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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 50

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 26 avril 2000
(Séance de 13 heures 30)

Présidence de M. Henri Emmanuelli, Président

SOMMAIRE

 

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Audition de M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et de Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget, sur le débat d'orientation budgétaire pour 2001 et sur le projet de loi de finances rectificative pour 2000.



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La Commission des finances, de l'économie générale et du plan a procédé à l'audition de M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et de Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget, sur le débat d'orientation budgétaire pour 2001 et sur le projet de loi de finances rectificative pour 2000.

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a tout d'abord évoqué les nombreuses occasions qui vont l'amener à travailler prochainement avec la Commission des finances, notamment le projet de loi sur l'épargne salariale, le projet de loi de finances rectificative pour 2000, le débat d'orientation budgétaire pour 2001 et le projet de loi de règlement pour 1998, ces trois derniers débats devant, pour la première fois, être regroupés afin d'offrir à la représentation nationale une vision générale des finances publiques avant le prochain débat budgétaire.

La secrétaire d'Etat et lui-même seront attentifs aux réflexions menées par la Commission des finances dans le cadre de sa mission d'évaluation et de contrôle, sur la transparence des finances publiques, et en vue de la révision de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.

La situation macro-économique française est bonne : la prévision de la croissance de 3,6% du PIB en 2000 vient d'être confirmée par le FMI, l'inflation est maîtrisée, le chômage recule au point d'observer quelques goulets d'étranglement dans certains secteurs comme le bâtiment et l'informatique, la balance extérieure est toujours favorable, la production industrielle est bonne et les résultats en termes de création d'emplois s'améliorent très nettement. Cette situation devrait se maintenir, sauf survenance d'un krach boursier toujours possible en raison du système américain très déséquilibré par un faible taux d'épargne. Quelques sujets de préoccupations doivent également être signalés du côté du marché des changes, même si la faiblesse de l'euro, que le FMI estime sous-évalué de 30%, résulte essentiellement de l'attractivité de l'économie américaine, ou des pays émergents, toujours fragiles, même si l'Asie et l'Amérique latine redémarrent bien.

S'agissant de la situation des finances publiques, il est difficile, à cette époque de l'année, de faire des prévisions à partir des recettes fiscales constatées, mais l'engagement de baisse des prélèvements obligatoires sera tenu, même si l'on doit davantage s'attacher au poids des impôts, notion plus significative pour les contribuables que celle, plus abstraite, de prélèvements obligatoires.

Le projet de loi de finances rectificative traduit l'engagement du Gouvernement de réduire les impôts à hauteur de 40,6 milliards de francs qui viendront s'ajouter à la baisse de 40 milliards de francs prévue par la loi de finances initiale. Trois impôts sont concernés. La diminution d'un point du taux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) se traduira par un allégement de 18,5 milliards de francs en 2000 et de plus de 30 milliards de francs en année pleine. Ces chiffres sont à comparer avec l'augmentation décidée le 1er août 1995 qui avait entraîné une ponction de près de 57 milliards de francs en année pleine sur le budget des ménages. L'allégement de l'impôt sur le revenu résultera de la baisse d'un point des taux des deux premières tranches du barème, mesure qui, si elle concerne de façon plus significative les contribuables aux revenus modestes, bénéficiera mécaniquement à tous. Cette mesure allégera l'impôt sur le revenu de 11 milliards de francs. La taxe d'habitation sera réduite par la suppression de la part régionale, qui sera entièrement compensée par l'Etat, la compensation évoluant ensuite comme la dotation globale de fonctionnement. De plus, les mécanismes actuels de dégrèvement seront remplacés par un dispositif de plafonnement de la taxe en fonction du revenu fiscal de référence bénéficiant aux redevables modestes et moyens. Au total, l'allégement de la taxe d'habitation sera de l'ordre de 11 milliards de francs.

Le projet de collectif ouvre des crédits nouveaux à hauteur de 10 milliards de francs au titre de la solidarité envers les victimes des tempêtes, des cyclones et de la marée noire (5,5 milliards de francs) et pour financer des mesures exceptionnelles. Des crédits supplémentaires sont ainsi affectés au service public hospitalier (2 milliards de francs), à l'enseignement scolaire et professionnel (1 milliard de francs), à la politique de la ville (430 millions de francs), au dépistage de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) (221 millions de francs), au plan d'urgence pour les prisons (1 milliard de francs en moyens d'engagement), au renforcement des moyens de la Gendarmerie nationale (160 millions de francs), au budget des Affaires étrangères (147 millions de francs), à la mise en _uvre de l'accord conclu en début d'année avec les transporteurs routiers (110 millions de francs). Enfin, le collectif traduit divers mouvements de réallocations de moyens au sein du budget de la Défense et prévoit des prélèvements sur recettes de 500 millions de francs pour accélérer le remboursement aux collectivités locales de la TVA payée au titre des travaux qui ont fait suite aux intempéries et de 250 millions de francs pour accompagner la constitution des communautés d'agglomération.

Le projet de loi de finances rectificative, qui réévalue de 51,4 milliards de francs les recettes, établit le solde budgétaire à un niveau inchangé par rapport à la loi de finances initiale pour 2000, soit 215,3 milliards de francs, sachant que si la croissance se maintient au niveau prévu, elle pourrait engendrer des plus-values de recettes fiscales - et non pas une « cagnotte » - qui seront affectées à la réduction du déficit.

Abordant les orientations budgétaires pour 2001, le ministre a précisé qu'il s'agissait de formuler les hypothèses économiques qui seront associées à la future loi de finances initiale. On peut d'ores et déjà anticiper pour 2001 une croissance du PIB de 3% et un taux d'inflation de 0,9%, assurant une croissance de 3,9% en valeur. S'agissant des finances publiques, les engagements européens de la France encadrent l'action du Gouvernement. Ce dernier s'est engagé en 2001 à ramener le solde de l'ensemble des administrations publiques à - 1,2% du PIB, l'Etat enregistrant un déficit de 2,2% en partie compensé par des excédents de 0,5% pour les administrations de sécurité sociale, de 0,25% pour les collectivités locales et de 0,25% pour les organismes divers d'administration centrale (ODAC). Hors le déficit budgétaire de l'Etat, le solde des autres administrations devrait s'établir à + 1%.

Le ministre a souligné que les salaires, les pensions, les recrutements et la réduction du temps de travail dans la fonction publique, dont le coût représente 40% du budget de l'Etat, seront, à cet égard, des points déterminants à examiner en concertation, d'autant que l'accord cadre actuel vient à expiration en 2000.

En 2001, il faudra également être attentif à la bonne utilisation, notamment en direction des publics les plus difficiles, des marges dégagées sur le budget de l'Emploi par les économies liées à la baisse du chômage et à la refondation du budget de la Défense. La baisse réelle des impôts devra être poursuivie selon un rythme et des modalités qui restent à déterminer.

Enfin, le ministre a attiré l'attention sur le fait qu'au cours des années 1990, le budget de l'Etat a, en quelque sorte, tenu lieu d'assureur final de divers organismes publics (sécurité sociale, UNEDIC, etc...), dont il a assumé les déficits. Aujourd'hui, certains de ces partenaires ayant des résultats excédentaires, ne serait-il pas légitime d'opérer un rééquilibrage, d'autant qu'il s'agit, en toute hypothèse, de fonds publics ?

M. Didier Migaud, Rapporteur général, s'est réjoui de l'élaboration d'un collectif budgétaire, nécessaire, pour des motifs de transparence, afin d'ajuster les perspectives de l'exercice 2000 aux résultats de l'exécution budgétaire pour 1999. Il a noté que, dans le passé, peu de lois de finances rectificatives s'étaient traduites par des baisses d'impôts. On peut noter, en 1976, la baisse de la TVA sur les produits pharmaceutiques pour 1 milliard de francs. En avril 1986, une autre majorité procéda à la suppression de l'impôt sur les grandes fortunes pour 4 milliards de francs. En l'espèce, l'opposition de l'époque s'était évidemment opposée à cette mesure, qui ne profitait, par définition, qu'aux plus fortunés. Il s'agit donc d'un texte particulièrement important.

Il reste néanmoins quelques questions en suspens. En premier lieu, il n'est pas concevable que le déficit de l'exercice 2000 soit supérieur à celui constaté en 1999. Dès lors, quelles sont les intentions du Gouvernement à cet égard ? S'agissant des recettes de l'année 2000, il est effectivement difficile de réaliser des projections à partir des résultats constatés sur les trois premiers mois de l'exercice. On a cependant noté une très forte progression des recettes de la taxe intérieure sur les produits pétroliers en début d'année. Si un dialogue a été engagé par le Gouvernement avec les compagnies pétrolières au sujet des prix de détail des produits pétroliers finis, peut-on envisager que des mesures plus draconiennes soient prises afin que la baisse des cours du brut soit mieux répercutée « à la pompe » ?

En ce qui concerne les perspectives économiques pour 2001, doit-on craindre un effet négatif sur la croissance d'une hausse probable des taux d'intérêt ? La Banque centrale européenne, ainsi que la Banque de France, semblent craindre aujourd'hui une reprise de l'inflation. S'agit-il d'un risque réel ?

Le Rapporteur général a rappelé que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie avait plaidé, dans l'exercice de ses précédentes fonctions, pour une amélioration de la transparence en matière budgétaire et il lui a demandé quelles initiatives il comptait prendre en ce sens, notamment s'agissant de la réforme de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances

Enfin, le Rapporteur général a indiqué qu'il avait obtenu des ministres des éléments d'information concernant le sujet d'éventuelles délocalisations fiscales, éléments qu'il a l'intention de rendre publics selon des modalités normales dès qu'il aura pu les analyser et les compléter. Quels sont les enseignements qu'il est possible, déjà, de mettre en lumière à partir de ces données ? Possède-t-on des éléments objectifs sur ces phénomènes, notamment au regard des biens professionnels ? Quelles seraient éventuellement les mesures à mettre en _uvre pour y remédier, d'autant que si un mouvement significatif affectant les biens professionnels et les sièges sociaux d'entreprises était avéré, cette question, jusqu'à présent cantonnée dans le registre polémique, changerait évidemment de nature ?

M. Laurent Fabius a d'abord évoqué l'évolution des prix de détail des produits pétroliers. Une augmentation du prix des produits finis a été constatée au cours des derniers mois, du fait de l'évolution à la hausse des cours sur le marché de Rotterdam, du fait, aussi, de ce que certains appellent pudiquement une reconstitution des marges et en raison, enfin, de l'appréciation du dollar. La baisse récente des prix du brut de 30 à 24 dollars le baril, en moyenne, devrait aujourd'hui se traduire par à une évolution du prix des produits pétroliers finis, d'autant que la réduction concomitante d'un point du taux normal de la TVA devrait permettre une baisse de 6 centimes pour le supercarburant sans plomb et de 4 centimes pour le gazole. Une réunion a été organisée avec les professionnels de l'industrie pétrolière. Il a été constaté que des marges de baisse existaient encore, qui devront se concrétiser au bénéfice du consommateur. Des relevés ont été effectués la semaine dernière et le seront de nouveau cette semaine afin d'observer au plus près l'ampleur et le rythme de la baisse du prix de l'essence.

Il a noté que la Commission des finances avait saisi le Conseil de la concurrence sur les prix de la vente au détail des produits pétroliers finis. Il lui paraît souhaitable, dans un souci de pédagogie, que l'étude du Conseil puisse être rendue publique. S'agissant d'éventuelles mesures plus draconiennes, les prix étant libres sur les marchés français, le rôle de l'Etat est d'observer avec une vigilance qui peut avoir un rôle incitatif.

S'agissant du niveau des taux d'intérêt, le ministre a indiqué qu'il ne devait pas être inadapté, les quelques tensions apparues dans le secteur des services, que la baisse de la TVA a d'ailleurs contribué à contenir, ne pouvant pas être considérées comme traduisant une situation de surchauffe, la faiblesse de l'euro étant essentiellement liée au mouvement de confiance renforçant la devise américaine.

Le présent collectif et la loi de finances pour 2001 permettront d'avancer dans le sens d'une plus grande transparence budgétaire avec la mise en _uvre de nouvelles approches telles que la comptabilisation en droits constatés, la meilleure appréhension du patrimoine des administrations et des relations financières entre celles-ci, l'élaboration d'indicateurs de résultat prenant en compte l'efficacité de la dépense et l'efficacité du service, ou l'explicitation des méthodes retenues pour la présentation budgétaire et des modifications qui leur sont apportées.

Le ministre a réaffirmé sa conviction qu'il est nécessaire de réviser l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, dont certaines des dispositions sont devenues excessives à notre époque, notamment en empêchant d'avoir une vision pluriannuelle ou de mettre en _uvre un véritable contrôle d'efficacité de la dépense. Il appuiera donc le Rapporteur général dans le travail de réforme qu'il a entrepris.

En ce qui concerne les enseignements de l'étude réalisée, à la demande formulée en septembre dernier du Rapporteur général, sur les « délocalisations » de contribuables, le ministre a estimé que ce phénomène, s'il n'a pas l'ampleur que d'aucuns lui prêtent, impose cependant un examen attentif. La raison du départ de certains contribuables aux patrimoines élevés est sans doute approchée de façon plus pertinente en considérant certains cumuls d'impositions plutôt qu'en se satisfaisant de considérations générales. La direction générale des impôts travaille à cet approfondissement. On peut d'ores et déjà douter de l'efficacité de mesures coercitives, l'attachement à la souveraineté fiscale ne dispensant pas de procéder aux nécessaires comparaisons.

M. Philippe Auberger a rappelé son souhait, non satisfait, d'un débat en séance publique avant la transmission, à Bruxelles, des propositions triennales au titre de la procédure de surveillance multilatérale du pacte de stabilité. Il a ensuite regretté la présentation malencontreuse d'une augmentation du déficit du budget de l'Etat entre l'exécution de 1999 et les prévisions pour 2000, laquelle a suscité des critiques de la part du Gouverneur de la Banque de France, de la Commission européenne et du Président de la Banque centrale européenne. En effectuant une révision plus réaliste des prévisions de recettes, en particulier du produit de l'impôt sur les sociétés, qui tient insuffisamment compte des bons résultats des entreprises, on aurait pu, avec une réévaluation des recettes de 65 à 70 milliards de francs, éviter cette maladresse. S'inquiétant de la norme d'évolution des dépenses qui serait prise en compte dans les prochaines lettres de cadrage, il s'est interrogé sur la compatibilité des hausses de dépenses avec les engagements de la programmation triennale, l'augmentation de 1%, tous budgets confondus, risquant d'être incompatible avec d'autres évolutions préoccupantes, comme celle de l'assurance maladie.

Ayant fait part de ses doutes quant à la répercussion effective dans les prix de la baisse d'un point du taux normal de la TVA, il a demandé si le dispositif retenu pour la prise en compte des charges de famille dans le cadre du plafonnement de la taxe d'habitation en fonction du revenu devait s'analyser comme un acte de contrition après le plafonnement, au titre de 1999, des effets du quotient familial pour le calcul de l'impôt sur le revenu.

M. Laurent Fabius a estimé que nos partenaires européens n'ont jamais critiqué nos prévisions de déficit budgétaire dans les termes suggérés par M. Philippe Auberger. Ils ont seulement souhaité une transmission plus précoce de ces prévisions. Une nouvelle révision des prévisions de recettes n'apparaît pas possible à ce stade, les données sur les premiers versements au titre de l'impôt sur les sociétés n'étant pas disponibles. Les lettres de cadrages s'inscriront bien dans la programmation triennale, qui ne comportait pas de prévision propre à chacune de ses trois années. En ce qui concerne la répercussion de la baisse de la TVA, un dispositif de suivi a été mis en place. Les premières observations font apparaître une répercussion par certains commerçants. Pour sa part, l'INSEE a estimé que la baisse sera répercutée dans les prix à concurrence des trois quarts de son montant, ce qui devrait permettre une diminution de trois dixièmes de point de l'indice des prix, c'est-à-dire l'équivalent d'un tiers de l'impact sur l'indice de l'augmentation des prix du pétrole depuis un an. Sur un plan plus général, le bon fonctionnement de la concurrence doit permettre cette répercussion. Elle garantira une hausse du pouvoir d'achat en empêchant l'enclenchement d'une spirale prix-salaires dont la hausse des prix du pétrole nous faisait courir le risque.

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget, a expliqué, qu'en matière d'impôt sur les sociétés, les prévisions étaient difficiles. En 1999, les recettes effectives n'ont été constatées qu'en fin d'exercice et, pour l'année 2000, les éléments concernant les versements d'avril ne sont pas encore disponibles. S'agissant des autres impôts, les premiers résultats ne sont pas significatifs, compte tenu des événements qui ont perturbé les administrations des finances au début de l'année.

Aucune modification du montant de la demi-part prise en compte pour le calcul des dégrèvements de taxe d'habitation n'était à prévoir dans le cadre d'une réforme ayant pour but de diminuer la charge globale de cet impôt. En revanche, en matière d'impôt sur le revenu, la diminution du plafond de l'avantage fiscal par demi-part s'inscrivait dans le contexte très particulier d'une substitution de cette mesure à la mise sous condition de ressources des allocations familiales.

M. François d'Aubert a souhaité que la note du ministre au Rapporteur général sur les délocalisations fiscales soit rendue publique, compte tenu des éléments déjà parus, notamment dans un quotidien du soir. Il a demandé la publication de statistiques sur les quitus fiscaux délivrés aux contribuables expatriés par la direction générale des impôts en 1998 et 1999. Il a observé que, dans la mesure où la compensation par l'Etat de la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation prendrait la forme d'une dépense ou d'un prélèvement sur recettes, il y avait lieu de relativiser le montant annoncé des baisses d'impôt. Il s'est interrogé sur le respect par la France de la norme d'augmentation annuelle des dépenses, de 0,33 % en volume, annoncée au titre du pacte de stabilité, alors que l'on constate un dérapage des dépenses de l'Etat.

M. Augustin Bonrepaux a souhaité saluer le caractère exceptionnel du collectif budgétaire, qui témoigne de la réussite de la politique économique du Gouvernement, au-delà des prévisions. Il a donné l'exemple de l'allégement de taxe d'habitation, plus important que ce que l'on pouvait espérer en décembre dernier. Il a constaté que, dans un contexte général de croissance économique soutenue, les améliorations étaient plus marquées en France qu'ailleurs, et a fait observer que les orientations pluriannuelles des finances publiques avaient été présentées à la Commission des finances avant leur transmission aux instances communautaires.

Il a souhaité que le Gouvernement poursuive dans la voie de la modération de la dépense publique, tout en ayant présent à l'esprit le rôle que celle-ci peut jouer afin d'assurer une plus grande solidarité, ce qui est le cas, par exemple s'agissant de l'éducation nationale et des hôpitaux. Il a constaté que les baisses d'impôt proposées répondaient aux préoccupations des Français, car elles étaient redistributives et donnaient la priorité à l'emploi. Il s'est félicité du retour amorcé au niveau de prélèvement de TVA antérieur aux hausses décidées à l'été 1995 par le Gouvernement dirigé par M. Alain Juppé. Il a souhaité, enfin, que si d'autres baisses d'impôts sont envisageables, elles s'inscrivent dans la même perspective de redistribution et d'encouragement à l'emploi, et que, dans ce cadre, la réflexion n'écarte pas la piste de la réforme de la contribution sociale généralisée (CSG).

M. Jean-Jacques Jégou a déploré le dérapage de la dépense publique, causé notamment par l'augmentation du coût de la fonction publique. Il a considéré que les 40 milliards de francs dont faisait état le Gouvernement avaient été mal utilisés. En effet, la baisse de la taxe d'habitation pose le problème de la libre administration des collectivités locales. En matière d'impôt sur le revenu, la mesure proposée se résume à une sorte de bricolage sur deux tranches. Quant à la coûteuse diminution d'un point du taux normal de la TVA, elle ne devrait guère être répercutée sur les prix. Il a regretté les manipulations conduisant à un « jeu de yo-yo » du déficit, ce qui constituait un mauvais élément pour la tenue de l'euro sur les marchés des changes. Il a enfin annoncé que l'UDF ferait prochainement des propositions en matière d'incitation au retour à l'emploi, de nature à répondre notamment aux goulets d'étranglement constatés dans les secteurs du bâtiment et de l'informatique.

M. Yves Cochet, évoquant la diminution d'un point du taux normal de la TVA, s'est interrogé sur l'intérêt de cette mesure, compte tenu de sa répercussion aléatoire sur les prix. Il a proposé que l'ouverture de 40 millions de francs de crédits pour l'économie solidaire soit portée à 80 millions de francs afin de financer des projets de terrain. Il a souhaité que, dans le cadre du débat d'orientation budgétaire, puisse être étudié le remplacement par la CSG d'une fraction des cotisations sociales des salariés et que la base de la CSG soit élargie.

Le Président Henri Emmanuelli a fait valoir que les arguments tirés du caractère incertain de la répercussion des baisses du taux de la TVA ne doivent pas conduire à écarter toute baisse de l'impôt indirect, souhaitant que l'on n'oublie pas que le problème central était la redistributivité de l'impôt.

Répondant en premier lieu à M. François d'Aubert, M. Laurent Fabius a pris acte de ce que le Rapporteur général se proposait de communiquer dès que possible aux membres de la Commission des finances le document précédemment évoqué sur les délocalisations de contribuables.

Le ministre a ensuite précisé que la compensation des pertes de recettes résultant, pour les collectivités locales, de l'allégement de la taxe d'habitation emprunterait la procédure de dégrèvement, faisant l'objet d'une imputation, en dépenses, sur le budget de l'Etat. Par ailleurs, à supposer qu'elle soit effectivement retenue comme base de cadrage du projet de loi de finances pour 2001, la projection sur un an de la norme de progression des dépenses retenue dans le programme pluriannuel de finances publiques 2001-2003, soit 0,3% environ, ne constituerait pas un « dérapage ». En effet, l'année 2001 verra se poursuivre la diminution de la part des dépenses de l'Etat dans le PIB. De plus, l'augmentation vraisemblable de la charge de la dette en 2001 implique qu'un taux de progression des dépenses de 0,3% cette année-là constitue une contrainte aussi rigoureuse que le taux de croissance nul retenu pour le budget 2000 dans un contexte où il est prévu que la charge de la dette diminue.

Le ministre a indiqué que, conformément aux appréciations au demeurant élogieuses formulées par M. Augustin Bonrepaux, le Gouvernement entendait poursuivre une politique économique et sociale axée sur la recherche de l'efficacité et d'une plus grande solidarité.

M. Laurent Fabius a récusé le prétendu « dérapage » des dépenses de l'Etat évoqué par M. Jean-Jacques Jégou, de même que la qualification de « bricolage » portée sur le dispositif d'allégement de l'impôt sur le revenu présenté par le Gouvernement. On ne peut qualifier ainsi une réforme qui fait sortir du barème 650 000 personnes tout en bénéficiant à l'ensemble des contribuables. Force est de convenir que, pris dans son ensemble, l'impôt sur le revenu est un système compliqué, mais les projets de réforme évoqués çà et là dans la presse ne sauraient préjuger des orientations du Gouvernement. Enfin, l'abaissement d'un point du taux normal de TVA a assurément un coût important pour le budget. Cependant, il est surprenant de le voir critiquer par l'opposition, puisqu'il répond à un v_u maintes fois exprimé depuis juin 1997 par ceux là-mêmes qui avaient majoré ce taux.

Le ministre a pris acte des réserves exprimées par M. Yves Cochet au regard de la décision du Gouvernement d'abaisser d'un point le taux normal de TVA. Il a précisé que les moyens affectés au secteur de l'économie solidaire dans la loi de finances initiale pour 2000 s'élèvent à 13 millions de francs et que le projet de loi de finances rectificative propose de majorer cette dotation de 40 millions de francs. Il a enfin estimé que les orientations présentées par M. Yves Cochet en matière de contribution sociale généralisée, pour intéressantes qu'elles soient, ouvrent un débat plus vaste que celui que permet le présent collectif budgétaire.


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