ASSEMBLÉE NATIONALE


DÉLÉGATION

AUX DROITS DES FEMMES

ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES

ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

COMPTE RENDU N° 9

mardi 14 mars 2000
(Séance de 18 heures)

Présidence de Mme Martine Lignières-Cassou, présidente

SOMMAIRE

 

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- Audition de Mme Dominique Gillot, secrétaire d'État à la santé et à l'action sociale

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La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a entendu Mme Dominique Gillot, secrétaire d'État à la santé et à l'action sociale.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Ce soir, nous avons le plaisir d'accueillir Mme Dominique Gillot, secrétaire d'État à la santé et à l'action sociale, qui est l'une de nos anciennes collègues et qui, en tant que parlementaire, avait notamment travaillé sur les problèmes familiaux. Elle a également été rapporteuse générale de l'Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes jusqu'à l'automne dernier.

Mme la Ministre, dans la mesure où nous avons choisi de centrer notre rapport d'activité sur la santé des femmes, c'est en votre qualité de secrétaire d'État à la Santé que nous souhaiterions connaître les axes de travail de votre ministère en ce domaine.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'État à la santé et à l'action sociale : Je suis ravie de me retrouver en ce lieu - le 9e Bureau - car j'y ai passé un certain nombre d'heures avec beaucoup d'entre vous. Je remarque que vous disposez tous de l'article du Monde du 8 mars dernier, dans lequel j'ai indiqué mes orientations concernant la santé des femmes et ma préoccupation de défendre un de leurs droits essentiels, celui la santé.

Dès ma nomination comme secrétaire d'État, l'accès des femmes à la santé a été l'une de mes priorités. On peut certes considérer que, dans notre pays, la santé des femmes est actuellement prise en compte ; car, hormis quelques poches d'exclusion ou des difficultés liées à des comportements ou à des violations flagrantes de droits essentiels, les grandes politiques de santé publique mises en place dans notre pays servent également la santé des femmes

Cependant, lors de ma participation à l'Université des Femmes qui s'était tenue à Lisieux, j'ai été amenée à souligner certains paradoxes en matière de santé des femmes. Je les rappellerai rapidement.

Bien que les femmes aient une espérance de vie beaucoup plus longue que les hommes -82,5 ans pour les femmes, 74 ans pour les hommes- à tous les âges de la vie, les femmes déclarent plus de maladies que les hommes. Cela ne signifie pas qu'elles sont plus souvent malades, cela veut dire qu'elles sont plus attentives à leur état de santé et qu'elles déclarent plus de maladies, d'invalidités, d'incapacités, surtout après 70 ans.

Les femmes ont, en moyenne, un peu plus de dix ans d'incapacité modérée et moins de deux ans et demi d'incapacité sévère, tandis que les hommes ont près de huit ans d'incapacité modérée et un peu plus d'un an d'incapacité sévère.

L'expression du mal-être est différente chez les hommes et chez les femmes. On relève plus de dépressions chez les femmes, qui sont de plus grandes consommatrices de produits psychotropes, alors que les hommes expriment leur dépression par des conduites violentes ou l'utilisation de produits tels que l'alcool. Les femmes ont également une meilleure capacité à gérer des situations d'exclusion sociale.

On note une évolution générale vers la croissance de la consommation de tabac et d'alcool chez toutes les femmes, mais la consommation de tabac et d'alcool est plus importante chez les femmes de niveau d'études supérieures, contrairement à ce qui est observé chez les hommes.

La mortalité prématurée, c'est-à-dire avant 65 ans, est moins élevée chez les femmes que chez les hommes. Elle est de 14 % chez les femmes et de 32 % chez les hommes. La mortalité évitable, c'est-à-dire liée aux habitudes de vie ou au recours aux soins, est plus faible chez les femmes que chez les hommes.

A partir de ces constats, je me suis attachée à développer une politique spécifique en direction des femmes, axée sur leurs besoins propres en matière de santé, à savoir non seulement la contraception, la responsabilité sexuelle et la maîtrise de la fécondité, mais également l'évolution vers une meilleure prise en charge et une sécurisation de la périnatalité, la gynécologie médicale et le dépistage des cancers féminins.

Le 1er février dernier, j'ai annoncé un plan global de lutte contre le cancer qui se développera sur cinq ans selon plusieurs axes. L'un des axes principaux en est le dépistage des cancers, notamment féminins, et la lutte contre l'ostéoporose, sa prévention et ses traitements. Etant donné l'allongement de la durée de leur vie, les progrès scientifiques doivent pleinement bénéficier aux femmes, afin qu'elles puissent vivre cet allongement dans les meilleures conditions possibles. La prise en charge et le traitement de la maladie d'Alzheimer doivent également être améliorés ; cela ne concernera pas spécifiquement les femmes, même si elles sont nombreuses à subir ce trouble de sénilité mentale.

Le deuxième axe de la politique de santé que je compte développer concerne les actions en faveur des populations les plus vulnérables, à savoir les femmes en situation d'exclusion ou de marginalité, de manière à réduire les inégalités d'accès aux soins. Là non plus, il ne s'agit pas d'une politique spécifique, puisque l'ensemble de la politique gouvernementale, à travers la loi de lutte contre les exclusions et la mise en place de la CMU, vise à cette réduction des inégalités d'accès aux soins. Par ailleurs, la politique de santé publique vise à réduire les inégalités entre les régions ou infrarégionales.

Même si cette réduction des inégalités doit bénéficier à l'ensemble des femmes, il me semble qu'il faudra discuter des droits spécifiques de certaines femmes, telles que les femmes battues ou séparées, qui doivent rester affiliées au régime de Sécurité sociale de leur conjoint, alors que cela pose un problème quand la femme est dans une situation proche de l'exclusion.

Une attention particulière devra également être portée à la santé d'un autre groupe de femmes, celui des femmes détenues. C'est un sujet qui nous préoccupe, Mme Elisabeth Guigou et moi-même. Ces femmes, qui représentent 4 % de la population carcérale déclarent à leur entrée en détention, en nombre conséquent -quasiment un quart d'entre elles- consommer des produits psychotropes ou des drogues. Elles ont des pathologies lourdes et il est donc important d'utiliser leur passage en détention pour mettre en place des politiques de dépistage et de suivi, et pour leur faire développer des comportements positifs vis-à-vis de leur santé, de manière à préparer leur sortie dans les meilleures conditions.

Un autre groupe de femmes mérite une attention particulière, celui des femmes séropositives, puisque l'on constate que le développement de la séropositivité et du sida, chez les femmes hétérosexuelles, est en progression alarmante. Des programmes spécifiques en direction de ces populations seront donc mis en _uvre.

En ce qui concerne le domaine de la santé mentale, je compte porter une attention plus forte aux conduites addictives et suicidantes des femmes et des jeunes filles. En effet, les jeunes filles commettent plus de tentatives de suicide que les jeunes garçons, ce qui est révélateur d'un malaise et d'une difficulté à vivre et à exprimer ce malaise.

Le troisième axe de ma politique concerne les femmes en situation de difficulté du fait d'un manquement au respect de leurs droits en matière de santé. Il s'agit, en premier lieu, des difficultés d'accès à l'IVG. En ce domaine, nous avons développé et réaffirmé avec Mme Martine Aubry, une politique visant à ce que soit rappelé que l'interruption volontaire de grossesse est une obligation du service public d'obstétrique, avec des procédures de bonnes pratiques et une obligation de moyens dans les services ouverts à cet effet. Il s'agit également de lutter contre les mutilations sexuelles des femmes. En France, près de 20 000 femmes ont subi des mutilations et l'on évalue à 10 000, le nombre de petites filles et de jeunes filles qui en sont menacées. Avec l'appui des associations et des femmes relais, il est indispensable de mener une action d'information et de sensibilisation en vue de poursuivre l'objectif d'éradication de ces pratiques en trois générations. Voilà l'objectif ambitieux que nous nous sommes fixé.

Le dernier volet de ma politique de santé concerne les violences faites aux femmes. Mme Nicole Péry, secrétaire d'État aux droits des femmes et à la formation professionnelle, a lancé une enquête de grande envergure sur ce fléau souvent cité, mais assez mal connu, de manière à donner la parole aux femmes victimes de violences, notamment conjugales, afin de mieux connaître ce phénomène et de mettre en place des dispositifs de prévention, de lutte et d'accompagnement de ces femmes et des hommes qui en sont responsables. Pour ma part, il me semble que les professionnels de santé ont une part à prendre dans cette phase de repérage, d'orientation et d'accompagnement. En effet, dans leur pratique quotidienne, ils ont à reconnaître des signaux ou à entendre des appels qu'ils n'identifient pas toujours comme relevant de la violence conjugale. Il serait par ailleurs intéressant de généraliser ou de systématiser l'analyse de ces signaux par un référentiel de bonnes pratiques. Ainsi les femmes, qui consultent pour toute autre chose que cette violence conjugale, trouveraient une oreille attentive et pourraient être épaulées par les praticiens de santé.

Voilà, résumé très rapidement, les grandes lignes de ce que je souhaite mettre en place.

Mme Danielle Bousquet : Comment expliquez-vous l'incompréhension persistante sur le problème de la gynécologie médicale ainsi que les propos de l'association de médecins femmes gynécologues selon lesquels le problème n'est pas résolu et la gynécologie médicale va disparaître ? Je fais référence à un courrier que chacune d'entre nous a reçu, encore hier, dans sa circonscription et selon lequel les négociations seraient au point mort et le problème ne serait absolument pas résolu.

Pour ma part, je suis convaincue que le problème est résolu ; je souhaiterais néanmoins que vous nous réitériez votre sentiment de l'avoir effectivement réglé et qu'en plus de vos diverses communications dans la presse, chacune d'entre nous communique également dans les départements pour réaffirmer la vérité et contrecarrer toutes ces contrevérités.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'État à la santé et à l'action sociale : Je suis informée de ce sursaut du comité de défense de la santé des femmes qui envoie des informations qui ne sont pas toujours exactes sur les fax des personnalités politiques et des rédactions.

Ce matin, invitée sur France-Inter par Mme Patricia Martin, j'ai participé à un face à face avec Mme Malvy, présidente de ce comité. Mme Malvy développe une anxiété que je ne m'explique pas. Je ne connais pas son histoire personnelle, au regard de l'université et de l'organisation institutionnelle de la gynécologie, mais de toute évidence, c'est une histoire douloureuse et difficile. De ce fait, elle souhaite éviter aux jeunes étudiants qui vont entrer dans cette spécialité de gynécologie, ce qu'elle a vécu et souffert. Il n'y a qu'ainsi que je m'explique les choses.

Depuis le mois d'août dernier, le groupe de travail, réuni une première fois par Bernard Kouchner au mois de juin, s'est réuni cinq fois dans mon cabinet, sur mon initiative. Ce groupe était constitué de représentants des organisations suivantes :

- la Société française de gynécologie, qui représente les gynécologues médicaux et les gynécologues obstétriciens,

- la Fédération des collèges de gynécologie médicale, qui représente les gynécologues médicaux en ville, à travers toute la France : réunis en collèges régionaux, ces derniers envoient des représentants à cette fédération,

- le Collège national de gynécologues et d'obstétriciens, comprenant des médecins hospitaliers qui pratiquent la gynécologie médicale et la gynécologie obstétrique,

- deux représentantes du comité de défense de la santé des femmes,

- des conseillers techniques du secrétariat d'État à la Santé et du ministère de l'Education nationale.

L'objet de ce groupe de travail était d'établir un état des lieux et d'évaluer les possibilités de répondre au questions et aux demandes fortes exprimées par le comité de défense de la santé des femmes. Celui-ci relayait l'inquiétude légitime de femmes auxquelles il avait été indiqué que la gynécologie médicale disparaîtrait, non pas par volonté politique programmée, mais en raison du nombre peu important d'internes entrant dans cette discipline.

En 1998, 80 internes ont été formés, dont une quinzaine se sont orientés vers la gynécologie médicale. La gynécologie, dans son ensemble, mis à part la gynécologie médicale, est une spécialité difficile, avec des contraintes de garde à l'hôpital et des risques médico-légaux lors de pratiques d'accouchement et de chirurgie obstétricale.

Au fur et à mesure des réunions, nous avons progressé sur les différentes revendications, à savoir l'augmentation du nombre de gynécologues et la possibilité de restaurer une formation spécifique de gynécologie médicale. Je vous rappelle que la gynécologie médicale n'était plus enseignée en tant que telle depuis 1986, date de la suppression du certificat d'études spéciales de gynécologie dispensé en trois ans.

Aujourd'hui, la formation est de cinq ans après l'internat avec un diplôme d'études spéciales (DES) en gynécologie qui concerne la gynécologie dans sa globalité, c'est-à-dire médicale, obstétrique et chirurgicale. Il est juste de reconnaître que la gynécologie médicale était le parent pauvre de l'enseignement de ce cursus.

A la suite du travail que j'ai mené, j'ai fait, le 25 novembre dernier, des propositions qui ont ensuite été affinées en tenant compte non seulement de ce que souhaitaient les professionnels, mais aussi de ce qu'il était possible de faire dans le cadre des études universitaires. La possibilité de créer un diplôme distinct, c'est-à-dire une spécialité autonome de gynécologie médicale, n'a pas été retenue par l'ensemble des professionnels, contrairement au souhait de Mme Malvy et de son association.

Les autres représentants de la profession sont contre la création d'un diplôme autonome, considérant que la gynécologie est une spécialité médico-chirurgicale qui doit rester dans un corpus complet. En revanche, nous avons créé un diplôme à deux options : une option médicale et une option chirurgicale et obstétrique.

Les étudiants qui décideront de se spécialiser en gynécologie suivront une formation de cinq ans comme actuellement. Mais, après trois ans de tronc commun, ils choisiront l'une ou l'autre des deux filières optionnelles. Le diplôme de fin d'études sera unique, mais il précisera l'option choisie.

Cette proposition que j'ai soumise, a été acceptée.

J'ai obtenu du ministère de l'Education nationale l'augmentation progressive du nombre de places d'internes offertes chaque année : 111 en 1999, 140 en 2000, 170 en 2001, 200 en 2002. Avec cette montée en puissance, le risque de chute démographique, qui apparaissait sur les courbes que nous présentait l'association, disparaît complètement.

Une autre question a été soulevée par l'Association de défense de la santé des femmes en danger, celle de l'obligation de passer par le médecin référent pour accéder à un spécialiste, soit à terme l'interdiction de consulter le gynécologue de son choix. Nous avons étudié la convention proposée par la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) aux médecins qui acceptent d'être médecins référents et à l'assurée sociale qui accepte de rentrer dans une telle procédure. Cette procédure n'est en aucune façon obligatoire. Comme l'a indiqué le Premier ministre le 8 mars dernier, il n'existe aucune obligation de passer par le médecin référent et pour les personnes qui auraient choisi cette procédure conventionnelle -qui présente pour elles un certain nombre d'avantages-, il n'est nullement interdit de consulter un autre médecin généraliste, voire un spécialiste, en dehors de la convention ; mais, en sortant ainsi de la convention, il existe un inconvénient pour la patiente, celui de payer sa consultation et de se faire rembourser au tarif en vigueur (les gynécologues étant considérés comme des spécialistes, le taux de base de la consultation est de 150 francs remboursés à 70 %).

Si la procédure conventionnelle devait être généralisée, ce qui n'est pas dans les intentions du gouvernement, il se pourrait que le spécialiste inscrit sur la convention soit choisi, d'un commun accord, entre l'usagère et son médecin et que, de ce fait, elle puisse bénéficier des mêmes conditions que lui confère la convention pour accéder au gynécologue. Encore faudrait-il que les gynécologues acceptent de rentrer dans cette procédure qui entraîne une modération dans la tarification, une contrainte de respect des tarifs en vigueur et une interdiction de dépassement. Aujourd'hui, on ne connaît aucune procédure de ce type. Aucun spécialiste n'est rentré dans le processus conventionnel.

Mais faut-il le répéter, la convention, qui met en place un lien entre le médecin référent et l'assurée sociale, est une possibilité offerte par la CNAM, mais n'est nullement obligatoire. Même quand cette convention existe, elle n'interdit pas de consulter par ailleurs un autre généraliste ou un spécialiste quelle que soit sa discipline.

Ainsi, tout est en place, tout a été dit et affirmé pour que cette angoisse cesse. Mais, Mme Malvy persiste dans sa méfiance quant à la convention. Cependant, le gouvernement s'est engagé avec la parole du secrétaire d'État à la Santé, de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, mon ministre de tutelle, celle du Premier ministre, le 8 mars dernier. J'estime qu'il est difficile de faire plus.

Sur l'autre sujet de la formation, le groupe de pilotage a déjà tenu deux réunions à mon cabinet. Le but de ces réunions était de faire en sorte que les circulaires soient rédigées dans l'esprit de la réforme sur laquelle nous sommes parvenus à un accord, afin que l'enseignement soit ouvert dès la rentrée prochaine. Tout est en place pour qu'à la suite de cette nouvelle formation, émerge un nombre supplémentaire d'internes. Il s'agit maintenant d'attendre pour en évaluer les effets. Je ne peux faire mieux que ce qui a été fait.

Une réticence persiste chez Mme Malvy qui voudrait un diplôme véritablement spécifique pour la gynécologique médicale. De son point de vue, ce seront encore les obstétriciens qui feront la formation dans le DES, par conséquent les futurs gynécologues resteront sous la tutelle des obstétriciens, ce qu'ils ne veulent plus.

Cela dit, ce matin, lors de l'émission de radio, Mme Malvy a répété, de manière très précise, qu'elle était satisfaite du travail accompli et que c'était la première fois qu'elle obtenait autant. Subsistent toutefois ces deux points qui la gênent.

Mme Muguette Jacquaint : Lorsque vous dites qu'il n'y a pas de contrainte et que le médecin référent n'est pas une obligation, c'est exact. Toutefois il ne faut pas omettre l'avance que la patiente doit faire si elle décide de consulter le gynécologue sans avoir vu le médecin référent.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'État à la santé et à l'action sociale : Cela a toujours été le cas. Rien n'est changé. La procédure avec médecin référent a été proposée par la CNAM, il y a deux ans. Aujourd'hui, seuls 10 % des médecins généralistes sont entrés dans cette procédure, et pas nécessairement pour toute leur clientèle. Un médecin généraliste, qui accepte d'être médecin référent et qui propose une convention de ce type à ses patientes, a dans son fichier, des personnes en procédure conventionnelle et d'autres en procédure libre. C'est une adhésion libre qui garantit aux personnes qui rentrent dans cette procédure de ne pas payer leur consultation et de faire en sorte que le médecin soit directement remboursé par la CNAM. Cette convention a un avantage pécuniaire, mais aucune obligation.

Une femme, qui veut consulter son gynécologue, va le voir directement, paie sa consultation et se fait rembourser par la Sécurité sociale, de la même façon que lorsqu'elle consulte le dentiste ou le pédiatre pour ses enfants. Si on veut pousser plus loin la procédure conventionnelle, il faudrait que des gynécologues acceptent de rentrer dans la convention. Pour ma part, je n'en connais pas pour l'instant. De plus, je ne suis pas certaine que cela réponde à un souhait.

Pourquoi supprimer cette procédure conventionnelle qui rend service aux femmes qui y adhèrent par conviction ou par facilité ? Nous sommes quand même dans un pays de liberté.

Mme Muguette Jacquaint : Je suis en plein accord avec les mesures prises concernant la santé des femmes. Je voudrais néanmoins rappeler quelques éléments sur l'ostéoporose. Nous sommes convaincus qu'il faut une prévention. D'ailleurs, lors du débat sur le financement de la Sécurité sociale, j'avais soulevé la question du non-remboursement de l'examen de scintigraphie osseuse. Cet examen coûte plus de 400 francs, ce qui doit constituer un handicap et un sérieux barrage pour les personnes qui ont des revenus modestes. Il faudrait donc y regarder de plus près. Comment parler de prévention de l'ostéoporose sans passer, à un moment donné, cet examen qui évalue l'état de vos os ?

Vous avez évoqué également le problème des femmes battues. Beaucoup de ces femmes, victimes de violences conjugales, voudraient quitter leur domicile ; or, dès lors qu'elles ne sont pas salariées, il y a un blocage car les allocations qu'elles perçoivent, et qui sont parfois les seules ressources dont elles disposent, ne sont pas prises en compte au niveau des revenus, pour l'attribution d'un logement. Outre le manque de structures d'accueil, il faudrait donc étudier également ce problème d'allocations non prises en compte dans le calcul des revenus.

En ce qui concerne l'excision, il y a actuellement un procès qui met sous les feux de l'actualité cette violence faite aux petites filles et aux jeunes filles. Elles sont petites quand elles subissent l'excision, mais elles en souffrent tout au long de leur vie de jeune fille et de femme. Ce problème est complexe et multiple. On évoque les traditions, les cultures... Est-il envisagé une campagne d'information, en plus du travail mené en collaboration avec les différentes associations. ? Il ne faut pas oublier en effet que certaines femmes ne font partie d'aucune association, du fait même de leur conjoint. Comment peut-on envisager une campagne, une sensibilisation encore plus forte sur cette question ?

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'État à la santé et à l'action sociale : On commence seulement à évoquer le problème de l'ostéoporose, maladie liée au vieillissement. De plus en plus répandue compte tenu de l'allongement de la durée de vie, elle frappe essentiellement les femmes. Nous sommes convaincus que la prévention par l'alimentation, l'exercice, l'apport de protéines et de calcium est le meilleur moyen d'éviter l'aggravation de cette déficience osseuse.

En revanche, il n'a pas encore été prouvé que l'examen de scintigraphie osseuse était d'une absolue nécessité. Pour que cet examen soit pris en charge par la Sécurité sociale, il faut d'abord qu'un certain nombre de vérifications, en cours de réalisation, soient validées. Une fois prouvée l'efficacité médicale de l'examen, on établira son coût afin de permettre son remboursement dans le cadre des procédures de Sécurité sociale.

Pour ma part, j'avais demandé son introduction. Tout n'a pas encore été suffisamment étudié pour que je puisse m'engager, mais mon objectif est bien de mener à terme ces expertises. Puis, s'il s'avère que cet examen est nécessaire pour que soient mis en place des traitements efficaces, il devra être remboursé par la Sécurité sociale. Mais nous sommes là face à un élargissement du champ de la prise en charge. Il n'en demeure pas moins vrai que la meilleure des préventions passe par l'alimentation et l'exercice physique.

Mme Nicole Bricq : On donne fréquemment des traitements hormonaux pour lutter contre le risque d'ostéoporose. Or, une campagne de presse s'est fait l'écho d'études américaines indiquant que ces traitements étaient dangereux, à la fois pour les femmes en préménopause, autour de la cinquantaine, et par extrapolation, pour les jeunes femmes qui utilisent la pilule comme moyen de contraception. Cela a jeté le trouble chez les femmes, puisque ces traitements ont toujours été présentés comme efficaces, notamment en gynécologie médicale.

Ces femmes sont troublées parce que, dès lors qu'il y a controverse scientifique, s'ensuit une bataille d'écoles et d'experts. On ne sait pas où est la vérité. Au moment où l'on se préoccupe de la prévention de l'ostéoporose, cela fait mauvais effet. On ne peut se contenter de dire aux femmes de manger du fromage en quantité et de faire de l'exercice.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'État à la santé et à l'action sociale : Pourtant les produits laitiers et l'exercice physique sont les meilleurs moyens de prévention de cette maladie.

Mme Nicole Bricq : Ce n'est pas sérieux. Je voudrais savoir si le ministère de la Santé a une réponse à ce problème.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'État à la santé et à l'action sociale : Cette étude américaine a effectivement jeté le trouble dans les esprits. Elle n'est vérifiée par aucune autre documentation ou corroborée par aucun autre article, mais le trouble a été suffisant pour relancer les études sur cette question. Il faut maintenant attendre les résultats des nouvelles études avant de conclure.

Il faut examiner l'efficacité médicale des différents dispositifs proposés aujourd'hui aux femmes, avant de s'engager dans leur prise en charge ou de proposer des recommandations supplémentaires en vue d'assurer la sécurité et d'éviter les risques signalés par cette étude américaine, certes troublante.

Mme Nicole Bricq : Il a même été évoqué que les traitements aux hormones étaient un médicament de confort permettant d'éviter certains troubles. Je trouve cela un peu exagéré. Je me méfie de ce genre de campagne, qui intervient notamment quand on veut déclassifier certains médicaments. On se dit que, finalement, si c'est pour éviter que les femmes souffrent de bouffées de chaleur, peut-être n'est-il pas indispensable de les rembourser... C'est pourquoi il me semble que ce sujet n'est pas neutre.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'État à la santé et à l'action sociale  : Sur les violences faites aux femmes, j'ai fait état de mes préoccupations. Les professionnels de santé doivent être totalement associés à ce travail de repérage des violences, notamment conjugales, faites aux femmes, ainsi qu'au travail d'orientation et d'accompagnement. Cela n'exclut pas d'appuyer, au niveau gouvernemental, les orientations évoquées plus haut, à savoir la solvabilisation du logement lorsqu'une femme est obligée de quitter le sien. C'est un scandale que la femme victime de sévices soit obligée de quitter le domicile conjugal pendant que le mari violent continue d'y vivre.

Il faudrait faire en sorte de l'aider à retrouver un logement pour s'abriter et abriter ses enfants. On devrait trouver les moyens de solvabiliser ce relogement dans les meilleurs délais et éviter l'errance ou l'accueil dans des foyers, alors que la plupart de ces femmes n'ont aucun caractère d'exclusion ou de marginalité. Cette orientation les conduit à côtoyer des femmes dans une situation d'exclusion sociale et un dénuement psychologique beaucoup plus grave.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Quand Mme Nicole Péry a été auditionnée par la Délégation il y a quelques semaines, elle a fait référence à une convention qu'elle avait signée avec Louis Besson sur les femmes victimes de violences. Il serait intéressant d'avoir connaissance du contenu de cette convention.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'État à la santé et à l'action sociale : S'agissant des excisions, il est vrai que certaines femmes sont absolument inconnues de toute association ou service social. Je crains malheureusement que, pour ces dernières, le mal ne soit déjà fait. La priorité est maintenant de prévenir l'excision et les mutilations génitales des petites filles. Par l'école, la santé scolaire, l'action sociale, l'éducation, l'approche des familles par les associations de femmes relais avec lesquelles nous sommes en contact et qui bénéficient de formation, de sensibilisation et de documentation, nous pourrons faire progresser les consciences et faire régresser ce qui est très caché et qu'il nous faut débusquer, à la fois dans les esprits et dans les actes.

M. Patrick Bloche : Pour compléter l'interrogation et la réponse sur le problème de ces femmes victimes de violences, qui doivent continuer à vivre avec celui qui les martyrise, j'avoue me retrouver régulièrement, dans le cadre de mes permanences, confronté à ce genre de situation. Ces femmes ne peuvent encore s'inscrire dans une démarche de séparation et a fortiori, de divorce, parce que se pose le problème essentiel, à la fois des ressources -elles n'ont pas d'activité professionnelle- et surtout du logement.

Je suis souvent interpellé sur le problème du logement. Je ne sais si c'est une situation très parisienne (dénégation des participantes)... mais peut-être serait-il possible de passer des conventions ou de faire de cette situation un facteur de priorité dans l'attribution des logements sociaux. On peut toujours trouver des solutions d'urgence telles que des foyers d'accueil ou autres. Il y a aussi l'aide sociale. Mais si on veut les sortir du logement où elles subissent les violences, et s'inscrire dans la durée, ne pourrait-on mener un travail en direction des offices HLM en vue d'établir des priorités d'attribution de logements ?

Mme Yvette Roudy : Dans ce type de situation, il est toutefois préférable que ces femmes passent par un foyer d'accueil car elles ont besoin d'être soignées. Elles ont un tel état de dépendance, elles sont comme cassées. On pourrait bien évidemment les reloger immédiatement dans des municipalités averties telles que les nôtres. Mais il me semble préférable qu'elles passent d'abord par un centre d'accueil où elles seront remises sur pied et accueillies, où elles pourront se préparer à une formation professionnelle. Dès lors qu'elles auront repris des forces, on peut alors envisager de leur trouver un logement.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Sur la campagne de contraception, nous avons le sentiment, les unes et les autres, que cette campagne s'essouffle, même si nous avons vu quelques spots à la télévision et entendu quelques spots à la radio. On sait, mais sans y avoir été forcément associé, que la campagne dans les établissements scolaires a dû démarrer après les vacances de février. Nous savons qu'un certain nombre d'associations ont été mobilisées sur le terrain pour diffuser notamment la carte Z.

Cette campagne, qui a commencé début janvier, est déjà terminée, trois semaines après son lancement. Une nouvelle enveloppe financière est-elle envisagée par le ministère, compte tenu que ce qui a le plus marqué les esprits, ce sont les spots télévisés et radiophoniques ?

Le contenu de cette campagne, sur lequel nous nous sommes déjà expliqués à plusieurs reprises, n'a pas été facile à établir. Maintenant que le contenu et la conception sont établis, c'est-à-dire les éléments qui coûtent le plus cher dans des campagnes de ce type, il est dommage de ne pas avoir davantage de moyens pour la diffuser plus largement. Nous avons le sentiment sur le terrain que cela se dilue. Après avoir attendu cette campagne pendant dix ans, elle n'a été vue que pendant trois semaines. !

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'État à la santé et à l'action sociale : Trois semaines passent très vite. Le coût le plus important de cette campagne était constitué par les spots et les parutions dans les journaux. Maintenant, continuent la distribution des guides et de la carte Z. Le numéro Indigo donnant des informations sur la contraception ne fonctionne pas très bien et ne devrait donc pas être très coûteux.

S'il y a moyen de répartir différemment les crédits de l'enveloppe budgétaire non consommés par la ligne Indigo, nous pourrions envisager une rediffusion des spots. Il est en effet dommage de dépenser tant d'argent, d'énergie et de création pour une aussi courte période de temps. Après avoir mobilisé les partenaires associatifs, les départements et les différentes administrations, nous avons l'impression que tout le monde n'est pas totalement prêt et que l'impulsion espérée n'est pas totale. Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il faudrait redynamiser tout cela.

Mme Odette Casanova : Je voudrais insister de nouveau sur la campagne en matière de contraception. Je suis convaincue qu'une seule campagne n'est pas suffisante et qu'il conviendrait de la rediffuser régulièrement chaque année. Chaque soir, vous visualisez un spot Darty avant la météo qui, par la force de l'habitude, s'intègre dans la mémoire. On sait que tout de suite après le spot Darty, vient la météo. Cet exemple un peu caricatural montre que si l'on veut faire entrer dans les esprits qu'il existe une contraception et qu'elle doit exister, il faut se donner les moyens de la faire passer régulièrement à l'antenne. Même une campagne annuelle de trois semaines n'est pas suffisante.

Par ailleurs, il faut impérativement une information continue à l'école qui soit, chaque année, imposée aux enseignants. Il conviendrait aussi qu'il y ait dans les écoles, les collèges et les lycées, une infirmière ou une personne relais à laquelle l'adolescent -garçon ou fille- puisse s'adresser en cas de détresse. Je suis convaincue que de simples campagnes ne sont pas suffisantes. Il faut une action permanente.

En ce qui concerne l'IVG, je voudrais savoir où l'on en est de l'obligation du service public. Dans mon département, en ce domaine, on n'a vraiment pas entendu la parole du gouvernement : on ne pratique pas d'IVG dans les deux hôpitaux publics de l'aire toulonnaise. Il ne suffit donc pas de rappeler les bonnes pratiques, il faut aller très vite, sinon on va retomber dans les errements du passé avec des cliniques privées ou des cars qui partent à l'étranger. A Toulon, par exemple, des cars partent pour Barcelone. C'est dramatique.

Je lance un cri de détresse. Sur l'aire toulonnaise, nous avons institué un comité de veille sur la santé car nous avons de nombreux problèmes. La menace de suppression de la maternité de l'hôpital de Toulon n'a pas eu lieu, grâce à Mme Martine Aubry. Mais nous avons une situation catastrophique aussi bien pour la pratique des accouchements que pour celle des IVG dans les hôpitaux publics. Il faut vraiment faire un effort.

Mme Danielle Bousquet : Je voudrais insister sur le fait que même si, dans mon département, la situation est moins mauvaise, il conviendrait de revoir la situation des centres IVG et le statut des médecins qui pratiquent des IVG. Je ne suis pas certaine que, vingt ans après le vote de la "loi Veil", il ne faille pas revenir sur la clause de conscience. C'est le seul acte médical qui accepte une clause de conscience. Je ne sais pas dans quelle mesure ceci peut être révisé !

S'agissant des médecins qui pratiquent les IVG, il faut savoir qu'ils sont rémunérés 230 francs, quand ils quittent leur cabinet pour une demi-journée de vacation à l'hôpital. Ceci explique, à mon sens, largement, le fait que les IVG ne soient pas réalisées. Aucun médecin, à moins d'un militant, n'acceptera de passer une demi-journée à l'hôpital et de pratiquer plusieurs avortements de suite pour une somme de 230 francs. Il y a 25 ou 30 ans, il y avait des médecins militants, mais maintenant ils ont tous au moins 60 ans. On se trouve donc face à de jeunes médecins qui n'ont plus du tout la fibre militante et pour lesquels la rémunération n'est pas à la hauteur de leur investissement en temps. Tant que les centres de planification ne seront pas attractifs comme n'importe quel autre service hospitalier, nous serons confrontés à cette situation.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'État à la santé et à l'action sociale : C'est le prix de la vacation, quel que soit le service.

Mme Danielle Bousquet : J'en conviens, sauf qu'il est plus noble d'aller faire une vacation de dermatologie ou autre que d'aller dans le centre IVG. C'est une difficulté de plus, car cette action est perçue différemment.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'État à la santé et à l'action sociale : Ce n'est plus le cas.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Un certain nombre de mesures ont été annoncées par Mme Martine Aubry au mois de juillet, en ce qui concerne l'IVG à l'hôpital public. Des circulaires devaient suivre. Où en est-on d'une meilleure intégration des centres d'IVG à l'intérieur des services d'obstétrique ? Cette recommandation du "rapport Nisand" avait été, me semble-t-il, prise en compte par Mme Martine Aubry. D'ailleurs la majorité des propositions du "rapport Nisand" tourne autour de la prise en compte, par le service public et le système hospitalier, de ces actes.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'État à la santé et à l'action sociale : Mme Martine Aubry a effectivement pris des dispositions au mois de juillet dernier, pour une relance très forte de l'application de la "loi Veil" dans le service public hospitalier. Sans remettre en cause la clause de conscience, il est exigé aujourd'hui que, dans chaque service, il y ait l'obligation de continuité du service public. Si ce n'est pas le cas, c'est une infraction. Il est également rappelé aux établissements sanitaires qu'ils doivent avoir, dans leur projet d'établissement, une affirmation claire de l'obligation de service public en matière d'IVG, dans le service d'obstétrique.

Ce rappel très fort à la loi sera contrôlé un an après. Au mois de juillet, nous ferons l'évaluation de ce rappel de mesures fortement réitérées auprès du personnel médical, telles que l'obligation de mettre à disposition de toutes celles qui le souhaitent l'IVG médicamenteuse, c'est-à-dire le RU 486, le renforcement des moyens en personnel médical pour organiser la continuité, notamment l'été, de la prise en charge des IVG en milieu hospitalier public et la prise en compte, dans les critères d'accréditation hospitalière ou d'accession à la charge de chef de service en obstétrique, le bon fonctionnement de l'activité d'IVG.

Chaque fois que cela est possible, il faut rapprocher les centres d'IVG du service d'obstétrique afin d'assurer la sécurité sanitaire par un plateau technique garanti. Ensuite, des missions ont été données aux commissions régionales de la naissance de veiller...

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Qu'appelez-vous commissions régionales de la naissance ?

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'État à la santé et à l'action sociale : Ce sont les commissions régionales créées par l'arrêté du 8 janvier 1999. Elles ont en charge d'appliquer la politique de périnatalité dans chaque région. De plus, il leur a été confié la mission de surveiller l'activité d'IVG. Elles sont placées auprès des Directions régionales des affaires sanitaires et sociales (DRASS). Deux places sont ouvertes, dans ces commissions régionales de la naissance, à deux associations ayant pour objet les problèmes d'IVG et de contraception.

Elles accomplissent donc un travail d'accompagnement, de suivi et de vérification. Les Agences régionales de l'hospitalisation (ARH), qui ont vocation de réimpulser l'organisation et la réorganisation des hôpitaux, ont la consigne de veiller à ce que les contrats d'objectifs et de moyens contiennent cette recommandation de continuité du service public d'obstétrique, y compris pour les IVG.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Je ne comprends pas pourquoi les commissions régionales de la naissance sont placées auprès des DRASS et non pas auprès des ARH. Ce sont les ARH qui ont les moyens de contrôle, et non pas les DRASS.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'État à la santé et à l'action sociale : Non, en matière d'accréditation et de bonnes pratiques, ce ne sont pas les ARH qui disposent de ces moyens. Elles sont en charge de l'organisation, du contrôle financier, de l'ouverture de lits et autres. En revanche, la qualité et la définition des référentiels de bonnes pratiques appartiennent aux DRASS ou à l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES).

Par ailleurs, des réseaux périnatalité se mettent en place. Au départ, cela s'est fait de manière spontanée, mais une officialisation est en cours. Les gynécologues mettent en réseau leurs informations pour comparer leurs pratiques. C'est un moyen pour nous et pour l'ANAES d'avoir une vision globale des pratiques en matière non seulement de suivi des grossesses, mais aussi d'interruptions de grossesse : ces réseaux suivent en effet tout ce qui se passe entre la déclaration de grossesse et l'accouchement, savent s'il a lieu ou pas, et pourquoi.

Ce réseau autonome, France-Perinat, découle d'une initiative des gynécologues. Il s'officialise et est soutenu par le ministère de la Santé. Les praticiens y adhèrent spontanément du fait qu'il n'y a pas de contraintes et qu'ils y trouvent un bénéfice en matière de connaissance et d'amélioration de leur propre pratique.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Toujours dans le domaine de l'IVG, une grande partie des propositions du "rapport Nisand" portait sur l'amélioration de la prise en charge par le secteur public hospitalier. Vous avez décliné un certain nombre d'éléments : la circulaire de la ministre dont l'application doit être contrôlée en juillet 2000, la mise en place des commissions régionales de la naissance placées auprès des DRASS qui ont la charge de vérifier la qualité du service dans les hôpitaux et dans chaque région, et les réseaux périnatalité montés par les praticiens eux-mêmes.

Le "rapport Nisand" contient plusieurs autres préconisations qui sont plus de nature législative. La première est symbolique, à savoir sortir l'IVG du code pénal pour l'introduire dans le code de la santé publique. La deuxième renvoie à des éléments très forts quant à la place de l'adolescent, à ses droits et à ses devoirs, c'est l'IVG des mineures. La troisième concerne l'allongement du délai fixé aujourd'hui à dix semaines, même si le "rapport Nisand" ne préconise pas un allongement des délais à douze semaines, mais plutôt la mise en place, au niveau régional, d'un centre qui pourrait accueillir des femmes à la limite du délai fixé. La quatrième mesure concerne les femmes étrangères, en résidence en France depuis moins de trois mois. Nous avons connu quelques cas douloureux, le printemps dernier, notamment avec des femmes kosovares, pas toujours enceintes de par leur volonté et en France depuis moins de trois mois.

Sur ces quatre points, le ministère a-t-il commencé à étudier comment pourrait s'effectuer la transposition législative de ces recommandations ?

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'État à la santé et à l'action sociale : Ces questions sont à l'étude et actuellement en débat. Chaque fois que nous sommes interrogés, nous donnons les mêmes réponses. Il y a un vrai travail de conviction à mener avant que ne puisse intervenir une procédure législative.

Sur l'allongement du délai notamment, il nous faut vérifier, avant d'envisager une éventuelle décision, qu'il n'y a pas de problème de sécurité supplémentaire, en passant de dix semaines de grossesse à douze semaines. L'ANAES peut nous répondre qu'un avortement sécurisé à huit semaines ou à onze semaines relève de la même nature. Il met en _uvre les mêmes moyens nécessaires à la sécurité sanitaire.

Pour ma part, je ne suis pas favorable à des centres identifiés pour les IVG tardives. On risque d'avoir une concentration de problèmes, avec la multiplication d'interventions difficiles sur des grossesses très avancées et la spécialisation de gynécologues ou de praticiens dans ce type d'intervention. Je ne suis pas certaine que l'on y gagnerait beaucoup.

En revanche, il me paraît être de bonne pratique que l'ensemble des équipes soient mobilisées pour être en capacité, avec les obligations de moyens préconisées, d'intervenir avec la palette de moyens qui existe aujourd'hui, c'est-à-dire l'interruption médicamenteuse, les interruptions standards jusqu'à six ou sept semaines et les interventions sécurisées entre huit et douze semaines. Cela semble être tout à fait acceptable par le corps médical aujourd'hui.

J'ai bien entendu les propos de Mme Danielle Bousquet quant à l'adhésion du corps médical à la pratique de l'IVG. Même si ce thème revient très régulièrement, cela ne se vérifie pas dans les enquêtes récentes menées par les équipes chargées de vérifier les pratiques et l'adhésion du corps médical à la pratique de l'IVG. Les jeunes praticiens ne manifestent aucune réticence, aujourd'hui, à pratiquer les interruptions volontaires de grossesse, dans un service d'obstétrique équilibré. En revanche, il n'y a plus cette adhésion à une pratique militante, dans des centres d'interruption volontaire de grossesse. Mais pratiquer une IVG dans un service d'obstétrique qui, par ailleurs, pratique la procréation médicalement assistée, le suivi de grossesse et les accouchements ne pose aucune difficulté.

Lors de mes nombreuses visites de services d'obstétrique, la plupart des praticiens affirment que pratiquer des IVG ne les dérange pas, qu'ils sont gynécologues pour servir la santé des femmes. Ils veulent rendre service aux femmes, quelle que soit leur demande de soins et d'actes médicaux.

C'est le but vers lequel nous devons tendre. Toutefois, des éléments nouveaux, apportés au débat par le professeur Nisand, interviennent dans la réflexion. En raison de l'évolution de la science et des technologies, certains praticiens disposent aujourd'hui d'échographes leur permettant d'avoir une image en trois dimensions du f_tus à dix semaines. Selon le professeur Nisand, quand l'ensemble des gynécologues posséderont des échographes de cette nature, il pourra y avoir des demandes d'IVG à onze ou douze semaines de la part de parents qui auront constaté qu'ils n'ont pas le f_tus de leurs rêves, qu'il y a une fente labiale, un pied-bot, un doigt en moins, une malformation congénitale... C'est un élément à prendre en considération. Nous sommes ainsi confrontés régulièrement à l'avancée de la science et des technologies.

Mme Yvette Roudy : On connaît les propositions du "rapport Nisand", car il a remis son rapport il y a déjà un an. On n'est pas obligé de les prendre toutes, de réfléchir sur toutes, d'aller à une réflexion globale sur le texte de la bioéthique.

Il me semble que l'on pourrait répondre à trois questions assez simples, concernant la contraception et l'IVG, mais c'est là une question de volonté politique. Si on mène, en permanence, une bonne information sur la contraception, nous savons que cela amènera une réduction des demandes d'IVG. Il faudrait mettre place les moyens permettant de faire une information permanente, ce qui n'est pas le cas. Bien que nous ayons été très heureuses de voir enfin lancée cette campagne sur la contraception, qui a mis très longtemps à émerger, elle reste tout à fait insuffisante. Cela ne répond pas aux exigences des femmes. Il est clair qu'il y a une majorité, voire un consensus dans ce pays et à l'Assemblée nationale, pour une information permanente sur la contraception. Ceci est facile à réaliser, il suffit de le vouloir.

Par ailleurs, en ce qui concerne l'IVG, l'allongement du délai de dix à douze semaines et l'autorisation parentale posaient problème. On y a réfléchi et on en a discuté dans les associations. Il me semble qu'il y a une majorité, à l'Assemblée nationale, sur ces deux points. Nous répéter que l'on va encore réfléchir n'est pas acceptable, il faut agir. La majorité actuelle ne sera peut-être pas toujours là. Si on attend d'avoir le consensus sur ce point, on ne l'aura jamais. Y a-t-il une volonté d'allonger le délai de dix à douze semaines et de pratiquer l'IVG sur une mineure sans l'autorisation parentale, sujet sur lequel on peut développer longuement et philosophiquement...

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : ... Ainsi que sur la dépéna-lisation. Symboliquement, c'est un point très important.

Mme Yvette Roudy : Tout à fait, car il s'agit de faire changer l'IVG de chapitre. Avec ces trois points, la dépénalisation, l'autorisation parentale et l'allongement du délai, je suis convaincue que, si on le veut, on a une majorité à l'Assemblée. Plus on attend, plus les adversaires se préparent. Ce sont les questions sur lesquelles beaucoup de femmes et d'associations commencent à s'interroger.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : La levée de boucliers ne sera certainement pas celle que l'on a connue il y a 25 ans. La manifestation, prévue courant janvier, pour protester contre les 25 ans de la loi Veil, n'a jamais eu lieu, faute de participants.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'État à la santé et à l'action sociale : Je partage l'avis d'Yvette Roudy. L'information sur la contraception et l'éducation à la contraception doivent être un élément intangible de l'éducation. Ce n'est pas une campagne tous les dix ans qui peut nous rendre ce service. L'éducation à la contraception, la responsabilité sexuelle et la maîtrise de la fécondité doivent être des éléments essentiels de l'éducation des jeunes filles et des jeunes gens, dès le plus jeune âge. Comme nous avons pu l'entendre à la tribune il y a quelques jours, ce n'est pas lorsque la jeune fille a 14 ans et qu'elle commence à se promener, la main dans la main, avec un petit copain qu'il faut envisager son éducation.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Le gouvernement est-il décidé à cela ?

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'État à la santé et à l'action sociale : Pour ma part, oui ! Je suis en train de développer un programme de prévention et d'éducation pour la santé, en collaboration avec le ministère de l'Education nationale, pour que ces éléments soient véritablement pris en compte.

Il faut qu'il puisse y avoir dans les écoles des adultes motivés, formés et agréés qui viendraient faire de l'éducation à la responsabilité sexuelle, à la contraception et à la maîtrise de la fécondité. En effet, si on oblige les enseignants à le faire dans leur programme, certains le feront bien et d'autres moins bien parce qu'ils n'en auront ni les compétences, ni la conviction. Nous avons là du travail devant nous. Personnellement, j'y suis tout à fait prête, je suis convaincue de son utilité, et je m'y emploie.

Mme Marie-Françoise Clergeau : Ma question porte sur la stérilisation volontaire, point sur lequel je suis souvent interpellée. Actuellement, la stérilisation volontaire ne peut se faire légalement, sauf pour des raisons thérapeutiques. Dans le vote de la loi sur la CMU, le Sénat avait adopté un amendement transformant le terme "thérapeutique" en "médical".

Certains considèrent que ce serait suffisant, d'autres pas. Certains demandent des garde-fous. Quel est votre point de vue et comment régulariser ce problème ?

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Un certain nombre d'associations de femmes nous disent ne pas comprendre le mécanisme qui préside à la CMU et qui fait que l'accès aux soins, pour des femmes mariées ou des mineures, est lié à l'affiliation du mari ou du père. Il y a là une régression des droits qui pose problème.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'État à la santé et à l'action sociale : Cela renvoie à mes propos de tout à l'heure, c'est-à-dire les difficultés que rencontrent certaines femmes en situation marginale ou d'exclusion à faire valoir leurs droits propres. S'il est vrai que la CMU représente un progrès, elle ne confère pas des droits propres aux femmes liées à la carte de couverture maladie de leur époux. Pour avoir participé très largement au débat sur la CMU, je pense que ce problème n'a pas été perçu. Il faut évaluer les conséquences et les incidences que pourrait avoir une révision de ce type. Ce problème, qui surgit aujourd'hui, mérite une analyse, une expertise, et éventuellement des propositions d'amendement.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Dans le projet de loi sur le droit des malades, par exemple.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'État à la santé et à l'action sociale : Tout à fait, ou dans le projet de loi de modernisation sociale.

Concernant la stérilisation médicale ou thérapeutique, la difficulté qui se pose aujourd'hui est que l'on n'est pas certain qu'elle soit toujours délibérément choisie ou consentie. S'il s'agit d'un acte médical, requis par une femme qui a volontairement décidé qu'elle ne veut plus, pour des raisons personnelles ou médicales, risquer d'avoir une grossesse supplémentaire et qu'elle n'a pas, pour des raisons de santé, la possibilité d'accéder à une contraception qui lui convienne, la stérilisation volontaire médicale me parait tout à fait acceptable.

En revanche, ce qui est inquiétant et qui mérite d'être encadré, ce sont toutes les dérives que cela peut entraîner, notamment pour les femmes handicapées. C'est là le c_ur du problème.

Dans le cadre de la loi de modernisation du système de santé, dans le chapitre "droits des personnes", on peut soumettre cette question à un examen particulier et trouver une réponse qui corresponde aux souhaits. Ce n'est effectivement pas la première fois que cette question m'est posée.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente  :  Je vous remercie, Madame la Ministre, et vous donne rendez-vous dans un proche avenir car une série de textes législatifs nous amèneront à nous revoir bientôt.


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