N° 2756
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 novembre 2000.
PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE
relative à l'organisation des élections présidentielles et législatives.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, a défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée
par M. Hervé de CHARETTE,
Député.

Elections et référendums.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Dans sa conférence de presse du 31 janvier 1964, le général de Gaulle tirait les enseignements des premières années de fonctionnement des institutions de la Ve République en rappelant quel était leur esprit et quelle devait être leur pratique : « l'esprit de la Constitution nouvelle consiste, tout en gardant un Parlement législatif, à faire en sorte que le pouvoir ne soit plus la chose des partisans, mais qu'il procède directement du peuple, ce qui implique que le chef de l'Etat, élu par la nation, en soit la source et le détenteur... II ne semble pas que depuis qu'elle s'applique cette conception ait été méconnue par les responsables, ni rejetée par le peuple, ni infirmée par les événements ».
Pour la première fois sous la Ve République, les événements pourraient justement venir infirmer cette conception d'un président situé au-dessus des partis et tirant sa légitimité de la seule élection au suffrage universel direct.
Si le calendrier électoral est strictement respecté, les prochaines élections législatives auront en effet lieu avant l'élection présidentielle.
L'article L.O. 121 du code électoral dispose que les pouvoirs de l'Assemblée nationale expirent le premier mardi d'avril de la cinquième année qui suit son élection. L'article L.O. 122 précise que les élections générales ont lieu dans les soixante jours qui précèdent l'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale. Il résulte de la combinaison de ces deux articles que les pouvoirs de l'Assemblée élue en 1997 expireront le mardi 2 avril 2002. Les élections auront donc lieu au plus tôt le dimanche 3 février 2002, et au plus tard le dimanche 31 mars 2002.
Les arguments qui militent en faveur du report des élections législatives après les élections présidentielles sont nombreux.
On peut tout d'abord imaginer que les candidats à l'élection présidentielle se seront déjà déclarés lors de la campagne pour les élections législatives. L'interférence des deux campagnes sera préjudiciable à l'une comme à l'autre des deux fonctions, exécutive et législative.
Il ne paraît pas ensuite conforme à l'esprit des institutions de la Ve République que le Premier ministre, issu de la nouvelle majorité parlementaire, soit nommé par un président dont le mandat prendra fin quelques semaines après. La logique des institutions, c'est, comme le rappelait Michel Debré dans son discours devant le Conseil d'Etat du 27 août 1958, « un chef de l'Etat et un Parlement séparés, encadrant un gouvernement issu du premier et responsable devant le second ». Autrement dit, le respect d'une chronologie qui fait de l'élection présidentielle le moment fort de la vie politique et dont dépendent les élections législatives.
Par deux fois sous la Ve République, les élections présidentielles et législatives ont eu lieu la même année. En 1981 comme en 1988, il s'est agi de tirer les conséquences d'une situation dans laquelle la majorité présidentielle nouvellement élue était différente de la majorité parlementaire du moment. La concordance des majorités présidentielle et parlementaire correspond au fonctionnement normal de nos institutions . En tout état de cause, c'est toujours la seconde qui doit procéder de la première et non l'inverse. Les précédents de 1981 et 1988 nous montrent que l'ordre des élections, présidentielles suivies des législatives, garantit mieux la cohérence de la majorité. Le respect du calendrier actuel assurerait cette cohérence dans le seul cas où le président, nouvellement élu, serait de la même majorité que celle issue des élections législatives. Or, qui peut aujourd'hui le prévoir ? S'il en était autrement, le nouveau président serait amené soit à dissoudre une Assemblée élue deux mois auparavant, soit à institutionnaliser la cohabitation.
Ainsi que l'indiquait Georges Pompidou dans sa conférence de presse du 10 juillet 1969, « à la fois chef suprême de l'exécutif, gardien et garant de la Constitution, le chef de l'Etat est à ce double titre chargé de donner les impulsions fondamentales, de définir les directions essentielles et d'assurer et de contrôler le bon fonctionnement des pouvoirs publics ; à la fois arbitre et premier responsable national ». Comment imaginer qu'un président élu dans la foulée de l'Assemblée nationale puisse assumer cette double mission ? Elire les députés avant le président revient à transférer le pouvoir d'impulsion et le devoir de direction du président de la république vers la majorité parlementaire, c'est-à-dire vers le Premier ministre qui en est le chef.
Compte tenu des conséquences que le respect du calendrier actuel auront nécessairement sur l'esprit des institutions, il est inenvisageable que le Parlement ne se saisisse pas de ce débat dans les meilleurs délais. S'il a lieu dès maintenant, largement plus d'un an avant ces deux échéances, ce débat portera sur le fonds du problème sans arrière-pensée. Seuls les aspects institutionnels et juridiques pourront être valablement avancés. A contrario, s'y intéresser trop près de l'élection donnerait à cette question une tournure politicienne que nos concitoyens condamneraient.
C'est pourquoi, afin de préserver l'esprit des institutions de 1958 et d'assurer l'efficacité politique du pouvoir exécutif, il vous est proposé d'inscrire, dans le code électoral, l'ordre des élections présidentielles et législatives pour les circonstances où, à six mois d'intervalle, les élections législatives précédent les élections présidentielles.
Telles sont les raisons pour lesquelles il vous est demandé de bien vouloir adopter la présente proposition de loi organique.


PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE
Article unique

Il est inséré, au titre II du code électoral, un article L.O. 122-1 ainsi rédigé :
« Par dérogation aux articles L.O. 121 et L.O. 122, lorsque les élections générales doivent avoir lieu dans les six mois qui précédent l'élection du Président de la République, elles sont organisées dans les quarante-cinq jours qui suivent cette dernière élection. »
2756 - Proposition de loi organique de M. Hervé de Charrette relative à l'organisation des élections présidentielles et législatives (commission des lois).


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