissance de cette dame qui est en réalité très brave, très douce, très gentille, malade, et qui supporte de nombreux problèmes.

A cet égard, nous pensons que l'un des points primordiaux est la formation des personnes chargées de travailler avec les plus démunis et la formation générale de la société sur les problèmes de la misère. Considère-t-on que les personnes qui sont dans la misère sont responsables de leur état ou bien que ce sont des victimes et qu'il faut changer notre regard et peut-être même changer, en partie, la société ?

M. Daniel Feurtet : Sur ce sujet, je donnerai une opinion tout à fait personnelle, je pense que le logement n'est pas encore un droit en France. Pour qu'il soit un droit, il faut qu'il soit aussi une responsabilité et donc une dignité. Certains articles abordent cette question dans la presse. Je ne suis pas de ceux qui pensent que le logement doit devenir gratuit. C'est trop facile, trop commode d'évoquer de cette façon les problèmes de cette nature.

Deux éléments sont à considérer pour les gens en difficulté : l'entrée, et parfois - et souvent malheureusement - la sortie du logement dans lequel ils se trouvent.

Sommes-nous complètement efficaces pour prévenir les sorties du logement, parfois contraintes ? Efficaces en termes de coordination des moyens financiers, en moyens d'accompagnement et de prévention sociale ? Dans les offices - je parle avec les assistantes sociales - il semble que le travail soit quelque peu décousu et peu coordonné vers ces publics.

Quelles sont vos idées pour rendre plus efficaces les financements publics et les accompagnements sociaux, afin de prévenir et empêcher les risques de sortie du logement des gens rencontrant des difficultés et non pas des rares personnes qui considèrent que le logement doit être gratuit et que l'on ne doit pas payer son loyer ?

Deuxième volet à cette question : le droit à l'entrée. Je suis parfois atterré par l'évocation ici et là, par des personnes qui s'en défendent par ailleurs, de logiques de montage d'hôtels sociaux, de réalisation de bâtiments typés, d'un coût moindre, d'un confort moindre comme étant une sorte de réponse à la question de l'accès au logement. Si c'est un droit, quels peuvent être les accompagnements à l'entrée ?

Quelle est l'efficacité des financements publics, si l'on considère des formes de ghettos où l'on stigmatise en quelque sorte les gens qui ne sont pas tous responsables de la situation dans laquelle ils se trouvent ? Quelles sont les idées et les propositions, notamment d'accompagnement social, pour aider ces personnes à assumer toutes leurs responsabilités à l'égard de la quittance de loyer ; à savoir le loyer de base et les charges ?

M. Patrick Doutreligne : Sur la question de la sortie du logement, la loi de 1998 relative à la lutte contre les exclusions, avec un chapitre très important sur la prévention des expulsions, a mis en place des dispositifs que le secteur associatif et le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées ont jugé très favorables.

A l'analyse, après presque trois ans d'application, on mesure des différences de prise en compte de ces dispositifs à plusieurs niveaux. L'Etat a pris les mesures d'application mais n'a pas quantifié les moyens supplémentaires qu'il devait mettre en _uvre pour assumer ses nouvelles responsabilités. Je pense aux sections départementales des aides publiques au logement (SDAPL) par exemple dont l'objectif majeur est la prévention. Il y a un tel effet de masse que les dossiers sont traités de façon totalement mécanique et sans la véritable ambition de prévention voulue par le législateur.

Il reste que, dans de nombreuses préfectures, l'information est totalement dispersée entre un service logement, un service de la préfecture qui s'occupe du concours de la force publique, un troisième qui s'occupe du contingent préfectoral de logements sociaux et un quatrième qui s'occupe du plan départemental et du fonds de solidarité pour le logement. L'Etat a le devoir d'instaurer dans ses services une plus grande cohérence, indispensable, dans les mois et les années à venir, à la prise en compte véritable de ce dossier.

Le Haut comité se déplace dans de très nombreux départements - j'en ai visité 45 depuis deux ans - pour évaluer la mise en application de la loi relative à la lutte contre les exclusions par les conseils généraux. Nos constatations sont très variées.

Trois attitudes caractérisent les conseils généraux : certains estiment qu'il s'agit d'une réforme de l'Etat et que les conseils généraux n'ont donc pas à s'y impliquer, notamment par leurs travailleurs sociaux. Ils se cantonnent uniquement à la gestion du fonds de solidarité pour le logement et du plan. C'est une attitude que le Haut comité regrette profondément.

A l'opposé, certains départements adoptent une attitude très volontariste : on a pu y constater que le dynamisme du conseil général se traduit dans l'activité des travailleurs sociaux ou par le financement de mesures de prévention et d'accompagnement social. Ces départements ont une attitude pertinente qui leur permet de constater des résultats féconds sur la prévention des expulsions.

Une troisième catégorie se situe entre les deux : certains départements essaient de mesurer les effets, importants, d'une nouvelle approche du travail social comme un véritable travail de prévention. C'est une mini révolution sur le terrain de la prévention de l'expulsion : pour la première fois, le travail social demandé intervient, non pas quand on s'aperçoit de carences ou de difficultés affectant la famille mais pour essayer de prévenir les difficultés qui vont surgir et que l'on soupçonne.

C'est une nouvelle conception du travail social, une nouvelle vision des collectivités territoriales, qui s'obligent à prendre en considération et à mesurer les effets et l'importance de cette nouvelle orientation. Elle est très variable selon les élus des conseils généraux et leurs services. Il y a un effort considérable à accentuer et le Haut comité doit écrire prochainement à l'assemblée des départements de France (ADF) pour essayer d'engager les départements dans cette voie.

Le troisième partenaire est constitué par les organismes HLM. Nous sommes quelque peu déçus de voir que les HLM ont vécu la réforme voulue par le législateur de façon très défensive. Comme la plupart d'entre eux faisaient un travail de prévention, ils considèrent que cette réforme est une mesure supplémentaire pour imposer la tutelle de l'Etat sur les organismes. C'est sans doute perceptible pour certains organismes dont la politique sociale était assez avancée, avec des conseillères sociales et des services pré-contentieux très dynamiques. Cette réforme s'est avérée indispensable pour d'autres organismes qui, suivant la logique gestionnaire des années 1980-1990, avaient en quelque sorte occulté l'aspect social du logement social et devaient prendre en compte la modification de la population accueillie.

Je ne jette pas la pierre aux organismes HLM. Je pense que la vision du logement social en France n'a pas été modifiée et qu'il est urgent de le faire après la période de crise. Le logement social a été conçu pour la population salariée, pour une société de plein emploi ou en évolution, pour une population qui se rapprochait du milieu de travail en quittant le monde rural ou un logement privé dégradé ou inconfortable. La situation de crise économique que nous avons connue, même si la reprise est perceptible, a entraîné des changements dans la population, ainsi nous avons beaucoup moins de salariés à durée indéterminée et/ou à temps plein. Une nouvelle génération de publics exclus est apparue, qui ne sont pas seulement ceux aux très faibles revenus, mais correspondent à des situations socio-économiques non prises en considération.

La mise en place d'une instance de réflexion associant l'Etat, les organismes HLM et les collectivités locales - qui ont souvent été écartées de cette réflexion - est indispensable. Sinon, chacun restera sur ses positions, se repassant le mistigri ou la patate chaude, en considérant que c'est l'autre qui n'agit pas : l'Etat parce qu'il n'y met pas les moyens financiers ni ne prévoit les conditions suffisantes pour y arriver tout en gardant la mainmise sur les constructions, les collectivités locales dont on pense qu'elles ont une vision uniquement électoraliste pour leur peuplement, et les organismes HLM dont on craindrait qu'ils aient un souci uniquement gestionnaire.

Certes, ce sont des caricatures, mais ces barrières existent chez ces trois catégories d'intervenants. Pour faire sauter ces obstacles, il convient de redéfinir ce qu'est le logement social, les responsabilités de chacun et à quel niveau elles doivent s'exercer, et pousser la réflexion jusqu'à une forme de décentralisation, déjà évoquée dans vos précédentes auditions.

Votre question sur l'entrée dans le logement est importante dans la mesure où le risque est de multiplier, pour pallier le manque de logements ou le manque d'accès au logement de droit commun, des solutions intermédiaires de type résidences sociales, hôtels sociaux, hébergements. Ces formules n'ont d'intérêt que si elles sont effectivement transitoires.

M. Daniel Feurtet : Aujourd'hui, le risque est de mettre en place dans l'urgence des structures qui durent.

M. Patrick Doutreligne : On sait aussi que chaque fois que l'on a construit dans l'urgence, cela a été souvent mal fait et que ces logements ont duré, comme après les deux guerres. Ensuite, on a mis plus de 40 ans à supprimer toutes les cités d'urgence qui n'avaient même pas été conçues pour une durée de 10 ans, d'après les textes de l'époque.

Autant les logements temporaires répondent à une certaine forme de besoin, autant, il ne faut pas les multiplier. Par ailleurs, quels que soient les gouvernements - puisqu'il y a une forme d'unanimité des mesures gouvernementales depuis 1990-1991, avec les ministres Besson, de Charette, Périssol, et à nouveau Besson -, on court toujours après la résolution d'une situation difficile qui, à mon avis devient inextricable. Autre problème, celui des demandeurs d'asile qui tend à constituer le problème numéro un de l'hébergement en France. Ils occupent outre les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), les centres d'urgence.

Pour la première fois aussi depuis très longtemps, des familles entières avec des enfants dorment dans la rue, ce que les gouvernements français avaient réussi à éviter depuis de très nombreuses années. Je crains même que l'on ne commence à voir des enfants sans parent à la rue. Si nous ne sommes pas vigilants, nous courons, à un degré moindre, le risque des grandes métropoles d'Amérique du sud, d'Afrique et un peu d'Amérique du nord où des enfants isolés vivent et dorment à la rue. Je ne vous cache pas les risques que cela comporte pour eux-mêmes et pour la société.

M. Olivier Nodé-Langlois : Le logement temporaire doit aider les personnes à reprendre leur socialisation et non pas à pallier un manque de logement. Le mouvement ATD-Quart monde a mis en place et continue d'animer une cité de promotion familiale à Noisy-le-Grand, qui a pour rôle d'aider les plus démunis de la région et du département à se resocialiser, à s'insérer dans la société.

Elle a pour but aussi de présenter des familles en situation de détresse et de misère aux différents intervenants locaux (bailleurs sociaux, élus, travailleurs sociaux) pour qu'il y ait un réel échange entre les personnes et qu'un autre regard soit porté par la société sur les personnes démunies, autre que celui de « dossier difficile ». Ce type d'équipement est tout à fait utile, même s'il est très difficile à mettre en place, pour aider à l'insertion ou à la réinsertion des familles en difficulté.

M. Daniel Feurtet : Connaissant Noisy-le-Grand et cette cité, pourriez-vous nous dire le niveau de « sortie » des personnes qui peuvent trouver rapidement une situation de logement « normal ».

M. Olivier Nodé-Langlois : La cité de promotion familiale comporte 35 logements répartis dans un ensemble de 75 logements sociaux appartenant à la communauté Emmaüs, situés à côté d'un ensemble de logements sociaux. Les personnes ne se sentent pas stigmatisées ou isolées, elles sont dans un ensemble. De l'autre côté de la rue, il y a le centre de promotion familiale proprement dit, où les volontaires et les alliés du mouvement ATD-Quart monde vont participer, avec ces familles, à leur réinsertion sociale. Des activités sont prévues pour toutes les tranches d'âge : une pré-école pour les tous petits, leur permettant d'accéder à l'école maternelle avec le même éveil que les enfants de familles intégrées dans la société, des activités culturelles et sportives pour les moyens (7-8 ans), des recherches et des aides à l'emploi pour les plus grands. Enfin, au foyer familial proprement dit, les mamans échangent entre elles et avec les volontaires du mouvement des informations sur la diététique, la santé, le budget familial etc.

Le partenariat concerne des responsables sociaux locaux, des élus ou des bailleurs sociaux, des travailleurs sociaux de Noisy-le-Grand ou d'ailleurs qui viennent et entretiennent des échanges avec les familles.

Il a été observé qu'une durée moyenne de deux ans et demi à trois ans est requise pour passer d'un état extrêmement démuni, où les familles habitaient souvent dans des caravanes désaffectées, dans des bois, à une socialisation. Cela signifie qu'environ dix familles par an sont logées dans un habitat social définitif. Il y a d'ailleurs une grande difficulté à passer de la cité de promotion familiale à un habitat définitif du fait des réticences des communes et des bailleurs sociaux à accueillir ces familles.

Cela étant dit, la durée de socialisation est de 3 ans, alors que dans des CHRS normaux, on parle de 6 mois, renouvelable une fois, ce qui est loin d'être suffisant, ne fût-ce que pour s'habituer à ce qu'est un logement, avant même d'envisager de trouver un travail, de reprendre les enfants qui sont placés hors de la famille, ou même de quitter des situations d'alcoolisme.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur spécial : Vous avez parlé des cas lourds, relativement nombreux qui demandent un traitement particulier, y compris dans le temps. Toutefois, il y a certaines populations qui commettent des actes d'incivisme, dont la convivialité est réduite ; il y a les impayés, les problèmes de chômage. Toute une population avait un statut de citoyen, qui subit une lente dégradation.

Je m'inquiète du traitement de cette population, si l'on ne se préoccupe que du logement en sachant que l'accompagnement social, en partie associatif, relève des conseils généraux, des centres communaux d'action sociale des communes, qui connaissent ces populations identifiées que l'on peut suivre. Il y a une responsabilité du mouvement HLM qui est claire dans cette situation.

Ces populations apparaissent aujourd'hui comme un « marché » nouveau.

Il y a dix ans, la loi Besson a créé les fonds de solidarité pour le logement. Dix ans plus tard, on aperçoit l'émergence d'une nouvelle administration qui, me semble-t-il, paraît plus dure, plus difficile que l'administration de l'équipement. Auparavant, on pouvait résoudre une situation familiale caractérisée par des actes d'incivisme et des problèmes de convivialité par un logement adapté. En trois à six mois le problème était réglé, souvent, en milieu rural, avec une petite maison.

Aujourd'hui, on nous impose des délais d'étude de cas avec une analyse du dossier qui dure au moins six mois. Il faut encore six mois pour chercher la solution, faire les travaux. Quel est le coût de cette lourdeur administrative ? Je me demande si, à certains moments, il ne faudrait pas faire table rase d'un certain nombre d'organismes, certes adaptés dans les années 90, mais inadaptés aujourd'hui.

Nous avons posé une question sur la sédentarisation tout à l'heure. Une société HLM a mené une campagne très forte pour offrir le logement, y compris en centre-ville, à des gens du voyage sédentarisés dans la commune. Sauf que le printemps arrivant, l'envie de vivre autrement et ailleurs les a repris. On ne les a pas revus pendant six mois et ils sont revenus aux premiers frimas. La maison, occupée par ailleurs, leur était fermée. Ils considéraient que c'était leur maison ; il y avait une appropriation d'un bien que l'on ne retrouve pas.

Cela demande une gestion différente. Les financements de l'Etat, les allocations logement doivent être adaptées à des situations particulières. On ne peut pas parler de sédentarisation si l'on n'admet pas dans nos schémas de fonctionnement qu'une famille puisse disparaître trois mois et revenir. Cela durera deux ou trois ans, mais au bout d'un moment, l'installation sera définitive. Encore faut-il que l'on change nos schémas pour arriver à ce résultat.

Sachant qu'au bout de trois mois, ont doit déclarer les impayés, ce qui entraîne la suppression de l'APL, le cycle infernal de l'exclusion commence, quelle que soit la situation de la famille. Il y a là des choses à revoir. Je suis donc très critique aujourd'hui sur l'efficacité des fonds de solidarité pour le logement.

M. Pierre Méhaignerie : Je rejoins tout à fait les propos de MM. Dumont et Feurtet. Vous classez les départements selon leur énergie et leur volonté. Il faut être sacrément héroïque aujourd'hui pour appliquer un texte qui a généré 52 décrets et arrêtés, de multiples commissions - alors même que les élus ont leur travail par ailleurs - de multiples avis, des complexités insurmontables. Vous avez parfois vous-mêmes, comme nous parlementaires, été tenté de multiplier les structures par des amendements. Je dis que nous sommes moins efficaces que par le passé.

Je préfèrerais des négociations de contrats entre les associations et l'Etat, portés sur la place publique, plutôt que le carcan des rigidités, des complexités, qui demande des énergies formidables lorsqu'on veut le desserrer. Et quand, autour de la table, 12 à 15 représentants de structures différentes s'occupent de la même chose, parfois d'une seule famille, vous vous dites que vraiment cela ne fonctionne pas.

M. Patrick Doutreligne : On ne peut pas nier la complexité de la loi : c'était un projet ambitieux qui a réclamé beaucoup de partenariat - beaucoup de ministères étaient concernés - et vous législateurs-députés, n'avez pas simplifié certaines procédures...

M. Pierre Méhaignerie : Sous la pression d'associations qui nous produisaient des amendements.

M. Patrick Doutreligne : Tout le monde est largement responsable de cette situation, mais vous êtes trop fins politiques pour ignorer que la nature de l'exclusion a totalement changé par rapport aux années passées. Elle est beaucoup plus polymorphe. Il n'y a donc pas la réponse unique que l'on avait su mettre en _uvre par ailleurs aux différents niveaux de la mairie, du conseil général ou de l'association. On en a vu les limites quand la crise s'est transformée.

Quand M. René Lenoir a écrit son livre, ses exclus étaient des personnes âgées, les handicapés, et de façon assez marginale, les familles pauvres depuis plusieurs générations.

En 2001, l'exclusion concerne beaucoup moins les personnes âgées, même si on commence à revoir, contrairement aux années précédentes, des personnes âgées pauvres, beaucoup moins les handicapés grâce à l'allocation adulte handicapé (AAH) et aux structures qui leur sont dédiées. Il reste ce noyau dur qu'ATD-Quart monde connaît bien, de familles pauvres depuis plusieurs générations. Il apparaît de nouvelles catégories que l'on apprend à connaître : les jeunes qui n'ont pas connu leurs parents au travail, les jeunes immigrés ou de couleur qui sentent une forme de rejet évident, les jeunes des cités créées de toutes pièces dans les années 50 et 60. Ce qu'elles génèrent aujourd'hui sous forme de bandes, de rejet de la société, on ne le connaissait pas sous cette forme. Dans les années 1950 et 1960, on connaissait les bandes d'adolescents délinquants qui mettaient leur blouson noir et allaient faire un peu de casse le dimanche. Mais cela s'arrêtait là. Ces jeunes reprenaient leur travail le lundi matin. Ce n'est pas du tout le cas aujourd'hui des gens qui sont en décalage de vie et qui vivent la nuit plutôt que le jour.

Le fait que l'on sédimente les réponses complexifie le polymorphisme de l'exclusion.

Le nombre de commissions qui existent dans un département est pléthorique : si on prend le logement, avec la section départementale des aides publiques au logement (SDAPL), le FSL, les commissions de prévention des expulsions, les commissions de fonds de solidarité eau, les commissions fonds de solidarité énergie, les commissions téléphone qui s'y sont ajoutées, les commissions d'action sociale d'urgence (CASU), les commissions de coordination des commissions afin d'être sûr de s'y retrouver ! Cette situation est impossible.

Le dommage que l'on ne mesure pas suffisamment est le suivant : plus on crée de commissions, plus on crée de technocrates et plus les gens qui sont en situation d'être proches des personnes - le secteur associatif et les élus - ne sont plus assez disponibles pour les commissions. Les associations génèrent alors de nouveaux prototypes de personnes qui ne font que cela et qui n'ont plus de contact avec le public, ou les élus n'y participent plus et au mieux dans les grandes communes et les départements organisés, y envoient un fonctionnaire de leur administration, qui n'est pas un élu.

Je vous rejoins totalement sur la complexité qui est en tout cas liée à l'histoire. La seule façon de s'en sortir, comme vous l'avez évoqué récemment, est de trouver le niveau de terrain de travail idoine pour régler ces problèmes. Le Haut comité penche pour sa part pour le niveau de l'agglomération. Cela signifie que l'Etat doit changer son fonctionnement qui reste, malgré la décentralisation, trop vertical : nous avons une administration centrale qui donne des instructions à l'administration régionale qui les redescend au niveau du département, pour passer aux préfectures et ensuite aux sous-préfectures. En région parisienne, on connaît moins les sous-préfectures. A force de décliner ce type de responsabilités jusqu'au bas de l'échelle qui est le lieu le plus important, il n'y a pas ou plus les responsables qu'il faudrait.

Le Haut comité s'est opposé au transfert de compétence vers les communes. En effet, si l'on transfère ce type de responsabilité, y compris le logement au niveau des communes, on ne fera qu'amplifier les distinctions qui existent et les particularismes de chaque commune. Quand nous avons remis le rapport au Président de la République l'année dernière, il nous a répété que si l'on ne passait pas par la loi pour imposer du logement social, on n'y arriverait pas, qu'il était suicidaire aujourd'hui pour un élu de faire du logement social dans sa commune.

M. Pierre Méhaignerie : Il a sans doute voulu vous faire plaisir.

M. Patrick Doutreligne : Peut-être. Il nous disait que l'on ne pourrait retenir le niveau de la seule commune, mais on pensait bien à celui du bassin d'habitat, que l'on peut appeler agglomération aujourd'hui pour une meilleure cohérence avec les textes législatifs.

J'ai lu les articles consacrés à l'audition précédente dans la presse. Le Haut comité n'est pas opposé à la dévolution à l'agglomération de la compétence en matière de logement, à la condition que cela se fasse seulement le jour où les responsables des agglomérations seront élus au suffrage universel. On ne peut pas considérer que l'agglomération, tant que les représentants des communes seront désignés par les communes pour défendre les intérêts de leur commune, soit l'organisation adaptée pour promouvoir une conception globale, objective et égalitaire du bassin d'habitat. En revanche, le jour où les élus de l'agglomération le seront au suffrage universel, ils le seront sur un mandat qui concerne bien l'agglomération et non pas la commune dont ils sont issus.

Pour répondre à la question de M. Dumont, quand les bailleurs pointent des problèmes de logement, ce ne sont pas les personnes défavorisées qu'ils désignent, mais les problèmes d'incivisme, de comportement. Il n'y a pas de rejet organisé de la pauvreté ni de l'exclusion de personnes par manque de ressources de la part des bailleurs, sauf exception. L'affirmer serait leur faire un mauvais procès.

Cela dit, les craintes liées à l'incivisme, aux impayés - qui n'est pas le souci majeur - à certains comportements surtout, soulèvent de telles difficultés que des populations potentiellement à risques sont facilement analysées de façon globale et non distincte. Cela veut dire que seraient populations à risques, les femmes seules avec enfant, les personnes d'origine immigrée, les jeunes. C'est cela qui est assez mal vécu par les populations que nous côtoyons.

Le fait pour un « beur », un jeune, une femme seule d'être catalogué comme appartenant à une population à risques alors que l'intéressé ne le pense pas lui-même, et d'avoir cette réponse de la part des bailleurs ou des collectivités locales pose problème quant aux attributions et à la production de logements. S'il n'y a pas ou peu de production de logements sociaux, c'est bien par rapport à ces réticences, et à la crainte de voir arriver, si ce n'est la misère du monde, en tout cas la misère, en particulier celle des autres communes.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur spécial : Un rapport du groupe d'études et de lutte contre les discriminations (GELD) paru hier dans la presse a été commenté diversement. Le ministre a publié un communiqué, il y a eu des réactions vives. Quelle est votre analyse ?

M. Patrick Doutreligne : La première mouture que j'avais lue de ce rapport, qui faisait un procès aux HLM, était trop légère. On revient en boucle à mes premiers propos où je prônais la création d'une table ronde pour une redéfinition du logement et de l'habitat en général. Il ne faudrait pas, sous prétexte que l'on n'est pas propriétaire privé, que l'on n'ait pas de compte à rendre parce qu'on n'accepte pas des personnes en difficulté. C'est une responsabilité collective et de société. Même s'il est plus normal d'aller chercher ceux qui ont reçu un mandat social de l'Etat que les propriétaires privés qui n'en ont pas.

Concernant la sédentarisation, il est évident qu'il faut réfléchir au problème que vous soulevez sur l'adaptation, ou de textes ou de pratiques ou de financements à la situation des gens du voyage. Il y a un effort considérable avec l'obligation de création des aires d'accueil, qui est prévue par la loi relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, du 5 juillet 2000. Un article sur les aires familiales n'a pas été bien compris ; je pense que c'est autour de ces aires familiales que l'on doit pouvoir trouver la possibilité de traiter la situation des gens qui vont et viennent.

On sait ce que peut donner la sédentarisation forcée. Ceaucescu l'a essayée en Roumanie, on a vu le résultat. Cela ne marche pas. Mais l'histoire nous montre que les gens du voyage connaissent toujours une phase de sédentarisation qui peut durer vingt ans ou un ou deux siècles. Les Tsiganes qui arrivent du Kosovo, de Hongrie et de Yougoslavie étaient sédentarisés depuis 150 ans. Le fait de se sentir en situation économique difficile et de rejet de la part des habitants qui, par exemple au Kosovo, les accusent d'avoir été proches du régime serbe et d'avoir servi de relais d'information, les a fait fuir de leur pays. Ils arrivent en France, rachètent de vieilles caravanes et se remettent dans un habitat nomade, abandonné depuis longtemps.

Il faut donc être vigilant si l'on veut éviter ce phénomène ici et adopter des modules assez souples, sachant que le besoin de sédentarisation se fait d'office avec les jeunes que je rencontre sur les aires des gens du voyage, qui veulent aller à l'école, rester avec leurs copains pour l'année scolaire au moins. Cette sédentarisation se fera. Il faut accepter cette phase intermédiaire. Tout n'est pas noir ou blanc, entre les deux il y a toutes les nuances de gris. Il est souvent difficile pour le Pouvoir d'accepter ces tons de gris, ce qui me paraît pourtant indispensable.

3151 - Rapport d'information de M. Augustin Bonrepaux sur le logement social (mission d'évaluation et de contrôle)(commission des finances)

() ENA séminaire d'administration comparée de la promotion Nelson Mandela (1999-2001), L'interministérialité au niveau local, groupe 6 : Logement social.

() « L'observatoire immobilier », n°44 de novembre 1999.

() « L'Observatoire immobilier » n°44 de novembre 1999.

() PALULOS : primes à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale.

() Caisse de garantie du logement locatif social.

() Confédération nationale d'autoconstruction Castor.