ASSEMBLÉE NATIONALE


DÉLÉGATION

AUX DROITS DES FEMMES

ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES

ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

COMPTE RENDU N° 3

mardi 11 janvier 2000
(Séance de 11 heures)

Présidence de Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU, Présidente

SOMMAIRE

 

pages

- Examen du rapport de Mme Nicole Bricq, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux volontariats civils institués par l'article L. 111-2 du code du service national (n° 1867)

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- Examen du rapport de Mme Odette Casanova, sur le projet de loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives (n° 2012) et sur le projet de loi organique tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats de membre des assemblées de province et du congrès de Nouvelle-Calédonie, de l'assemblée de la Polynésie française et de l'assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna (n° 2013).

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La Délégation a examiné le rapport de Mme Nicole Bricq sur le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux volontariats civils institués par l'article L.111-2 du code du service national (n° 1867).

Mme Nicole Bricq, rapporteure, a rappelé tout d'abord que les volontariats civils constituent une des formes du service national modifié par la loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997, et qu'elle avait été la seule femme à participer aux débats lors de la discussion de ce texte à l'Assemblée nationale. Elle s'était alors félicitée du caractère désormais universel du service national, considérant que son ouverture aux femmes permettait de réaliser une égalité avec les hommes, laquelle n'existait pas jusqu'alors puisqu'en 1996, les volontaires du service national féminin ne représentaient que 0,6 % du contingent annuel.

Elle a également souligné qu'elle avait analysé les dispositions du projet de loi initial et les modifications apportées par le Sénat, et qu'elle avait proposé plusieurs recommandations, au regard de ce même souci d'égalité entre les femmes et les hommes.

La rapporteure a indiqué qu'aux termes du projet de loi, les volontariats civils, ouverts à toutes les femmes et tous les hommes âgés de 18 à 27 ans en règle avec les obligations du service national, s'exercent dans différents domaines. Evoquant le domaine de la coopération internationale et de la solidarité, elle a ajouté qu'en 1999, sur 3.300 coopérants du service national en entreprise, 33 seulement étaient des femmes, et a souhaité que cette situation se modifie rapidement.

Après avoir analysé les mesures relatives à la durée du volontariat civil et au statut des volontaires, elle a rappelé les nouvelles dispositions adoptées sur ces mêmes sujets par le Sénat.

La rapporteure a noté que cette assemblée avait contribué à l'établissement d'une plus grande parité entre les femmes et les hommes en ouvrant les volontariats civils aux classes d'âge qui, n'entrant pas dans le champ d'application du service national (les femmes nées avant le 1er janvier 1983 et les hommes nés avant le 1er janvier 1979), auraient donc été écartées du droit de souscrire ces volontariats. Elle s'est réjouie de cette abolition d'un retard infondé de l'accès des femmes aux volontariats civils et de l'apport supplémentaire de candidatures qui devrait en résulter.

Afin de promouvoir un égal accès des femmes et des hommes aux volontariats civils, la rapporteure a ensuite estimé qu'il serait opportun que le projet de loi prévoie :

- d'organiser -en veillant à l'élimination de tout cliché sexiste- une information spécifique des femmes sur les volontariats civils, lors des appels de préparation à la défense ou dans les programmes de l'éducation nationale, par des mesures de publicité dans les médias, par l'intermédiaire du milieu associatif et par celui des établissements d'enseignement ;

- d'assurer la promotion des candidatures féminines en veillant (éventuellement par une saisine de l'Observatoire de la parité) à ce qu'elles ne puissent être écartées en raison de l'adoption de critères ou de conditions d'admission aux volontariats civils trop difficiles à remplir pour les femmes ;

- de confier au ministre compétent le pouvoir de contrôler les listes de candidatures qui lui sont présentées et celui de choisir les candidats, dans la mesure du possible, de manière paritaire ;

- d'étendre la protection de la femme volontaire, bénéficiaire d'un congé de maternité (et de tout volontaire dont le contrat est suspendu), en l'autorisant à prolonger la durée de son volontariat d'un temps égal à son absence, sans que la durée totale de ce volontariat n'excède 24 mois ;

- de prévoir un suivi de l'application de la loi.

La rapporteure a conclu en insistant sur la nécessaire contribution de chaque parlementaire à l'information de tous les citoyens sur les volontariats, qui représentent un « lien de citoyenneté » dont les derniers événements (tempêtes, marée noire) démontrent l'utilité certaine et la grande importance.

Après l'exposé de la rapporteure, Mme Yvette Roudy, s'interrogeant notamment sur l'obligation d'exécuter un volontariat dans un seul organisme et sur les conditions d'assurance des volontaires, a regretté que la Délégation ne puisse pas examiner le projet de loi sur le fond. Elle a ensuite soulevé le problème des critères d'admission aux volontariats, rappelant que dans le passé, les femmes avaient fréquemment été écartées de certains métiers parce qu'elles ne répondaient pas à des conditions définies en fonction des hommes.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente, a estimé souhaitable que le principe de l'accès des femmes à toutes les formes de volontariat sans exception soit précisé dans le texte du projet de loi ; elle a noté en outre qu'il serait nécessaire, pour en vérifier la bonne application, de demander aux ministères intéressés des statistiques comparatives des missions exercées par les femmes et par les hommes.

En réponse aux intervenantes, la rapporteure a précisé que le projet de loi permettait un égal accès des femmes et des hommes aux volontariats civils ; elle a estimé que si les critères d'admission à ces volontariats peuvent effectivement contribuer à éliminer certaines candidatures féminines, ils ne peuvent toutefois être totalement écartés ; aussi, convient-il de veiller à leur définition et à leur application.

Enfin, rappelant que la plupart des statistiques du ministère de la Défense distinguent les femmes et les hommes, elle a considéré que les autres ministères intéressés devraient pouvoir établir leurs statistiques de la même façon.

La Délégation est ensuite passée à l'examen des recommandations.

Sur la première recommandation, M. Patrice Martin-Lalande a souhaité que l'information sur les volontariats civils soit organisée, non pas spécifiquement à l'intention des femmes, mais à l'intention de tous les jeunes gens.

Sur la deuxième recommandation, Mme Danielle Bousquet s'est demandé s'il n'était pas nécessaire de faire référence à la notion de « critères non discriminants ».

Après l'intervention de Mme Marie-Thérèse Boisseau et les réponses de la rapporteure qui a proposé diverses modifications visant à prendre en compte les différents avis émis dans le cours de la discussion, la Délégation a adopté les recommandations suivantes :

Recommandations adoptées par la Délégation

1. Une information sur les volontariats civils, détaillée et respectueuse du principe de l'égalité entre les sexes, devra être organisée à l'intention des jeunes gens participant aux appels de préparation à la défense. Par ailleurs, une même information, la plus large possible, devra être organisée à l'intention des femmes, nées avant le premier janvier 1983.

2. Suivant le principe d'universalité rappelé à l'article 1er du projet de loi, toutes les formes de volontariat civil, sans exception, devront être ouvertes aux femmes. Les critères d'admission à chaque forme de volontariat civil devront être définis en conséquence, avec précision, par les ministres compétents. Ces derniers veilleront au respect de l'égal accès des femmes et des hommes à ces volontariats.

3. Les volontaires dont la mission est suspendue pour cause de maladie, de maternité, d'adoption ou d'incapacité temporaire, devront pouvoir à leur demande prolonger le temps de leur volontariat d'une durée égale à celle de leur indisponibilité, sans que la durée totale de leur engagement puisse excéder 24 mois.

4. A l'occasion du débat budgétaire, les ministres concernés adresseront aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat ainsi qu'à leurs Délégations aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes une information annuelle qui détaille les conditions d'exécution de la loi sur les volontariats civils, et qui présente des statistiques comparatives des missions exercées par les femmes et par les hommes.

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La Délégation a ensuite examiné le rapport de Mme Odette Casanova sur le projet de loi organique et le projet de loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives (n° 2013 et n° 2012)

Mme Odette Casanova, rapporteure, a indiqué que la Délégation avait été saisie de ces deux projets, sur la demande de celle-ci, par la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Ces deux projets de loi s'inscrivent dans le prolongement de la réforme constitutionnelle du 8 juillet 1999 et visent à faire progresser la démocratie. Ils constituent un levier important pour la réalisation de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes mais devront néanmoins être complétés par d'autres textes dans les domaines social, économique et professionnel.

La rapporteure a d'abord présenté rapidement un état des lieux de la présence des femmes dans la vie politique, jugeant la situation française préoccupante. Le taux de représentation féminine au sein de l'Assemblée nationale est très faible, même s'il a connu une accélération en 1997 pour atteindre 10 % d'élues. La sous-représentation des femmes est également importante dans les conseils généraux tandis que la situation est meilleure dans les conseils municipaux (21,7 % de femmes), dans les conseils régionaux (25,3 %) et au Parlement européen (40,2 %).

Une accélération historique s'est produite à partir de 1994 aux élections européennes, grâce à l'action de M. Michel Rocard, puis aux élections législatives de 1997, grâce à la décision de M. Lionel Jospin de présenter au moins 30 % de candidates, et enfin aux élections européennes de 1999 où la plupart des listes ont été paritaires.

La rapporteure a ensuite évoqué les propositions de loi déposées depuis 1994 sur le thème de la parité, notamment celles de M. Jean-Pierre Chevènement et de Mme Muguette Jacquaint, ainsi que les contributions de Mmes Gisèle Halimi et Dominique Gillot au titre de l'Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes.

Présentant ensuite les grandes lignes de la réforme envisagée par les deux projets de loi, elle a indiqué que ces textes optent pour la parité de candidatures -et non pour un système de quotas- pour toutes les élections se déroulant au scrutin de liste, et qu'ils sanctionnent le non-respect du principe de parité par l'irrecevabilité des candidatures. En outre, pour les élections législatives, des sanctions financières sont prévues lorsque l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe d'une même liste dépasse de 2 % le nombre total de candidats.

Elle a noté que trois scrutins restent à l'écart de la réforme : les élections municipales dans les communes de moins de 3500 habitants, les élections cantonales et les élections sénatoriales qui ont lieu au scrutin majoritaire. Enfin, des dispositions transitoires sont prévues pour la Nouvelle Calédonie et Mayotte.

Mme Odette Casanova a ensuite présenté les divers correctifs qu'il lui semblait nécessaire d'apporter aux projets de loi.

S'agissant des scrutins de liste, elle a souhaité que l'alternance femme/homme soit appliquée pour les élections à un seul tour de scrutin, c'est à dire pour les élections européennes et pour les élections sénatoriales au scrutin majoritaire. En revanche, pour les élections à deux tours de scrutin, telles que les élections municipales et les élections régionales, elle a estimé, dans un souci de pragmatisme, compte tenu des difficultés de fusion des listes au second tour, qu'on pouvait envisager, à titre transitoire, un système de parité par tranches de candidatures, qui ne devraient cependant pas être supérieures à six.

S'agissant des élections législatives, elle s'est déclarée favorable à la sanction prévue par le projet de loi, estimant que tout autre système, notamment celui du bonus-malus retenu par Mme Dominique Gillot, serait dévalorisant pour les femmes dans la mesure où il instituerait une récompense pour ceux qui ne font qu'appliquer correctement la loi. Elle a souhaité également que soit imposée la parité des candidatures au niveau du département, comme l'avait proposé M. Jean-Pierre Chevènement en 1994. Enfin, elle a indiqué qu'il conviendrait que les crédits, issus des diminutions de l'aide publique accordée aux partis politiques, soient réutilisés à des actions de sensibilisation des femmes à la vie politique, voire même à des actions de formation.

Enfin la rapporteure a exposé les prolongements de la réforme qu'elle juge souhaitables.

Pour les élections cantonales, elle a indiqué que les seules solutions envisageables lui paraissaient être une modification du mode de scrutin -c'est-à-dire l'instauration d'un scrutin analogue à celui des élections municipales ou des élections régionales- ou la suppression du département. Reconnaissant que de telles réformes n'étaient pas encore mûres, elle a estimé que la féminisation des municipalités et des assemblées parlementaires devraient contribuer à faire évoluer la situation.

S'agissant des élections sénatoriales qui ont lieu au scrutin majoritaire, elle a jugé souhaitable d'imposer la constitution de listes paritaires pour l'élection des délégués sénatoriaux.

En ce qui concerne les élections municipales dans les communes de moins de 3500 habitants, elle a estimé qu'il convenait de maintenir le mode de scrutin actuel des communes de moins de 2500 habitants, en raison de sa souplesse, mais elle s'est prononcé en faveur d'une modification du mode de scrutin des communes de 2.500 à 3.500 habitants.

S'agissant des exécutifs locaux et des structures intercommunales, elle a souligné la faiblesse de leur représentation féminine et a estimé qu'il y avait lieu d'envisager, après les prochaines élections municipales, de faire élire les structures intercommunales au suffrage universel direct.

Enfin, elle a souhaité qu'une évaluation de la nouvelle législation soit présentée au Parlement en 2002 puis tous les trois ans, et qu'elle comporte également une étude détaillée de l'impact de la réforme sur les élections non concernées par le projet de loi.

Après l'exposé de la rapporteure, plusieurs membres de la Délégation sont intervenus :

Mme Yvette Roudy s'est prononcée contre l'instauration d'un système transitoire pour les élections municipales et régionales et a souhaité que le principe de l'alternance entre les femmes et les hommes sur les listes de candidats s'applique sans exception à toutes les élections dès les prochains scrutins. Après avoir contesté l'argument selon lequel il serait difficile de trouver des femmes qui acceptent d'être candidates, elle a estimé que la présence de femmes en grand nombre sur des listes ne serait pas un handicap vis-à-vis des électeurs mais qu'elle constituerait au contraire un atout pour ces listes. Elle a enfin jugé choquant que des formations politiques qui se contenteraient d'appliquer la loi, puissent en tirer un bénéfice financier ; en conséquence, elle s'est prononcée en faveur de la sanction plutôt que d'une incitation financière.

M. Patrice Martin-Lalande a regretté que le rappel historique présenté par la rapporteure n'ait pas évoqué la création de l'Observatoire de la parité. Il a souligné que, si un plus grand nombre de femmes ont pu être élues en 1997, c'est qu'elles appartenaient principalement à des partis qui avaient peu de députés sortants. Il a souhaité que l'on parle de « liste de candidats» plutôt que de « liste électorale », afin d'éviter tout risque de confusion. En ce qui concerne les exécutifs municipaux, il a rappelé que si les conseils municipaux élisent les adjoints, ce sont les maires qui accordent discrétionnairement les délégations. Il a enfin proposé de faire confiance aux conseils municipaux pour que le principe de parité soit appliqué dans les faits aux organes délibérants des structures intercommunales.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente, a observé sur ce point que la rapporteure avait seulement envisagé pour l'avenir une éventuelle réforme du mode de désignation des membres des organes délibérants des structures intercommunales.

M. Patrice Martin-Lalande s'est déclaré réservé sur la constitution de listes paritaires pour l'élection des délégués sénatoriaux et a regretté que le texte ne prévoie pas l'application du principe de parité pour l'élection des délégués syndicaux et des représentants du personnel.

Mme Marie-Thérèse Boisseau a considéré que la parité ne doit pas être un but mais un moyen d'approfondir la démocratie, et que la démocratie suppose également que soit respecté le principe de l'élection au scrutin uninominal et majoritaire dans la plupart des cas, afin que les électeurs puissent avoir la liberté de choisir leurs élus.

Elle s'est, en conséquence, inquiétée de certaines recommandations qui semblent suggérer l'extension de la représentation proportionnelle. Elle s'est également déclarée favorable à l'application d'un système transitoire de parité par tranches de candidatures aux prochaines élections municipales et s'est prononcée en faveur de l'égalité des candidatures entre les femmes et les hommes, à une unité près, pour toutes les autres élections.

Elle a estimé enfin que l'obligation d'indiquer le sexe des candidats lors du dépôt des candidatures ne paraissait pas indispensable, dans la mesure où les candidats mentionnent d'ores et déjà leurs différents prénoms.

Mme Muguette Jacquaint a regretté les restrictions que la rapporteure souhaitait apporter au principe de l'alternance pour les élections municipales. Elle a estimé qu'il n'était pas possible d'isoler ce débat de la discussion d'autres textes, qui lui paraissent indispensables, comme la limitation du cumul des mandats, la réforme du statut des élus ou la modification de certains modes de scrutin.

Elle a souhaité que les sommes résultant des sanctions financières prévues dans le projet de loi, au détriment des formations politiques qui ne présenteraient pas assez de femmes aux élections législatives, ne soient pas affectées à la seule formation des femmes aux responsabilités politiques. Elle a revendiqué au contraire un véritable statut pour tous les élus, femmes ou hommes.

M. Michel Herbillon a considéré qu'il serait injurieux pour les femmes que les sommes dégagées par les sanctions financières soient consacrées à leur formation, car cela laisserait supposer qu'elles sont moins bien formées que les hommes. Ces moyens budgétaires lui paraissent devoir être utilisés à l'information civique de l'ensemble des citoyens. Il a craint également que le système de parité par tranches de six candidats pour les élections municipales soit complexe et peu lisible pour les électeurs. Il a désapprouvé la recommandation proposée par la rapporteure concernant les délégués sénatoriaux, puisqu'elle vise à appliquer le principe de parité au corps électoral et non plus seulement aux listes de candidats. Enfin, il a souhaité que l'on évite de profiter de l'application du principe de parité pour procéder à une réforme des modes de scrutin, en étendant la représentation proportionnelle dont les dernières élections régionales lui ont confirmé les dangers.

Mme Danielle Bousquet a estimé que des dispositions transitoires ne se justifieraient que pour les prochaines municipales, en raison de leur proximité, et non pas pour les élections régionales, qui auront lieu en 2004. Elle a donc demandé à la Délégation, qui l'a suivie, de modifier en ce sens les recommandations.

Mme Marie-Jo Zimmermann a exprimé son accord avec cette proposition et a souhaité savoir si la formation spécifique des femmes candidates incomberait à l'Etat, par exemple à l'Education nationale, ou aux formations politiques.

M. Bernard Roman a fait part de son accord global avec les propositions de recommandations de la Délégation, sous quelques réserves portant sur des points particuliers. Rappelant que l'objectif de parité entre les élus, qui est celui du projet de loi, est partagé par tous, il a considéré que, plutôt que le système de l'alternance, celui de parité par tranches de six candidats était la moins mauvaise solution pour y parvenir. Il a cité, à ce propos, l'exemple de la ville de Lille où les trois premiers candidats de liste qu'il soutiendra pourraient être des femmes. Il s'est également déclaré favorable à la proposition de sanctions financières pour les partis qui ne respecteraient pas l'objectif de parité à l'occasion des élections législatives. En revanche, certaines recommandations lui ont paru inutiles : la sanction financière prévue dans le projet de loi suffisant à ses yeux, pour inciter les partis politiques à respecter le principe de parité dans les élections législatives, sans qu'il soit nécessaire d'aller plus loin et de recommander une parité de candidatures par département ; et la recommandation sur les délégués sénatoriaux lui paraissant introduire une complication majeure pour un résultat aléatoire.

Mme Nicole Bricq a rappelé qu'en vertu de la Constitution, les députés représentent la nation - et non pas un département - et s'est donc prononcée contre la recommandation sur la parité de candidatures par département.

M. André Vallini a annoncé qu'il déposerait des amendements sur le projet de loi, afin d'appliquer le principe de parité aux structures intercommunales et aux exécutifs locaux.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente, a suggéré que soit ajoutée une recommandation relative à l'utilisation des sommes dégagées par les sanctions financières. Elle a demandé des précisions sur les difficultés d'application du principe de parité dans les DOM-TOM. Elle a déclaré partager l'avis de Mme Danielle Bousquet selon lequel le système transitoire de parité par tranches de six candidats ne devrait pas s'appliquer aux élections régionales, mais seulement aux prochaines élections municipales.

En réponse aux intervenants, la rapporteure s'est réjouie à titre personnel des avancées souhaitées par certains membres de la Délégation, en ce qui concerne l'obligation de l'alternance femme/homme aux élections régionales. Elle a également considéré qu'une modification du mode d'élection des structures intercommunales sera nécessaire, dans la mesure où peu de femmes siègent actuellement dans leurs assemblées délibérantes, alors que leurs compétences sont de plus en plus larges. Elle a souligné, comme plusieurs membres de la Délégation, que la parité n'est pas un but mais un levier qui doit permettre, à terme, d'assurer, dans tous les domaines, une véritable égalité de chances entre les femmes et les hommes.

Elle a contesté l'affirmation selon laquelle les électeurs seraient aujourd'hui entièrement libres de choisir leurs représentants, dans la mesure où les candidats des partis sont sélectionnés et reçoivent l'investiture de ces derniers. Elle a souligné que si le statut de l'élu et le cumul des mandats ne font pas l'objet de recommandations, c'est que ces dispositions n'entrent pas dans l'objet du projet de loi. Elle a rappelé que la parité des candidatures par département aux élections législatives avait fait l'objet d'une proposition de loi présentée il y a quelques années par M. Jean-Pierre Chevènement. Elle s'est déclarée favorable au financement d'une formation destinée aux femmes comme aux hommes et a regretté la faible part de l'instruction civique dans les programmes scolaires. Elle a expliqué la présence de dispositions transitoires relatives aux territoires d'outre-mer par le souci du Gouvernement de respecter le droit coutumier.

La Délégation a ensuite procédé à l'examen des recommandations proposées par la rapporteure. Elle a adopté les première et deuxième recommandations (principe de parité, alternance des candidatures), sous réserve d'une modification rédactionnelle de cette dernière proposée par M. Patrice Martin-Lalande.

Les trois recommandations suivantes relatives à l'alternance dans les listes de candidats aux élections européennes et sénatoriales et visant à admettre, à titre provisoire, la parité par tranche de candidatures aux élections municipales et régionales ont été modifiées oralement pour prendre en compte des observations de Mmes Yvette Roudy, Muguette Jacquaint, Danielle Bousquet et de la présidente. Ces modifications tendaient à demander également l'alternance femme/homme pour les élections régionales, et, à fixer, à titre provisoire, une parité par tranches de six candidats au plus pour les seules élections municipales. Mme Yvette Roudy a notamment déclaré qu'elle voterait contre l'application, à titre transitoire, d'un système de parité par tranches de candidatures pour les élections municipales. Ces trois recommandations ainsi modifiées ont toutefois été réservées par la présidente, certains membres de la Délégation ayant souhaité qu'une version corrigée leur soit présentée.

Mmes Marie-Thérèse Boisseau, Marie-Jo Zimmermann, MM. Michel Herbillon et Patrice Martin-Lalande, considérant que les modifications apportées oralement étaient trop substantielles, ont alors décidé de ne plus prendre part au vote.

Les recommandations suivantes ont été ensuite adoptées sous réserve de modifications rédactionnelles pour deux d'entre elles et de l'opposition de Mme Nicole Bricq à la recommandation souhaitant l'organisation de la parité de candidatures à l'échelle du département.

Puis, compte tenu du souhait exprimé par certains de ses membres d'obtenir un nouveau document de travail, la Délégation, sur proposition de la présidente, a décidé de suspendre ses travaux.

Après la reprise, la Délégation a examiné successivement les recommandations de la rapporteure sur la base d'une nouvelle rédaction tenant compte des différentes positions qui s'étaient exprimées au cours du débat et modifiant leur ordre de présentation.

La Délégation a alors adopté les recommandations précédemment réservées et confirmé l'adoption des autres recommandations, sous réserve de modifications rédactionnelles aux recommandations n° 4 (régime applicable aux élections municipales de 2001), n° 5 (parité des candidatures à l'échelle du département) et n° 8 (structures intercommunales).

Au cours de cet examen, Mme Marie-Thérèse Boisseau a déclaré qu'elle votait contre les recommandations n° 1 (principe de parité), n° 7 (mode de scrutin des communes de 2 500 à 3 500 habitants) et n° 9 (délégués sénatoriaux). Elle a également considéré qu'il serait difficile d'organiser la parité de candidatures au niveau départemental. Mme Yvette Roudy a, pour sa part, indiqué qu'elle votait contre la recommandation n° 4 (régime applicable aux élections municipales de 2001) et a déclaré, à propos de la recommandation n° 8 (structures intercommunales), qu'elle n'aurait pas souhaité que soit abordée la question d'une modification des modes de scrutin.

Recommandations adoptées par la Délégation

1. Une véritable parité entre les femmes et les hommes dans la vie politique doit se comprendre non pas comme une égalité de candidatures de femmes et d'hommes mais comme une égalité d'élus ;

2. En conséquence, l'application de ce principe doit se traduire, pour toutes les élections au scrutin de liste, par l'obligation de respecter le principe de l'alternance femme/homme sur chaque liste de candidats ;

3. Le principe de l'alternance femme/homme doit donc être imposé dès maintenant aux élections européennes, aux élections régionales et aux élections sénatoriales ayant lieu à la représentation proportionnelle ;

4. La proximité de la date des prochaines élections municipales conduit à admettre, à titre transitoire et pour ces seules élections, que le principe de l'alternance ne soit pas appliqué en 2001, dès lors que serait respectée une parité par tranches de six candidats au plus ;

5. Pour les élections législatives, la parité de candidatures à l'échelle du département doit être organisée ;

6. Les crédits issus des diminutions éventuelles de l'aide publique accordée aux partis politiques, en application de la nouvelle législation, seront affectés à des actions favorisant la parité entre les femmes et les hommes dans la vie politique ;

7. Afin de permettre l'application du principe de parité dans les communes de plus de 2 500 habitants, il est souhaitable de modifier le mode de scrutin des élections municipales dans les communes de 2 500 à 3 500 habitants pour le rendre identique à celui des communes de plus de 3 500 habitants ;

8. Il y a lieu d'envisager, après les prochaines élections municipales, l'élection au suffrage universel des membres des structures intercommunales afin d'assurer également le respect du principe de parité dans ces élections ;

9. Les principes de parité et d'alternance femme/homme doivent être retenus pour les délégués sénatoriaux élus à la représentation proportionnelle ;

10. Le sexe des candidats doit être indiqué lors du dépôt de la déclaration de candidature, non seulement pour les élections au scrutin de liste, comme le prévoit le projet de loi, mais également pour les scrutins majoritaires uninominaux ou plurinominaux ;

11. Un rapport d'évaluation de la nouvelle législation doit être présenté au Parlement en 2002 puis tous les trois ans ; il comprendra également une étude détaillée de l'évolution de la féminisation des élections cantonales, des élections sénatoriales et municipales non concernées par la loi, des organes délibérants des structures intercommunales et des exécutifs locaux.


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