S O M M A I R E

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II.  Des dérives préoccupantes : du laxisme à la fraude (SUITE)

B.– Le non-paiement des dettes : une pratique très répandue *

1.– Un enchaînement pervers *

2.– Les multiples dettes du monde agricole *

a) Des emprunts à répétition *

·  La concentration du problème *

·  Des agriculteurs très souvent victimes du système de " cavalerie " *

·  Le dernier plan de désendettement général *

b) Des montants colossaux d’impayés de cotisations sociales agricoles *

c) Certains gros débiteurs du Crédit agricole ont-ils également des dettes importantes à la MSA ? *

d) Des factures d’eau qui s’accumulent *

·  Un prix de vente de l’eau toujours à la baisse, des tarifs nettement insuffisants *

·  La sollicitude de l’Assemblée de Corse *

·  La créance générale *

·  Une politique de recouvrement plus stricte et plus volontaire *

3.– Les difficultés de recouvrement des cotisations Urssaf *

a) Le décalage par rapport aux moyennes nationales *

b) Une gestion compliquée par divers facteurs propres à l’île *

c) Un climat tendu et des groupements de professionnels pour le moins revendicatifs *

d) Vers la normalisation *

 

B.– Le non-paiement des dettes : une pratique très répandue

Evoquant devant la mission d’information sur la Corse le non-remboursement par les professionnels de l’hôtellerie de leurs emprunts, M. Gilbert Canosci, alors président de la Chambre régionale des comptes, s’exclamait : " aujourd’hui, c’est celui qui paie qui sort de l’ordinaire ! "

La commission d’enquête a pu vérifier la véracité de cette appréciation, et pas seulement dans le secteur hôtelier. Le non-paiement des dettes par de largeurs secteurs économiques est à l’origine d’un enchaînement pervers menaçant le redressement et la consolidation de l’économie insulaire.

Particulièrement présent dans le monde agricole, il y concerne aussi bien les emprunts souscrits auprès de la caisse régionale de Crédit agricole, que les cotisations à la Mutualité sociale agricole ou que les factures de l’eau fournie par l’office d’équipement hydraulique de la Corse.

Hors du domaine agricole, l’URSSAF fait aussi l’expérience du difficile recouvrement des cotisations sociales.

1.– Un enchaînement pervers

De nombreuses entreprises ne font guère d’efforts pour assurer le remboursement de leurs crédits, prenant prétexte de la conjoncture difficile. Les pressions sont fortes de la part des professionnels pour que des entreprises dont les difficultés sont avérées, ne fassent pas l’objet des procédures habituelles prévues par les règles commerciales.

" En Corse, on est parti de l’idée qu’une entreprise ne doit jamais cesser d’exister, et ce, quelle que soit sa viabilité. " a déclaré un haut fonctionnaire entendu par la commission. " Ainsi, on admet qu’elle ne rembourse pas ses emprunts, ce qui a aboutit à la disparition du crédit dans l’île au bénéfice des entreprises. (...) On ne paie pas ses dettes fiscales ou sociales, et cela sans grandes conséquences, car l’un des problèmes fondamentaux (...) est qu’il est très difficile d’aller au bout des actions qui sont prévues pour faire payer les débiteurs récalcitrants, c’est-à-dire la saisie et la vente des biens. La saisie nécessite de façon constante l’intervention de la force publique. On hésite à agir. Quant à la vente, elle ne donne jamais rien ; les pressions sont telles sur les acheteurs potentiels, pressions tout à fait physiques, qu’elle ne se passe pas. On a pris l’habitude de tolérer cela. "

De leur côté, on a vu que les collectivités locales, principaux acteurs de l’économie insulaire, se trouvent bien souvent dans l’incapacité d’acquitter leurs factures. L’existence de ces pratiques prend, en raison de la force du symbole auprès d’une population qui reste majoritairement légaliste, une part dans la dérive conduisant à ce qu’une fraction des acteurs économiques, à leur tour, ne paient pas leurs dettes.

Ainsi, les communes ne payent pas leurs fournisseurs qui n’osent pas réclamer car, bon an mal an, et du fait de leur petit nombre (conséquence de l’insuffisance démographique de l’île) les collectivités les font vivre, même si tout ou partie des produits est décalé dans le temps. Les collectivités ont, par ailleurs, des difficultés à recouvrer leurs créances fiscales ou domaniales comme les redevances des ports de plaisance.

Puis, certains fournisseurs ne règlent pas la TVA collectée ou leurs emprunts, les agriculteurs ne se libèrent pas de leurs dettes, que ce soit auprès de l’office hydraulique ou auprès du Crédit agricole, et certains hôteliers retiennent la taxe de séjour et ont parfois une attitude proche de celle des agriculteurs à l’encontre de leurs créanciers.

La liste de ces pratiques circularisées pourrait être complétée, mais il apparaît que, ce faisant, un certain " équilibre " est né, chacun compensant la non-perception de ses créances par le non-apurement de ses dettes.

2.– Les multiples dettes du monde agricole

L’accumulation de trois grandes masses de dettes : les dettes bancaires, les dettes sociales, et les impayés d’eau, rend particulièrement sensible la situation de l’agriculture corse. Les chiffres disponibles en la matière paraissent parfois incertains et les estimations varient encore selon les sources. Quoi qu’il en soit, le rapprochement entre le revenu brut d’exploitation de l’agriculture (445 millions de francs en 1997) et les estimations de l’endettement global (environ 1 milliard au Crédit agricole, 880 millions à la caisse de Mutualité sociale agricole et plus de 56 millions à l’office d’équipement hydraulique de la Corse) est saisissant. Il fait apparaître de façon évidente l’impossibilité d’une remise en ordre rapide et simultanée de tous les organismes cités. La régularisation d’un certain nombre de dossiers prendra nécessairement du temps…

 

a) Des emprunts à répétition

Concentré sur quelques exploitations, le problème du surendettement agricole, qui pourrait mettre à mal le maintien de l’équilibre social dans l’île, est devenu un enjeu important en matière d’ordre public. La plupart du temps victimes du mécanisme de "cavalerie budgétaire " facilité par la caisse régionale de Crédit agricole, les exploitants agricoles sont parfois confrontés à des situations inextricables, alors que le dernier plan de désendettement, la mesure Juppé, vient d’entrer dans sa phase d’application.

·  La concentration du problème

Des renseignements recueillis par la commission d’enquête auprès de la caisse centrale de Crédit agricole, il ressort que moins de 10 % des exploitations corses portent 40 % de l’endettement. 150 à 160 exploitations agricoles auraient un encours moyen de 2 millions de francs. Les difficultés se concentrent sur l’agrumiculture et l’arboriculture, productions qui connaissent – surtout en ce qui concerne l’arboriculture – une crise au niveau national également.

Les problèmes d’endettement les plus importants sont localisés dans la plaine orientale, et en particulier dans les caisses locales de Ghisonaccia et d’Aléria. Une émission de télévision a récemment retransmis l’assemblée générale de la caisse locale de Ghisonaccia au cours de laquelle plusieurs dirigeants allaient jusqu’à inciter l’ensemble des agriculteurs locaux à ne pas s’acquitter de leurs dettes, même s’ils le pouvaient financièrement, par " solidarité " avec l’ensemble de la profession !

·  Des agriculteurs très souvent victimes du système de " cavalerie "

Certains media présentent parfois le monde agricole corse sous un jour peu flatteur, laissant entendre que tous les agriculteurs ont profité d’un système d’argent facile sans avoir à rendre de compte à quiconque, ni aux pouvoirs publics ni à leur établissement bancaire. La réalité est tout autre : de nombreux agriculteurs aujourd’hui au bord de la faillite ont subi un système, et ne l’ont pas choisi. La responsabilité du Crédit agricole qui a développé une politique de prêts tous azimuts est patente. Le banquier des agriculteurs ne s’est guère comporté vis-à-vis de ses clients en conseiller raisonnable. Sans se préoccuper du poids de la dette qu’elle faisait ainsi supporter à ses clients, la caisse régionale de Crédit agricole a encouragé une fuite en avant dont les premières victimes sont évidemment les agriculteurs eux-mêmes.

·  Le dernier plan de désendettement général

En 1996, à la suite de la visite en Corse de M. Alain Juppé, alors Premier ministre, le gouvernement décidait d’une mesure d’allégement des charges financières après étude au cas par cas, et dans l’attente du traitement des dossiers, d’un report des diverses échéances. Le principe de cette mesure consistait à tenter de ramener le montant des trois ou sept dernières échéances suivant le cas, à un niveau compatible avec la capacité de remboursement de l’exploitation, sous réserve que l’exploitant paie effectivement la part restant à sa charge.

Ce dispositif d’origine publique a été mis en oeuvre sur la base d’une convention entre l’État et le Crédit agricole conduisant ce dernier à prendre en charge le coût à hauteur de 50 % directement et 50 % par le biais du Fonds d’allégement des charges financières. Le coût estimé s’élevait initialement à 150 millions de francs. Les agriculteurs avaient le choix entre un allégement dégressif des charges financières sur trois ans sans étude approfondie ou une étude approfondie de leur situation individuelle à partir de normes préfixées pouvant déboucher sur une réduction plus importante du taux d’intérêt (jusqu’à 0%) et un allongement éventuel de la durée restant à couvrir des prêts concernés (en " comité 2 ").

La caisse régionale de Crédit agricole a estimé avoir 2.500 clients agriculteurs, dont 1.827 détenaient des prêts professionnels agricoles au 1 er janvier 1996, et étaient à ce titre potentiellement éligibles à la mesure JUPPE.

1827 lettres ont ainsi été adressées aux exploitants agricoles ayant un encours au Crédit agricole. 560 d’entre eux demandèrent à bénéficier directement de la mesure générale (prise en charge partielle et dégressive sur 1 à 3 ans). 840 souhaitèrent bénéficier d’un aménagement après examen par le comité 2. Sur les 1827 lettres, 427 restèrent sans réponse.

(en francs)

 

Dettes concernées

Total

Moyenne

Dette globale des exploitations ayant reçu les 1827 lettres

910.000.000

481.100

Dettes des 560 exploitants ayant demandé à bénéficier directement de la mesure générale

100.000.000

178.600

Dettes des 840 exploitants ayant demandé un aménagement en " comité 2 "

660.000.000

785.700

Dettes des 427 exploitants n’ayant pas répondu aux lettres de la caisse régionale

150.000.000

351.300

 

Le " comité 2 ", qui examina au total 840 dossiers, proposa une solution pour 700 d’entre eux. 25 dossiers furent considérés comme non éligibles et refusés. 115 ne pouvant entrer dans les normes de traitement furent ajournés.

Le ministère de l’Agriculture et de la pêche a signifié à la caisse nationale de Crédit agricole, le 6 avril 1998, le calendrier de clôture de la mesure Juppé à l’issue duquel les mauvais payeurs doivent être définitivement exclus du bénéfice de la mesure, à savoir, le 20 mai pour les annuités 1996 et 1997, et le 30 juin pour les échéances appelées du premier semestre 1998.

Selon les chiffres communiqués à la commission d’enquête, le 15 août 1998, sur le total des demandes individuelles, 296 titulaires de comptes au Crédit agricole (280 exploitations) auraient déjà accepté la proposition d’aménagement de leur dette et acquitté les échéances dues. Ces aménagements représenteraient un coût de 41 millions de francs.

Quel bilan peut-on d’ores et déjà tirer de cette mesure ? Il semble qu’elle est efficace pour les agriculteurs n’ayant pas trop accumulé d’arriérés ou ayant un encours inférieur à la moyenne. En revanche, il est clair que cette mesure ne permettra pas à de nombreux agriculteurs de retrouver une situation financière assainie.

En plus des dettes bancaires, les arriérés de cotisations sociales se sont accumulées au fil du temps pour atteindre des niveaux impressionnants comme les développements qui suivent le montrent.

 

b) Des montants colossaux d’impayés de cotisations sociales agricoles

La situation de la caisse de Mutualité sociale agricole a déjà été abordée dans le présent rapport pour mettre en évidence les désordres dans les règles d’affiliation appliquées par cette caisse depuis de nombreuses années. Seul le problème du recouvrement des cotisations sociales agricoles est ici évoqué. Un haut responsable politique national a considéré devant la commission d’enquête : " Dans un univers où le non-paiement était la règle et où l’argent se distribuait avec une facilité apparente, les cotisations sociales ont été la dernière obligation à laquelle les plus gros débiteurs de la caisse régionale de Crédit agricole se seraient conformés. "

La caisse de Mutualité sociale agricole de Corse peut être considérée comme une caisse atypique en France du fait de taux de recouvrement particulièrement bas par rapport aux autres caisses de mutualité sociale agricole. L’accumulation de la dette sociale agricole atteint aujourd’hui des sommets difficilement gérables. D’après le ministère de l’agriculture, en juin 1998, 880 millions de francs de cotisations et de pénalités (celles des exploitants et dans une moindre mesure celles dues au titre des salariés agricoles) resteraient à récupérer par la caisse si l’on prend en considération les cotisations perçues par elle pour compte de tiers. Selon la récente mission de plusieurs inspections générales, diligentée en juillet 1998, en ne prenant en compte que les cotisations propres à la MSA, les créances à recouvrer s’élèvent à 675 millions (environ 440 millions en créances principales et le reste en majorations de retard).

Si les chiffres globaux sont connus, un grand flou subsiste concernant l’état réel des impayés au cas par cas ; certaines majorations de retard auraient été maintenues dans les comptes, alors qu’elles seraient prescrites et ne devraient donc plus y figurer. Selon l’un des inspecteurs généraux entendu par le rapporteur de la commission, l’ensemble des créances irrécouvrables et prescrites (en capital et en majorations de retard) atteindrait 150 millions de francs au total.

Pour donner un ordre de grandeur, on peut noter que la caisse émet annuellement environ 200 millions de cotisations et qu’elle n’en recouvre que 150 approximativement. Cet effet de spirale explique le creusement inexorable des comptes de la caisse, qui se trouve aujourd’hui en situation de faillite virtuelle.

L’ensemble des cotisations appelées fait apparaître un taux de recouvrement inférieur à 30 %.

D’après les informations fournies à la commission en juin 1998, les dettes les plus importantes étaient concentrées sur un nombre relativement faible d’immatriculés.

·  Ainsi, les 100 plus gros comptes débiteurs totaliseraient 312 des 880 millions de francs de dette sociale, soit 35 %.

·  Les comptes débiteurs dépassant les 200.000 francs d’impayés seraient au nombre de 515.

·  8 % du total des comptes totaliseraient 72 % de la dette sur les cotisations MSA.

· .500 créances constitueraient 75 % de la dette sociale agricole en Corse.

La caisse, qui se trouve dans l’incapacité de fournir des données par génération d’émissions, a fourni à la commission d’enquête les chiffres globaux des impayés par exercice et tous exercices historiques confondus :

 

TAUX D’IMPAYÉS SUR L’ENSEMBLE DES COTISATIONS MSA

(exploitants et salariés)

 


ANNÉES

Taux d’impayés
sur les créances de l’exercice en cours

Taux d’impayés
sur les créances totales

1990

37,01 %

57,45 %

1991

50,55 %

63,03 %

1992

49,30 %

63,68 %

1993

59,32 %

68,42 %

1994

60,76 %

70,15 %

1995

70,61 %

71,23 %

1996

56,27 %

70,64 %

1997

61,63 %

73,11 %

Source : Caisse MSA de Corse.  

 

 

Les chiffres témoignent de la dégradation constante des taux de recouvrement de 1990 à 1997, même si ce phénomène se manifeste de façon inégale selon les risques. Ainsi, pour le seul exercice 1997, 65 % des cotisations sur salaires maladie et vieillesse ont été recouvrés ; on peut supposer que ce taux augmentera durant les exercices ultérieurs. In fine, cette génération d’émission devrait être recouvrée à hauteur de 70 à 80 %. Le recouvrement des cotisations personnelles des exploitants paraît pour le moins aléatoire. Ce taux est chaque année inférieur à 40 %, et le taux de recouvrement final (c’est-à-dire en prenant en compte les recouvrements des cotisations de l’année n et ceux réalisés en n+1) n’atteint pas 50 %.

On ne peut que déplorer l’efficacité très faible des procédures de recouvrement forcé. Les liquidations judiciaires se caractérisent pas leur rareté. Du 1er avril 1993 au 12 juin 1998, 3.527 dossiers ont été transmis aux huissiers. Deux ont donné lieu à des liquidations judiciaires, neuf à des redressements judiciaires, quatre à des hypothèques judiciaires et huit à des saisies-arrêts sur salaires.

Selon l’inspecteur général entendu par le rapporteur de la commission d’enquête, les majorations de retard n’étaient jusqu’à présent jamais réclamées par voie de recouvrement contentieux. Ainsi les agriculteurs à qui la caisse pourraient aujourd’hui demander de rembourser d’importantes sommes comprenant des majorations prescrites pourraient le contester avec succès devant le tribunal des affaires sociales. D’une manière générale, la caisse n’est pas capable d’indiquer avec précision et certitude ni si un affilié est inscrit légalement (voir développements plus haut sur les règles d’affiliation à la MSA), ni quelles sommes celui-ci doit exactement. Selon cet inspecteur ayant participé à la mission sur place en juillet 1998, "lorsque nous recherchions une liste fiable des sommes dues par tel ou tel affilié, nous nous trouvions fréquemment face à plusieurs chiffres non concordants, selon les services et les personnes de la caisse auxquels nous nous adressions. "

c) Certains gros débiteurs du Crédit agricole ont-ils également des dettes importantes à la MSA ?

Il est intéressant de constater que les agriculteurs accusant des retards de paiement de leurs prêts bancaires à la caisse régionale de Crédit agricole ont, pour la plupart d’entre eux, des arriérés – parfois très importants – dans le paiement de leurs cotisations à la Mutualité sociale agricole. Tel est le résultat d’une étude réalisée par la commission d’enquête.

L’idée du contrôle effectué sur place à la caisse de Mutualité sociale agricole en juin 1998 était en effet d’établir si certains agriculteurs
– ou ceux qui se prétendent tels – ayant bénéficié dans des conditions contestables des prêts au Crédit agricole (si l’on en croit le récent rapport de l’Inspection générale des finances) faisaient également partie de ceux des affiliés MSA qui négligent de s’acquitter de leurs cotisations sociales (salariées et employeurs). Grâce à la consultation de leurs dossiers particuliers à la caisse de MSA, il a été possible de reconstituer les totaux des impayés de cotisations qui correspondent à chacun d’eux.

En additionnant les impayés de l’ensemble des personnes citées dans le rapport de l’Inspection générale des finances, on aboutissait, en juin 1998, à un total de près de 25,8 millions de francs.

 

Les cinq plus gros débiteurs dans le cadre de ce contrôle :

1°– M. Bacchini-Antonini

Près de 6,5 millions

2°– M. Guidicelli

(Société agricole de la plaine orientale)

Plus de 4,3 millions

3°– La Coopérative agricole du Nord de la Corse

Plus de 1,4 million

4°– M. Bagnola (SCEA)

Plus de 1,2 million

5°– M. Christian ROSSI

Plus de 900.000 francs

   

TOTAL

25.791.586 francs d’impayés de cotisations MSA

 

Notons que 14 personnes et sociétés parmi celles citées dans le rapport de l’IGF à propos des prêts de la caisse régionale du Crédit agricole ont une dette supérieure à 500.000 francs à la caisse de MSA d’Ajaccio. La commission d’enquête ne peut que déplorer le fait que certaines d’entre elles sont des personnalités exerçant ou ayant exercé des responsabilités dans le monde agricole. Leur comportement n’en est que plus regrettable.

Les plus gros débiteurs à la fois au Crédit agricole et à la MSA

Certaines personnes ou structures cumulent de fortes dettes au titre des cotisations MSA et enregistrent par ailleurs des montants importants d’impayés de leurs prêts au Crédit agricole, tout en ayant d’ailleurs souvent bénéficié largement des " mesures Nallet ", Balladur et / ou Juppé.

 

 

 

 

 

Personnes ou groupements affiliés à la MSA et clients du Crédit agricole

(situation en mars 1998)

Sommes dues à la caisse MSA de Corse
au 17 juin 1998

 

État de l’endettement

auprès du

Crédit agricole

au 19 mars 1998

ANTONINI François

Président de la caisse locale du Crédit agricole à Corte et administrateur de la caisse régionale

941.193 F

Début des non paiements à la MSA : 1980

ANTONINI François et Lila

NB : M. Antonini a bénéficié depuis 1995 d’au moins 19 prêts " agricoles "

Capital restant dû en mars 1998 :

1.439.261 F

Impayés comptabilisés en mars 1998 :

413.108 F

  • Aide publique accordée au titre des " mesures Nallet " : 943.323 F
  • Montant des prêts consolidés mis en place au titre de la " mesure Balladur " : 717.157 F
  • Aide " Juppé " : 121.686 F
BACCHINI-ANTONINI Pascal

Exploitant, administrateur de la caisse locale du Crédit agricole de Bastia et ancien président – ancien administrateur de la SICA Plein Champs

6.471.732 F

Début des non paiements à la MSA : 1985

Capital restant dû en mars 1998 :

9.787.000 F

Impayés comptabilisés en mars 1998 :

2.514.000 F

  • Aide publique accordée au titre des " mesures Nallet " : 1.454.000 F
  • Montant des prêts de consolidation au titre des " mesures Balladur " : 8.798.000 F
  • Aide " Juppé " : 1.269.000 F
BAGNOLA (SCEA)

Société civile dont le siège social est à Lucciana – immatriculée le 6 février 1996 au registre du commerce et des sociétés

1.241.689 F

Début des non paiements à la MSA : 1987

Capital restant dû en mars 1998 :

236.000 F

Pas d’impayés comptabilisés en mars 1998

  • Aide publique accordée au titre des " mesures Nallet " : 249.790 F
  • Aide " Juppé " : 180.616 F

 

 

BARRATIER Joseph (père) ()

Exploitant, administrateur de la caisse locale du Crédit agricole de Bastia

BARRATIER Germain (fils)

Agriculteur depuis 1991

701.447 F

Début des non paiements à la MSA : 1981

 

101.323 F

Début des non paiements à la MSA : 1994

BARRATIER Joseph et Germain

Capital restant dû en mars 1998 :

6.423.000 F

Impayés comptabilisés en mars 1998 :

2.173.000 F

  • Aide publique accordée au titre des " mesures Nallet " : 500.000 F
  • Montant des prêts de consolidation au titre des " mesures Balladur ": 4.610.000F
  • Aide " Juppé " : 1.083.000 F
BIANCARDINI Jean-Marie

Exploitant

203.289 F

Début des non paiements à la MSA : 1982

Capital restant dû en mars 1998 :

2.823.000 F

Impayés comptabilisés en mars 1998 :

647.000 F

  • Aide publique accordée au titre des " mesures Nallet " : 126.000 F
  • Montant des prêts de consolidation au titre des " mesures Balladur " : 2.501.000 F
  • Aide " Juppé " : dossier qui n’a pas trouvé de solution dans ce cadre
CANC

(Coopérative agricole du Nord de la Corse)

Elle est Présidée par M. Joseph Galetti, maire de Lucciana, président de l’ODARC depuis 1998. Le siège social de la CANC est à Casamozza.

1.460.893 F

Début des non paiements à la MSA : 1979

Capital restant dû en mars 1998 :

12.055.028 F

Impayés comptabilisés en mars 1998 :

8.517.063 F

  • Aide publique accordée au titre des " mesures Nallet " : 2.500.000 F
  • " Mesure Balladur " : non éligible
  • Aide " Juppé " : non éligible
DOLESI François

(GAEC de Bevinco)

M. François Dolesi et Joseph Dolesi sont associés dans le GAEC de Bevinco.

229.639 F

Début des non paiements à la MSA : 1978

Capital restant dû en mars 1998 :

1.475.000 F

Impayés comptabilisés en mars 1998 :

778.000 F

  • Aide publique accordée au titre des " mesures Nallet " : 500.000 F (avec M. Barratier)
  • Montant des prêts de consolidation au titre des " mesures Balladur " : 988.000 F
  • Aide " Juppé " : 133.000 F

 

FILIPPI Ange-Marie

Exploitant dans la commune de Linguizetta (amandiers et pruniers)

248.936 F

Début des non paiements à la MSA : 1981

Capital restant dû en mars 1998 :

1.085.000 F

Impayés comptabilisés en mars 1998 :

337.000 F

  • Aide publique accordée au titre des " mesures Nallet " : 1.850.000 F
  • " Mesure Balladur " (montant consolidé) : 1.028.000 F
  • Aide " Juppé " (prise en charge des intérês : 99.000 F
FILIPPI Paul

Administrateur de la caisse régionale de Crédit agricole et président de la caisse locale d’Aléria

537.674 F

Début des non paiements à la MSA : 1986

Capital restant dû en mars 1998 :

3.247.000 F

Impayés comptabilisés en mars 1998 :

1.172.000 F

  • Aide publique accordée au titre des " mesures Nallet " : 1.419.000 F
  • " Mesure Balladur " : 2.015.000 F
  • Aide " Juppé " : 603.000 F
GALETTI Joseph

Président de l’ODARC, président de la CANC, de la SCA Bagnola et de la SICA du Golo, et associé à Guy Monteil au sein de la SCEA Micoria, créée en 1990.

Maire de Lucciana et président de l’Odarc

726.756 F

Début des non paiements à la MSA : 1986

Capital restant dû en mars 1998 :

254.458 F

Pas d’impayés comptabilisés en mars 1998

  • Aide publique accordée au titre des " mesures Nallet " : 834.978 F
  • Montant des prêts consolidés mis en place au titre de la " mesure Balladur " : 70.721 F
  • Aide " Juppé " (y compris prolongation de prêts) : 169.428 F
GUIDICELLI (SCEA) Jacques François

Société civile agricole de la plaine orientale

La SCEA Jacques François Guidicelli est composée de quatre associés non agriculteurs et dirigée de fait par François Prelle, administrateur de la caisse régionale de Crédit agricole et président de la caisse locale du Golo

4.303.719 F

Début des non paiements à la MSA : 1991

Capital restant dû en mars 1998 :

15.149.000 F

Impayés comptabilisés en mars 1998 :

4.469.000 F

  • Aide publique accordée au titre des " mesures Nallet " : 1.688.000 F
  • " Mesure Balladur " (montant consolidé) : 13.856.000 F
  • Aide " Juppé " : 2.657.000 F

 

 

 

LUCIANI Jean-Marie

Les époux Luciani sont associés à titre personnel dans le GAEC " A Costa " , à Calacuccia

302.148 F

Début des non paiements à la MSA : 1985

Capital restant dû en mars 1998 :

939.575 F

Impayés comptabilisés en mars 1998 :

368.628 F

  • Aide publique accordée au titre des " mesures Nallet " : 612.250 F
  • Montant des prêts consolidés mis en place au titre de la " mesure Balladur " : 498.434 F
  • Aide " Juppé " : 135.637 F
MAGNI Pierre

Viticulteur et éleveur de Petreto Bicchisano

83.634 F

Début des non paiements à la MSA : 1989

Capital restant dû en mars 1998 :

577.523 F

Impayés comptabilisés en mars 1998 :

242.001 F

  • Aide publique accordée au titre des " mesures Nallet " : 391.339 F
  • Montant des prêts consolidés mis en place au titre de la " mesure Balladur " : 547.702 F
  • Aide " Juppé " : 56.353 F
MONTEIL Guy

Associé avec M. Joseph Galetti au sein du SCEA Micoria. Demeure à Casamozza, Lucciana. Son fils M. Pierre Paul Monteil, est le président du centre départemental des jeunes agriculteurs de Haute-Corse (CDJA)

670.589 F

Début des non paiements à la MSA : 1987

Capital restant dû en mars 1998 :

3.674.430 F

Impayés comptabilisés en mars 1998 :

1.337.204 F

  • Aide publique accordée au titre des " mesures Nallet " : 442.380 F
  • Montant des prêts consolidés mis en place au titre de la mesure " Balladur " : 3.490.270 F
  • Aide " Juppé " : En attente
MOZZICONACCI Jean-Luc

Exploitant

 

 

et Jean-Paul

oncle du premier

328.659 F

Début des non paiements à la MSA : 1990

624.839 F

Début des non paiements à la MSA : 1988

Capital restant dû en mars 1998 :

1.984.000 F

Impayés comptabilisés en mars 1998 :

394.000 F

  • Aide publique accordée au titre des " mesures Nallet " : 940.000 F
  • Montant des prêts de consolidation au titre des " mesures Balladur " : 1.312.000 F
  • Aide " Juppé " : 105.000 F

 

MUSSO Jean-Dominique

Fils de François Musso, ancien président de la caisse régionale de Crédit agricole

197.167 F

Début des non paiements à la MSA : 1984

Capital restant dû en mars 1998 :

685.197 F

Impayés comptabilisés en mars 1998 :

242.614 F

  • Aide publique accordée au titre des " mesures Nallet " : 935.984 F
  • Montant des prêts consolidés mis en place au titre de la " mesure Balladur " : 546.410 F
  • Aide " Juppé " (prise en charge des intérêts) : 18.422 F
MUSSO Louis

Autre fils de François Musso

315.796 F

Début des non paiements à la MSA : 1984

Capital restant dû en mars 1998 :

1.987.343 F

Impayés comptabilisés en mars 1998 :

741.136 F

  • Aide publique accordée au titre des " mesures Nallet " : 474.454 F
  • Montant des prêts consolidés mis en place au titre de la " mesure Balladur " : 1.064.209 F
  • Aide " Juppé " (prise en charge des intérêts) : 45.211 F
PAOLI Jacques

Depuis 1991, M. Paoli et Mme Fratacci se sont regroupés pour exploiter en commun leurs élevages et ont donc constitué une co-exploitation de fait.

149.842 F

Début des non paiements à la MSA : 1989

PAOLI Jacques et Liliane FRATACCI

Capital restant dû en mars 1998 :

4.933.000 F

Impayés comptabilisés en mars 1998 :

1.387.000 F

  • Aide publique accordée au titre des " mesures Nallet " : 1.460.000 F
  • Montant des prêts de consolidation au titre des " mesures Balladur " : 4.116.000 F
  • Aide " Juppé " : dossier qui n’a pas trouvé de solution dans ce cadre
PIERI Michel-Jean

Vit à Ghisanaccia

706.901 F

Début des non paiements à la MSA : 1984

Capital restant dû en mars 1998 :

503.903 F

Impayés comptabilisés en mars 1998 :

372.147 F

  • Aide publique accordée au titre des " mesures Nallet " : 589.588 F
  • Montant des prêts consolidés mis en place au titre de la " mesure Balladur " : 352.917 F
  • Aide " Juppé " : 40.385 F
PIEVE DI CASTELLU (SCEA)

Fondée en 1985 par des agriculteurs proches de la mouvance nationaliste.

Son gérant est Mathieu FILIDORI, président du SCA (syndicat agricole) et domicilié à Lugo di Nazza (commune de Ghisonaccia). Les autres principaux associés sont MM. Baldovini, Serpentini et Sisti. Notons que MM. Filidori et Serpentini sont associés des différentes sociétés " satellites " de la SCA : la SCI PALU MAGNU, la SARL SAMBUCCIU et la SICA CISMONTE.

182.046 F

Début des non paiements à la MSA : 1996

 

500.531 F

Début des non paiements à la MSA : 1990

Capital restant dû en mars 1998 :

8.057.000 F

Impayés comptabilisés en mars 1998 :

2.731.000 F

  • Aide publique accordée au titre des " mesures Nallet " : 6.788.000 F
  • " Mesure Balladur " (montant consolidé) : 7.167.000 F
  • Aide " Juppé " (prise en charge des intérêts) : 1.583.000 F
POLI Ange

Administrateur de la caisse locale d’Aléria

757.812 F

Début des non paiements à la MSA : 1977

Capital restant dû en mars 1998 :

1.059.000 F

Impayés comptabilisés en mars 1998 :

172.700 F

  • Effacement de la dette (1988) : 758.000 F
  • Aide à l’arboriculture : 1.715.000 F
  • Aide publique accordée au titre des " mesures Nallet " : 1.693.000 F
  • " Mesure Balladur " (montant consolidé) : 337.000 F
  • Aide " Juppé " (prise en charge d’intérêts) : 50.500 F
RIBEREAU Lucien

Réside à Porto-Vecchio

489.250 F

Début des non paiements à la MSA : 1985

Capital restant dû en mars 1998 :

4.426.596 F

Impayés comptabilisés en mars 1998 :

1.312.844 F

  • Aide publique accordée au titre des " mesures Nallet " : 463.000 F
  • Montant des prêts consolidés mis en place au titre de la " mesure Balladur " : 3.954.509 F
  • Aide " Juppé " : néant

 

 

ROSSI Christian

Vit à Prunelli di Fiumorbo

904.224 F

Début des non paiements à la MSA : 1979

Capital restant dû en mars 1998 :

3.968.000 F

Impayés comptabilisés en mars 1998 :

1.333.000 F

  • Aide publique accordée au titre des " mesures Nallet " : 1.850.000 F
  • Montant des prêts de consolidation au titre des " mesures Balladur " : 3.231.000 F
  • Aide " Juppé " : dossier qui n’a pas trouvé de solution dans ce cadre.
SICA PLEINS CHAMPS

Société créée en avril 1990 par six agriculteurs de Haute-Corse dont trois administrateurs de la caisse locale du Crédit agricole de Bastia (MM. Joseph Barratier, Pascal Bacchini-Antonini, Dolesi).

445.476 F

Début des non paiements à la MSA : 1991

Capital restant dû en mars 1998 :

3.563.000 F

Impayés comptabilisés en mars 1998 :

Abandon de créances

  • Aide publique accordée au titre des " mesures Nallet " : 4.614.000 F
  • Subvention d’investissement (1992) : 2.835.000 F
  • " Mesure Balladur " : néant
  • Aide " Juppé " : néant
SIMONI Roger-Roch

Vit à Ghisonaccia

134.000 F

Début des non paiements à la MSA : 1987

SIMONI Marie-Dominique et Roger-Roch

Capital restant dû en mars 1998 :

2.313.000 F

Impayés comptabilisés en mars 1998 :

769.000 F

  • Aide publique accordée au titre des " mesures Nallet " : néant
  • " Mesure Balladur " (montant consolidé) : 2.313.000 F
  • Aide " Juppé " : néant

 

 

 

TOZZA (GAEC de)

Il a été constitué en 1984 et comprend les quatre associés suivants :

Higoa Martin

Valentini Gabriel

Valentini Jean-François

Bartoli Antoine François

 

Total : 766.040 F

* HIGOA Martin

189.645 F

Début des non paiements à la MSA : 1984

* Valentini Gabriel

184.267 F

Début des non paiements à la MSA : 1982

* Valentini Jean-Françaois

186.407 F

Début des non paiements à la MSA : 1981

* Bartoli Antoine-François

205.721F

Début des non paiements à la MSA : 1980

Capital restant dû en mars 1998 :

10.279.000 F

Impayés comptabilisés en mars 1998 :

5.276.000 F

  • Aide publique accordée au titre des " mesures Nallet " : 1.850.000 F
  • Montant des prêts de consolidation au titre de la " mesure Balladur " : 8.278.000 F
  • Aide " Juppé " : dossier qui n’a pas trouvé de solution dans ce cadre

 

 

VALENTINI Michel

Ancien président de la Chambre régionale d’agriculture et de la Chambre départementale de Haute-Corse (de 1995 à 1998) ; président de l’ODARC de 1987 à 1992. Secrétaire général de la FDSEA de la Haute-Corse entre 1985 et 1987

185.323 F

Début des non paiements à la MSA : 1987

VALENTINI Michel et Eridan

Capital restant dû en mars 1998 :

7.430.120 F

Impayés comptabilisés en mars 1998 :

2.213.000 F

  • Aide publique accordée au titre des " mesures Nallet " : 1.236.000 F
  • " Mesure Balladur " (montant consolidé) : 6.231.000 F
  • Aide " Juppé " : non
VILANOVA Christian

De 1992 à 1997, il était gérant d’une société civile immobilière, la SCI Paesolo. Vit à Prunelli di Fiumorbo

344.898 F

Début des non paiements à la MSA : 1978

Capital restant dû en mars 1998 :

3.033.000 F

Impayés comptabilisés en mars 1998 :

904.000 F

  • Aide publique accordée au titre des " mesures Nallet " : 850.000 F
  • Montant des prêts de consolidation au titre des " mesures Balladur " : 2.494.000 F
  • Aide " Juppé " : 971.000 F

 

 

 

ZUCCARELLI Jean

Administrateur de la caisse régionale de Crédit agricole ; président de la caisse locale de Castagniccia

276.202 F

Début des non paiements à la MSA : 1980

Capital restant dû en mars 1998 :

1.046.722 F

Impayés comptabilisés en mars 1998 :

340.728 F

  • Aide publique accordée au titre des " mesures Nallet " : 891.521 F
  • Montant des prêts consolidés mis en place au tire de la " mesure Balladur " : 482.013 F
  • Aide " Juppé " : 84.033 F

 

On le voit, l’ampleur des aides publiques au désendettement bancaire n’a pas empêché ces personnalités (et d’autres qui ne sont pas nommément citées dans ce rapport) d’accumuler des impayés au titre de leurs prêts mais également de leurs cotisations sociales.

De montants moins élevés, les factures d’eau sont elles aussi bien souvent restées impayées.

d) Des factures d’eau qui s’accumulent

La loi du 13 mai 1991 portant statut particulier de la Collectivité territoriale de Corse a prévu dans son article 66 : " Sous la forme d’un établissement public de la Collectivité territoriale de Corse à caractère industriel et commercial, l’office d’équipement hydraulique de Corse a pour mission, dans le cadre des orientations définies par la Collectivité territoriale de Corse, l’aménagement et la gestion de l’ensemble des ressources hydrauliques de la Corse. " L’OEHC " assure en liaison avec l’office du développement agricole et rural les actions d’accompagnement liées à la mise en valeur des terres irriguées. "

 

L’OEHC, qui a remplacé la SOMIVAC créée en 1957 dans le cadre des plans d’action régionaux, gère l’eau agricole, mais également l’eau destinée aux collectivités et l’eau non potable des particuliers. Il s’attache surtout aux ressources hydrauliques, au stockage et au transfert d’eau (eau brute hors traitement) et apporte également un appoint à la plupart des collectivités, par exemple Bastia lors des années de sécheresse. Les utilisateurs principaux, c’est-à-dire les clients, de l’office sont les agriculteurs à titre individuel. Pour l’essentiel de la desserte, l’eau est apportée directement au niveau de chaque parcelle. L’office a donc essentiellement un rôle de distribution de l’eau et de partenaire des agriculteurs pour assurer l’irrigation des terres.

Le volume d’eau fourni à l’agriculture représente les 3/4 des 32 millions de mètres-cubes d’eau brute délivrée chaque année. L’OEHC délivre directement 4 millions de mètres-cubes d’eau potable. Les agglomérations consomment aujourd’hui environ 30 millions de mètres-cubes sur l’ensemble de la Corse. L’office irrigue effectivement environ 10.000 hectares sur une surface couverte par l’irrigation de l’ordre de 15.000 hectares.

·  Un prix de vente de l’eau toujours à la baisse, des tarifs nettement insuffisants

Dans un rapport d’audit sur l’OEHC de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale de l’agriculture datant de janvier 1994, les tarifs de vente d’eau faisaient déjà l’objet de critiques. Les principes de tarification étaient jugés inadaptés et les tarifs trop minorés pour permettre une gestion saine de l‘établissement.

Ainsi, l’eau est vendue, ou du moins facturée, à un prix défini au mètre-cube d’eau. Les bornes sont équipées de compteurs. Le prix se situait en 1997 autour de 40 centimes le mètre-cube. Ce prix est réduit par une participation exceptionnelle de la Collectivité territoriale de Corse, qui a accepté, dans le cadre de l’aide à l’agriculture corse, de prendre en charge 50 % de la facture. Le mètre-cube d’eau revient donc alors à 20 centimes pour l’agriculteur, cette division par deux restant subordonnée à l’acceptation d’un plan de règlement.

En moyenne, d’après les informations fournies par l’OEHC à la commission d’enquête, les exploitations de dimension courante consommant 3.000 mètres-cubes par hectare et par an supportent un coût au mètre-cube de 30 centimes, 30 autres centimes étant pris en charge par le budget de la Collectivité territoriale de Corse.

Le prix de revient du mètre-cube d’eau agricole se situait en 1997 autour de 1,20 franc, c’est-à-dire que l’agriculteur payait, avant l’intervention de la Collectivité territoriale, l’eau au tiers de son prix de revient.

Lors de son audition devant la mission d’information sur la Corse, le 26 février 1997, M. Claude Rocca-Serra, directeur de l’office, notait : " Il y a donc aujourd’hui de la part de ceux qui vendent de l’eau agricole, une vente à perte ".

·  La sollicitude de l’Assemblée de Corse

Dès avant octobre 1995, le prix du mètre-cube, qui s’élevait alors à 60 centimes, était l’un des plus bas pratiqués en France et correspondait à 50 % du prix de revient réel. Cependant, les principales organisations agricoles devaient bientôt refuser ce tarif en raison du coût à l’hectare (1.500 à 2.000 francs) jugé trop important. Saisie du problème, l’Assemblée de Corse décida de prendre en charge la moitié des factures d’eau à partir de 1996, ramenant ainsi le mètre-cube à 30 centimes et le prix de l’irrigation entre 700 et 1.000 francs par hectare.

Dans une lettre adressée à tous les agriculteurs corses le 27 novembre 1995, l’office hydraulique expliquait : " Consciente des difficultés que traverse la profession agricole, l’Assemblée de Corse, dans sa séance du 30 octobre 1995, s’est prononcée en faveur d’une aide à l’agriculture par un allégement à hauteur de 50 % de la facture d’eau d’irrigation, l’essentiel de l’allégement portant sur la redevance fixe. Cette aide est néanmoins subordonnée à la mise en place préalable d’un plan de règlement de votre dette. "

Tout agriculteur n’entrant pas dans ce dispositif devait en principe voir sa facture rétablie à 100 %.

·  La créance générale

La créance générale pour l’eau brute, mais également pour l’eau potable, est très importante. L’office détient des créances conséquentes sur les collectivités locales comme sur les particuliers. La dette totale, qui concerne près de 1.400 agriculteurs, s’élève aujourd’hui à 56,7 millions de francs. 300 de ces 1400 agriculteurs ont une dette relativement récente. Ils pourraient plus facilement rejoindre les bons payeurs à plus ou moins long terme.

·  En 1996, 115 agriculteurs devaient plus de 100.000 francs.

·  32 devaient plus de 200.000 francs et

·  5 devaient plus de 400.000 francs.

·  20 % des créances avaient une ancienneté supérieure ou égale à quatre ans.

Aujourd’hui, compte tenu des mesures adoptées par l’Assemblée de Corse en faveur des agriculteurs et de la mise en place des plans d’étalement de la dette, la situation s’est quelque peu améliorée. Sur le montant global de la dette arrêtée au 31 décembre 1995 (soit 55 millions de francs), 4.018.809 francs avaient été réglés au 30 juin 1998. Cette somme correspond, pour 1,8 million (1.830.432 francs, soit 38 %), au paiement de l’annuité 1997, pour 1,2 million (1.259.823 francs) aux paiements par anticipation des échéances ultérieures à 1997, et pour 928.554 francs aux comptes soldés (règlement de la totalité de la dette).

Il convient de préciser que la première année du plan d’étalement a été décalée de 1996 à 1997 par le conseil d’administration du 29 juin 1996, sur proposition de Michel Valentini, alors président de la Chambre régionale d’agriculture.

L’envoi de la première facture d’eau a eut lieu le 14 avril 1997. Le premier rappel date du 21 juillet 1997, le deuxième du 5 novembre 1997.

 

évolution des créances

(en francs)

Catégorie

Au 31/12/93

au 31/12/94

au 31/12/95

au 31/12/97

au 30/06/98

Eau agricole

34.987.269

42.635.112

55.519.286

59.591.523

63.416.214

Eau brute non agricole particuliers

2.671.150

2.736.105

3.219.618

3.735.414

4.739.854

Eau potable particuliers

2.497.032

3.519.798

3.677.308

5.015.224

4.998.300

Collectivités

19.707.459

20.194.388

12.455.533

10.671.389

10.224.566

Lotissements

2.613.943

3.264.279

2.063.701

1.643.694

1.664.599

N.B. : D’après les informations fournies par l’office, les statistiques de l’année 1996 n’ont pu être éditées en raison du changement de logiciel et de matériel informatique

Source : OEHC.

 

 

 

état des impayés au 30 juin 1998

exprimé en retard sur facturation

(en millions de francs)

Catégorie

Impayés (1)

Retard / facturation annuelle (2)

Eau agricole

56,7

3 ans

Eau brute non agricole particuliers

3,1

8 mois

Eau potable particuliers

2,5

3 mois

Collectivités

7,2

4 mois

Lotissements

1,6

9 mois

  1. La notion d’" impayés " est différente de celle de " créances ". Il y a impayé à partir de l’expiration du délai fixé parla mise en demeure.
  2. Le nombre de mois rapporté à 12 donne le pourcentage d’impayés par rapport au montant total des factures émises pendant une année.
Source : OEHC.

 

 

 

 

 

État des impayés au 30 juin 1998

 

(par exercice)

 

Particuliers

   
Catégorie de client

Eau agricole

Eau brute non agricole

Eau potable

Lotissements

Collectivités

Solde 1989 et antérieur

4.698.900

253.098

84.835

7.701

105.803

Solde 1990

3.070.527

199.266

52.294

7.899

7.161

Solde 1991

4.813.761

185.806

62.144

12.904

1.672

Solde 1992

7.862.338

352.299

86.696

474

10.921

Solde 1993

10.114.264

325.897

104.887

121.893

12.988

Solde 1994

10.991.468

400.364

313.614

161.281

17.322

Solde 1995

11.552.414

649.458

403.076

102.343

147.458

Solde 1996

206.305

143.753

136.879

609.412

Solde 1997

3.608.261

541.351

1.211.124

1.057.168

2.302.077

Solde 1998

4.013.421

TOTAL

56.711.933

3.113.844

2.462.423

1.608.542

7.228.235

Source : OEHC

 

Selon les informations fournies à la commission d’enquête par l’office hydraulique, la créance des collectivités locales a fortement diminué au fil des ans pour atteindre actuellement une stabilisation traduisant la mise en place de mesures volontaristes de l’OEHC. La créance agricole a nettement augmenté au cours des dernières années, mais connaît une légère décrue à la faveur des procédures récemment engagées. La créance en eau brute non agricole est, quant à elle, relativement stable.

 

 La répartition géographique de la dette

 

Secteur

Montant des impayés au 30/06/98
(en francs)

Plaine orientale

 

Secteur Sud (Fium’Orbo – Tavignano)

24.120.735

Secteur Centre (Alesani – Bravone)

12.686.957

Secteur Nord (Marana – Casinca)

14.726.545

SUD-EST

3.013.097

Arrière-pays ajaccien (Prunelli)

745.805

Taravo

 

Haut Taravo

544.941

Bas Taravo

498.353

Balagne

311.606

Nebbio

63.894

TOTAL

56.711.933

Source : OEHC.

 

 

 Analyse des dix plus gros dossiers d’impayés

La commission d’enquête a noté que c’est une commune, celle de Calvi, qui détient le record de la dette à l’OEHC.

Comme le tableau ci-dessous l’indique, parmi les dix plus gros débiteurs, figurent sept communes (Albitreccia, Pietrosella, Grosseto Prugna, Calenzana, Calavi, Montegrosso, le port de Macinaggio), un syndicat de communes (Sivom du Giunsani), un institut consulaire (la Chambre de commerce de Haute-Corse) et un lycée agricole (celui de Sartène). Par ordre d’importance, les dettes les plus significatives sont détenues par la commune de Calvi (4.013.421 francs au 30 juin 1998), la commune de Grosseto Prugna (1.141.869 francs). Trois débiteurs ont une dette comprise entre 300.000 et 500.000 francs (le Sivom du Giunsani avec 449.714 francs, la commune de Montegrosso avec 325.747 francs, puis le port de Macinaggio avec 320.000 francs). Au total, ces dix dossiers représentent plus de 6,8 millions de francs.

Il est regrettable que des collectivités publiques s’illustrent de cette manière dans la pratique du non-paiement des factures.

 

 

Analyse des impayés des collectivités au 30 juin 1998

 

Collectivité

Montant des impayés au 30/06/98

(en francs)

Procédure

Observations

Albitreccia

147.164

Mise en demeure effectuée

Engagement ferme de la commune de régler le solde immédiatement

Pietrosella

68.176

Idem

Idem

Grosseto Prugna

1.141.869

Mise en demeure effectuée en instance

Engagement du maire de régler immédiatement

Chambre de commerce de Bastia et Haute-Corse

53.172

Mise en demeure effectuée – procédure d’inscription d’office en cours

 
Calenzana

159.244

Mise en demeure effectuée

Engagement du maire de régler la totalité avant la fin août 1998.

Calvi

4.013.421

Mise en demeure effectuée – application de la délibération de l’Assemblée de Corse du 30/11/93 – procédure d’inscription d’office en cours

 

 

Règlement le 1/01/98 de 50 %, soit 2.006.710

Montegrosso

325.747

Plan de règlement

Plan de règlement scrupuleusement suivi

Lycée agricole de Sartène

128.076

Plan de règlement

Idem – 1 facture importante liée à des fuites internes

SIVOM du GIUNSANI

449.714

Mise en demeure
– procédure d’inscription d’office en cours –

 
Port de Macinaggio

320.000

Mise en demeure

Facture corrigée suite à la modification de la facturation – compensation en cours – engagement du maire de régler 100.000 F. avant la fin août 1998.

TOTAL

6.806.703 F. soit 94 % du montant des impayés des collectivités.

Source : OEHC.

 

·  Une politique de recouvrement plus stricte et plus volontaire

Lors de son audition devant la mission d’information sur la Corse le 26 février 1997, M. Claude Rocca-Serra, directeur de l’office, s’était prononcé contre un quelconque effacement de la dette et avait plaidé pour des plans d’étalement de la dette sur une période relativement longue. Il décrivit le système ainsi : " Le principe consiste pour quelqu’un qui a cinq ans d’impayés, à étaler sa dette sur dix ans, tout en l’obligeant à rembourser jusqu’au dernier centime. La contrepartie de la souscription d’un plan de règlement et de son respect est la participation de la Collectivité territoriale à hauteur de 50 % de la facture ".

Après l’adoption du dispositif d’étalement de la dette et de la prise en charge de 50 % des factures courantes par la Collectivité territoriale de Corse, les premières mises en demeure ont été adressées au mois de mai 1998 aux agriculteurs qui n’étaient pas à jour du paiement. Un mois et demi plus tard, à la fin du mois de juin 1998, une légère amélioration du rythme de paiement pouvait être constatée.

Pour la première fois depuis une dizaine d’années, le montant des encaissements dans le courant de l’année 1997 a été supérieur au montant des factures émises sur la période. Pour 1998, sur la base actuelle des encaissements constatés au 30 juin 1998, la tendance des encaissements est à la hausse (+ 18 % par rapport à 1997). Si cette tendance se confirme au cours du deuxième semestre 1998, la régression globale des créances de l’établissement pourrait être très sensible.

Dans un courrier adressé à la commission d’enquête, M. Jérôme Polvérini, président de l’office, explique que, depuis qu’il a pris la tête de l’OEHC, il a tenté de lancer des mises en demeure à l’égard des agriculteurs débiteurs auxquels aucun commandement de payer n’avait été adressé depuis la délibération de l’Assemblée de Corse du 30 octobre 1995. Dans sa lettre à la commission d’enquête, M. Polvérini indique : " Selon ce qui m’a été dit, l’étirement du calendrier et le refus d’adresser les commandements de payer aux agriculteurs ont été motivés par la situation agricole critique de l’île.

J’ai donc dû assumer, dès après le renouvellement de mars 1998, la tâche ingrate d’adresser massivement au mois de mai des commandements bien tardifs puisqu’afférents à une situation théoriquement remise à zéro deux ans et demi auparavant. "

 

Le président de l’OEHC note qu’il a, pour sa part, choisi de " repousser poliment toutes les interventions visant à " différer " le recouvrement de certaines créances. " Il ajoute avoir annoncé en conseil d’administration du 2 juin 1998 qu’il se refusait par avance à peser dans ce sens auprès du directeur de l’office, au motif qu’une telle action relèverait soit de la concussion, le défaut de perception étant assimilé à une exonération fiscale (ou une livraison gratuite de produits) et lésant les intérêts de l’établissement, soit du détournement de biens.

Notons, enfin, que la coupure d’eau est une mesure envisagée par l’OEHC à l’encontre d’exploitations agricoles fortement débitrices. Mais une telle solution conduit bien souvent à condamner l’exploitation. Il semble que des mesures de coupure d’eau à l’encontre des très nombreuses exploitations accusant des dettes importantes s’avéreraient ingérables aujourd’hui, après des années de laxisme généralisé.

 La redécouverte tardive de la délibération de l’Assemblée de Corse du 30 novembre 1993

Le nouveau président de l’office s’est récemment attaché à appliquer à l’égard des collectivités et autres personnes morales une délibération de l’Assemblée de Corse en date du 30 novembre 1993 qui prescrit la suspension de toute aide de la Collectivité territoriale à l’égard des personnes morales qui ne s’acquittent pas de leurs dettes auprès d’elle ou auprès d’une de ses structures rattachées, comme l’OEHC.

Dans sa lettre à la commission d’enquête, M. Polvérini signale : " Pour l’office, il en a été fait application pour la première fois les 24 juin et 1er juillet 1998 à l’égard du Golf de Spérone et de la commune de Calvi, en dépit de bien des contraintes de convenance ou d’amitié qui pouvaient s’y opposer. "

 

 

Extrait de la lettre adressée le 24 juin 1998 par un responsable de l’OEHC au président du Conseil exécutif de Corse

" J’ai l’honneur de vous informer que la S.A. Golf de Spérone est redevable à ce jour à l’OEHC au titre des factures d’eau relatives aux exercices 1996,1997 et 1998 d’une somme de 995.272 francs.

Conformément à la délibération n°93/134 de l’Assemblée de Corse en date du 30 novembre 1993, je vous saurais gré de bien vouloir faire suspendre tout paiement d’aide de la C.T.C à cette société. "

Extraits de la lettre adressée le 1er juillet 1998 par un responsable de l’OEHC au Maire de la commune de Calvi

" En dépit des demandes écrites et téléphoniques de versement adressées à votre mandataire la Méditerranéenne des Eaux, qui se retranche derrière vous, votre commune est, depuis un délai désormais critique, le plus gros débiteur de l’office d’équipement hydraulique de Corse. Comme vous le savez, c’est une créance de 4.013.420,55 francs qui est exigible auprès de votre caisse.

Comme vous vous en doutez, l’établissement régional que je préside n’échappe pas à la problématique du recouvrement de ses créances, objet d’une brûlante attention des pouvoirs publics et notamment d’investigations de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur l’utilisation des fonds publics et la gestion des services publics en Corse. (...)

J’ai donc l’honneur de vous informer que j’avise par le même courrier M. le président du Conseil exécutif de Corse et M. le payeur de Corse que l’attribution de toute aide régionale à votre commune est suspendue au règlement de ses obligations financières à l’égard de l’office. (...)

Je suis persuadé que vous aurez à coeur de tirer l’office du mauvais pas où la défaillance de l’importante commune que vous administrez placerait son administration financière et comptable. "

 

 L’activité de l’OEHC dans le contexte actuel

Il est évident que, depuis plusieurs mois, le Crédit agricole comme la caisse de Mutualité sociale agricole adoptent une attitude beaucoup plus volontariste en matière de recouvrement. Dans une lettre qu’il adressait au préfet Bernard Bonnet, le 16 avril 1998, le président de l’OEHC notait : " J’observe que ce sont souvent les mêmes agriculteurs qui éprouvent des difficultés à s’acquitter à la fois de leurs dettes sociales et fiscales et des dettes à l’égard de certains de leurs fournisseurs, au premier rang desquels figure l’office d’équipement hydraulique de Corse.

Je ne puis donc qu’apporter une attention vigilante à toute mesure de nature à entraîner des effets secondaires au niveau de l’équilibre financier de l’office, puisqu’il est certain que, si les agriculteurs concernés ont à choisir entre différentes dettes, ils se libéreront en priorité des dettes présentant pour eux la plus grande gravité. "

3.– Les difficultés de recouvrement des cotisations Urssaf

Si les difficultés et obstacles rencontrés par l’URSSAF de la Corse dans sa mission de recouvrement ne dépassent pas celles de la caisse de Mutualité sociale agricole pour les cotisations agricoles, elles atteignent toutefois un niveau anormal par rapport à la moyenne française.

a) Le décalage par rapport aux moyennes nationales

Les difficultés de l’économie corse, la succession au cours des dernières années des moratoires et des mesures d’exception en matière fiscale et sociale en Corse expliquent, en partie du moins, les taux de couverture de l’URSSAF qui apparaissent largement décalés par rapport aux moyennes nationales, avec 78,92 % de taux de couverture immédiat en Corse en 1997 pour un taux de 95,44 % au niveau national. Le volume des créances à recouvrer n’est pas négligeable avec 1.665 million de francs, soit 64,2 % des encaissements réalisés par l’organisme en 1997. Notons que cette année enregistre cependant une amélioration par rapport aux deux exercices antérieurs, grâce à la reprise des procédures de recouvrement amiable et de recouvrement forcé qui, à la demande des pouvoirs publics, avaient été suspendus en 1996. En fait, 1997 a constitué pour la caisse le premier exercice normal depuis deux ans. Comme le note l’Inspection générale des affaires sociales dans un rapport en date de juillet 1998, " la situation demeure difficile compte tenu, entre autres, d’habitudes qui ont pu se prendre ou qui se sont confortées à la faveur des plans COCHEF massivement attribués : 517 en Haute-Corse dont 354 en cours, 889 en Corse-du-Sud pour 740 en cours au 31 décembre 1997. "

Au 1er janvier 1997, 37.900 contraintes étaient détenues par les 12 huissiers partenaires de l’URSSAF de Corse. En 1997, 25.000 mises en demeure et 11.700 contraintes furent expédiées. Au 31 décembre de cette année, le nombre de comptes débiteurs s’élevait à 23.659, dont 12.261 comptes radiés.

LE RECOUVREMENT DE l’URSSAF DE CORSE
PAR RAPPORT AUX MOYENNES NATIONALES

 

 

Année 1996 en Corse

Moyenne nationale 1996

Année 1997 en Corse

Taux des restes

à recouvrer

14,86 %

1,93 %

9,01 %

 

Dans son rapport annuel pour 1997, l’Inspection générale des affaires sociales soulignait l’existence de marge de progression importante en matière de recouvrement des cotisations sociales sur l’ensemble du territoire et constate des écarts importants de performances entre les diverses URSSAF. Pour une moyenne de 1,9 % en 1996, les taux de restes à recouvrer dans les URSSAF variaient entre 0,5 % (à Montbéliard) et 3,5 % (à Marseille) et atteignaient 14,86 % à Ajaccio, comme l’indique le tableau ci-dessus.

Les créances de plus de 200.000 francs ont eu tendance à augmenter en volume, notamment en 1996 du fait du moratoire instauré par le gouvernement en février et des reports d’échéance de cotisations de 1995 sur le début de l’exercice 1996. La reprise normale des opérations contentieuses et des produits des encaissements sur délais COCHEF et URSSAF a entraîné, à partir de 1997, une amorce de réduction de la masse de ces créances.

 

 

Situations au

Nombre de comptes débiteurs de plus de 200.000 francs

Additions de l’ensemble de ces dettes

- 31 décembre 1994

538

275.772.268 F

- 31 décembre 1995

718

361.604.610 F

- 31 décembre 1996

1002

585.206.000 F

- 31 décembre 1997

884

524.098.000 F

Source : URSSAF de Corse

 

Les seize établissements mentionnés dans le tableau ci-après figurent en tête de la liste des 108 comptes débiteurs de l’URSSAF pour un montant égal ou supérieur à trois millions de francs. Parmi les dettes les plus importantes, on trouve des entreprises connues dans l’île, notamment la société Philippe Filippini dont le gérant est également président de la fédération du bâtiment, la SDAC Distribution Automobile et Carrosserie Casanova dirigée jusqu’à une date récente par l’actuel président de la Chambre de commerce et d’industrie de Corse-du-Sud et aujourd’hui par son fils. La liste comporte également deux clubs sportifs de renom : le Sporting Club Bastiais et le G.C.F Ajaccio.

Entreprises ayant vis-à-vis de l’URSSAF

une dette supérieure à 3 millions de francs au 1er juin 1998

 

 

 

 

 

Sociétés débitrices

Montant total de leur dette URSSAF

(en millions de francs)

Dont précomptes salariaux
non réglés

Montant

Nombre de périodes

Corse air international

(Ajaccio)

11.752

3.289

3

Construction nouvelle de Balagne (Corbara)

9.087

1.684

30

S.A. SDAC Distribution Autombile Corse (Ajaccio)

6.966

1.401

33

Centre hospitalier d’Ajaccio

6.735

-

-

M. Vincent Pozzo di Borgo, comptable

6.100

1.219

13

S.A Clinique ospédale (Porto-Vecchio)

5.297

-

-

SARL Filippini Ph et Cie (Ajaccio)

5.094

0.569

13

SARL Tafani Antoine (Porto-Vecchio)

5.051

-

-

Me Catherine Salini (Grosseto)

4.385

-

-

SARL Rodriguez et Fils (Ajaccio)

3.994

-

-

SARL Carrosserie Casanova (Ajaccio)

3.907

0.773

32

SARL Kyrn Air (Ajaccio)

3.746

0.815

10

SARL Saga Philippi (Porto-Vecchio)

3.219

0.349

4

Sporting Club Bastiais (Bastia)

3.138

-

-

Association GFCA (Ajaccio)

3.109

0.100

3

SA PACAM (Ajaccio)

3.093

-

-

Source : Rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, juillet 1998 " Analyse et prévention des dysfonctionnements administratifs et des risques de fraude dans le secteur du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle en Corse ".

Notons qu’en règle générale, les entreprises les plus fortement débitrices de l’URSSAF accusent également une dette importante à l’ASSEDIC.

 

b) Une gestion compliquée par divers facteurs propres à l’île

Ces facteurs consistent dans les reports massifs, les délais de paiement accordés aux cotisants, les demandes de majorations et pénalités de retard. Le nombre de délais accordés aux cotisants s’est élevé à 3.450 en 1996 (dont 1.240 dans le cadre des plans COCHEF) et à 2.550 en 1997 (dont 350 dans le cadre des plans COCHEF). Il est certain que la gestion de la procédure COCHEF s’est avérée particulièrement lourde pour l’URSSAF.

Le nombre de demandes de remises de majorations et de pénalités de retard a été de 7.444 en 1996, de 6.965 en 1997 et de 1.250 pour le seul mois de janvier 1998. Les relances personnalisées pour récupération de déclarations manquantes ont été au nombre de 1.380 en 1996 et de 1.700 en 1997. Près de 25 % des employeurs ne fournissent plus leur bordereau récapitulatif des cotisations à chaque échéance.

Notons que près de 25 % des travailleurs indépendants ne produisent pas à l’URSSAF les éléments d’assiette annuellement.

L’URSSAF rencontre des difficultés particulières dans l’exercice de ses missions en Corse.

– Elle a une compétence géographique couvrant deux départements et donc deux préfectures, deux trésoreries générales, deux caisses primaires d’assurance maladie, deux caisses d’allocations familiales, deux conseils généraux, deux tribunaux des affaires de sécurité sociale, trois tribunaux de commerce (Bastia, Ajaccio, Ile-Rousse), deux guichets initiative-emploi et douze huissiers. Cette situation entraîne une charge de travail particulière, qui est encore augmentée par le fait que la Corse compte de nombreuses administrations et collectivités : 360 communes dont la plupart sont de petite taille. La multiplicité des interlocuteurs rend la communication parfois difficile. Cette situation nécessiterait de la part de l’URSSAF un déploiement des moyens et du personnel. Or, en effectif budgétaire, l’URSSAF n’a que 70 agents et ne dispose pas d’un outil informatique adapté au suivi des restes à recouvrer.

– Des contentieux importants se sont développés avec chacun des deux départements. Alors que l’on pourrait attendre de leur part des comportements exemplaires, l’un comme l’autre s’est abstenu de s’acquitter de l’ensemble des cotisations personnelles des RMIstes lui incombant. Dans une telle situation, l’action contentieuse peut prendre plusieurs formes : des instances au tribunal des affaires de sécurité sociale, en Cour d’appel, en Cour de cassation, ou des expertises judiciaires entraînant des opérations de recherches d’archives lourdes.

Le tableau ci-dessous présente un état récapitulatif des sommes appelées et payées par les deux départements de Corse au titre des cotisations d’assurance personnelle des bénéficiaires du RMI
(1er trimestre 1998 inclus)

– Département de la Corse-du-Sud (situation au 1er trimestre 1998)

 

Montants de cotisations appelées

89.070.441 F

Montants payés

11.571.287 F

Solde au 12 février 1998

77.499.154 F

– Département de la Haute-Corse (situation au 1er trimestre 1998)

 

Montants de cotisations appelées

124.923.645 F

Montants payés

75.918.094 F

Solde au 12 février 1998

49.005.551 F

– Total de la région Corse

 

Montants des cotisations appelées

213.994.086 F

Montants payés

87.486.381 F

 

 

SOLDE pour la région au 12/02/ 1998 :

126.504.705 F

 

– Autre difficulté particulière à laquelle l’URSSAF de Corse doit faire face : l’application de dispositions spécifiques à la Corse telles que la loi du 28 décembre 1996 relative à la zone franche et les diverses mesures gouvernementales. Ainsi le gouvernement de M. Alain Juppé décida un report d’échéance fixant au 15 janvier 1996 la date limite du paiement du dernier tiers des cotisations patronales afférentes au 1er trimestre 1995. Le 23 février 1996, le gouvernement annonça la suspension des actions de recouvrement des dettes sociales pour une période de trois mois jusqu’au 15 mai 1996 prorogée au 30 septembre 1996 pour les entreprises relevant du secteur hôtelier.

A partir du 1er juin 1996, pas moins de 1567 dossiers furent déposés auprès des COCHEF dans le cadre du dispositif de traitement des dettes sociales et fiscales mis en place par le gouvernement (hormis ceux relevant du secteur hôtelier bénéficiant d’un délai supplémentaire porté au 30 septembre 1996).

– La saisonnalité des activités liées au tourisme entrave encore davantage le travail de l’URSSAF qui éprouve des difficultés à appréhender des cotisants qui se déclarent pour une durée d’activité très courte dans un contexte économique et un environnement plutôt défavorables dans le secteur touristique.

– En outre, du fait de la crise du secteur BTP, les responsables professionnels développent régulièrement une revendication tendant à l’effacement de leurs dettes de cotisations. Leurs actions, qui peuvent se traduire par des occupations de locaux ou des manifestations, visent à faire reconnaître l’importance de la " dette publique " à leur égard : l’État serait responsable de la chute des activités immobilières dans l’île. Des attentats à l’explosif ont ainsi perturbé considérablement l’activité des services de l’URSSAF en 1995 et 1996.

c) Un climat tendu et des groupements de professionnels pour le moins revendicatifs

Dès 1989, on a assisté à une rupture dans le comportement des cotisants tant à l’égard du paiement de leurs cotisations sociales que vis-à-vis des relations avec les agents de l’URSSAF. Le raccourci qui consistait à rendre l’État, et par conséquent tous ses agents, responsables de la mauvaise saison touristique et des difficultés rencontrées par les entreprises, a souvent été emprunté. C’est ainsi qu’en 1989, l’URSSAF a connu ses deux premières occupations, dont une relativement dure. L’émergence et l’utilisation de ce lien de causalité entre les difficultés de l’économie insulaire partiellement liée aux grèves à répétition dans les services publics et les transports, et la nécessité de mesures dérogatoires ou compensatrices, est allé en s’amplifiant jusqu’à la fin de 1994. Les conflits sociaux propres à la fonction publique corse qui se sont déroulés de janvier à mars 1995 ont vraisemblablement accéléré le ressentiment des socio-professionnels vis-à-vis des services publics de l’État, notamment ceux chargés du recouvrement.

Depuis cette date, la dégradation permanente des comportements des cotisants à l’égard des personnels de l’URSSAF se manifeste de plus en plus nettement, tandis que les agents de l’organisme se plaignent d’un sentiment croissant d’insécurité : sentiment exacerbé par les occupations de locaux et les attentats. Les agents en contact du public subissent une pression parfois latente pouvant se manifester par des propos véhéments et des allusions à peine déguisées à des actions violentes. Cette atmosphère a conduit à des demandes de protection physique des locaux de travail. Une des requêtes formulées par les personnels a même été de faire supprimer leurs noms sur les courriers expédiés aux cotisants.

Les années 1995, 1996 et 1997 ont été rythmées par une succession d’événements sociaux, économiques et politiques lourds de conséquences sur le fonctionnement interne de l’organisme en termes de gestion de trésorerie comme de recouvrement. On peut citer :

– en janvier 1995, la grève des agents d’EDF privant le siège à Ajaccio et son antenne de Bastia d’alimentation électrique,

– la grève des services publics notamment des PTT du 22 février au 27 mars 1995 qui eut des conséquences sur le fonctionnement des services,

– la grève des agents des organismes sociaux du 6 au 24 mars 1995, l’attentat à l’explosif du 20 mars 1995 contre les locaux de l’antenne de Bastia,

– la paralysie du centre de tri postal de Marseille du 16 mars au 20 juin 1995 qui provoqua des perturbations très importantes dans le délai d’acheminement des déclarations et des avis d’appels de cotisations,

– les occupations des locaux de l’antenne de Bastia et du siège d’Ajaccio en juillet 1995,

– l’attentat perpétré le 15 novembre 1995 contre le siège de l’organisme,

– la grève de la fonction publique suivie par le personnel des organismes sociaux le 24 et le 28 novembre 1995 et du 5 au 22 décembre 1995,

– l’attentat à l’explosif du 7 février 1996 perpétré contre les locaux de l’antenne de Bastia, qui a occasionné le relogement provisoire durant six mois du personnel auprès de la caisse primaire d’assurance maladie de la Haute-Corse,

– la grève de la distribution du courrier du 12 mai au 19 juin 1997 qui entraîna des perturbations importantes dans le fonctionnement des services.

Plusieurs extraits de journaux corses édités à des dates différentes, l’un en juillet 1995, un autre en avril 1997 et le dernier en février 1998, donnent un exemple de la rhétorique utilisée par ces groupements et plus précisément par un groupement particulièrement virulent, le " Rialzu Economicu ". Les trois articles se font en effet les échos des doléances de ce groupe, qui prétend s’exprimer au nom de l’ensemble des entrepreneurs corses.

Dans le journal " Corse Matin " du 27 juillet 1995, le communiqué de Rialzu Economicu suite à l’occupation des locaux de l’URSSAF à Ajaccio est reproduit : " Hier à 14 h 30, une délégation d’une soixantaine de socio-professionnels ont investi les locaux de l’URSSAF pour faire part des conséquences dramatiques du recouvrement des charges sociales et des poursuites engagées contre l’essentiel des entreprises corses les privant (...) de la possibilité d’une part d’avoir accès aux financements bancaires, d’avoir des relations normales avec leurs fournisseurs et de garder leur confiance et, enfin, d’accéder aux marchés publics.

Autant de circonstances, en ces moments pénibles pour l’entreprise corse, pour justifier leur colère et leur désarroi. (...)

Le Rialzu Economicu a demandé par l’intermédiaire du directeur régional de l’URSSAF, que le préfet intervienne auprès de Matignon et du ministère de tutelle pour sensibiliser l’État sur le problème des charges sociales en Corse. Le Rialzu rappelant à cette occasion les revendications devenues classiques aujourd’hui sur l’exonération de 50 % de ces charges et la nécessité de sa mise en place immédiate. Il s’agit là de la survie des entreprises corses. "

*

* *

Le Journal " La Corse " du 11 avril 1997 consacrait un article aux revendications du Rialzu Economicu en titrant : " Cessez les poursuites " : " Depuis quelque temps, les huissiers frappent à nouveau aux portes des entreprises afin de recouvrer les créances de l’URSSAF, comme si la mise en place de la zone franche avait d’un coup de baguette magique donné des moyens de se mettre à jour " déclare le Rialzu Economicu.

" Dans la situation économique dramatique que nous vivons et qui s’aggrave chaque jour, ces procédures sont très mal venues et ne sont pas porteuses d’espoir pour des entreprises qui doivent non seulement subir une récession sans précédent, mais également faire face, alors qu’elles n’en n’ont plus depuis longtemps les moyens, à des charges courantes qui même réduites par les effets de la zone franche se cumulent avec les arriérés (plans COCHEF ou autres) et se voient aujourd’hui alourdies par des frais d’huissier. (…)

L’état de désespoir et d’exaspération dans lequel se trouvent aujourd’hui les chefs d’entreprises qui nous rendent visite chaque jour, ainsi que l’injustice qu’ils ressentent face à une situation économique dont ils ne sont, dans la plupart des cas, pas responsables, développent des sentiments de révolte de plus en plus difficiles à contenir.

Ainsi, nous demandons instamment à l’État et à ses représentants de bien vouloir cesser leurs poursuites, afin de permettre aux entreprises de sauvegarder leurs outils de travail et attendant la reprise économique, et par là même, d’éviter l’arrivée de nouveaux chômeurs sur le marché. "

*

* *

Le Journal " La Corse " du 28 février 1998 s’est également fait l’écho du " solennel avertissement aux services fiscaux et sociaux " lancé par le Rialzu Economicu. On peut lire dans cet article : " (...) l’assassinat du préfet Claude Erignac était l’occasion privilégiée pour mettre tout le monde dans le même sac. D’où le refus de la culpabilisation collective, avec pour corollaire, le rejet que la quasi totalité d’une corporation " qui ne pouvant faire face à ses échéances, refuse d’être sacrifiée sur l’autel de la reprise en main ".

Les commerçants, artisans, et autres petits chefs d’entreprises sont-ils responsables si la collectivité va à vau l’eau ? Ont-ils une part, fût-elle minime, dans l’effondrement de l’activité ? Sont-ils à mettre à l’index pour l’endémique violence ? (...) Faut-il qu’ils payent rubis sur l’ongle, les directives venues des sphères décisionnelles dictées par l’obligation de résultats ?

A ce panel d’interrogations, Rialzu, à l’image d’une majorité de la population, répond par la négative.

L’amalgame guette. Nombre de commerçants ne peuvent plus acquitter leurs créances, frais fixes, cotisations sociales ou patronales. Pourtant, selon Jean Péraldi et l’ensemble des adhérents, les divers services concernés sont " passés à l’action " jugulaire-jugulaire, ils multiplient par voie d’huissiers les commandements à payer, avec, à la clé, comptes bloqués et menaces de saisies. Est-ce la manière de résoudre la crise qui frappe durement l’ensemble des activités ? (...)

En substance, chacun s’accorde à répéter que la pression des organismes sociaux et fiscaux procède d’une stratégie dévolue à saisir une occasion dramatique, liée à la mort d’un préfet, pour " mettre tout le monde au pas ". 

d) Vers la normalisation

Trois pistes de réflexion doivent être approfondies à cet égard.

    • Comme le note l’Inspection générale des affaires sociales dans son rapport déjà cité de juillet 1998, " maintenant qu’ils ont le sentiment de pouvoir, plus que par le passé, s’appuyer sur l’autorité judiciaire, les directeurs de l’URSSAF et de l’ASSEDIC devraient saisir plus souvent les tribunaux répressifs des déficiences graves (non-paiement des précomptes salariaux) ou répétées en matière de paiement des cotisations sociales qui constituent des infractions, tant au droit de la sécurité sociale qu’à celui du travail. Jusqu’alors, ce n’était pas le cas. Les deux établissements se contentaient de mettre en œuvre les seules mesures de recouvrement forcé. "
    • Cette politique devra viser tous les gros établissements débiteurs quels que soient leurs dirigeants. Notons que l’URSSAF a décidé, en concertation avec la direction régionale des affaires sociales, d’engager systématiquement des poursuites pénales à l’encontre des débiteurs répondant aux caractéristiques suivantes : solde débiteur de plus de 180.000 francs, part salariale non réglée sur plusieurs périodes, dette datant de plus de 2 années, défaillance constatée après plusieurs relances. La commission d’enquête prend acte de cette initiative qui devrait permettre d’amorcer un retour à la normale pour certaines entreprises susceptibles d’adopter désormais des comportements plus conformes à leurs devoirs fiscaux et sociaux.
    • Les contrôles diligentés par les agents de l’URSSAF doivent porter en priorité sur les entreprises " sensibles ". En effet, comme le note l’IGAS dans son rapport déjà cité, en 1997, plus de la moitié des contrôles comptables d’assiette n’ont donné lieu à aucun redressement. Or sur les 108 entreprises ou personnes présentant un compte débiteur supérieur à un million de francs, à peine plus d’un quart avait fait l’objet d’un contrôle (29 en tout), sachant que 40 % des dits contrôles avaient été conduits depuis plus de trois ans. Il semble que des contrôles plus réguliers devraient en priorité s’attacher à celles des sociétés accusant les dettes les plus élevées.

 

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C.- La fraude des particuliers : un phénomène multiforme

 

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