graphique

N° 3305

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2001.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1)

sur les droits de la personne et la Francophonie

ET PRÉSENTÉ

PAR Mme YVETTE ROUDY,

Députée

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Affaires étrangères

La Commission des affaires étrangères est composée de : M. François Loncle, président ; M. Gérard Charasse, M. Georges Hage, M. Jean-Bernard Raimond, vice-présidents ; M. Roland Blum, M. Pierre Brana, Mme Monique Collange, secrétaires ; Mme Michèle Alliot-Marie, Mme Nicole Ameline, M. René André, Mme Marie-Hélène Aubert, Mme Martine Aurillac, M. Édouard Balladur, M. Raymond Barre, M. Henri Bertholet, M. Jean-Louis Bianco, M. André Billardon, M. André Borel, M. Bernard Bosson, M. Philippe Briand, M. Bernard Brochand, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Hervé de Charette, M. Jean-Claude Decagny, M. Patrick Delnatte, M. Jean-Marie Demange, M. Xavier Deniau, M. Paul Dhaille, M. Jean-Paul Dupré, M. Charles Ehrmann, M. Jean-Michel Ferrand, M. Raymond Forni, M. Michel Fromet, M. Georges Frêche, M. Jean-Yves Gateaud, M. Jean Gaubert, M. Valéry Giscard d'Estaing, M. Jacques Godfrain, M. Pierre Goldberg, M. Michel Grégoire, M. François Guillaume, M. Jean-Jacques Guillet, M. Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, M. Didier Julia, M. Alain Juppé, M. Gilbert Le Bris, M. Alain Le Vern, M. Jean-Claude Lefort, M. Pierre Lequiller, M. François Léotard, M. Bernard Madrelle, M. René Mangin, M. Jean-Paul Mariot, M. Gilbert Maurer, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, M. Étienne Pinte, M. Marc Reymann, M. Jean Rigal, M. François Rochebloine, M. Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, M. René Rouquet, M. Georges Sarre, M. Henri Sicre, M. Dominique Strauss-Kahn, Mme Christiane Taubira-Delannon, M. Michel Terrot, Mme Odette Trupin, M. Joseph Tyrode, M. Michel Vauzelle.

SOMMAIRE

___

INTRODUCTION 5

I - UNE ORGANISATION INSTITUTIONNELLE COMPLEXE DÉPOURVUE
DE STRUCTURES DE SURVEILLANCE DES ATTEINTES
À LA DÉMOCRATIE ET AUX DROITS DE LA PERSONNE
8

A - UNE PLÉTHORE D'ORGANISMES 8

1) Au niveau multilatéral : une superposition de structures 8

2) Au niveau français de nombreux intervenants 11

B - DES COMPÉTENCES CONCURRENTES ENTRE PLUSIEURS STRUCTURES 14

1) Le rôle du Secrétariat général de l'OIF dans la promotion des droits
humains et des principes démocratiques dans l'espace francophone. 15

2) Une structure hybride la délégation aux droits de l'Homme et
à la démocratie (DDHD) 16

II - UN MANQUE DE CRÉDIBILITÉ DES INSTITUTIONS
DE LA FRANCOPHONIE
18

A - UNE ADHÉSION À L'ESPACE FRANCOPHONE NON SOUMISE
À CONDITIONS
18

1) Un paradoxe : l'absence de condition politique à l'adhésion
à l'espace francophone 18

2) Des institutions peu réactives aux évolutions 19

3) Des règles de conditionnalité de l'aide insuffisantes 21

B - UN MANQUE DE LISIBILITÉ DES ACTIONS EN FAVEUR DE LA DÉMOCRATIE 22

1) Une absence de crédibilité des missions d'observation des élections 22

2) Un faible soutien à la liberté d'expression 24

C - DES ATTEINTES GRAVES AUX DROITS DE LA PERSONNE PEU PRISES
EN COMPTE PAR LES INSTITUTIONS DE LA FRANCOPHONIE
26

1) Les trafics d'enfants 26

2) Le statut précaire des femmes 29

D - DES INSTITUTIONS DE LA FRANCOPHONIE PARTICIPANT PEU À LA LUTTE
CONTRE L'IMPUNITÉ ET À LA PROTECTION DES DÉFENSEURS
DES DROITS DE LA PERSONNE
30

1) La lutte contre l'impunité, un objectif non prioritaire 31

2) La protection spécifique des défenseurs des droits de la personne :
un mécanisme inconnu des institutions de la Francophonie 33

III - LA DÉCLARATION DE BAMAKO :
UNE INITIATIVE OPPORTUNE
35

A - LES SOURCES DE LA DÉCLARATION DE BAMAKO 35

1) Les procédures élaborées et utilisées par le Commonwealth 35

2) L'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) et le respect de la charte
africaine des droits de la personne 36

3) Le Conseil de l'Europe et le Commissaire permanent aux droits
de l'Homme 37

4) L'Union européenne et les membres du groupe des Etats d'Afrique,
des Caraïbes et du Pacifique (accord de Cotonou) 37

B - L'ÉDICTION DE NORMES ET DE PROCÉDURES DE SUIVI DES ATTEINTES
AUX DROITS DE LA PERSONNE ET À LA DÉMOCRATIE
38

1) Un Symposium ouvert à la société civile 38

2) Un texte de référence assorti d'un mécanisme de suivi en cas d'atteinte
à la démocratie et/ou de violation des droits de la personne 39

C - UNE MISE EN _UVRE DÉLICATE DE LA DÉCLARATION DE BAMAKO 40

1) La presssion des ONG présentes à Bamako 37

2) La définition des procédures 41

3) Le plan d'action de Bamako et son financement 41

CONCLUSION 45

EXAMEN EN COMMISSION 49

ANNEXE 1 - DÉCLARATION DU SOMMET PARALLÈLE
DE LA FRANCOPHONIE
56

ANNEXE 2 - PERSONNALITÉS ENTENDUES 60

ANNEXE 3 - QUESTIONNAIRE 65

ANNEXE 4 - PROGRAMME DE LA MISSION 65

ANNEXE 5 - ORGANIGRAMME DE L'ORGANISATION
INTERNATIONALE DE LA FRANCOPHONIE
68

ANNEXE 6 - LE DISPOSITIF INSTITUTIONNEL FRANCAIS 59

ANNEXE 7 - DÉCLARATION DE MONGO BETI, ÉCRIVAIN 63

ANNEXE 8 - DÉCLARATION DE M. AHMADOU KOUROUMA, ÉCRIVAIN 65

Mesdames, Messieurs,

La Commission des Affaires étrangères m'a confié, à la fin de l'année 1999, une mission sur les droits de la personne et la Francophonie. Devais-je présenter un énième rapport sur la Francophonie alors qu'un précédent, proposant d'en réformer les structures institutionnelles, était resté sans lendemain ?

A priori, le lien entre le respect des droits de la personne, l'établissement de régimes démocratiques et la Francophonie aurait dû, à la fin du XXème siècle, être évident. La promotion de ces valeurs universelles n'est-elle pas un des fondements de l'appartenance à la Francophonie ? La Charte de la Francophonie place d'ailleurs leur respect comme le premier de ses objectifs et proclame dans son article premier « La Francophonie, consciente des liens que crée entre ses membres le partage de la langue française et souhaitant les utiliser au service de la paix de la coopération et du développement a pour objectif d'aider à l'instauration et au développement de la démocratie, à la prévention des conflits, au soutien à l'Etat de droit et aux droits de l'Homme ».

La Charte de la Francophonie rappelle le caractère universel des droits de la personne, principe qui ne peut être remis en cause par des spécificités géographiques, culturelles ou religieuses même si ces différences doivent être prises en considération et nourrir le dialogue entre les cultures.

Cependant, le dernier sommet des chefs d'Etat et de gouvernement ayant le Français en partage à Moncton en septembre 1999 a montré que les diverses institutions de la Francophonie semblaient éluder voire occulter le lien entre Francophonie et droits de la personne, au risque de perdre toute crédibilité. Aussi, les organisations officielles de la Francophonie ont été publiquement sommées de relever le défi que constitue les atteintes aux droits de la personne et aux principes démocratiques dans l'espace francophone. La question des sanctions pour atteinte à ces principes a été clairement posée aux chefs d'Etat et de gouvernement interpellés par les organisations non gouvernementales (ONG) francophones qui ont tenu un sommet parallèle en même temps à Moncton.

Dans le paragraphe 2 de leur déclaration1 elles soulignent que « Les violations répétées des droits de la personne sont choses fréquentes dans les pays de la Francophonie. Des mesures coercitives accompagnées de moyens efficaces de dénonciation doivent être initiées au plus tôt, pour que cessent ces pratiques intolérables et inacceptables, en ce début de nouveau millénaire ».

Les médias francophones, relatant l'événement, n'ont pas manqué de souligner l'impact désastreux sur la Francophonie de la présence de chefs d'Etat accusés de commettre des exactions contre leur peuple et de bafouer les principes démocratiques.

Les positions frileuses sur le respect des droits de la personne, adoptées jusqu'au Sommet de Moncton, ont conduit les institutions de la Francophonie à délivrer des messages paradoxaux mal compris des populations comme l'ont rappelé, lors de leurs auditions, MM. Ahmadou Kourouma, Mongo Beti et François-Xavier Verschave. Selon eux les institutions de la Francophonie sont perçues comme étatiques et officielles liées aux régimes et gouvernements en place, quels qu'ils soient. Elles sont d'ailleurs fréquemment ignorées sur le terrain.

Les auditions2 et la mission effectuée par votre Rapporteure en Côte d'Ivoire, au Togo et au Bénin du 18 au 22 juin 20013 ont révélé combien le lien entre le respect des droits de la personne et la Francophonie était ténu, parfois même inexistant, suscitant çà et là gêne, silence, scepticisme, voire ironie... Le rôle des trop nombreuses institutions de la Francophonie, censées _uvrer pour le développement et le respect des droits fondamentaux, n'a pas pu être clarifié, en raison de l'opacité d'un système encore figé, malgré les prémisses d'un changement.

Ce n'est qu'avec prudence que ces institutions s'efforcent de prendre en considération le contrecoup de l'évolution des mentalités depuis la chute du mur de Berlin et le discours de La Baule. Il est grand temps d'évoquer le problème sans faux semblants, l'appartenance à l'espace francophone ne signifie pas pour les populations que leurs droits élémentaires soient garantis et protégés. A-t-on jamais exclu un Etat membre parce qu'il ne respectait pas les valeurs universelles, qui pourtant sont le fondement et la référence culturelle de la Francophonie ? Une attente existe, qu'il ne faut pas décevoir.

Depuis le Sommet de Moncton, les diverses instances de la Francophonie ont progressivement pris conscience de la nécessité d'établir une relation entre appartenance à l'espace francophone et respect des droits de la personne et de la démocratie. Une étape importante semble avoir été franchie lors du Symposium de Bamako sur le bilan et les pratiques de la démocratie, qui s'est tenu du 1er au 3 novembre 2000. Une déclaration a été votée et un plan d'action a été élaboré. L'ensemble devait être adopté lors du sommet des chefs d'Etat et de gouvernement sur le dialogue des cultures, qui devait se tenir à Beyrouth en octobre dernier. Il n'aura lieu qu'à l'automne 2002.

I - UNE ORGANISATION INSTITUTIONNELLE COMPLEXE DÉPOURVUE DE STRUCTURES DE SURVEILLANCE DES ATTEINTES
À LA DÉMOCRATIE ET AUX DROITS DE LA PERSONNE

Quiconque se penche sur le fonctionnement des divers organismes multilatéraux, voire nationaux, qui ont pour mission de promouvoir la Francophonie, est pris de vertige devant la complexité du fonctionnement d'un tel système. Ces organismes se superposent dans de savants organigrammes, complaisamment explicites sur leurs sites Internet respectifs, sans qu'il soit possible de déterminer avec pertinence qui fait quoi, comment, et avec quels moyens. Certes, cela n'est pas nouveau : le rapport présenté en 1997 devant la Commission des Affaires étrangères dressait le même constat et appelait à une simplification des structures afin de rendre plus lisible et plus efficace l'action des organismes chargés de promouvoir la Francophonie.

Actuellement, quelques experts mis à part, les Français ignorent superbement les institutions de la Francophonie. Savent-ils que M. Boutros Boutros-Ghali est l'actuel Secrétaire général de l'Organisation intergouvernementale de la Francophonie (OIF) ? Ce phénomène est loin d'être spécifiquement français. La mission au Bénin, en Côte d'Ivoire et au Togo fut à cet égard instructive. Les institutions de la Francophonie officielle sont mal connues et, quand elles le sont, voient leur action brocardée. Les structures qui, au sein de ces institutions, sont plus particulièrement chargées de promouvoir et de défendre les droits de la personne pâtissent du manque de lisibilité et d'efficacité de l'ensemble du système.

A - Une pléthore d'organismes

Au cours de ses auditions, on s'est efforcé de mieux cerner quelles étaient les structures plus particulièrement chargées de la promotion des droits de la personne dans l'espace francophone, de déterminer comment elles était financées, comment elles agissaient, et comment elle se concertaient. Si les organigrammes reproduits en annexe 4 paraissent cohérents, le fonctionnement des structures, leurs moyens, le système d'évaluation de leurs actions ont semblé assez inadaptés.

1) Au niveau multilatéral : une superposition de structures

a) une mise en place difficile

De lents progrès ont été accomplis pour conférer un contenu politique et une visibilité internationale aux actions menées par les institutions de la Francophonie. Les sigles ont été transformés, mais les pratiques ont-elles réellement évolué ? Il a fallu près d'un demi-siècle pour que la Francophonie devienne une institution politique, mais ses structures4 sont restées obsolètes.

Comme l'a rappelé Mme Christine Desouches, déléguée aux droits de l'Homme et à la démocratie à l'Agence intergouvernementale de la Francophonie (AIF), c'est de 1960 à 1970, sous l'impulsion de Léopold Sédar Senghor, de Hamani Diori, de Habib Bourguiba, que les pays nouvellement indépendants ont manifesté leur désir de tisser entre eux des relations privilégiées d'échanges culturels et linguistiques fondées sur une langue commune le français.

Lors de la conférence de Niamey en mars 1970, le premier organisme intergouvernemental de la Francophonie, l'Agence de Coopération Culturelle et Technique (ACCT), devenue Agence intergouvernementale de la Francophonie (AIF), fut officiellement fondée.

Au cours de la même période plusieurs autres organismes et associations furent créés comme l'Association des Universités partiellement ou entièrement de langue française (AUPELF) devenue Agence universitaire de la Francophonie (AUF), l'Association internationale des Parlementaires de Langue Française (AIPLF) devenue Assemblée Parlementaire de la Francophonie (APF) l'Association Internationale des Maires francophones (AIMF) et TV5 Europe.

En 1987, lors du Sommet de Québec, on établit la cadence biennale des sommets. Puis de nouveaux champs de coopération se sont développés, ainsi en 1989, le Sommet de Dakar a lancé la création de l'Université Senghor d'Alexandrie.

Jusqu'à la fin des années quatre-vingts, la dimension culturelle était la préoccupation majeure de la Francophonie ; des entités régionales ont ainsi adhéré aux institutions de la Francophonie ce qui pose problème dès lors que l'on veut donner un contenu plus politique aux actions de la Francophonie multilatérale. La Francophonie s'est ainsi construite autour du pré carré africain de la France sur des critères d'adhésion assez souples et flous.

Il a fallu attendre le Sommet de Paris en 1991 pour que la dimension politique soit clairement évoquée, amplifiée par la création du Conseil permanent de la Francophonie (CPF) au Sommet de Maurice en 1993 et affirmée au Sommet de Cotonou en 1995. La création du Secrétariat général de la Francophonie et l'élection de M. Boutros Boutros-Ghali à sa tête a eu lieu au Sommet de Hanoï en 1997. La création de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) fédérant les opérateurs de la Francophonie institutionnelle a été adoptée à Bucarest en 1998. L'inflation des structures institutionnelles, loin de dynamiser le système, a freiné son évolution.

b) un système complexe

Les institutions de la Francophonie multilatérale comportent une série d'organes politiques à la tête desquelles se trouve le Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement des pays ayant le français en partage, dont les décisions sont relayées par la Conférence ministérielle de la Francophonie (CMF), le Conseil permanent de la Francophonie (CPF). Les décisions prises convergent théoriquement vers l'organisation internationale de la Francophonie (OIF) dont relèvent les cinq opérateurs directs de la Francophonie : l'AIF opérateur principal, l'AUF, TV5, l'Université Senghor, l'AIMF.

Auprès de ces organes politiques où chaque Etat membre est représenté, a été institué un secrétariat de l'OIF, qui s'est vu reconnaître un rôle institutionnel prééminent au sein de la Francophonie et qui est assuré par M. Boutros Boutros-Ghali dont le mandat expirait cette année et qui devait se représenter lors du Sommet de Beyrouth sans que sa candidature ne fasse l'unanimité. Le Sommet ayant été reporté d'un an, son mandat devrait être prorogé d'autant.

Le Secrétariat général est placé sous l'autorité du Secrétaire général, lui-même placé sous l'autorité du Sommet, de la CMF et du CPF. Elu pour quatre ans, le Secrétaire général de la Francophonie assure trois grandes missions : la promotion de l'OIF sur la scène internationale, la mise en _uvre de la politique internationale et l'animation et la coordination de la politique de coopération multilatérale. A ce titre, le Secrétaire général est le président exécutif du CPF et est aussi le plus haut responsable de l'AIF. Il est, selon les termes du Président de la République française, « le visage et la voix » de la Francophonie.

L'Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF), est la seule organisation interparlementaire de la Francophonie reconnue comme telle par la Charte de la Francophonie. Sans avoir à ce jour de lien institutionnel avec les sommets, l'APF a toujours été représentée auprès de ceux-ci, et émet des avis de plus en plus rigoureux quant au respect des normes démocratiques.

A ce noyau institutionnel déjà complexe se rattachent directement les opérateurs de la Francophonie, au premier rang desquels l'Agence intergouvernementale de la Francophonie (AIF). Chargée d'intensifier la coopération culturelle et technique entre ses membres, elle intervient comme opérateur principal de la Francophonie dans les domaines suivants : éducation et formation à l'exception de l'enseignement supérieur, culture, sciences et techniques, agriculture, communication, droit, environnement et énergie. Sous la direction du Secrétariat général de l'OIF et des sommets, c'est l'AIF qui est chargée de suivre en pratique les questions relatives aux droits de la personne, à l'établissement de l'Etat de droit et de la démocratie, grâce à la délégation aux droits de l'Homme et à la démocratie (DDHD) que dirige Mme Christine Desouches.

D'autres opérateurs devraient avoir un rôle éminent à jouer dans ce domaine pour peu qu'une impulsion leur soit donnée. Il s'agit de TV5, la télévision internationale francophone qui rassemble TF1, France 2, France 3 pour la France, la RTBF pour la Belgique, la SSR pour la Suisse et le consortium de télévision Québec-Canada. Diffusant 24 heures quotidiennes dans le monde entier (son audience est estimée à plus de 135 millions de foyers), TV5 a pour mission de développer des programmes régionaux répondant aux attentes de publics diversifiés. Les différentes personnalités interrogées sur son rôle en matière de promotion des droits de la personne et de la démocratie se sont montrées réservées. Elles ont déploré l'inadaptation de ses programmes alors que TV5 constitue un instrument très efficace de diffusion des principes démocratiques.

L'Agence universitaire de la Francophonie (AUF), a essuyé les mêmes critiques. Mais ces organismes ont véritablement été encouragés à s'engager dans une démarche volontariste sur la promotion de la démocratie et la défense des droits de la personne par l'OIF qui les chapeaute ?

2) Au niveau français de nombreux intervenants

a) de nombreux organismes

En France, nombre d'organismes, d'institutions, de structures diverses interviennent à des degrés divers sur les aspects politiques de la Francophonie multilatérale. L'OIF comme l'AIF ayant leur siège à Paris, la réaction de la France a un impact immédiat. L'organigramme du dispositif institutionnel français5 ne donne qu'une faible mesure de la série des intervenants dans le secteur de la Francophonie. En France, les aspects politiques de la Francophonie sont, semble-t-il, traités à plusieurs niveaux.

A l'Elysée, par le Président de la République française, qui représente lui-même la France lors des sommets, et par son représentant personnel. M. Maurice Ulrich qui représente la France au CPF. Une autre structure qu'il est question de réformer intervient à titre consultatif : il s'agit du Haut Conseil de la Francophonie (HCF). Instauré en 1984, il a pour mission de « préciser le rôle de la Francophonie et de la langue française dans le monde moderne ». Présidé par le Président de la République, il est composé d'une trentaine de personnalités françaises et étrangères et tient une session annuelle autour d'un thème retenu par le Président de la République. Il est question d'intégrer cet organisme, issu du dispositif institutionnel français dans l'OIF, c'est-à-dire au sein de la Francophonie multilatérale. On peut s'interroger sur l'opportunité de cette démarche visant à intégrer une structure française dont les membres ont été nommés par le Président de la République française au sein de la Francophonie multilatérale.

Au niveau gouvernemental, l'action des différents organismes est coordonnée par le Premier ministre, auprès duquel est placé le Conseil supérieur de la langue française, qui traite surtout des questions culturelles. Les orientations politiques, le niveau et la coordination des aides versées à titre bilatéral et multilatéral aux divers intervenants de la Francophonie fait, selon les personnalités auditionnées, l'objet d'arbitrage entre la Présidence de la République et le Premier ministre après que les services compétents du Ministère des Affaires étrangères et du Ministre délégué à la coopération et à la Francophonie soient intervenus.

C'est au Service des Affaires francophones d'assurer la coordination de l'ensemble. Ce Service est placé sous l'autorité directe du Secrétaire général du Ministère des Affaires étrangères, il est le correspondant officiel des organisations multilatérales de la Francophonie et a pour mission de contribuer à l'élaboration et à la mise en _uvre de la politique française de la Francophonie. Il est responsable de la gestion des fonds affectés aux opérateurs de la Francophonie. Il assure la préparation et le suivi des différentes instances politiques de la Francophonie : Sommet des chefs d'Etat, réunions ministérielles, Conseil permanent de la Francophonie.

La Direction générale de la Coopération internationale et du Développement (DGCID) joue un rôle très important en raison du réseau des services de coopération et des services culturels dont elle dispose, implantés dans un grand nombre de pays.

b) une contribution financière essentielle

La France est le plus important contributeur aux institutions de la Francophonie. Le budget global du Gouvernement français consacré à la Francophonie est supérieur à 1 milliard de francs. Outre ses actions dans un cadre bilatéral en faveur de la Francophonie, les engagements français au titre des institutions de la Francophonie multilatérale s'élèvent pour 2001 à environ 115,86 millions d'euros (760 millions de francs). Le budget des actions bilatérales peut être estimé entre 1,2 milliard et plusieurs milliards de francs selon les critères d'élection qu'on applique.

Sur le budget de 115,86 millions d'euros (760 millions de francs) consacré à la Francophonie multilatérale, une part importante, mais non majoritaire 43,22 millions d'euros (283,5 millions de francs) en 2000 et en 2001 passe par le Fonds multilatéral unique (FMU). Géré par l'Agence intergouvernementale de la Francophonie, le FMU alimente les cinq opérateurs de la Francophonie multilatérale, à savoir : 18,68 millions d'euros (122,5 millions de francs) à l'AIF, 20,96 millions d'euros (137,5 millions de francs) à l'AUF, 1,83 millions d'euros (12 millions de francs) à l'AIMF et 1,75 millions d'euros (11,5 millions de francs) à l'Université Senghor d'Alexandrie), à l'exception de TV5, 57,47 millions d'euros (377 millions de francs).

D'autres financements, environ 15,24 millions d'euros (100 millions de francs) contribuent au développement de la Francophonie. Il s'agit pour les principaux de 68 millions de francs de contribution statutaire à l'Agence de la Francophonie intergouvernementale et 0,18 millions d'euros (1,15 millions de francs) de prise en charge des locaux de cette Agence à Bordeaux ; 1,98 millions d'euros (13 millions de francs) pour l'Agence universitaire de la Francophonie correspondant à la mise à disposition de personnels, 1,22 millions d'euros (8 millions de francs) pour les programmes et le fonctionnement des deux conférences ministérielles spécialisées permanentes de la Francophonie (Education et Jeunesse et Sports) ; 0,63 millions d'euros (4,1 millions de francs) de fonctionnement sur 4 ans pour le Comité international des Jeux de la Francophonie ; 0,27 millions d'euros (1,8 millions de francs) pour l'installation du bureau parisien de l'Agence universitaire de la Francophonie ; 0,23 millions d'euros (1,5 millions de francs) pour le Fonds international de la coopération universitaire de l'Agence universitaire de la Francophonie, et 129 581,66 euros (850 000 francs) pour l'Assemblée des parlementaires francophones.

Outre les subventions allouées par le Service des Affaires francophones du ministère des Affaires étrangères aux associations francophones, les financements bilatéraux de la France en faveur de sa langue et de la francophonie concernent la gestion des 410 établissements scolaires français à l'étranger, l'octroi de bourses scolaires aux élèves francophones des pays du sud par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'animation des 162 établissements culturels répartis dans 170 pays, le soutien à 306 comités et/ou alliances françaises scolarisant 385 000 étudiants dans 136 pays. La somme attribuée à la promotion de la langue française à l'étranger est estimée à 65,86 millions d'euros (432 millions de francs) en 2001. S'y ajoutent les crédits de fonctionnement accordés aux services et organismes liés à la Francophonie : Haut Conseil de la Francophonie, 0,76 millions d'euros (5 millions de francs), Délégation générale à la langue française, 0,15 million d'euros (1 million de francs) et l'appui accordé à RFI, 68,91 millions d'euros (452 millions de francs), CFI (22,52 millions d'euros (147,7 millions de francs), RFO au titre de l'audiovisuel extérieur (hors TV5).

D'après le ministère des Affaires étrangères, le montant des crédits a crû de manière différenciée selon les secteurs sur les cinq dernières années. Les crédits bilatéraux n'ont pas progressé de manière très significative tandis que les crédits consacrés à l'action multilatérale de la France ont bénéficié de soutien accru apporté à TV5.

La contribution française au Fonds multilatéral unique n'a pas connu d'évolution sensible. Alors qu'elle s'établissait à 36,66 millions d'euros (240,5 millions de francs) lors du biennum 1996-1997, elle est passée à 43,22 millions d'euros (283,5 millions de francs) par an lors du biennum 1998-1999, et est identique pour le biennum en cours (2000-2001). Le montant des crédits de l'exercice 2002 n'est pas encore arrêté car il sera fixé à la conférence ministérielle francophone qui devrait avoir lieu prochainement.

Dans le cadre de la Francophonie multilatérale la France utilise un système de contributions dites fléchées c'est-à-dire attribuées à tel ou tel poste pour une action ou un projet déterminé. Malgré ses efforts et ceux d'autres pays membres la lourdeur des structures de la Francophonie multilatérale, l'absence de culture de l'évaluation comme la répugnance à évoquer les sujets non consensuels n'ont pas jusqu'ici permis à la Délégation aux droits de l'Homme et à la démocratie de jouer pleinement son rôle.

B - Des compétences concurrentes entre plusieurs structures

Il revient au Secrétaire général de l'OIF et à la délégation aux droits de l'Homme et à la démocratie (DDHD) de suivre les questions de droits de la personne et de promotion de la démocratie.

1) Le rôle du Secrétariat général de l'OIF dans la promotion des droits de la personne et des principes démocratiques dans l'espace francophone.

D'après les documents transmis par l'OIF et l'AIF, le rôle du Secrétariat général de l'OIF et du Secrétaire général lui-même dans l'évaluation des atteintes aux droits de la personne et aux principes démocratiques dans l'espace francophone est capital. Aux termes de son mandat, il met en _uvre l'action politique et diplomatique de la Francophonie dans les conditions prévues par la Charte qui est assortie d'un programme d'actions intégrant l'approfondissement de la démocratie, la consolidation de l'Etat de droit et le respect effectif des droits de la personne.

Selon le Rapport du Secrétaire général de l'OIF pour la période précédente le Sommet de Moncton, la consolidation de l'Etat de droit et du processus démocratique passe par l'accompagnement des processus électoraux, par un soutien aux institutions impliquées dans l'organisation et le contrôle des élections et par des missions d'observation des élections. La promotion des droits de la personne s'effectue surtout en amont par des actions de formation des juristes, l'organisation de colloques et de séminaires de réflexion.

Dans la situation de crise ouverte de la démocratie l'envoi de facilitateurs est l'une des procédures utilisées par l'OIF pour essayer de concilier opposition et gouvernement en place (ce fut le cas au Togo, en Côte d'Ivoire, en République du Congo, au Burundi, etc.)

Lors de son entretien avec votre Rapporteure, M. Boutros Boutros-Ghali, Secrétaire général de l'OIF, a paru surtout préoccupé par la démocratisation des relations internationales mondiales. Les nouvelles conditionnalités liées au respect de la démocratie et des droits de la personne pèsent selon lui surtout sur les pays les plus faibles. D'après lui il faut de l'imagination pour réaliser la misère du Tiers monde. La pauvreté et le sous-développement freinent l'établissement de normes démocratiques, il convient de se garder de toute vision européanocentrée. Si l'on suit jusqu'au bout le raisonnement du Secrétaire général de l'OIF, le développement économique doit précéder l'ouverture politique.

Cependant la seule pauvreté n'explique pas la cruauté et le degré de corruption de certains régimes politiques. Le Secrétaire général de l'OIF a semblé assez en retrait sur les évolutions souhaitables de la Francophonie politique et peu enclin à conditionner les aides au respect de certaines normes. Il s'est montré très prudent quant à l'application d'un devoir d'ingérence en cas de crise de la démocratie et de violation des droits de la personne. C'est pourquoi le fait que la délégation aux droits de l'Homme et à la démocratie (DDHD) soit placée directement sous son autorité semble constituer un frein à une action plus volontariste de cette structure.

2) Une structure hybride la délégation aux droits de l'Homme et à la démocratie (DDHD)

Créée en 1989 avec une dotation de 2 millions de francs, la délégation aux droits de l'Homme et à la démocratie a tout d'abord été rattachée à l'ACCT, actuelle Agence intergouvernemental de la francophonie (AIF). Depuis 1997 elle est placée sous l'autorité du Secrétaire général de la Francophonie pour certaines actions qui semble-t-il ne relèvent pas de la direction de la coopération juridique et judiciaire de l'Agence. Toutefois toute la logistique (locaux, secrétariat etc.) de la DDHD repose sur l'Agence.

Actuellement la DDHD assure la direction des programmes des projets suivants : accompagnement des processus démocratiques, adaptation du cadre institutionnel et appui aux institutions de contrôle, de régulation et de médiation, coopération interparlementaire, renforcement des capacités électorales nationales, observations des élections et développement de la culture démocratique, de la bonne gouvernance et de la paix.

En outre la DDHD s'est vu confier après le Sommet de Moncton la mise en place d'un Observatoire francophone de la démocratie chargé de collecter, structurer et diffuser des informations sur l'évolution institutionnelle et politique des Etats membres de la Francophonie

La double tutelle à laquelle la DDHD est soumis est unanimement critiquée et ne satisfait ni les Etats membres, ni les responsables de AIF ni la société civile. Elle limite l'action de la délégation et génère une confusion qui se retourne contre l'ensemble des institutions concernées accusées tour à tour ou de laxisme ou d'incompétence. D'après la Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH) ce système repose sur un énorme malentendu. On a décidé de scinder coopération judiciaire et juridique, et mise en _uvre des droits de l'Homme et de la démocratie que la DDHD doit promouvoir. L'AIF est chargée de la mise en _uvre des programmes de coopération juridique et judiciaire et entre en concurrence avec l'Agence universitaire de la Francophonie (AUF) qui doublonne chacune de ses initiatives.

Cette situation peu satisfaisante est aggravée par le manque de moyens humains de la DDHD qui, forte de cinq responsables de projet et de quatre secrétaires est obligée de sous-traiter avec des fortunes diverses, nombre d'actions utiles telle la formation de juristes et le suivi des processus électoraux. La rationalité du choix des sous-traitants est parfois aléatoire. Plusieurs responsables d'ONG françaises se sont étonnées du peu de représentativité des membres de la société civile avec lesquels régulièrement la DDHD coopère (ONG locales peu représentatifs, observateurs des élections peu objectifs, etc.). Même si on n'adhère pas à l'ensemble de ces critiques, celles-ci témoignent de dysfonctionnements majeurs.

Auditionnant M. Roger Dehaybe, Administrateur général de l'AIF en présence de Mme Christine Desouches, déléguée aux droits de l'Homme et à la démocratie, votre Rapporteure a été frappée par la netteté des différences d'approches entre l'AIF et l'OIF autrement dit entre M. Roger Dehaybe et M. Boutros Boutros-Ghali. Pour M. Roger Dehaybe, l'évolution de la Francophonie institutionnelle sur les droits de la personne est très récente. Jusqu'au milieu des années quatre-vingt-dix il fallait coûte que coûte privilégier dialogue et approche consensuelle. On ne pouvait évoquer la politique intérieure des Etats que mezzo voce.

D'après M. Roger Dehaybe la réforme des institutions de la Francophonie a favorisé de timides évolutions, mais sans instauration d'une discrimination positive en matière d'aide, ce qu'il a paru regretter. Ainsi le Bénin ne s'est pas vu accorder une aide plus substantielle des institutions de la Francophonie depuis qu'il s'est démocratisé. Le respect des droits de la personne et des principes démocratiques n'est donc toujours pas un critère fondamental d'appartenance à la Francophonie et d'attribution prioritaire d'aide.

Comment avec de telles contradictions et avec si peu de moyens la DDHD peut-elle fonctionner ? Certes elle accomplit un réel travail de formation des juristes, d'échanges, de renforcement des capacités électorales avec des programmes utiles portant sur l'établissement d'un état-civil, sur les commissions électorales nationales indépendantes, etc. Mais ce travail effectué sans ligne directrice claire s'apparente à du saupoudrage et manque de lisibilité. Cette approche trop consensuelle stigmatisée par les ONG et les médias ne porte pas ses fruits. Celles-ci s'interrogent en outre sur le fonctionnement de l'Observatoire francophone de la démocratie dont il est impossible de cerner le rôle. Il semble que cette instance n'ait pas fonctionné faute de moyens ou de réelle volonté politique.

II - UN MANQUE DE CRÉDIBILITÉ DES INSTITUTIONS DE LA FRANCOPHONIE

Les institutions de la Francophonie existent depuis plus de trente ans, dessinant un espace francophone fondé sur la communauté linguistique et culturelle au sens large. L'adhésion à cet espace n'est juridiquement soumise à aucune condition politique, telle l'existence d'un régime démocratique et/ou le respect des droits de la personne. Depuis 1997, la Charte de la Francophonie s'est donné pour objectif le respect de ces principes.

Cependant, tant lors des auditions que durant sa mission en Afrique, votre Rapporteure a constaté que les évolutions salutaires des mentalités n'avaient pas été prises en compte et que les actions des institutions de la Francophonie dans ce domaine essentiel manquaient de crédibilité, de lisibilité et d'efficacité.

A - Une adhésion à l'espace francophone non soumise à condition

1) Un paradoxe : l'absence de condition politique à l'adhésion à l'espace francophone

Comme le respect des droits de la personne et des principes démocratiques n'a jamais été une condition préalable à l'adhésion aux institutions de la Francophonie, une grande partie des Etats qui en sont membres sont loin de les respecter. Il suffit de rappeler qu'en avril 2001, le Soudan sollicitait instamment un statut d'observateur au sein des institutions de la Francophonie suscitant l'embarras. Devant le refus des Canadiens, il renonça, se contentant d'être associé au Sommet des chefs d'Etat comme simple invité.

La participation aux sommets de la Francophonie de certains chefs d'Etats stigmatisés pour les violations aux droits de la personne commises par leur gouvernement est source d'interrogation et de critiques, comme ce fut le cas lors du Sommet de Moncton. Qui peut sérieusement prétendre aujourd'hui que le Burkina Faso, le Cameroun, le Congo Brazzaville, la République Démocratique du Congo, la Côte d'Ivoire, Djibouti, la République centrafricaine, le Gabon, la Guinée-Conakry, le Nigeria, le Tchad, le Togo, la Tunisie, le Vietnam, sont des Etats de droit où règnent bonne gouvernance et respect des droits de la personne ? Qui peut soutenir que leur évolution dans ce domaine est encourageante ?

Dans plusieurs Etats membres de la Francophonie, à des degrés divers, les libertés publiques sont systématiquement bafouées : censure, corruption, élections truquées, emprisonnement d'opposants politiques, voire assassinats de journalistes de défenseurs des droits de la personne ou de témoins gênants. Guerres civiles et coups d'Etat comme au Congo et en République Démocratique du Congo font de nombreuses victimes. Il suffit pour s'en convaincre de lire les rapports concordants et non contestés de la FIDH, d'Amnesty International ou de Human Rights Watch.

Certes, il ne s'agit pas de mener des politiques systématiques de sanctions et d'exclusions d'Etats de l'espace francophone, mais d'éviter que les institutions de la Francophonie soient perçues par les populations victimes comme des auxiliaires de certains régimes - ce qui malheureusement semble être le cas, si l'on en croit deux éminents écrivains francophones, MM. Mongo Beti et Ahmadou Kourouma. Le premier a décrit « la francophonie officielle, avec ses beaux discours, ses rutilantes institutions, ses beaux messieurs, ses belles dames » comme « un écran de fumée derrière lequel on veut justifier des liens étroits avec les dictatures » ; le deuxième a rappelé qu'en Afrique, la Francophonie était vécue « comme un phénomène étatique par les populations. Demander aux Etats d'appliquer les principes de respect des droits de l'Homme relève de l'impossible car ils les violent ».

Cette ambiguïté a été soulignée par M. François-Xavier Verschave : « la langue des droits de l'Homme, la langue de Cassin est devenue celle de pratiques qui vont à l'encontre de ces droits ». Selon lui, le risque de rejet du français en tant que langue d'oppression est réel dans certains pays africains.

2) Des institutions peu réactives aux évolutions

Selon Ahmadou Kourouma, la chute du Mur de Berlin et le discours de La Baule ont changé la donne en Afrique. Les diverses conférences nationales ont révélé combien les populations étaient attachées au respect des droits de la personne. Les nécessités de la guerre froide, qui condamnait les anciennes puissances coloniales à ménager tel ou tel dictateur, qui pouvait obtenir ce qu'il voulait, n'ont plus cours.

Les débats provoqués par l'extradition du général Pinochet, l'émergence d'une justice internationale destinée à lutter contre la culture de l'impunité, font apparaître une contradiction entre les positions prises par la France dans les enceintes internationales et celles prises à l'égard de certains membres des organisations francophones.

D'après M. Ahmadou Kourouma, les peuples sont prêts et aspirent à plus de justice et de démocratie, malgré certains soubresauts. Les institutions de la Francophonie répondent-elles à cette aspiration ? Cela ne semble pas être le cas.

Pour M. Mongo Beti, « le français, en Afrique, c'est la langue du béni-oui-ouisme, celle qui assigne aux Noirs pour seule posture le garde-à-vous. Disons-le tout net : le néo-colonialisme, c'est-à-dire la volonté de maintenir à tout prix l'Afrique dans un rapport de subordination, a cru pouvoir prendre prétexte du succès de la langue française dans ces pays pour couvrir et justifier sa volonté de puissance ».

Sans prendre entièrement à son compte cette critique virulente, votre Rapporteure estime en effet que le complexe du colonisateur paralysant toute critique des régimes totalitaires n'est plus de mise. Le double langage que les institutions de la Francophonie tiennent est malsain. Même très pauvres et souvent analphabètes, les populations du Sud aspirent à plus de justice et paient fort cher le prix de la corruption de leurs dirigeants. A un certain niveau, la corruption, l'absence d'Etat de droit paralysent le développement, empêchant tout investissement productif, comme l'a rappelé M. Daniel Dommel, président de la section française de Transparency international.

Face au contrepouvoir des ONG et à la mondialisation, les institutions de la Francophonie n'ont pas encore trouvé de réponse appropriée. Leurs relations avec les ONG ne sont ni systématisées ni clarifiées. La Conférence de l'OMC à Seattle, les réunions des institutions financières internationales à Prague, à Washington et celle du G7 à Gênes ont démontré que la présence de la société civile quelle qu'elle soit est incontournable. La Conférence de Durban a révélé au monde entier le pouvoir de nuisance d'une relation mal maîtrisée avec les sociétés civiles de certains pays du Sud.

La Francophonie ne pourra pas faire l'économie d'une réflexion à ce sujet. Le dialogue des cultures, thème du prochain Sommet de la Francophonie à Beyrouth passe par l'examen minutieux des attentes parfois contradictoires de populations des Etats membres. Des ONG se sont constituées et tentent de s'affirmer. Elles peuvent être soit de précieux alliés soit des forces destructrices. Il est important de les connaître.

La FIDH, Amnesty International, Reporters sans Frontières espèrent à l'avenir qu'un forum des ONG se tiendra lors des sommets de chefs d'Etat et de gouvernement ayant le français en partage. La FIDH a dit sa disponibilité à aider les instances de la Francophonie dans leur action de coopération avec la société civile des pays où elles sont implantées. Fustigeant l'unilatéralisme américain à propos de la Cour pénale internationale, Human Rights Watch a exprimé des attentes similaires. La Francophonie institutionnelle ne pourra pas évoluer sans une prise en compte de ces acteurs non étatiques qui participent eux aussi au rayonnement de la langue française. Elle est une des rares organisations multilatérales sans lien institutionnel avec les ONG ce qui a souvent tendu ses relations avec elles. Une réflexion à ce sujet doit être menée sans tarder.

3) Des règles de conditionnalité de l'aide insuffisantes

La Francophonie officielle se targue à juste titre d'agir en amont en formant des juristes pour conférer un cadre sécurisant au développement économique. Mais celui-ci est freiné par la corruption rarement dénoncée en tant que telle par les institutions de la Francophonie. Ceci alimente des critiques virulentes sur l'existence de réseaux renvoyant à l'époque coloniale qui nuisent à la crédibilité de la Francophonie officielle.

M. Daniel Dommel, directeur de la section française de Transparency international s'est déclaré convaincu de l'importance du lien entre défense de la démocratie et lutte contre la corruption. Les dégâts provoqués par la corruption sont perçus par les populations qui les vivent au quotidien. Sont ainsi détournés des fonds publics, parfois même l'aide étrangère entraînant des réactions en chaîne de retrait des donateurs et des investisseurs, ce qui ralentit le développement.

Dans plusieurs pays de l'espace francophone comme le Cameroun, la Côte d'Ivoire, la Guinée, la corruption se banalise au point que celui qui la dénonce prend des risques. Lors de sa mission en Afrique, votre Rapporteure a été frappée par la virulence de la dénonciation par ses interlocuteurs de la corruption de certaines instances étatiques (justice, police, etc.). Or les institutions de la Francophonie qui n'explicitent ni leurs règles de conditionnalité, ni la manière dont elles évaluent leurs actions ne font pas preuve de vigilance et de pédagogie en l'espèce.

Votre Rapporteure n'a cessé d'interroger différentes personnalités auditionnées, comme M. Boutros Boutros-Ghali, secrétaire général de l'Organisation internationale de la Francophonie, M. Roger Dehaybe, administrateur général de l'Agence intergouvernementale de la Francophonie (AIF) et Mme Christine Desouches, déléguée aux droits de l'Homme et à la démocratie à l'AIF, sur les critères retenus par les institutions de la Francophonie pour attribuer des aides et décider de participer au financement de tel ou tel projet. Elle n'a pu obtenir de réponse précise sur les critères d'attribution de ces aides. Elle a constaté l'existence de nombreux projets, d'une multiplication de séminaires de formation de juristes, probablement utiles menée par les institutions de la Francophonie sans que l'impact de ces actions soit évalué clairement, même si l'Agence intergouvernementale de la Francophonie s'efforce de promouvoir une culture de l'évaluation.

Pourquoi ne pas subordonner l'attribution de certaines aides, voire le financement de certains projets au respect de normes précises édictées par les conventions internationales protectrices des droits de la personne signées et ratifiées par la plupart des pays appartenant à l'espace francophone ? Pourquoi les micro-projets ne sont-ils pas privilégiés par les institutions officielles de la Francophonie ? Pourquoi s'appuient-elles si peu sur la société civile qui les ignore totalement ? Au Togo, le Bureau régional de l'AIF est connu de quelques étudiants et des autorités, son action n'a pas de visibilité.

Pourtant la question des conditionnalités de l'aide a été posée dans de multiples enceintes. Récemment le Haut Conseil de la Coopération Internationale (HCCI) s'est penché sur la question et a rendu le 10 juillet 2001 un avis équilibré sur le thème « Coopération internationale et droits de l'Homme » qui pourrait guider les opérateurs de la Francophonie. Rappelant que les droits de l'Homme devraient être une composante clé de la coopération internationale, le HCCI s'est prononcé en faveur de conditionnalités négociées et contractualisées. Il a recommandé une plus grande cohérence entre la pratique bilatérale de la France et ses positions dans les enceintes multilatérales. De même il a demandé une amélioration de l'efficacité des sanctions pour en limiter les effets sur les populations civiles. Il a préconisé en outre l'organisation du dispositif de coopération français de telle sorte que la question des droits de la personne soit davantage prise en compte. Cette approche devrait être celle de la France au sein des institutions multilatérales de la Francophonie.

B - Un manque de lisibilité des actions en faveur de la démocratie

1) Une absence de crédibilité des missions d'observation des élections

Les institutions de la Francophonie se sont donné comme but de développer des mécanismes de suivi et d'accompagnement des transitions démocratiques : aides aux Parlements, aux cours constitutionnelles, formation de magistrats... Toutefois ces pratiques innovantes et utiles ont été ternies par l'absence de crédibilité des missions d'observation des élections effectuées sous leur égide.

Certes, chacun, M. Boutros Boutros-Ghali, secrétaire général de l'Organisation Intergouvernementale de la Francophonie (OIF), M. Roger Dehaybe, administrateur général de l'Agence Internationale de la Francophonie (AIF), Mme Christine Desouches, déléguée aux droits de l'Homme et la démocratie, comme la Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH), Reporters sans Frontières (RSF), Amnesty International ont souligné la nécessité de la présence de nombreux observateurs internationaux des élections, en amont c'est-à-dire lors de l'établissement des listes électorales, pendant la campagne, au cours du scrutin et pendant la proclamation des résultats.

Pourtant, la FIDH a fait valoir qu'il était dérisoire de fonctionner, comme le font les institutions de la Francophonie, à quelques observateurs qui s'en tiennent le plus souvent au programme défini par les autorités locales, alors que, pour ce type d'opération, l'Organisation pour la Sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ou le Commonwealth en envoient au moins cinquante qui quadrillent le pays ou renoncent à être présents. Reporters sans Frontières a ironisé sur l'attitude de certains observateurs envoyés par les institutions de la Francophonie et qui suivent un programme établi par les autorités sans tenter de s'en affranchir.

Conscientes de ces difficultés les institutions de la Francophonie se sont appliquées à effectuer des missions d'observation des élections dans un Etat donné, quand d'autres organisations (ONU, l'Union européenne ou OUA) font de même. Malgré cette précaution des dérapages se sont produits et ont fortement entamé le crédit de la Francophonie officielle.

Reporters sans Frontières a fustigé certaines de ces missions en évoquant les élections présidentielles au Togo en 1998. En effet, dans un premier temps, les observateurs des institutions de la Francophonie avaient fait savoir qu'ils n'avaient rien remarqué d'anormal. Ils avaient dû à leur retour réviser in extremis leur première impression favorable devant l'attitude plus critique des observateurs dépêchés par l'Union européenne qui avaient émis des doutes sur la régularité du scrutin.

En effet, après les élections présidentielles de juin 1998, les deux candidats, le Président sortant M. Gnassimbe Eyadema et l'opposant M. Gilchrist Olympio s'étaient autoproclamés vainqueurs, le parti du Président sortant étant accusé d'empêcher le dépouillement, une polémique avait éclaté. Amnesty international a accusé le régime d'avoir procédé après ces élections truquées à des exécutions extrajudiciaires.

La présence d'observateurs de la Francophonie lors des élections présidentielles de Guinée-Conakry en décembre 1998 a été également mise en cause d'autant que le principal opposant au Président Lansana Conte au pouvoir depuis 1984, M. Alpha Condé, fut jeté en prison après le scrutin et n'en est sorti que récemment. La FIDH a fait observer que rien n'obligeait la Francophonie à effectuer de telles missions, ni à choisir systématiquement les mêmes personnalités pour les accomplir.

Le Secrétaire général de l'Assemblée Parlementaire de la Francophonie (AIF), organisation souvent sollicitée pour envoyer des missions d'observation des élections, a souhaité l'établissement d'une déontologie stricte quant à leur organisation, convenant de la nécessité de procéder à des missions préparatoires pour ne pas cautionner des élections dont on sait par avance que les conditions d'équité et d'honnêteté ne sont pas réunies. Selon lui, les institutions de la Francophonie ne doivent pas agir seules en ce domaine.

Il est à craindre que l'attitude des observateurs de la Francophonie lors de l'élection présidentielle au Tchad, le 22 mai 2001, ne contribue à renforcer la prévention des défenseurs de la démocratie et des droits de la personne à l'égard des institutions francophones. En effet, ceux-ci, dès le 22 mai 2001, notaient que le scrutin avait eu lieu dans le calme et la sérénité, malgré des insuffisances d'ordre technique, alors que les observateurs nationaux dénonçaient un scrutin « entaché d'irrégularités très graves, tendant à compromettre sa crédibilité ». Quelle est la validité d'un scrutin qui a abouti à l'emprisonnement de tous les candidats de l'opposition par le supposé vainqueur de l'élection ?

La manière dont les institutions de la Francophonie géreront les problèmes posés par les prochaines élections législatives au Togo, pays où l'Agence Intergouvernementale de la Francophonie dispose d'un bureau régional sera éclairante. Certes, l'envoi de facilitateurs du dialogue politique intertogolais et le soutien apporté à la commission électorale nationale indépendante (CENI) prévue par le nouveau code électoral adopté en avril 2000, ont été appréciés par le Président de l'Assemblée nationale, M. Natchaba et celui de la CENI, M. Zunu, rencontrés par votre Rapporteure, mais l'absence de visibilité de l'action des organisations de la Francophonie en matière de respect de la démocratie a été soulignée par les représentants des ONG et les journalistes rencontrés. Ils auraient souhaité une plus forte implication des institutions francophones au Togo.

2) Un faible soutien à la liberté d'expression

Tous les interlocuteurs rencontrés par votre Rapporteur ont insisté sur les effets bénéfiques de la liberté d'expression dans la construction de la démocratie et de l'Etat de droit. Or comme l'a fait observé Reporters sans Frontières (RSF) dans l'espace francophone plus d'une quinzaine d'Etats violent la liberté de la presse : le Burkina Faso, le Cameroun, le Congo, la Côte d'Ivoire, Djibouti, le Gabon, la Guinée équatoriale, la Guinée Conakry, Haïti, le Laos, la Mauritanie, la République Centrafricaine, la République démocratique du Congo, le Rwanda, le Tchad, le Togo, la Tunisie et le Vietnam. Si dans ces pays les atteintes à la liberté de la presse ne sont pas toutes de la même gravité, elles ont en commun de porter un coup sévère au processus démocratique.

Les mesures prises à l'encontre des médias qui déplaisent aux pouvoirs en place vont de l'étranglement financier (augmentation des taxes sur le papier et suppression de la publicité) à l'emprisonnement (cas de près d'une centaine de journalistes) voire à l'assassinat de journalistes comme Norbert Zongo, directeur de l'Indépendant au Burkina Faso, ou Jean Dominique, journaliste à Radio Haïti international.

L'affaire Zongo est particulièrement significative puisque celui-ci fut brûlé vif dans sa voiture en décembre 1998 avec trois autres personnes alors qu'il menait une enquête sur la mort non élucidée du chauffeur du frère du Président Blaise Compaoré. Cette affaire a catalysé le mécontentement populaire et fragilise encore et à juste titre le régime en place.

Ces pratiques sont tellement répandues dans l'espace francophone qu'il est rare de trouver un journaliste indépendant qui n'ait pas eu maille à partir avec la justice de son pays. Or les média ont un rôle capital à jouer dans la construction de la démocratie. L'état de la liberté de la presse est un indicateur précieux, de celui de la démocratie. Ainsi Mongo Beti expliquait qu'au Cameroun les médias populaires, radios et télévision, étaient confisqués par le pouvoir à son unique bénéfice faisant par contrecoup de l'anglais la langue de la liberté d'expression.

M. Robert Menard, directeur de RSF a d'ailleurs stigmatisé l'absence de réaction des institutions de la Francophonie face aux atteintes à la liberté d'expression. Ce constat, votre Rapporteure l'a fait aussi au cours de son déplacement au Togo où l'emprisonnement du journaliste Lucien Messan n'avait pas soulevé de critique de la part de la Francophonie officielle. Celle-ci ne s'est pas émue outre mesure des dispositions de la nouvelle loi sur la presse moins libérale que la précédente et qui a permis l'interdiction de plusieurs journaux.

Comme le rappelait Mme Lotte Leicht, directrice de Human Rights Watch, la Francophonie devrait se donner comme priorité la promotion de la liberté d'expression. TV 5 pourrait y participer davantage en diffusant des programmes sur le thème des droits de la personne et de la démocratie. Des émissions un peu plus incitatives et éducatives sur ces sujets seraient très utiles.

Les institutions de la Francophonie ont tendance à aider les médias officiels qui pourtant disposent du soutien de l'Etat. Dans plusieurs pays les rares journaux indépendants y voient une prime à la censure. Lors de sa mission en Afrique, votre Rapporteure s'est entretenue avec plusieurs journalistes qui ont exposé leurs difficultés. En Côte d'Ivoire, pays où un observatoire de la liberté de la presse de l'éthique et de la déontologie (OLPED) a été créé pour éviter les graves dérives qu'a connues le Rwanda, les journalistes ont déploré le manque de moyens de la presse. L'absence d'action de la Francophonie, à l'exception d'un fonds ancien dont l'attribution a été contesté, a été regrettée alors que l'Union européenne a mis en _uvre un programme de formation via la fondation Friedrich Ebert. Cependant ce programme s'adresse à tous les journalistes et favorise indirectement les médias officiels en Côte d'Ivoire mais aussi en Tunisie. Ceci est d'autant plus regrettable que la liberté d'expression est un facteur essentiel du pluralisme politique et de la lutte contre la corruption.

C - Des atteintes graves aux droits de la personne insuffisamment dénoncées par les institutions de la Francophonie

1) Les trafics d'enfants

Lors de sa mission en Côte d'Ivoire, au Togo et au Bénin, votre Rapporteure a été frappée par l'ampleur des trafics d'enfants, véritables esclaves vendus à des passeurs sans scrupules. Or s'il est des domaines sur lesquels la Francophonie doit se montrer active c'est bien celui-là. Depuis avril 2001 le scandale de l'Etireno, bateau refoulé par les autorités gabonaises et transportant un nombre important d'enfants clandestins à son bord a eu le mérite de sensibiliser les médias et l'opinion publique nationale et internationale sur un trafic qui existe depuis de nombreuses années en Afrique de l'Ouest et qui a augmenté avec la crise et les facilités qu'offre l'ouverture des frontières.

Au Togo comme au Bénin ce trafic se développe tant à l'intérieur du pays, des campagnes vers les villes qu'entre ces pays et leurs voisins plus riches, Côte d'Ivoire, Nigeria, Gabon. Il est difficile de lutter contre ce phénomène dont les racines sont culturelles et parfois religieuses. Au Bénin, le travail des enfants dans les familles était considéré comme un mode d'apprentissage. L'enfant appelé vidomegon était envoyé dans un cadre familial ou dans une famille alliée plus aisée pour lui donner une meilleure éducation et lui préparer un avenir plus facile. C'est ainsi que M. Siene, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, a pu bénéficié d'une éducation soignée mais lui-même a reconnu que cette tradition a été détournée de ses objectifs.

A la fin des années quatre-vingts, cette pratique s'est dévoyée en raison de la détérioration des conditions matérielles de vie et des effets pervers de la mondialisation. Ainsi pour des sommes allant de 150 à 250 FF soit un mois de salaire, des parents surchargés d'enfants les confient à des passeurs qui promettent de prendre en charge leur éducation. Ces passeurs de nationalité togolaise, béninoise, nigériane ou gabonaise, sont au service d'exploitants agricoles à qui les enfants sont cédés pour des sommes allant jusqu'à 3 000 FF. Ces enfants sont utilisés par leur maître comme main d'_uvre à bon marché dans des plantations, des entreprises ou comme employés de maison. Dans certains cas le trafic peut alimenter des réseaux de prostitution infantile ou/et exploitation sexuelle.

Les filles constituent les deux tiers de cette population d'enfants car on privilégie les garçons quand il est possible de les envoyer à l'école. Un certain nombre de filles sont contraintes de travailler pour se conformer à des pratiques traditionnelles tel le passage par un couvent Vaudou au Bénin. En raison d'une dette accumulée envers le sorcier du village, une famille lui livre une fille, véritable esclave du maître pendant plusieurs années. Au Togo et au Ghana elles sont contraintes de se conformer au rituel Trokossi qui consiste à les consacrer aux fétiches dès l'âge nubile. Elles sont l'objet de cérémonie et seul le maître féticheur décide de leur mariage. Durant leur séjour au « couvent » elles sont considérées comme des esclaves. Il existerait même des pratiques traditionnelles qui exigeraient du sang humain de jeunes enfants ou l'utilisation de certains de leurs organes.

D'après M. Marc Beziat, délégué général du Comité contre l'esclavage moderne (CCEM) rencontré au Bénin et entendu par votre Rapporteure, l'UNICEF estime à 200 000 le nombre d'enfants victimes chaque année de trafic en Afrique de l'Ouest et du Centre. La pauvreté, les motivations économiques, les valeurs et les traditions, la crise du système éducatif peuvent expliquer la croissance de ce trafic. D'après lui le danger qui pèse sur l'enfant n'est pris en compte ni pas ses parents ni par la société et les autorités. Ce trafic se développe dans un environnement législatif et politique peu concerné par la question. Un vide juridique inquiétant sur la qualification du trafic et une justice peu prompte à le sanctionner sur d'autres bases favorisent le sentiment d'impunité des trafiquants. En général les enfants sont convoyés par petits groupes, quand les convois sont plus importants, ils sont entassés dans de très mauvaises conditions et promis à des travaux pénibles.

Au Togo et au Bénin, pays d'origine des enfants, un début de prise de conscience de l'inhumanité de ce trafic semble se dessiner. Au Bénin les représentants de la société civile comme les autorités politiques ont largement reconnu l'importance du phénomène tout en se disant juridiquement démunie pour lutter contre alors que ce pays a ratifié toutes les conventions concernant les droits de l'enfant. Les quelques mesures de coopération régionale prises ont permis le démantèlement de réseau mais le trafic reste florissant. Son ampleur est mal connue.

Les enfants victimes de la traite partent généralement du Togo ou du Bénin et sont convoyés en Afrique de l'Ouest mais aussi en Libye, en Arabie Saoudite, en France et en Allemagne. De nombreux enfants subissent des sévices graves. Mme Aho, directrice de la protection et de la promotion de la famille et de l'enfant au sein du ministère des Affaires sociales du Togo a dénoncé les violences et sévices dont ils sont victimes au Togo même et ailleurs. Elle a montré à votre Rapporteure des documents insoutenables prouvant la réalité des traitements inhumains infligés à ces enfants.

Mme Aho s'efforce de lutter contre ce trafic mais dispose de moyens dérisoires. Elle a mis au point un programme d'information de la population et tente avec son homologue béninois de régler le cas douloureux des enfants du bateau Etireno. Ils sont âgés de 5 à 13 ans et votre Rapporteure les a rencontrés à Cotonou dans le centre de Terre des Hommes construit par l'Union européenne. M. Gonzales, délégué de Terre des Hommes pour le Togo et le Bénin y a exposé les méthodes de cette ONG pour sauver les enfants, notamment ceux qui vivent et travaillent dans les rues. Selon lui, l'affaire de l'Etireno a certes mis en lumière le trafic transfrontalier des enfants fournissant une main d'_uvre à bon marché dans les plantations de Côte d'Ivoire et du Nigeria mais il ne constitue que « la partie émergée de l'iceberg. » Le caractère massif de l'exploitation des enfants et particulièrement de fillettes en Afrique de l'Ouest est inquiétant.

Les moyens de lutte contre l'esclavage des enfants qui aboutit souvent à la prostitution sont dérisoires, les autorités togolaises et béninoises rencontrées en conviennent. A aucun moment les institutions de la Francophonie n'ont été citées comme des opérateurs majeurs dans la lutte contre ces atteintes aux droits de la personne pourtant les instruments internationaux de cette lutte existent et le Togo comme le Bénin les ont ratifiés. L'UNICEF et l'Organisation internationale du travail (OIT) connaissent le problème. L'OIF et l'AIF pourraient favoriser l'émergence d'une coopération régionale dans ce domaine.

Les institutions de la Francophonie pourraient quant à elles favoriser l'adoption d'une convention à l'échelle régionale visant à faire reculer le trafic de main d'_uvre car les pays qui sont à l'origine de ce trafic doivent l'éradiquer en se dotant de moyens juridiques et policiers adaptés. Ceci implique des actions de formation coordonnée de policiers, de magistrats, d'assistantes sociales et la mise en place généralisée d'un programme d'information des populations rurales sur les risques encourus par les enfants ainsi vendus à des passeurs sans scrupules.

Les débats avec les représentants de la société civile au Togo comme au Bénin ont montré que l'évolution des mentalités peut être accélérée par des campagnes d'information sur les dangers encourus par les enfants vendus. Les sociétés béninoises et togolaises ne sont pas si insensibles que cela aux pressions venues de l'extérieur et certains interlocuteurs ont admis qu'il était désormais difficile pour les citadins de se procurer une main d'_uvre gratuite, certains parents commencent en effet à refuser de laisser partir leurs enfants. Ce début de prise de conscience est encourageant, il convient donc de développer des actions de coopération ciblées que pour l'instant seule l'Union européenne et quelques ONG ont entreprises.

Un projet de coopération soutenu par plusieurs ministères français devrait à tout le moins être mis en _uvre par les services de coopération et d'action culturelle pour lutter contre ces trafics. A défaut d'une implication plus forte des institutions de la francophonie officielle, une action concrète s'impose en France.

2) Le statut précaire des femmes

Dans toute l'Afrique francophone les failles du système d'éducation aggravé par la pauvreté frappent plus durement les filles qui sont rapidement déscolarisées et placées comme petites bonnes ou vendeuses ambulantes, souvent contraintes à la prostitution par leur patron. Il existe d'ailleurs des réseaux internationaux de prostitution exportant des Béninoises et des Nigérianes jusqu'en Europe.

Dans bien des pays membres de l'espace francophone, la condition des femmes n'est guerre enviable. Si elles ont régressé dans les pays qui ont pris des mesures pour les éradiquer, les mutilations génitales féminines subsistent. Au Mali, au Burkina Faso et dans la plupart des pays de la zone un très grand nombre de fillettes et même de bébés les subissent. Certains pays les ont interdites mais elles sont pratiquées clandestinement. Le 10 septembre 2001, le Parlement européen a adopté une résolution sur les mutilations génitales féminines demandant de prendre des mesures pour combattre ce phénomène, pour soutenir les femmes qui en sont victimes et surtout pour leur ouvrir le droit d'asile quand elles risquent de les subir. Les institutions de la Francophonie doivent s'efforcer d'aborder et de traiter ce problème en conditionnant certaines de leurs aides à l'éradication de ces pratiques d'un autre âge. On sait que l'on peut les éliminer en aidant les associations féminines locales qui les combattent avec beaucoup de courage. Cela n'exige pas de moyens financiers considérables. Les institutions de la Francophonie officielle devraient participer à de tels programmes.

Peu éduquées, les femmes sont mal protégées par des normes juridiques issues soit de la coutume soit du code Napoléon. Les atteintes à leur droit sont généralisées. Pour prendre l'exemple du seul Bénin, pays où le processus démocratique semble pourtant bien avancé, où règne une réelle liberté d'expression et où les droits de la personne sont assez bien respectés les femmes ne disposent pas d'un statut juridique protecteur ou égalitaire. Bien insérées dans la vie économique et sociale de leur pays, elles subissent l'archaïsme de textes qui mêlent code civil français de 1958 et droit coutumier fondé sur la polygamie et toujours variable d'un lieu à l'autre.

L'évolution de la société moderne prive les femmes de garanties véritables, qu'elles soient coutumières ou issues de l'ancien code de la famille comme l'a souligné Mme Medegan, membre de la Cour constitutionnelle du Bénin et présidente de l'association de femmes juristes. Les femmes sont en quelque sorte soumises à un statut informel sans connaître clairement leurs droits en cas de divorce ou de décès de leur époux. Les femmes attendent donc que l'Assemblée nationale saisie depuis cinq ans d'un projet de code de la famille de plus de mille articles soit décidée à en entreprendre l'examen.

Compte tenu de la méthode choisie, il est peu probable qu'une législature suffise pour accomplir un tel travail législatif alors que les députés sont peu enclin à procéder à cette réforme. L'adoption d'un projet moins ambitieux et plus précis garantissant certains droits des femmes aurait été plus aisé et plus efficace. Malgré les efforts de M. Houngbedji, Président de l'Assemblée nationale du Bénin et de M. Tidjani Serpas, Président de la Commission des lois, les débats sont difficiles car le Bénin est selon les termes du Président Tidjani Serpas un vaste chantier législatif dans lequel l'ordre juridique laisse apparaître des trous béants. Votre Rapporteure a participé à un débat à l'Assemblée nationale du Bénin sur le code de la famille et il est évident que mille articles ne pourront être examinés dans de telles conditions. Les institutions de la Francophonie pourraient élaborer des lois type susceptibles d'être utilisées comme référence.

Les institutions de la Francophonie pourraient parfaitement reprendre à leur compte cette proposition. Il est aberrant que les droits de la femme et les droits de l'enfant ne fassent pas l'objet d'une protection particulière à l'espace francophone.

D - Des institutions de la Francophonie participant peu à la lutte contre l'impunité et à la protection des défenseurs des droits de la personne

La question des sanctions pour violation des droits de la personne ou atteintes à la démocratie a été soulevée de manière récurrente par toutes les organisations non gouvernementales rencontrées.

1) La lutte contre l'impunité, un objectif non prioritaire

L'établissement d'un Etat de droit, la satisfaction des principes démocratiques comme le respect des droits de la personne impliquent de combattre l'impunité. Malgré l'implication des institutions de Francophonie dans la formation de magistrats, la création de cour constitutionnelles, la lutte contre l'impunité est insuffisamment menée. Pour tous les responsables d'ONG entendus comme pour l'ensemble des interlocuteurs rencontrés au cours de la visite de votre Rapporteure au Bénin, en Côte d'Ivoire et au Togo, ce combat est essentiel.

Amnesty international a rappelé qu'elle avait posé ce problème depuis le milieu des années 1980. Ainsi dès 1987 la section canadienne de cette ONG avait édité une brochure sur la situation des droits de la personne en pays francophone. En 1991, lors du Sommet de Paris, une brochure de cas concrets avait été éditée mais la résolution sur les droits fondamentaux adoptée au Sommet de Dakar en 1989 est restée lettre morte. En 1993, le Sommet de Maurice avait suscité des espoirs restés sans lendemain bien que la délégation canadienne s'y soit montrée pugnace sur ce thème. C'est donc selon Amnesty international à Moncton en 1999 que l'occasion s'est présentée d'aborder à nouveau cette question.

En Côte d'Ivoire la lutte contre l'impunité commande la réconciliation nationale. Or la population souvent mal informée sur ses droits renonce à les faire valoir. Il n'y a pas lieu de se féliciter de la manière dont s'est déroulé le procès des gendarmes accusés d'avoir participé à la répression des manifestations d'octobre 2000. Les rapports des ONG ne portent que sur le charnier de Yapougon mais il y a eu d'autres violations des droits de la personne restés impunis. Les gendarmes mis en cause dans le massacre de 57 personnes à Yapougon sont restés en liberté surveillée. Craignant pour leur vie des témoins clés dont deux survivants du massacre ont refusé de comparaître devant le tribunal militaire d'Abidjan installé dans un camp de gendarmerie. En outre les gendarmes ont été acquittés début août 2001. Le Procureur militaire de Côte d'Ivoire a indiqué qu'il allait faire appel contre cette décision mais il semble qu'il soit resté inactif. D'après plusieurs responsables politiques ivoiriens, la population n'accepte plus l'impunité dans ce pays, elle est consciente de l'existence de violations des droits de la personne.

Au Burkina Faso, l'assassinat de Norbert Zongo est resté impuni malgré la mobilisation très forte de la société civile et de la population. Ces dernières avaient créé un collectif contre l'impunité qui n'a eu de cesse de demander que la lumière soit faite sur cette affaire. Malgré la création d'une commission d'enquête qui a conclu à un assassinat et désigné six « sérieux suspects » dont trois membres de la garde présidentielle, l'inaction de la justice a prévalu.

On ne peut qu'être très perplexe sur les conditions dans lesquelles la justice française a enquêté sur l'affaire Borrel. La thèse du « suicide » du magistrat Bernard Borrel, détaché par la France auprès du Ministre de la Justice de Djibouti comme conseiller au titre de la coopération, paraît extravagante. Pourquoi certains magistrats français se sont-ils empressés d'accréditer la thèse du suicide, alors qu'un témoin, ancien lieutenant de la garde présidentielle à Djibouti, la conteste malgré les pressions qu'il a subies ? Votre Rapporteure, qui a connu ce magistrat d'une grande valeur, ne cesse de s'interroger sur l'attitude de la justice française dans cette affaire trouble. On comprend mal comment et pourquoi ce magistrat se serait immolé par le feu avant de se jeter dans le vide. On se demande ce que ce magistrat avait découvert de si gênant à Djibouti pour que l'on se soit appliqué en France à salir sa mémoire. Il a fallu l'obstination de son épouse elle-même magistrate pour que les deux juges d'instruction initialement chargés de cette affaire soient dessaisis. La lutte contre l'impunité passe aussi par la France...

La lutte contre l'impunité n'est pas, loin s'en faut, la priorité des institutions de la Francophonie officielle. Pourtant elles auraient la possibilité d'envoyer des observateurs lors des procès concernant des violations des droits de la personne. Leur silence lors du procès de M. Alpha Condé en Guinée-Conakry est pesant.

Les représentants d'Amnesty International, de la Fédération internationale des droits de l'Homme, d'Human Rights Watch, de Reporters sans Frontières comme M. François-Xavier Verschave ont chacun regretté que les institutions de la Francophonie ne se soient pas impliquées dans la lutte contre l'impunité. Ils se sont montrés très sceptiques sur le rôle de l'observatoire des pratiques de la démocratie qui n'a pas fonctionné.

La FIDH comme Human Rights Watch ont insisté sur l'importance de la ratification par les Etats membres de la Francophonie du statut de la Cour pénale internationale. L'avenir de cette institution dépendra largement de la mobilisation des pays de droit latin plus protecteurs des droits des victimes. Sur ce point comme l'ont souligné la FIDH et ce qui est plus inattendu Human Rights Watch, la France et les pays francophones ont un rôle important à jouer pour déjouer la tentative de dénaturation du statut de la Cour pénale internationale par les Etats-Unis. Jusqu'ici et sans avoir la moindre intention de signer ce statut, ceux-ci se sont appliqués à restreindre les possibilités de transfert d'un auteur présumé d'un crime international à la Cour pénale internationale. Or rien n'a été tenté par les institutions de la Francophonie pour encourager leurs membres à ratifier ce statut ou pour fédérer des positions communes alors que cet enjeu est capital au plan politique comme au plan culturel.

2) La protection spécifique des défenseurs des droits de l'Homme : un mécanisme mal connu des institutions de la Francophonie

Le 9 décembre 1998, à la veille du 50ème anniversaire de la déclaration universelle des droits de l'Homme, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté la déclaration sur les défenseurs des droits de l'Homme. Ce texte appelle les gouvernements à admettre, à protéger les activités pacifiques des défenseurs des droits de la personne et demande à la société civile d'intervenir. Cette déclaration reconnaît que « les individus, groupes et associations ont le droit et la responsabilité de promouvoir le respect des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et de les faire connaître au niveau national et international ». Selon l'article 12.1 de la déclaration : « Chacun a le droit, individuellement ou en association avec d'autres, de participer à des activités pacifiques pour lutter contre les violations des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. »

L'article 12.2 souligne le devoir des Etats de protéger les défenseurs des droits de la personne : « L'Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d'autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l'exercice légitime des droits visés dans la présente déclaration. »

Le 26 avril 2000, la Commission des droits de l'Homme des Nations unies a renforcé le mécanisme de protection des défenseurs des droits de l'Homme. La très grande majorité des Etats a soutenu l'adoption de la résolution instituant un représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour protéger ces personnes, une étape décisive pour garantir une liberté d'action. Pourtant de nombreux rapports d'Amnesty international comme de la FIDH ont relevé que les défenseurs des droits de l'Homme loin de jouir d'une protection particulière dans les pays appartenant à l'espace francophone sont au contraire devenus les principales cibles de la répression car ils dérangent les dictatures en dénonçant les atteintes à la démocratie et les violations des droits de la personne. Pour les réduire au silence, les régimes répressifs déploient un arsenal répressif sophistiqué de grande ampleur.

Selon la FIDH ces dernières années, ce sont ainsi des centaines de ces défenseurs qui ont été assassinés, torturés, harcelés pour leur seul engagement en faveur de la défense et de la promotion des droits et libertés universels. Les méthodes utilisées elles-mêmes deviennent de plus en plus élaborées et pernicieuses : aux arrestations arbitraires, les condamnations à l'issue de procès iniques, tortures, agressions, disparitions, exécutions sommaires s'ajoutent les atteintes à la vie privée des défenseurs et de leurs proches, les écoutes téléphoniques, la surveillance policière, les privations de passeport, les licenciements abusifs, les destructions ou le vol de matériel, les suspensions ou les contestations de la personnalité juridique des ONG, les confiscations ou les expulsions forcées de leurs locaux.

Dans de nombreux Etats concernés les défenseurs sont considérés par les autorités comme leurs premiers ennemis, et des politiques de musellement y sont prises en conséquence. D'après Amnesty international bien des Etats membres de l'espace francophone sont concernés à des degrés divers par cette pratique sans que les institutions de la Francophonie n'interviennent en faveur des défenseurs des droits de l'Homme. Dans plusieurs pays membres de l'espace francophone militer pour la défense des droits de la personne signifie en permanence vivre avec une menace. Tel est le cas au Burkina Faso, au Cameroun, en Mauritanie, au Niger, en Tunisie.

Au Togo, en République démocratique du Congo (RDC), qui d'après la FIDH, détient le triste palmarès du plus grand nombre de défenseurs arrêtés et détenus arbitrairement au seul motif de leur engagement, ceux-ci sont la cible privilégiée, à la fois des autorités de la RDC et des responsables du Rassemblement congolais pour la Démocratie (RCD), mouvement rebelle contrôlant depuis août 1998 plusieurs régions de l'Est du pays.

Les institutions de la Francophonie ne se sont pas assez impliquées dans la protection des défenseurs des droits de l'Homme alors qu'ils auraient du être les interlocuteurs naturels de la délégation aux droits de l'Homme et à la démocratie. Les carences graves des institutions de la Francophonie dans leur approche des droits de la personne entament leur crédibilité au moment où elles entendent jouer un rôle sur la scène internationale. Préoccupées par ce problème, les autorités françaises se sont efforcées de réagir après le Sommet de Moncton en 1999. Sous leur impulsion et celles des autorités des pays du Nord, un Symposium sur les pratiques de la démocratie dans l'espace francophone s'est tenu à Bamako en novembre 2000.

III - LA DÉCLARATION DE BAMAKO : UNE INITIATIVE OPPORTUNE

En 1999 à Moncton, sous la pression des médias et des organisateurs du Sommet parallèle des ONG, les Chefs d'Etats et de Gouvernement ont adopté un plan d'action qui a fait de la consolidation de la paix de la démocratie et de l'Etat de droit un axe d'intervention prioritaire pour la Francophonie. Sous l'impulsion de la France et des pays du Nord, ils ont convié les pays membres de la Francophonie à un Symposium international devant permettre d'approfondir leur concertation et leur coopération autour de l'Etat de droit et de la culture démocratique qui s'est tenu à Bamako en novembre 2000. Une déclaration, s'inspirant des systèmes mis en place par plusieurs organisations internationales multilatérales y a été adoptée en novembre 2000. Si elle est appliquée à la lettre, la déclaration de Bamako dote la Francophonie de procédures de suivi du respect de la démocratie et des droits de la personne, et d'action en cas de crises comparables à celles des organisations internationales multilatérales régionales.

A - Les sources de la déclaration de Bamako

Les grandes organisations régionales, internationales multilatérales s'inspirent des travaux de la Commission des droits de l'Homme des Nations unies des résolutions adoptées par l'Assemblée générale des Nations unies et des conventions internationales existantes et souvent ratifiées par leurs membres pour édicter des normes et mettre en place des procédures de suivi, voire de sanctions, en cas d'atteinte aux principes démocratiques et aux droits de la personne.

1) Les procédures élaborées et utilisées par le Commonwealth

Par la déclaration de Harare en 1991, les pays membres du Commonwealth ont décidé d'assurer la promotion et la protection d'un certain nombre de valeurs et de principes communs, tel le respect des processus démocratiques, des droits de la personne, de la règle de droit et de l'indépendance judiciaire. Ils se sont dotés, en 1995, du Programme d'action de Millbrook sur cette déclaration, qui trace trois grands axes d'intervention : la promotion des valeurs politiques fondamentales du Commonwealth, et celle du développement durable et du consensus. Concrètement, ce programme d'action prévoit des mesures de soutien des processus démocratiques et des sanctions en cas de violations de ces principes et il décrit explicitement la procédure à appliquer en cas d'atteintes aux processus démocratiques et/ou aux droits de la personne au sein d'un Etat membre du Commonwealth.

Huit différentes mesures peuvent être employées, incitant à la restauration complète de la démocratie et des droits de la personne. Elles vont de l'instauration du dialogue en passant par l'envoi d'un facilitateur, jusqu'à la suspension pure et simple d'un pays au Commonwealth.

L'application de ces textes relève du groupe ministériel d'action du Commonwealth sur la déclaration de Harare, qui évalue les situations et recommande aux Chefs d'Etat les mesures à prendre. Il est composé du Secrétaire général de l'Organisation du Commonwealth et de huit ministres titulaires des Affaires étrangères de différents pays membres du Commonwealth. L'ajout d'un membre ou deux de la région affectée est parfois nécessaire, selon la gravité de la situation. La nomination des membres du groupe ministériel s'effectue une fois tous les deux ans.

Le Commonwealth a appliqué des sanctions de différente nature pour violation de la démocratie et des droits de la personne à plusieurs pays, dont le Nigeria, la Gambie, le Zimbabwe, le Cameroun, le Pakistan, les Iles Fidji et les Iles Salomon. Les sanctions ont varié, de l'envoi d'un facilitateur à la réprimande, allant jusqu'à la suspension d'un pays du Commonwealth, tel fut le cas du Nigeria. Parfois, le Commonwealth s'est montré moins intransigeant. Son attitude à l'égard du Zimbabwe lors du prochain sommet de cette organisation sera éclairante. On sait à ce stade que la présence du Président Mugabe est contestée par plusieurs membres.

2) L'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) et le respect de la Charte africaine des droits de la personne

Adoptée en 1981 et mise en _uvre en 1986, la Charte africaine des droits de la personne a permis l'établissement de la Commission africaine sur les droits des humains et des peuples. Composée de onze membres, cette Commission est présidée par un Secrétaire général, nommé par le Secrétaire général de l'OUA. Le mandat de la Commission comporte trois grands volets : promouvoir les droits des humains et des peuples, assurer la protection de ces droits et interpréter les dispositions de la Charte à la demande des pays membres dans les cas de crise de démocratie et/ou de violations des droits de la personne. La Charte ne prévoit pas explicitement de mécanisme de sanctions contre les pays membres. Néanmoins, le Sommet de l'OUA d'Alger, en juillet 1999, a condamné les coups d'Etat et décidé d'exclure de ses futurs sommets les régimes parvenus au pouvoir par la force. Ainsi à la suite de la prise de pouvoir du régime dirigé par le général Gueï, le Secrétaire général de l'OUA a exclu la participation de la Côte d'Ivoire du Sommet de l'OUA de juillet 2000 à Lomé.

3) Le Conseil de l'Europe et le Commissaire permanent aux droits de l'Homme

Les articles 3 et 8 du statut du Conseil de l'Europe (1949) définissent les normes à respecter pour les membres du Conseil en matière de démocratie et de droits de la personne. L'article 3 pose le principe de la prééminence du droit et du respect des droits de la personne et des libertés fondamentales. L'article 8 prévoit que tout pays membre qui enfreint gravement l'article 3 peut être suspendu de son droit de représentation au sein du Conseil.

En mai 1999, le Conseil de l'Europe a créé un poste permanent de Commissaire aux droits de l'Homme, une institution indépendante chargée de la promotion des droits de la personne et de leur respect effectif par les Etats membres du Conseil de l'Europe.

En décembre 1969, le Conseil de l'Europe décida d'exclure la Grèce, qui retrouva sa place cinq ans plus tard après la chute de la dictature et la restauration de la démocratie. Le Portugal adhéra au Conseil en septembre 1976, deux ans après la « révolution des _illets » d'avril 1974. Il en fut de même pour l'Espagne qui après la mort du général Franco en 1975 et l'instauration d'un régime démocratique, intégra le Conseil en 1977.

4) L'Union européenne et les membres du groupe des Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (accord de Cotonou)

Signé en juin 2000, l'accord de Cotonou relaie les accords de Lomé et, à ce titre, il constitue essentiellement un accord de coopération économique entre trois régions importantes du monde. Néanmoins, certaines de ses dispositions font référence aux droits de la personne et à la démocratie, tel l'article 9 qui confère un caractère fondamental aux droits de la personne et aux libertés individuelles. De même, l'article 96 édicte les mécanismes et la procédure à suivre en cas d'atteinte à la démocratie ou aux droits de la personne et permet, après consultation, au conseil des ministres de prendre les mesures qu'il juge appropriées, y compris, en dernier recours, la suspension des pays membres. Les décisions se prennent en conformité avec le droit international et sont proportionnelles à la violation. A titre d'exemples, le Togo (1993) la Côte d'Ivoire (1999) et Haïti (février 2001) ont été privés d'aide directe pour rupture de démocratie.

Dans le processus qui a conduit au Symposium de Bamako les parlementaires ne sont pas restés inactifs. Comme l'a rappelé son secrétaire général, M. Jacques Legendre sénateur, l'Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF), a fondé son action sur le respect de leur propre constitution par les Etats qui en sont membres. L'APF s'est dotée de références différentes de celles des Chefs d'Etat et de gouvernement en considérant en 1998 que tout pays qui renverse son parlement élu est exclu de l'APF. Il en est de même en cas de coup d'Etat. Depuis 1998, l'APF a suspendu les sections parlementaires des pays dans lesquels l'ordre constitutionnel avait été renversé par la force. C'est ainsi qu'ont été suspendues les sections du Congo Brazzaville, du Rwanda, de la République démocratique du Congo, des Comores et de la Côte d'Ivoire.

En juillet 2000, l'APF a adopté une résolution souhaitant que les dirigeants des pays dans lesquels les institutions démocratiques ont été renversées par la force ne soient pas conviés aux sommets de la Francophonie.

B - L'édiction de normes et de procédures de suivi des atteintes aux droits de la personne et à la démocratie

Réunis à l'occasion du Symposium sur le Bilan des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l'espace francophone à Bamako en novembre 2000, les ministres et chefs des délégations des Etats ayant le français en partage ont affirmé leur volonté de conférer aux valeurs démocratiques un rôle central au sein de la Francophonie internationale.

1) Un Symposium ouvert à la société civile

Marqués par une volonté d'ouverture et le dialogue, les travaux qui ont pris place dans le cadre du Symposium ont réuni pour la première fois des parlementaires, des représentants de la société civile, (ONG et médias).

Le Symposium de Bamako a permis de dresser un état des lieux sans complaisance la démocratie dans les pays ayant le français en partage. M. Charles Josselin, ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie a reconnu que la Francophonie présentait un bilan qui sur les pratiques de la démocratie, avait besoin d'être consolidé.

Il a décrit les priorités de la France concernant le Symposium. Il a préconisé l'adoption d'un texte de référence en matière de démocratie et de droits de l'Homme assortie d'un corpus de référence commun, et l'institutionnalisation de la concertation entre gouvernement, parlementaires et représentants de la société civile.

Un consensus a été trouvé sur un texte : la déclaration de Bamako qui a été adoptée par les ministres et les chefs de délégation des Etats et des Gouvernements des pays ayant le français en partage. Ce texte est assorti d'un projet de programme d'action qui édicte enfin des normes juridiques fondant l'action des institutions de la Francophonie grâce à un mécanisme de surveillance et de sanction. L'ensemble sera soumis aux Chefs d'Etat et de Gouvernement lors du prochain Sommet qui devrait avoir lieu à Beyrouth à l'automne 2002.

2) Un texte de référence assorti d'un mécanisme de suivi en cas d'atteinte à la démocratie et/ou de violation des droits de la personne

La déclaration de Bamako comporte cinq parties. Le Préambule et le Chapitre I dressent un état de la situation internationale en matière de démocratie et droits de la personne et rappelle les actions antérieures de la Francophonie et de certaines organisations internationales multilatérales sur ces thèmes.

Le Chapitre 2 réaffirme l'adhésion de la Francophonie aux principes démocratiques universels. Le Chapitre 3 énumère les conditions inhérentes à l'application de ces principes démocratiques universels. Le Chapitre 4 décrit les engagements et les moyens nécessaires pour consolider l'Etat de droit, de tenir des élections libres, fiables et transparentes en vue d'une vie politique apaisée et de promouvoir une culture politique intériorisée et respectueuse des droits de la personne.

Le Chapitre 5 concerne la mise en _uvre de procédure au sein des instances de la Francophonie pour le suivi des pratiques de la démocratie, des droits et libertés dans l'espace francophone. C'est la partie la plus novatrice de la déclaration car des mécanismes de prévention et de sanctions sont pour la première fois décrits : le mécanisme de prévention se traduit par une évaluation permanente des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés par le Secrétaire général de l'organisation internationale de la Francophonie (OIF) s'appuyant notamment sur la délégation à la démocratie et aux droits de l'Homme. Cette évaluation comporte trois grands objectifs, l'appui par différentes mesures à l'enracinement de pratiques démocratiques, l'assistance aux Etats et aux gouvernements dans ces domaines et la mise en place d'un système d'alerte précoce.

Le mécanisme d'action en cas de crise de la démocratie ou de violations des droits de la personne définit différents niveaux d'intervention. Une fois les instances de la Francophonie saisies de la situation, le Secrétaire général de l'OIF a la faculté de proposer plusieurs options de suivis. Il peut, après avoir consulté le président du conseil permanent de la Francophonie (CPF), dépêcher un facilitateur dans le but de favoriser l'émergence de solutions consensuelles ou, dans le cas de procès suscitant la préoccupation de la communauté francophone et avec l'accord du pays en question, envoyer des observateurs judiciaires.

En cas de rupture de la démocratie ou de violations massives des droits de l'Homme, le Secrétaire général saisit immédiatement le Président de la conférence ministérielle de la Francophonie (CMF) de la question pour consultation. La question est ensuite étudiée à une réunion du CPF qui peut être convoqué d'urgence en session extraordinaire.

Ainsi, souhaitée par la France et ses partenaires du Nord, la déclaration adoptée lors du Symposium sur les pratiques de la démocratie dans l'espace francophone a incontestablement marqué un tournant dans l'histoire de la Francophonie. Pour la première fois la Francophonie dispose d'un texte de référence, assorti de mécanismes de suivi, qui lui permet de réagir en cas de rupture de la démocratie et de violation massive des droits de l'Homme malgré les réserves de la Tunisie, du Vietnam et du Laos.

C - Une mise en _uvre délicate de la déclaration de Bamako

Après la Conférence ministérielle de N'Djamena en février 2001 un mandat a été donné au Secrétaire Général d'élaborer des modalités pratiquées de mise en _uvre des procédures du chapitre 5 de la déclaration de Bamako.

1) La pression des ONG présentes à Bamako

Reporters sans Frontières (RSF) et la Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH) sont intervenus pour faire appliquer à des cas précis les dispositions du Chapitre 5 de la déclaration de Bamako.

Le 9 novembre 2000 et le 31 janvier 2001, RSF et la FIDH ont écrit au Secrétaire général de l'OIF au sujet des droits de l'Homme en Tunisie, motivés par la multiplication des atteintes à la liberté d'expression en Tunisie et par les mesures d'intimidation exercées par le régime tunisien à l'encontre du journaliste Toufik Ben Brik.

Le 13 février 2001, dans un courrier adressé à M. Boutros Boutros-Ghali, RSF et la FIDH se sont alarmés des atteintes à la démocratie et de la violation des droits de la personne en République démocratique du Congo et lui ont demandé, en sa qualité de Secrétaire général de l'OIF, d'engager la procédure prévue au point 3 du Chapitre 5 de la déclaration de Bamako. Le 16 février 2001, ces deux ONG ont saisi la Francophonie de la situation des droits de la personne en Côte d'Ivoire à l'occasion d'une visite des autorités ivoiriennes en France et au siège de l'Agence intergouvernementale de la Francophonie.

Le 27 mars 2001, à la suite d'une décision non motivée du ministre togolais de l'Intérieur de saisir le journal « Le regard », RSF a protesté auprès des autorités locales. Puis le 12 avril 2001, RSF et la FIDH ont saisi l'OIF de « la situation préoccupante » des droits de la personne en Haïti « pour que soient étudiées les mesures à mettre en _uvre dans le respect des mécanismes adoptés à Bamako le 3 novembre dernier ». Le délégué permanent d'Haïti auprès de l'UNESCO et représentant personnel du chef de l'Etat haïtien au Conseil permanent de la Francophonie a répondu à ce courrier. En outre ces deux ONG ont fait part de leur intention de saisir officiellement l'OIF au sujet de la situation des droits de la personne au Vietnam.

L'absence de réponse du Secrétaire général de l'OIF à plusieurs de ces courriers a suscité un communiqué vengeur de RSF et de la FIDH le 9 mars 2001. Ce communiqué mettait en cause la frilosité des institutions francophones face à des Etats « qui pourtant violent chaque jour les libertés fondamentales de leurs citoyens ». Les deux organisations se sont demandé pourquoi des mécanismes avaient été adoptés alors que la volonté politique pour les mettre en _uvre faisait défaut.

Les courriers ont finalement reçu une réponse de M. Boutros Boutros-Ghali le 13 mars 2001. Entre temps ces associations avaient rédigé des propositions pour un mécanisme de mise en _uvre de déclaration de Bamako dans le domaine des droits de l'Homme. »

Ces péripéties sont révélatrices de l'inadaptation des structures actuelles de la Francophonie, leur absence de réactivité sur des sujets extrêmement sensibles est préoccupante et rejaillit indirectement sur l'ensemble de leurs actions. Il est nécessaire qu'une réelle politique de communication soit menée par elle.

2) La définition des procédures

Un large consensus s'est dégagé lors de la 40ème session du Conseil permanent de la Francophonie (CPF) qui s'est tenue à Paris le 26 avril, lorsqu'il s'est agi de préciser les procédures de saisine, de traitement des requêtes et d'instruction des dossiers en vue de la mise en _uvre concrète de la déclaration de Bamako.

A l'initiative de M. Boutros Boutros Ghali, secrétaire général de l'OIF, un schéma a été proposé pour l'examen des plaintes portées à la connaissance de l'OIF en cas d'atteinte grave à la démocratie, et/ou de violations des droits de la personne. Si ce schéma est adopté, le déclenchement de la procédure d'examen prévue au chapitre 5 est provoqué soit directement par le Secrétaire général de l'OIF soit par des ONG reconnues au niveau international, notamment par la Francophonie impliquant l'institutionnalisation des relations entre les organes de la Francophonie multilatérale et les ONG, ce qui constitue un progrès. La saisine de la part des particuliers n'est pas possible. L'instruction des dossiers sera effectuée par la délégation aux droits de l'Homme et à la démocratie dont les moyens humains et matériels seront renforcés.

Si l'examen d'une plainte est décidée, un comité restreint ad hoc composé de représentants personnels de chefs d'Etat et de gouvernement dont le nombre pourra varier est mis en place à l'initiative du Secrétaire général. Ce comité est chargé de rendre un avis consultatif sur les mesures à prendre. Le Conseil permanent de la Francophonie (CPF) a la possibilité d'inscrire à son ordre du jour un point portant sur les pratiques de la démocratie et, en conséquence, de garantir par la tenue d'un débat de fond la poursuite du dialogue entre les Etats et les gouvernements.

Lorsque le caractère sensible du dossier le justifie, les ministres ont la faculté de le traiter directement à leur niveau, dans le cadre de la Conférence ministérielle de la Francophonie (CMF).

Comme lors de la CMF (N'Djamena, février 2001), le Vietnam, la Tunisie et le Laos ont exprimé leur hostilité à l'établissement de tout mécanisme de contrôle en matière de violation de la démocratie et des libertés contraire, selon eux, aux objectifs définis par la Francophonie. Cependant seule la Tunisie a souhaité prendre ses distances avec le relevé de décisions de la session du CPF consacrée aux mécanismes de mise en _uvre du chapitre 5 de la déclaration de Bamako.

3) Le plan d'action de Bamako et son financement

La commission politique du CPF réunie le 30 mars 2001 a examiné le projet de programme d'action de Bamako qui souligne la nécessité d'établir une synergie entre les actions conduites tant à titre bilatéral que par les autres opérateurs multilatéraux en privilégiant la concertation avec les ONG.

Des priorités par grand domaine ont été établies ce qui est utile. Pour la consolidation de l'Etat de droit, l'assistance technique aux institutions est privilégiée. Pour la tenue d'élections libres, fiables et transparentes c'est le développement de l'état civil et l'établissement de listes électorales qui est prioritaire répondant à une absolue nécessité. Pour la promotion d'une culture démocratique l'accent sera mis sur la ratification des grands instruments internationaux et leur réception en droit interne, c'est un vaste chantier impliquant l'envoi de cadres législatifs réclamés par nos partenaires dans plusieurs pays.

Les conséquences pécuniaires de la déclaration de Bamako ont été évoquées. La question des moyens accordés à la délégation aux droits de l'Homme et à la démocratie a été posée ce qui est légitime.

D'après le ministère des Affaires étrangères les moyens nouveaux pour mettre en _uvre le plan d'action de Bamako sur le biennum 2002-2003 peuvent être estimés à 15 millions de francs répartis comme suit :

Moyens nouveaux au titre du biennum 2002-2003


Mise en réseaux des professionnels du droit

2,5 MF

Régionalisation des formations de magistrats

3,5 MF

Développement de l'état civil

4 MF

Appui à la société civile et aux associations de défense des droits de l'Homme


3 MF

Observation des pratiques de la démocratie

1,5 MF

Appui à la réception en droit interne des grands instruments internationaux


0,5 MF


TOTAL


15 MF

Ces dispositifs doivent être ratifiés prochainement.

Ces dispositions donneront à la Francophonie, dans un domaine crucial pour son avenir, un cadre lui permettant de s'assurer que ses pratiques entrent systématiquement en conformité avec les principes et les valeurs sur lesquels elle se fonde. On ne peut donc que souhaiter l'adoption rapide des procédures de mise en _uvre de la déclaration de Bamako et du plan d'action qui l'accompagne. Elle aurait dû avoir lieu lors du Sommet de Beyrouth qui a été reporté d'un an. Le Conseil permanent de la Francophonie devrait se réunir les 9 et 10 janvier 2002 à Paris. Il devrait être suivi d'une conférence ministérielle qui devrait prolonger le mandat du Secrétaire général de l'organisation internationale de la Francophonie d'un an, renouveler pour quatre ans celui de l'administrateur général de l'Agence intergouvernementale de la Francophonie M. Roger Dehaybe, donner au Haut conseil de la Francophonie un caractère multilatéral ce qui ne parait pas forcément opportun s'agissant d'une institution française.

Il n'est pas à ce stade prévu d'adopter le plan d'action de Bamako même si d'après le ministère des Affaires étrangères la programmation des activités des opérateurs de la Francophonie en tient compte. Il est donc à craindre que le processus amorcé à Bamako ne soit gelé.

CONCLUSION

Le Sommet des Chefs d'Etat et de gouvernement ayant le français en partage revêtait une importance particulière. Il n'a pas pu se tenir comme prévu à Beyrouth en octobre dernier et pour l'instant, formellement le processus amorcé par la déclaration de Bamako est en panne ce qui est très regrettable. Les institutions de la Francophonie sont à un tournant de leur histoire si elles ne se mettent pas en conformité avec les exigences des valeurs universelles qu'elles défendent, elles perdront pour longtemps toute crédibilité.

Le prochain sommet qui aura lieu dans un an aura valeur de test au niveau de la personnalité choisie pour assumer les fonctions de secrétaire général de l'OIF, comme au plan des décisions prises sur la déclaration de Bamako dont la mise en _uvre concrète devrait donner une impulsion nouvelle à la Francophonie. Pour l'instant rien n'est clairement réglé. Votre Rapporteur souhaite que la conférence ministérielle qui se tiendra le 11 janvier 2002 apporte des éclaircissements sur le devenir exact du processus de Bamako. Au delà de la mise en _uvre concrète de ce texte satisfaisant, votre Rapporteure souhaite que les institutions de la Francophonie aient sur le terrain une plus grande visibilité.

Elle doivent se rapprocher des populations les plus vulnérables, les femmes et les enfants. Il n'est pas acceptable que dans l'espace francophone des pratiques d'un autre âge, comme les mutilations génitales et les trafics d'êtres humains, soient tolérées. Il ne suffit pas d'encourager la ratification d'instruments internationaux prohibant de telles atteintes aux droits de la personne humaine, il convient d'aider les Etats concernés et leurs sociétés civiles d'une part à mener des actions d'information ciblées sur les populations vulnérables, et d'autre part à signer entre eux des conventions régionales leur permettant de lutter avec efficacité contre ces trafics.

L'établissement d'un Etat de droit dans les pays de l'espace francophone n'est possible que si l'on confère une priorité à la lutte contre l'impunité des violations les plus graves aux droits de la personne et aux libertés publiques. En finir avec la culture de l'impunité suppose certes que les instruments internationaux garantissant les droits fondamentaux et le statut de la Cour pénale internationale soient ratifiés et inclus dans le droit interne mais également que ces atteintes soient systématiquement dénoncées. La liberté d'expression comme la protection des défenseurs des droits de la personne doit en être garantie en priorité dans l'espace francophone. L'envoi d'observateurs de la Francophonie lors de procès mettant en cause les libertés publiques doit être systématisé.

L'aide au processus démocratique est utile et nécessaire mais elle doit être ciblée, l'établissement d'un état civil fiable confère à l'ensemble des processus électoraux une plus grande légitimité. En outre des critères plus stricts d'observation de ces processus doivent être établis pour éviter qu'à l'avenir la Francophonie ne soit taxée de laxisme ou de manque de sérieux dans l'observation des élections

La déclaration de Bamako institutionnalise enfin les relations entre les structures de la Francophonie et les ONG et OING. Le Chapitre 5 de la déclaration leur confère un rôle appréciable dans les mécanismes de prévention et de sanction des violations des droits de la personne ce qui est opportun. Il convient dans la pratique que les structures de la francophonie se montrent sélectives dans le choix des ONG avec lesquelles elles coopèrent, qu'elles sachent utiliser leurs compétences pour aller à la rencontre d'ONG locales fiables et bien implantées sur le terrain pour mener avec elle des actions limitées mais ciblées d'information et d'éducation. Elles participeront ainsi à la formation de la société civile nécessaire à l'ancrage de la démocratie.

L'évaluation de l'efficacité des actions menées et de l'aide accordée doit être plus systématiquement réalisée pour éviter toute déperdition ou erreurs répétées d'attribution. Il ne sert à rien de continuer de financer les médias dans un pays qui bafoue la liberté d'expression. Détournée de ses objectifs cette action contre productive se transforme en aide à la propagande ou à la censure.

Des règles minimum de conditionnalités doivent être édictées dès lors que des aides sont attribuées. Les pays engagés dans des processus démocratiques, des réformes législatives et économiques visant à établir un véritable Etat de droit devraient obtenir des aides plus conséquentes. Un système de conditionnalités positives portant sur le respect de normes éthiques telles le respect des droits de la personne, la protection spécifique des populations vulnérables, femmes et enfants, élections libres et honnêtes, etc. pourraient être mis en place.

Plus généralement, il conviendrait de faire en sorte que les institutions de la francophonie se rapprochent des populations afin qu'elles cessent d'être perçues comme les auxiliaires zélés des régimes politiques honnis par elles.

Votre Rapporteure propose les mesures suivantes :

Donner les moyens matériels et humains et l'autonomie suffisante à la Délégation aux droits de l'Homme et à la démocratie

Donner une visibilité accrue à la lutte contre les atteintes aux droits de la personne dans l'espace francophone

Adopter la déclaration et le programme d'action de Bamako pour renforcer la francophonie politique et les institutions de la Francophonie. Doter les institutions de la Francophonie de mécanismes de sanctions en cas de violation des droits de la personne par un Etat membre.

Edicter des règles de conditionnalités positives des aides pour soutenir les démocraties naissantes.

Développer une culture de l'évaluation des aides fournies par les Institutions de la Francophonie.

Veiller au sérieux des missions d'observation des élections.

Associer les grandes ONG francophones aux actions menées en faveur des droits de la personne.

Encourager les Etats membres à ratifier les conventions internationales protégeant les enfants et les femmes et les aider à élaborer des législations internes conformes.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent rapport d'information au cours de sa réunion du 10 octobre 2001, sur le rapport de Mme Yvette Roudy.

Mme Yvette Roudy a exposé qu'a priori, le lien entre le respect des droits de la personne, l'établissement de régimes démocratiques et l'appartenance à l'espace francophone aurait dû être évident. Or, il n'en est rien, car la question des sanctions pour atteinte à ces principes n'a été posée qu'au Sommet des chefs d'Etat et de Gouvernement à Moncton, en 1999, par le forum des ONG, réuni pour l'occasion.

Analysant le rôle des institutions de la Francophonie multilatérale chargées de promouvoir ces normes, la Rapporteure a dénoncé le manque de lisibilité et d'efficacité d'un système qui met sous la double tutelle de l'Agence intergouvernementale de la Francophonie (AIF) et du Secrétaire général de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), M. Boutros Boutros-Ghali, la Délégation aux droits de l'Homme et à la démocratie (DDHD). Ce système, unanimement critiqué, ne satisfait ni les Etats membres, ni l'AIF, ni la société civile. En effet, les responsables de l'AIF ont une approche de la Francophonie politique plus ouverte que celle de M. Boutros Boutros-Ghali, très en retrait sur ces sujets.

Comment avec une double tutelle et peu de moyens la DDHD peut-elle fonctionner ? Certes, elle accomplit un travail de formation des juristes, d'échanges et de renforcement des capacité électorales, mais cela s'apparente à du saupoudrage et manque d'efficacité et de visibilité sur le terrain.

Evoquant les actions menées en faveur des droits de la personne par les institutions de la Francophonie multilatérale, Mme Yvette Roudy a relevé que l'adhésion à l'espace francophone n'était pas soumise au respect de la démocratie et des droits de la personne. Pourtant, sans mener systématiquement des politiques de sanctions et d'exclusions d'Etats de l'espace francophone, il faut éviter que les institutions de la Francophonie soient perçues par les populations victimes comme des auxiliaires de certains régimes.

En effet, les diverses conférences nationales des pays francophones du Sud, la circulation de l'information et l'action des ONG ont révélé combien les populations étaient attachées au respect de ces normes. Le double langage que les institutions de la Francophonie semblent tenir est malsain. Les populations du Sud aspirent à plus de justice et paient cher le prix de la corruption de leurs dirigeants.

Pourquoi ne pas subordonner l'attribution de certaines aides, et le financement de certains projets au respect de normes précises édictées par les conventions internationales protectrices des droits de la personne signées et ratifiées par la plupart des pays appartenant à l'espace francophone ?

Evoquant le suivi des processus démocratiques, Mme Yvette Roudy a précisé que la présence de nombreux observateurs internationaux des élections, en amont, c'est-à-dire lors de l'établissement des listes électorales, pendant la campagne, au cours du scrutin et pendant la proclamation des résultats était nécessaire. Cependant elle a regretté que les institutions de la Francophonie envoient des observateurs qui s'en tiennent le plus souvent au programme défini par les autorités locales. Des dérapages se sont produits et ont fortement entamé le crédit de leurs missions.

Soulignant le rôle capital des médias et de la liberté d'expression dans la construction de la démocratie, elle a déploré les sanctions prises à l'encontre des médias qui déplaisent aux pouvoirs en place et qui vont jusqu'à l'assassinat de journalistes comme Norbert Zongo, au Burkina Faso, ou Jean Dominique, en Haïti. L'absence de réaction forte des institutions de la Francophonie face aux atteintes à la liberté d'expression a été dénoncée par les ONG.

Selon la Rapporteure, la lutte contre l'impunité n'est pas la priorité des institutions de la Francophonie officielle. Pourtant, elles auraient la possibilité d'envoyer des observateurs lors des procès concernant des violations des droits de la personne. A cet égard, elle a évoqué le procès des gendarmes responsables du massacre de Yapougon, acquittés en Côte d'Ivoire, et les multiples cas d'impunité, au Cameroun, en Guinée, au Togo au Burkina Faso, au Tchad, etc. Elle s'est en outre déclarée très perplexe sur les conditions dans lesquelles l'enquête sur l'assassinat à Djibouti du Juge Borrel, magistrat détaché par la France auprès du Ministre de la Justice de Djibouti, avait été menée.

De même, les institutions de la Francophonie ne sont pas assez impliquées dans la protection des défenseurs des droits de l'Homme, persécutés dans nombre de pays francophones, alors qu'ils auraient dû être les interlocuteurs naturels de la DDHD. Ces dernières années, dans de nombreux Etats francophones, les défenseurs sont considérés par les autorités comme leurs premiers ennemis.

Par ailleurs, Mme Yvette Roudy s'est alarmée de l'ampleur des trafics d'enfants en Afrique de l'Ouest, où il est difficile de lutter contre ce phénomène dont les racines sont culturelles et parfois religieuses. Le travail des enfants dans les familles était considéré autrefois comme un mode d'apprentissage, actuellement, pour des sommes dérisoires, des parents ayant de nombreux enfants les confient à des passeurs qui promettent de prendre en charge leur éducation. Les moyens de lutte contre l'esclavage des enfants qui aboutit souvent à la prostitution y sont très insuffisants. Les institutions de la Francophonie pourraient favoriser l'adoption d'une convention à l'échelle régionale visant à décourager le trafic de main d'_uvre car les pays qui sont à l'origine de ce trafic doivent l'éradiquer en se dotant de moyens juridiques et policiers adaptés.

Elle a également rappelé que, dans bien des pays membres de l'espace francophone, la condition des femmes n'était guerre enviable. Peu éduquées, elles sont mal protégées par des normes juridiques issues soit de coutumes locales soit d'un Code Napoléon non modifié depuis les indépendances.

Mme Yvette Roudy a précisé que les carences des institutions multilatérales de la Francophonie dans leur approche des droits de la personne entamaient leur crédibilité. Préoccupées par ce problème, les autorités françaises et canadiennes se sont efforcées de réagir après le Sommet de Moncton en 1999.

Sous leur impulsion, un Symposium sur les pratiques de la démocratie dans l'espace francophone s'est tenu à Bamako en novembre 2000 et a abouti à l'adoption d'une déclaration dotant la Francophonie de procédures de suivi des violations des droits de la personne et des atteintes à la démocratie et d'un mécanisme de sanction.

Cette déclaration marque un tournant dans l'histoire de la Francophonie, qui dispose enfin d'un texte de référence lui permettant de réagir en cas d'atteinte à la démocratie et de violation massive des droits de l'Homme, malgré les réserves de la Tunisie, du Vietnam et du Laos. Un programme d'action a été élaboré ; l'ensemble devait être adopté par les chefs d'Etat et de gouvernement au Sommet de Beyrouth qui vient d'être reporté. La succession de M. Boutros Boutros-Ghali, dont le mandat expire en décembre prochain, devait aussi y être évoquée.

En conclusion, la Rapporteure a proposé qu'au-delà de la mise en _uvre concrète de la déclaration de Bamako, les institutions de la Francophonie se rapprochent sur le terrain des populations les plus vulnérables, notamment les femmes et les enfants, car il n'est pas acceptable que, dans l'espace francophone, des trafics d'êtres humains soient tolérés. Elle a proposé que l'aide au processus démocratique soit ciblé sur l'établissement d'un état-civil fiable qui confère à l'ensemble des processus électoraux une plus grande légitimité et que des normes concernant l'observation des élections soient édictées. Des règles minimum de conditionnalité doivent être mises en _uvre dès lors que des aides sont attribuées pour conforter un processus démocratique.

Elle a estimé que l'ensemble de ces mesures dépendait surtout de la volonté politique des Etats membres de la Francophonie et de la personnalité du Secrétaire général de l'OIF.

Le Président François Loncle a félicité Mme Yvette Roudy pour la franchise de son rapport. Il a rappelé que la Charte des droits fondamentaux rédigée dans le cadre de l'Union européenne avait comme objectif l'exportation de ces valeurs, notamment vers les pays candidats. Il a souhaité que la Francophonie s'inspire d'une telle démarche, sans esprit d'hégémonie.

M. François Rochebloine a déclarer partager les inquiétudes de Mme Yvette Roudy concernant l'avenir du français et il aurait souhaité connaître les actions à mettre en _uvre pour lutter contre ce recul.

Mme Marie-Hélène Aubert a demandé obtenir des informations complémentaires sur la procédure de renouvellement du Secrétaire général de la Francophonie ainsi que sur la place des femmes dans les institutions de la Francophonie. Elle a par ailleurs fait part à la Commission du décès de M. Mongo Beti.

M. Jean-Claude Lefort a estimé que la Francophonie fonctionnait sur le principe des trois petits singes : ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire ; au-delà de la personnalité de M. Boutros Boutros-Ghali, se pose le problème du contenu de la Charte de la Francophonie afin de faire respecter les droits de l'Homme.

M. Pierre Brana a dit avoir beaucoup apprécié le côté percutant de l'exposé de Mme Yvette Roudy. Il a rappelé qu'il avait eu l'occasion, au cours de précédents rapports, notamment celui sur le rôle des compagnies pétrolières, d'établir un constat similaire. Il a souligné le caractère scandaleux de nombreuses élections dans divers pays francophones, qui bafouent l'expression de la volonté du peuple. Ces fraudes, stigmatisées par de nombreux intellectuels et écrivains, sont trop souvent validées par la Francophonie alors qu'il conviendrait de les dénoncer.

M. Joseph Tyrode a rappelé qu'une Commission d'enquête parlementaire déposera bientôt son rapport sur les conditions de l'esclavage moderne.

Il a regretté que les efforts déployés par l'Education nationale pour développer l'enseignement de l'anglais dès le primaire ne se retrouvent pas systématiquement dans l'enseignement du français à l'étranger.

Le Président François Loncle a rappelé que M. Boutros Boutros-Ghali était une personnalité de grande intelligence, animée par une véritable passion pour la France. Se pose aujourd'hui la question de lui choisir un successeur.

Mme Yvette Roudy a répondu à ces questions.

Ce sont les intellectuels brillants, les écrivains francophones comme Mongo Beti ou Ahmadou Kourouma, qui a écrit ce livre prémonitoire « Allah n'est pas obligé », qui feront évoluer de l'intérieur la Francophonie, si la France les aide.

La Francophonie s'est inspirée de la Charte des droits fondamentaux dans la déclaration de Bamako qui a pour objet d'édicter un mécanisme de suivi des violations des droits de la personne et des atteintes à la démocratie.

S'agissant des missions d'observation des élections, les institutions multilatérales de la Francophonie pourraient se montrer plus attentives et plus fermes quant à leur organisation. Mieux vaut ne pas les effectuer si les conditions de respect des libertés publiques ne sont pas réunies.

Sur la place des femmes dans les institutions de la Francophonie, il faut certes exiger la parité ; certaines femmes y travaillent mais elles évitent parfois de déranger...

Le français régresse dans les institutions internationales, c'est un fait, il est nécessaire de lutter pour sa promotion et son utilisation par les Français eux-mêmes.

La question de l'esclavage des enfants a été soulevée dans différentes instances, et notamment au Conseil de l'Europe. Le fait qu'il y ait eu des cas d'esclavage et de maltraitance dans les pays occidentaux a permis de médiatiser cette question. Il est nécessaire d'aider par tous les moyens les autorités qui, dans les pays du Sud, s'efforcent de lutter contre ce phénomène.

Si les institutions multilatérales de la Francophonie n'évoluent pas, elle n'auront plus aucune crédibilité, et devront faire face à des protestations de la société civile et des ONG. Il faut faire preuve de volonté politique. A cet égard, on devrait pouvoir entendre sur ces sujets le Secrétaire général de l'OIF.

En application de l'article 145 du Règlement, la Commission a décidé la publication du présent rapport d'information.

ANNEXE 1
DÉCLARATION DU SOMMET PARALLÈLE DE LA FRANCOPHONIE

La Coalition du Sommet parallèle de la Francophonie est composée des groupes sociaux, syndicaux et organismes de développement international suivants : Amnistie internationale, Oxfam-Canada-projet Acadie, le Congrès du travail du Canada, la Marche mondiale des femmes pour l'an 2000, Développement et Paix et l'Union des Pêcheurs des Maritimes. La Coalition a été créée dans le but d'organiser le Sommet parallèle qui s'est tenu à Moncton du 30 août au 4 septembre 1999. L'objectif principal de ce sommet est de permettre à des groupes populaires ainsi qu'à la population francophone du Nouveau-Brunswick de discuter de sujets importants qui ne figurent pas à l'ordre du jour du Sommet des Chefs d'Etat des pays membres de la Francophonie internationale. Dans le but d'atteindre cet objectif, la Coalition a organisé des activités et des conférences sur les thèmes suivants :

- Les défis du développement international au seuil de l'an 2000

- Les femmes et la pauvreté

- La violence faite aux femmes

- L'industrie de la pêche, développement et mondialisation

- Les libertés et droits syndicaux face à la mondialisation

- Les droits humains dans les pays de la Francophonie

Le Sommet parallèle de la Francophonie s'est avéré être un véhicule d'information et de sensibilisation efficace pour dénoncer des situations qui affectent directement la qualité de vie et de travail de la population, autant dans les pays francophones qu'ailleurs, qui subissent les effets dévastateurs des politiques économiques et souvent anti-sociales, conséquence directe de la mondialisation des marchés. Nous pouvons affirmer que, si la mondialisation a des effets bénéfiques pour une minorité de privilégiés dans la société, elle a surtout contribué à faire augmenter la pauvreté et le chômage et encouragé des gouvernements à bafouer les droits humains et syndicaux dans plusieurs pays.

Nous, les membres de la Coalition du Sommet parallèle de la Francophonie, souhaitons participer au développement d'un espace francophone à visage humain, où les intérêts économiques et sociaux de la population seraient la priorité des états membres. Les organisations membres de la Coalition du Sommet parallèle font donc les recommandations suivantes :

1. Les problèmes liés au sous-développement et à la pauvreté doivent faire partie des priorités de la Francophonie. La Francophonie doit privilégier le dialogue comme instrument favorisant la paix garante du développement économique et social durable, sur les plans local, national et international. Les groupes sociaux, syndicaux et les organisations non-gouvernementales impliquées dans le développement international et la protection des droits humains demandent à être associés, d'une façon significative, aux prochains Sommets de la Francophonie.

2. Les violations répétées des droits de la personne sont chose fréquente dans les pays de la Francophonie. Des mesures coercitives, accompagnées de moyens efficaces de dénonciation doivent être mises en place au plus tôt, pour que cessent ces pratiques intolérables et inacceptables, en ce début d'un nouveau millénaire.

3. Il y a 50 ans, les gouvernements du monde se sont engagés à respecter les droits fondamentaux dont nous héritons toutes et tous dès la naissance. Pourtant, encore aujourd'hui, des millions de personnes se voient refuser ces droits et continuent de vivre dans la pauvreté. Chaque personne a droit à : une alimentation suffisante, de l'eau potable, un logement décent, des soins de santé, une éducation, un gagne-pain, un environnement sain, la protection contre la violence, l'égalité des chances et un contrôle sur son avenir. Il est temps que ces mots et ces promesses se concrétisent ! La pauvreté est une conséquence de l'injustice et nous pouvons la vaincre. Nous demandons aux Chefs d'Etat de la Francophonie d'avoir le courage et la volonté politique de mettre en place les mesures qui assureront ces droits humains fondamentaux, pour chacun d'entre nous.

4. Education et lutte contre la pauvreté vont de pair. L'éducation est l'élément de transformation le plus important pour le développement humain. L'éducation sauve des vies, donne aux gens une chance d'échapper à la pauvreté et leur donne une voix. Nous demandons aux gouvernements de la Francophonie de garantir l'accès à l'éducation de base pour tous. Les moyens et les ressources nécessaires doivent être accrus. Les fonds nécessaires doivent être libérés, entre autres grâce à une réduction sérieuse de la dette et une réforme en profondeur de la politique d'ajustement du FMI et de la Banque mondiale.

5. La pauvreté chez les enfants est un fléau grandissant contre lequel il faut agir sans tarder. Les Etats membres de la Francophonie doivent donner l'exemple et mettre en place des politiques concrètes et efficaces, pour que les droits des enfants soient respectés, comme le stipule la Convention relative aux droits de l'enfant. Le travail forcé des enfants, la servitude pour la dette, les abus sexuels et l'utilisation d'enfants dans les conflits armés sont des pratiques inhumaines et les Etats qui ont ratifié la Convention relative aux droits de l'enfant devraient être tenus de respecter leur engagement, sous peine de sanctions. Le droit à l'éducation pour les enfants doit devenir une réalité dans tous les pays de la Francophonie mondiale.

6. De plus, les pays de la Francophonie doivent prendre les mesures nécessaires pour permettre aux femmes de prendre la place qui leur revient dans la société, en toute égalité avec les hommes, et sans discrimination aucune. Il faut également tout faire pour mettre fin à la violence physique et psychologique, tout comme aux mutilations sexuelles dont les femmes sont trop souvent victimes dans plusieurs pays. L'équité salariale est également un principe justice sociale et économique, et les gouvernements doivent en tenir compte. L'équité salariale doit s'appliquer intégralement dans les plus brefs délais, à toutes les travailleuses et travailleurs du secteur public et privé, dont les conditions de travail et de salaire relèvent directement de ces mêmes gouvernements. Nous demandons à tous les gouvernements des pays francophones de soutenir les femmes qui organisent une marche mondiale pour l'an 2000.

7. Les droits des travailleurs et travailleuses reconnus par des conventions internationales telles que celles de l'Organisation internationale du travail (OIT) sont régulièrement violés par plusieurs gouvernements, incluant ceux de pays francophones. les conventions 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical et 98 sur le droit d'organisation et de négociation collective, bien que ratifiées par bon nombre de pays, sont souvent difficilement applicables. Trop de gouvernements interfèrent directement pour limiter ou encore empêcher l'application des droits reconnus par ces conventions. Les gouvernements des pays de la Francophonie doivent prendre leurs responsabilités et reconnaître que ce sont là des droits légitimes. L'application des convention 87 et 98 ne doit être entravée en aucune façon, ni par les employeurs, ni par aucun gouvernement qui a à c_ur la défense des droit légitimes de la classe ouvrière. Nous revendiquons en l'occurrence que la France reconnaisse la dimension sociale dans ses échanges et déclarations, et institue une place pour la société civile et les syndicats comme cela existe déjà pour les employeurs avec le Forum francophone des affaires.

8. Dans les pays de la Francophonie, des millions de femmes et d'hommes dont la vie économique, sociale et culturelle dépend de la pêche, voient leur mode de vie et leur gagne-pain menacés. Nous constatons :

- l'accroissement de la surcapacité de la flotte de pêche mondiale et la délocalisation des flottes du Nord vers le Sud, ajoutant à la surcapacité déjà existante dans ces régions du monde ;

- une nouvelle génération d'accords de pêche internationaux qui favorisent la création et le développement d'entreprises mixtes qui marginalisent les organisations professionnelles de la pêche artisanale et traditionnelle dans le processus de négociation ;

- avec le développement des villes, des industries, de l'aquaculture intensive et du tourisme, les communautés côtières perdent leurs droits d'accès et d'usage dans les zones côtières.

Nous demandons aux chefs d'Etat de la Francophonie de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour le développement d'une pêche durable qui donnera accès à la ressource de pêche, en priorité aux pêcheurs côtiers et les communautés côtières, afin de leur assurer un gagne-pain et un milieu de vie sain et sécuritaire.

Les engagements sur papier ne suffisent pas. Seule une véritable volonté politique des Etats pourra faire de la Francophonie une référence pour l'ensemble de la communauté internationale désireuse de bâtir un monde plus humain.

La coalition du Sommet parallèle de Moncton

ANNEXE 2 -

Personnalités entendues par Mme Yvette Roudy

- M. Thierry de la Brosse, directeur général de la section française d'Amnesty International ; Mme Catherine Murcier, représentante d'Amnesty International auprès de l'Unesco (le 10 mai 2000)

- Mme Catherine Choquet, secrétaire générale adjointe pour l'Afrique de la Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH) ; M. Khmaïs Chamari, chargé de mission, ancien vice-président de la FIDH ; Mme Emmanuelle Duverger, chargée de mission, responsable Afrique et justice internationale de la FIDH (le 23 mai 2000)

- M. Daniel Dommel, président de la section française de Transparency International (14 juin 2000)

- Mme Lotte Leicht, directrice de Human Rights Watch (14 juin 2000)

- M. François-Xavier Verschave, président de « Survie » (21 juin 2000)

- Mme Isabelle Roy, première secrétaire de l'Ambassade du Canada (4 juillet 2000)

- M. Robert Ménard, directeur de « Reporters sans frontières » (19 septembre 2000)

- M. Jean-Michel Dumond, chef du service des Affaires francophones au Ministère des Affaires étrangères (19 septembre 2000)

- M. Ahmadou Kourouma, écrivain (17 octobre 2000)

- M. Mongo Beti, écrivain (22 novembre 2000)

- Mme Christine Desouches, déléguée aux droits de l'Homme et à la démocratie à l'Agence intergouvernementale de la Francophonie (AIF) (13 décembre 2000)

- M. Boutros Boutros-Ghali, secrétaire général de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) (21 décembre 2000)

- M. Jacques Legendre, secrétaire général de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) (28 mai 2001)

- M. Serge Telle, conseiller technique au Ministère des Affaires étrangères (6 juin 2001)

- M. Roger Dehaybe, administrateur général de l'AIF, et Mme Christine Desouches, déléguée aux droits de l'Homme et à la démocratie à l'AIF (12 juillet 2001)

- M. Marc Beziat, délégué général du Comité contre l'esclavage moderne (CCEM) (16 juillet 2001)

ANNEXE 3 -

Questionnaire concernant la mission d'information

sur les droits de la personne et la francophonie

adressé aux personnes entendues par la Mission d'information

Introduction

- Comparer la pratique des institutions de la francophonie et celle du Commonwealth

- Fournir les résolutions et les déclarations des institutions de la Francophonie et du Commonwealth sur le droit de la personne et le développement de l'Etat de droit.

- Indiquer les enseignements que l'on peut tirer du Symposium international sur le bilan de pratique des droits et libertés dans l'espace francophone qui s'est tenu à Bamako du 1er au 3 novembre 2000. Comment est-il mis en pratique ? Pourquoi certains pays ont-ils exprimé des réserves ?

I - Institutions internationales de la Francophonie, droit de la personne et libertés publiques

- Quels sont les facteurs et les obstacles au développement de système respectueux des droits de la personne et des libertés publiques dans les pays francophones ?

- Quelles sont les actions menées par les institutions internationales de la Francophonie, Organisation internationale de la Francophonie (OIF), Agence intergouvernementale de la Francophonie (AIF), Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) en faveur des droits de la personne et des libertés publiques auprès de leurs membres ?

- Quels sont les instruments juridiques et économiques dont ces institutions se sont dotés pour lutter contre l'absence d'Etat de droit, les violations des droits de la personne dans les pays francophones ? Sont-ils opérants ?

- Comment expliquer les difficultés rencontrées lors du sommet des chefs d'Etat francophones à Moncton sur les questions relevant des droits de la personne et des libertés publiques ?

- Quels sont les liens entre les mécanismes d'aide au développement et plus généralement de coopération et d'autre part les institutions internationales de la francophonie ?

- Comment s'articulent les actions menées par les institutions internationales de la Francophonie en faveur des droits de la personne et des libertés publiques et celles menées par les Organisations Non Gouvernementales (ONG) ? Quelle est la place des ONG dans le dispositif institutionnel international de la Francophonie ?

II - Action de la France en faveur du développement des droits de la personne et des libertés publiques et d'un Etat de droit

- Quelles sont les actions concrètes menées par les autorités françaises au sein des institutions internationales de la Francophonie pour promouvoir les droits de la personne, les libertés publiques et le développement d'un Etat de droit parmi les membres des instances de la Francophonie ?

- Quelles mesures les autorités françaises préconisent-elles pour promouvoir le développement des droits de la personne et des libertés publiques et d'un Etat de droit au sein des pays membres, des instances de la Francophonie ?

- Commet les autorités françaises et les différents acteurs français de la coopération lient-elles aide au développement, action de coopération et respect par les Etats bénéficiaires des droits de la personne et des libertés publiques ?

- Quels sont les domaines où la France intervient le plus fréquemment en matière de respect des droits de la personne et de construction d'un Etat de droit ? Privilégie-t-on les processus électoraux et le contrôle de la régularité des élections, l'établissement de systèmes judiciaires fiables, etc. ?

III - Position des différents acteurs de la francophonie

- Est-ce que les différentes organisations de la francophonie, Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), Agence intergouvernementale de la Francophonie, Assemblée Parlementaire de la Francophonie (APF) ont une stratégie commune pour promouvoir les droits de la personne et l'établissement d'un Etat de droit ? Quelle est la part de leur budget consacrée à ce travail ? Quelles relations entretiennent-elles avec les ONG sur ce thème ?

- Quelles attitudes les Etats membres de ces instances notamment la France, le Canada, le Sénégal, le Cameroun, le Vietnam, le Liban, etc adoptent-ils sur les problèmes de droit de la personne et l'établissement d'un Etat de droit au sein de ces différentes instances ?

- Comment les institutions du Commonwealth traitent-elles des questions de droits de la personne et d'établissement d'un Etat de droit ?

Conclusions

- Quelles sont les réformes institutionnelles envisageables pour mieux promouvoir le respect du droit de la personne et l'établissement d'un Etat de droit dans les pays francophones ? Faut-il envisager d'exclure des Etats non respectueux de ces normes et par la même écarter des candidatures inopportunes ?

- Comment rendre plus opérationnel le lien entre droits de la personne et Francophonie ?

- La publicité des actions menées par les Etats et différentes organisations de la francophonie est-elle un moyen efficace d'agir en faveur des droits de la personne et du développement de l'Etat de droit ?

- Quelles seront les propositions formulées ou à formuler pour le prochain sommet des chefs d'Etat et de gouvernement sur ces points ?

- Le mandat de l'actuel Secrétaire général de l'OIF sera-t-il renouvelé ? Quels sont les candidats potentiels et quelle est la position des autorités françaises à ce sujet ?

ANNEXE 4 - PROGRAMME DE LA MISSION

Programme de la mission en Côte d'Ivoire,

au Togo et au Bénin

du 18 au 22 juin 2001

Lundi 18 juin

18 h 35 Arrivée à Abidjan

19 h 30 Entretien avec des journalistes, M. Bailly, correspondant de Reporters sans frontières, M. Moussa de l'Union nationale des journalistes de Côte d'Ivoire (UNJCI), M. De Yedagne représentant l'Observatoire de la liberté de la presse et de l'éthique et de la démocratie (OLPED)

20 h 30 Rencontre avec les associations de français de l'étranger

Mardi 19 juin

8 h 15 Petit-déjeuner avec M. Biley Ligue ivoirienne des droits de l'Homme (LIDH), Me Dumbia du Mouvement ivoirien des droits de la personne (MIDH) et M. N'Guessan Président de la section ivoirienne d'Amnesty international

9 h 15 Entretien avec M. Siene, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des libertés

10 h Entretien avec Mme Amon d'Ago, première vice-présidente de l'Assemblée nationale et des députés membres de l'Assemblée Parlementaire de la Francophonie (APF)

11 h 30 Réunion avec M. Touré de Prisonniers sans frontières, Mme Pignol et M. Konan de Médecins du Monde, Mme Gogoua, Réseau ivoirien des ONG, M. N'Guessan et Mme Ako d'Amnesty international, M. N'Gouin-Claih de la Ligue ivoirienne des droits de l'Homme (LIDH) et M. Doumbia du Mouvement ivoirien des droits de la personne (MIDH)

13 h 30 Déjeuner offert par Son Exc. M. Vignal, Ambassadeur de France en Côte d'Ivoire en présence de Mme Diabate Vice-Présidente du RDR, Mme Amon d'Ago, M. Fologo Secrétaire général du PCDI, M. Kunz, Ambassadeur de Suisse, M. de Baets chargé d'affaires de l'Ambassade de Belgique, M. Cloutier, chargé d'affaires de l'Ambassade du Canada.

Départ pour Lomé

18 h 30 Arrivée à Lomé

19 h 30 Dîner de travail avec M. Messone, directeur du Bureau régional de la Francophonie et ses collaborateurs

Mercredi 20 juin

7 h 30 Petit-déjeuner de travail avec les deux déléguées du CSFE : Mme Durand (UFE) et Mme Mensah (ADFE)

8 h 30 Entretien avec M. Natchaba, président de l'Assemblée nationale

10 h 30 Entretien avec M. Gnondoli, président de la commission nationale des droits de l'Homme (CNDH)

12 h 30 Déjeuner offert par Son Exc. M. Valette, Ambassadeur de France en Côte d'Ivoire en présence notamment de membres du gouvernement et de députés

15 h 30 Entretien avec M. Zunu, président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), ainsi que des membres de cette institution

17 h 30 Table ronde au service de coopération et d'action culturelle (SCAC) avec Me Devotsu, président de la Ligue Togolaise des droits de l'Homme (LTDH), Mme Napoe, présidente de la Ligue Togolaise du Droit de la Famille (LTDF), M. Asogbavi, président du Jurisclub, M. Ajavon de l'OPAD, M. Mailly Directeur de WAO Afrique, M. Biguah d'ACAT, etc.

Jeudi 21 juin

8 h Petit-déjeuner de travail avec M. Body, directeur du Village du Bénin et correspondant national de l'Agence de la Francophonie

9 h Entretien avec le général Memene, ministre de la Justice et des droits de l'Homme,

11 h Entretien avec Mme Aho, directrice de la famille et de l'enfance au ministère des Affaires sociales

12 h 30 Déjeuner avec des journalistes et des personnalités indépendantes

14 h 30 Départ pour Cotonou

19 h Rencontre avec le professeur Gbegnonvi, Président de la section béninoise de Transparency International, M. Chabi, directeur des « Echos du Jour », MDossou, avocat, ancien ministre des Affaires étrangères, MAgbantou, Président de la Commission béninoise des Droits de l'Homme (CBDH), M. Gnonhoue, responsable de la section béninoise d'Amnesty International, Mme Medegan, présidente de l'Association des femmes juristes du Bénin et membre de la Cour Constitutionnelle suivi d'un diner offert par Son Exc. M. Mimim, Ambassadeur de France au Bénin

Vendredi 22 juin

8 h 30 Entretien avec M. Gnonlonfoun, ministre de la Justice et des droits de l'Homme

10 h Entretien avec M. Houngbedji, Président de l'Assemblée nationale, suivi d'une séance de travail à l'Assemblée nationale avec des députés Béninois membres de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie.

15 h Rencontre avec l'Association « Terre des Hommes ». Entretien avec M. Gonzales, responsable de l'Association au Bénin, puis visite du centre d'accueil « Oasis » qui accueille des enfants de la rue

17 h Table ronde avec les responsables des ONG Gerdes Afrique, Comité contre l'esclavage moderne, Association des femmes juristes

19 h 30 départ pour Paris

ANNEXE 5 - ORGANIGRAMME DE L'ORGANISATION
INTERNATIONALE DE LA FRANCOPHONIE

ANNEXE 6

Le dispositif institutionnel français

ANNEXE 7 - Déclaration de Mongo Beti, écrivain

ANNEXE 8 - Déclaration de M. Ahmadou Kourouma,

écrivain (1),

Le 17 octobre 2000

La Francophonie n'est pas liée aux droits de l'Homme. Elle est vécue comme étant étatique par les populations. Demander aux Etats d'appliquer les principes de respect des droits de l'Homme relève de l'impossible car ils les violent. Or ce sont les Etats ou plus précisément les chefs d'Etats qui adhèrent à la francophonie. Cela pose problème aux organisations. Pourtant le lien entre Francophonie et droits de l'Homme est intéressant car le français est considéré comme la langue de ces droits dans tous les pays de cette zone.

Cependant, qui pourra dire si les droits de l'Homme sont réellement respectés ? Comment leur non-respect sera-t-il sanctionné ? Il faudrait qu'à l'intérieur de la Francophonie institutionnelle un système de sanctions soit mis en place ; reviendra-t-il à des organisations non gouvernementales de pallier cette carence ? Mieux vaut prévoir la mise en place d'un organisme particulier, même si une telle création présente des difficultés politiques. Si un tel organisme est créé au sein de la Francophonie internationale il serait en tout état de cause intéressant d'imaginer qu'un point d'ordre du jour sur les droits de l'Homme soit systématiquement prévu lors des réunions institutionnelles de la Francophonie.

On pourrait imaginer qu'un organisme neutre produise un rapport qui soit débattu en séance publique. Cela aurait un impact important notamment si les chefs d'Etat en débattent et si une sanction est prononcée. Les solutions du Conseil de l'Europe et du Commonwealth devraient être appliquées à la Francophonie. Il est nécessaire de les rappeler pour amener les institutions de la Francophonie à évoluer.

Certes le complexe de l'ancien colonisateur a pu rendre délicate l'application des droits de l'Homme. En effet, quand l'ancienne puissance coloniale demandait le respect de ces droits, on lui rétorquait qu'elle devait cesser d'être un donneur de leçons. Cependant depuis la chute du mur de Berlin les conférences nationales se sont multipliées et les peuples d'Afrique aspirent à la démocratie. Pendant la guerre froide tout était permis aux chefs d'Etat. Sékou Touré, Mobutu, Houphouët Boigny bénéficiaient d'aide pour éviter que leur pays ne bascule du côté du bloc de l'Est ou de l'Ouest. Quand les populations se révoltaient contre l'Occident ou le communisme, la France ou Cuba intervenaient. La France et Cuba étaient les gendarmes de l'Afrique. Or, depuis la chute du mur de Berlin les peuples sont prêts malgré les pressions à accéder à la démocratie. La presse jouit d'une plus ou moins grande liberté selon les pays, ce qui est important. Toutefois la liberté de la presse ne suffit pas. Elle n'incarne pas à elle seule la démocratie d'autant que la presse n'est pas toujours crédible.

Cependant si les peuples africains aspirent à l'instauration de régimes démocratiques celle-ci est viciée par les positions tribales. Il faut que la Francophonie aide à franchir ce cap. Une prise de conscience de ces difficultés émerge progressivement surtout depuis la fin de la guerre froide et la mort des pères de la Nation qui confondaient allègrement les caisses de l'Etat et leurs propres caisses. Si chacun aspire à l'établissement de régime démocratique respectueux des droits de l'Homme, les faire respecter par les chefs d'Etat est un autre problème. Certes la fin de la guerre froide a permis à l'Afrique de se libérer de dictateurs innommables comme Bokassa, et la France n'a plus intérêt à soutenir tel ou tel chef d'Etat. Désormais, ceux-ci sont face à leur peuple sans intermédiaire.

Quant à la tentation de l'intégrisme religieux, elle provient des abus liés à la guerre froide. Les chefs d'Etat se permettaient tout. Ils avaient établi de véritables kleptocraties et les intégristes religieux ont dénoncé ces pratiques mettant en avant leur honnêteté. Cependant en Afrique noire l'intégrisme religieux n'a pas la même prise que dans d'autres régions du monde car la religion de base est l'animisme qui est naturellement tolérant. L'Islam ou le catholicisme sont obligés d'en tenir compte. Mâtinées d'animisme, de nombreuses sectes prospèrent et mélangent l'animisme et le catholicisme.

Nombre de changements ont eu lieu dans certains Etats comme le Bénin et le Mali, d'autres pays sont sur la même voie, la Francophonie pourrait les y encourager. En Côte d'Ivoire, même si la situation est confuse certaines évolutions ont été positives alors que pendant la guerre froide le Président Houphouët Boigny agissait comme bon lui semblait.

Exercer des pressions est nécessaire. En Afrique les populations ont trop souffert de l'arbitraire et quel que soit le niveau d'éducation, tous, même les plus ignorants aiment la liberté. Après l'esclavage et la colonisation, on ressent une aspiration à la liberté.

La Francophonie pourrait aider les pays africains à accéder à la démocratie. Un rapport sur l'application des droits de l'Homme dans chaque pays membre d'organisations de la Francophonie pourrait être rédigé et débattu chaque année. Il convient d'être optimiste car les chefs d'Etat sont désormais face à leur peuple. Ils peuvent certes conserver un temps le pouvoir mais cela ne peut durer car ils ne sont plus considérés comme les pères de la Nation depuis la fin de la guerre froide.

Il reste qu'en Afrique les populations sont pauvres et il faut faire en sorte que l'application des droits de l'Homme soit liée à l'évolution des structures sociales des pays. Si les pays Africains ne se développent pas les populations risquent de demander aux chefs d'Etat d'appliquer les méthodes d'autrefois. Pourtant seule la généralisation de pratiques respectueuses de la démocratie et des droits de l'Homme permettront de lutter avec efficacité contre le tribalisme.

3305 - Rapport d'information de Mme Yvette Roudy sur les droits de la personne et la Francophonie (commission des affaires étrangères)

1 Annexe 1 du présent rapport

2 Liste en annexe 2

3 Programme en annexe 3

4 Annexe 4

5 Annexe 5