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Assemblée nationale

commission élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission des affaires culturelles et de l’éducation

(Application de l’article 120 du Règlement)

Mardi 21 octobre 2014

Présidence de Mme Éva Sas,
vice-présidente de la commission des finances,
et de M. Patrick Bloche,
président de la commission
des affaires culturelles.

La réunion de la commission élargie commence à vingt et une heures trente.

projet de loi de finances pour 2015

Enseignement scolaire

Mme Eva Sas, présidente. Madame la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, nous sommes réunis en commission élargie afin de vous entendre sur les crédits du projet de loi de finances pour 2015 consacrés à la mission « Enseignement scolaire ».

Après l’intervention de Patrick Bloche, nous donnerons la parole aux rapporteurs des deux commissions, pour cinq minutes chacun, et vous pourrez alors répondre à leurs questions, madame la ministre. S’exprimeront ensuite les orateurs des groupes. Enfin, tous les députés qui le souhaitent pourront vous interroger. Les temps d’intervention sont limités à deux minutes.

M. le président Patrick Bloche. Je sais d’emblée que nos échanges seront denses et dynamiques. Nous vous avons auditionnée il y a peu de temps, madame la ministre, ce qui nous a permis d’examiner au fond les grandes orientations que vous conduisez à la tête de ce grand ministère que vous êtes la première femme à diriger – il est important de le rappeler.

Vous êtes une ministre heureuse et nous sommes heureux avec vous de constater qu’avec une hausse de ses crédits de plus de un milliard d’euros, ce budget répond incontestablement, pour la seconde année consécutive, à l’ambition de la loi d’orientation et de programmation du 9 juillet 2013 pour refondation de l’école, avec la création de 9 561 postes en 2015, l’amélioration de l’accompagnement des élèves, la remise en place de la formation des enseignants, la réforme de l’éducation prioritaire.

Pour la première fois depuis longtemps, le budget de l’éducation nationale redeviendra, en 2015, le premier budget de la nation. C’est dire combien la priorité est donnée à l’avenir du pays à travers les générations montantes.

M. Alain Fauré, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. La mission « Enseignement scolaire » est redevenue premier budget de la nation ; ses crédits s’accroissent en 2015 de 2,03 % en autorisations d’engagement, avec 64,93 milliards d’euros, et de 2,44 % en crédits de paiement, avec 65,01 milliards d’euros – pensions incluses bien sûr.

Seront créés 9 561 postes dont 5 734 d’enseignants et 144 dans l’enseignement technique agricole.

Les orientations fermes et innovantes qu’a su donner le Président de la République dès la rentrée 2012 sont ainsi confirmées, qu’il s’agisse de la priorité donnée au primaire, de l’accueil des enfants en situation de handicap, de l’éducation prioritaire, de l’importance accordée à la formation des enseignants ou encore de l’ouverture au numérique. Ces orientations étaient également celles de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école que nous avons votée l’année dernière et dont ce budget est une traduction.

Les données chiffrées correspondant à ces évolutions très positives figurent dans le document écrit qui vous a été distribué. Laissez-moi avant tout, madame la ministre, saluer vos premières actions.

Au-delà de l’aridité des chiffres, je souhaite vous interroger sur les objectifs, la logique de la politique d’éducation nationale, la mission dévolue aux encadrants. Notre système nous apparaît, en effet, parfois exagérément fondé sur la notation, la sélection, la sanction. Il me semble qu’il faut dégager une nouvelle vision forte fondée sur une notation qui stimule et non qui décourage, sur l’accompagnement, sur la bienveillance. Ce terme, vous le retenez vous-même : il figure à la page 12 du projet annuel de performances. Je pourrais citer ainsi l’exemple de chefs d’établissement et d’enseignants qui ont obtenu des résultats tout à fait convaincants, en agissant prioritairement de cette manière. Quelle est votre analyse ?

Alors que se déroule la consultation nationale sur le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, qui définit les éléments que doit acquérir chaque élève au cours de sa scolarité obligatoire, pourriez-vous faire le point sur plusieurs grandes réformes annoncées : où en est-on de celle des « cycles et des socles », pour reprendre le mot d’un de vos prédécesseurs, M. Vincent Peillon, de celle des programmes, de la réforme du collège ? Pouvez-vous nous donner des informations sur le plan d’ensemble pour le numérique éducatif annoncé par le Président de la République ?

L’école, dites-vous, doit être inclusive et nous nous efforçons d’accueillir et de prendre en charge tous les enfants, ceux en particulier qui sont en situation de handicap. L’échec scolaire reste pourtant un « point dur » de notre système éducatif ; les phénomènes d’absentéisme, de décrochage interrogent les responsables que nous sommes. Nous devons les combattre plus vigoureusement. Une question souvent oubliée reste celle des enfants intellectuellement précoces qui connaissent souvent des difficultés scolaires. Quelle est, là aussi, votre analyse ?

La loi pour la refondation de l’école a prévu la création des écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE) mises en place à la rentrée 2013. Nous savons tous l’importance de « l’effet maître » sur les élèves et la nécessité d’avoir des enseignants bien formés. Quelles informations pouvez-vous nous donner sur le fonctionnement des ESPE ? Quelle place feront-elles à l’enseignement de la pédagogie, du numérique éducatif, aux disciplines scientifiques, techniques et industrielles, insuffisamment prises en compte ?

En ce qui concerne l’école primaire, priorité de l’action gouvernementale, nous soutenons la réforme des rythmes scolaires et sommes d’accord pour estimer, comme il est indiqué sur le site de votre ministère, que « la semaine avec cinq matinées, c’est mieux pour les écoliers ». Quel bilan pouvez-vous dresser de l’application de cette importante réforme ?

Pour l’enseignement technique agricole, les efforts des années précédentes sont poursuivis et 165 postes, dont 140 d’enseignants, sont créés, en conformité avec les engagements du Président de la République. Deux questions néanmoins : comment développer les indispensables mutualisations entre l’enseignement scolaire et l’enseignement agricole ? En effet, des marges importantes existent encore en la matière. L’enseignement agricole, qui sait accompagner les élèves et les insérer dans le milieu professionnel, mais qui souffre d’une diminution de ses effectifs, ne devrait-il pas davantage être préconisé dans le cadre des orientations scolaires ? Serait-il possible qu’une convention soit passée entre les deux systèmes éducatifs afin de les rapprocher ?

Enfin, la politique d’éducation prioritaire est au cœur de l’esprit républicain. Pourtant, malgré une dépense en faveur de l’éducation en croissance chaque année, malgré les efforts menés à travers le plan pluriannuel « Éducation prioritaire », malgré la politique revivifiée en faveur des réseaux d’éducation prioritaire dans l’enseignement du premier degré, cette politique reste peut-être à redéfinir et à amplifier. Quelle est, là encore, votre analyse ?

Mme Sylvie Tolmont, rapporteure pour avis pour l’enseignement scolaire, de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Comme le rapporteur spécial, je me félicite de ce projet de budget conforme aux ambitions de la loi pour la refondation de l’école que nous avons adoptée l’an dernier. Il faut mesurer les efforts accomplis depuis le vote du collectif budgétaire qui a suivi les élections de 2012, et je ne citerai qu’un seul chiffre : selon le ministère de l’éducation nationale, le nombre de classes primaires ouvertes depuis ce changement d’orientation est égal à 3 000.

Par ailleurs, je tiens à saluer le lancement de la réforme de l’éducation prioritaire et de son zonage, avec la préfiguration, à l’occasion de cette dernière rentrée scolaire, des 102 réseaux d’établissements choisis parmi les plus difficiles (REP). Les enseignants de l’éducation prioritaire disposeront d’un temps dédié pour se concerter ou recevoir les parents – soit neuf jours par an dans les écoles ou une heure trente par semaine environ dans les collèges – et, dans les établissements relevant des REP+, de trois jours annuels de formation. Ils bénéficieront en outre d’une revalorisation très significative à compter de la rentrée 2015, soit une augmentation des indemnités actuelles de 50 % en REP et de 100 % en REP+. Enfin, les établissements de l’éducation prioritaire mobiliseront un grand nombre de postes créés l’année prochaine, soit 1 100 dans le premier degré, 881 dans le second degré et 100 postes de personnels de santé ou sociaux.

Mon avis sur les crédits proposés pour l’enseignement scolaire ne pourra donc qu’être favorable.

J’évoquerai à présent le thème d’investigation que j’ai choisi cette année, conformément aux usages de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, et qui n’est pas sans lien avec l’éducation prioritaire. Il s’agit de la situation des sections d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) et des établissements régionaux d’enseignement adapté (EREA) à l’heure de la refondation de l’école. Ces structures qui scolarisent, à partir de la classe de sixième, un peu plus de 100 000 élèves n’ont pas bonne réputation et sont peu connues des responsables publics.

Elles dérogent très clairement au principe de l’école inclusive posé par la loi du 8 juillet 2013 pour la refondation de l’école de la République, c’est-à-dire au droit pour chaque enfant, même lorsqu’il a des besoins particuliers, d’être scolarisé dans les mêmes conditions que les autres élèves et avec eux. En outre, le cycle CM1-CM2-6e prévu par la loi du 8 juillet 2013 remet en question la pertinence d’une orientation vers ces filières à l’issue du CM2. De plus, cette même loi dispose que le redoublement est exceptionnel. Or, jusqu’à ce jour, les textes qui encadrent l’enseignement adapté imposent le maintien de l’élève une année supplémentaire en primaire avant de pouvoir intégrer une SEGPA ou un EREA.

Faut-il pour autant supprimer ces structures ? Je ne le pense pas car l’état actuel du collège ne lui permettrait pas d’accueillir de manière satisfaisante des jeunes qui peuvent se situer « au-delà de la grande difficulté scolaire et psychologique » pour citer les propos d’une enseignante. Je considère même que les SEGPA et les EREA constituent une chance voire un modèle pour l’école d’aujourd’hui car leur organisation leur permet d’offrir un cadre bienveillant à des élèves dont les besoins sont très particuliers. Il s’agit, pour ceux des SEGPA, d’élèves ayant à 84 % redoublé leur CP et issus à plus de 70 % de catégories sociales défavorisées et, pour les élèves d’EREA, de jeunes qui ont souvent été orientés vers ces établissements pour en intégrer l’internat, en réponse à des situations de déshérence familiale.

Or ces structures constituent pour leurs élèves des milieux « protecteurs » et capables de personnaliser la réponse apportée à la situation de chacun d’entre eux. Certes, elles souffrent de certains dysfonctionnements que j’analyse dans le rapport que je présenterai la semaine prochaine. Il faut donc les adapter sans pour autant les dénaturer et je me félicite, à cet égard, de la mise en place au sein du ministère de deux groupes de travail chargés de réfléchir à ces évolutions.

Pour ma part, madame la ministre, je vous interrogerai sur trois points :

D’abord, ne faudrait-il pas favoriser la constitution de groupes mêlant des collégiens et des élèves de SEGPA dans certaines disciplines, cela afin d’éviter « l’assignation » de ces derniers dans une filière « à part » ? Dans le même esprit, il faudrait encourager les retours de ces élèves dans la voie « ordinaire », ce qui suppose que les commissions départementales chargées de l’orientation vers les enseignements adaptés réexaminent chaque année la situation des élèves de SEGPA et d’EREA.

Parallèlement, ne pourrait-on pas supprimer la condition du redoublement, exigée pour intégrer l’enseignement adapté ? Maintenir une année de plus un élève qui est « en souffrance » depuis le CP dans le milieu scolaire dit ordinaire me semble une mesure inutile et coûteuse.

Enfin, en ce qui concerne les EREA dotés d’un internat, leur maintien me paraît indispensable, même lorsque le collège sera devenu réellement « inclusif ». Le savoir-faire souvent remarquable de leurs équipes enseignantes devrait être d’ailleurs mis à contribution par les ESPE. Aussi ne pourrait-on pas faire des EREA les plus en pointe des centres d’innovation et de formation sur la prise en charge d’élèves en grande difficulté ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je me réjouis de vous présenter un budget en augmentation – de plus de un milliard d’euros : ce n’est pas anodin. Il devient ainsi le premier budget de la nation. C’est une source de fierté pour tous ceux qui pensent que beaucoup se joue à l’école.

Les questions posées par le rapporteur spécial recouvrent nos ambitions pour l’école. Nous avons des réformes importantes à conduire cette année : réforme des programmes, réforme du collège, réforme de l’évaluation.

Tout démontre que l’une des raisons pour lesquelles notre système scolaire n’est pas suffisamment performant, c’est son déterminisme social, c’est le fait qu’il conforte les inégalités sociales plus qu’il ne les corrige. Il nous faut chercher jusque dans le moindre détail toutes les raisons qui expliquent ce déterminisme social, les raisons pour lesquelles on ne pousse pas, on n’encourage pas suffisamment les élèves. Ces raisons, nous les trouverons dans les programmes, dans le « socle » – ce qu’on veut que les élèves aient acquis à la fin de leur scolarité pour que cela leur soit vraiment utile dans la vie –, enfin dans la façon dont on les évalue.

Or une comparaison internationale montre vite que notre système de notation, « classant », est assez décourageant, ne permet pas de développer la confiance en soi, l’estime personnelle des élèves et conduit bien souvent à un échec intériorisé. Nous avons par conséquent décidé de lancer un vaste débat à ce sujet – un débat complexe qu’il ne faut surtout pas caricaturer – en nous y prenant d’une façon inédite puisque nous avons lancé une conférence nationale sur l’évaluation des élèves avec la mise en place d’une conférence de consensus, à savoir d’un jury composé de trente personnes : pour moitié des professionnels de l’éducation, enseignants ou non-enseignants, et pour moitié des usagers de l’éducation nationale, parents d’élèves ou lycéens. Elles seront amenées à se retrouver régulièrement, à auditionner des spécialistes, à se rendre compte par elles-mêmes des expérimentations menées ces dernières années pour noter, évaluer autrement, pour donner un autre sens à l’évaluation dans les procédures d’orientation, d’affectation, pour expliquer aux parents d’une autre manière ce que signifie l’évaluation. Ce jury de trente personnes me rendra ses recommandations au mois de décembre afin que je puisse, parallèlement à la réforme des programmes, réformer la façon dont on note.

En ce qui concerne le collège, il convient d’intervenir car les difficultés significatives que rencontrent de nombreux élèves à l’entrée de la classe de sixième ne font que s’aggraver ensuite et montrent que l’organisation n’y est peut-être pas optimale pour leur réussite. Le fonctionnement actuel du collège ne prend pas suffisamment en considération les difficultés des uns et des autres ; la pédagogie n’y est pas suffisamment différenciée et on a beaucoup de mal à « raccrocher » les décrocheurs. Aussi nous faut-il faire de cette étape de la vie scolaire des élèves français un moment où ils peuvent progresser et non pas conforter le retard pris à la fin de l’école primaire. C’est pourquoi nous allons lancer, dès le début de l’année 2015, une réflexion visant à mieux prendre en charge tous les élèves sans pour autant revenir sur le collège unique. Nous voulons un collège plus hétérogène pour que chacun soit pris en compte.

Pour ce qui est des programmes, je me contenterai de vous indiquer un calendrier puisque les nouveaux programmes ne sont pas encore définis, à l’exception de ceux de l’école maternelle, déjà proposés par le Conseil supérieur des programmes (CSP) et que j’adopterai pour qu’ils entrent en vigueur à la rentrée 2015. Les programmes du primaire et du collège seront à leur tour proposés par le CSP et je les adopterai pour la rentrée 2016.

Dès la rentrée 2014, nous allons adopter ce qui donne sens à chacun de ces programmes, à savoir le socle commun. Il s’agit d’une réforme majeure pour laquelle les enseignants ont été consultés. J’en profite pour redire à quel point il est important que les enseignants soient consultés sur ce que l’on souhaite que les élèves aient appris à la fin de leur scolarité obligatoire ; c’est la meilleure façon, en effet, pour les professeurs, de s’approprier ce qu’ils apprennent.

À notre demande, le Conseil supérieur des programmes va nous soumettre des propositions pour l’élaboration d’un parcours d’éducation artistique et culturelle présent tout au long de la scolarité et qui pourra entrer en vigueur à la rentrée 2015.

De la même manière, le fameux programme d’enseignement moral et civique qui, lui, vaudra pour le lycée, entrera également en vigueur à la rentrée 2015, après que le CSP aura livré ses propositions.

J’en viens au numérique. Le ministère de l’éducation partage évidemment les ambitions exprimées par le Président de la République. Contrairement à ce que j’ai pu lire, le numérique n’a pas vocation à remplacer les enseignants ; c’est bien sûr une formidable opportunité certes de moderniser nos pratiques pédagogiques mais surtout de s’adapter aux élèves, de mettre en œuvre des pratiques différenciées qui permettent aux enfants d’une même classe d’avancer à une vitesse différente, de proposer des exercices de nature différente et d’être en interaction et donc de progresser en suivant son chemin personnel.

Au fond, les réformes que je viens de décrire – évaluation, programmes, numérique – ont vocation à faire réussir tout le monde. Nous sommes en effet persuadés que la réussite n’a pas de définition unique et que chacun peut progresser sur son chemin personnel.

Le numérique, censé rendre le système éducatif plus efficace, faire progresser l’égalité, sera introduit de façon systématique en 2016. Il ne s’agira pas seulement pour les élèves de disposer de tablettes mais, encore plus important, de former les enseignants à apprendre aux élèves le numérique ou à apprendre aux élèves par le numérique – on peut apprendre l’anglais, la géographie, les mathématiques par le numérique, moyen de rendre ces matières plus interactives et de faire en sorte que les élèves se les approprient mieux. Le numérique permettra de disposer d’une offre de ressource éducative intégrée dans les tablettes ; autrement dit, les manuels scolaires ne seront pas seulement « scannés » mais la tablette devra offrir des fonctionnalités interactives ludiques nouvelles. En outre, vous ne serez pas insensibles à la dimension industrielle du plan numérique puisque, par définition, ce plan permettra le soutien d’une filière alors que, vous le savez, l’offre anglo-saxonne progresse vite et fortement en la matière.

Vous avez par ailleurs évoqué le cas des enfants intellectuellement précoces. Là encore le système scolaire doit pouvoir s’adapter. Sachez que la circulaire de rentrée de cette année mentionne explicitement la nécessité d’accorder une attention particulière à ces élèves et invite à prévoir les aménagements pédagogiques nécessaires pour les accompagner dans de bonnes conditions. Les parents d’enfants intellectuellement précoces, au cas où l’établissement ne semble pas apporter la réponse adaptée à la situation, doivent se rapprocher des services académiques qui proposeront des solutions particulières. Nous allons mettre en place des ressources pour les enseignants qui s’occupent de ces élèves – je renvoie au site « Éduscol ».

L’une des nouveautés, depuis 2012, est bien la réintroduction de la formation des enseignants tant il est vrai qu’enseigner, cela s’apprend. Nous accueillons cette année 22 000 fonctionnaires stagiaires lauréats du concours. C’est un défi en tant que tel. On pourra toujours considérer que ce dispositif n’est pas totalement satisfaisant, mais je suis très fière que le Gouvernement ait réussi à installer dès la première année ces ESPE, quitte à devoir les améliorer ensuite. Nous avons souhaité les installer au sein des universités parce qu’il nous a semblé très important de les adosser à la recherche pour faire en sorte que les apprentis professeurs puissent très tôt dans leur carrière s’habituer à évaluer leurs pratiques, à voir évoluer leurs connaissances. Cette ambition rend forcément la tâche difficile. La plupart des fonctionnaires stagiaires sont en alternance dans des salles de classe. Nous faisons en sorte que les équipes des universités soient pluricatégorielles, les enseignants-chercheurs des UFR devant participer activement à l’activité de l’ESPE. Le dispositif prend corps et nous l’améliorons en permanence.

Nous avons voulu donner la priorité au primaire car nous pensons que c’est dès le plus jeune âge que les choses se jouent ; et les inégalités et les retards qui apparaissent alors sont ensuite très difficiles sinon impossibles à rattraper. Aussi, la plupart des postes créés, depuis 2012, l’ont été dans le primaire, le dispositif « plus de maîtres que de classes » a été mis en place, on préscolarise les enfants avant l’âge de trois ans. Enfin, cette priorité se traduit par la création de l’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves (ISAE), d’un montant annuel de 400 euros. Nous avons par ailleurs financé 10 000 contrats aidés très utiles au quotidien pour assister les directeurs d’école dans leurs tâches administratives et éducatives.

Vous m’avez demandé, monsieur le rapporteur spécial, quel type de collaboration pouvait être envisagé entre l’enseignement agricole et l’éducation nationale. Cette collaboration est d’ores et déjà étroite : certaines formations sont communes et nous cherchons à mutualiser les bonnes pratiques pédagogiques. Il est vrai, vous l’avez souligné, que l’enseignement agricole connaît un certain nombre de succès et nous souhaitons établir des passerelles entre les deux systèmes. Une convention de partenariat a été signée entre nos deux ministères et, sur le plan national comme sur le plan local, les rendez-vous sont réguliers et nous les associons à tout ce qui concerne la définition des certifications.

J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer l’éducation prioritaire en séance publique. La carte actuelle ne correspond pas forcément à la réalité de la difficulté sociale et mérite une actualisation. Ensuite, l’éducation prioritaire, qui existe depuis le début des années 1980, a donné des résultats mitigés. On pouvait en conclure soit que le principe n’était pas bon, soit que les moyens engagés se révélaient insuffisants. Nous optons pour le second terme de l’alternative. Nous changeons par conséquent la carte et engageons plus de 350 millions d’euros. Les moyens indemnitaires s’en trouveront renforcés pour que les équipes pédagogiques restent plus longtemps dans les établissements, la stabilité des équipes se révélant très importante pour la réussite des projets et des élèves. On formera ainsi davantage les enseignants au sein des établissements d’éducation prioritaire. Enfin, l’accompagnement jusqu’à seize heures trente sera renforcé dans les collèges pour les élèves de sixième afin qu’ils soient vraiment « tutorés ».

En ce qui concerne l’enseignement adapté, les SEGPA permettent vraiment aux élèves de bénéficier de conditions d’apprentissage adaptées à leurs besoins. Ces structures comportent un petit nombre d’élèves, seize au plus, et les enseignants sont des professeurs des écoles spécialisés. Les élèves découvrent le monde professionnel dès la classe de quatrième.

Vous avez raison, madame la rapporteure pour avis, ces structures ne doivent pas être fermées sur elles-mêmes. Je souhaite que l’on s’inscrive dans une logique d’inclusion et c’est pour cela que les élèves des SEGPA doivent pouvoir bien davantage qu’ils ne le font participer, aux côtés de leurs camarades du même âge des classes « ordinaires », à des cours ou des apprentissages qui réuniraient tous les élèves du collège, comme les activités artistiques, les activités physiques et sportives, la technologie.

Pour ce qui est de l’exigence du redoublement pour intégrer l’enseignement adapté, vous connaissez ma position générale : le redoublement va devenir exceptionnel parce qu’on sait qu’il ne constitue pas un moyen efficace de remédier aux difficultés. Il n’y a par conséquent pas de raison que le redoublement reste une condition pour entrer dans une structure d’enseignement adapté. J’ai demandé à mes services d’agir en conséquence.

Enfin, madame la rapporteure pour avis, vous avez évoqué les EREA dotés d’un internat. C’est pour moi l’occasion d’affirmer mon attachement aux internats. Je fais en sorte que dans le cadre du programme d’investissement d’avenir nous puissions en financer plus que par le passé. Les EREA ont une spécificité, un savoir-faire en matière d’encadrement pédagogique et éducatif qui doit pouvoir profiter à tout établissement qui accueille des élèves qui rencontrent les mêmes besoins que ceux des SEGPA.

Mme Eva Sas, présidente. Je vous remercie, madame la ministre ; il revient à présent aux orateurs des groupes de s’exprimer.

Mme Colette Langlade. J’exprime ma satisfaction, partagée par l’ensemble des députés socialistes, de constater que le budget de l’éducation nationale devient le premier poste de dépenses de l’État. C’est la traduction d’une volonté politique que nous ne pouvons que partager. La progression, par rapport à 2014, du budget de l’enseignement scolaire, de 2,4 %, se traduit par des créations d’emplois. Ainsi, les 9 421 postes créés en 2015 dans l’éducation nationale permettront notamment de développer le dispositif dit « plus de maîtres que de classes » dont j’ai pu mesurer les bienfaits dans ma circonscription. Cette hausse répond à des exigences que nous avons fixées au cours de la discussion du projet de loi d’orientation sur la refondation de l’école : création des ESPE, priorité au premier degré, ciblage des zones les plus fragiles et amélioration du climat scolaire.

Si les députés socialistes sont satisfaits de tous ces choix, ils s’interrogent quant à l’avenir du fonds d’amorçage créé pour accompagner les communes dans la mise en place et le développement d’activités périscolaires sportives, artistiques et culturelles. Dans de nombreuses communes, notamment les plus petites, ces fonds ont été un apport essentiel pour la bonne application de la réforme des rythmes scolaires. Notre interrogation porte sur les dispositions de l’article 55 du projet de loi de finances pour 2015 qui limite les bénéfices du fonds d’amorçage aux communes percevant la dotation de solidarité urbaine cible, la dotation de solidarité rurale cible et aux communes d’outre mer.

Nous nous interrogeons également sur le fait que si ces communes fragiles visées par le projet de loi conservent la partie majorée, elles ne toucheront plus le socle de base qui concernait toutes les communes. Les députés socialistes appellent donc votre attention, madame la ministre : de l’abondement et du maintien du fonds d’amorçage pour la réforme des rythmes scolaires dans le premier degré dépend le succès de la réforme pour les années à venir.

M. Xavier Breton. Ce budget est important de par sa masse mais aussi et surtout pour le bon fonctionnement de la société. Mais on ne peut pas en rester, malheureusement, à une approche purement quantitative. On sait que notre système scolaire coûte plus cher que ceux, en moyenne, des pays de l’OCDE et qu’il obtient, malgré cela, de moins bons résultats. C’est donc bien que l’argent public n’est pas dépensé de manière efficiente et qu’il existe des marges de manœuvre comme l’ont d’ailleurs montré de nombreux rapports, comme celui de la Cour des comptes, intitulé Gérer les enseignants autrement et dont l’une des conclusions précisait que « ces résultats insatisfaisants de notre système scolaire ne proviennent ni d’un excès ni d’un manque de moyens budgétaires ou d’enseignants mais d’une utilisation défaillante des moyens existants ». Or le budget que vous proposez ne prend absolument pas cette réflexion en compte.

Ensuite, je reviens sur le fameux article 55 du PLF sur le fonds d’amorçage, dont les dispositions provoquent la consternation parmi les élus locaux. Ce fonds prévoyait en effet, jusqu’à présent, une part fixe de 50 euros par élève pour toutes les communes, et une part majorée de 40 euros par élève pour les communes cibles touchant la dotation de solidarité, qu’elle soit urbaine ou rurale cible. Nous nous rappelons, madame la ministre, les propos de votre prédécesseur qui annonçait, au printemps dernier, pour rassurer des maires légitimement inquiets, que le fonds serait prorogé pour la rentrée 2015-2016. Or nous constatons que la part de 50 euros par élève est supprimée pour toutes les communes. La méthode est particulièrement choquante car les élus locaux comptaient sur cette aide de l’État, aussi bien les élus des communes qui touchaient 50 euros par élève et qui ne percevront plus rien, que ceux des communes bénéficiaires de l’aide majorée de 90 euros et qui ne recevront donc plus que de 40 euros. L’association des maires de France (AMF) chiffre à environ 200 euros par élève le coût engendré par cette réforme des rythmes scolaires. L’article 55 est donc un mauvais coup porté aux communes. L’AMF exprime sa « consternation », l’Association des petites villes de France une « vive inquiétude » et la Fédération des villes moyennes déplore que « l’État revienne sur ses promesses ».

Face au mécontentement des élus locaux, madame la ministre, nous espérons que vous proposerez un amendement pour revenir sur cette mauvaise disposition.

M. Rudy Salles. L’école est le pilier de la République ; elle a toujours eu vocation à être le creuset de l’égalité des chances et le lieu de récompense du mérite. Pourtant, force est de constater que notre système scolaire, s’il garantit l’accès de tous à l’éducation et au savoir, ne parvient toujours pas à conjuguer performance académique et cohésion sociale. L’école peine en effet à corriger l’effet des déterminismes sociaux et à réduire l’écart qui se creuse entre les élèves issus des milieux défavorisés et l’ensemble de la population scolaire. La France se situe au dix-huitième rang seulement de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) pour la performance de ses élèves. Il faut en outre faire face à une crise des vocations et d’attractivité du métier d’enseignant qui souffre d’un manque de reconnaissance.

Afin d’apporter une réponse à ces carences graves, la majorité a privilégié la création de postes dans l’éducation nationale – 60 000 –, ainsi que le prévoyait l’engagement 36 de François Hollande. Cet effort est poursuivi et amplifié avec cet exercice budgétaire qui prévoit la création de 9 561 nouveaux postes pour l’année 2015.

Pour notre groupe, le déploiement de moyens supplémentaires ne signifie pas pour autant que l’école soit en mesure d’assurer la réussite de tous les élèves. En effet, les enseignants représentent 44 % des agents publics employés par l’État et leur rémunération s’élève à 49,9 milliards d’euros en 2011, soit 17 % du budget général de l’État. Le rapport de la Cour des comptes, Gérer les enseignants autrement, rendu public le 22 mai 2013, souligne d’ailleurs que les résultats insatisfaisants de notre école ne proviennent ni d’un excès ni d’un manque de moyens budgétaires ou d’enseignants.

Il était par conséquent indispensable d’engager une réforme d’ensemble des modalités de gestion des personnels enseignants, totalement absente de ce projet de loi de finances. En outre, nous regrettons que ce texte ne réponde pas à la principale difficulté soulevée par la réforme des rythmes scolaires, à savoir, on l’a dit, l’absence d’un financement pérenne. Le fonds d’amorçage pour la réforme des rythmes scolaires, encore une fois, reconduit à la rentrée 2015 au bénéfice des communes les plus fragiles, ne peut constituer une solution satisfaisante. Je rappelle le coût de ce dispositif pour la commune dont je suis l’élu : 7 millions d’euros par an à la charge du contribuable niçois.

L’inquiétude demeure particulièrement importante pour les collectivités territoriales qui doivent financer cette réforme et auxquelles le Gouvernement demande simultanément de contribuer à hauteur de 11 milliards d’euros sur les 50 milliards d’euros d’économies annoncés.

Mme Barbara Pompili. L’augmentation du budget de l’enseignement scolaire prolonge avec cohérence la loi pour la refondation de l’école, c’est un très bon signe. Nous soutenons les grands principes de cette réforme, qu’il s’agisse de la mise en place d’une véritable formation des enseignants, des nouveaux recrutements, de la scolarisation des moins de trois ans, des moyens accrus pour les territoires les plus en difficulté ou encore de privilégier une pédagogie différenciée. Cette politique doit contribuer à la lutte contre les inégalités en donnant aux jeunes les mêmes chances de réussite et d’épanouissement, quelles que soient leurs origines sociales ou leur lieu de résidence.

La réforme des rythmes scolaire doit également contribuer à cet objectif. Mais pour constituer un vrai levier de démocratisation d’accès à la culture, au sport, plusieurs conditions doivent être remplies. Tout d’abord, les activités proposées doivent avoir un réel intérêt pédagogique. Il ne doit pas être permis à des communes de bénéficier de financements si elles organisent une simple garderie. L’autre impératif est la gratuité car il s’agit de s’assurer de l’accessibilité des activités périscolaires à tous quels que soient les moyens de leurs parents. D’où l’inquiétude suscitée par la reconduction partielle du fonds d’amorçage. En cette période de difficultés économiques et alors que les dotations aux collectivités s’apprêtent à baisser, il n’est pas raisonnable de supprimer la part forfaitaire de ce fonds.

J’insisterai par ailleurs sur un autre grand problème : seuls 35 % des élèves en situation de handicap auraient accès aux activités périscolaires. Or l’inclusion doit se faire à tous les niveaux : scolaire, périscolaire et extrascolaire. C’est là un impératif sur lequel il n’est plus possible de tergiverser. Les communes, par la réforme des rythmes scolaires, participent à ce bel enjeu qu’est la refondation de l’école. Il leur faut du temps et des moyens pour mettre en place des dispositifs pérennes.

Je réitère donc notre demande de maintien de ce fonds pour que toutes les communes qui organisent réellement les activités périscolaires puissent en bénéficier.

M. le président Patrick Bloche. Nous allons passer aux interventions des députés inscrits.

M. Yves Durand. Même si je ne vous poserai pas de question sur le fonds d’amorçage, madame la ministre, je m’associe à l’inquiétude exprimée par mes collègues.

J’aborderai pour ma part la question de la formation initiale qui est l’un des piliers de la loi sur la refondation de l’école. Je me félicite qu’elle ait été rétablie après avoir été supprimée – une catastrophe pour l’éducation nationale. C’est pourquoi 220 millions d’euros sont consacrés à cette formation. Reste qu’il n’y a pas que la formation initiale pour les jeunes qui vont entrer dans le métier. Il y a également la formation continue. Or cette dernière a été très souvent, dans le passé, la variable d’ajustement des budgets de l’éducation nationale alors qu’elle est essentielle puisqu’elle touche 60 % des enseignants qui seront handicapés vis-à-vis de leurs élèves si on ne leur permet pas d’en bénéficier.

Quels sont les crédits que vous comptez affecter à la formation continue en dehors des 3,5 millions d’euros consacrés à la formation continue et à l’accompagnement pour l’éducation prioritaire ? Comment faire des ESPE le lieu de la formation continue ?

M. Frédéric Reiss. Je m’étonne d’entendre le rapporteur spécial et certains de ses collègues relever que le budget de l’enseignement scolaire serait enfin redevenu le premier budget de la nation : dette exceptée, c’est la règle depuis de nombreuses législatures.

Depuis la loi Fillon de 2005, la réforme relative au socle commun de connaissances et de compétences commence enfin à porter ses fruits. Je suis heureux de vous entendre, madame la ministre, parler de réforme « majeure ». Je me réjouis de l’objectif premier du programme 140, à savoir : conduire tous les élèves à la maîtrise des connaissances et compétences exigibles au terme de la scolarité primaire. De ce point de vue, pour ce qui est des indicateurs, les prévisions pour 2015 et la cible pour 2017 auraient pu être plus ambitieux.

Vous avez évoqué la continuité entre l’école et le collège. Pouvez-vous nous faire un point sur ce qu’on appelle l’école du socle, notamment en zone d’éducation prioritaire (ZEP).

En ce qui concerne la réforme des rythmes scolaires et la prorogation partielle du fonds d’amorçage, les 7 600 communes relevant de la dotation de solidarité urbaine (DSU)-cible ou de la dotation de solidarité rurale (DSR)-cible pourront encore en profiter et seulement pour un an, ce qui ne sera pas le cas des autres communes. Quant aux financements CAF, ils sont strictement encadrés et échappent à tous les maires n’ayant pas les capacités financières de mettre en place des activités périscolaires avec des animateurs agréés. Cette réforme, je vous l’ai déjà signalé, madame la ministre, est très inégalitaire et pénalise le milieu rural.

Dans le programme 141, j’ai lu avec intérêt les actions pour l’apprentissage. Je suis un peu surpris des chiffres qui y figurent car les contrats d’apprentissage sont en chute libre. L’apprentissage a baissé de 8 % entre 2012 et 2013 et 14 % depuis le début de cette année. le Gouvernement a voulu développer les contrats d’avenir pour faire baisser, sans succès, le chômage, et même si, aujourd’hui, le président Hollande a fixé un objectif de 500 000 apprentis pour 2017, la suppression de l’indemnité compensatrice forfaitaire a été une erreur.

Je vous donnerai une idée simple pour terminer : pour encourager la formation en alternance, pourquoi ne pas prévoir, dans les dossiers d’orientation, une ligne dédiée à l’apprentissage. Le coût en serait nul et l’effet salutaire.

Mme Martine Faure. Je salue ce budget, qui permet la refondation de l’école de la République. La priorité donnée au premier degré est renforcée, conformément à l’esprit de la loi que nous avons adoptée : le dispositif « plus de maîtres que de classes » par exemple pourra ainsi être conforté. L’éducation prioritaire – pour laquelle un budget de 352 millions d’euros est prévu pour l’ensemble du quinquennat – sera réformée. Ces crédits permettront également l’amélioration du climat à l’école, grâce aux postes d’assistantes sociales et de conseillers principaux d’éducation, ainsi qu’aux postes destinés à l’accompagnement du handicap.

Cependant, la réforme de la carte de l’éducation prioritaire suscite des inquiétudes. Vous menez, je le sais, un travail approfondi et méthodique, en concertation avec les rectorats et les élus locaux, pour éviter toute rupture pour les établissements et les enseignants qui sortiraient du dispositif. La mise en place d’une clause de sauvegarde pendant trois ans, le renforcement de moyens en temps et en formation pour les nouveaux établissements sont autant de mesures qui doivent contribuer à la réussite de l’éducation prioritaire. Mais la politique menée doit être expliquée encore et encore.

Les inégalités sociales sont souvent criantes entre les régions, ce qui a d’importantes répercussions sur la réussite des élèves. Dans un souci d’égalité, l’État doit assurer dans la durée des conditions d’accompagnement comparables sur l’ensemble du territoire : les zones défavorisées doivent donc recevoir des moyens importants. Pouvez-vous nous donner des indications sur la façon dont seront alloués les moyens, afin de garantir toujours plus d’équité ?

M. Michel Herbillon. Madame la ministre, les vacances viennent de commencer pour beaucoup d’écoliers, et elles étaient particulièrement attendues tant des parents que des enfants. En effet, les nouveaux rythmes scolaires que vous avez imposés unilatéralement par décret ont désorganisé l’école et fatigué les enfants : les semaines sont plus longues, les journées aussi chargées, et ils peinent à s’y retrouver.

En outre, cette réforme pèse lourdement sur les budgets municipaux, puisque l’État a refusé jusqu’à maintenant d’en assumer la charge. Pis encore, l’aide partielle destinée aux communes sera sérieusement réduite, voire supprimée en 2015. Allez-vous laisser les communes financer seules cette réforme que votre Gouvernement nous a obligés à mettre en œuvre, ou allez-vous enfin compenser les coûts qu’elle a engendrés ? En 2015, le fonds d’aide aux communes sera-t-il reconduit pour l’ensemble des communes ? Êtes-vous prête à vous s’engager pour que cette réforme soit moins inégalitaire, et à rassurer les maires des communes de France ?

Vous vous félicitiez il y a quelques jours du bilan « positif » de l’application de cette réforme et des « retours encourageants » que vous receviez. Il serait intéressant que nous puissions disposer de ces éléments, tant le gouffre entre ces paroles et ce que nous ressentons sur le terrain est grand. Nous sommes maires et députés, et nous entendons ce que nous disent les parents d’élèves. Madame la ministre, êtes-vous favorable à la mise en place d’une évaluation objective de cette réforme, et si oui, selon quelles modalités ? Les parlementaires devraient bien sûr y être associés.

Mme Huguette Bello. Madame la ministre, j’appelle votre attention sur un problème qui se trouve à la charnière de vos anciennes et de vos nouvelles fonctions : les difficultés que rencontrent les jeunes femmes enceintes qui ne sont pas encore titularisées comme enseignantes.

Une grossesse peut être particulièrement préjudiciable dans deux cas.

Le premier concerne de jeunes femmes qui, ayant réussi le concours de recrutement de professeur du second degré, prennent un congé de maternité durant leur année de stage. Même si leurs évaluations sont positives, ce congé entraîne l’annulation pure et simple de leur affectation, pourtant prononcée à titre définitif, ce qui les oblige à participer à nouveau au mouvement inter- et intra-académique. Cette disposition, consignée dans le Bulletin officiel du 7 novembre 2013, crée des situations douloureuses : ces mères de très jeunes enfants doivent brutalement déménager, et peuvent se trouver séparées géographiquement de leur conjoint. On devine les tourments que peut créer l’application d’une telle disposition lorsque la jeune enseignante provient d’une région d’outre-mer et qu’elle est affectée en région parisienne.

Le second concerne de jeunes femmes enceintes déclarées admissibles après les épreuves écrites des concours de recrutement. Il leur est parfois impossible, en raison de leur grossesse, de se présenter aux épreuves orales, celles-ci se déroulant dans des centres qui sont tous situés en région parisienne. Là encore, la situation est très difficile pour les candidates issues des régions d’outre-mer : il arrive que les médecins proscrivent les longs voyages en avion, et que les compagnies aériennes refusent de prendre la responsabilité de les accepter à bord. La réglementation actuelle ne prévoit ni le recours à la visioconférence, ni le décalage des épreuves orales à l’année suivante : les candidates perdent alors le bénéfice de leur admissibilité.

Ces situations, dont on ne parle guère, ne plaident-elles pas pour une relecture des règlements de votre ministère, afin que les jeunes enseignantes ne soient plus pénalisées par une grossesse ?

M. Christophe Premat. Je me félicite à mon tour de la sanctuarisation du budget de l’éducation nationale, ce qui est conforme aux engagements de la majorité : c’est le signe d’une volonté de refondation de l’école.

Je voudrais insister sur la question des publics handicapés. L’inclusion est une idée exigeante ; elle implique une formation des personnels, pour qu’ils puissent intégrer ces élèves et leur offrir une certaine autonomie. Dans les pédagogies inclusives, il faut intégrer des élèves dont les situations sont très diverses ; il s’agit d’assurer le bien-être de tous à l’école et d’apprendre à chacun le respect de la différence. Des moyens supplémentaires sont ici mis à disposition des CLIS (classes pour l’inclusion scolaire) et des ULIS (unités pédagogiques d’intégration). La prise en charge des élèves en situation de handicap s’est améliorée, et je m’en félicite.

Si le budget prévoit une valorisation du métier d’accompagnateur des élèves en situation de handicap, est-il prévu de former ces personnes, voire de leur conférer un statut, ce qui permettrait d’intégrer plus d’élèves dans les classes ordinaires ? C’est un enjeu essentiel.

Mme Dominique NachuryJe ne peux passer sous silence la déception des maires lorsqu’ils ont découvert que la prolongation du fonds d’amorçage en 2015 ne concernerait que la part majorée.

L’intégration dans les universités des écoles supérieures du professorat et de l’éducation n’est pas simple, et le lien avec le terrain ne l’est pas plus.

Ce budget, me semble-t-il, ne mentionne pas les « internats de la réussite ». Qu’en est-il ? Que deviendront les projets encore en cours ?

Enfin, vous affirmez que la scolarisation des moins de trois ans est pour vous une priorité. Elle demeure toutefois limitée : 397 postes ont été accordés en 2013, 246 en 2014. Il était pourtant question de créer 3 000 postes durant la législature.

Mme Martine Martinel. Je me réjouis moi aussi de ce budget exceptionnel : il y a bien longtemps que l’éducation nationale ne figurait plus au premier rang.

Je souhaite insister sur la formation initiale des enseignants, mais aussi sur la formation continue, longtemps négligée. Comment envisagez-vous la formation numérique ? Pouvez-vous préciser le rôle que jouera le réseau Canopé ? Quels seront les services numériques offerts aux écoles pour prolonger les enseignements ?

Mme Annie Genevard. Je me concentrerai ce soir sur la question de l’efficience de notre système éducatif : 66,5 milliards d’euros, presque un million d’emplois, plus de 6 % du PIB sont consacrés à l’enseignement scolaire. J’ai été frappée, tout à l’heure, par les propos presque accusateurs de Mme la ministre de l’enseignement supérieur déplorant que le système éducatif français amplifie les inégalités sociales au lieu de les réduire.

Vous vous félicitez, madame la ministre, du fait que le budget de l’éducation nationale soit redevenu le premier budget national. C’est un symbole, et vous espérez ainsi inverser la tendance qui assigne à la France des rangs médiocres dans les évaluations internationales. Pour vous, le numérique, le dispositif « plus de maîtres que de classe », les ESPE, la scolarisation précoce en maternelle, le renouvellement des programmes scolaires sont des facteurs de réussite. Je suis pour ma part convaincue que, sans réforme de la gestion humaine des enseignants, il sera difficile d’empêcher l’échec et le décrochage de notre pays, dont l’école est devenue aux yeux de certains le symbole même. Ces dernières heures, nous avons vu des incendies d’école, et ce fait inouï en dit long sur la déconsidération sociale des lieux de culture que sont les écoles et les médiathèques.

Madame la ministre, le coût par élève du secondaire dans notre pays excède de 15 % la moyenne de l’OCDE. J’aimerais croire que nos problèmes trouveront leur solution dans l’augmentation des moyens ; si toutefois cela ne suffisait pas, accepterez-vous de travailler sur d’autres idées, comme l’autonomie des établissements, la rénovation du geste pédagogique, la valorisation de l’excellence des élèves comme des enseignants, la recherche innovante sur la lutte contre l’échec scolaire ?

M. Jacques Cresta. Le Président de la République a dévoilé le 2 septembre dernier un ambitieux plan pour le numérique à l’école, destiné à lutter contre les inégalités. Il était dans la droite ligne du travail effectué par le Gouvernement depuis deux ans, puisque l’entrée de l’école dans l’ère du numérique constitue l’un des points forts de la loi du 8 juillet 2013.

La généralisation du numérique au collège dès 2016 doit se faire grâce à une coordination entre l’État et les collectivités territoriales. Les régions doivent, me semble-t-il, être associées à ce mouvement, car elles ont pris le sujet à bras-le-corps ; je pense notamment à ma propre région, le Languedoc-Roussillon, qui a mis en place le dispositif LoRdi. Pouvez-vous préciser comment s’effectuera cette coordination ?

Alors que les ESPE sont maintenant pleinement opérationnelles et que la réforme de la formation initiale commence à porter ses fruits, quels crédits prévoyez-vous de consacrer aux formations au numérique dont bénéficieront les personnels enseignants, tant en formation initiale qu’en formation continue ?

Mme Véronique LouwagieIl convient effectivement de sanctuariser le budget de l’éducation nationale. Toutefois, la réforme des rythmes scolaires et les problèmes qu’elle pose aux élus locaux, qui se sentent tout à fait abandonnés, marquent le contexte scolaire. L’article 55 du projet de loi de finances prévoit une prorogation partielle du fonds d’amorçage, et pour un an seulement. Cela revient à imposer de larges coupes budgétaires à de nombreuses communes, alors que les maires avaient cru comprendre de votre prédécesseur qu’un dispositif d’accompagnement plus étoffé leur serait proposé. Madame la ministre, allez-vous agir pour aider les communes à surmonter ces difficultés financières ?

Vous persistez par ailleurs à augmenter inconsidérément le nombre de professeurs, alors que la Cour des comptes s’est montrée très critique sur ce point l’an dernier. Vous ne démontrez hélas aucunement que l’augmentation du nombre d’enseignants améliore la performance de notre système scolaire, que l’OCDE classe au dix-huitième rang, sur trente-quatre, pour la performance des élèves.

Sur l’apprentissage, les déclarations du Président de la République le 19 septembre dernier sont en contradiction avec la réalité. Alors qu’un objectif de 500 000 apprentis en 2017 a été fixé, les contrats d’apprentissage sont en chute libre – ils ont diminué de 8 % entre 2012 et 2013, et même de 14 % depuis le début de l’année 2014.

Votre projet de loi de finances réaffirme de façon péremptoire le principe du collège unique, et supprime le dispositif d’apprentissage junior. L’initiation au monde professionnel, pourtant indispensable à nos jeunes, est-elle laissée de côté ?

Mme Annick Lepetit. Madame la ministre, un budget en hausse de 2,4 % et qui reprend sa première place, c’est un événement que nous ne pouvons que saluer. C’est une bonne nouvelle pour notre école, pour notre jeunesse, pour notre pays.

Des outils importants ont été cassés par dix années de mauvais traitements, mais vous avez montré que vous agissez pour les réparer.

Je reviens néanmoins sur la formation des enseignants. Les crédits qui lui sont dédiés augmentent de plus de 15 % par rapport à 2014. Quels secteurs bénéficieront de cette hausse ? Ils iront notamment, j’imagine, financer les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, que nous avons créées par la loi de 2013, ainsi que le plan de formation continue et d’accompagnement pour l’éducation prioritaire, destiné à répondre aux attentes des enseignants, souvent plus jeunes et moins expérimentés, qui enseignent dans les zones les plus difficiles.

M. Patrick Hetzel. Madame la ministre, je voudrais revenir à la question de l’efficacité, de l’efficience de notre système éducatif en vous interrogeant sur la continuité de l’enseignement dans les établissements du second degré en cas d’absence des enseignants. Un décret du 26 août 2005 relatif aux remplacements de courte durée des personnels enseignants dans les établissements du second degré permet de traiter ce problème de façon très concrète et efficace : le chef d’établissement peut élaborer, en concertation avec les équipes pédagogiques, un protocole pour les remplacements de courte durée. Or je rencontre régulièrement des parents d’élèves qui me disent qu’aujourd’hui, les remplacements, notamment courts, ne sont souvent pas effectués. Renseignement pris, il semble que le décret de 2005 ne soit plus appliqué du tout. Il ne nécessite pourtant pas de moyens supplémentaires. Pourquoi tombe-t-il en désuétude ?

En matière d’apprentissage, vous affichez des objectifs très ambitieux. Pourquoi ne pas former des enseignants par un dispositif d’apprentissage ? Ce serait l’occasion de revaloriser vraiment l’apprentissage, et d’en modifier la perception dans le monde éducatif.

M. Stéphane Travert. Le budget de l’éducation nationale, en hausse de 2,4 %, retrouve enfin sa place de premier budget de la nation. C’est cohérent avec notre engagement en faveur de la jeunesse et pour la refondation de l’école : nous voulons donner leur chance à tous les enfants de la République, grâce à ces moyens budgétaires conséquents qui permettront notamment la création de postes.

Le ministère a mis en place des groupes de travail sur les métiers de l’éducation. Je souhaite, madame la ministre, vous interroger sur le cas des psychologues de l’éducation nationale. Leurs missions ont été développées et précisées par le groupe de travail sur les personnels des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) : ils conduisent des actions de prévention des difficultés scolaires et interviennent auprès des élèves en difficulté, ou en situation de handicap, et cela en relation avec les familles, les équipes pédagogiques et les spécialistes de l’enfance. Or, les conditions actuelles de recrutement des psychologues ne permettent pas de maintenir et de développer leur présence dans toutes les écoles, au détriment des équipes éducatives, des familles et des élèves. Les missions des psychologues scolaires seront explicitées par une circulaire en cours d’élaboration, après consultation des organisations sociales représentatives. Un groupe de travail a été mis en place au mois de juin dernier. Pourriez-vous, madame la ministre, nous informer de l’évolution de ce dossier ?

M. Lionel Tardy. Les crédits consacrés aux technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement (TICE) stagnent, à 10,20 millions d’euros. Pourtant, le nombre de projets sera beaucoup plus élevé en 2015. Si limité soit-il, le numérique a un coût, lorsqu’il s’agit par exemple d’utiliser de nouvelles ressources ou de former des enseignants. Comment ces chantiers pourront-ils être assurés à enveloppe constante ?

Le budget des campagnes de communication est en baisse de 250 000 euros par rapport à 2014. Ces campagnes ont une utilité – je m’interroge toutefois sur l’efficacité de celle qui s’intitule « Nouveaux rythmes », sur les rythmes scolaires, et qui a coûté 200 000 euros en 2013. Cette réforme a connu une grande publicité... Cette campagne a-t-elle été reconduite en 2014, et le sera-t-elle en 2015 ? Quels ont été ses effets ? Quelles campagnes de communication envisagez-vous pour 2015 ?

Mme Maud Olivier. Je me réjouis moi aussi de voir un budget de l’éducation nationale en hausse, signe de la priorité accordée à l’éducation et à la jeunesse.

J’appelle votre attention sur la question de la diffusion et du partage des cultures scientifiques, techniques et industrielles (CSTI). La place de l’école dans ce domaine est évidemment fondamentale : elle doit sensibiliser et former la jeunesse aux CSTI, afin que les élèves soient en mesure de comprendre les débats contemporains – très souvent liés aux sciences – et d’y participer. De plus, alors que l’école joue de moins en moins son rôle d’ascenseur social, la diffusion des CSTI permet la démocratisation de l’accès aux savoirs et la diversification des choix d’orientation professionnelle.

La mission « Enseignement scolaire » doit donc permettre d’améliorer la diffusion de ces cultures. Le budget destiné à la formation des enseignants, en hausse de 47 %, devrait permettre la mise en place systématique – tant dans le cadre de la formation initiale que de la formation continue – d’une formation aux CSTI et à la pédagogie par l’expérimentation, telle que la promeut par exemple La Main à la pâte. Les crédits pédagogiques peuvent également être utiles, notamment dans le primaire. Les activités périscolaires constituent enfin un formidable vecteur de diffusion des CSTI : de nombreux acteurs y travaillent utilement, et pourraient s’intégrer aux projets éducatifs territoriaux (PEDT). Une cartographie de ces acteurs devait d’ailleurs être réalisée, comme je le proposais dans un rapport intitulé « Faire connaître et partager les cultures scientifiques, techniques et industrielles ».

Madame la ministre, comment envisagez-vous d’intégrer le partage des cultures scientifiques, techniques et industrielles à cette mission « Enseignement scolaire » au budget consolidé que vous nous présentez aujourd’hui ?

Mme Brigitte Bourguignon. Permettez-moi de saluer à mon tour l’ambition de ce Gouvernement pour l’éducation nationale, grâce à ce budget qui retrouve la première place.

Je voudrais m’insurger ici contre les discours misérabilistes et démobilisateurs que l’on entend régulièrement sur l’école en milieu rural. Élue d’une circonscription rurale, je veux témoigner ici de l’ingéniosité de ces territoires qui ont su, malgré les difficultés, mettre en place la réforme des rythmes scolaires, en faisant de l’intérêt de l’enfant, et lui seul, leur priorité. Pour les rencontrer souvent, je ne vois pas des enfants fatigués, mais des enfants motivés, qui adhèrent au projet à plus de 70 %, voire plus de 80 % dans ces territoires ruraux. Je veux ici réhabiliter l’image de ces terres dynamiques et inventives.

M. William Dumas. Nous étions déjà très satisfaits du budget de l’éducation nationale l’an dernier ; le projet de loi de finances pour 2015 démontre clairement notre volonté de soutenir l’enseignement. En particulier, 9 421 nouveaux postes sont créés, dont 4 200 dans le premier degré. Les crédits pour la formation des enseignants augmentent de 47 % et permettront la mise en œuvre du grand plan de formation continue et d’accompagnement pour l’éducation prioritaire. Je souligne que 7 000 postes supplémentaires seront destinés au dispositif « plus de maîtres que de classes » et à l’accompagnement des RASED. Toutes ces actions servent la réussite scolaire de nos enfants.

La réforme de l’école de la République est un défi difficile, mais pas impossible. Ce budget reflète l’exigence que nous montrons pour notre enseignement. Je n’oublie pas les crédits destinés à l’accompagnement des enfants handicapés, en hausse de 130 millions d’euros, et à la santé scolaire, en hausse de 13,63 millions d’euros. L’égalité des chances est en marche. Je comprends l’embarras de nos collègues de l’opposition : la RGPP (révision générale des politiques publiques) avait, elle, désorganisé sérieusement notre système scolaire.

Avec ce budget, nous continuons de donner les moyens à notre enseignement de remplir ses missions.

Mme Valérie Corre. À mon tour de me réjouir du beau budget que vous nous présentez aujourd’hui.

M. Michel Herbillon. Laissez-moi deviner : s’agirait-il du premier budget de la nation ?

Mme Valérie Corre. Mais oui, et je le constate avec plaisir.

Faire entrer l’école dans l’ère du numérique est l’un des objectifs de la loi sur la refondation de l’école. Vous avez rappelé l’importance que vous y attachez, madame la ministre. Mais l’on se heurte parfois à la réalité des moyens numériques mis à disposition des établissements : ceux-ci sont plus ou moins bien accompagnés par les collectivités locales – qui ne les dotent pas toujours de matériel adapté. En septembre 2013, un dispositif de collège connecté a été lancé : il concerne vingt-trois établissements, aux profils variés, répartis dans toute la France, qui bénéficient d’investissements spécifiques et d’un accompagnement pédagogique destinés à mieux intégrer le numérique dans la vie scolaire. La mise en place des collèges connectés a fait l’objet d’une convention entre l’État et les départements concernés. Quels moyens seront alloués en 2015, madame la ministre, à ce dispositif innovant ? Le ministère envisage-t-il un élargissement de ce dispositif à d’autres collèges ?

L’équipement numérique de certains établissements demeure minimal, même au sein d’un seul département, ce qui est injuste. Le Conseil national du numérique, dans son rapport du mois d’octobre dernier, fait des propositions pour bâtir une école juste dans un monde numérique. Il préconise notamment un équipement numérique des établissements en fonction des besoins réels des enseignants. Un appel à projets gouvernemental pourrait-il être envisagé pour permettre aux équipes pédagogiques motivées d’être mieux accompagnées et aux établissements sous-dotés d’être mieux équipés ?

M. Marcel Rogemont. Madame la ministre, le 9 septembre 2013, une charte de la laïcité a été présentée à M. Peillon, alors ministre de l’éducation nationale. Elle visait à répondre à la multiplication des manifestations religieuses à l’école. Pour autant, la notion de laïcité ne peut se réduire à cette seule question. L’école enseigne, mais elle forme aussi le futur citoyen : quelle place est donnée à la citoyenneté dans la formation des enseignants ? La transmission des valeurs de la République, au cœur desquelles se place la laïcité, est-elle l’oubliée de la formation des maîtres ? Quels contenus donnez-vous à l’article 10 de la charte, qui dispose qu’il « appartient à tous les personnels de transmettre aux élèves le sens et la valeur de la laïcité, ainsi que des autres principes fondamentaux de la République » ?

Il ne s’agit pas de se laisser enfermer dans un débat sur des contestations, si préoccupantes soient-elles, mais d’affronter notre difficulté à faire société autour de principes et de valeurs partagées. Il faut non seulement former les enseignants à la pédagogie de leur discipline, mais aussi les aider à transmettre le sens, les enjeux, les valeurs et les principes de la République ; il faut porter la question de l’intégration des personnes récemment arrivées sur le sol français, mais aussi celle de l’intégration de gens qui sont là depuis longtemps, mais qui se marginalisent peu à peu. Quelle est pour vous, madame la ministre, l’actualité de la charte de la laïcité, notamment dans le domaine de la formation de tous les enseignants ?

Mme Marie-Odile Bouillé. N’en déplaise à l’opposition, le budget de l’éducation nationale reprendra sa première place en 2015. C’est le signe que la priorité est donnée à la jeunesse et à l’éducation.

Vous vous êtes engagée, madame la ministre, à développer l’éducation artistique et culturelle tout au long de la scolarité : il faut faire connaître les arts au citoyen de demain, lui donner le goût de la création et de l’innovation. Les rythmes scolaires permettent aujourd’hui le développement d’un véritable parcours tout au long de la scolarité, y compris dans les lycées professionnels, comme pour les jeunes en apprentissage ou en situation de réinsertion. Une circulaire a été signée en juillet 2013 par les deux ministères de l’éducation nationale et de la culture. En 2013, près de 29 % des élèves du primaire et du secondaire ont bénéficié d’actions d’éducation artistique et culturelle.

Le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » de la mission « Culture » est en augmentation nette, de 6,5 %. Les actions sont menées en lien avec les collectivités territoriales, les équipes artistiques, compagnies, plasticiens… Pouvez-vous nous préciser à quelle hauteur le budget de l’éducation nationale financera l’éducation artistique et culturelle ?

Mme Sandrine Doucet. Ce sont, je crois, les élèves qui sont revenus à la première place.

Je souhaite évoquer la question de l’éducation prioritaire. Elle a déjà été abordée, et les créations de postes annoncées permettront de construire des projets et de faire reculer le contournement de la carte scolaire. On évitera ainsi que, dans certaines écoles, les plus anciens de l’établissement ne soient systématiquement les élèves de CM2… Il est bon que notre paysage scolaire se stabilise.

Pouvez-vous nous dire quelques mots, madame la ministre, des classes à horaires aménagés, notamment sportives ?

Vous vous êtes rendue la semaine dernière en Guyane pour inaugurer la toute nouvelle Université de Guyane. J’ai été interpellée par une enseignante du collège guyanais de Camopi : ses élèves sont souvent issus de la population amérindienne et rencontrent de grandes difficultés scolaires. Vous avez vous-même pu vous rendre compte de leurs conditions de travail, et notamment de transport.

La question de l’égalité territoriale est donc posée : l’école doit, enfin, tenir ses promesses.

Mme Sophie Dessus. Pour faire plaisir à Michel Herbillon et à ses collègues, je rappellerai que l’enseignement scolaire est enfin redevenu le premier budget de l’État, avant le service des intérêts de la dette.

M. Michel Herbillon. Merci !

Mme Sophie Dessus. L’augmentation du nombre de postes est indispensable, mais il semble qu’elle ne suffise pas à pallier les manques d’enseignants dans certaines classes, et il demeure des pénuries dans certaines matières. La moitié des postes de certifiés de mathématiques proposés au concours exceptionnel du printemps dernier n’ont pas été pourvus : les scientifiques peuvent sans doute rêver de carrières plus rémunératrices. En technologie, il semble plutôt que ce soit la nature des épreuves, en fort décalage avec ce qu’il est vraiment nécessaire de connaître pour enseigner cette matière, qui pose des problèmes rédhibitoires. Si certaines matières sont particulièrement sinistrées, certaines zones géographiques le sont aussi – on l’a vu récemment en Seine-Saint-Denis.

Paradoxalement, faute de conditions de recrutement appropriées qui permettraient de doter nos établissements de professeurs titulaires, il arrive que l’éducation nationale soit contrainte d’embaucher des contractuels, qui n’ont pas bénéficié de la formation initiale – heureusement remise en place – et qui n’ont pas la sérénité et la perspective à long terme qu’offre une position statutaire.

Faut-il alors réformer certains concours ? Faut-il imaginer de meilleures incitations pour certaines matières et certains établissements ? Faut-il changer les conditions de travail, pour permettre notamment le travail en équipe ?

M. Jean-Luc Laurent. Ce budget est une véritable bonne nouvelle pour la représentation nationale : les objectifs sont ambitieux, les moyens le sont aussi. Cela témoigne de l’effort consenti par la nation pour l’éducation.

Dans ce cadre, il convient d’être vigilant sur l’adéquation des moyens aux fins. Je voudrais, madame la ministre, vous interroger sur les nouveaux rythmes scolaires.

Le fonds d’amorçage créé par la loi du 8 juillet 2013 pour accompagner la réforme des rythmes scolaires aidait toutes les communes, de façon certes différenciée, mais indépendamment de la nature des projets conduits. Ainsi, des communes ont été aidées de la même façon, qu’elles aient organisé de simples garderies ou des activités éducatives, culturelles ou sportives, ce qui nécessitait un effort financier plus conséquent.

L’article 55 du projet de loi de finances pour 2015 prévoit le maintien d’une aide pour les seules communes qui bénéficient de la « DSU cible ». Madame la ministre, ne convient-il pas d’agir de façon plus conforme à la justice, en aidant les communes sur la base de projets, en accord avec l’État, dans le cadre des PEDT par exemple, et après une validation par la CAF, ce qui témoignerait d’un engagement significatif en termes de taux d’encadrement en particulier ? Je souhaiterais être éclairé sur ce point, car lorsque les choses ne vont pas dans le bon sens, il convient de les remettre d’aplomb. C’est ce que je vous encourage à faire.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Merci de toutes ces interventions.

La question qui est revenue le plus souvent est indéniablement celle du fonds d’amorçage.

Je commencerai par rappeler que la réforme des rythmes scolaires est une réforme importante, que j’assume totalement. Elle a été faite dans l’intérêt des enfants : on apprend mieux en cinq matinées qu’en quatre. Toutes les communes qui sont passées aux nouveaux rythmes dès 2013 et qui nous ont fait part des résultats de cette expérience nous disent la satisfaction des enfants, des parents, des personnels, et même des collectivités locales. Je ne nie absolument pas, je n’ai jamais nié qu’elle crée pour les communes une contrainte forte : il leur faut changer, s’adapter, s’organiser, trouver les animateurs, anticiper.

La rentrée a d’ailleurs été plus ou moins bien anticipée : certaines communes se sont très bien organisées ; il y a beaucoup d’endroits où ça marche, où les acteurs locaux ont réussi à trouver des activités utiles pour les enfants.

Pour accompagner cette réforme et la mise en place des nouvelles activités périscolaires, un fonds d’amorçage a été créé. Comme son nom l’indique, il s’agissait d’aider les communes à sauter une haie particulièrement haute. Ce fonds était prévu pour l’année 2013-2014 ; il a été reconduit entièrement pour l’année 2014-2015, et a cette fois concerné l’ensemble des communes, représentant alors une dépense pour l’État de 400 millions d’euros. Une aide de 50 euros par an et par enfant est accordée à chaque commune, auxquels s’ajoutent 40 euros pour les communes les plus en difficulté, ainsi que l’aide de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) dès lors qu’un centre de loisirs agréé est ouvert par la commune. Des ressources sont donc mises à disposition pour accompagner les communes.

Ce fonds d’amorçage a été pensé comme une aide temporaire et, pour l’année 2015-2016, la question de son champ d’application se pose encore. J’entends les inquiétudes des communes, qui se sont exprimées ce soir à droite comme à gauche. J’entends qu’il est difficile de prendre en charge cette dépense sans accompagnement. J’entends aussi qu’il n’est pas forcément juste et vertueux que l’État verse une aide à des communes qui ne mettent pas en place d’activités périscolaires.

Ma porte est ouverte. Je recevrai dès demain le président de l’Association des maires de France (AMF). Je continuerai aussi à discuter avec les villes qui ne se sont toujours pas engagées dans la mise en œuvre des activités périscolaires, au détriment des enfants et de leurs familles. Ma porte est ouverte afin que nous trouvions ensemble la meilleure solution pour, en ce temps de rareté des deniers publics, permettre d’améliorer le temps scolaire et d’imaginer des activités périscolaires de qualité. La discussion se poursuivra dans les jours qui viennent.

J’en viens aux autres questions, à commencer par celles, nombreuses également, qui portaient sur l’efficience de notre système. Plusieurs d’entre vous ont pointé du doigt, comme l’avait fait la Cour des comptes, que l’allocation des moyens de l’éducation nationale n’est pas forcément optimale, au regard de nos résultats. Je partage cet avis – mais je n’en conclus pas qu’il faille cesser d’investir dans l’éducation ou de créer des postes d’enseignants ! J’en conclus qu’il faut mieux allouer les moyens, établissement par établissement, territoire par territoire, pour que les ressources soient en adéquation avec les besoins. Il faut notamment mieux prendre en considération les difficultés spécifiques, singulières, des établissements situés en zone urbaine sensible ou en zone rurale isolée. C’est pourquoi nous procéderons à une réforme de l’allocation des moyens par académie et, au sein de chaque académie, par établissement, afin que tous les élèves, où que soit situé leur domicile, quelles que soient leurs ressources, soient vraiment mis en condition de réussir.

C’est cette démarche que nous avons engagée – sans épuiser le sujet – avec la réforme de l’éducation prioritaire : là où l’accompagnement est plus nécessaire encore qu’ailleurs, il faut le renforcer. Dans certains quartiers, dans certains territoires, si l’école n’est pas suffisamment armée pour faire réussir les enfants, alors ceux-ci ne réussiront pas : les obstacles sont trop nombreux et trop difficiles à franchir. Nous réformons donc l’éducation prioritaire en donnant plus de moyens là où il le faut, pour stabiliser et former les équipes enseignantes, pour libérer du temps pour la préparation de projets pédagogiques collectifs et de sorties scolaires ou tout simplement pour travailler en équipe.

Cette réforme est en cours : les recteurs consultent actuellement les élus locaux, pour définir ensemble, de façon transparente, quels sont les territoires qui ont le plus besoin de ces moyens nouveaux. J’annoncerai la nouvelle carte avant la fin de l’année et les nouveaux moyens seront disponibles dès la rentrée 2015.

Je veux absolument rompre avec le système où, à deux élèves près, à une situation sociale près, les établissements perdent le bénéfice du statut ZEP ou REP. La nouvelle allocation des moyens sera donc progressive et adaptée à chaque établissement, ce qui fera disparaître les effets de seuil. Cela nous permettra de répondre aux objections de la Cour des comptes, en luttant mieux contre les déterminismes sociaux.

Plusieurs d’entre vous m’ont interrogée sur le métier d’enseignant. Pour améliorer la réussite scolaire, il faut aussi des enseignants mieux outillés, mieux formés, plus solides. Il a été question de la faible attractivité de ce métier : mais celle-ci venait surtout du fait que l’éducation nationale, avant 2012, supprimait des postes ! Comment voulez-vous attirer des étudiants vers l’enseignement quand l’État ne cesse de détruire des postes et, pire encore, la formation, comme si enseigner ne s’apprenait pas ?

La meilleure façon de redonner de l’attractivité à ces métiers, c’est de recruter, de reconstituer une formation initiale, mais aussi de revaloriser ces métiers. J’évoquais tout à l’heure l’ISAE, de 400 euros annuels : cela peut paraître bien peu, mais c’est un début de rattrapage d’un retard. Dès que nous pourrons faire mieux, nous le ferons. Mais les enseignants veulent aussi que leurs missions soient mieux définies : là encore, un travail considérable est mené depuis quelques mois au ministère de l’éducation nationale sur les différents métiers pour revoir le statut, les missions… Le décret de 1950 a enfin été refondu.

Monsieur Hetzel, je vous confirme que le décret relatif aux remplacements de courte durée est toujours en application. Le nombre d’heures que les établissements consacrent à ces remplacements s’est d’ailleurs maintenu au même niveau que les années précédentes. En réalité, le problème que vous soulevez se pose surtout pour les remplacements de longue durée, qu’il a été difficile d’assurer pendant des années en raison des suppressions de postes. Ces dernières ont en effet concerné en priorité les postes les moins visibles – ceux des remplaçants et des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) – et non ceux des enseignants qui se trouvaient devant les salles de classe. En créant des postes, nous sommes donc en train de reconstituer peu à peu le vivier de remplaçants.

La création d’un nouveau corps de psychologues de l’éducation nationale est l’un de nos chantiers de réflexion actuels : ceux-ci auront pour mission d’intervenir dans les établissements scolaires, de la maternelle jusqu’au post-bac. Nos travaux en la matière, qui devraient aboutir dans les mois qui viennent, devraient permettre d’améliorer le recrutement de ces personnels ainsi que leur formation et leur déroulement de carrière.

Nous avons consacré des moyens conséquents à la relance de la formation continue et créé des postes de formateurs. Dans le second puis dans le premier degré, nous avons créé un nouveau métier de professeur formateur académique et instauré un droit à la formation de trois jours pour les enseignants de l’éducation prioritaire. Pour favoriser la formation par le biais du numérique, nous avons créé de nouveaux modules de formation sur M@gistère, notre site de formation continue en ligne. Enfin, nous avons augmenté le nombre de jours de formation des directeurs d’école.

Comme je l’ai souligné ce matin lorsque j’ai été auditionnée par l’Observatoire de la laïcité, il convient de renforcer la portée de la charte de la laïcité qui a certes été affichée partout dans les écoles mais qui n’a pas forcément été assimilée par tous. En souvenir de la loi de 1905, nous pourrions retenir la date symbolique du 9 décembre pour organiser des actions sur le sujet sur l’ensemble du territoire. Par ailleurs, le Plan national de formation comprend une formation dédiée au thème de la laïcité : en 2013-2014, plus de 5 000 enseignants, inspecteurs et chefs d’établissement en ont bénéficié. Nous faisons aussi en sorte que la laïcité fasse partie des thèmes de tronc commun des formations dispensées dans les écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE). En outre, j’ai proposé d’inclure sur la plateforme M@gistère un parcours d’e-formation relatif à l’enseignement laïque des faits religieux, ce afin de compléter le parcours actuel qui reste très général – n’abordant que les textes fondateurs de la laïcité. Enfin, le Conseil supérieur des programmes (CSP) élabore actuellement le Programme d’enseignement moral et civique : il me rendra ses travaux dans les prochaines semaines en prévision d’une application à la rentrée 2015.

En ce qui concerne l’éducation artistique et culturelle, le PLF pour 2015 prévoit une dotation de 260 millions d’euros afin de financer, d’une part, la rémunération des heures supplémentaires des enseignants chargés de transmettre cette matière, et d’autre part, l’intervention d’intermittents et d’intervenants extérieurs ainsi que le soutien à des associations chargées de contribuer à ces pratiques. J’ajoute que nous poursuivrons dans cette voie, non seulement parce que l’éducation artistique et culturelle constitue l’un des aspects de la réforme des programmes mais aussi parce que le parcours d’éducation artistique et culturelle devrait être instauré à partir de l’année prochaine. J’attends d’ailleurs également dans les prochaines semaines les conclusions du CSP sur le sujet. Plus généralement, la ministre de la culture, Fleur Pellerin, et moi-même serons amenées à présenter notre feuille de route commune dans quelques semaines.

Le projet « Collèges connectés » vise à faire des collèges des lieux d’incubation, des accélérateurs de l’appropriation du numérique. Nous projetons de porter le nombre de collèges concernés de 23 aujourd’hui à 100 à la rentrée 2015, l’accélération de l’usage du numérique sur ces sites préfigurant les mesures que nous souhaitons appliquer à tous les collèges à la rentrée 2016. En 2015, les collèges connectés bénéficieront chacun d’une dotation de 10 000 euros leur permettant d’acquérir des manuels numériques, d’un accompagnement particulier de la part de l’académie en matière de formation des enseignants au numérique et enfin, d’actions pédagogiques interdisciplinaires.

L’apprentissage junior ayant été débattu lors de l’examen du projet de loi de refondation de l’école, je tiens à souligner que nous n’avons jamais dit que l’apprentissage n’était pas un modèle de succès. Bien au contraire puisque nous aspirons à le développer, comme le Président de la République l’a affirmé lors de la dernière grande conférence sociale. En revanche, nous ne souhaitons pas que des jeunes soient envoyés en apprentissage sans avoir acquis le socle de connaissances, de compétences et de culture que nous sommes en train de revoir, c’est-à-dire sans avoir acquis les moyens d’évoluer ensuite dans un monde moderne caractérisé par la mobilité. C’est pourquoi nous sommes défavorables à l’apprentissage précoce dès 14 ans. Mais nous soutenons l’apprentissage par le biais de mesures financières : nous nous sommes ainsi engagés à consacrer 200 millions d’euros à l’augmentation des moyens des centres de formation en alternance (CFA) et à la création de l’aide au recrutement d’apprentis, qui s’élève à 1 000 euros par apprenti dans les entreprises de moins de 50 salariés. Nous consacrerons également des fonds européens au financement du logement et du transport des apprentis. Le ministère de l’éducation nationale s’est fixé l’objectif de porter le nombre de jeunes aujourd’hui accueillis sous statut d’apprenti dans nos établissements scolaires de 40 000 aujourd’hui à 60 000 demain. Pour ce faire, nous cherchons à améliorer l’image de l’apprentissage et de l’information le concernant dans le cadre de toutes les procédures d’affectation et d’orientation qui suivent les classes de troisième et de terminale – et notamment dans le cadre du parcours d’information, d’orientation et découverte du monde professionnel que nous sommes en train de créer pour les collégiens, qui permettra aux établissements scolaires de s’ouvrir au monde professionnel. Dans ce parcours, nous ferons en sorte que les élèves découvrent de près les réalités de l’apprentissage – notre objectif étant de susciter des vocations. Enfin, nous ferons en sorte que les enseignants puissent bénéficier de modules de formation à la pédagogie de l’apprentissage.

S’agissant de l’inclusion et du handicap, je suis très attachée à ce que l’école soit toujours plus inclusive : elle a d’ailleurs beaucoup progressé à cet égard, accueillant aujourd’hui 240 000 enfants en situation de handicap, soit le double d’il y a cinq ans. C’est pourquoi je me félicite que le Gouvernement ait satisfait au besoin d’augmenter le nombre d’auxiliaires de vie scolaire (AVS) et d’accompagnateurs d’élèves en situation de handicap : nous en recrutons ainsi 350 de plus cette année et comptons en recruter 350 l’an prochain. Il est également nécessaire de professionnaliser les 28 000 AVS aujourd’hui en exercice : alors qu’ils sont actuellement liés par des contrats à durée déterminée (CDD), nous avons souhaité leur faire bénéficier de contrats à durée indéterminée (CDI) et leur offrir une formation qui leur permette d’améliorer leurs pratiques. Enfin, pour accueillir ces élèves, le nombre de classes pour l’inclusion scolaire (CLIS) ne cesse d’augmenter et j’ai identifié le besoin de développer les unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS) en lycée professionnel.

Bien que l’organisation du périscolaire relève des communes et non de l’État, je souhaiterais que les différents travaillent ensemble dans le cadre des PEDT. Il en va d’ailleurs de même s’agissant de la prise en charge du handicap : il est beaucoup plus simple pour l’État – qui embauche des AVS, les forme et transforme leurs CDD en CDI – de les mettre ensuite à disposition des communes. Certes, elles les rémunéreront mais cela leur évitera de devoir recruter de nouveaux personnels pour accompagner les enfants dans leurs activités périscolaires. Cela nous permettra de faire en sorte que les enfants en situation de handicap aient accès non seulement à du temps scolaire mais également à du temps périscolaire.

Madame Bello, lorsqu’une enseignante ne peut effectuer son stage jusqu’au bout de sa durée réglementaire – notamment en cas de congé maternité –, la règle veut que son stage soit prolongé et qu’elle conserve son poste, sauf si la durée de son absence s’avère trop longue. Par ailleurs, bien que l’organisation des concours soit soumise à des règles d’équité entre les candidats, afin de prendre en compte les spécificités des territoires d’outre-mer, il est tout à fait possible au président du jury d’un concours de prendre la décision de déplacer une délégation de son jury vers un territoire ultramarin pour y faire passer ce concours.

Lorsque nous évoquons la préscolarisation des enfants de moins de trois ans, nous visons notamment les familles les plus éloignées de l’école. Sachant à quel point les écarts d’apprentissage de la langue se creusent dès avant trois ans, nous avons souhaité cibler notre action en la matière sur les territoires où les besoins sociaux sont les plus importants. C’est pourquoi chaque réseau d’éducation prioritaire comportera au moins une classe accueillant des enfants de moins de trois ans. Sur le plan quantitatif, après que le nombre d’enfants de trois ans accueillis n’a cessé de diminuer pendant dix ans, cette tendance s’est inversée en 2013-2014. Et ce retournement sera amplifié en 2015 et les années suivantes dans les zones en difficulté. Nous nous donnons donc les moyens de mener cette politique à laquelle nous tenons beaucoup.

S’agissant des matières scientifiques et des nouvelles technologies, et en particulier des recommandations formulées par Maud Olivier dans son rapport sur les cultures scientifiques, techniques et industrielles,  un effort d’expérimentation a effectivement été accompli dans les ESPE de Lyon mais aussi de Toulouse et de Poitiers. Dans la dernière de ces villes par exemple, nous avons institué des modules de vulgarisation scientifique à destination des étudiants de licence non scientifique. Et nous souhaitons que les autres ESPE évoluent dans le même sens. Par ailleurs, les nouveaux programmes nous permettront d’encourager l’appétence pour la science et les technologies. Enfin, je vous accorde que nous pourrions en faire davantage en faveur l’initiation aux sciences dans le cadre périscolaire. Mais encore une fois, c’est grâce aux plans éducatifs territoriaux que nous y parviendrons le mieux : 7 000 de ces plans ayant déjà été signés, des marges de progrès existent en la matière.

Pour conclure, je suis très attachée aux internats et sais à quel point nous en avons besoin tant ils favorisent la réussite scolaire – et en particulier celle des jeunes filles. En effet, beaucoup d’entre elles se retrouvent freinées, lorsqu’elles souhaitent poursuivre des études supérieures, par des parents qui refusent de les voir déménager ou s’éloigner. Du point de vue budgétaire, les internats de la réussite sont financés par le programme d’investissements d’avenir : aux termes de la loi de finances initiale pour 2014, le deuxième volet de ce programme a contribué à leur financement à hauteur de 150 millions d’euros supplémentaires – crédits destinés à la création de 6 000 places supplémentaires en internat de la réussite, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine ayant été retenue comme opérateur pour réaliser ces constructions. Enfin, ces internats font l’objet d’un plan d’ensemble associant l’État et les collectivités locales et assorti d’une charte de l’internat, destinée à préciser la politique qui doit y être conduite, notamment pour favoriser la mixité sociale. Dans le cadre de ce plan, la priorité sera accordée aux régions les plus déficitaires en termes de places d’hébergement en internat, soit les régions Île-de-France, Nord-Pas-de-Calais, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Rhône-Alpes, ainsi qu’en outre-mer. En Nouvelle-Calédonie, l’État s’engage ainsi à construire deux lycées équipés d’un internat.

Mme Eva Sas, présidente. Nous vous remercions, madame la ministre, pour ces échanges et ces informations très complètes. La discussion et le vote en séance publique de la mission « Enseignement scolaire » auront lieu le jeudi 30 octobre prochain.

La réunion de la commission élargie s’achève à vingt-trois heures quarante.

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