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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 62

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 21 juin 2000
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Henri Emmanuelli, Président,

puis de M. Yves Tavernier, Vice président

SOMMAIRE

 

pages

- Audition de M. Michel Prada, Président de la Commission des Opérations de Bourse

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- Informations relatives à la Commission

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La Commission a procédé à l'audition de M. Michel Prada, Président de la Commission des Opérations de Bourse, accompagné de M. Raymond Rameix, Directeur général de la Commission des Opérations de Bourse.

M. Michel Prada, président de la Commission des opérations de bourse (COB), a tout d'abord souligné qu'il aurait préféré, conformément aux dispositions adoptées dans la loi de modernisation des activités financières, présenter l'activité de l'organisme qu'il préside, dans une conjoncture qui ne serait pas caractérisée, comme aujourd'hui, par une difficulté, qui, pour être sérieuse, ne doit cependant pas occulter le rôle de la COB et les méthodes qu'elle met en _uvre. Il convient tout d'abord de relever que 90 % de l'activité de la COB ne sont pas constitués par un travail de sanctions. Cette institution agit dans un marché qui s'est formidablement développé. Elle délivre près de 1.500 visas, des agréments, effectue des travaux de surveillance et d'enquête, sur des dossiers qui sont de plus en plus complexes et au caractère multinational marqué. Face à cette activité, il est probable que l'état actuel des moyens de la COB est insuffisant et qu'un renforcement de ces derniers, accompagné d'un changement de méthodes, sera nécessaire à moyen terme.

Puis, il a indiqué que l'activité de la Commission s'inscrivait dans un contexte de concurrence de plus en plus féroce, dans lequel le régulateur, qui avait l'habitude d'agir dans un contexte territorialement limité et dominé par des situations monopolistiques, devait changer d'attitude. La COB, qui est une autorité de place, ne peut se désintéresser de ce que devient précisément cette place parisienne, qui est caractérisée par un paradoxe fort. D'un côté, elle n'a jamais été aussi développée, en termes de volume, de qualité, de performance coût-avantage. Entre la fin de 1995 et aujourd'hui, l'indice de référence est passé de 1.850 points à 6.500 points, le volume d'échanges quotidien de 3,5 milliards de francs à plus de 3,5 milliards d'euros, et la capitalisation boursière de 35 % du produit intérieur brut à 110 % de celui-ci. Les opérations significatives se sont multipliées et la bourse est devenue le principal instrument de la restructuration financière des entreprises par le biais d'offres publiques d'échange, d'offres publiques d'achat et d'opérations de fusion-acquisition. Près de quinze pays significatifs utilisent notre système de cotation.

Cependant, cette place est en situation de risque, parce que les autres places se réforment également de manière rapide, parce que beaucoup d'entre elles disposent d'une antériorité culturelle, technique, fiscale, contre laquelle Paris doit lutter, et parce que nous assistons à une concentration des éléments de marchés financiers sur quelques entités américaines ou multinationales. Ainsi, les banques d'affaires sont concentrées dans quelques groupes mondiaux, les secteurs de l'audit et du conseil sont d'obédience américaine, la common law acquiert une influence croissante, ce qui a des conséquences considérables sur le plan stratégique. De la même façon, le développement des systèmes alternatifs de négociations électroniques s'opère sous le pilotage de ces grands acteurs mondiaux et risque de marginaliser les systèmes européens, même si des rapprochements ont eu lieu sur le continent. L'ancrage national de la place pose également problème. La question est de savoir comment alimenter le marché par une épargne, qui, traditionnellement en France, est investie dans des instruments de taux et non d'actions, d'où la nécessité de permettre l'allongement du terme de l'épargne, sous peine de voir se perpétuer une situation marquée par une volatilité forte, une instabilité du capital des entreprises, et une influence croissante des investisseurs étrangers.

Les marchés financiers changent dans leur activité et leur volume avec une rapidité stupéfiante. En 1994, la place de Paris n'autorisait pas les négociations par blocs d'actions et une part non négligeable de l'activité s'est déplacée, pour cette raison, à Londres. Lorsque Paris a autorisé un tel système, le flux d'échanges, le deal flow, est revenu à Paris. Une autre illustration de cette rapidité des changements peut être donnée avec le MATIF qui a quasiment disparu aujourd'hui après avoir eu une influence considérable. Il convient de défendre de manière plus active notre dispositif et la France a besoin de changer de comportement à cet égard. En outre, une place financière est constituée par un ensemble de métiers à très haute valeur ajoutée, dans les secteurs de l'informatique, les métiers du chiffre, de l'analyse financière et du droit, autant d'éléments qui créent un tissu maillé très fragile. Lorsqu'une maille saute, le système dans son ensemble risque de se défaire très rapidement. Il faut donc veiller à maintenir ces compétences sur la place.

Dans ce contexte, quels sont les grands chantiers que la COB doit entreprendre ? Il y a encore des travaux d'ajustement du cadre juridique et technique à assurer. Le projet de loi sur les nouvelles régulations économiques contient des dispositions bienvenues. Par ailleurs, deux grands chantiers importants s'ouvrent, l'harmonisation européenne d'une part et l'harmonisation mondiale d'autre part. La COB est très active au plan international et a joué un rôle central dans le domaine des règles comptables, sujet austère, peu médiatique, mais pourtant stratégique dans une économie de marché. Le fait de parvenir à imposer des normes comptables d'inspiration française et d'être relayé par l'Europe, est un acquis central pour l'avenir de notre économie et de nos entreprises. Sur le plan européen, la présidence française a décidé de partir sur la base du plan d'action de la COB, provoqué par une réaction importante des régulateurs européens. Entre 1993 et 2000, aucun progrès législatif d'intégration des marchés financiers n'a été réalisé, alors même que les principes de libre prestation de services et de reconnaissance mutuelle ont été posés. Il faut saluer, de ce point de vue, la création, par le ministre de l'économie, d'un groupe de travail sur ce sujet. Sans avancée dans ce domaine, les pays qui ont l'habitude de fonctionner dans des systèmes non réglementés l'emporteront sur les autres.

L'actualité qui a affecté la COB a été présentée comme une situation de paralysie par les médias. Il faut cependant relever que les enquêtes sur des affaires atypiques ne représentent qu'un tiers de l'activité de la commission et que la partie sanction n'en constitue que 10 %. Les données de ce problème ont été bouleversées à partir de 1997, par un changement jurisprudentiel relatif à l'interprétation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. Le système mis en place en 1989-1990 a été validé par les cours d'appel, la Cour de cassation et par le Conseil constitutionnel. Il a été considéré comme conforme pendant sept ans. Puis, la cour d'appel de Paris, en 1997, a jugé que la procédure de la COB n'était pas conforme à la Convention européenne, qui date de 1948 et a été intégrée dans le droit français en 1970. Il a donc fallu vingt-sept ans pour qu'une incohérence entre la procédure mise en _uvre par la commission et la convention soit soulevée. L'arrêt de la cour d'appel de Paris, confirmé par la Cour de cassation, posait de manière ambiguë le problème de l'articulation des pouvoirs de la COB et ne fixait pas de pistes quant à la réforme qu'il fallait opérer, tout en reprochant à la commission de ne pas présenter les caractéristiques d'un tribunal impartial, s'agissant de la séparation de l'enquête et du jugement. La COB avait plaidé qu'elle n'était qu'une administration placée sous le contrôle du juge et que la Cour européenne des droits de l'homme reconnaissait que l'article 6 de la Convention pouvait ne pas être respecté de manière littérale, dès lors que les décisions de l'organisme considéré étaient soumises à la censure d'une juridiction répondant aux exigences de la Convention. Cette argumentation n'a pas été retenue par l'ordre judiciaire, tandis que le Conseil d'État s'opposait sur ce point à la Cour de cassation. Le 20 mars 2000, la cour d'appel de Paris a fixé clairement la position du juge, qui se résume en trois affirmations : la COB n'est pas une juridiction ; il n'est pas interdit à une administration d'exercer des fonctions complémentaires de réglementation, de surveillance, d'enquête et d'édiction des sanctions ; mais, il faut que, dans l'exercice de ces diverses missions, les organes fonctionnent de manière telle que ceux qui participeront au délibéré de la sanction n'aient pas été impliqués en amont de la procédure. Ainsi, selon cette décision, le président de la COB ne peut pas décider de l'enquête, ne peut avoir connaissance des résultats de celle-ci, le collège ne peut participer, lui non plus, à l'enquête. Cela suppose que ces personnes, le président et les neuf membres du collège, ne disposent d'aucun élément sur l'enquête jusqu'au jugement.

La COB a pris acte de ce jugement, qui ne mettait pas en cause les bases législatives de son activité, et a proposé des modifications réglementaires, qui ont recueilli l'approbation des magistrats consultés et qui organisent la séparation des fonctions. Désormais, le directeur général lancera les enquêtes et en suivra le déroulement. Si le rapport révèle des anomalies, il demandera au président de désigner un rapporteur, membre du collège, qui devient alors une sorte d'instructeur, lequel va mener une procédure contradictoire, va entendre les parties, et va produire un rapport, soumis lui-même au principe du contradictoire ; la Commission se réunira pour entendre la défense et le rapporteur. Ce système paraît conforme aux exigences jurisprudentielles. Dans le cadre actuel des missions de la COB, il est techniquement opérationnel.

Il est clair que ce problème de pouvoirs de sanction conférés à des autorités administratives indépendantes dépasse la seule COB et peut concerner, par exemple, le Conseil de la concurrence. Du point de vue de l'organisation politique générale du pays, on peut se poser la question de savoir si la philosophie de la sanction administrative est encore acceptable. Le problème est de reprendre le plus vite possible ces procédures pour pouvoir mettre en _uvre la jurisprudence. Il existe quelque chose de troublant dans le système judiciaire, ainsi que l'a reconnu récemment le Premier président de la Cour de cassation : le juge considère que les traités ont une valeur supérieure aux lois, ce qui implique que la conformité d'un règlement à une loi ne suffit plus pour en garantir la régularité juridique. Lorsque le traité a un caractère de généralité très vaste, ce raisonnement juridique a pour conséquence de transférer au juge la responsabilité de l'interprétation de règles juridiques. La création normative est alors transférée du législateur vers le juge.

La COB a été fragilisée par cet arrêt, mettant en évidence qu'il ne fallait pas que des membres du collège aient eu connaissance de rapports d'enquête. Il a donc fallu interrompre treize procédures en cours, qui concernaient trente personnes. La presse en a conclu que la COB était affaiblie, ce qui est exact. Elle a cependant oublié que la Commission exerçait aussi sa mission par d'autres moyens, notamment la saisine du Parquet.

L'affaire qui a éclaté plus récemment a créé un « mini-séisme ». Un vendredi soir, un déontologue d'une société de bourse importante a prévenu la COB qu'un ordre anormal venait des ordinateurs mêmes de l'institution. Par son système de communication, la COB a identifié effectivement une anomalie. Le directeur général s'est saisi de l'affaire, a fait des recherches et a confirmé l'existence de cette anomalie. Les deux agents identifiés ont été immédiatement suspendus. Les ordinateurs concernés ont été mis sous scellés, les comptes qui ont supporté les opérations ont été mis sous séquestre par la justice. Puis, la presse s'est livrée à un amalgame en affirmant à tort, que, faute de pouvoir poursuivre des dirigeants de haut niveau, la COB avait engagé des poursuites contre un journaliste de l'AGEFI et une journaliste du Figaro, ce qui est totalement erroné. L'affaire a été transmise au parquet, un juge d'instruction a été désigné.

Contrairement à ce que la presse a dit, le mécanisme de contrôle n'a pas été mis en défaut. Un système de régulation combine l'autorégulation et la régulation du régulateur. Le système a bien et rapidement fonctionné. L'existence d'autres circuits permet de penser que l'affaire aurait été identifiée si le premier filtre n'avait pas fonctionné. Si la presse a évoqué l'implication de deux fonctionnaires de la COB, il convient de souligner qu'en réalité les deux personnes mises en cause sont, d'une part, un agent de niveau modeste, et d'autre part, un agent de niveau intermédiaire placé, il est vrai, sur une ligne sensible. Cette affaire prouve, en tout cas, la responsabilité - au sens politique du terme - qui incombe à la COB.

M. Jean-Jacques Jegou a félicité M. Michel Prada pour le tableau qu'il a brossé de la situation de la place financière de Paris, en soulignant ses points forts mais sans occulter les risques encourus. Ces risques sont aggravés par l'image encore négative que les Français ont du fonctionnement des marchés financiers en général et de la bourse en particulier. La COB apparaît souvent comme une « mal aimée ». Le pouvoir politique se doit de soutenir les efforts faits par les acteurs financiers pour remédier à ce déficit d'image des marchés et de la régulation, condition indispensable pour que la bourse de Paris soit au rendez-vous des mutations en cours.

M. Philippe Auberger s'est étonné que les délits d'initiés ne fassent l'objet que d'une très faible répression en France, alors que le législateur est intervenu à deux reprises dans les années récentes pour en préciser la définition. Contrairement à ce que l'on a pu observer aux États-Unis par exemple, aucune personne n'a encore été mise en prison pour un tel délit. Il s'est donc interrogé sur les raisons qui expliquent une telle situation, jugeant que celle-ci ne peut que renforcer l'image négative que les Français se font de la bourse.

Notant que M. Michel Prada avait souligné l'intérêt de certaines des dispositions figurant dans le projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques, M. Éric Besson l'a interrogé sur les dispositions qu'il prévoit et dont l'absence d'entrée en vigueur, du fait du retard pris dans la discussion de ce texte, était la plus dommageable. Par ailleurs, il a souhaité connaître sa réaction à l'opinion, semble-t-il communément répandue, selon laquelle la COB n'avait pas les moyens de lutter efficacement contre les délits d'initiés. S'agissant de l'affaire qui a éclaté en son sein, il s'est demandé si elle aurait pu être décelée si les personnes intéressées n'avaient pas fait preuve d'autant de naïveté.

M. Alain Rodet a souhaité connaître les réactions de la COB face aux projets actuels de rapprochement des bourses européennes.

M. Jean-Pierre Balligand ne s'est pas déclaré surpris de la présomption d'un délit d'initié de la part d'agents de la COB puisque cette institution est l'un des lieux stratégiques de l'information financière. On peut, en revanche, être surpris de la naïveté des agents concernés. Cela implique néanmoins que des règles déontologiques strictes soient mises en place, à l'instar de ce qui a été fait à la Caisse des dépôts et consignations. Les modifications que la COB envisage d'apporter à sa procédure pour respecter les exigences du juge paraissent trop complexes et de nature à empêcher la COB de réagir rapidement dans certaines affaires, ce qui risquerait de réduire l'efficacité de son travail de contrôle. En ce qui concerne la place de Paris, il est essentiel de suivre avec attention le rapprochement entre les bourses de Londres et de Francfort et le sort de la contre-offensive menée par celles de Paris et d'Amsterdam, afin de permettre à notre pays de continuer à jouer le rôle qui doit être le sien.

Observant que l'arrêt de la Cour d'appel de Paris avait confirmé le pouvoir de sanction de la COB, ce qui est l'essentiel, M. Maurice Ligot s'est demandé si les modifications rendues nécessaires par cette décision n'allaient pas se révéler, à terme, favorables au renforcement du rôle de la commission et à la sécurisation de ses décisions. Il s'est également interrogé sur ce qui manque à la place de Paris pour faire face à la concurrence exacerbée des autres places financières.

Le Président Henri Emmanuelli s'est étonné du ton pessimiste de l'intervention de M. Michel Prada, qui tranche avec la tonalité des entretiens qu'il a eus récemment avec M. Jean-François Théodore, Président de Paris-Bourse. Le projet de fusion des bourses de Londres et de Francfort a été pratiquement imposé par les banques américaines et, au vu des difficultés rencontrées par le marché londonien, il s'agit semble-t-il plus d'une absorption par la bourse de Francfort que d'une fusion entre égaux. Les chiffres que M. Michel Prada a cités en ce qui concerne l'évolution du marché parisien au cours des dernières années montrent que celui-ci a fait d'énormes progrès et n'a donc nullement reculé, bien au contraire. Les discours actuels qui insistent sur les risques encourus semblent participer davantage de l'irritante propension française à l'auto-dénigrement que d'une analyse objective des faits.

Le Président a indiqué qu'il avait toujours été quelque peu choqué par la particularité française selon laquelle un certain nombre d'instances sont à la fois instructeur et « juge ». Dès lors, le schéma décrit pour la COB constitue-t-il vraiment la meilleure façon de tirer les conséquences de l'arrêt de la cour d'appel de Paris, tant l'effectivité d'un réel cloisonnement entre les actes d'instruction et de jugement sera délicate à mettre en _uvre. Ne faut-il pas envisager une réorganisation plus importante de la COB et n'aurait-il pas mieux valu prendre le temps d'une réflexion plus poussée, pour parvenir à une solution plus achevée et plus réaliste ?

M. Michel Prada a répondu aux différents intervenants en soulignant le bon développement de la place boursière de Paris qui a affiché d'excellentes performances, qui ne laissent aucune place à un quelconque complexe d'infériorité. Symétriquement, les difficultés des autres centres financiers ont été sous-estimées. Ainsi, à Londres le système informatique était totalement inadapté, l'organisation dépassée et le système de régulation n'était plus performant. Malgré ces difficultés, la cité de Londres conserve quand même sa place importante due à sa population considérable, la complémentarité des métiers qui y sont exercés, son poids en terme de transactions et surtout son autonomie vis-à-vis des pavillons nationaux. En effet, elle reste un lieu indépendant en Angleterre où se rassemblent les décideurs financiers et les grands analystes. C'est dans ce contexte que les prestations de la place boursière de Paris doivent être évaluées.

S'agissant des moyens d'actions de la COB, la recherche et l'analyse des délits boursiers sont très difficiles techniquement, particulièrement dans le cas des centres « off-shore ». Quand on identifie des chaînes de relations, on arrive à mettre au jour les délits. A ce titre, la COB dispose de pouvoirs juridiques importants, de moyens techniques de bonne qualité et d'inspecteurs qualifiés lui permettant d'avoir une importante capacité d'intervention. Cependant, lors d'investigations à l'étranger, certaines juridictions non coopératives ne facilitent pas une poursuite satisfaisante des délits en interrompant la chaîne des culpabilités. Si le financial stability forum a décidé finalement de publier ses conclusions sur l'affaire sur les centres offshore, c'est aussi grâce au travail de la COB. Si les régulateurs bancaires n'étaient pas aussi favorables à une telle publication, les régulateurs de valeurs mobilières, et particulièrement la COB, ont poussé à la publication.

Les moyens internes de la COB doivent, sans doute, être renforcés. Quant à l'organisation interne de la COB, la critique du Président Henri Emmanuelli sur la séparation des pouvoirs d'instructeur et de juge doit être tempérée car les formules prévues permettent de distinguer entre les deux tâches et de séparer organiquement les pouvoirs. Ainsi le Président s'interdit de connaître de ce qui se passe pendant une période d'enquête. Le contradictoire et la présomption d'innocence sont respectés. La COB est un organisme à la fois contrôlé par un juge, pluridisciplinaire et collégial, se composant de dix personnes. Dans un fort contexte d'indépendance, cette collégialité est en soi une autorégulation et un auto-contrôle et permet de préserver l'impartialité. Si l'on confiait, dans une perspective de séparation formelle, les différentes séquences à des organes différents, on perdrait alors les bénéfices incontestables du système collégial.

Sur l'activité de contrôle, le point de vue des médias sur l'action de la COB est souvent injuste. Au cours des dernières années, cinquante délits d'initiés ont été identifiés puis transmis au parquet, bien qu'il soit vrai que quelques-unes des sanctions de la COB ont dû être annulées pour des raisons jurisprudentielles. Les cas qui sont aujourd'hui déférés au tribunal de grande instance sont ceux que la COB a détectés dans les années 1992 à 1994.

Pour ce qui concerne l'avenir, le concept d'Euronext est un système intelligent et pratique de stratégie boursière. Il repose sur une plate-forme unique avec trois points d'entrée qui préservent, au départ, les identités nationales. Les systèmes de régulation s'appliquent aux nationaux de chacune des entreprises concernées. Cette plate-forme permet d'engager un processus d'harmonisation, de rapprochement et d'intégration qui va être rapidement opérationnel. En effet, une première réunion avec les institutions homologues de la COB aux Pays-Bas et en Belgique a déjà eu lieu. Un questionnaire a été envoyé aux présidents des bourses concernées pour identifier les besoins de régulation. A ce stade aucun problème ne paraît insurmontable. L'accord trilatéral se développe dans le cadre européen, lui aussi en cours d'harmonisation. De plus, le projet Euronext intègre le règlement « livraisons », ce qui lui confère une nette supériorité, du fait de l'importance stratégique de cet élément sur le fonctionnement et le coût d'une bourse.

En revanche, les systèmes allemand et anglais sont apparemment beaucoup plus lourds mais ils soulèvent des problèmes redoutables. Selon que l'on agit sur le premier marché ou sur celui des valeurs technologiques, le lieu n'est pas le même. Les grandes entreprises allemandes, dont les opérations sont aujourd'hui régulées à Francfort, n'ont pas envie d'aller ailleurs. Les investisseurs britanniques vont manier des produits cotés en euros. Or les fonds de pensions anglais ne peuvent pas se permettre un risque de change entre la livre et la monnaie européenne. Pour autant, cette opération se réalisera, du fait des intérêts des quatre grandes banques américaines. De plus, ces banques peuvent elles-mêmes gérer les « matches in-door », sans passer par les marchés réglementés. Il y a là un enjeu stratégique majeur.

Le Nasdaq et le New York Stock Exchange sont des marchés inefficients où l'on peut capter une rente. Les marchés français, allemand et, dans une moindre mesure, britannique, sont efficients, ce qui constitue une première défense. La deuxième défense repose sur le principe de concentration des ordres. Ceci signifie que, lorsqu'une valeur est cotée, l'essentiel des ordres doit être porté sur ce marché.

La stratégie doit porter sur 3 axes principaux. Il faut tout d'abord peaufiner le système. A ce titre, le projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques permet la publication des pactes d'actionnaires, renforce les pouvoirs des actionnaires et affirme la concentration des ordres lors d'une offre publique. Ces éléments sont très positifs. Ensuite, il convient de nourrir le marché avec une liquidité française plus forte. L'épargne salariale semble un outil intéressant, même s'il convient d'établir une durée supérieure à dix ans. Sur l'épargne salariale, il faut veiller à la protection des salariés et à leur liberté de choix dans la nature des investissements. Enfin, il faut assurer la transparence de la gestion pour compte de tiers. En troisième lieu, la France change, même si elle reste marquée par un fort retard culturel. Il faut prendre la mesure de l'entrée dans une complète économie de marché. Grâce à internet, un million et demi de nouveaux actionnaires sont apparus.

Après avoir rappelé que si un mouvement notable d'achat d'actions lors des privatisations a pu être constaté, un mouvement de sens inverse, et très rapide lui a succédé, M. Jean-Pierre Brard a souligné que l'extension de l'actionnariat ne pouvait être envisagée sans une profonde réflexion sur le partage de la propriété du capital des entreprises.

M. Michel Prada a indiqué que si certains acquéreurs d'actions de sociétés privatisées ont pu procéder à des reventes rapides, ce n'était pas le cas de la majorité d'entre eux. Au contraire, il apparaît que les nouveaux entrants investissent aujourd'hui durablement en bourse. L'actionnariat salarié est un enjeu d'avenir. Aujourd'hui, toutes les grandes entreprises le développent, sous des formes diverses. Par exemple, les salariés de France Télécom ont pu constater l'augmentation de la valeur de leurs actions. De plus, les entreprises, habituées au financement bancaire avec un faible niveau de fonds propres, ont pris conscience de l'enjeu boursier et font aujourd'hui appel au marché. La première annonce de rapprochement entre les bourses de Londres et Francfort a d'ailleurs été un révélateur des enjeux de la régulation.

M. Jean-Pierre Brard s'est demandé si, dans la durée, les petits actionnaires salariés pourraient influer sur la stratégie des entreprises.

M. Michel Prada a souligné que le pouvoir des actionnaires était bien réel et que la COB en favorisait l'exercice. L'actionnariat salarié s'exprime de plus en plus, ce qui a pu être observé dans l'opération BNP-Société Générale où les salariés ont joué un rôle majeur.

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Informations relatives à la Commission

La commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a procédé aux désignations suivantes :

M. Jean-Pierre Brard comme rapporteur sur sa proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la sécurité des cartes bancaires.

M. Dominique Baert comme candidat titulaire pour siéger au Conseil national des assurances ;

- M. Augustin Bonrepaux comme candidat titulaire et M. Pierre Forgues comme candidat suppléant pour siéger au Comité des finances locales ;

- MM. Jean-Pierre Balligand, Jean-Jacques Jegou et Jean-Pierre Brard comme candidats titulaires pour siéger à la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations.

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