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le 30 octobre 2000

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N° 2682

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 octobre 2000.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 2536) DE M. GUY TEISSIER, tendant à créer une commission d'enquête sur les effectifs de la police nationale,

PAR MME NICOLE FEIDT,

Députée.

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Police.

La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : M. Bernard Roman, président ; M. Pierre Albertini, Mme Nicole Feidt, M. Gérard Gouzes, vice-présidents ; M. Richard Cazenave, M. André Gerin, M. Arnaud Montebourg, secrétaires ; M. Léo Andy, M. Léon Bertrand, M. Jean-Pierre Blazy, M. Émile Blessig, M. Jean-Louis Borloo, M. Patrick Braouezec, M. Jacques Brunhes, M. Michel Buillard, M. Dominique Bussereau, M. Christophe Caresche, Mme Nicole Catala, M. Jean-Yves Caullet, M. Philippe Chaulet, M. Olivier de Chazeaux, M. Pascal Clément, M. Jean Codognès, M. François Colcombet, M. François Cuillandre, M. Henri Cuq, M. Jacky Darne, M. Camille Darsières, M. Jean-Claude Decagny, M. Bernard Derosier, M. Franck Dhersin, M. Marc Dolez, M. Renaud Donnedieu de Vabres, M. René Dosière, M. Jean-Pierre Dufau, M. Renaud Dutreil, M. Jean Espilondo, M. Jacques Floch, M. Roger Franzoni, M. Claude Goasguen, M. Louis Guédon, Mme Cécile Helle, M. Philippe Houillon, M. Michel Hunault, M. Henry Jean-Baptiste, M. Jérôme Lambert, Mme Christine Lazerges, Mme Claudine Ledoux, M. Jean-Antoine Léonetti, M. Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, M. Jacques Limouzy, M. Noël Mamère, M. Thierry Mariani, M. Roger Meï, M. Louis Mermaz, M. Jean-Pierre Michel, M. Ernest Moutoussamy, Mme Véronique Neiertz, M. Robert Pandraud, M. Vincent Peillon, M. Dominique Perben, M. Henri Plagnol, M. Didier Quentin, M. Jean-Pierre Soisson, M. Frantz Taittinger, M. André Thien Ah Koon, M. Jean Tiberi, M. Alain Tourret, M. André Vallini, M. Alain Vidalies, M. Jean-Luc Warsmann, M. Kofi Yamgnane.

MESDAMES, MESSIEURS,

Dès sa déclaration de politique générale, en juin 1997, le Premier ministre a rappelé que : « La sécurité est un droit fondamental de la personne humaine ». C'est aussi, pour l'actuelle majorité, un défi en termes de justice et d'égalité sociales, car l'insécurité menace d'abord les plus faibles et les plus démunis. Fait significatif, le nouveau ministre de l'Intérieur, M. Daniel Vaillant, a réaffirmé, dès le 22 septembre dernier, devant le corps préfectoral, que la sécurité des personnes et des biens constituait la deuxième priorité de l'action gouvernementale, après la lutte contre le chômage.

On comprend, dès lors, pourquoi le Parlement accorde tant d'importance à la gestion des effectifs de la police nationale : la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) a consacré, en 1999, sous l'impulsion de notre collègue, M. Tony Dreyfus, une part importante de ses travaux à cette problématique (1).

L'initiative de M. Guy Teissier, qui a déposé, le 6 juillet dernier, une proposition de résolution (n° 2536) tendant à créer, cette fois, une commission d'enquête « sur les effectifs de la police nationale », semble aller dans le même sens. Pourtant, votre rapporteure, après avoir examiné la recevabilité de cette initiative, s'attachera à démontrer l'inopportunité de la création d'une telle commission d'enquête.

Sur le plan juridique, il ressort de l'application conjointe de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1110 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 140 et 141 du règlement de l'Assemblée nationale que la création d'une commission d'enquête est soumise au respect de deux conditions :

-  Les faits ayant motivé le dépôt de la proposition de résolution ne doivent pas faire l'objet de poursuites judiciaires. En l'occurrence, Mme Elisabeth Guigoux, alors garde des sceaux, a fait savoir, dès le mois d'août dernier, au Président de l'Assemblée nationale, qu'aucune poursuite judiciaire n'est actuellement en cours concernant les faits ayant motivé cette proposition de résolution.

-  La résolution doit déterminer avec précision soit les faits sur lesquels la commission d'enquête orientera ses investigations, soit les services publics ou les entreprises nationales dont elle examinera la gestion. De ce point de vue, la portée de la proposition de M. Guy Teissier est suffisamment explicite : la commission d'enquête aurait pour objet « de faire un état des personnels de la police nationale affectés respectivement à des missions de sécurité publique et à des tâches administratives, techniques et scientifiques ».

C'est donc en termes d'opportunité que votre rapporteure entend apprécier cette demande de commission d'enquête, qui ne lui paraît pas fondée pour les raisons présentées ci-après.

· Le temps des constats, tout d'abord, est dépassé : nul ne conteste l'état de sous-administration de la police nationale. Il suffit, pour s'en convaincre, de se reporter aux réflexions de la Cour des comptes sur la gestion de la Préfecture de police de Paris (rapport public 1998), et, surtout, au rapport précité de la MEC, qui a confirmé ce diagnostic. La Cour des comptes estime que 5 000 policiers actifs, au minimum, exerceraient des tâches purement ou principalement administratives, le ministère de l'Intérieur cite des chiffres compris entre 5 et 10 000, M. Tony Dreyfus entre 10 et 20 000... En toute hypothèse, la France est loin des ratios observés chez nos principaux voisins européens, où la part des agents administratifs dans les effectifs totaux est d'environ 30 %, et non pas 10 %.

Les inconvénients de cette situation sont également identifiés. Elle affecte, bien sûr, la présence de la police « sur le terrain ». Par ailleurs, elle va à l'encontre d'une utilisation rationnelle des fonds publics puisque, comme l'a indiqué, devant la MEC, M. Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l'Intérieur : « Un poste administratif coûte beaucoup moins cher qu'un poste de policier, de l'ordre d'un bon tiers. Par ailleurs, la durée de formation d'un administratif est de 7 à 8 mois, alors que pour recruter et former un policier, il faut compter deux ans ».

Dans ces conditions, on ne voit pas très bien quel serait l'intérêt d'un nouvel état des lieux. On peut s'étonner, d'ailleurs, que les travaux de la MEC, pourtant co-présidée par un parlementaire de l'opposition, ne soient pas même évoqués dans l'exposé des motifs de la proposition de résolution.

· Si le constat n'a donc plus à être établi, on ajoutera que le remède est tout aussi connu. Notre collègue, M. Tony Dreyfus, a également été très clair à cet égard : « Pour que les graves lacunes constatées dans la gestion et l'administration de la police soient rapidement comblées, il importe qu'à l'avenir les tâches policières stricto sensu soient distinguées des tâches purement administratives. Cela suppose de renforcer les effectifs d'agents administratifs présents dans la police nationale ».

· C'est donc à la mise en _uvre des réformes nécessaires qu'il convient désormais de se consacrer. Or, les mesures décidées par le Gouvernement vont effectivement dans le sens d'un renforcement de la présence policière sur le terrain.

Cette orientation repose sur de multiples initiatives : la création des adjoints de sécurité dans le cadre de la mise en place de la police de proximité (14 500 ADS aujourd'hui, sans doute 17 000 à la fin de l'année), l'externalisation de certaines tâches telles que l'entretien du parc automobile ou la maintenance informatique, des recrutements anticipés (2 600 à l'automne 1999, qui seront présents sur le terrain au début de l'année 2001, à l'issue de leur formation).

Surtout, comment ne pas relever que le projet de loi de finances pour 2001 prévoit la création nette de 550 emplois du cadre administratif (100 secrétaires administratifs et 450 adjoints), auxquels s'ajoutent 100 emplois scientifiques (10 ingénieurs, 20 techniciens et 70 aides techniques de laboratoire), dans la continuité des efforts déjà engagés dans cette filière l'année dernière, et 150 emplois de spécialité informatique (ingénieurs et techniciens) ? La création de ces emplois, dont le coût est évalué à 96,42 millions de francs (chapitre 31-41, article 40), est destinée, en premier lieu, à renforcer la police de proximité et à permettre la remise sur la voie publique de policiers chargés de tâches administratives. Plus accessoirement, elle permettra la mise en place de nouvelles structures et notamment d'un fichier automatisé des empreintes génétiques. L'ampleur de cette initiative est inédite et témoigne de la supériorité des actes sur les mots : la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995 annonçait, de façon péremptoire, la création de 5 000 emplois administratifs et techniques dans la police, sans prévoir de financement pour cette mesure qui n'a pas connu de traduction concrète.

Si les efforts proposés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2001 devront être poursuivis, de toute évidence, au cours des prochains exercices budgétaires, il va de soi qu'il serait pour le moins paradoxal de créer une commission d'enquête sur les effectifs de la police nationale au moment précis où le Gouvernement témoigne, concrètement, de sa volonté de les renforcer sur le plan administratif et, indirectement, de l'attention qu'il porte aux travaux parlementaires.

La création d'une commission d'enquête n'est donc pas justifiée et pour l'ensemble de ces raisons, votre rapporteure ne peut que vous inviter à rejeter la proposition de résolution qui vous est soumise.

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Conformément aux conclusions de la rapporteure, la Commission a rejeté la proposition de résolution.

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N° 2625.- Rapport de Mme Nicole Feidt, au nom de la commission des lois, sur la proposition de résolution (n° 2536) de M. Guy Teissier, tendant à créer une commission d'enquête sur les effectifs de la police nationale.

1 () Voir l'annexe 2 au rapport d'information n° 1781, 7 juillet 1999.