N° 2279
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 27 mars 2000.
PROPOSITION DE LOI
tendant à la création d'une agence française
de sécurité sanitaire environnementale.

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution
d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée
par M. André ASCHIERI, Mme Marie-Hélène AUBERT, MM. Yves COCHET, Guy HASCOËT, Noël MAMÈRE et Jean-Michel MARCHAND,
Députés.

Environnement.

EXPOSÉ DES MOTIFS

"J'ai décidé la création d'une agence santé-environnement chargée de la surveillance et de l'expertise des risques sanitaires liés à l'environnement."

(Lionel Jospin 30 juin 1999, Etats Généraux de la santé.)

"L'agence de santé-environnement doit être l'instance rassemblant les compétences et les capacités d'expertise dont les pouvoirs publics ont besoin pour fonder leur action de prévention des risques sanitaires liés à l'environnement."

(Dominique Voynet, 29 septembre 1999, Assemblée nationale.)

Mesdames, Messieurs,
Pollution de l'air, des sols et des nappes phréatiques par les nitrates, les produits phytosanitaires, les dioxines et augmentation de l'incidence des cancers; tous ces événements nous démontrent l'urgence de se préoccuper des questions de santé-environnement.
Le 18 juin 1998, notre Assemblée adoptait définitivement la proposition de loi relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme (loi n° 98-535 du 1er juillet 1998). Cette réforme, engagée par le sénateur Claude Huriet s'inscrivait dans une logique de prévention et prétendait tirer les conclusions des drames de santé publique que notre pays avait connus.
Cette démarche reposait sur cinq principes :
- L'Etat est le garant de la sécurité sanitaire. Si la recherche du risque zéro est bien évidemment très souvent inaccessible et pratiquement inapplicable, il est de la responsabilité des politiques d'ouvrir le débat sur une définition, qui ne peut être que collective, des risques minimaux acceptables, techniquement et socialement.
- Les règles de droit, d'origine nationale ou communautaire, doivent définir de manière suffisamment rigoureuse les conditions dans lesquelles la sécurité sanitaire environnementale peut être assurée.
- Le contrôle de l'application de ces règles doit être effectué par une administration dont la mission est bien identifiable et la capacité à mobiliser les compétences irréprochables de sorte qu'aucun conflit de préoccupation ne vienne entraver ni son exercice, ni sa crédibilité.
- Le dispositif de veille sanitaire doit être en mesure de rassembler toutes les informations pertinentes émanant d'organismes publics et privés et de compléter les lacunes. Il doit être organisé de telle sorte que les informations de base soient bien connues, et que les procédures d'alerte des autorités compétentes et les recommandations qui leur sont adressées leur permettent de prendre, au moment utile, les décisions nécessaires.
- Le principe de précaution est inscrit dans la loi du 2 février 1995 relative à la protection de l'environnement : "En l'absence de certitude, compte tenu de l'état des connaissances scientifiques et techniques du moment, la menace d'atteintes graves et irréversibles doit conduire à l'adoption de mesures proportionnées à un coût économiquement supportable". Ce principe, qui est un principe d'action et non d'inaction comme le soulignait dans son rapport au Premier ministre Philippe Kourilsky, doit guider les autorités compétentes dans l'exercice de leur pouvoir de décision et ne peut être mis en _uvre que s'il s'appuie sur des données fiables et accessibles, et une capacité d'expertise organisée à cet effet.
Mieux évaluer, mieux gérer les risques pour éviter les crises, tel est l'intérêt des agences de sécurité sanitaire. Finalement, la loi du 1er juillet 1998 a prévu la création d'un institut et de deux agences : l'Institut de veille sanitaire, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé et l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments. Ces trois établissements, effectivement créés, répondent à deux des trois types de crises que nous avons connues et auxquelles nous serons de plus en plus exposés. Le sang contaminé d'une part, la crise de la vache folle d'autre part, illustrent les carences auxquelles ces deux agences remédient désormais.
Un troisième type de crise est malheureusement négligé par ce dispositif. Il s'agit des crises liées aux perturbations de l'environnement.
Le bilan des crises les plus récentes de sécurité sanitaire (poulet à la dioxine, marée noire) après celle de l'amiante montre que le dispositif de sécurité sanitaire n'est pas complet sans un volet environnemental et qu'il n'y a pas de sécurité sanitaire alimentaire sans sécurité sanitaire environnementale.
La volonté exprimée de l'Etat de créer une autorité indépendante de sûreté et de radioprotection nucléaire à la suite du rapport remis par M. Jean-Yves Le Déaut, alors président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, démontre, s'il en était besoin, toute l'attention et l'importance des moyens accordés à la sécurité nucléaire.
L'ensemble des risques environnementaux autres que nucléaires nécessite le même engagement et un niveau d'action comparable de l'Etat. Ceci est d'autant plus urgent que la France accuse un retard considérable dans le domaine de santé-environnement. Alors qu'elle produit 4,7% de la connaissance mondiale, tous domaines confondus, elle n'en produit que 1,5% en santé-environnement.

LA NÉCESSITÉ D'UN DISPOSITIF
DE SÉCURITÉ ENVIRONNEMENTALE

Prendre en compte les risques sanitaires liés à la détérioration de notre environnement constitue un nouvel impératif de santé publique.
La déclaration de l'Organisation mondiale de la santé de 1994 (région Europe) rappelle que "la protection de l'environnement en tant que telle et la durabilité écologique pour les générations à venir sont devenues des préoccupations politiques importantes dans le monde entier. La relation qui lie la santé et le bien-être humain à l'influence de l'environnement représente une dimension considérable de ces préoccupations".
Il s'agit donc de privilégier avant tout une approche globale.
La nature de nombreux facteurs de risques dus au progrès des technologies modernes, la libre circulation des marchandises, leurs modes d'usages, font qu'ils ont souvent largement le temps de diffuser, d'imprégner les différents compartiments de l'environnement avant que les effets se manifestent.
Ces risques sont multiples, ils sont souvent diffus et invisibles. Dans les cas les plus difficiles, la connaissance de leur existence et de leur nocivité est malaisée dans la mesure où les éléments toxiques en cause ne sont présents qu'à faibles doses. Ils peuvent être transportés, naturellement ou par l'homme, dans différents milieux (air, eaux, sols, écosystèmes...) ou produits. Leur mesure est délicate et leur impact sur l'homme difficile à évaluer dans la mesure où l'exposition s'étale sur une longue durée. Les premiers symptômes de ces pathologies ne se manifestent parfois qu'après un temps de latence qui peut durer plusieurs années.
La croissance des nouvelles maladies, affectant notamment les jeunes, et en particulier des cancers dus à la détérioration de notre environnement, domestique ou professionnel, appelle une réponse adaptée. Chaque jour, des dizaines de nouveaux produits chimiques sont mis sur le marché sans que leur innocuité soit sérieusement prouvée. Plus de 100000 substances diffusées dans le monde sont répertoriées, dont seulement un tout petit nombre a fait jusqu'ici l'objet d'études toxicologiques et épidémiologiques sérieuses.
Les capacités scientifiques disponibles en France dans ce domaine ne sont pas nulles, mais elles sont dispersées dans un grand nombre d'institutions universitaires, de recherche, ou d'appui technique. Les moyens publics de mobilisation de ces capacités n'existent pas; de ce fait, le dispositif est inorganisé et lacunaire. On manque soit de données de terrain sur l'évolution de la qualité des milieux, soit de données d'exposition humaine, soit de modèles, soit de capacité d'expertise... En outre, certaines spécialités scientifiques sont insuffisamment développées, comme la toxicologie, l'éco-toxicologie, l'expologie et l'épidémiologie.
Aujourd'hui les citoyens s'interrogent, sont inquiets, ils exigent d'être informés. Combien d'usagers ont entendu parler des éthers de glycol, substances chimiques présentes dans de nombreux produits de la vie courante comme les cosmétiques ou la peinture? Les risques ne se limitent pas à l'usage, et peuvent perdurer dans l'environnement. Ainsi, la peinture, lorsqu'elle contient du plomb, est à l'origine du saturnisme, dont sont victimes les enfants qui vivent dans des logements dégradés.
D'ailleurs, ce sont bien souvent les plus fragiles, les moins favorisés socialement et économiquement qui sont les premières victimes des pollutions. La maîtrise des risques sanitaires environnementaux constitue donc un impératif de justice sociale autant que de santé publique. C'est la logique qui anime la prévention, elle doit permettre de rétablir une égalité devant la santé.
Si la recherche du risque zéro est utopique à proprement parler, il est de la responsabilité des décideurs politiques d'ouvrir largement et régulièrement le débat sur une définition, qui ne peut être que collective, des "risques minimaux acceptables", techniquement et socialement. Le concept de sécurité sanitaire impose et doit devenir un droit commun, comme le sont les notions de sécurité civile, de sécurité alimentaire ou de sûreté des produits de santé.
Cette logique de prévention est d'autant plus légitime que la question des risques sanitaires liés à l'environnement se pose désormais pour l'ensemble de la population, exposée dans son activité professionnelle, comme dans son activité privée, aux substances présentes dans l'air extérieur et intérieur, l'eau, les aliments, les matériaux et les autres produits de consommation courante.
Notre environnement quotidien s'est radicalement transformé. 80 % de la population vivra bientôt dans les villes où elle se trouve confrontée à la multiplication des expositions environnementales. L'être humain possède une capacité accrue à générer de nouveaux facteurs de risques, ceux-ci pouvant être introduits directement dans son milieu de vie, souvent par la pollution des milieux naturels :
- pollution de l'air liée aux gaz d'échappement, aux fumées industrielles, aux micro-particules;
- pollution des zones humides et des nappes phréatiques par les activités agricoles, épandage d'engrais, pesticides, sans oublier les rejets industriels;
- pollution liée aux décharges et à la gestion des déchets, quelle que soit la nature de ceux-ci : déchets ménagers, industriels...;
- nouveaux risques non contrôlés comme ceux liés au développement des organismes génétiquement modifiés.
Mais aussi du fait de la modification de son mode de vie avec l'utilisation des substances chimiques dans les divers compartiments de l'activité économique (agriculture, industrie, transport, habitat...). D'autant que la grande rapidité des modifications apportées à l'environnement met à l'épreuve les capacités d'adaptation de l'homme. Face à cette situation, la médecine curative est, en dépit de ses progrès, largement impuissante.
Or, quelles leçons avons-nous tirées de l'expérience? La nocivité de l'amiante est connue depuis le début du siècle et ce n'est que dans les années 90 que son interdiction a été réellement imposée. Les chiffres les plus alarmants sont connus des scientifiques. Il est de notre devoir d'en tirer des conclusions en termes de politiques publiques.
La prise de conscience de tous ces problèmes débouche sur un concept, celui de "sécurité environnementale", qui tend à prendre de plus en plus de place dans l'esprit de nos concitoyens, et doit donc être une préoccupation majeure des responsables politiques.
Les débats qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale en 1998 en sont le témoignage. A l'initiative d'André Aschieri et de Jean-François Mattei, l'article 13 de la loi du 1er juillet 1998, voté à l'unanimité, prévoyait la remise d'un "rapport sur l'opportunité et la faisabilité de la création d'une agence de sécurité sanitaire de l'environnement".
Cette proposition d'une agence santé-environnement s'inscrivait dans la continuité de travaux et de rapports fondamentaux tels que ceux de Jean-François Mattei, Jean-Yves Le Déaut, Alain Deniel, Claude Got.
Six mois plus tard, le rapport corédigé par André Aschieri et Odette Grzegrzulka, remis au Premier ministre, mettait en lumière l'accroissement des risques liés de façon patente à l'environnement. Il explique qu'entre le début et la fin de notre siècle, les enjeux sanitaires ont considérablement évolué : aux Etats-Unis, entre 1900 et 1991, la mortalité par pathologies infectieuses est passée de 32 % à 5 %, tandis que celle due aux cancers progressait de 4 % à 30 %. Une évolution similaire a été observée dans l'ensemble des pays développés.
De manière plus spécifique, on constate en France une augmentation de 67 % des lymphomes et de 46% des tumeurs du cerveau depuis 10 ans. Une évolution aussi rapide sur une période de temps aussi courte ne peut s'expliquer par la seule action des facteurs d'hygiène de vie ou par la responsabilité de facteurs génétiques mais plaide pour l'implication de facteurs environnementaux, notamment liés aux substances chimiques.
En France, comme l'a montré l'étude menée par la Fédération des registres des cancers en 1998, l'incidence du cancer a progressé de 20% entre 1975 et 1995. Pour certains cancers, dont on sait qu'ils n'ont pas de lien avec le tabagisme ou l'alcoolisme, comme les cancers du cerveau ou les cancers du sein, la progression est respectivement de 80 % et de 60 %. Le cancer est devenu la première cause de mortalité prématurée.
Le vieillissement de la population n'est pas une explication satisfaisante car l'incidence des cancers de l'enfant est en augmentation constante (plus 1% par an aux Etats-Unis depuis 20 ans). D'autres pathologies chroniques sont en progression comme l'asthme, notamment chez l'enfant, les affections du type maladie d'Alzheimer, les allergies ou les atteintes à la reproduction.
Le cas des populations migrantes (étude de Doll et Peto), qui adoptent en moins de deux générations le profil des cancers de leur pays d'accueil, confirme cette présomption.
L'Union européenne l'a affirmé dans une déclaration de 1991 : "la connaissance des effets des facteurs environnementaux sur la santé et l'information les concernant sont des éléments à prendre en compte dans l'élaboration d'une politique de santé".
L'exemple du passé constitue un triste bilan. Il doit également tenir lieu d'avertissement politique. La responsabilité pénale des hommes politiques est en jeu. Elle le sera davantage encore à l'avenir. Hier, nous étions "responsables mais pas coupables" car nous ne savions pas. Demain, alors que nous avons connaissance des risques, nous serons responsables et coupables, si nous ne faisons rien.
Le Premier ministre, convaincu par ces arguments, a proposé le 30 juin 1999 qu'une "Agence santé-environnement" soit créée l'année suivante. Tel est l'objet de cette proposition.

Eviter les crises par une mise en _uvre des principes
et des moyens de la sécurité sanitaire

Cinq principes doivent guider la réforme que nous proposons :
- Il s'agit de tenir compte de toutes les formes de lien possibles entre l'environnement et la santé, c'est-à-dire de tirer les conclusions politiques d'une approche globale de la prévention sanitaire et environnementale : surveiller et connaître les perturbations de l'environnement et les expositions des populations. Pour cela, il faut retenir une définition large de l'environnement qu'il soit intérieur ou extérieur, professionnel ou domestique; qui prenne en compte la transversalité et la complexité des cheminements des facteurs de risques dans l'environnement.
- Un dispositif efficace d'anticipation doit permettre de hiérarchiser les risques, d'éviter aussi bien des considérations financières ou économiques pouvant conduire au blocage des décisions urgentes comme l'interdiction de produits.
- Il est également nécessaire de poser un impératif en matière de sécurité sanitaire : le principe de séparation des fonctions d'évaluation et de gestion. Les niveaux de la gestion du risque (politique et administratif) et de l'évaluation du risque (expertise scientifique des dangers) doivent être bien distincts. D'une part pour que les impératifs de gestion, qu'ils soient privés ou publics, ne puissent pas entraver la recherche scientifique dans son travail de détection des risques et de publication des résultats. D'autre part parce que la responsabilité de conception et de mise en _uvre des politiques (prévention, information des populations...) n'appartient pas aux chercheurs ou aux experts. C'est du fait de cette nécessité de séparation des compétences et des responsabilités que le système d'agences indépendantes est préféré.
- La plus grande transparence doit être de règle dans la gestion des connaissances et de l'information. Le secret industriel et/ou les modalités de financement des expertises d'évaluation ne doivent plus être des obstacles à l'accès à l'ensemble des données pour l'ensemble des acteurs, institutions, experts, associations, citoyens, condition d'un débat équilibré et contradictoire.
- Ce nouveau dispositif doit permettre de faire entrer le principe de précaution dans nos pratiques comme il est inscrit dans nos lois. Ce principe ne peut être mis en _uvre de manière effective que s'il s'appuie sur un dispositif public opérationnel.
Enfin, la prise en compte de la dimension européenne est essentielle. Les pollutions sont le plus souvent transfrontières (pollution de l'air, de l'eau...), les facteurs de risques peuvent être commercialisées dans toute la Communauté européenne, et leur nombre est tel (1885 substances chimiques importées ou produites à plus de mille tonnes en Europe) qu'il est indispensable que la France dispose d'un tel outil et des moyens lui permettant de s'insérer dans les procédures existantes. Même pour les plus utilisés, les données de base sont manquantes (seulement 7 % selon une étude récente de l'Agence américaine de protection de l'environnement).

DESCRIPTION DU DISPOSITIF
Titre 1
Veille et alerte sanitaire et environnementale

Le Comité national de la sécurité sanitaire.
La participation du ministre chargé de l'environnement au Comité national de sécurité sanitaire (CNSS) s'impose pour favoriser la collaboration interministérielle indispensable à la définition d'une politique et d'orientations stratégiques dans le champ santé et environnement.
La présence de ce ministre dans les travaux du CNSS fait de lui un membre permanent de cette instance, au même titre que les ministres exerçant une tutelle sur un des établissements créés par la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme. Ainsi, les préoccupations et les conséquences environnementales enrichiront les discussions du CNSS. Cette proposition doit aussi permettre de coordonner les initiatives en matière de sécurité sanitaire environnementale avec celles menées dans les autres domaines de la sécurité sanitaire.
Pour renforcer cette coordination, nous proposons que soit examinée l'attribution au ministre chargé de l'environnement d'une co-tutelle sur l'Agence de sécurité sanitaire des aliments.

Titre 2
L'Agence

La création d'une Agence française de sécurité sanitaire environnementale doit permettre l'organisation, le développement et la coordination de l'évaluation des risques.
L'identification de l'impact de l'environnement sur la santé impose une connaissance de tous les milieux, qu'ils soient naturels ou anthropiques, prenant en compte tant les produits chimiques que les agents physiques, les rayonnements ionisants ou non ionisants (ondes électromagnétiques) et le bruit. L'agence doit exercer sa compétence aussi bien en matière de construction, d'innocuité industrielle, d'installations classées au titre de l'environnement, ou de sécurité au travail, que de pollution de l'air, de l'eau, des sols et des écosystèmes; en résumé de tout ce qui est susceptible d'affecter la santé de l'homme.
On aurait pu imaginer de regrouper dans l'agence les laboratoires et les équipes compétentes actuellement réparties dans diverses institutions. Mais la diversité des statuts des organismes, des personnels et les pertes de cohérence qu'entraînerait une telle réorganisation font opter pour une formule plus souple, permettant de mobiliser et de fédérer ces compétences. L'agence proposée aujourd'hui évoluera ultérieurement vers une formule plus intégrée si la dynamique ainsi créée le justifie.
L'agence devra posséder les moyens de mobiliser une capacité d'expertise en matière d'évaluation des risques sanitaires. Pour ce faire, elle devra savoir où se trouvent les informations utilisables et s'assurer de l'efficacité du dispositif de surveillance environnementale. Elle utilisera les résultats de la recherche et mènera, financera ou suscitera de nouveaux programmes en fonction des questions soulevées par la démarche d'évaluation. Elle assurera de la cohérence et de la continuité dans le suivi des pollutions des milieux, et des expositions auxquelles l'homme est confronté en passant des commandes aux organismes compétents.
Pour ce faire, elle devra disposer d'une capacité scientifique d'expertise et de synthèse propre, et des moyens administratifs et financiers pour construire un partenariat contractuel avec les établissements publics, les universités, et éventuellement les entreprises et bureaux d'études concernés.
L'attente du public a été clairement identifiée par la mission parlementaire. Il est nécessaire de proposer une structure aux contours nets, bien identifiée par le grand public, qui soit capable de couvrir en s'appuyant sur le réseau qu'elle aura constitué tous les problèmes sanitaires liés à l'environnement. Elle devra savoir en propre qui sait, et être capable de faire savoir ce qui est connu en matière de danger, comme les incertitudes. Sa mission doit couvrir tous les risques sanitaires environnementaux, qu'ils proviennent des milieux naturels pollués, de l'habitat, des substances ou des matériaux, de l'air intérieur et extérieur ou des expositions pathogènes. En cas d'incertitude, l'Agence doit pouvoir susciter le débat public en amont des décisions.
Elle accompagnera son action par un développement structuré de collaborations associant les différentes compétences présentes sur le territoire français, en particulier à travers des pôles régionaux de recherche et d'expertise.
Compte tenu de ses compétences, et des missions qui lui sont confiées, cette Agence doit être placée sous la tutelle des ministres chargés de l'Environnement et de la Santé.
A terme, et au regard de son importance, le champ des risques professionnels pourrait faire l'objet d'une intégration en coordination avec le ministère du travail.
Enfin, elle est cohérente avec l'approche communautaire, puisque des directives récentes imposent une évaluation globale des risques, pour les consommateurs, les travailleurs et l'environnement. L'agence pourra être l'interlocuteur des autorités communautaires dans des procédures de reconnaissance ou d'autorisation de mise sur le marché de certaines substances chimiques.
Compte-tenu de ces observations, nous vous prions, Mesdames et Messieurs, de bien vouloir adopter la proposition suivante.

PROPOSITION DE LOI
TITRE Ier
VEILLE ET ALERTE SANITAIRES
ET ENVIRONNEMENTALES

Article premier

I. - Dans la deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 796-1 du code de la santé publique, après les mots : "veille sanitaire", sont insérés les mots ", de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale".
II. - Dans le deuxième alinéa de ce même article, après les mots : "veille sanitaire", sont insérés les mots : ", de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale".
III. - Dans le deuxième alinéa de ce même article le mot : "deux", est remplacé par le mot : "trois".

TITRE II
AGENCE FRANÇAISE
DE SÉCURITÉ SANITAIRE ENVIRONNEMENTALE

Article 2

Le livre VIII du code de la santé publique est complété par un chapitre VIII bis, ainsi rédigé :

"Chapitre VIII bis
"Agence française de sécurité sanitaire environnementale
"Section I
"Missions et prérogatives

"Art. L. 797-1. - Il est créé un établissement public de 1'Etat dénommé "Agence française de sécurité sanitaire environnementale". Cet établissement est placé sous la tutelle des ministres chargés de l'Environnement et de la Santé.
"Son champ de compétences couvre les risques sanitaires résultant des perturbations des milieux et de l'environnement naturel, du travail et de la vie quotidienne provoquées par les substances et nuisances de toutes sortes.
"Dans le but de renforcer et de rendre plus cohérent le dispositif national d'évaluation des risques que les perturbations de l'environnement font peser sur la santé humaine, l'agence a pour mission :
"1° De donner au Gouvernement l'expertise et l'appui scientifique et technique nécessaires, notamment pour l'élaboration et la mise en _uvre des dispositions législatives et réglementaires, des règles communautaires et des accords internationaux relevant de son domaine de compétence;
"2° De procéder ou faire procéder à toute expertise, analyse ou étude nécessaires, en prenant appui sur les services et établissements publics compétents, avec lesquels elle noue des relations contractuelles de partenariat durable;
"3° De coordonner l'intervention des services de l'Etat et des établissements placés sous leur tutelle qui interviennent dans son domaine de compétence;
"4° De définir, financer des programmes de recherche scientifique et technique ou inciter à leur développement. A cette fin, elle s'assure le concours d'organismes de recherche ou de développement, d'universités ou d'autres établissements compétents ou de personnes physiques.
"Art. L. 797-2 - En vue de l'accomplissement de ses missions, l'agence :
"1° Peut être saisie par les services de l'Etat ou les établissements publics ou peut se saisir de toute question entrant dans son domaine de compétence. Elle peut également être saisie par les représentants des collectivités territoriales ou des scientifiques, par les associations agréées, dans des conditions définies par décret;
"2° Organise un réseau entre les organismes disposant des capacités d'expertise scientifique dans ce domaine;
"3° Recueille les données scientifiques et techniques nécessaires à l'exercice de ses missions; elle a accès aux données collectées par les services de l'Etat ou par les établissements publics placés sous leur tutelle et est destinataire de leurs rapports et expertises qui entrent dans son domaine de compétence;
"4° Propose, en tant que de besoin, aux autorités compétentes toute mesure de précaution ou de prévention d'un risque sanitaire lié à l'état de l'environnement;
"5° Est consultée sur les programmes de contrôle et de surveillance sanitaires liés à l'environnement mis en _uvre par les services compétents de l'Etat et sur les méthodes de contrôle utilisées;
"6° Rend publics ses avis et recommandations, en garantissant la confidentialité des informations couvertes par le secret industriel et nécessaires au rendu de ses avis et recommandations;
"7° Peut mener toute action d'information ou toute action de formation et de diffusion d'une documentation scientifique et technique se rapportant à ses missions;
"8° Etablit un rapport annuel d'activité adressé au Gouvernement et au Parlement. Ce rapport est rendu public.

"Section 2
"Organisation, fonctionnement et ressources

"Art. L. 797-3. - L'agence est soumise à un régime administratif, budgétaire, financier et comptable et à un contrôle d'Etat adapté à la nature particulière de sa mission, définis par décret en Conseil d'Etat. Elle dispose des moyens nécessaires pour assurer ses missions d'expertise publique et d'évaluation."

Article 3

L'agence française de sécurité sanitaire environnementale remet au Gouvernement, dans un délai de deux ans, à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, un rapport sur la rationalisation du système national d'expertise dans son domaine de compétence.

TITRE III
DISPOSITIONS DIVERSES
Article 4

I. - Dans le sixième alinéa du I (2°) de l'article L. 792-1 du code de la santé publique, après les mots : "article L. 793-1", sont insérés les mots : "et l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale".
II. - Au IV de ce même article, les mots : "ministre chargé de la Santé" sont remplacés par les mots : "Ministres chargés de la Santé et de l'Environnement".

Article 5

Aux articles 3, 4 et 11 de la loi n° 96-1236 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie du 30 décembre 1996, les mots : "Conseil supérieur d'hygiène publique de France" sont remplacés par les mots : "Agence française de sécurité sanitaire environnementale.

Article 6

L'aggravation des charges de l'Etat, qui pourrait résulter de la mise en _uvre des dispositions prévues ci-dessus est compensée par une augmentation à due concurrence des droits de consommation sur les tabacs prévus aux articles 575 et 575A du Code général des impôts.


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