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le 4 avril 2001

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N° 2964

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 mars 2001.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN(1) SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 2917) de M. Olivier de Chazeaux tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conditions d'évaluation et d'utilisation du prix des licences UMTS au regard du plan de financement des retraites et de gestion de la dette.

PAR MJacques GUYARD,

Député.

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Finances publiques.

La Commission des finances, de l'économie générale et du Plan est composée de : M. Henri Emmanuelli, président ; M. Michel Bouvard, M. Jean-Pierre Brard, M. Yves Tavernier, vice-présidents ; M. Pierre Bourguignon, M. Jean-Jacques Jégou, M. Michel Suchod, secrétaires ; M. Didier Migaud, Rapporteur Général ; M. Maurice Adevah-Poeuf, M. Philippe Auberger, M. François d'Aubert, M. Dominique Baert, M. Jean-Pierre Balligand, M. Gérard Bapt, M. François Baroin, M. Alain Barrau, M. Jacques Barrot, M. Christian Bergelin, M. Éric Besson, M. Alain Bocquet, M. Augustin Bonrepaux, M. Jean-Michel Boucheron, Mme Nicole Bricq, M. Christian Cabal, M. Jérôme Cahuzac, M. Thierry Carcenac, M. Gilles Carrez, M. Henry Chabert, M. Didier Chouat, M. Alain Claeys, M. Charles de Courson, M. Christian Cuvilliez, M. Arthur Dehaine, M. Jean-Pierre Delalande, M. Francis Delattre, M. Yves Deniaud, M. Michel Destot, M. Patrick Devedjian, M. Laurent Dominati, M. Julien Dray, M. Tony Dreyfus, M. Jean-Louis Dumont, M. Daniel Feurtet, M. Pierre Forgues, M. Gérard Fuchs, M. Gilbert Gantier, M. Jean de Gaulle, M. Hervé Gaymard, M. Jacques Guyard, M. Edmond Hervé, M. Pierre Hériaud, M. Jean-Louis Idiart, Mme Anne-Marie Idrac, M. Michel Inchauspé, M. Jean-Pierre Kucheida, M. Marc Laffineur, M. Jean-Marie Le Guen, M. Maurice Ligot, M. François Loos, M. Alain Madelin, M. Jean-Michel Marchand, Mme Béatrice Marre, M. Louis Mexandeau, M. Gilbert Mitterrand, M. Pierre Méhaignerie, M. Jean Rigal, M. Alain Rodet, M. José Rossi, M. Nicolas Sarkozy, M. Georges Sarre, M. Philippe Séguin, M. Georges Tron, M. Jean Vila.

I.- LA RECEVABILITÉ JURIDIQUE DE LA PROPOSITION 5

II.- LA PROCÉDURE D'ATTRIBUTION DES LICENCES UMTS EST PARFAITEMENT CONNUE ET ENCADRÉE PAR LA LOI 6

III.- LE PARLEMENT EST INFORMÉ ET ASSOCIÉ À LA PROCÉDURE D'ATTRIBUTION DES LICENCES 9

IV.- LA PROCÉDURE N'EST PAS ACHEVÉE 12

EXAMEN EN COMMISSION 14

Laisser cette page blanche sans numérotation.

Votre commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan est saisie d'une proposition de résolution (n° 2917) de M. Olivier de Chazeaux visant à créer une commission d'enquête sur les conditions d'évaluation et d'utilisation du prix des licences UMTS au regard du plan de financement des retraites et de gestion de la dette.

I.- LA RECEVABILITÉ JURIDIQUE DE LA PROPOSITION

Il ressort des dispositions combinées de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 140 et 141 du règlement de l'Assemblée nationale que la recevabilité des propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête est soumise à deux conditions :

- les faits ayant motivé le dépôt de la proposition ne doivent pas faire l'objet de poursuites judiciaires ;

- la proposition doit déterminer avec précision, soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services publics ou les entreprises nationales dont la commission d'enquête doit examiner la gestion.

S'agissant de la première condition, la réponse du Garde des sceaux à la notification de dépôt de la proposition de résolution, a été transmise au Président de l'Assemblée nationale le 2 mars 2001. Elle indique qu' « aucune poursuite judiciaire n'est en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition ».

La seconde condition pose plus de problèmes. C'est sans doute légitimement que, tant l'importance des recettes publiques en cause, et l'utilisation qui en sera faite, que les conséquences potentielles du prix des licences sur la rentabilité et le développement potentiel de la téléphonie mobile de nouvelle génération, peuvent susciter l'interrogation de l'auteur de la proposition de résolution. De plus, la proposition de résolution vise deux points, - les modalités d'évaluation des licences UMTS, et l'affectation de leur produit -, clairement identifiés, et qui concernent des faits et une procédure du champ d'un service public ou de la gestion publique. Néanmoins, il ne s'agit, en l'occurrence, d'examiner la gestion ni d'un service public en tant que tel, ni d'une entreprise nationale. Par ailleurs, s'agissant d'une procédure encore en cours, il y a lieu de s'interroger de manière plus approfondie sur la nature même des faits visés.

II.- LA PROCÉDURE D'ATTRIBUTION DES LICENCES UMTS EST PARFAITEMENT CONNUE ET ENCADRÉE PAR LA LOI

La création d'une commission d'enquête a pour objet de permettre au Parlement de faire toute la lumière sur une question présentant des points d'ombre, en mobilisant des pouvoirs d'investigation très étendus, en toute indépendance, notamment vis-à-vis du Gouvernement.

Or la procédure d'évaluation des prix, du nombre des licences UMTS (1) et des modalités de leur attribution est parfaitement connue de tous, puisqu'elle résulte des dispositions du code des postes et télécommunications, et fait l'objet, à tous ses stades, de publications des décisions prises.

En premier lieu, le déploiement de la troisième génération des mobiles s'inscrit dans une démarche harmonisée au plan communautaire, en application de la décision n°128/1999/CE du Conseil et du Parlement européen, qui prescrit aux États membres de prendre « toutes les mesures nécessaires pour permettre l'introduction coordonnée et progressive des services UMTS sur leur territoire le 1er janvier 2002 au plus tard, et de mettre en place un système d'autorisations pour l'UMTS le 1er janvier 2000 au plus tard ».

Dans cette perspective, une concertation a été mise en place à partir de janvier 1998, dans le cadre de la Commission consultative des radiocommunications (CCR). Le groupe de travail spécialisé qui a été chargé de celle-ci a remis ses propositions en septembre 1998. Celles-ci ont été suivies d'une consultation publique, afin d'une part, de mieux cerner les enjeux des futurs systèmes mobiles, et, d'autre part, de préciser les conditions et les modalités d'attribution des licences. Celle-ci s'est achevée en mai 1999. Ses conclusions ont été rendues publiques, sous la forme d'un rapport de synthèse publié en octobre 1999, et sont même accessibles en temps réel sur le site Internet de l'ART (Autorité de régulation des télécommunications).

Cette consultation a permis de dégager plusieurs points de consensus :

- la limitation à quatre, pour des raisons techniques, du nombre de licences d'exploitation à attribuer. Une telle limitation est prévue par l'article 33-1 du code des postes et télécommunications qui dispose que « le nombre des autorisations peut être limité en raison des contraintes techniques inhérentes à la disponibilité des fréquences ».

- le choix d'une procédure de soumission comparative, « sur la base de critères transparents et non discriminatoires », plutôt que la procédure des enchères, compte tenu des risques économiques que celui-ci aurait pu engendrer.

L'ART a retenu ces points de vue, dans sa décision n°00-835 du 28 juillet 2000, proposant au ministre les modalités et conditions d'attribution des autorisations pour l'introduction en France métropolitaine des systèmes mobiles de troisième génération. Cette décision, publique, a été transcrite dans l'avis publié au Journal officiel le 18 août 2000 par le secrétaire d'État à l'industrie. L'avis est en effet imposé par l'article 33-1 précité du code des postes et télécommunications dans les cas de limitation du nombre de fréquences en raison de contrantes techniques, puisque, dans ce cas, c'est au Gouvernement, et non à l'ART, qu'il revient de publier, sur proposition de celle-ci, les modalités et les conditions d'attribution des licences.

Cet avis a fixé le calendrier de la procédure de sélection des opérateurs:

- 18 août 2000 : publication de l'avis d'appel à candidatures ;

- 31 janvier 2001 : dépôt des candidatures, et début de la sélection. Deux candidatures ont effectivement été déposées (France Télécom mobiles et la société française du radiotéléphone SFR) ;

- 28 février 2001 au plus tard : publication de la liste des candidats et de leurs principaux actionnaires. La liste et les principaux actionnaires des deux candidats ont été rendus publiques par l'ART, et peuvent être consultés sur son site Internet (2) ;

- 31 mai 2001 au plus tard : publication par l'ART du compte-rendu et du résultat motivé de la sélection ;

- 30 juin 2001 au plus tard : délivrance par le ministre chargé des télécommunications des autorisations aux candidats retenus ;

- juillet 2001 : premières attributions de fréquences.

Le même avis précise les modalités de sélection des candidats, dont les propositions font l'objet d'une note globale sur 500, définie à partir de 14 critères pondérés (date d'ouverture commerciale et couverture à cette date, offre de services, offre tarifaire, qualité de service, emplois, cohérence et crédibilité du plan d'affaires, ...).

En application de l'article L.36-7 du code des postes et télécommunications, c'est à l'ART qu'il revient d'instruire, pour le compte du ministre, les demandes d'autorisation, et de publier le compte-rendu et le résultat motivé de la procédure, d'ici le 31 mai prochain. Ce compte-rendu, accompagné des projets d'arrêtés d'autorisation et des cahiers des charges associés des candidats retenus, sera ensuite transmis sans délai au ministre, auquel reviendra la délivrance des arrêtés d'autorisation. Les autorisations seront délivrées pour quinze ans, conformément à l'article L.33-1 du code des postes et télécommunications.

S'agissant du prix des licences, celui-ci a été fixé formellement par le Gouvernement, et non par l'ART, par l'avis précité du 18 août dernier, conformément aux dispositions du code des postes et télécommunications, à hauteur de 32,5 milliards de francs par licence.

Par rapport aux autres États européens, le niveau de prix retenu (130 milliards de francs au total) ne peut, a priori, être qualifié ni d'excessif, si on le compare par exemple aux recettes qu'ont retiré respectivement les gouvernements britannique (249,3 milliards de francs pour 5 autorisations, soit un prix moyen de 50 milliards de francs) et allemand (331 milliards de francs pour 6 autorisations, soit un prix moyen de 55 milliards de francs), ni d'insuffisant, si on le compare à la Suède (pas de droit d'entrée), ou aux Pays-Bas (18 milliards de francs pour 5 autorisations, soit un prix moyen de 3,5 milliards de francs).

Mais il est vrai que le niveau de prix retenu a pu prendre en considération des prévisions économiques, notamment au développement d'Internet, qui se sont rapidement avérées trop optimistes. Il faut cependant conserver à l'esprit que le retrait de deux candidats potentiels a pu être à la fois dicté par des considérations tactiques vis-à-vis du Gouvernement, et résulter de difficultés financières des opérateurs découlant précisément du niveau très élevé des prix des premières licences attribuées par les autres États.

Quant aux modalités de sélection des candidatures, elles ne se singularisent pas particulièrement par rapport aux autres États membres de l'Union (cf. tableau infra). Le choix du « concours de beauté », pour reprendre la formulation imagée habituellement retenue, ne constitue en rien une spécificité, et a permis de ne pas conduire à un prix unitaire exagérément élevé au regard des potentialités commerciales du développement de l'UMTS et des capacités financières des candidats.

COMPARAISON DES MODALITÉS DE SÉLECTION
ET DES AUTORISATIONS D'EXPLOITATION UMTS

Allemagne

- mise aux enchères (achevée) de 6 licences, pour un gain total de 50,5 milliards d'euros

Royaume-Uni

- mise aux enchères (achevée) de 5 licences pour un total de 38,75 milliards d'euros

France

- 4 licences à attribuer par soumission comparative

Suède

- 4 licences (attribuées) par soumission comparative, pour un prix symbolique

Portugal

- 4 licences (attribuées) par procédure de soumission comparative pour un gain de 400 millions d'euros + redevance annuelle

Finlande

- Soumission comparative (achevée) pour 4 licences, pour un prix symbolique

Autriche

- Mise aux enchères de 5 à 6 licences (achevée), pour un gain de 830 millions d'euros

Espagne

- Soumission comparative (achevée) pour 4 licences, pour un gain de 530 millions d'euros+ redevance annuelle sur 20 ans de 14,1 milliards d'euros

Belgique

- Mises aux enchères (achevée) de 3 licences sur 4, pour un gain de 450 millions d'euros

Italie

- Mise aux enchères (achevée) de 5 licences pour un gain de 14,64 milliards d'euros

Pays-Bas

- Mise aux enchères (achevée) de 5 licences, pour un gain de 2,68 milliards d'euros

Source : ART, commission européenne

III.- LE PARLEMENT EST INFORMÉ ET ASSOCIÉ À LA PROCÉDURE D'ATTRIBUTION DES LICENCES

La création d'une commission d'enquête pourrait constituer un moyen pour le Parlement d'être associé à un dossier dont le Gouvernement aurait souhaité le tenir écarté. Tel n'est pas le cas, en ce qui concerne les licences UMTS.

En premier lieu, en application de la loi, le Parlement a été associé, dès la phase amont, au choix de la procédure d'attribution de licences par l'intermédiaire de la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications (CSSPPT), que votre Rapporteur a l'honneur de présider, qui est très majoritairement composée de parlementaires (sept députés, sept sénateurs, ainsi que trois personnalités qualifiées). Celle-ci a été appelée à donner un avis sur les questions relatives aux licences UMTS. A cette occasion, la CSSPPT a opté, à l'unanimité de ses membres, pour le système de la soumission comparative, et pour un prix qui ne soit pas trop élevé, de façon à obtenir une couverture rapide et totale du territoire, sans fragiliser excessivement les opérateurs, tout en permettant la poursuite du développement de leurs investissements.

Par ailleurs, le Parlement a été directement informé et associé par le Gouvernement à la définition des conditions générales d'attribution des licences UMTS aux étapes successives de la procédure, comme de l'affectation de leur produit.

Tout d'abord, la séance de questions au Gouvernement du 6 juin 2000 a permis au Ministre de l'Économie, des finances et de l'industrie de rappeler la procédure d'attribution des licences, telle qu'elle est prévue par le code des postes et télécommunications, et de préciser, dans leurs grandes lignes, le prix, le nombre et l'affectation des recettes des licences prévues (3).

Puis les modalités précises d'affectation des recettes qui seront retirées de l'attribution des licences UMTS ont été soumises au Parlement, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2001.

L'article 23 du projet (devenu, sans modification substantielle, l'article 36 de la loi de finances pour 2001 du 30 décembre 2000) a en effet prévu à la fois le montant unitaire, le calendrier du paiement, la durée d'attribution des licences et l'affectation des recettes.

L'analyse en a été effectuée en détail dans le volume I du tome II du rapport général sur le projet de loi de finances pour 2001 (n°2624) par votre Rapporteur général. Sans revenir inutilement sur le commentaire qui en est fait, votre Rapporteur en rappellera simplement les grands traits :

- le nombre de licences n'est pas prévu de manière explicite, mais les recettes correspondent à l'attribution de quatre licences ;

- le prix unitaire d'une licence est fixé à 32,502 milliards de francs ;

- le calendrier de versement est réparti sur seize ans, avec 3 périodes distinctes correspondant à un paiement plus concentré sur les années 2001 et 2002 (deux versements de 4,062 milliards de francs en 2001, quatre versements de 2,031 milliards de francs en 2002, et un versement annuel de 1,161 milliard de francs de 2003 à 2016) ;

- les 130 milliards de francs de recettes prévisionnelles sont affectées à un compte d'affectation spéciale du Trésor créé à cet effet (compte n°902-33 intitulé « fonds de provisionnement des charges de retraite et de désendettement de l'État ») ;

- ce compte d'affectation spéciale est destiné à financer :

- d'une part le désendettement de l'État, à hauteur d'un total de 28 milliards de francs, à raison de 14 milliards de francs en 2001 et autant en 2002, affectés à la Caisse d'amortissement de la dette publique,

- d'autre part, pour le solde de 104 milliards de francs, c'est-à-dire 79% des recettes attendues, le financement du fonds de réserve des retraites.

Seuls les montants des recettes affectés au désendettement de l'État sont fixés par le texte promulgué. Dans le cas où le nombre de licences effectivement attribuées serait inférieur à quatre, ce qui semble devoir être le cas, et sauf modification ultérieure adoptée par le Parlement dans le cadre d'une nouvelle loi de finances, le versement des recettes effectivement perçues sera affecté prioritairement à la caisse d'amortissement de la dette publique.

Toute modification du montant total du prix des licences, du calendrier de perception des recettes, ou de l'affectation de celles-ci devra être soumise au Parlement, qui sera donc nécessairement informé et associé à la décision finalement retenue.

Par ailleurs, dans le cadre de la discussion, certes tardive, de cet article du projet de loi de finances, le Parlement a obtenu du Gouvernement l'assurance d'être consulté au cours de la procédure d'attribution des licences. Cet engagement du Gouvernement a précisément été obtenu à l'occasion de la discussion en séance publique du projet de budget pour 2001. Celle-ci, qui a eu lieu le 20 octobre dernier, n'a pas, en effet, été de pure forme. Les questions posées et les amendements déposés par plusieurs parlementaires, notamment par votre Président et votre Rapporteur général, ont en effet permis, au terme d'une longue et fructueuse discussion, en grande partie centrée sur la nécessité que le déploiement géographique de l'UMTS soit aussi large que possible, d'obtenir du secrétaire d'État à l'industrie qu'il s'engage, au nom du Gouvernement, à « transmettre au Parlement le cahier des charges des opérateurs avant l'octroi des autorisations en tenant compte de l'appel à candidature qui a déjà été lancé (...) ». Il a pris également l' « engagement d'adresser un rapport au Parlement et d'organiser, en vertu de l'article 132 du règlement de l'Assemblée nationale, de telle manière que [le Parlement soit ] informé et puisse débattre avant qu'une décision définitive soit prise concernant la promotion de l'UMTS. »

IV.- LA PROCÉDURE N'EST PAS ACHEVÉE

La procédure d'attribution des licences n'est pas achevée. En conséquence, le montant des recettes publiques qui en seront effectivement retirées n'est pas non plus définitivement connu.

Il est d'ores et déjà certain que les recettes seront inférieures aux prévisions soumises et adoptées par le Parlement à l'automne dernier, compte tenu du fait que deux opérateurs seulement se sont portés candidats à l'attribution d'une licence dans les conditions fixées par la loi de finances pour 2001.

Mais, en tout état de cause, les licences ne sont pas encore attribuées, les projets de cahier des charges sont encore en cours de rédaction, et le sort qui sera réservé aux deux fréquences qui demeuront libres, en l'état actuel des choses, n'est pas encore fixé.

En effet, il résulte des analyses juridiques menées par l'ART que la situation découlant de l'existence de deux candidatures est en soi sans incidence sur le déroulement de cette procédure. Néanmoins, des perspectives claires ont été tracées, par l'ART elle-même dans ses commentaires rendus publics le 31 janvier 2001, dans lesquels elle indique qu'« une structuration du marché autour de deux opérateurs seulement ne saurait être envisagée durablement. En effet, la pérennisation d'une telle situation ne permettrait pas de satisfaire aux objectifs de développement d'un marché concurrentiel qui inspirent l'ensemble des textes européens et français dans le domaine des télécommunications, et en particulier la décision communautaire du 14 décembre 1998 sur le système mobile de troisième génération.

Afin de favoriser le développement d'une concurrence véritable, visée tant par les textes communautaires que français, l'Autorité estime donc nécessaire que soit engagé un appel complémentaire à candidatures pouvant permettre de parvenir comme prévu à l'objectif de délivrance de quatre autorisations. Cet appel obéira également au principe de la sélection comparative et devra prendre en compte l'exigence d'équité des conditions, notamment financières, entre les différents acteurs.

Cette nouvelle procédure, pour laquelle l'Autorité formulera sa proposition en vue de sa publication par le Ministre, devra être engagée selon des modalités et dans des délais propres à garantir la situation concurrentielle lors de l'ouverture effective du marché de la troisième génération.

La situation aujourd'hui constatée en France, comme en Europe, reflète la tension qui résulte d'un calendrier établi au vu de perspectives industrielles optimistes et traduites dans la décision communautaire de 1998. Or, les analyses financières et les réalités techniques conduisent aujourd'hui à revoir ce calendrier.

L'Autorité, conformément aux missions qui lui sont attribuées par la loi française, continuera avec réalisme à inscrire la régulation dans une perspective économique et sociale au service du consommateur, et confirme son attachement aux objectifs de couverture du territoire ».

Il y a donc lieu de constater que la procédure, notamment pour l'attribution des deux licences, visée par la présente proposition de résolution, comme les modalités de fixation de leur prix, ne sont pas encore parfaitement connues

*

Votre Rapporteur soulignera, à cet égard, qu'une situation comparable a d'ailleurs déjà pu, par le passé, se présenter à votre Commission des finances. Il s'agissait, en l'occurrence, en novembre 1996, d'examiner une proposition de résolution de création d'une commission d'enquête portant sur le processus de privatisation de Thomson. Dans des circonstances très analogues, c'est-à-dire une proposition de création d'une commission d'enquête portant sur une procédure qui n'était pas achevée, votre commission (rapport n° 3165 du 26 novembre 1996) s'est prononcée défavorablement. Cette décision a été confirmée par la réalité des faits, puisque la dite procédure de privatisation a été ensuite -momentanément- interrompue par le Gouvernement.

*

* *

Dans ces conditions, votre Rapporteur estime, sans méconnaître ni sous-estimer l'importance des questions que pose l'attribution des licences UMTS par le Gouvernement, que la création d'une commission d'enquête semble à la fois, sur le fond, inutile et prématurée, et, juridiquement, ne pas pouvoir viser les faits précis que le règlement de l'Assemblée nationale exige.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du 28 mars 2001, la Commission a examiné, sur le rapport de votre Rapporteur, la proposition de résolution de M. Olivier de Chazeaux (n° 2917) tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conditions d'évaluation et d'utilisation du prix des licences UMTS au regard du plan de financement des retraites et de gestion de la dette.

Votre Rapporteur a tout d'abord indiqué qu'il ne conclurait pas en faveur de la création de la commission d'enquête, souhaitée par l'auteur de la proposition, compte tenu du fait que celle-ci ne répondait pas aux conditions de recevabilité des commissions d'enquête, fixée par la loi organique et l'article 140 du règlement de l'Assemblée nationale. En effet, la proposition concerne une procédure en cours, et ne peut donc pas être considérée comme visant les « faits » précis qui sont exigés par les textes, puisque les candidatures pour obtenir les autorisations d'exploiter sont en cours d'examen par l'Autorité de régulation des télécommunications (ART). La commission des finances, pendant la précédente législature, dans le cas, assez proche, d'une proposition de création d'une commission d'enquête sur la procédure, alors en cours, de privatisation de Thomson avait décidé de rejeter cette proposition pour le même motif.

Par ailleurs, la création d'une commission d'enquête répond, en principe, à la nécessité de faire toute la lumière, grâce à des pouvoirs d'investigation étendus, sur des questions qui l'exigent. Or la procédure d'attribution des licences est parfaitement claire : le calendrier et les conditions d'attribution des licences sont totalement transparents. En revanche s'il est vrai que les conditions d'attribution des licences de téléphonie mobile de troisième génération posent un problème politique de fond, il convient d'observer que cette question a déjà été longuement débattue par l'Assemblée. Enfin, le niveau de prix fixé par le Gouvernement pour l'attribution des licences, s'il est bien inférieur à celui d'autres États comme le Royaume-Uni et l'Allemagne, qui ont choisi la procédure des enchères, témoigne sans doute d'une mauvaise appréciation largement partagée, en particulier de la part des entreprises, à une époque où les perspectives de développement d'Internet apparaissaient très supérieures à l'évaluation, plus réaliste, d'aujourd'hui. De surcroît, la commission européenne, qui a déterminé les conditions d'une démarche coordonnée d'introduction de cette technologie entre les États membres, a manifestement sous-évalué le délai au terme duquel celle-ci pourrait effectivement être mise en place et exploitée commercialement. S'il existe un problème de date de la mise sur le marché de ces licences, il faut bien constater que celui-ci est plus crucial au fur et à mesure que le temps passe : le problème est encore pire en Italie. Il faudra bien trouver des moyens de sortir de cette situation, mais la création d'une commission d'enquête n'apparaît pas pertinente à cet égard.

Usant de la faculté que l'article 38 du Règlement de l'Assemblée nationale confère aux députés d'assister aux réunions des commissions dont ils ne sont pas membres, M. Olivier de Chazeaux a estimé que, s'il y avait une « jurisprudence » Thomson, celle-ci pouvait connaître un revirement. Il importe à la représentation nationale de connaître les conditions dans lesquelles les licences UMTS ont été évaluées.

Le Gouvernement n'a pas retenu les évaluations effectuées par l'ART. L'évaluation des licences a été établie en méconnaissance du marché et des perspectives d'évolution de la norme UMTS. Il semble bien, en fait, que l'évaluation de 32,5 milliards de francs par licence ait été faite, par le Gouvernement, de manière quelque peu arbitraire pour répondre aux besoins de financement du compte d'affectation spéciale créé par l'article 36 du projet de loi de finances pour 2001, c'est-à-dire, en pratique, pour financer le fonds de réserve pour les retraites et le désendettement de l'État.

La procédure d'octroi des licences paraît, en outre, entachée d'irrégularités dans la mesure où deux opérateurs se sont retirés. Pourtant, le Gouvernement et l'ART ont considéré qu'il fallait aller au terme de la procédure. L'évaluation du prix des licences, comme le problème financier actuel, justifient donc la création de cette commission d'enquête.

M. Francis Delattre a rappelé que la politique des « noyaux durs » et des privatisations avait pu faire l'objet d'une commission d'enquête, et que tel fut le cas pour la privatisation de TF1. On ne voit donc pas quelles raisons peuvent être avancées pour refuser la commission d'enquête proposée, d'autant qu'il ne serait pas compris que l'Assemblée nationale n'examine point les conditions d'évaluation des licences UMTS et reste silencieuse, alors que le Sénat s'alarme des conditions de financement du fonds de réserve pour les retraites.

Le Président Henri Emmanuelli a considéré que le parallèle avec la commission d'enquête sur les privatisations n'avait pas lieu d'être dans la mesure où les privatisations avaient été effectuées avant la création de cette commission, alors que le processus visé par la présente proposition de résolution n'est pas achevé et que rien d'anormal ou d'opaque n'entache le processus de dévolution des licences. La création d'une commission d'enquête n'est pas opportune, - une commission d'enquête n'est, à l'évidence, pas utile pour constater que les sommes escomptées ne sont pas allées là où il était prévu qu'elles aillent. En revanche, l'audition du Gouvernement, comme celle de l'ART, par la commission seraient plus utiles. Le Gouvernement avait d'ailleurs pris des engagements en ce sens. Cela étant, il faut convenir que, dans cette affaire, la Commission européenne et les entreprises se sont largement trompées et le Gouvernement un peu moins. Les évaluations effectuées par ce dernier ont été, de toute évidence, plus raisonnables qu'au Royaume-Uni ou en Allemagne.

M. Olivier de Chazeaux a rappelé que les propositions d'évaluation avaient été contestées.

Le Président Henri Emmanuelli a indiqué que nombre d'opérateurs, lors du lancement de l'opération, avaient eu des craintes alors que ces évaluations étaient connues, de ne pas être retenus. Il y a donc eu, y compris de leur part, un manque de lucidité.

Votre Commission a ensuite rejeté, conformément à la position de votre Rapporteur, la proposition de résolution.

2964 - Rapport de M. Olivier de Chazeaux : commission d'enquête sur les conditions d'évaluation et d'utilisation du prix des licences UMTS au regard du plan de financement des retraites et de gestion de la dette (commission des finances)

1 () UMTS :Universal mobile telecommunication system, ou système universel de communications mobiles, dit de troisième génération, bénéficiant d'un débit d'information (de 384 kbits/s jusqu'à 2 Mbit/s, sensiblement supérieur à celui des systèmes de téléphonie mobiles actuellement mis en _uvre (9,6 kbit/s pour la génération actuelle de téléphones mobiles, 56 kbit/s pour les lignes fixes).L'enjeu de la technologie et des licences UMTS réside dans le développement de services internet et d'images animées sur l'écran des téléphones portables.

2 () L'actionnaire de référence de France Télécom Mobiles S.A .est la société France Télécom. La société France Télécom détient à plus de 80 % de son capital la société Orange. La société Orange détient directement à 100 % France Télécom Mobiles S.A.

Les actionnaires de référence de SFR sont les sociétés Vivendi Universal, British Telecom, le groupe SBC et Vodafone Group Plc. Vivendi Universal et le groupe SBC détiennent respectivement 70 % et 30 % de la société Transtel. La société Transtel, British Telecom, le groupe Vodafone (via Mannesman) et Vivendi Universal (directement) détiennent respectivement 50 %, 26 % 15 %, et 9 % de la société Cegetel. La société Cegetel détient 80 % de SFR via une filiale financière détenue près de 100 % (Cofira). Le groupe Vodafone détient 20 % du capital de SFR.

3 () L'affectation des recettes au financement des retraites avait déjà été mentionnée devant l'Assemblée nationale par le ministre de l'Économie, des finances et de l'industrie, à l'occasion du débat d'orientation budgétaire du 16 mai 2000.