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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 2

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 7 octobre 1998
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Jean-Pierre Brard, Vice-président

SOMMAIRE

 

pages

-Examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 (n° 1805)

 

Pêche

2

Pays et Territoires d'outre-mer

4

Départements d'outre-mer et article 72 rattaché à ce budget

7

Transports aériens et météorologie et budget annexe de l'aviation civile

10

La commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a commencé l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 (n° 1805).

Elle a tout d'abord examiné, sur le rapport de M. Louis Mexandeau, rapporteur spécial, les crédits de la Pêche.

M. Louis Mexandeau, rapporteur spécial, a rappelé que le secteur de la pêche était loin d'être dénué d'intérêt économique et social, employant, selon les modes de calcul, entre 17.000 et 25.000 pêcheurs, générant un chiffre d'affaires de 9 milliards de francs par une production d'environ 800.000 tonnes. Si la crise des années 1993-1994 a entraîné une baisse importante du nombre des navires et des effectifs embarqués, aujourd'hui, la situation des entreprises s'est rétablie, les captures sont stables et le chiffre d'affaires global est en hausse (+ 5 % en 1998). Les années 1998 et 1999 ont été marquées par la mise en _uvre de la loi d'orientation sur la pêche et les projets de réforme des règlements européens concernant les fonds structurels pour la période 2000-2002 et l'organisation commune des marchés applicable à partir de 2001. Le projet de loi de finances pour 2000, qui propose un accroissement des crédits de la pêche de 2,3 %, permettra de poursuivre les efforts d'investissement à terre et d'accélérer la modernisation de la flotte.

Concernant l'exécution du budget de 1998, les dépenses ordinaires dont la dotation initiale avait été fixée à 147,13 millions de francs, ont vu leur montant porté, à la suite de différents mouvements, à 195,6 millions de francs. Les dépenses correspondantes ont permis de financer les actions du fonds d'intervention et d'organisation des marchés (FIOM), puis de l'office national interprofessionnel des produits de la mer et de l'aquaculture (OFIMER), qui le remplace, pour 103,13 millions de francs, le plan de sortie de flotte pour 15,49 millions de francs, le plan de restructuration de la pêche artisanale pour 10 millions de francs et la subvention à la société Interpêche, pour 9 millions de francs. Les crédits d'investissement, fixés initialement à 38,7 millions de francs, ont été portés à 55,85 millions de francs en crédits de paiement. Ils ont été consacrés à des subventions aux entreprises de pêche et de culture marine pour 24,4 millions de francs et pour 18,4 millions de francs à l'organisation des marchés, l'industrie, la commercialisation des produits de la mer et aux opérations de mise aux normes sanitaires des criées.

L'exécution du budget en cours est principalement marquée par une consommation des crédits de fonctionnement, compte tenu de l'application progressive de l'interdiction des filets maillants dérivants, décidée au niveau européen malgré l'opposition de la France. Quant aux crédits d'investissement, leur sous-consommation est due aux mesures d'interdiction des aides publiques aux nouvelles constructions qui avaient été prises par la Commission européenne. Le projet de budget pour 2000 est dominé par la mise en place de l'OFIMER dont les dotations représentent les deux tiers des crédits de la Pêche, c'est-à-dire 95 millions de francs, l'OFIMER bénéficie, par ailleurs, de 23 millions de francs provenant de la perception de taxes parafiscales. Les objectifs de l'OFIMER sont le maintien des prix, les investissements collectifs à terre, l'amélioration de la logistique et de la qualité.

L'action publique est, par ailleurs, marquée par la nécessité d'ajuster l'effort de pêche à l'état de la ressource, ce qui se traduit par la mise en place des plans d'orientation de la pêche (POP). Le POP IV, actuellement en cours d'exécution, couvre la période 1997-2001. La France a comblé son retard sur l'exécution du précédent POP grâce à un plan de sortie d'envergure avec le soutien de nombreuses régions. Le budget pour 2000 inscrit les crédits nécessaires au respect des engagements communautaires de la France pour la poursuite de cette politique et notamment l'accroissement de 5,5 % de la dotation de l'article 20 du chapitre 44-36. Cette politique de gestion responsable de la ressource comporte, en outre, la conclusion par l'Union européenne d'accords de pêche internationaux et la mise en place d'aides à l'aquaculture, secteur sur lequel la France accuse un certain retard. Le budget de la pêche prévoit également un soutien à la recherche, dans lequel s'inscrit la subvention versée à l'IFREMER, établissement public et commercial placé sous la tutelle conjointe des ministères chargés de la recherche, de l'équipement et des transports, de l'agriculture et de la pêche. Cet organisme, qui emploie un effectif de plus de 1.300 personnes, dispose d'un budget d'un milliard de francs.

En conclusion, le Rapporteur spécial a souligné que la position défendue par la France dans les négociations européennes bénéficiait, au niveau national, d'un réel consensus porteur d'espérance pour le secteur de la pêche, qui doit reprendre confiance en son avenir. Le projet de budget pour 2000 prévoit les moyens de poursuivre et de renforcer les actions mises en chantier depuis plusieurs années.

M. Pierre Hériaud a estimé que la croissance apparente des crédits d'intervention dissimulait, en réalité, un changement de périmètre. Il a interrogé le Rapporteur spécial sur l'état de renouvellement de la flotte, quantitativement et qualitativement, et a demandé des précisions sur l'application des nouveaux zonages mis en place dans le cadre des fonds structurels européens.

M. Alain Rodet a souhaité connaître les avantages apportés par la substitution de l'OFIMER au FIOM.

En réponse aux intervenants, le Rapporteur spécial a précisé que, concernant la modernisation de la flotte, le retard pris par la France dans l'exécution du POP III avait entraîné la suspension des aides publiques et, de ce fait, ralenti les constructions et la modernisation des navires. Aujourd'hui, ces aides sont de nouveau autorisées ; elles concernent principalement les bateaux de plus de vingt mètres. Ceci traduit une volonté d'accompagner l'adaptation de la grande pêche à la concurrence internationale, notamment par la transformation des produits à bord. Les 6.000 bateaux de pêche français, actuellement en activité, sont, pour l'essentiel, des navires modernes.

La France bénéficie, dans le cadre de la réglementation communautaire de 82 quotas sur les 199 seuils de capture fixés dans les eaux communautaires. De plus, 61 autres seuils sont définis dans le cadre d'accords entre l'Union européenne et des pays tiers, pour lesquels la France dispose de 20 quotas. La France est l'État membre qui a le plus grand nombre de quotas, ce qui témoigne de la diversité de sa pêche.

L'Union européenne a conclu vingt-six accords de pêche, dont vingt-trois sont effectivement appliqués, qui permettent à cinq cents navires communautaires d'exploiter dans les eaux de pays africains, de l'océan indien et de l'Atlantique nord, des espèces à forte valeur dont les céphalopodes et les thonidés. L'ensemble de ces accords représente près de 30 % des captures totales effectuées par les pêcheurs communautaires (soit plus de 2 millions de tonnes). Leur financement absorbe environ 40 % des dépenses liées à la politique commune de la pêche.

En revanche, il n'a pas été possible d'éviter l'interdiction des filets maillants.

La transformation du FIOM en OFIMER, dont 1999 est la première année d'exercice, a traduit la volonté, exprimée par la loi d'orientation sur la pêche, d'offrir au secteur de la pêche et de l'aquaculture, un instrument au rôle économique affirmé, capable d'assurer, grâce à un conseil de direction représentatif de l'ensemble des professionnels, la concertation et la cohésion entre l'amont et l'aval de la filière.

M. Pierre Hériaud a demandé qu'un tableau précis, quantitatif et qualitatif, retraçant la modernisation de la flotte, ainsi qu'un bilan des zonages puissent être insérés dans le rapport spécial.

Le Rapporteur spécial, soulignant que le ministère n'avait pas apporté, à ce jour, les réponses précises à certaines questions posées, s'est engagé à insister, dans son rapport écrit, sur les points évoqués par M. Pierre Hériaud.

La Commission a ensuite adopté, sur la proposition du Rapporteur spécial, les crédits de la pêche.

*

* *

La Commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Philippe Auberger, rapporteur spécial, les crédits des Pays et Territoires d'outre-mer.

M. Philippe Auberger, rapporteur spécial, a indiqué qu'il allait d'abord consacrer un développement au budget des pays et territoires d'outre-mer proprement dit, avant d'effectuer un compte rendu de sa dernière mission en Nouvelle-Calédonie, qui lui avait permis de mieux appréhender les problèmes liés aux mines de nickel.

Les crédits du Secrétariat d'État à l'Outre-mer atteignent 6.364 millions de francs, soit une progression apparente de 13,6 %, mais de 9,3 %, hors les transferts liés notamment à l'application de la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie et qui concernent surtout le ministère de l'Éducation nationale, à hauteur de 326 millions de francs. Les moyens en personnels atteignent 1.072 millions de francs. Les effectifs diminuent légèrement en raison de la réforme du service national. A la suite des accords de Nouméa, le personnel non titulaire de l'État en Nouvelle-Calédonie pourra être titularisé et 87 emplois sont créés à ce titre, pour une dépense de 4,7 millions de francs. La partition des services de l'État et de la Nouvelle-Calédonie entraîne des frais de fonctionnement et d'équipement supplémentaires à la charge du Haut Commissariat.

Un chapitre 41-56, nouveau, comprend notamment la dotation globale de compensation versée à la Nouvelle-Calédonie, afin de financer les transferts de compétences : services du commerce extérieur, jeunesse et sport, inspection académique et service des mines. Le nouveau statut de ce territoire n'entraîne pas pour cette année de flux financiers significatifs : la prochaine étape importante sera le transfert des dépenses finançant les lycées en 2004, puis du financement des universités en 2009.

Les subventions destinées aux collectivités territoriales inscrites au chapitre 41-91 se montent à 65,1 millions de francs, dont environ 50 millions de francs pour les pays et territoires d'outre-mer. En ce qui concerne les ressources des communes de la Polynésie française, en l'attente de l'élaboration du nouveau statut, les projets de loi relatifs au statut des communes ne sont pas examinés.

Les dépenses d'investissement destinées aux pays et territoires d'outre-mer, inscrites principalement au Fonds d'investissement pour le développement économique et social, sont notamment engagées dans le cadre des contrats de développement, dont le contenu est actuellement en cours de négociation. Ces contrats ont un régime comparable à celui des contrats de plan État-région.

L'État s'est engagé, après la fermeture du centre d'expérimentations nucléaires, à maintenir un niveau stable de dépenses publiques au bénéfice de la Polynésie française. L'application de ce dispositif a conduit à l'affectation de 470 millions de francs en 1999 au Fonds pour la reconversion économique de la Polynésie française, ces crédits étant inscrits au budget de la Défense. Le rapport spécial détaillera le contenu de ces dépenses.

M. Philippe Auberger a ensuite abordé les problèmes du nickel en Nouvelle-Calédonie.

Le cours du nickel a beaucoup baissé en 1998. Les besoins mondiaux restent cependant très importants et la Nouvelle-Calédonie dispose de ressources exceptionnelles. Pourtant, vu le contexte économique mondial, des grands groupes miniers ont retardé des projets importants, voire fermé des unités de production, si bien que l'on peut se demander comment vont s'insérer les projets néo-calédoniens dans le marché mondial.

Il existe en effet actuellement deux projets d'unité de production : l'un à Koné, en province Nord, et l'autre à Goro, en province Sud. Ces deux projets constituent des investissements d'un montant unitaire évalué de 6 à 8 milliards de francs.

Le « préalable minier », levé en février 1998, a certainement facilité l'évolution politique de la Nouvelle-Calédonie. Une société d'économie mixte locale, la Société minière du Sud Pacifique (SMSP), s'est associée au groupe canadien Falconbridge pour développer un projet minier à Koné, qui exigeait un échange de massifs miniers entre Koné, propriété de la Société Le Nickel (SLN), filiale du groupe Eramet, et le massif de Poum, propriété de la SMSP. Cet échange s'est réalisé suivant une procédure juridique complexe associant trois sociétés par actions simplifiées ; il a donné lieu au paiement d'une soulte d'environ un milliard de francs à la SLN.

Les conditions de versement de cette soulte, qui a transité par l'Agence française de développement (AFD), posent des problèmes juridiques et budgétaires très sérieux sur lesquels il convient d'être particulièrement attentif. D'abord, cette soulte a été payée à partir du compte d'affectation spéciale n° 902-24, ce qui constitue un détournement manifeste de la vocation du compte en question. Ensuite, il s'avère que cette somme a été versée à l'AFD en février 1998, avant même de connaître les résultats de l'étude commandée à deux banques conseils sur le montant de l'indemnisation. Il n'a pas été possible de prendre connaissance du contenu de cette dernière étude, le secret ayant été opposé à une demande explicite, mais selon certaines sources, elle évalue le montant de la soulte entre 500 millions de francs et 1,4 milliard de francs, ce qui est une fourchette très large.

La soulte a été versée en septembre 1998 à la SLN et à Eramet. La présidence de l'entité, qui est la société mère des deux SAS portant les deux massifs, est assurée par une personne morale. Le choix de cette personne morale s'est porté, après appel d'offre, sur le cabinet Kleinwort Benson, localisé à Jersey. Ce choix aurait été dicté par la nécessité d'adopter la forme juridique du trustee. Mais, dans ce cas, une localisation à Jersey, paradis fiscal, ne s'imposait nullement ; le trustee pouvait, par exemple, être localisé à Londres.

En outre, le paiement des frais de fonctionnement de cette structure a été assuré par le produit du placement de la soulte auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations par l'AFD. On se retrouve donc dans une confusion totale en ce qui concerne les aspects financiers et budgétaires de ce projet, comme les conditions de versement et le montant des sommes en cause.

Sur le terrain, les Canadiens semblent poursuivre un programme très sérieux de recherches, d'un montant total de 400 millions de francs, sur le site de Koniambo. En revanche, on peut avoir des inquiétudes sur la SMSP, majoritaire à 51 %. Il est impossible d'avoir des indications fiables sur sa santé financière, alors même qu'elle a procédé en 1998 à des opérations catastrophiques, par exemple le rachat d'un immeuble à Nouméa avec ses dettes. Une faillite éventuelle de cette entreprise, détenue par la province Nord, poserait des problèmes politiques majeurs. En outre, elle rendrait sans objet l'indemnisation de la SLN.

Ce projet semble donc très mal parti, alors même que la somme extravagante d'un milliard de francs a d'ores et déjà été dépensée par l'État.

Enfin, un autre problème se pose. La loi ordinaire appliquant les accords de Nouméa prévoit la cession par l'État de ses participations dans des entreprises ayant leurs intérêts en Nouvelle-Calédonie. Le Gouvernement envisage donc la cession de ses titres Eramet/SLN à une structure juridique qui associerait la Nouvelle-Calédonie et les provinces. L'opération est peut-être légitime, mais son dispositif budgétaire est manifestement très problématique. En effet, un tel transfert, d'un montant évalué à 750 millions de francs, devrait être autorisé par la loi et donc soumis au vote du Parlement.

M. Jean-Pierre Brard, président, a souhaité d'abord engager la discussion sur les crédits destinés aux pays et territoires d'outre-mer avant de débattre des problèmes du nickel, distincts du budget pour 2000.

M. Alain Rodet a demandé des précisions sur les créations d'emplois de fonctionnaires titulaires prévues en Nouvelle-Calédonie.

M. Michel Inchauspé a interrogé le rapporteur spécial sur l'utilité de la section des territoires du fonds d'investissement pour le développement économique et social (FIDES) et sur le niveau faible des taux de délégation des crédits du FIDES. Les dépenses prévues pour la Polynésie, inscrites au contrat de plan, s'élèvent à 683 millions de francs, le taux d'engagement étant seulement de 82 %, soit 437 millions de francs de dépenses.

M. Jean-Pierre Delalande, après avoir salué la qualité du travail du rapporteur spécial, a demandé s'il était envisagé de modifier le système fiscal de la Polynésie française.

Répondant aux intervenants, le Rapporteur spécial a apporté les précisions suivantes :

- le rapport spécial comprendra le détail des créations d'emplois budgétaires en Nouvelle-Calédonie ;

- la section générale du FIDES permet une ventilation des dépenses en fonction des objectifs fixés par les contrats de développement. Le Secrétaire d'État à l'Outre-Mer, M. Jean-Jack Queyranne, tient d'ailleurs régulièrement des réunions de coordination visant à faire le bilan des engagements. Il est cependant exact que les taux d'engagement des crédits sont parfois très insuffisants ;

- les systèmes fiscaux de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française sont très dérogatoires. Ainsi, il n'existe pas d'impôt sur le revenu des personnes physiques et la TVA est perçue au taux de 1 % en Polynésie française.

Le Rapporteur spécial s'est ensuite remis à la sagesse de la Commission, en ce qui concerne le vote des crédits.

La Commission a adopté les crédits des Pays et Territoires d'outre-mer.

M. Alain Rodet a demandé si le rapporteur spécial connaissait l'avis de MM. Pierre Frogier et Jacques Lafleur, députés de Nouvelle-Calédonie, sur les questions soulevées par les projets miniers.

M. Jean-Pierre Delalande, soulignant que la localisation à Jersey se fondait sur l'absence de la formule juridique de la fiducie en France, a proposé que la Commission entame une réflexion à ce sujet et qu'elle fasse des propositions au Gouvernement.

M. Philippe Auberger, rapporteur spécial, a expliqué que MM. Pierre Frogier et Jacques Lafleur, députés de Nouvelle-Calédonie, n'étaient pas hostiles au projet d'usine du Nord, et qu'ils étaient très partisans du projet de l'entreprise Inco en province Sud à Goro. En ce qui concerne le transfert des titres d'Eramet/SLN, il lui a semblé que MM. Pierre Frogier et Jacques Lafleur attendaient de connaître la forme juridique précise de la structure portant les participations pour porter un jugement.

M. Jean-Pierre Brard, président, a suggéré que la MEC soit saisie des problèmes soulignés par le rapporteur spécial et que le Président Augustin Bonrepaux soit également interrogé sur l'opportunité pour la Commission de s'intéresser à la formule de la fiducie.

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La Commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. François d'Aubert, rapporteur spécial, les crédits des Départements d'outre-mer.

M. François d'Aubert, rapporteur spécial, a précisé que bien que les crédits de l'outre-mer soient apparemment en hausse de 13,6 %, ils n'augmentent en fait que de 1,76 % pour les DOM, à structure constante, après déduction des différents transferts provenant d'autres ministères.

Si l'insertion constitue la priorité affichée du Gouvernement, et si plus de 2 milliards de francs alimentent le FEDOM, les relations sociales dans les DOM sont rendues plus difficiles du fait de l'existence d'une différence très marquée entre les salaires locaux et les traitements versés aux fonctionnaires venus de métropole. L'évaluation du coût de cette « surrémunération » varie, selon les sources, entre 3,5 et 8 milliards de francs. Il est indispensable d'améliorer la connaissance de ce coût, très élevé en toute hypothèse, et de tenir le Parlement informé sur cette question, ce qui n'est pas le cas.

Parallèlement à l'effort consenti en faveur de l'action sociale et culturelle, dont la dotation croît de 28 %, c'est le logement qu'il convient de favoriser, étant donné la difficulté des conditions de vie créées par la pression démographique, confirmée par le récent recensement, les problèmes liés à la viabilisation foncière et le niveau moyen des ressources des ménages.

L'existence du service militaire adapté doit être préservée, malgré la disparition de l'obligation du service national : dans cette perspective, des suppressions de postes de militaires assurant son encadrement et de postes d'appelés sont compensées par la création de postes de volontaires.

Les subventions de fonctionnement aux collectivités locales sont stables et les subventions d'investissement augmentent globalement, mais elles diminuent en Guyane alors qu'on y constate un net retard en matière d'infrastructures. Il conviendrait d'ailleurs de disposer d'une évaluation des investissements réalisés par le Centre national d'études spatiales (CNES), lequel travaille aussi à l'amélioration de certaines infrastructures en Guyane.

Si les départements d'outre-mer sont les premiers bénéficiaires des concours communautaires - près de 12 milliards leur sont destinés sur la période 1994-1999 -, on doit regretter que les taux de paiement y soient encore très bas (42,7 % au 1er septembre 1999), en dépit de l'amélioration des taux d'engagement (74,7 %).

Mais c'est surtout le niveau des dépenses fiscales en faveur des DOM qui doit retenir l'attention : le Parlement est particulièrement mal informé sur leur coût, dont l'évaluation est incertaine, et le ministère des finances a opposé le secret fiscal à toute demande de précisions sur les opérations bénéficiant du dispositif créé par la loi dite « Pons ». Il est pourtant indispensable de sortir de cette situation de flou.

M. François d'Aubert a enfin souhaité mettre l'accent sur deux insuffisances manifestes : les moyens de lutte contre le trafic drogue, lequel s'intensifie depuis cinq ans, en particulier aux Antilles, ces dernières se trouvant au centre de flux de stupéfiants à cause de leur situation géographique, et les instruments d'endiguement de l'immigration clandestine, qui ne fait que croître aux Antilles et en Guyane. En dépit de la qualité des fonctionnaires, le manque de moyens est, dans ces secteurs, patent et le projet de budget n'apporte pas, en la matière, de réelle amélioration.

Étant donné le manque d'information du Parlement sur les problèmes de « surrémunération » des fonctionnaires et sur le coût et les résultats de la loi dite « Pons », d'une part, et l'insuffisance des moyens de lutte contre le trafic de drogue et l'immigration clandestine, d'autre part, le Rapporteur spécial a indiqué qu'il est défavorable à l'adoption du projet de budget pour l'Outre-mer.

M. Alain Rodet s'est interrogé sur les raisons de l'intensification du trafic de drogue depuis cinq ans.

M. Michel Inchauspé a souligné le rôle de Saint-Martin dans les flux financiers d'origine incertaine, alors que l'île est française. Il a évoqué la crise traversée par le Crédit martiniquais : l'État alimente la trésorerie de cet établissement bancaire par l'intermédiaire de la Caisse de coopération pour lui éviter une faillite, que le laxisme des autorités de tutelle n'a pas permis de prévenir. Des systèmes de prises de participations complexes, voire de faillites organisées, sont en cause. Dans la mesure où ce scandale se rapproche de celui qui a touché le Crédit lyonnais, la justice commerciale se doit d'intervenir.

M. Gilbert Gantier a félicité le Rapporteur spécial d'avoir souligné aussi nettement les problèmes qui touchaient les DOM, notamment en ce qui concerne les salaires locaux, la lutte contre la drogue et les problèmes d'immigration clandestine et il lui a demandé s'il pouvait analyser les causes des troubles qui ont affecté récemment la Guadeloupe.

M. Jean-Pierre Delalande a souhaité avoir des précisions sur le fonctionnement, le statut et les missions du Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer et la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon (FEDOM) et a demandé si la ligne budgétaire du FEDOM figurait dans le budget du ministère de l'Emploi. Il s'est étonné du grand nombre de fonds existant dans les différents ministères et suggéré qu'une liste en soit dressée.

M. François d'Aubert a rappelé que le FEDOM qui, à lui seul, représente le tiers des crédits relatifs aux DOM, était exclusivement alimenté par des crédits inscrits au titre IV du secrétariat d'État à l'Outre-mer, à hauteur de 2,1 milliards de francs, et qu'il finançait les nombreuses actions d'insertion existant dans ces départements, notamment les contrats emploi-solidarité.

Il a analysé les tensions sociales en Guadeloupe comme le résultat d'ensemble de la situation sociale : aux fortes disparités de revenus s'ajoutent le taux élevé de chômage, surtout parmi les jeunes, et la paupérisation dont témoigne le nombre d'allocataires du revenu minimum d'insertion (RMI).

L'étude du blanchiment de l'argent sale à Saint-Martin mériterait la création d'une mission d'information. Il convient également que soit approfondie l'information du Parlement sur la crise du Crédit martiniquais, mais aussi sur la récente faillite de la société Stardust, filiale du Crédit lyonnais, contrainte de reverser les aides qu'elle a reçues à la suite d'une décision de la Commission européenne et qui, donc, est en situation de dépôt de bilan.

Il a illustré l'aggravation du problème de la drogue aux Antilles en rappelant que c'est là qu'a été réalisée la plus grosse prise de stupéfiants en 1998 et que les statistiques témoignent d'une aggravation nette de la situation depuis cinq ans.

Usant de la faculté que l'article 38 du Règlement de l'Assemblée nationale confère aux députés d'assister aux réunions des commissions dont ils ne sont pas membres, M. Gérard Grignon a approuvé l'analyse des causes sociologiques des tensions dans les DOM. Il a souligné que le fait que des fonctionnaires métropolitains occupaient l'essentiel des postes et bénéficiaient d'une indexation salariale et de primes d'éloignement, était très mal accepté par les habitants originaires de ces départements, qui sont, pour certains emplois, tout aussi qualifiés que des métropolitains. Le taux de chômage outre-mer est souvent proche de 40 % et touche surtout les jeunes, les nominations de fonctionnaires métropolitains pouvant être ressenties comme aggravant l'absence de débouchés.

Après avoir regretté que le dispositif de la loi dite « Pons » soit si souvent décrié alors que ses résultats sont mal connus et, surtout, qu'aucun autre mécanisme n'est proposé, il a insisté sur la nécessité de pérenniser les allégements de charges sociales spécifiques aux DOM et à Saint-Pierre-et-Miquelon, citant l'exemple d'une brasserie de Terre-Neuve qui est prête à s'installer à Saint-Pierre-et-Miquelon, si elle reçoit la garantie de cette pérennisation. En dépit du surcoût salarial qu'une telle installation induit, elle peut parfaitement être bénéfique, à la fois pour des raisons géographiques de desserte et sur le plan économique. Les dispositions de l'article 72 du projet de loi vont donc dans le bon sens, mais nécessiteraient d'être pérennisées.

Enfin, il convient de souligner que l'outre-mer a une image connotée de plus en plus négativement, ce qui nuit au développement économique local.

Après avoir rappelé que la rémunération des fonctionnaires de métropole posait effectivement un réel problème, certains, comme M. Paul Vergès, postulant même la suppression des primes d'éloignement, M. Jean-Pierre Brard, Président, a indiqué que la Commission pourrait opportunément se pencher sur le régime juridique et fiscal de Saint-Martin et sur le « crédit martiniquais » et « stardust ».

La Commission a ensuite adopté, contre l'avis du Rapporteur spécial, les crédits des Départements d'outre-mer.

Elle a ensuite adopté l'article 72 du projet de loi de finances, rattaché à ces crédits.

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* *

La Commission a enfin examiné, sur le rapport de M. Gilbert Gantier, rapporteur spécial, les crédits des Transports aériens et météorologie.

M. Gilbert Gantier, rapporteur spécial, a considéré que l'examen des crédits pour l'aviation civile pour 2000 se caractérisait par la confirmation des évolutions récentes, tant dans le secteur du transport que de la construction aéronautique ou de la fiscalité des transports aériens. Il a souligné, en premier lieu, le redressement d'Air France, en notant la progression du chiffre d'affaires lié au trafic passager et en regrettant la moindre performance du fret. Il a indiqué que l'excédent brut d'exploitation atteignait 7,87 milliards de francs et que le résultat financier s'était amélioré de 279 millions de francs, grâce à la diminution des pertes de change. Le résultat courant avant impôt a dégagé un profit de 1,27 milliard de francs. Il s'agit, certes, d'une diminution par rapport à l'exercice précédent, mais celle-ci est due à l'impact de la grève de juin 1998, qui a minoré le résultat net de 1,3 milliard de francs.

Le Rapporteur spécial a souligné la diminution constante de l'endettement de la compagnie et rappelé que son objectif était de conduire un programme d'investissement de 40 milliards de francs sur cinq ans, ce qui supposait un cash-flow de 8 milliards de francs, une augmentation du coefficient de remplissage et une croissance annuelle du trafic de 4 %.

M. Gilbert Gantier, rapporteur spécial, a noté que l'État maintenait un indéniable soutien à la construction aéronautique, même si les crédits inscrits au chapitre 53-22 connaissaient une légère diminution due à l'achèvement de certains programmes de recherche. On peut néanmoins regretter la faiblesse des programmes communautaires, alors que face au mouvement de concentration de l'industrie américaine, il serait urgent de conduire à terme la transformation d'Airbus en société commerciale et la création d'une grande société européenne d'aéronautique et de défense.

Le budget annexe de l'Aviation civile (BAAC) s'éleve à 8,717 milliards de francs, soit une quasi stabilité (+ 0,03 %). L'analyse de ce budget est rendue malaisée par les différentes réformes touchant à la présentation des crédits et à la fiscalité aérienne, effectuées non pour en améliorer la présentation mais pour masquer la crainte de l'État de devoir rembourser plus de 4 milliards de francs indûment perçus sur les compagnies aériennes. En effet, une note du Conseil d'État à M. le Ministre des Transports, rappelle que la loi de validation du 23 décembre 1998 ne peut faire obstacle au remboursement précité. M. Gilbert Gantier a jugé pour sa part que la présentation du BAAC incitait à s'interroger sur sa régularité juridique. Il a ensuite tenu un raisonnement analogue pour le fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien (FIATA) qui s'est, à ses yeux, éloigné de sa mission première de péréquation des lignes déficitaires pour financer des tâches d'ordre régalien.

Le Rapporteur spécial a, enfin, indiqué que les crédits de la météorologie, tant de fonctionnement que d'investissement, étaient stables et permettaient le financement de grands programmes.

Il a, en conclusion, proposé le rejet des crédits du transport aérien et de la météorologie.

M. Alain Rodet a souhaité connaître les liens entre Air France et les compagnies régionales se livrant à la sous-traitance, ainsi que le programme d'investissements de Météo France.

M. Pierre Hériaud a interrogé le rapporteur sur le coefficient de remplissage d'Air France, sur les hypothèses qui fondent le programme quinquennal d'investissement, avant de faire part de ses doutes sur la capacité du BAAC à financer les dépenses de contrôle et de sécurité. Il a ensuite souhaité des précisions sur le programme d'investissement de Météo France.

M. Jean-Pierre Delalande a demandé quel était le montant des crédits consacrés à la lutte contre les nuisances sonores, toutes actions confondues, avant de s'interroger sur l'utilité du FIATA. Il a ensuite indiqué que le développement de Roissy provoquait des nuisances croissantes et a souhaité savoir si des crédits étaient prévus pour la construction d'un troisième aéroport.

M. Michel Inchauspé a regretté la diminution du trafic de fret d'Air France avant d'interroger le Rapporteur sur les pertes financières d'Aérospatiale, sur le financement du nouvel immeuble de la direction générale de l'Aviation civile et la destination des locaux qu'elle occupe actuellement et sur l'éventualité d'une ouverture minime du capital d'Aéroports de Paris, ce qui permettrait à cette entreprise publique d'échapper à la tutelle du Comité des investissements à caractère économique et social (CIES), dont l'utilité n'est pas avérée, les choix qu'il impose n'étant pas nécessairement les plus rationnels.

En réponse aux intervenants, M. Gilbert Gantier a apporté les précisions suivantes :

- les liens entre Air France et certaines compagnies régionales permettent à la compagnie d'alimenter sa plate-forme internationale, sans avoir pour autant à gérer des avions de petite capacité, ce qui constitue un métier spécifique ;

- le coefficient de remplissage sur Air France atteint 78 % , ce qui implique un taux encore plus élevé pour satisfaire le programme d'investissement, notamment en avions neufs. L'échéancier de remboursement de la dette est établi sur une quinzaine d'années, à la condition que les hypothèses économiques de croissance se confirment ;

- il n'existe pas de crédits prévus pour la construction d'un troisième aéroport en région parisienne. Il est regrettable que les élus locaux aient permis des constructions aux abords de la plate-forme de Roissy. En revanche, est prévue l'ouverture d'un aéroport privé de fret à Wattries, à l'initiative du conseil général de la Marne ;

- le programme d'investissement de Météo France est principalement consacré à la mise au point de grands systèmes, notamment informatiques, permettant d'améliorer les prévisions.

M. Jean-Pierre Delalande a indiqué qu'il voterait contre les crédits du transport aérien qui ne prévoyaient aucune disposition ni en faveur d'un troisième aéroport en région parisienne ni pour la lutte contre les nuisances sonores.

Puis, la Commission, contre l'avis du Rapporteur spécial, a adopté, les crédits des Transports aériens et météorologie ainsi que les crédits du budget annexe de l'Aviation civile ouverts à l'article 42 (services votés) au paragraphe I de l'article 43 (mesures nouvelles, autorisations de programmes) et au paragraphe II de l'article 43 (mesures nouvelles, crédits de paiement).

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