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le 9 février 2000

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N° 2127

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 2 février 2000.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 1872) DE MME HUGUETTE BELLO ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES, tendant à la création d'une commission d'enquête sur le fonctionnement du service public de la justice à la Réunion,

PAR M. RAYMOND FORNI,

Député.

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Outre-mer.

La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : Mme Catherine Tasca, présidente ; MM. Pierre Albertini, Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gérin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; MM. Léo Andy, Léon Bertrand, Emile Blessig, Jean-Louis Borloo, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Dominique Bussereau, Christophe Caresche, Patrice Carvalho, Jean-Yves Caullet, Mme Nicole Catala, MM. Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, Jean Codognès, François Colcombet, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Jean-Claude Decagny, Bernard Derosier, Franck Dhersin, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Renaud Dutreil, Jean Espilondo, Mme Nicole Feidt, MM. Jacques Floch, Raymond Forni, Roger Franzoni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Guy Hascoët, Philippe Houillon, Michel Hunault, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Limouzy, Thierry Mariani, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Mme Véronique Neiertz, MM. Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Henri Plagnol, Didier Quentin, Bernard Roman, Jean-Pierre Soisson, Frantz Taittinger, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann.

MESDAMES, MESSIEURS,

Notre commission est saisie d'une proposition de résolution déposée par Mme Huguette Bello et plusieurs de ses collègues en vue de créer une « commission d'enquête sur le fonctionnement du service public de la justice à la Réunion ».

Cette proposition de résolution a, en fait, un double objet :

- elle vise à enquêter sur les suites judiciaires des événements du 7 mars 1994 au Port, au cours desquels un manifestant dénommé Théo Hilarion a été victime d'un tir tendu provenant des forces de l'ordre ;

- elle vise à procéder à des investigations sur l'état de la prison Juliette Dodu à Saint-Denis de la Réunion, dont une délégation de la commission des Lois a pu constater la vétusté en septembre 1999.

Cette proposition de résolution rejoint deux propositions qui ont été examinées par notre commission le mercredi 8 décembre 1999 : la première, déposée par M. Jacques Brunhes et plusieurs de ses collègues en vue d'enquêter sur l'affaire Hilarion, la seconde déposée par M. André Thien Ah Koon, tendant « à la création d'une commission d'enquête sur le fonctionnement du service public pénitentiaire dans le département de la Réunion ». Les arguments plaidant en faveur du rejet de ces deux propositions ayant déjà été exposés, le rapporteur les rappellera brièvement.

S'agissant de la recevabilité, celle-ci doit être examinée au regard de deux critères définis respectivement par les articles 140 et 141 de notre règlement : le premier porte sur la précision des faits ou sur la définition des services publics visés, le second sur l'absence d'enquêtes judiciaires en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition de résolution.

Le critère de la précision des faits apparaît comme satisfait, que ce soit dans le cas des conditions de détention à Saint-Denis, dont une délégation de la commission a pu apprécier le caractère scandaleux, ou dans le cas de l'affaire Hilarion, qui a manifestement souffert des lenteurs et des atermoiements de l'appareil judiciaire.

Quant aux procédures judiciaires en cours, la garde des sceaux, interrogée par le Président de notre assemblée, a indiqué par courrier du 7 décembre 1999, « qu'à la suite des blessures dont a été victime M. Hilarion le 7 mars 1994, une information judiciaire a été ouverte au tribunal de grande instance de Saint-Denis, procédure dans le cadre de laquelle sont intervenues deux mises en examen et à ce jour non clôturée. Des poursuite judiciaires sont donc en cours sur une partie des faits qui ont motivé la proposition de résolution que vous avez bien voulu me communiquer ».

Dans son rapport sur la proposition de résolution n° 1880 déposée sur le même sujet par M. Jacques Brunhes, le rapporteur considérait que « les risques d'interférence entre les travaux de la commission d'enquête qui serait créée en cas d'adoption de la proposition de résolution et l'information judiciaire en cours sont réels. Ce risque justifie que l'on se prononce pour l'irrecevabilité de la proposition de résolution qui vous est soumise ». Il propose donc aujourd'hui de confirmer cette précédente décision.

Enfin s'agissant de l'opportunité, ce critère avait conduit votre commission à rejeter la proposition de résolution n° 1841 de M. André Thien Ah Koon portant sur le service public pénitentiaire à la Réunion. Deux considérations avaient été prises en compte pour motiver ce rejet : les réponses récemment apportées par la garde des sceaux au sujet des prisons de la Réunion et le caractère trop restrictif du champ d'investigation d'une telle proposition de résolution.

Sur le premier point, il convient de rappeler l'engagement récent pris par la garde des sceaux de fermer la prison de Saint-Denis et de construire un nouveau centre pénitentiaire à la Réunion, les crédits ayant été adoptés par l'Assemblée nationale dans la dernière loi de finances rectificative. Quant au second point, la création d'une commission d'enquête sur les conditions de détention et sur le fonctionnement du service public pénitentiaire à l'initiative de députés issus de différents groupes politiques devrait permettre à la représentation nationale de se saisir de problèmes qui dépassent le seul département de la Réunion, même s'il s'y posent de manière particulièrement choquante.

Pour ces raisons, le rapporteur juge souhaitable que la Commission confirme ses précédentes décisions à l'égard des propositions de résolution nos 1841 et 1880 de MM. Brunhes et Thien Ah Koon en rejetant la présente proposition de résolution, celle-ci portant sur les mêmes sujets.

Après l'exposé du rapporteur, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.

Après avoir indiqué qu'il était favorable à la création d'une commission d'enquête sur le fonctionnement du service public de la justice à la Réunion, M. Robert Pandraud a estimé que l'existence de poursuites judiciaires sur une partie des faits motivant la proposition de résolution n'était pas de nature à priver les parlementaires de tout pouvoir d'investigation, comme l'illustrent les récents travaux de la commission d'enquête sur la Corse.

Tout en jugeant légitime la demande formulée par Mme Huguette Bello, M. Dominique Bussereau a estimé que le problème avait été pris en compte par la garde des sceaux puisqu'elle a obtenu les crédits nécessaires à la construction d'un nouveau centre pénitentiaire. Par ailleurs, il a souligné que, bien avant que les médias ne s'emparent de ce sujet, la commission des Lois s'était préoccupée de l'état des prisons françaises et, en particulier, de celle de Saint-Denis puisque, après s'être rendue en septembre 1999 à la Réunion, une délégation de la Commission avait alerté le Gouvernement sur la situation déplorable de cet établissement.

Intervenant en application de l'article 38, alinéa 1er, du Règlement, M. Elie Hoarau a pris acte de la décision prise par la garde des sceaux de fermer la prison de Saint-Denis et de construire un nouveau centre pénitentiaire. Il a néanmoins estimé que les dysfonctionnements du service public pénitentiaire à la Réunion allaient bien au-delà de ceux constatés dans la prison Juliette Dodu et considéré que leur accumulation mettait en cause la vision de la France, Etat de droit, qu'ont les Réunionnais. Il a évoqué le cas d'un élu placé en détention provisoire à la prison de Saint-Denis dans le seul but de le faire « craquer », le juge d'instruction n'ayant pu obtenir autrement d'aveux de sa part, ainsi qu'une affaire qui n'a toujours pas donné lieu à poursuites judiciaires alors que la police a été informée par un élu du nom des auteurs du délit ou encore la constitution d'une cellule « anti-corruption » procédant à des enquêtes parallèles destinées à nourrir l'action publique.

Rappelant qu'une réponse politique avait été apportée au problème posé par la prison de Saint-Denis, M. Arnaud Montebourg a souligné que les dysfonctionnements du service public de la justice n'étaient pas spécifiques au département de la Réunion. Il a donc souhaité qu'un projet de loi sur la responsabilité des magistrats soit soumis au Parlement afin que des conséquences puissent être tirées de ces dysfonctionnements.

Soutenu par M. Louis Mermaz, M. Jacques Floch a proposé à la Présidente de créer une mission au sein de la commission des Lois portant sur le service public de la justice à la Réunion. M. Robert Pandraud a estimé que l'envoi d'une mission de la commission des Lois à la Réunion serait totalement dénué de portée, seules les commissions d'enquête étant dotées de pouvoirs d'investigation contraignants.

Le rapporteur a rappelé que la demande de création d'une commission d'enquête présentée par Mme Huguette Bello s'appuyait exclusivement sur deux éléments, d'une part l'affaire Hilarion, qui donne lieu à poursuites judiciaires, et d'autre part l'état de la prison Juliette Dodu, dont la ministre de la justice a annoncé la fermeture et qui, de toute façon, entre dans le champ d'investigation de la future commission d'enquête sur le fonctionnement du service public pénitentiaire.

M. Elie Hoarau a demandé s'il fallait qu'il dépose une proposition de résolution évoquant une « litanie de dysfonctionnements horrifiants » pour convaincre ses collègues de l'utilité de la création d'une commission d'enquête sur le fonctionnement du service public de la justice à la Réunion.

Mme Catherine Tasca, présidente, a rappelé l'intérêt de la commission des Lois pour le département de la Réunion où une délégation s'est rendue en septembre dernier, son engagement dans l'évolution des liens entre la métropole et les territoires d'outre-mer et sa prochaine saisine sur le projet de loi d'orientation sur l'évolution de l'outre-mer. Soulignant que la situation des départements d'outre-mer n'était pas à l'ordre du jour de la présente réunion de la Commission, elle a souhaité que l'intérêt manifesté par les commissaires se traduise concrètement par leur participation aux débats portant sur cette question.

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La Commission a rejeté la proposition de résolution n° 1872.