ASSEMBLÉE NATIONALE


DÉLÉGATION

AUX DROITS DES FEMMES

ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES

ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

COMPTE RENDU N° 26

(1ère PARTIE)

Mardi 14 novembre 2000
(Séance de 17 heures) (1ère partie)

Présidence de Mme Martine Lignières-Cassou, présidente

SOMMAIRE

 

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- Examen du rapport de Mme Nicole Bricq sur la proposition de loi (n° 2604), modifiée par le Sénat, relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes

- Examen du rapport de Mme Danielle Bousquet sur le projet de loi (n° 2605) relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception

 

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La Délégation a examiné le rapport de Mme Nicole Bricq, sur la proposition de loi (n° 2604), modifiée par le Sénat, relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Mme Nicole Bricq, rapporteure, a indiqué que, dans le cadre de la deuxième lecture de la proposition de loi (n° 2132) de Mme Catherine Génisson, relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, la Délégation aux droits des femmes avait jugé indispensable de se prononcer sur deux points nouveaux importants : l'amendement adopté par le Sénat relatif à l'obligation de parité des listes de candidatures aux élections prud'homales et professionnelles et l'amendement présenté au Sénat par le gouvernement relatif à la levée de l'interdiction du travail de nuit des femmes dans l'industrie, rejeté plus pour des motifs de forme que de fond.

Concernant l'amendement du gouvernement levant l'interdiction du travail de nuit pour les femmes dans l'industrie, elle a souligné qu'à travers les différentes auditions menées conjointement avec Mme Catherine Génisson en sa qualité de rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, il est apparu que le travail de nuit est nocif et entraîne des troubles parfaitement identifiés pour l'ensemble des salariés, sans spécificités pour les femmes. Elle a souhaité rappeler le contexte historique de la loi de 1892, qui fonde l'interdiction du travail de nuit des femmes et qui est inspirée par une conception patriarcale dans laquelle la femme était confinée au rôle de gardienne du foyer. Elle a signalé qu'à la même époque, était admis le travail des enfants de douze ans.

Elle a fait valoir qu'il était temps de lever l'hypocrisie de la situation actuelle, dans laquelle 55 000 femmes travaillent de nuit dans l'industrie sans protection légale, d'autant que le contexte socio-économique a radicalement changé. Elle a ainsi noté que l'interdiction du travail de nuit des femmes n'avait pas été étendue au secteur des services en dépit de son essor. Dans ces conditions, l'incompatibilité avec les directives européennes ne lui a pas paru un argument essentiel. Elle a estimé que le législateur devait intervenir pour encadrer le travail de nuit afin d'en éviter la banalisation et mieux protéger les salariés.

Tout en approuvant les conditions fixées par l'amendement gouvernemental pour le recours au travail de nuit, elle a émis des réserves sur l'amplitude de la plage horaire de référence (soit de 22 heures à 5 heures). Elle a plaidé pour son élargissement vers le matin afin de limiter les risques d'accidents subis par les travailleurs de nuit et les inconvénients d'une reprise d'activité trop précoce par les équipes en cas de travail posté.

Après s'être interrogé sur l'utilité pratique d'étendre de cette manière la plage horaire, Mme Danielle Bousquet s'est rendue aux arguments de la rapporteure.

Mme Nicole Bricq a souligné que l'un des points forts de l'amendement résidait dans les contreparties prévues au travail de nuit. Sans oublier la forte motivation constituée par les compensations financières, elle a mis l'accent sur le caractère indispensable du repos compensateur pour la santé, celui-ci ne devant pas être cumulé mais être pris le plus rapproché possible de la période de travail de nuit. Elle a également insisté sur la nécessité de prévoir des pauses aux heures où le risque d'endormissement est le plus fort, des lieux de repos devant être aménagés à cet effet. Ces pauses sont d'ailleurs de l'intérêt de l'employeur soucieux de productivité.

Elle a approuvé les dispositions de l'amendement organisant une surveillance médicale particulière des salariés de nuit.

Elle s'est prononcée pour une consultation du médecin du travail préalable à tout travail de nuit et, le rythme des salariés de nuit étant décalé par rapport à celui de l'entreprise, pour une périodicité semestrielle des visites médicales. Elle a déclaré de pas ignorer les problèmes d'organisation que cela posera au regard du manque de moyens de la médecine du travail.

Elle a insisté sur la nécessité de protéger plus que tous les autres salariés de nuit, la femme enceinte. Dès lors qu'elle a connaissance de son état, celle-ci devrait pouvoir accéder à un poste de jour sur sa propre demande. Par ailleurs, elle a rappelé que la grossesse n'étant pas une maladie mais un état naturel, en cas de suspension du contrat de travail, le versement d'indemnités journalières versées par l'assurance maladie ne se justifiait pas et a insisté sur l'opportunité de mettre en place une garantie de maintien du salaire financée conjointement par la branche famille et par l'employeur.

Mme Danielle Bousquet a fait état des risques de discrimination à l'embauche mais a remarqué qu'en tout état de cause, ils existaient déjà à l'égard des jeunes femmes.

Mme Nicole Bricq a souhaité enfin que, dans un pays comme la France où les femmes travaillent massivement, la nécessité de mesures permettant une conciliation de la vie professionnelle avec la vie personnelle et familiale soit reconnue.

Concernant l'amendement adopté par le Sénat relatif à l'obligation de parité des listes aux élections prud'homales et professionnelles, Mme Nicole Bricq a estimé que, contrairement aux élections politiques, la parité ne se justifiait pas dans le cadre de ces élections. Le raisonnement doit se faire plutôt en termes de représentativité du corps électoral. Elle a rappelé les termes de l'avis adopté récemment, à l'unanimité des partenaires sociaux, par le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle qui affirme un objectif de "représentation équilibrée" pour ces élections.

Elle a ensuite exposé les propositions de recommandations qui ont donné lieu à un débat.

Mme Danielle Bousquet a craint que l'on reproche au législateur de lever l'interdiction du travail de nuit des femmes, alors que les connaissances en la matière sont insuffisantes.

Mme Nicole Bricq lui a fait remarquer que cet argument peut être retourné, l'intervention de la loi permettant de mieux cerner la réalité.

Mme Danielle Bousquet a insisté sur la nécessité d'une extrême vigilance dans l'application de la loi.

Jugeant la publication d'un rapport au Parlement nécessaire mais insuffisant, Mme Martine Lignières-Cassou, présidente, a suggéré la désignation d'un parlementaire chargé du suivi de l'application de la loi.

S'agissant du problème de la garde des enfants des salariées de nuit, Mme Martine Lignières-Cassou, présidente, a fait état du manque de place dans les structures de garde d'enfants, tandis que Mme Danielle Bousquet a insisté sur la nécessité de ne pas changer l'enfant de lieu de garde en fonction de l'emploi du temps de la mère et a indiqué qu'une aide supplémentaire pour la garde à domicile la nuit paraissait parfaitement justifiée.

Mme Nicole Bricq a souligné que la garde des enfants n'est, d'une façon générale, pas assurée de manière satisfaisante. La recommandation de la Délégation peut être l'occasion d'ouvrir une réflexion sur un chantier sur lequel on s'est jusque là insuffisamment penché.

RECOMMANDATIONS ADOPTÉES

PAR LA DÉLÉGATION

Sur les élections prud'homales et professionnelles

1. Afin de faire progresser la place des femmes dans les conseils de prud'hommes, dans les comités d'entreprise et comme déléguées du personnel, il convient d'affirmer le principe d'une représentation équilibrée des femmes et des hommes sur les listes de candidatures aux élections de ces instances.

Sur le travail de nuit

2. Il serait souhaitable d'établir, dans un rapport au Parlement, le bilan de la levée de l'interdiction du travail de nuit dans l'industrie pour les femmes, afin de déterminer dans quelle mesure elle a eu pour conséquence un recours accru au travail de nuit non justifié et/ou si elle a permis la suppression d'un frein à l'embauche des femmes dans certains secteurs. Un parlementaire sera chargé du suivi de l'application de la loi.

3. Le ministère de l'Emploi devrait diligenter une enquête pour établir un chiffrage global du travail de nuit des femmes, par branche, par catégorie socioprofessionnelle et par type d'entreprise.

4. Une étude des données générales épidémiologiques sur l'impact du travail de nuit sur la santé, à court, moyen et long terme, permettrait d'aider à la mise en _uvre de mesures de prévention des conséquences néfastes du travail de nuit.

5. La levée de l'interdiction du travail de nuit des femmes devrait être accompagnée de l'obligation faite aux partenaires sociaux - lors de la discussion des accords de mise en place du travail de nuit - de l'examen préalable et complet de l'ensemble des autres possibilités d'organisation du temps de travail.

6. Pour éviter les risques de recours non justifié au travail de nuit, les accords de branche devraient définir les types d'emplois pour lesquels ce travail est autorisé.

7. Les négociations de mise en place du travail de nuit pourraient être l'occasion de réexaminer les conditions de rémunération et d'accès aux postes de responsabilité ainsi que le droit à la formation, dans le sens d'une plus grande égalité entre les femmes et les hommes.

8. Préalablement à la mise en place du travail de nuit, il y aura lieu de consulter le médecin du travail ainsi que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (ou à défaut les délégués du personnel).

9. Le maximum de salariés travaillant selon les horaires décalés devant bénéficier du statut de salarié de nuit, il conviendrait d'élargir le champ horaire du travail de nuit, par exemple de 21 heures à 6 heures.

10. Face à la fragilité et à la précarité de l'emploi de certaines femmes (temps partiel non choisi, travail intermittent), le cumul des contraintes devrait être évité : ainsi, en cas de travail à temps partiel, le salarié n'effectuant qu'une faible partie de ses horaires de travail en travail de nuit devrait être considéré comme salarié de nuit.

11. Dans un souci de prévention, un suivi médical doit être assuré à l'occasion de visites médicales, dont la fréquence minimale devrait être semestrielle. Le médecin du travail serait chargé d'une mission générale d'information des salariés de nuit, avec la possibilité de distribution d'une notice sur les risques du travail de nuit et les mesures préventives. La formation, en chronobiologie et en pathologie du sommeil, des étudiants en médecine du travail devrait être approfondie.

12. Il conviendrait d'instituer un droit à des pauses régulières, notamment aux heures où la vigilance est moindre, ce qui limiterait les risques d'accidents du travail, à charge pour l'employeur d'aménager des lieux spécialement destinés à cet usage.

13. Le droit des salariés à demander un poste de jour pour raisons de santé pourrait être également accordé pour motifs personnels, avec un délai de préavis. L'affichage systématique et obligatoire de tous les postes vacants et à pourvoir dans l'entreprise pourrait faciliter l'exercice de ce droit.

14. Pour des raisons de santé publique évidentes, la femme enceinte doit pouvoir postuler, sur sa demande, dès la constatation médicale de sa grossesse, à un travail de jour. Si cette demande ne peut être satisfaite, il ne faudrait pas assimiler la suspension du contrat de travail qui en découle à une maladie, la grossesse n'étant pas un état pathologique. Les conditions de versement d'une allocation compensatrice du salaire, conjointement par l'employeur et les caisses d'allocations familiales, devraient être étudiées.

15. Afin de régler le problème de garde des enfants pour les parents travaillant en horaires décalés, il serait nécessaire de mettre en _uvre une politique globale visant à améliorer les modes de garde. Devraient être étudiées les possibilités d'attribution d'une allocation de garde spécifique et la formation des personnes effectuant cette garde, qui bénéficieraient, elles aussi, du statut de travailleur de nuit. Pendant le jour, les structures traditionnelles devraient pouvoir offrir des possibilités d'accueil à temps partiel pour les enfants, afin de permettre aux salariés de se reposer.

16. Dans la mesure où les temps et les conditions de transport alourdissent considérablement la pénibilité du travail de nuit, la prise en compte au moins partielle du temps de trajet dans le temps de travail ainsi que le versement d'une indemnité de transport supplémentaire seraient un réel apport au statut du salarié de nuit.

17. Le droit au changement de poste ne se conçoit pas sans un droit à une formation préalable ; celle-ci sera organisée de façon à permettre aux salariés de mieux concilier vie professionnelle et vie personnelle.

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La Délégation a ensuite examiné le rapport de Mme Danielle Bousquet sur le projet de loi n° 2605 relatif à l'IVG et à la contraception.

Mme Danielle Bousquet, rapporteure, a souligné combien le droit des femmes à avoir recours à l'IVG était loin d'être effectif, en raison de l'insuffisance du délai pendant lequel elle peut être pratiquée. Elle a rappelé le nombre important de femmes - 5 000 environ - qui doivent se rendre chaque année à l'étranger et se trouvent ainsi confrontées à une illégalité particulièrement traumatisante. Elle a évoqué le problème particulier des mineures, notamment celles de la deuxième génération de l'immigration, qui éprouvent de réelles difficultés, et dans certains cas une totale impossibilité, à solliciter le consentement de leurs parents à leur IVG.

Cette double difficulté a conduit le gouvernement à procéder au toilettage du texte de la loi Veil, en prévoyant un allongement des délais de dix à douze semaines de grossesse, ce qui permettra de mettre fin au scandale du déplacement des femmes à l'étranger, et en autorisant les mineures, désirant garder le secret, à obtenir une IVG, même sans le consentement de leurs parents, grâce à la mise en place d'une procédure d'accompagnement par un adulte référent.

Elle a rappelé que les chiffres actuels de l'IVG sont sous-évalués en raison de l'utilisation d'une autre cotation que celle de l'IVG pour cet acte, de la nécessité de respecter des quotas d'IVG dans les structures privées et de la sous estimation probable du nombre de femmes qui se rendent à l'étranger.

On peut penser qu'un allongement des délais permettrait de venir en aide à environ 40 à 80 % des 5 000 femmes recensées par le Planning familial et même, peut être à un plus grand nombre d'entre elles puisqu'un allongement des délais pourrait permettre à ces femmes, qui n'auront plus à faire face aux retards qu'entraînent le coût et les difficultés d'un voyage à l'étranger, de recourir à l'IVG plus rapidement qu'actuellement.

Mme Danielle Bousquet a ensuite donné lecture de ses propositions de recommandations.

Elle a d'abord indiqué qu'elle souhaitait insérer une nouvelle recommandation, qui figurerait en tête de celles-ci, rappelant la nécessité d'une large politique d'information à la contraception et d'éducation à la sexualité, qui seule permettrait d'obtenir une baisse sensible du nombre d'IVG.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente a fait observer que l'étude qualitative menée par l'INSERM avait montré que la recherche en matière de contraception n'avait pas fait de saut qualitatif depuis un grand nombre d'années et qu'une diminution des IVG pourrait être obtenue à la fois en facilitant l'accès à la contraception et en développant la recherche contraceptive.

Les deux recommandations suivantes ont pour objet de permettre de disposer de statistiques fiables sur le nombre d'IVG dans le secteur public et privé et sur le nombre de femmes concernées par l'allongement des délais.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente a indiqué que l'accès à l'IVG dans le secteur public n'est pas correctement assuré et qu'il serait important qu'un travail de suivi soit réalisé pour déterminer l'évolution du secteur public, suite à la circulaire de novembre 1999 de Mme Martine Aubry.

Les trois recommandations suivantes portent sur les différentes méthodes possibles en matière d'IVG, sur la nécessité de donner à la femme le choix de la méthode qui lui convient le mieux, et sur l'intérêt de développer l'IVG médicamenteuse, en la rendant plus accessible qu'actuellement.

Trois autres recommandations ont trait à l'entretien préalable à l'IVG, jusqu'à présent obligatoire et qu'il serait souhaitable de proposer systématiquement sans l'imposer, sauf aux mineures, pour lesquelles cet entretien sera le moment d'aborder le problème de l'accompagnement, si elles refusent d'en parler à leurs parents. L'une de ces recommandations évoque le rôle essentiel des conseillères conjugales, dont la profession devrait être valorisée.

Mme Danielle Bousquet, rapporteure, a retiré une des recommandations qu'elle avait initialement proposée prévoyant un raccourcissement de sept à quatre jours du délai de réflexion car elle a estimé que le délai existant pouvait apporter une réponse à l'argument de ceux qui craignent un accroissement des IVG, en raison d'un dépistage accru des anomalies prénatales.

Deux propositions de recommandations portant sur l'IMG proposent l'élargissement des critères permettant de pratiquer l'IMG, en raison du péril grave que la grossesse fait peser sur la santé de la femme et le recours à une commission ad hoc pour prendre la décision d'interruption de grossesse.

Mme Danielle Bousquet a finalement estimé que le recours à une commission pluridisciplinaire, comprenant par exemple un gynécologue-obstétricien et un psychiatre permettrait, sans qu'il soit besoin d'élargir les critères de santé, de mieux prendre en compte la situation de la femme.

La recommandation suivante souhaite un élargissement des méthodes contraceptives par un recours possible à la stérilisation à but contraceptif, dès lors qu'un protocole garantira que les conditions nécessaires à un consentement libre et éclairé de la personne sont réunies.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente, a souhaité ouvrir le débat sur le problème de la stérilisation, car la France est un des rares pays où les femmes et les hommes ne peuvent avoir recours à cette pratique contraceptive. Elle a évoqué les deux avis du Conseil national consultatif d'éthique sur le sujet et elle a rappelé l'intérêt de l'expérimentation, entourée d'un protocole très strict, menée à l'hôpital de Nantes.

La recommandation suivante étend le délai d'entrave à l'IVG créé par la « loi Neiertz » pour le rendre plus effectif.

Mme Nicole Bricq a souhaité qu'une recommandation supplémentaire évoque les efforts budgétaires à consentir en matière d'IVG. Sur ce point, Mme Martine Lignières-Cassou, présidente, a souhaité que soient poursuivis les efforts entrepris dans le cadre du budget 2000 et que soit fait mention de l'importance des unités fonctionnelles permettant d'assurer aux femmes les meilleures conditions techniques et de sécurité.

M. Patrick Delnatte a estimé que ces unités fonctionnelles, sortes de centres de référence, devraient pouvoir fonctionner dans toute la France, à la fois pour l'IVG et pour l'IMG.

La Délégation a adopté les recommandations proposées par la rapporteure et modifiées pour tenir compte de l'ensemble de ces observations.

RECOMMANDATIONS ADOPTÉES

PAR LA DÉLÉGATION

1. La Délégation souligne la nécessité impérieuse d'une large politique d'information à la contraception et d'éducation à la sexualité en direction des jeunes, condition préalable et indispensable à toute perspective d'une diminution sensible des recours à l'IVG.

2. Il serait souhaitable d'améliorer le système du recueil des données sur l'IVG dans les secteurs public et privé pour une meilleure épidémiologie, en raison d'une certaine sous-déclaration des IVG, en particulier dans les établissements privés agréés.

3. Une enquête devrait être diligentée par le ministère de l'emploi et de la solidarité pour une meilleure estimation du nombre de femmes qui, avec la légalisation des nouveaux délais, pourront accéder à l'IVG en France.

4. L'interruption de grossesse médicamenteuse par la Myfégine présente de nombreux avantages, liés à son utilisation précoce, sans anesthésie, et sans danger pour la santé de la femme. Il conviendrait de rendre plus accessible ce médicament, classé dans la catégorie des substances vénéneuses, dont la distribution et l'administration sont soumises à de sévères restrictions par un arrêté du 10 septembre 1992.

5. Le recours à l'avortement médicamenteux devrait pouvoir s'accompagner d'une pratique ambulatoire sans hospitalisation nécessaire, en structure légère ou même à domicile, la femme restant en contact avec son médecin.

6. Le choix par la femme de la méthode de l'IVG est fondamental, car la méthode la mieux acceptée est la méthode préférée par la femme. Le médecin, dès la première visite, devrait informer la femme des différentes méthodes d'avortement (méthode médicamenteuse ou chirurgicale, avec anesthésie locale ou générale), de leurs avantages et de leurs inconvénients.

7. L'entretien qui a une fonction d'aide et d'écoute de la femme n'est trop souvent qu'une simple formalité ou prend un caractère dissuasif ou culpabilisant. Aussi, sauf pour les mineures, cet entretien préalable ne devrait pas être imposé, mais systématiquement proposé lors de la première visite médicale.

8. Concernant le recours à l'IVG de la mineure désirant garder le secret, il devrait revenir, non pas au médecin, mais à la conseillère conjugale lors de l'entretien préalable, de s'efforcer d'obtenir son consentement pour que les titulaires de l'autorité parentale soient consultés, puis de constater éventuellement que la mineure ne veut pas effectuer cette démarche ou que le consentement n'est pas obtenu.

9. Pour une valorisation à la fois du contenu de l'entretien et du rôle des personnels de santé qui l'assurent, il conviendrait de revoir la situation des conseillères conjugales en leur reconnaissant un véritable statut, un diplôme reconnu par l'Etat, une harmonisation de leurs situations et rémunérations.

10. L'attestation que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme doit être fournie par deux médecins, dont l'un doit être inscrit sur la liste d'experts près la Cour de cassation ou près d'une Cour d'appel. Le recours à une commission ad hoc, pluridisciplinaire, comprenant par exemple un gynécologue-obstétricien et un psychologue permettrait d'aider à la prise de décision médicale, tout en prenant mieux en compte la situation de la femme.

11. Dans un souci de prévention et pour élargir le recours aux méthodes contraceptives - y compris pour les hommes -, la stérilisation à but contraceptif devrait être reconnue par un texte législatif, en entourant cette pratique de toutes les précautions, nécessaires notamment à l'expression d'un consentement libre et éclairé de la personne.

12. En matière pénale, le délit d'entrave à l'interruption légale de grossesse devrait trouver sa place dans le code pénal et pourrait être étendu, en plus des menaces ou actes d'intimidation, aux pressions morales exercées à l'encontre des personnels médicaux et non médicaux et des femmes venant subir une IVG.

13. Afin d'accueillir au mieux les femmes qui seront concernées par un allongement des délais, les efforts budgétaires entrepris dans le cadre du budget 2000 devront être poursuivis. Les femmes devront être reçues dans des unités fonctionnelles leur assurant les meilleures conditions techniques et de sécurité.

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