No 1100
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 30 septembre 1998.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
tendant à la création d'une commission d'enquête sur la gestion de la Mutuelle Nationale des Etudiants de France et ses filiales.
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)
présentée
par M. André ANGOT,
Député

Economie sociale.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
La Mutuelle Nationale des Etudiants de France (MNEF) gère aujourd'hui le régime d'assurance maladie de plus de 800000 étudiants. Ce seul chiffre suffit à mesurer la mission fondamentale de service public dévolue à cet organisme, mission d'autant plus essentielle que selon un récent rapport du Haut Comité à la santé publique, les dix-huit - vingt-cinq ans sont la catégorie de la population française la plus mal soignée.
Les demandes de plus en plus pressantes de nombreux syndicats étudiants d'un véritable statut de l'étudiant permettant une réelle égalité d'accès à l'enseignement supérieur, encore récemment réaffirmées par les résultats de l'enquête réalisée auprès des lycéens par le ministère de l'éducation nationale lui-même, montrent également le besoin d'assistance et d'aide ressenti par nos jeunes, besoin auxquel des organismes tels que la MNEF doivent répondre par nature.
Or, des informations publiées depuis quelques mois dans la presse font état d'enquêtes administratives concordantes concluant à de graves irrégularités de gestion de cette mutuelle, et plus particulièrement de ses filiales, sur lesquelles les autorités administratives de contrôle saisies (Cour des comptes, Commission de contrôle des mutuelles et Inspection Générale des Affaires Sociales -IGAS) n'ont qu'un faible droit de regard.
La MNEF aurait en effet développé ces dernières années de nombreuses activités annexes à sa mission d'assurance maladie des étudiants. Elle aurait ainsi contribué à la création de nombreuses structures associatives ayant, a priori, vocation à venir en aide aux étudiants socialement défavorisés.
On peut notamment mentionner, pour l'exemple, la Mutuelle Universitaire du Logement (MUL). Cette structure a pour objet de se porter caution d'un étudiant auprès du propriétaire du logement qu'il loue. On peut également citer l'Union Technique des Mutuelles Professionnelles (UTMP), qui réunit deux filiales de la MNEF : la MIL, mutuelle destinée aux jeunes en voie d'insertion professionnelle, et la MIJ, dirigée, elle, vers l'assurance maladie des jeunes les plus fragilisés ou bénéficiaires du revenu minimum d'insertion (RMI).
Si ces quelques structures s_urs de la MNEF parmi tant d'autres paraissent avoir un objectif légitime et conforme à la mission de service public confiée à cet organisme national, c'est-à-dire celui de l'aide aux jeunes scolarisés ou en voie d'insertion, les informations parues dans la presse font état d'une véritable appropriation de ces structures mutualistes au profit de certains dirigeants de la MNEF et de personnes politiquement proches de ses dirigeants. Ainsi, selon le journal Libération (article "L'obscure gestion à tiroirs de la MNEF", paru le 7 avril 1998), "les cotisations des adhérents de la MUL ne servent pas à couvrir les impayés de foyers mais, pour l'essentiel, à financer les frais de fonctionnement de la mutuelle ". Toujours d'après cet article de Libération, la commission de contrôle des mutuelles aurait dénoncé " les montages en cascade du groupe MUL, un système favorisant le financement d'activités extérieures à l'objet de la mutuelle [...] L'administration fiscale aurait constaté que des rémunérations sont versées aux administrateurs sans justification de sujétions particulièrement importantes, en infraction avec l'article L. 125-5 du code de la mutualité. " Le journal Libération fait référence aux mêmes types de dysfonctionnements en ce qui concerne d'autres structures mutualistes dominées par la MNEF, telles que l' UTMP, la MIL ou la MIJ.
Ces informations, si elles doivent bien sûr être pleinement vérifiées, doivent être d'autant plus prises au sérieux que les soupçons pesant sur une gestion irrégulière et partisane de la MNEF ont été confirmés par de nombreuses déclarations de dirigeants ou d'anciens dirigeants de cette mutuelle.
Ainsi, le journal Libération (article " Bataille pour régler les comptes de la MNEF", paru le 19 juin 1998) a précisé que certains dirigeants de la mutuelle évoquent " une perte d'identité mutualiste liée à la croissance de cette diversification". De même, interrogé par le Parisien (article " L'argent des étudiants détourné", paru le 20 juin 1998), M. Manuel Valls, conseiller en communication du Premier ministre, aurait déclaré : " Il y a bien longtemps que des rumeurs courent et je crois qu'aujourd'hui elles ont quelques fondements. Il me semble que la mutuelle a été tenue depuis longtemps par deux petits groupes autour de Jean-Christophe (NDLR : Cambadélis) et Jean-Marie (NDLR : Le Guen). Ils ont aidé à la construction d'une social-démocratie étudiante, mais je crains qu'ils aient fini par s'accaparer la mutuelle. Il faut tourner la page et faire que la MNEF revienne aux étudiants..." De même, M. Jean-Marie Le Guen, dans cette même enquête, aurait déclaré : "Bien sûr, la MNEF est la pouponnière du Parti Socialiste, personne n'osera dire le contraire [...] Oui, la MNEF a été, est encore, une base de repli du Parti Socialiste."
Ces quelques déclarations et informations justifient à elles seules la nécessité de la mise en _uvre d'une commission d'enquête parlementaire sur la gestion de la MNEF et l'ensemble de ses filiales.
La MNEF a été créée par la loi (loi du 27 septembre 1948). Il est donc légitime que le législateur s'interroge sur la gestion d'une structure qu'il a créée pour la satisfaction d'un intérêt national et sur la compatibilité de la diversification d'activités de la MNEF face à cette ambition législative initiale. La MNEF est chargée d'une mission de service public : la gestion du régime d'assurance maladie de plus de 800 000 étudiants. Elle bénéficie pour cela de remises de gestion de la part de la Sécurité sociale à hauteur de 319 F par étudiant et d'une aide étatique de 254 millions de francs pour couvrir le déficit du régime spécifique étudiant.
Telles sont les raisons pour lesquelles il vous est demandé, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter la présente proposition de résolution.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article unique

Il est créé, en application des articles 140 et suivants du Règlement, une commission d'enquête parlementaire composée de trentemembres sur la gestion de la Mutuelle Nationale des Etudiants de France (MNEF) et de ses filiales.

N°1100. - PROPOSITION DE RESOLUTION de M. André ANGOT tendant à la création d'une commission d'enquête sur la gestion de la Mutuelle Nationale des Etudiants de France et ses filiales (renvoyée à la commission des affaires culturelles)


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