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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 15

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 6 novembre 2001
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Robert Gaïa, Vice-Président

SOMMAIRE

 

Pages

· Projet de loi de finances pour 2002 (n° 3262) : Défense

 

Avis : Air (M. Yann Galut, rapporteur pour avis)

2

· Projet de loi de finances pour 2002 (n° 3262) : Comptes spéciaux du Trésor

 

Avis : Comptes spéciaux du Trésor (M. Loïc Bouvard, rapporteur pour avis)

5

· Projet de loi de finances pour 2002 (n° 3262) : Défense

 

Avis : Services Communs (M. Michel Meylan, rapporteur pour avis)

9

Avis : Titre III et personnels de la Défense (M. Aloyse Warhouver, rapporteur pour avis)

12

Avis : Crédits d'équipement de la Défense (M. Jean Michel, rapporteur pour avis)

16

· Vote sur l'ensemble des crédits militaires pour 2002

21

   

La Commission a tout d'abord examiné les crédits de l'Air pour 2002, sur le rapport de M. Yann Galut, rapporteur pour avis.

M. Yann Galut a d'abord exposé que le titre III du projet de budget de l'armée de l'Air, avec 2,4 milliards d'euros, était en légère progression, de 0,77 %, par rapport au budget voté de 2001, tandis que les titres V et VI, avec 2,67 milliards d'euros, diminuaient, même si cette diminution était réduite à 2,8 % par l'autorisation d'ores et déjà donnée de consommer les reports de crédits, pour 122 millions d'euros, de l'exercice précédent.

M. Yann Galut a alors rappelé les appréciations du Général Jean-Pierre Job, Chef d'état-major de l'armée de l'Air sur ces crédits : satisfaction pour le titre III, sentiment plus mitigé pour le titre V. Précisant que le Général Jean-Pierre Job avait fait état d'un risque de reports de charges de 2002 sur 2003, il a fait valoir que ce risque, s'il était réel, était sans doute limité. Il a cependant reconnu qu'un peu plus d'orthodoxie aurait été sans doute souhaitable.

Il a alors souligné que le projet de budget occupait une situation singulière puisqu'il correspondait à la fois à la dernière annuité de la loi de programmation militaire 1997-2002 et au premier exercice d'après professionnalisation, le dernier appelé ayant quitté l'armée de l'Air le 31 octobre 2001.

Le rapporteur pour avis a alors jugé que, pour 2002 comme pour les années passées, la qualité du budget de fonctionnement était d'abord révélatrice de la bonne gestion de l'armée de l'Air qui avait su se mettre en situation permanente d'anticipation. Depuis longtemps, l'armée de l'Air a développé une politique de diminution du nombre de ses bases qui lui a permis de rationaliser ses soutiens et de gagner des marges de gestion. En 2002, l'armée de l'Air dispose ainsi en métropole de 35 bases aériennes contre 44 en 1997.

S'agissant de la gestion des personnels, les besoins de recrutement d'officiers et de sous-officiers sont déterminés en fonction d'une réflexion prospective d'ensemble sur l'évolution des missions et des moyens, compte tenu des fluctuations spontanées des effectifs. La sous-traitance a été développée. Quant aux MTA, les ajustements actuels qui permettent l'extension de certains contrats au-delà de 11 ans, voire de 15 ans tiennent compte des perspectives de reconversion offertes par les différentes spécialités.

M. Yann Galut a enfin évoqué l'action également novatrice de l'armée de l'Air dans la gestion des rechanges aériens. Il a précisé sur ce point que les premiers résultats de la structure interarmée de maintenance des matériels aéronautiques (SIMMAD) correspondaient aux attentes exprimées notamment par la Commission dans l'observation qu'elle a adoptée l'an dernier à l'unanimité.

Après avoir souligné que le titre III se caractérisait par des crédits de fonctionnement et d'entraînement en forte progression et des dépenses de personnel maîtrisées, le rapporteur pour avis a estimé que cette situation était aussi la conséquence de l'attention fine portée par l'armée de l'Air à la gestion de ses moyens et de son personnel.

S'agissant du titre V, M. Yann Galut a souligné l'adaptation aux missions des principaux programmes en cours. Le Mirage 2000-5, le Mirage 2000 D sont des appareils aux performances reconnues comme remarquables par nos alliés, qui permettent à la France de tenir un rôle opérationnel de tout premier plan. Dans un autre domaine, les événements du 11 septembre dernier ont rappelé l'extrême utilité du programme SCCOA, de surveillance radar du territoire et d'organisation de la sécurité aérienne, interopérable avec le futur système, dit ACCS, de l'OTAN.

Le rapporteur pour avis a ensuite précisé qu'à la fin de la programmation 1997-2002, l'armée de l'Air aurait reçu l'essentiel des équipements prévus : 37 Mirage 2000 rénovés au standard 2000-5, 41 Mirage 2000 D, les 4 Awacs rénovés, un nouvel appareil Sarigue, ainsi que 125 missiles air-air MICA, 72 missiles de croisière Apache et 390 missiles de protection sol-air SATCP. Il a ajouté que l'armée de l'Air avait également reçu, en supplément des prévisions, 9 pods de désignation laser, à la suite des commandes faites dans le cadre du conflit du Kosovo ainsi que 10 avions CASA 235.

Il a observé que les seuls retards portaient sur le programme d'équipement des bases aériennes (MTBA) avec 26 équipements livrés sur 34 prévus ainsi que sur le programme Cougar Resco.

Evoquant alors les perspectives d'équipement de l'armée de l'Air, il a souligné que, fin 2002, 33 Rafale devraient avoir été commandés sur la période de programmation ainsi que 50 A 400 M, 450 missiles de croisière Scalp EG et 496 Armements Air-Sol Modulaires.

Rappelant les retards qui avaient affecté le programme Rafale, il a jugé qu'ils ne témoignaient d'aucun refus larvé de cet appareil. Il a, à ce propos, estimé que le dernier glissement du programme Rafale s'expliquait d'abord par la décision de lancer le programme Mirage 2000 D qui a offert à l'armée de l'Air un remarquable équipement de 86 appareils, sans doute sans rivaux dans leur catégorie, de 1993 à 2001. Il a jugé dans ces conditions logique que le Rafale devienne, pour l'armée de l'Air, l'appareil d'après le Mirage 2000 D.

Il a également souligné que, depuis 4 ans, la position de l'armée de l'Air était inchangée : souhait d'une entrée en service du Rafale en 2005, au standard F2, et surtout en 2008 au standard F3 et refus d'une livraison plus rapide d'un appareil de standard F1 qui ne répondait pas au besoin prioritaire de remplacement des avions tactiques Jaguar. Après avoir précisé que le marché du standard F2 avait été notifié, le rapporteur a estimé que, depuis 4 ans, le programme Rafale connaissait une évolution cohérente.

Evoquant alors l'A 400 M, il a indiqué que, il y a trois ans, le Chef d'état-major de l'armée de l'Air lui avait fait part de deux craintes : d'une part, qu'une progression insuffisante des restructurations industrielles fasse obstacle à sa réalisation, d'autre part que les calendriers de renouvellement de plusieurs pays participants repoussent les livraisons au-delà de 2008, ce qui risquerait d'amener en particulier les Britanniques, dont le besoin est proche, à se tourner vers d'autres solutions.

Il a alors souligné que les programmes A 400 M et Rafale étaient tous deux structurants, non seulement pour l'équipement des forces, françaises et européennes, mais aussi pour l'industrie. Après avoir fait observer que l'A 400 M avait, dès sa naissance, une vocation européenne, il a estimé que le Rafale serait sans doute le seul avion européen polyvalent pendant longtemps, en l'absence de perspective précise de développement d'une version air-sol de l'Eurofighter avant 2012, date de retrait prévue des Tornado allemands, et eu égard au lancement du programme d'avion tactique américain JSF, désormais dénommé F35, auquel le Royaume-Uni participe.

M. Pierre Lellouche, jugeant que le rapporteur avait attribué à l'armée de l'Air une préférence pour le report du programme Rafale, s'est étonné de cette affirmation. Il a par ailleurs estimé que l'avenir du programme A 400 M restait incertain en raison de l'attitude hésitante de certains pays participants.

Exprimant son accord avec les remarques du rapporteur sur la bonne gestion constante de l'armée de l'Air, M. Robert Poujade a toutefois considéré qu'il avait péché par optimisme quant à la situation de l'industrie aéronautique européenne. Il a estimé à cet égard que le programme américain d'avion de combat JSF constituait une menace industrielle majeure pour l'Europe de la défense et qu'il pourrait donner aux Etats-Unis un monopole de fait pour ce type d'équipement militaire. Il s'est également déclaré préoccupé par l'avenir du programme A 400 M dont il a estimé qu'il risquait au minimum d'être retardé.

M. Guy-Michel Chauveau a regretté qu'une meilleure coopération entre les industriels et les armées de l'air n'ait pas permis, au milieu des années 1980, de regrouper les efforts européens pour la construction d'un même avion de combat.

Rejoignant les propos du rapporteur, il a ensuite souligné que l'armée de l'Air avait souhaité bénéficier d'une version tactique du Mirage 2000 avant de recevoir le Rafale. Il a enfin estimé qu'une décision définitive concernant l'avenir de l'A 400 M devrait être prise le 16 novembre.

M. René Galy-Dejean a également exprimé sa crainte que le programme d'avion de combat américain JSF écrase l'industrie aéronautique européenne, notamment en raison de la série de production prévue qui pourrait atteindre les 6 000 exemplaires dont la moitié à l'exportation. Il a toutefois observé que la volonté de certains pays de disposer d'un second fournisseur pour ne pas être placé dans une situation de dépendance complète laissait des chances à l'industrie européenne.

M. Yann Galut a alors apporté les éléments de réponse suivants :

- lorsqu'il est apparu que le programme Rafale prendrait du retard, l'armée de l'Air a souhaité bénéficier du Mirage 2000 D ;

- la solidarité avec les Etats-Unis n'empêchant pas la concurrence industrielle, le projet d'avion de combat JSF ou F35 revêt un caractère préoccupant. La décision définitive de lancer ce programme de 200 milliards de dollars vient d'être prise. Face à cet effort américain considérable, l'Europe doit s'assurer du maintien de ses compétences industrielles et se préparer à développer un avion de combat commun à l'horizon 2015-2020;

- quelles que soient les craintes qu'inspirent certaines hésitations de pays partenaires, l'avion de transport européen A 400 M reste une nécessité opérationnelle absolue pour l'armée de l'Air comme pour l'Europe de la défense.

La Commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'armée de l'Air pour 2002, les groupes RPR, UDF et DL votant contre.

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La Commission a alors examiné les crédits des comptes spéciaux du Trésor pour 2002, sur le rapport de M. Loïc Bouvard, rapporteur pour avis.

Après une présentation générale des comptes spéciaux du Trésor intéressant la Défense, M. Loïc Bouvard a analysé les transactions du compte d'affectation spéciale 902-24 relatives aux entreprises nationales du secteur de l'armement. Il a plus particulièrement observé que Giat-Industries, déjà recapitalisée à hauteur de 2,66 milliards d'euros (17,45 milliards de francs) depuis sa création, avait à nouveau besoin de 610 millions d'euros (4 milliards de francs) qui devraient lui être versés d'ici le premier trimestre de 2002. Il a ensuite précisé que l'Etat devrait céder 25 % du capital de la société Snecma à des investisseurs institutionnels dès que les conditions du marché le permettraient, c'est-à-dire quand l'entreprise sera à nouveau valorisée aux alentours de 6 milliards d'euros (une quarantaine de milliards de francs), soit l'estimation qui prévalait avant les attentats perpétrés aux Etats-Unis le 11 septembre dernier. Il a ajouté qu'une recapitalisation de la SNPE à hauteur de 76 millions d'euros (500 millions de francs) avait été envisagée, estimant que le concours de l'Etat à cette entreprise pourrait être plus élevé, dans l'hypothèse où elle devrait délocaliser ses usines de Toulouse.

M. Loïc Bouvard a ensuite rappelé que le coup d'envoi des restructurations des industries françaises de la défense dans une perspective européenne avait été donné dans les secteurs aéronautique et électronique, avec les privatisations d'Aérospatiale-Matra, fusionnée depuis avec DASA et CASA au sein d'EADS, et de Thomson-CSF, devenu Thales.

Il a constaté que la société EADS, créée le 11 juillet 2000, se situait au troisième rang mondial de l'aéronautique et de l'espace. Il a précisé que si le groupe britannique BAe Systems n'avait pas participé à la fusion, il s'était associé à EADS par l'intermédiaire de nombreuses filiales communes, favorisant ainsi l'émergence d'un pôle européen capable de faire face à la concurrence américaine.

Le rapporteur pour avis a remarqué que la création d'EADS avait eu d'importantes conséquences sectorielles. Elle a conduit les principaux fabricants européens de missiles à s'entendre le 26 avril 2001 pour regrouper leurs compétences au sein de MBDA, premier groupe européen et second mondial, derrière Raytheon. Elle a également favorisé le renforcement de la cohérence de la filière spatiale européenne avec l'accélération de la création d'Astrium et des restructurations de la chaîne de fournisseurs d'Arianespace.

Le rapporteur a toutefois regretté que le secteur de l'industrie aéronautique militaire reste encore trop émietté. Il a observé à cet égard que Dassault Aviation, concurrencé par les consortia Eurofighter et Gripen, refusait de s'associer à d'autres partenaires européens. Il a également relevé qu'EADS, actionnaire à plus de 45 % de Dassault Aviation, souhaitait qu'il noue un partenariat avec Finmeccanica au sein de la société European Military Aircraft Company (Emac) destinée à regrouper la majorité des concepteurs de l'Eurofighter, à l'exception notable de BAe Systems. Il a estimé que cette évolution serait souhaitable au moment où le gouvernement américain venait d'attribuer le programme d'avion de combat JSF à Lockheed Martin. Il a ensuite constaté qu'Eurocopter ne rassemblait pas tous les industriels européens de son secteur puisque Agusta et Westland restaient des concurrents actifs. Il s'est néanmoins réjoui de certaines avancées dans le domaine du transport militaire, notamment avec la création d'Airbus Military Corporation.

Puis abordant le secteur de l'électronique de défense, M. Loïc Bouvard a souligné que Thales était un groupe international dont 57 % du chiffre d'affaires étaient issus d'activités aussi spécifiques que les télécommunications militaires, les radars aéroportés, la guerre électronique, l'optronique et les sonars. Il a rappelé que l'entreprise avait procédé à de nombreuses acquisitions depuis deux ans et souligné que l'intégration de Short Missile Systems puis de Racal Electronics avait conforté son second rang dans l'électronique de défense en Europe. Il s'est réjoui que Thales ambitionne également de nouer des liens transatlantiques importants, notamment dans le domaine de la défense aérienne à travers une filiale au capital détenu à parité avec Raytheon, Thales Raytheon Systems.

Le rapporteur pour avis a souligné que le mouvement de restructuration concernait également les domaines de la construction navale, de la propulsion et, dans une moindre mesure, de l'armement terrestre.

Abordant le cas de DCN, il a rappelé avoir déjà démontré devant la Commission, à l'occasion de la présentation de ses avis budgétaires pour les années 2000 et 2001, que son régime juridique actuel était inadapté.

Il a précisé, en premier lieu, que l'organisation de DCN en service à compétence nationale était loin de résoudre toutes ses difficultés de gestion des ressources humaines et que, malgré un décret du 31 juillet 2001 censé en atténuer le formalisme, les règles applicables à ses achats nuisaient à la bonne exécution des contrats à l'exportation, quand elles n'en empêchaient pas tout simplement la conclusion, en rendant notamment impossible toute compensation industrielle (offset). Il a ajouté, en second lieu, que le statut de compte de commerce ne permettait pas à DCN de disposer de la personnalité juridique indispensable pour nouer des alliances structurelles.

Se félicitant que le Gouvernement ait enfin pris ces arguments en considération, M. Loïc Bouvard a fait état de la décision, annoncée le 6 juillet dernier, de transformer DCN en société. Il a fait observer qu'elle intervenait alors que la restructuration du secteur de la construction navale militaire était bien avancée en Allemagne et achevée au Royaume-Uni.

Le rapporteur pour avis a alors considéré que, pour rompre tout risque d'isolement, DCN devait absolument participer au processus de privatisation des chantiers navals espagnols Izar en 2003 et nouer rapidement un partenariat durable avec l'Italien Fincantieri. Convenant que le statut de société d'Etat prenait en compte les préoccupations des personnels, il a toutefois douté qu'il permette enfin à DCN de s'imposer comme un partenaire incontournable en Europe. Après avoir souligné que les exemples d'Aérospatiale-Matra et de Snecma, montraient que les alliances passaient par des ouvertures de capital, il a observé que le communiqué du Gouvernement du 6 juillet 2001 semblait exclure une telle solution pour DCN, lui préférant des partenariats par filiales. Regrettant ce choix, le rapporteur a fait valoir que, dans un proche avenir, l'Etat devrait aller plus loin en ouvrant le capital de la société, ainsi qu'il l'avait préconisé depuis plusieurs années.

M. Loïc Bouvard a alors jugé plus pertinents les choix retenus en faveur de Snecma, le statut de l'entreprise facilitant beaucoup les choses. Il a observé que les alliances structurelles entre les cinq grands motoristes européens (Rolls Royce, Snecma, MTU, Fiat Avio et Volvo Aero) restaient à l'état de projet malgré leur extrême fragilité face à leurs concurrents américains. Il s'est alors prononcé en faveur de l'émergence d'un « EADS des motoristes » à partir d'une alliance entre Snecma et d'autres fabricants européens.

Le rapporteur pour avis a toutefois constaté que les discussions entamées à ce sujet avaient échoué jusqu'à présent, l'Etat ayant trop longtemps laissé planer le doute sur ses intentions. Il a rappelé à cet égard que le Premier ministre n'avait annoncé une ouverture du capital de Snecma qu'en juin dernier. Il a ajouté qu'après ce temps perdu, l'introduction en bourse initialement prévue pour cet automne avait dû être reportée en raison de l'impact sur les marchés financiers des attentats du 11 septembre.

M. Loïc Bouvard a alors exprimé sa confiance dans la conclusion prochaine d'alliances entre Snecma, qui lui paraissait en mesure de faire face à la dégradation conjoncturelle de ses marchés, et d'autres constructeurs européens.

Il a souhaité terminer sa présentation de la modernisation du secteur public de l'armement, en évoquant les perspectives d'avenir de Giat-Industries. Exprimant sa vive inquiétude devant l'isolement stratégique dans lequel semblait se trouver l'entreprise, il a observé que l'industrie de l'armement terrestre se trouvait fragilisée en Europe, notamment du fait de son morcellement. Après avoir souligné que Giat-Industries restait un des principaux industriels européens de l'armement terrestre, il s'est félicité de son association à Renault Véhicules Industriels pour conduire le programme de véhicules blindés de combat d'infanterie (VBCI). Il a alors émis le v_u que cette démarche, si elle se confirmait, préfigure une véritable restructuration de l'industrie française des blindés légers. Après avoir évoqué d'autres partenariats dans le domaine des munitions, il a considéré que des rapprochements plus étroits pourraient voir le jour, à la condition que, dans le même temps, l'Etat actionnaire appuie les efforts de l'entreprise pour mettre en valeur ses activités viables.

Après avoir jugé que le Gouvernement avait apporté jusqu'à présent des réponses différentes, et parfois insuffisantes, aux difficultés du secteur public de l'armement, le rapporteur a estimé que leur solution passait par des alliances européennes ou transatlantiques.

Il a également fait valoir que tout retard en ce domaine pouvait être préjudiciable aux entreprises concernées dans un contexte d'évolution très rapide des marchés et des acteurs.

M. Loïc Bouvard a alors invité la Commission à donner un avis défavorable à l'adoption des articles du projet de loi de finances pour 2002 relatifs aux comptes spéciaux du Trésor.

Approuvant les observations du rapporteur sur la situation de Giat-Industries, M. Yves Fromion a tenu à rappeler que cette entreprise avait déjà bénéficié de 17,5 milliards de francs de recapitalisation et que 4 milliards supplémentaires au moins restaient à venir, en s'interrogeant sur l'utilité réelle d'un tel effort budgétaire. Après avoir considéré que des plans sociaux successifs et l'absence de perspectives appelaient une tout autre attitude vis-à-vis du groupe, il a insisté sur l'inquiétude des salariés qui jugeaient la situation intenable. Il a enfin estimé que les pertes de Giat-Industries, qui représentaient le quart de celles du Crédit Lyonnais, constituaient un véritable scandale financier.

M. Loïc Bouvard a souligné qu'il partageait de longue date les préoccupations de M. Yves Fromion quant à l'avenir de Giat-Industries, tout en rappelant que des mesures d'adaptation avaient néanmoins pu être prises puisque les effectifs de l'entreprise étaient passés de 14 000 à quelque 5 800 (compte non tenu des filiales). Il a ajouté que, pour l'exercice 2001, une marge brute positive serait même probablement dégagée dans les secteurs constituant le c_ur d'activités du groupe. Puis, après avoir jugé qu'à l'issue du contrat d'exportation du char Leclerc aux Emirats Arabes Unis, les débouchés extérieurs apparaissaient très incertains, il a fait remarquer que la Cour des Comptes allait, dans son récent rapport, jusqu'à préconiser la fermeture pure et simple de certains sites.

M. Yves Fromion a alors insisté sur l'amertume des militaires qui constataient que l'effort consenti en faveur de Giat-Industries pesait sur les budgets d'équipement de la Défense.

Après avoir exprimé son accord avec le rapporteur sur la nécessité de transformer rapidement DCN en société d'Etat, M. Jean-Yves Le Drian a estimé que le maintien de l'entreprise au sein du secteur public ne l'empêcherait pas de nouer des alliances avec des partenaires étrangers. Il a considéré par ailleurs qu'eu égard à la culture d'entreprise de DCN, il n'existait pas d'alternative au statut de société d'Etat. Récusant des critiques fréquentes, il a considéré que DCN ne se trouvait pas dans une situation comparable à celle de Giat-Industries, puisqu'elle disposait de bonnes perspectives de marché et qu'elle avait su procéder à d'importantes adaptations internes. Enfin M. Jean-Yves Le Drian a souhaité que la Commission examine les perspectives de la construction aéronautique militaire européenne après le lancement du programme JSF.

M. Robert Poujade s'est interrogé sur les perspectives offertes à Giat-Industries par le contrat relatif à la réalisation du VBCI, compte tenu d'un environnement concurrentiel qui reste défavorable. Il a par ailleurs fait état du débat en cours en Italie concernant l'A 400 M.

M. Jean Michel a souligné les progrès accomplis par Giat-Industries en matière d'effectifs et de qualité. Il a, à cet égard, regretté certaines appréciations de la Cour des Comptes qu'il a jugées excessives. Puis il a mis l'accent sur les perspectives d'exportation de matériel terrestre offertes par l'Arabie saoudite, la Grèce et tout particulièrement la Turquie, précisant que le char Leclerc avait réalisé une démonstration probante dans ce dernier pays qui, par ailleurs, a d'importants besoins de véhicules de transport de troupes. Enfin, tout en souhaitant la poursuite rapide du mouvement européen de restructuration industrielle dans le secteur de l'armement, il a exprimé la crainte que le Royaume-Uni cherche à maintenir une certaine distance à l'égard des pays du continent et soit tenté par le rôle de « Cheval de Troie » des Etats-Unis au sein de l'Europe de la défense.

La Commission a alors émis un avis favorable à l'adoption des articles 35, 36 et 39 du projet de loi de finances pour 2002 relatifs aux comptes spéciaux du Trésor, les membres des groupes RPR, UDF et DL votant contre.

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La Commission a ensuite examiné les crédits des Services communs pour 2002, sur le rapport de M. Michel Meylan, rapporteur pour avis.

Rappelant que l'année 2002 marquait la dernière annuité de la loi de programmation militaire 1997-2002, M. Michel Meylan a estimé qu'il convenait de dresser le bilan des réformes entreprises pour adapter et moderniser les services communs du ministère de la Défense. Il a souligné que, s'ils sont divers, ces services partagent aujourd'hui une même caractéristique : ils ont tous subi un renouvellement profond de leurs structures comme de leurs méthodes de travail.

Le rapporteur pour avis a ensuite annoncé qu'il examinerait la situation de quatre de ces services communs : la Délégation générale pour l'Armement (DGA), le Service de santé des Armées, le Service des essences et la Délégation à l'information et à la communication de la Défense.

S'agissant de la DGA, il a rappelé qu'elle était depuis 1996 engagée dans une refonte totale de ses méthodes et de ses structures afin de satisfaire à l'objectif de réduction de 30 % sur six ans du coût des programmes d'armement.

Il a estimé que la forte réduction de son coût d'intervention témoignait du succès de sa réforme. Ce coût s'est, en effet, établi à 972 millions d'euros en 2000, soit une diminution en termes réels de 23 % par rapport à 1996. Le rapporteur a précisé que cette réduction avait été obtenue essentiellement par un effort sur le fonctionnement et sur les investissements techniques. Pour 2002, la DGA évalue son coût d'intervention à 899 millions d'euros, en conformité avec l'objectif de réduction de 30 % fixé en 1996. Jugeant que ce résultat ne pourrait être atteint que par une diminution des dépenses de rémunérations et de charges sociales, un coût plancher ayant d'ores et déjà été atteint en matière de fonctionnement et d'investissement, le rapporteur pour avis a estimé que les principales sources d'économie se trouvaient essentiellement à la Direction des centres d'essais (DCE). Il a toutefois observé au sein de cette direction un relatif sous-encadrement dans certaines branches tandis que dans d'autres, les sureffectifs s'accompagnent d'une pyramide des âges défavorable et de lacunes d'expertises. Il a alors souligné la nécessité d'un recrutement de jeunes ingénieurs à la DCE.

Il a ensuite abordé le rôle de la DGA dans la gestion des programmes d'armement.

Il s'est d'abord demandé si l'objectif de réduction de 30 % des coûts des programmes avait été atteint. Pour des raisons méthodologiques déjà évoquées au sein de la Commission, il a jugé qu'il était très difficile de répondre à cette question. Selon la DGA, au 30 juin 2001, 18,14 milliards d'euros d'économies avaient été réalisées sur le coût à terminaison des 93 programmes placés sous contrôle de gestion. Sans insister sur le caractère difficilement vérifiable de cette évaluation au regard des données dont dispose le Parlement, il a cependant admis que l'ensemble des réformes mises en _uvre dans le domaine de la gestion, notamment comptable, des programmes d'armement, avaient réellement accru l'efficacité de la DGA. Il a souligné que ce gain d'efficacité se reflétait se particulier dans la diminution des intérêts moratoires qui sont passés de 109,3 millions d'euros en 1996 à 17,8 millions d'euros au 31 août 2001.

Abordant la politique des commandes pluriannuelles, dont il a jugé qu'elle était également un gage d'efficacité dans la gestion des programmes, il s'est interrogé sur la baisse de leur montant qui passait de 7,48 milliards d'euros dans le budget de 2001 à 764 millions d'euros dans le projet de budget. Il a rappelé que tous les responsables du ministère de la Défense auditionnés par la Commission avaient, pour expliquer cette évolution, mentionné l'assèchement des autorisations de programme disponibles. Après avoir évoqué les difficultés rencontrées pour la signature du contrat relatif à la deuxième tranche du développement du missile M 51, il a fait remarquer qu'on ne pouvait pas d'un côté demander à la DGA d'adopter des pratiques plus modernes qui renforcent sa crédibilité auprès des industriels et de l'autre ne pas lui donner les moyens que cette démarche implique.

Abordant ensuite le Service de santé, il a rappelé que sa première mission était le soutien sanitaire des forces projetées.

Notant que ce soutien a nécessité en 2001 plus de 330 personnels médicaux et paramédicaux, chiffre sensiblement équivalent à celui de l'année précédente, il a fait observer que le surcoût lié aux opérations extérieures restait, lui aussi, stable, aux alentours de 10 millions d'euros. Il a regretté, toutefois, que le prélèvement des personnels - notamment infirmiers-techniciens des hôpitaux - pour les besoins des opérations extérieures se répercute sur le potentiel chirurgical des établissements hospitaliers, puisque ces militaires ne sont pas remplacés durant leur absence.

Après avoir noté que les effectifs du Service de santé dépasseraient légèrement l'objectif initialement fixé par la loi de programmation, il a souligné que des difficultés persistaient pour pourvoir les postes de médecins des armées, malgré le plan de revalorisation engagé l'année dernière et poursuivi pour 2002, pour un montant cumulé de 5 millions d'euros. Se demandant si les mesures contenues dans ce plan étaient suffisantes, il a indiqué qu'un déficit de 10 % était constaté en 2001 entre les effectifs budgétaires et les effectifs réalisés de médecins militaires. Puis il a émis la crainte que la situation s'aggrave dans les prochaines années en raison de la baisse du nombre de places offertes aux différents concours de recrutement.

S'agissant de la Délégation à l'information et à la communication de la défense (DICOD), il a évoqué l'élaboration, en 2001, d'un schéma directeur de la communication, destiné en particulier à coordonner toutes les actions des armées en ce domaine. Mentionnant le développement très sensible du site Internet, ainsi que l'édition et la diffusion des documents d'information sur tous supports, il a jugé que toutes ces actions étaient de nature à consolider l'adhésion des Français à leur défense.

Soulignant que, comme le Service de santé, la DICOD devait faire face à l'extinction de la ressource en appelés hautement qualifiés dont elle disposait, il a jugé que, en plus du recours à la sous-traitance, elle devrait, pour remédier à ce déficit prévisible, procéder au recrutement de fonctionnaires et de contractuels experts dans les techniques de la communication.

Abordant enfin le Service des essences, il a rappelé qu'il remplissait les fonctions d'un service interarmées de logistique pétrolière.

Il a indiqué que les approvisionnements en produits pétroliers étaient en baisse, en raison de la hausse des cours, bien que les cessions aux armées aient augmenté de près de 9 %. Il a ajouté que les stocks avaient en conséquence diminué de plus de 16 %. Il a ensuite relevé que les quantités de produits pétroliers distribués aux armées avaient fortement progressé sur les théâtres d'opérations extérieures. Pour la deuxième année consécutive, le Service des essences a été le fournisseur de carburant de l'ensemble des armées participant à la KFOR, à l'exception du contingent russe.

Le rapporteur pour avis a également indiqué que le Service des essences des armées, déjà professionnalisé à 100 % en 2001, poursuivait sa politique de recrutement, le nombre des personnels militaires devant atteindre 1 413 en 2002, objectif fixé par la loi de programmation.

En conclusion, M. Michel Meylan a salué l'effort accompli par les personnels des différents services qu'il venait d'évoquer, soulignant qu'ils avaient su relever le défi de la professionnalisation, et qu'il convenait à l'avenir de leur assurer les moyens de leurs missions. Prenant l'exemple de la DICOD, il a jugé qu'elle avait un rôle essentiel à jouer pour faire vivre le lien armées-nation, et pour dire et répéter aux Français que, même après la guerre froide, les dépenses militaires n'étaient pas le vestige d'une politique de prestige mais qu'elles servaient la paix.

M. Robert Poujade a souhaité savoir si les vides créés au sein du Service de santé par la fin du service national avaient été comblés.

M. Yves Fromion évoquant la situation de l'hôpital du Val de Grâce, a souligné qu'un déficit important d'infirmiers y était constaté.

M. Michel Meylan a répondu que d'une part, la situation des effectifs ne permettait pas d'assurer le remplacement des personnels en opérations extérieures et de l'autre qu'il était inévitable que les hôpitaux militaires n'échappent pas aux difficultés rencontrées par les hôpitaux civils.

M. Robert Gaïa, Président, a regretté qu'aucune dotation ne soit inscrite en loi de finances initiale pour financer les dépenses prévisibles au titre des opérations extérieures.

M. Robert Poujade a souligné le paradoxe d'une situation où les opérations extérieures ne sont pas financées par le budget initial alors qu'elles représentent désormais la finalité principale des Armées.

La Commission a alors émis un avis favorable à l'adoption des crédits des services communs pour 2002.

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La Commission a ensuite examiné les crédits du titre III et des personnels de la Défense pour 2002, sur le rapport de M. Aloyse Warhouver, rapporteur pour avis.

Après avoir rappelé l'importance du budget de fonctionnement d'une armée professionnelle, M. Aloyse Warhouver a souligné que le niveau des crédits du titre III présentait un certain nombre de motifs de satisfaction.

Le montant des crédits inscrits au titre III du ministère de la Défense, hors pensions, s'élèvera en 2002 à 16 457,10 millions d'euros (107 951,5 millions de francs), soit une augmentation de 2,3 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2001. Cette évolution est due en grande partie à la poursuite de la mise en _uvre de la professionnalisation ainsi qu'à l'impact d'un certain nombre de mesures prises en faveur du personnel militaire, dont M. Aloyse Warhouver a énuméré les principales :

- revalorisation indiciaire des soldes de jeunes sergents (14,5 millions d'euros ou 95 millions de francs) ;

- augmentation du contingent de primes de qualification des sous-officiers diplômés (12 millions d'euros ou 78,7 millions de francs) ;

- revalorisation de l'indemnité journalière d'absence temporaire pour la Gendarmerie (5 millions d'euros ou 32,8 millions de francs) ;

- poursuite du plan de revalorisation des médecins militaires (2,4 millions d'euros ou 15,7 millions de francs) ;

- création d'échelles de solde n° 4 à l'armée de Terre (1,8 millions d'euros ou 11,8 millions de francs) ;

- revalorisation de l'indemnité spéciale de sécurité aérienne (1 million d'euros ou 6,6 millions de francs).

M. Aloyse Warhouver a également signalé que la réduction du temps de travail était entrée en application, pour les civils du ministère de la Défense, dès le 1er octobre et que cette avancée sociale qui n'est pas directement transposable en tant que telle aux militaires aurait néanmoins de prochaines répercussions positives sur les conditions de travail de ces derniers.

Après deux années de hausses modérées (+ 1,5 % en 2000 et + 0,7 % en 2001) le projet de budget prévoit une croissance des rémunérations et charges sociales de 2,3 %.

La part des crédits de rémunérations et charges sociales dans le titre III semble désormais stabilisée aux alentours de 80,2 %. Cette stabilisation bénéficie cependant d'une conjoncture favorable : le besoin en pécules s'est avéré inférieur de 300 millions de francs à celui de 2001 ; les recrutements ont été étalés sur l'année, ce qui a réduit la dépense de 600 millions de francs ; enfin, de nombreuses vacances de postes, essentiellement civils diminuent de 700 millions de francs les charges de personnel.

Les effectifs budgétaires du ministère de la Défense s'établissent pour 2002 à 436 221, en baisse de 9 922 personnes par rapport à 2001, soit - 2,2 %. Si on fait abstraction de la disparition des 22 818 derniers postes d'appelés, le ministère de la Défense est créateur net de 12 896 emplois.

M. Aloyse Warhouver a exprimé sa satisfaction à l'égard de l'évolution des effectifs militaires, soulignant que rarement une loi de programmation militaire aura autant été respectée. Les effectifs prévus par la loi de finances pour 2002 sont très proches de ceux définis dès 1996. Et les effectifs réels sont eux-mêmes très proches des effectifs budgétaires aussi bien pour les officiers que pour les sous-officiers. Pour ce qui concerne les militaires du rang, il reste une année pour recruter les derniers engagés et tout porte à croire que les effectifs prévus seront atteints pour l'armée de Terre et qu'ils ne seront pas très éloignés des objectifs fixés pour la Marine et l'armée de l'Air.

M. Aloyse Warhouver a toutefois jugé que la situation des effectifs civils, beaucoup moins brillante, constituait le seul véritable élément inachevé du titre III.

Un déficit chronique et élevé d'effectifs civils est constaté depuis le début de la programmation. De 2 600 postes à la fin de l'année 1996, ce déficit a fortement crû, jusqu'à 9 300 fin 1999. Les efforts déployés par le ministère de la Défense ainsi que des modifications de périmètre ont permis de le réduire à 5 400 emplois fin 2000, mais il s'est à nouveau creusé par la suite (7 500 postes au 1er juillet 2001).

Le déficit des postes de fonctionnaires et de contractuels est sans doute dû en grande partie à la très forte augmentation d'effectifs enregistrée : 10 900 emplois ont été créés entre 1996 et 2001, soit une hausse de 27 %.

Le rapporteur pour avis a indiqué que les services du ministère poursuivent leurs efforts, notamment sur le plan de l'organisation et du déroulement des concours pour rattraper ce décalage.

Puis, M. Aloyse Warhouver a abordé la question des ouvriers d'État. Il a précisé que le ministère de la Défense comptait 47 851 emplois de cette catégorie en 2001, contre 50 362 l'an dernier.

Les difficultés rencontrées par le ministère pour la gestion de ces personnels résultent de l'interdiction d'embauche imposée de fait par le ministère de l'Économie et des Finances. Cette interdiction a été décidée, il y a déjà plusieurs années, pour imposer au ministère de la Défense le redéploiement interne des personnels en sureffectifs à la DGA et chez DCN et Giat-Industries.

M. Aloyse Warhouver a indiqué que, pour l'année 2001, les reclassements du personnel en provenance des établissements restructurés de Giat-Industries ou de la DGA constituaient, selon les armées, une source de réalisation des effectifs de l'ordre de 200 personnes. M. Aloyse Warhouver a jugé que ce redéploiement avait aujourd'hui atteint ses limites.

L'obtention auprès de la Direction du budget du ministère de l'Economie et des Finances de dérogations pour procéder à des embauches exceptionnelles constitue un autre moyen de remédier au sous-effectif en ouvriers d'Etat. Mais les volumes accordés restent très parcimonieux : 150 emplois en 1997, 500 en 1998, 250 en 1999 et autant en 2000. En 2001, 250 embauches ont également été autorisées, principalement au profit de l'armée de Terre dont le déficit en civils s'élève à environ 5 000 postes. 700 nouveaux emplois sont prévus par le projet de budget. M. Aloyse Warhouver a toutefois souligné qu'un déficit de plusieurs milliers d'emplois ne pouvait pas être comblé avec des dérogations portant sur quelques centaines de postes.

Il a alors insisté sur la nécessité de sortir de cette situation afin de ne pas continuer à en faire peser les conséquences sur les militaires. Les tâches que les personnels civils ne peuvent accomplir doivent en effet être assumées par des combattants professionnels qui seraient nécessaires pour les missions de projection intérieure ou extérieure. En outre, le sous-effectif des personnels civils démotive des militaires qui se sont engagés pour tenir un poste dans les forces et non pour accomplir des tâches de soutien qui ne devraient pas être les leurs.

Abordant ensuite l'examen des crédits de fonctionnement hors rémunérations et charges sociales, M. Aloyse Warhouver a souligné qu'ils augmenteraient de 2,5 %, évolution à comparer avec les baisses enregistrées au cours des trois exercices précédents. Cette hausse qui bénéficie à toutes les armées va leur permettre d'améliorer leur activité. Ainsi, l'armée de Terre dont le nombre de jours d'exercice avait chuté à 68 en 1999 et 2000 devrait atteindre les 89 jours en 2002, avec toujours l'objectif de 100 à terme. La Marine augmentera également le nombre de jours à la mer de ses bâtiments, qui passeront de 94 actuellement à 97 en 2002, l'objectif à terme restant fixé à 100 par an. L'armée de l'Air, dont les pilotes respectent les normes de l'OTAN en volant 180 heures par an, devrait également améliorer l'entraînement de ses équipages en leur permettant de participer davantage à des exercices interalliés majeurs.

Il restera à fournir un effort pour les pilotes d'hélicoptères de l'aviation légère de l'armée de Terre (ALAT) qui, en moyenne, n'ont pas respecté pour la deuxième année consécutive le minimum de 150 heures de vol considéré comme nécessaire, même s'il s'agit là davantage d'une question de disponibilité de matériel que de crédits d'entraînement.

M. Aloyse Warhouver a également indiqué qu'au-delà de l'entraînement, le fonctionnement courant de toutes les armées serait également amélioré.

Rappelant que le Général Jean-Pierre Kelche, Chef d'état-major des Armées avait souligné devant la Commission que le pari de la professionnalisation était gagné, M. Aloyse Warhouver a considéré que le titre III du projet de budget était globalement satisfaisant et équilibré.

Il a estimé que, même si la situation pouvait évidemment toujours être améliorée, notamment en ce qui concerne la réalisation des effectifs civils, ces crédits constituaient un réel progrès prouvant que les demandes exprimées, entre autres, par la Commission au cours des années précédentes avaient été entendues. Il a jugé qu'ils permettraient aux forces d'achever sereinement leur profonde transformation et d'entrer avec confiance dans la prochaine loi de programmation militaire.

M. Yves Fromion a déclaré ne pas partager totalement l'enthousiasme du rapporteur pour avis quant à l'exécution de la loi de programmation 1997-2002, faisant valoir qu'une fois la décision de professionnalisation prise et les réformes engagées, le processus était devenu inéluctable. Il a alors estimé que la réussite de la professionnalisation devait être principalement attribuée aux militaires eux-mêmes, qui ont accompli cette réforme considérable tout en assurant leurs missions, que ce soit en France ou sur les théâtres extérieurs. Puis il a observé que le déficit en personnels civils avait pour conséquence immédiate d'alourdir la charge de travail des militaires et exprimé la crainte que cette situation s'aggrave avec l'introduction des 35 heures chez les civils. Il a en outre jugé que l'hébergement des sous-officiers et militaires du rang n'était pas satisfaisant, les besoins de ces personnels n'étant pas les mêmes que ceux des appelés.

Il a par ailleurs estimé que l'insuffisance des crédits alloués à l'équipement des forces dans le projet de loi de finances pour 2002 était préjudiciable au moral et à la motivation des militaires qui devaient être assurés de recevoir les moyens nécessaires à leurs missions. Enfin, tout en reconnaissant la difficulté d'évaluer à l'avance le coût exact des opérations extérieures, il a regretté qu'aucune dotation ne soit prévue pour les financer dans le projet de loi de finances initiale, estimant que cette lacune nuisait à la lisibilité du budget.

M. Michel Voisin s'est interrogé sur les conditions dans lesquelles des économies avaient pu être faites sur les pécules d'incitation au départ dont l'attribution est pourtant régie par la loi.

Il a également demandé au rapporteur s'il disposait d'un historique des transferts de crédits d'entretien programmé des matériels du titre III vers le titre V et s'il pouvait évaluer l'impact de ces transferts sur la gestion du titre III.

M. Guy-Michel Chauveau s'est interrogé sur les réductions de dépenses résultant de l'écart entre les prévisions et les réalisations en matière d'effectifs civils.

M. Aloyse Warhouver a apporté les éléments de réponse suivants :

- des mesures vont être prises en faveur des militaires pour tenir compte de l'application du régime des 35 heures aux personnels civils. Elles seront annoncées prochainement ;

- il ne faut pas exagérer les conséquences du déficit en personnel civil sur la nature des tâches confiées aux militaires ;

- le pécule n'est pas un droit, mais une mesure de gestion ; les objectifs en personnel peuvent, le cas échéant, être atteints sans que la totalité du volume de pécules prévu soit consommée.

M. Robert Gaïa, Président a alors souligné que, pour la première fois en quatre ans, l'ensemble des chefs d'état-major s'étaient félicités du montant du titre III.

M. Robert Poujade a fait observer que l'on pouvait aussi considérer que le niveau du titre III prévu pour 2002 correspondait à un rattrapage.

La Commission a alors émis un avis favorable à l'adoption des crédits du titre III et des personnels de la Défense, les membres des groupes RPR, UDF et DL s'abstenant.

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La Commission a ensuite examiné les crédits d'équipement de la Défense pour 2002, sur le rapport de M. Jean Michel, rapporteur pour avis.

M. Jean Michel a d'abord rappelé que le projet de loi de finances pour 2002, ouvrait sur les titres V et VI du budget de la Défense 13,009 milliards d'euros d'autorisations de programme (85,33 milliards de francs) et 12,36 milliards d'euros de crédits de paiement (soit 81,3 milliards de francs).

Les autorisations de programme s'inscrivent en légère augmentation (+ 0,7 %) au regard des inscriptions initiales de 2001, alors que les crédits de paiement baissent de 2,5 %.

Le rapporteur pour avis a ensuite rappelé que les dotations en crédits de paiement seraient complétées par quelque 412 millions d'euros de reports. Dans ces conditions, les crédits de paiement seront portés à 84 milliards de francs et augmenteront de 0,7 % par rapport aux dotations initiales de 2001.

Il a observé que cet apport provenait de crédits déjà votés par le Parlement et précisé que, pour l'essentiel, il abonderait des lignes budgétaires relatives à des programmes classiques.

Il a ensuite formulé les remarques suivantes :

- la loi de programmation 1997-2002, sera la première exécutée jusqu'à son terme. Sa mise en _uvre aura permis la complète professionnalisation des armées ;

- la professionnalisation n'a pas entraîné de déséquilibres majeurs entre les dépenses de fonctionnement et d'équipement. En exécution, le titre III a pu être stabilisé à environ 57 % des crédits de paiement consommés.

Le rapporteur pour avis a ensuite apporté les précisions suivantes sur l'exécution de la programmation 1997-2002 :

- les taux d'exécution des crédits ouverts en loi de finances initiale se sont globalement améliorés depuis 1998 sur les principaux chapitres consacrés à l'équipement des forces ;

- de plus, grâce notamment à la méthode des commandes globales qui atteindront 18,1 milliards d'euros à la fin 2002 (à la condition que la commande concernant l'avion A 400 M soit bien notifiée à la fin de cet exercice ou l'année prochaine), l'Etat a renforcé le rythme et la rigueur de ses engagements financiers ;

- les réformes internes engagées par la DGA conjuguées à sa politique de réduction du coût des programmes auront, au total, permis de dégager, sur six années, près de 45 milliards de francs d'économies. Ce chiffre important correspond approximativement à l'écart entre les inscriptions budgétaires et les objectifs initialement fixés ;

- pour autant, la dérive constatée dans l'exécution de la loi de programmation reste préoccupante, notamment au regard des dépenses d'équipement des Etats-Unis comme de la Grande-Bretagne.

Le rapporteur a alors regretté que l'effort consenti en faveur de la recherche ait subi des arbitrages peu favorables, notamment dans le domaine des études à vocation technico-opérationnelle dont chaque armée assume la charge.

Il s'est par ailleurs félicité que le nombre et le montant des annulations de crédits aient été sensiblement réduits au cours des deux derniers exercices.

S'agissant plus particulièrement du projet de budget, trois points lui ont paru devoir être d'abord soulignés :

- les crédits destinés à la force de dissuasion augmentent fortement ; ils atteindront 2,47 millions d'euros d'autorisations de programme et 2,63 milliards d'euros de crédits de paiement, soit plus de 16 et 17 milliards de francs avec des augmentations respectives de 22,9 % et 13,1 %, le renouvellement et la modernisation des capacités nucléaires étant, de la sorte, assurés. Les programmes relatifs aux sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE-NG), au missile air-sol moyenne portée amélioré (ASMP-A) et à la simulation sont largement dotés ;

- toutefois le programme de missile balistique M 51 qui équipera directement le 4ème SNLE-NG, n'est pas directement doté dans le projet de budget à la hauteur des échéances contractuellement arrêtées, sous peine de pénalités, avec l'industriel. Il est donc probable que la loi de finances rectificative abondera les dotations du projet de budget de manière à fournir les autorisations de programme requises pour la prochaine échéance, prévue au dernier trimestre de 2002 ;

- malgré l'effort accompli en faveur de la dissuasion, les principaux engagements de la dernière année de la programmation sont tenus dans les autres domaines. Le fléchissement, voire la baisse de certaines dotations s'explique, pour l'essentiel, par le petit nombre de fabrications nouvelles à lancer en 2002 ainsi que par le faible volume des matériels à livrer sur l'exercice, notamment en matière aéronautique.

S'agissant de l'espace, du renseignement et des télécommunications, le rapporteur a jugé que les principales échéances seraient tenues : lancement de Syracuse III en 2003 et des satellites d'observation Helios II en 2004 puis 2008. Le programme Helios bénéficiera d'ailleurs, en 2002, de dotations conséquentes : 651 milliards de francs d'autorisations de programme et 1,16 milliard de francs de crédits de paiement.

Pour ce qui concerne plus particulièrement l'armée de Terre, le rapporteur a précisé que son équipement en chars Leclerc serait conforme à la cible définie : à la fin 2002, 406 Leclerc auront été commandés et 310 livrés.

Les programmes de VBCI (Véhicule blindé de combat d'infanterie) et de « SIR » (système d'information régimentaire) sont également financés à hauteur des commandes déjà notifiées. Enfin, la rénovation partielle du parc d'AMX 10 RC fera l'objet en 2002 d'une commande qui portera sur 44 châssis.

Après avoir indiqué que dans le domaine de l'artillerie, les financements étaient, en revanche, plus modestes, le rapporteur a précisé que, pour l'armée de Terre, les principales difficultés concernaient les programmes dits de cohérence opérationnelle : au regard de son implication dans les opérations extérieures (elle assume, à elle seule, plus de 80 % de cette charge), l'armée de Terre ne dispose pas de crédits suffisants pour acquérir de nouveaux shelters ou encore compléter son stock de gilets pare-balles. Le rapporteur a alors souhaité que, dès le premier exercice de la prochaine programmation, de nouvelles marges de man_uvre budgétaires soient ouvertes en ces domaines.

Il a par ailleurs souligné le vieillissement du parc d'hélicoptères de l'armée de Terre, notamment en raison de l'âge et de la sollicitation des matériels au cours des dernières années. Puis, il a estimé que ce vieillissement posait un problème crucial : la réception par l'armée de Terre de ses premiers NH 90, en 2011, paraît d'autant plus tardive que les autres forces terrestres européennes concernées recevront ces appareils avant elle, notamment celles de l'Allemagne, de l'Italie et du Portugal. En termes d'interopérabilité, l'armée de Terre risque ainsi d'être défavorisée.

S'agissant de la Marine, M. Jean Michel a rappelé que les deux axes de développement privilégiés par le projet de loi de programmation 2003-2008 faisaient l'objet d'une anticipation dans le projet de budget :

- le programme de construction de six sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda bénéficie de 89,9 millions d'euros d'autorisations de programme et de 48,2 millions d'euros de crédits de paiement qui permettront de poursuivre la phase de conception de ces bâtiments dont l'entrée en service débutera à partir de 2012 ;

- le second programme essentiel pour l'avenir de la Marine vise à remplacer, par autant de bâtiments modernes, 17 frégates et avisos « classiques » (hors frégates anti-aériennes) : 22,9 millions d'euros d'autorisations de programme et 21,3 millions d'euros de crédits de paiement sont dégagés en sa faveur.

Le rapporteur a toutefois noté que ce programme avait pris le pas sur celui du second porte-avions qui se trouve, de fait, reporté au-delà de 2008.

Puis, il a souligné que des programmes non initialement prévus dans la loi de programmation 1997-2002, avaient néanmoins pu être lancés en cours de période, citant à titre d'exemples, le système « Félin » (Fantassins à équipements et liaisons intégrés) et les drones dits « intérimaires » destinés à remplacer les systèmes « Crécerelle » arrivant en fin de vie en 2003.

M. Jean Michel a alors précisé que, dans le domaine du renseignement tactique, les systèmes de drones se sont avérés, à l'expérience, indispensables, notamment dans les Balkans.

Plus généralement, le rapporteur a souligné que l'engagement de la France dans les Balkans et, depuis le 11 septembre dernier, la menace de « l'hyperterrorisme » devaient être soigneusement analysés : il convenait, en effet, de tirer toutes les conséquences de cette évolution des données géostratégiques afin d'adapter au mieux et dans les meilleurs délais notre capacité de réaction, même si, face au terrorisme international, la riposte n'est sans doute pas d'ordre exclusivement militaire. S'agissant des menaces de type « NBC », qui pour certaines sont connues de longue date, le rapporteur a souligné qu'elles représentaient un potentiel de nuisances jusqu'alors insoupçonné, estimant que les armées auraient, en conséquence, à réfléchir sur leur degré d'implication dans le plan « Biotox » dont l'élaboration a été annoncée par le Premier ministre, le 3 octobre dernier.

Le rapporteur a ajouté que les crises des Balkans puis d'Afghanistan démontraient que l'Europe devait disposer de capacités de projection de forces, y compris sur des théâtres lointains. Il a précisé que dans le domaine naval, la poursuite du programme de nouveau transport de chalands de débarquement (NTCD) donnait à la France la possibilité de participer à des opérations amphibies de grande ampleur.

Il a regretté qu'il n'en soit pas de même pour nos capacités de projection et de mobilité aériennes, relevant en particulier que l'armée de l'Air risque de ne pas pouvoir exploiter au mieux sa capacité d'action et de frappe, faute de ravitailleurs en nombre suffisant. Le rapporteur a alors considéré qu'en ce domaine, la France, comme la plupart des grands pays européens, n'était pas au niveau de ses ambitions, en souhaitant que la programmation 2003-2008 redresse la situation sur ce point.

M. Jean Michel a également regretté les incertitudes qui subsistaient sur la réalisation de l'A 400 M. Après avoir souligné la nécessité absolue de cet appareil, il a ajouté que le retrait du service des C 160 Transall imposait à l'armée de l'Air de combler, au plus vite, ce qui constituera un réel déficit de capacités à partir de 2005.

Il s'est alors déclaré préoccupé devant les hésitations de l'Allemagne qui a pourtant obtenu la majeure partie du partage industriel (34 %) et dont le motoriste MTU doit être partie prenante dans la fabrication du système de propulsion aux côtés de Rolls Royce, de Snecma et de Fiat Avio.

Le rapporteur a alors précisé que le coût total estimé du programme A 400 M s'établissait à 43,5 milliards de francs pour la partie française.

Enfin, M. Jean Michel a fait état du redressement des crédits d'entretien programmé des matériels. Il a estimé que ce redressement répondait bien à une urgence eu égard notamment à la situation constatée par la mission d'information de la Commission sur l'entretien de la flotte. S'agissant de l'armée de Terre, l'entretien programmé des matériels aériens augmente de 59 % en autorisations de programme et de près de 90 % en crédits de paiement : la situation de ces matériels est apparue si critique, que l'état-major de l'armée de Terre s'est trouvé contraint, dès la fin d'année 1998, de limiter le potentiel d'utilisation de son parc d'hélicoptères, mesure qui a toutefois pu être levée en 2001. Le rapporteur a alors noté que les besoins d'entretien programmé des matériels restaient particulièrement élevés, ne serait-ce que parce que les coûts de soutien des nouveaux matériels génèrent des charges croissantes. Ainsi pour le Char Leclerc, à un coût d'acquisition unitaire d'environ 7,9 millions d'euros (51,4 millions de francs), il convient d'ajouter au moins 1 million de francs de charges d'entretien, chaque année.

Les charges d'entretien programmé des matériels ont atteint de tels montants qu'il a été nécessaire, sur l'exercice 2001, d'effectuer par décret au bénéfice de cette catégorie de dépenses un virement de 909 millions de francs.

Dans les domaines de l'entretien, de l'acquisition des rechanges et du maintien en condition opérationnelle, les synergies entre armées sont désormais recherchées. En premier lieu, la Structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la Défense (SIMMAD) est en place depuis un peu plus d'une année. Un autre organisme interarmée devrait voir le jour, au cours de l'exercice 2002, pour les matériels terrestres : il s'agit de la Structure intégrée de maintenance du matériel terrestre, la SIMMT.

Le rapporteur a alors abordé la situation de Giat-Industries et de DCN :

- concernant DCN, la transformation en société d'Etat devrait être effective dès la fin de cette année. Après une ultime phase de réorganisation interne, DCN devrait pouvoir s'engager, dès le 1er janvier 2003, sur un premier exercice de nature industrielle et commerciale. Le compte de commerce particulier à DCN en loi de finances serait alors définitivement supprimé ;

- l'avenir de Giat-Industries s'avère plus délicat, notamment parce que les perspectives de marché sont nettement moins favorables que pour la construction navale militaire.

Des déboires dans l'exécution du contrat de chars Leclerc passé avec les Emirats, ont amené Giat-Industries à provisionner des pertes supplémentaires : pour l'exercice 2000, les pertes se sont élevées au total à 1,85 milliard de francs pour un chiffre d'affaires de 3,6 milliards de francs (contre 5,7 milliards en 1999). Bien qu'un peu meilleures, les perspectives pour l'exercice 2001 demeurent très dégradées. Une nouvelle recapitalisation s'impose à hauteur de 4 à 5 milliards de francs pour satisfaire à cette obligation qui incombe à l'Etat-actionnaire et ne peut être imputée, même partiellement, sur les crédits ouverts aux armées.

M. Jean Michel a alors jugé, dans ces conditions, vital pour Giat-Industries le programme de VBCI, conduit en coopération avec Renault Véhicules industriels. Il a par ailleurs souligné que certaines activités de l'entreprise témoignaient d'une grande capacité d'innovation. Tel est le cas des matériels d'artillerie et des munitions. Néanmoins, Giat-Industries reste isolé dans son secteur, alors que la concurrence est particulièrement vive, sous la pression de groupes américains qui prennent progressivement pied en Europe, au moyen de rachats ou d'alliances. Puis, le rapporteur a estimé que dans un récent rapport sur le secteur public industriel de la Défense, la Cour des comptes émettait des appréciations excessives, au regard des profondes mutations engagées, notamment en matière d'effectifs.

MM. Robert Gaïa, Président, et Guy-Michel Chauveau ont demandé à combien s'élevait la part des pertes de Giat-Industries imputable pour l'année en cours à l'exécution du contrat de vente de chars Leclerc aux Emirats Arabes Unis.

M. Jean Michel a précisé que l'exécution de ce contrat à l'exportation avait donné lieu à quatre avenants successifs et à des renégociations qui s'étaient traduites par une suspension temporaire des livraisons. Après avoir indiqué que la perte à terminaison du contrat avoisinerait 1,3 milliard d'euros (8,5 milliards de francs), il a souligné que la charge supportée au titre de l'exercice comptable 2001 était de 198 millions d'euros (1,3 milliard de francs) pour un déficit total de 274 millions d'euros (1,8 milliard de francs).

M. André Vauchez s'est interrogé sur la nécessité de poursuivre les restructurations des entreprises françaises de l'armement afin de faciliter les regroupements industriels européens.

M. Jean Michel a répondu que des restructurations dans un cadre européen étaient indispensables et urgentes. Il a toutefois observé que certaines entreprises européennes étaient également tentées de nouer des partenariats transatlantiques.

Après avoir souligné la qualité et l'honnêteté intellectuelle du rapport présenté par M. Jean Michel, M. Robert Poujade a souligné que le poids des dépenses liées à la dissuasion ne devait pas conduire à la réduction des crédits de l'équipement classique et de l'espace. Il a ensuite insisté sur la situation de l'entretien et de la disponibilité des matériels qu'il a jugée proche de la rupture. Puis, il a jugé insuffisant le niveau des crédits consacrés à la recherche et regretté que le projet de loi de finances pour l'année 2002 ne prévoie que peu de fabrications nouvelles et de livraisons de matériels neufs. Estimant que les armées continueront à être confrontées à de réelles difficultés de projection en raison de l'insuffisance de l'effort d'équipement militaire, il a indiqué que le groupe RPR voterait contre les titre V et VI du projet de budget de la Défense pour 2002.

La Commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption des crédits d'équipement de la Défense, les groupes RPR, UDF et DL votant contre.

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Puis, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la Défense pour 2002, les membres des groupes RPR, UDF et DL votant contre.

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