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813

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 1er avril 1998.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LA PROPOSITION DE LOI (n° 577) DE M. ALAIN TOURRET ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES, tendant à limiter la détention provisoire,

PAR M. ALAIN TOURRET,

Député.

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Droit pénal.

La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : Mme Catherine Tasca, présidente ; MM. Jean-Louis Borloo, Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gerin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; M. Pierre Albertini, Mme Nicole Ameline, MM. Léo Andy, Léon Bertrand, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Dominique Bussereau, Christophe Caresche, Patrice Carvalho, Mme Nicole Catala, MM. Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, Jean Codognès, François Colcombet, Michel Crépeau, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Bernard Derosier, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Julien Dray, Renaud Dutreil, Mme Nicole Feidt, MM. Jacques Floch, Raymond Forni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Guy Hascoët, Philippe Houillon, Michel Hunault, Michel Inchauspé, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Limouzy, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Henri Nallet, Mme Véronique Neiertz, MM. Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Henri Plagnol, Didier Quentin, Bernard Roman, Gilbert Roseau, José Rossi, Frantz Taittinger, André Thien Ah Koon, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann, Adrien Zeller.

INTRODUCTION 5

1. UN RÉGIME JURIDIQUE QUI CONFÈRE THÉORIQUEMENT À LA DÉTENTION PROVISOIRE UN STATUT D'EXCEPTION 5

2. UNE PRATIQUE QUI CONSACRE LA DÉTENTION PROVISOIRE COMME UN INSTRUMENT BANALISÉ D'INSTRUCTION 12

3. DES PROPOSITIONS DE RÉFORME CIBLÉES DESTINÉES À RARÉFIER LA DÉTENTION PROVISOIRE 16

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 31

TABLEAU COMPARATIF 35

MESDAMES, MESSIEURS,

Depuis le début des années quatre-vingt-dix, près de 30.000 personnes sont annuellement placées en détention provisoire, soit plus du tiers de celles mises en examen par les juges d'instruction. De 1.200 à 2.000 d'entre elles bénéficient chaque année, en définitive, d'un non lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement.

A elles seules, ces quelques données illustrent la dérive, hélas trop bien connue, stigmatisée à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l'homme, d'une procédure que le code de procédure pénale s'évertue encore à qualifier d'" exceptionnelle ". De fait, même si nos voisins connaissent des institutions comparables et si la France ne fait pas systématiquement figure du plus mauvais élève de la classe en la matière, la banalisation du recours à la détention provisoire est un mal endémique de la procédure pénale française qui malmène singulièrement la présomption d'innocence, trop souvent ramenée au rang d'une pétition de principe sans consistance pratique.

1. Un régime juridique qui confère théoriquement à la détention provisoire un statut d'exception

Si l'on s'attarde quelque peu sur l'histoire de la détention provisoire, on constate une nette évolution vers un plus grand libéralisme. Les hésitations du législateur attestent néanmoins d'une difficulté certaine pour définir un régime équilibré, permettant de concilier le respect authentique de la présomption d'innocence posée à l'article 9 de la déclaration des droits de l'homme et les impératifs légitimes de l'instruction et de la protection de l'intérêt général.

Alors que le code d'instruction criminelle de 1810 admettait la détention préventive illimitée en matière criminelle jusqu'à la fin du procès, la loi du 14 juillet 1865 a élargi le champ de la liberté provisoire, ce régime restant à peu près inchangé jusqu'à la réforme du 17 juillet 1970. L'inculpé pouvait demander à tout moment sa mise en liberté que le juge lui accordait - sous ou sans caution - ou lui refusait par une ordonnance susceptible de recours qui, depuis la loi du 19 décembre 1952, devait intervenir dans les cinq jours. Les inculpés qui encouraient une peine correctionnelle inférieure à deux ans d'emprisonnement et avaient un domicile certain ou n'avaient pas déjà été condamnés pour crime ou délit à une peine supérieure à un an d'emprisonnement bénéficiaient d'une mise en liberté de droit cinq jours après le premier interrogatoire. Le nouveau code de procédure pénale, entré en application en 1959, a apporté quelques ajustements sans modifier l'économie de ce dispositif.

La loi du 17 juillet 1970 a transformé la détention préventive en " détention provisoire ", qui ne peut être ordonnée qu'à raison des nécessités de l'instruction, ou à titre de mesure de sûreté. Elle a restreint les cas où la détention est possible, obligé le juge d'instruction à motiver précisément ses décisions en matière correctionnelle et mis en place un régime d'indemnisation en cas de détention injustifiée. Enfin, elle a créé le contrôle judiciaire, mesure intermédiaire entre la liberté et l'incarcération provisoire.

Après avoir de nouveau encadré plus strictement le recours à la détention provisoire par la loi du 6 août 1975, le législateur, face à l'augmentation croissante des placements, a multiplié les tentatives de réformes à partir de 1981. Si plusieurs textes (lois des 2 février 1981, 10 juin 1983, 9 juillet 1984, 30 décembre 1985 et 9 septembre 1986) ont modifié les règles sur des points limités, l'effort a porté sur la recherche d'une solution tendant à ne plus laisser le juge d'instruction prendre seul une décision aussi grave.

La loi du 10 décembre 1985 a ainsi institué des " chambres d'instruction ", composées de trois magistrats, dont au moins deux juges d'instruction, chargées notamment de se prononcer " sur les mesures privatives de liberté ". Cette loi fut abrogée avant même d'entrer en vigueur par celle du 30 décembre 1987, qui mettait en place des " chambres des demandes de mise en détention provisoire ", au sein desquelles ni le juge d'instruction ni aucun magistrat ayant connu l'affaire en qualité de juge d'instruction ne devaient siéger. Ce texte ne connut pas un sort plus heureux puisque la loi du 6 juillet 1989 redonna au juge d'instruction la plénitude de ses pouvoirs.

Décidément persévérant, le législateur confirma son intérêt pour la collégialité par la loi du 4 janvier 1993 qui créait des " chambres d'examen des mises en détention provisoire ", comprenant le président du tribunal de grande instance et deux assesseurs non professionnels. Une fois encore cette option resta lettre morte, la loi du 24 août 1993 restituant au juge d'instruction ses prérogatives.

Comme chacun le sait, ces allers et retours législatifs s'expliquent par des raisons de fond - l'attachement viscéral de l'institution judiciaire au juge d'instruction, perçu comme la clef de voûte de la procédure pénale française - mais surtout matérielles, les effectifs des tribunaux n'étant pas suffisants pour assurer le fonctionnement d'instances collégiales.

Le régime actuel de la détention provisoire résulte donc d'une stratification de réformes ponctuelles, la dernière en date, celle du 30 décembre 1996, ayant apporté des modifications sur les conditions de fond du placement, sur la procédure et la durée de la détention provisoire.

A ce stade, il convient de signaler que ces rappels ne concernent que la détention prononcée dans le cadre de l'instruction et non celle qui fait suite à une ordonnance de renvoi en attente de comparution, ou celle prononcée par un tribunal ou bien encore celle concernant des prévenus en appel ou en pourvoi, ces trois catégories représentant un pourcentage non négligeable des placements (cf. infra).

Les conditions de fond du placement en détention provisoire sont énumérées par l'article 144 du code de procédure pénale. Aux termes de cet article, la détention provisoire est une mesure exceptionnelle qui ne peut intervenir que pour les crimes ou pour les délits punis, selon qu'ils sont ou non flagrants, d'au moins un ou deux ans d'emprisonnement, lorsque les obligations du contrôle judiciaire se révèlent insuffisantes.

Elle doit être justifiée par les nécessités de l'instruction - éviter la disparition des preuves ou des indices matériels, les pressions sur les témoins ou la victime, ou la concertation frauduleuse entre les coauteurs ou complices - ou à titre de mesure de sûreté - préserver l'ordre public du trouble causé par l'infraction, protéger la personne poursuivie, mettre fin à l'infraction, empêcher la fuite de la personne. Notons que depuis la loi du 30 décembre 1996, le trouble à l'ordre public, isolé au sein de l'article 144, est défini de façon plus restrictive : il doit être à la fois exceptionnel et persistant.

Enfin, d'une manière générale, la détention peut être également ordonnée en cas de non respect du contrôle judiciaire, quelles que soient les conditions réunies par ailleurs.

Définies par l'article 145 du code de procédure pénale les obligations procédurales du placement en détention provisoire ont été sensiblement renforcées depuis 1993.

Dans le régime en vigueur jusqu'au 1er mars 1993, la détention était décidée par le juge d'instruction, à l'issue d'un débat contradictoire au cours duquel étaient successivement entendus le procureur de la République, l'inculpé et son avocat. Ce débat avait lieu soit immédiatement après l'interrogatoire de première comparution, soit, si l'inculpé avait sollicité un délai pour préparer sa défense, après un délai de cinq jours - le débat différé - pendant lequel le mis en examen est incarcéré. Lorsque le juge d'instruction décidait de placer la personne en détention, il prenait une ordonnance motivée par rapport aux faits de l'espèce et par référence aux conditions de fond posées par l'article 144, puis il délivrait un mandat de dépôt. Les ordonnances du juge d'instruction pouvaient être contestées devant la chambre d'accusation par la voie de l'appel, formé par le procureur de la République ou la personne mise en examen.

Entre le 1er mars et le 1er septembre 1993, en application de la loi du 4 janvier 1993, la détention devait être ordonnée non plus par le juge d'instruction, mais par le président du tribunal de grande instance ou un juge délégué par lui, saisi par le magistrat instructeur, qui procédait au débat contradictoire avant de rendre son ordonnance. Depuis le 1er septembre 1993, abstraction faite de l'intermède avorté de la formation collégiale, la détention est de nouveau ordonnée par le juge d'instruction à la suite d'un débat contradictoire, dans les conditions applicables avant le 1er mars 1993, le débat différé devant toutefois intervenir dans les quatre jours ouvrables.

L'article 148 du code de procédure pénale donne à la personne détenue ou à son avocat la possibilité de demander une mise en liberté au juge d'instruction qui doit statuer au plus tard dans les cinq jours de la communication par le procureur de la République du dossier assorti de ses réquisitions. L'ordonnance, qui peut être contestée devant la chambre d'accusation, doit préciser les considérations de droit et de fait justifiant la décision par référence aux dispositions de l'article 144. Si, à l'expiration du délai de cinq jours, le juge d'instruction n'a pas statué, la personne peut saisir directement la chambre d'accusation qui se prononce dans les vingt jours, faute de quoi la personne est remise d'office en liberté sauf si des vérifications sur sa demande ont été ordonnées.

Par ailleurs, le juge d'instruction peut, en application de l'article 147, ordonner d'office la mise en liberté de la personne détenue, à charge pour celle-ci de s'engager à se représenter à tous les actes de la procédure aussitôt qu'elle sera requise et de tenir informé le magistrat instructeur de tous ses déplacements, le juge pouvant assortir la mise en liberté d'un contrôle judiciaire. Ce même article donne au procureur de la République la possibilité de requérir à tout moment la mise en liberté de la personne détenue.

Sans modifier l'architecture de ce dispositif, la loi du 30 décembre 1996 a apporté un certain nombre de garanties supplémentaires.

Ainsi, l'article 145 précité précise désormais que les ordonnances motivées de placement en détention mentionnent les considérations de droit et de fait justifiant la détention, par référence non seulement à l'article 144, mais également au caractère insuffisant des obligations du contrôle judiciaire. Par ailleurs, les réquisitions du procureur de la République tendant au placement ou au maintien en détention sont écrites - ce qui n'était pas toujours le cas - et motivées par référence à l'article 144.

La durée de la détention provisoire est régie par les articles 144-1, 145-1, 145-2 et 145-3 du code de procédure pénale.

Avant l'adoption de la loi du 30 décembre 1996, en matière correctionnelle (art. 145-1), lorsque la peine encourue était inférieure ou égale à cinq ans, la durée totale de la détention provisoire était limitée à six mois si la personne mise en examen n'avait jamais été condamnée à une peine ferme et à deux ans dans le cas contraire. Lorsque la peine encourue était supérieure à cinq ans, cette durée n'était pas limitée. La détention devait toutefois être prolongée par ordonnance motivée tous les quatre mois, et, lorsque la détention dépassait un an, à l'issue d'un débat contradictoire.

En matière criminelle (art. 145-2), la durée totale de la détention n'était pas limitée. Elle devait toutefois faire l'objet de prolongation tous les ans, par ordonnance motivée rendue à l'issue d'un débat contradictoire. Dans tous les cas s'imposait l'exigence du " délai raisonnable " prévu par l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'homme, directement applicable en droit interne.

La loi du 30 décembre 1996 a apporté plusieurs modifications à ce régime :

-  elle insère un article 144-1 nouveau qui transcrit dans le code de procédure pénale la notion de durée raisonnable, de sorte que le juge mette fin à la détention dès que les conditions de l'article 144 ne sont plus réunies ou lorsqu'elle excède une durée raisonnable ;

-  les prolongations de la détention en matière criminelle au delà d'un an après débat contradictoire sont ordonnées tous les six mois et non plus tous les ans ;

-  la durée maximum de la détention en matière correctionnelle est ramenée de deux à un an lorsque la personne encourt une peine inférieure à cinq ans et qu'elle a déjà été condamnée et limite à deux ans la détention de la personne encourant une peine supérieure à cinq ans mais inférieure à dix ans ;

-  l'obligation de procéder à un débat contradictoire pour la prolongation en matière correctionnelle à été avancée du douzième au huitième mois.

DURÉE DE LA DÉTENTION PROVISOIRE
EN MATIÈRE CORRECTIONNELLE

Emprisonnement
encouru

Antécédents
judiciaires

Décision initiale, prolongations et durée totale de la détention
à compter du 1er juillet 1997

inférieur ou égal à cinq ans

 

(DC) 4 mois + 2 mois =
maximum 6 mois

 

déjà condamné
pour crime ou pour
délit à plus d'un an
avec sursis

(DC) 4 mois + 4 mois
+ (* DC) 4 mois =
maximum 1 an

supérieur à cinq ans mais inférieur à dix ans

indifférent

(DC) 4 mois + 4 mois
+ (* DC) 4 mois + (* DC) 4 mois
+ (* DC) 4 mois + (* DC) 4 mois =
maximum 2 ans

égal à dix ans

indifférent

(DC) 4 mois + 4 mois +
(*DC) 4 mois + (* DC) 4 mois
+ (*DC) 4 mois + (*DC) 4 mois + (*DC)
4 mois, etc...=
pas de limite
sauf " durée raisonnable "

DC : débat contradictoire.

* : obligation de motiver l'ordonnance de prolongation en application de l'article 145-3.

Enfin, le recours à la détention provisoire est encadré par une garantie spécifique, la procédure de " référé-liberté ".

Institué par la loi du 24 août 1993, le référé-liberté permettait, dans sa version initiale, à la personne mise en examen, en même temps qu'elle formait appel de l'ordonnance de placement en détention, de demander au président de la chambre d'accusation de déclarer son appel suspensif, et d'ordonner sa mise en liberté immédiate (art. 187-1 du code de procédure pénale). Ce magistrat devait statuer dans les trois jours ouvrables de la demande, faite au plus tard le lendemain du placement en détention. Il ordonnait la mise en liberté s'il estimait que la mesure n'était " manifestement pas nécessaire ". Cette décision n'était ni motivée ni susceptible de recours.

Pour améliorer cette procédure perçue comme un semi-échec, la loi du 30 décembre 1996 a prévu que la personne peut demander au président d'examiner son appel immédiatement. Au regard des conditions de l'article 144, le président peut ainsi infirmer l'ordonnance du juge, en décidant le cas échéant d'un contrôle judiciaire, et la chambre d'accusation est alors dessaisie. Dans le cas contraire, il renvoie l'affaire à la chambre d'accusation, car il ne peut, statuant seul, confirmer la décision du juge. Par ailleurs, l'avocat peut désormais demander à être entendu au cours d'un débat contradictoire avec le parquet, le détenu n'étant pas présent.

2. Une pratique qui consacre la détention provisoire comme un instrument banalisé d'instruction

Au 1er janvier 1997, la population carcérale comptait 51.640 détenus dont 21.366 prévenus, soit 41 % du total. Précisons toutefois que tout détenu dont la condamnation n'est pas définitive - en appel ou en attente de jugement - est considéré comme un prévenu. Stricto sensu, le nombre de prévenus dont l'affaire est en cours d'instruction, auxquels s'appliquent donc les articles 144 et suivants du code de procédure pénale, s'élevait, la même année, à 15.273.

A priori, les résultats apparaissent plutôt encourageants, le taux de prévenus ayant été ramené de 50 % en 1986 à 41 % l'année dernière. Cette évolution, qui semble refléter une certaine efficacité des ajustements législatifs successifs, doit cependant être nuancée.

Ainsi, la part des prévenus en cours d'instruction dans le total des prévenus tend à s'accroître, passant de 68 % en 1986 à 71,5 % en 1997, comme le montre le tableau ci après.

PART DES PRÉVENUS INCARCÉRÉS DANS L'ENSEMBLE DE LA POPULATION PÉNALE

 

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Ensemble population pénale :

au 1er janvier de l'année

42.61 6

47.69 8

49.33 0

44.99 7

43.91 2

47.17 5

48.11 9

48.16 6

50.24 0

51.62 3

52.65 8

51.64 0

Prévenus

21.12 5

21.58 8

20.22 2

19.47 7

19.97 6

19.04 3

19.57 8

20.43 9

20.02 6

22.15 9

20.89 9

21.36 6

Taux de prévenus

50 %

45 %

41 %

43 %

45 %

40 %

41 %

42 %

40 %

43 %

40 %

41 %

dont :

                       

-  En cours d'instruction

14.37 4

15.42 6

14.72 1

14.00 2

13.61 5

12.61 5

13.39 8

14.06 0

14.38 6

16.01 2

14.99 5

15.27 3

Indice 100 en 1984

102

109

104

99

96

89

95

100

102

113

106

108

-  En attente de comparution

2.606

2.591

2.347

2.354

2.734

2.864

2.988

3.260

2.996

3.001

3.077

3.141

Indice 100 en 1984

93

93

84

84

98

102

107

117

107

107

110

112

-  Comparution immédiate

870

917

622

805

814

864

1.384

960

755

1.092

805

938

Indice 100 en 1984

152

160

108

140

142

151

241

167

132

190

140

163

-  En appel ou pourvoi

3.296

2.477

2.561

2.365

2.746

2.704

1.780

1.821

1.889

2.054

2.022

2.014

Indice 100 en 1984

127

95

99

91

106

104

69

70

73

79

78

78

Source : Ministère de la Justice - statistiques trimestrielles - administration pénitentiaire.

L'analyse des placements en détention provisoire en termes de flux permet également de relativiser le constat globalement optimiste dressé plus haut. En effet, on observe que le pourcentage des prévenus dans le total des personnes mises en examen est relativement stable, le " creux " constaté entre 1992 et 1994 ne se confirmant pas depuis lors.

Au total, le rapprochement des différentes données disponibles fait apparaître une indéniable inertie dans l'utilisation de la détention provisoire, laquelle reste un instrument courant de procédure pénale et de " gestion " de l'instruction par les magistrats instructeurs.

PART DES PERSONNES INCARCÉRÉES DANS L'ENSEMBLE
DES MISES EN EXAMEN

 

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

Personnes mises en examen

Indice 100 en 1985

90.39 5

96

88.39 1

94

84.95 7

90

82.53 4

88

71.08 5

75

76.26 6

81

84.83 1

90

79.76 4

85

90.05 5

95

73.28 7

78

67.23 0

71

Personnes placées en détention provisoire

Indice 100 en 1985

40.81 2

99

37.94 3

92

37.64 3

91

35.37 4

86

31.41 1

76

32.23 2

78

32.76 9

80

28.24 0

69

30.49 8

74

29.02 9

70

27.83 0

68

Pourcentage de personnes placées en détention provisoire


45 %


43 %


44 %


43 %


44 %


42 %


39 %


35 %


34 %


40 %


41 %

Source : Ministère de la Justice - cadres des parquets.

A l'évidence, ces chiffres sont pour le mois préoccupants en eux-mêmes dans un pays qui érige la présomption d'innocence en grand principe de la République. Cela étant, conduisent-ils pour autant à placer la France dans une situation spécifique par rapport à ses voisins ? L'examen des statistiques disponibles semble conduire - triste performance - à une réponse positive.

En limitant la comparaison aux pays ayant des systèmes pénaux comparables - pour simplifier les pays de l'Europe continentale - on observe que le taux de prévenus est sensiblement plus élevé en France : en 1995, il y atteignait ainsi 43 % contre 26,2 % en Belgique, 25,6 % en Italie et 24,7 % en Espagne. Si l'on raisonne en taux de détention provisoire (nombre de prévenus pour 100.000 habitants) afin de neutraliser l'impact des politiques pénitentiaires et des mesures de grâce collective, l'écart est resserré mais il subsiste néanmoins : 32,8 en France, 19,9 en Belgique, 22,3 en Italie, 30,3 en Espagne.

Problème d'effectifs, la pratique de la détention provisoire est au moins autant, si ce n'est plus, un problème de durée.

En matière criminelle, la durée de détention provisoire a régulièrement augmenté au cours des années quatre-vingt pour se stabiliser, à la fin de cette décennie, à près de vingt-trois mois. Depuis 1990, on note une évolution assez erratique, la dernière statistique disponible faisant état d'une durée moyenne de 22,5 mois. En matière correctionnelle, on perçoit en revanche une tendance plus régulière à la hausse, la durée moyenne de détention passant de 3,2 mois en 1986 - 3 mois si l'on retient 1984 - à 3,9 mois en 1996.

DURÉE MOYENNE DE LA DÉTENTION PROVISOIRE

 

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

en matière criminelle, en mois

21,1

21,9

22,7

23,2

22,9

21,6

21,9

21,0

21,8

21,0

22,5

en matière délictuelle, en mois

3,2

3,5

3,8

3,5

3,4

3,3

3,3

3,4

3,5

4,0

3,9

Source : Ministère de la Justice - casier judiciaire

De fait, l'impact de l'allongement de la durée moyenne de la détention provisoire sur le nombre de prévenus incarcérés est significatif. Ainsi, en réponse à une question de votre rapporteur, le ministère de la justice a indiqué qu'une limitation à huit mois de la durée de la détention en matière correctionnelle diminuerait d'environ 15 % le nombre de prévenus détenus au titre d'un délit. A cet égard, soulignons qu'outre cet impact quantitatif, une telle option permettrait de dégager des économies budgétaires non négligeables.

Face à ce constat peu flatteur, force est de reconnaître que la procédure de référé-liberté, dans laquelle le législateur avait placé de grands espoirs, n'apparaît pas à la hauteur de l'enjeu : en 1996, sur 27.830 personnes mises en examen puis placées en détention provisoire, 394 avaient usé du référé liberté, soit 1,2 % du total, chiffre similaire à celui enregistré en 1994, première année pleine pendant laquelle la procédure a été appliquée. Il est cependant encore trop tôt pour tirer un bilan de l'amélioration de la procédure résultant de la loi du 30 décembre 1996 précitée. (cf. supra).

Ce sombre tableau serait incomplet si l'on omettait de retracer les activités de la commission nationale d'indemnisation, censée réparer les préjudices subis par les personnes mises en examen et détenues à tort. Rappelons que le nombre de libérations au motif d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu était de 2.111 en 1991, 1.816 en 1992, 1.573 en 1992, 1.938 en 1994, 1.605 en 1995 et 1.231 en 1996.

Cette dernière année, la commission était saisie de 312 requêtes, dont 137 au titre de l'année et 175 et non jugées au titre des années précédentes. 117 décisions ont été rendues dont 28 ont accordé une indemnité pour un montant moyen par dossier de 42.857 francs.

Depuis le début des années quatre-vingt-dix, l'activité de la commission ne connaît pas d'inflexion très marquée : le nombre de requêtes reçues dans l'année oscille entre 110 et 140, le pourcentage de dossiers indemnisés s'établissant en moyenne à près de 25 %.

3. Des propositions de réforme ciblées destinées à raréfier la détention provisoire

A bien des égards, la pratique actuelle de la détention provisoire est indigne d'un Etat qui se présente comme un Etat de droit modèle, patrie des droits de l'homme de surcroît.

Trop souvent utilisée comme moyen de pression dans un pays qui vit encore dans la culture de l'aveu, elle bafoue directement, du fait de son importance quantitative et de sa durée moyenne, la présomption d'innocence inscrite au fronton de la République. A bien des égards, elle devient ni plus ni moins l'avatar d'une présomption de culpabilité ainsi institutionnalisée.

Par ailleurs, on ne peut admettre qu'un si grand nombre de personnes reconnues finalement innocentes soient incarcérées pour des périodes de plusieurs mois. Il faut connaître la prison, qui n'est pas simplement une mesure privative de liberté, pour savoir ce qu'elle peut avoir de déstructurant pour la personnalité, de traumatisant pour la vie personnelle et familiale et d'infamant pour l'honneur, sachant que toutes ces conséquences dramatiques sont amplifiées dans une société où tout se sait très - trop ? - vite et où personne ne peut véritablement se réfugier dans un anonymat protecteur.

La détention provisoire est enfin génératrice d'effet pervers sur la marche de la justice. Dans certains cas, les tribunaux peuvent être tentés de " couvrir " la détention provisoire et d'ajuster le prononcé de la peine en conséquence. En sens inverse, on ne peut exclure que le maintien en détention provisoire pendant une longue période soit perçu par un tribunal ou une Cour d'assises comme un indice de culpabilité susceptible d'influencer leur décision finale.

Outre les critiques de nombreux juristes et observateurs judiciaires, le dispositif français de détention provisoire fait l'objet de réserves par les juridictions internationales : on citera, par exemple, l'arrêt Letellier/France rendu par la Cour européenne des droits de l'homme le 26 juin 1991. Il vient également d'être mis à l'index par le rapport de la commission de réflexion sur la justice, présidé par M. Pierre Truche, qui préconise de séparer le pouvoir d'enquêter de celui de placer en détention, solution qui apparaît équilibrée et de bon sens. C'est d'ailleurs dans cette direction que le Gouvernement envisage de s'engager à l'occasion de la réforme de la procédure pénale à venir.

Sans anticiper sur ce changement de l'autorité compétente pour ordonner le placement en détention provisoire, réforme nécessaire mais non suffisante, votre rapporteur et les signataires de la proposition de loi n° 577 estiment néanmoins nécessaire d'entamer, d'ores et déjà, la modification du champ d'application et de la durée de la détention, sujet sur lequel le Gouvernement est resté, en revanche, plus discret.

Les solutions formulées dans la présente proposition de loi sont guidées par quelques principes simples. D'une manière générale, elles visent à restaurer ce que devrait être la vocation de la détention provisoire. De l'avis de votre rapporteur, ces principes ont été très clairement fixés par le tribunal constitutionnel espagnol, dans un arrêt de sa seconde chambre en date du 26 juillet 1995, décision déjà citée par MM. Chevènement, Michel, Carassus et Sarre, dans leur proposition de loi réformant la mise en état des affaires pénales (DOC Assemblée nationale, n° 2964, 10 juillet 1996).

L'analyse officielle de l'arrêt indique que : " Ce tribunal déclare que l'application de la mesure d'emprisonnement provisoire doit être
subordonnée à une nécessité et au respect du principe de subsidiarité, ce qui implique non seulement l'efficacité de la mesure mais aussi l'inefficacité d'autres mesures de moindre intensité coercitive ; la mesure doit en outre respecter les principes de temporalité en ce sens qu'elle doit être révisée si les circonstances à l'origine de son adoption changent, et de proportionnalité limitant sa durée maximale et la gravité des délits dont elle doit assurer la sanction et la prévention effective. Enfin, en ce qui concerne sa finalité, l'emprisonnement provisoire répond à la nécessité de conjurer certains risques importants pour le procès et, le cas échéant, pour l'exécution de l'arrêt, ainsi que le risque de réitération. Ce que l'on ne peut en aucune façon rechercher à travers l'emprisonnement provisoire, c'est obtenir des fins punitives ou d'anticipation de la peine, ou même de faire progresser l'instruction.
 " On ne saurait mieux dire ...

Dans sa version initiale, la proposition de loi n° 577 compte six articles dont les dispositions sont guidées par un souci de simplicité et d'efficacité.

L'article premier modifie l'article 144 du code de procédure pénale qui fixe les conditions préalables de la détention provisoire et ses motifs justificatifs.

On rappellera qu'actuellement, le quantum de peine encourue nécessaire pour ordonner le placement en détention provisoire d'un auteur présumé d'un délit est de un an en cas de flagrant délit ou de deux ans dans les autres cas. A l'évidence, ce seuil est beaucoup trop bas et permet d'incarcérer trop facilement des personnes mises en examen pour lesquelles les contraintes du contrôle judiciaire seraient bien suffisantes. En outre, dans nombre de cas, les infractions concernées donnent lieu à des procédures de comparution immédiate, en hausse régulière depuis plusieurs années et ne nécessitent pas l'ouverture d'une information.

Il est donc proposé de porter le quantum de peine minima à cinq ans. Ce seuil peut apparaître élevé de prime abord mais, à l'examen, il semble adapté à l'objectif poursuivi. D'après les informations transmises à votre rapporteur, les dix principales infractions concernées seraient, par ordre statistique décroissant : le vol simple, le vol par effraction, ruse ou escalade, l'entrée ou le séjour irrégulier d'un étranger, le recel de vol, le vol avec violence n'ayant pas entraîné d'incapacité temporaire de travail, le vol avec destruction ou dégradation, la soustraction à un arrêté d'expulsion, la violation de domicile à l'aide de man_uvres, de menaces voie de fait ou contraintes, la mise en danger d'autrui, l'obtention d'une personne, en abusant de sa vulnérabilité ou de sa situation de dépendance, de fournitures de services non rétribués.

Il est assez difficile de mesurer précisemment quel serait l'impact quantitatif de cette proposition. Tout en maniant ces chiffres avec précaution1, on indiquera toutefois que, selon le ministère de la justice, les cas de placement pour des délits uniques punis d'une peine inférieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement représenteraient de l'ordre de 29 % du total.

L'article 2 restreint les motifs justificatifs de la détention provisoire.

Tout en le précisant, la loi du 30 décembre 1996 a conservé le motif de la préservation de l'ordre public. Beaucoup suggèrent de supprimer purement et simplement ce motif qui leur semble soit inutile, soit dangereux puisqu'il ne constitue qu'un prétexte pour prévenir certains mouvements d'opinion.

La proposition de loi préfère s'en tenir à une solution équilibrée qui s'inspire des attendus de la Cour européenne des droits de l'homme. L'arrêt Letellier précité admet, en effet, la validité de ce motif, mais considère qu'il perd de sa pertinence au fur et à mesure de l'instruction préparatoire, la juridiction européenne estimant que la détention provisoire ne saurait anticiper une peine privative de liberté.

Dans cet esprit, le présent article propose de limiter l'invocation du trouble à l'ordre public au seul placement initial à l'exclusion de toute prolongation de la détention provisoire.

L'article 3 de la proposition de loi vise, en contrepartie, à rendre plus efficace le contrôle judiciaire dont on rappellera que le non respect constitue un motif autonome de placement en détention provisoire.

Pour ce faire, il est proposé de permettre au juge, en cas d'assignation à résidence, de placer la personne mise en examen sous surveillance électronique. Il s'agit donc d'une extension du champ d'application de la loi du 19 décembre 1997 qui autorise une telle mesure uniquement comme modalité d'exécution d'une peine privative de liberté.

L'article 4 est relatif à la durée de la détention provisoire en matière correctionnelle.

On a vu qu'actuellement celle-ci est enserrée dans des dates butoir de six mois, douze mois ou vingt-quatre mois selon que la peine encourue est inférieure ou supérieure à cinq ans et qu'il y ait ou non des antécédents judiciaires ; la détention est en revanche illimitée lorsque la peine est égale à dix ans, sous réserve de la prise en compte de la durée " raisonnable ", inscrite dans le code de procédure pénale par la loi du 30 décembre 1996.

Il est proposé de limiter, dans tous les cas, la détention à huit mois. Comme on l'a déjà indiqué, cette durée butoir conduirait à réduire d'environ 15 % le nombre de détention provisoire.

L'article 5 propose de fixer une durée maximum pour la détention provisoire en matière criminelle. L'article 145-2 du code de procédure pénale ne fixe pas de limite, les prolongations au-delà d'un an devant toutefois donner lieu à un débat contradictoire tous les six mois. Ajoutons que, ici également, doit être, en principe, prise en compte la notion de durée raisonnable.

Il est proposé de limiter la détention à deux ans.

L'article 6 a pour but, sans en modifier l'économie, de rendre plus efficace la procédure d'indemnisation qui n'apporte pas satisfaction dans ses modalités actuelles.

La rédaction proposée permet de poser plus clairement le principe du droit à réparation, la détention injustifiée étant présumée constituer en elle-même un préjudice. En tout état de cause, l'objectif est que tout prévenu relaxé bénéficie d'une information sur son droit à indemnisation, ce qui n'est pas réellement le cas.

Par ailleurs, il s'agit de mentionner explicitement la possibilité de réparer le préjudice moral, faculté qui n'est actuellement pas reconnue par la jurisprudence.

Dans l'esprit de votre rapporteur, la proposition de loi ainsi décrite avait essentiellement pour but de fixer des objectifs, sa rédaction étant sans aucun doute perfectible. Ainsi, outre un certain nombre d'aménagements formels, les dispositions proposées méritent sans doute d'être affinées sur le fond, les solutions préconisées pouvant apparaître trop uniformes dans la mesure où elles ne permettent pas de solutions différenciées selon les infractions commises ou le passé judiciaire de la personne mise en examen.

Par ailleurs, dans la mesure où le Gouvernement entend présenter prochainement un projet de loi réformant la procédure pénale, il semble de bonne méthode d'entamer la discussion de la présente proposition de loi à partir d'un texte qui puisse s'intégrer dans cette réforme d'envergure, sans toutefois en déflorer l'essentiel. A défaut, le risque serait grand de voir le Gouvernement opposer purement et simplement une fin de non recevoir aux propositions de la Commission, au détriment du droit d'initiative parlementaire que beaucoup cherchent à promouvoir.

Pour toutes ces raisons, votre rapporteur suggère une nouvelle version de la proposition initiale.

*

* *

Intervenant dans la discussion générale, M. Louis Mermaz, constatant que la proposition de M. Alain Tourret venait en discussion à la veille d'une vaste réforme de la justice annoncée par le garde des sceaux, a remarqué que le rapporteur avait tenu compte de cette situation en limitant sa proposition au cadre strict de la détention provisoire. Il a considéré que ce texte avait le mérite d'ouvrir le débat sur cette question importante et amenait à s'interroger sur la présomption d'innocence. Il a tenu à rappeler que la détention provisoire n'était ni une peine ni une avant-peine comme cela est trop souvent perçu par l'opinion publique, insistant sur le fait qu'il s'agissait d'un moyen de mener une instruction judiciaire dans la clarté et l'efficacité. Après avoir rappelé l'état du droit et les propositions avancées par M. Alain Tourret, il a jugé que celles-ci semblaient avantager les délits économiques et financiers et a annoncé qu'il proposerait donc de corriger la proposition de loi en conséquence. Il a estimé que la surveillance électronique constituait sans doute une avancée qui permettrait à l'institution judiciaire de progresser. Il a indiqué enfin qu'il ferait des propositions en matière d'indemnisation des personnes victimes d'une détention provisoire abusive.

M. François Colcombet a souhaité préciser que les prévenus dont l'affaire est en cours d'instruction ne constituaient qu'une part des personnes placées en détention provisoire. Il a notamment évoqué le nombre des personnes en attente de comparution immédiate, regrettant que l'on s'intéresse trop peu à ces procédures sommaires de flagrant délit, qui constituent une véritable plaie de notre système judiciaire et peuvent être à l'origine d'erreurs judiciaires, en particulier à l'égard de ressortissants étrangers qui ne sont pas toujours traités de façon correcte. Il a également noté qu'un effort devait être engagé sur le problème des délais d'appel qui ont une incidence directe sur la durée de la détention provisoire. Rappelant que celle-ci avait pour objet d'aider l'instruction en évitant que les suspects ne se soustraient à la justice ou ne fassent disparaître des preuves, il a exprimé son accord pour qu'il n'y soit qu'exceptionnellement recouru pour des motifs d'ordre public. Il a estimé que la détention provisoire était actuellement l'objet de pratiques détestables que l'on pouvait assimiler à une forme de torture très sophistiquée et il a invité les magistrats à se pencher sur cette question. Comme M. Louis Mermaz, il a considéré que les délinquants financiers ne devaient pas bénéficier d'un traitement particulier, leurs agissements étant tout aussi graves que ceux des autres délinquants. A cet égard, il a indiqué qu'il fallait mener une réflexion particulière sur ce point précis, considérant que le bracelet électronique n'empêcherait nullement les délinquants financiers d'exercer des pressions sur les témoins.

Se félicitant que l'initiative de M. Alain Tourret permette d'engager le débat sur la détention provisoire, M. Gérard Gouzes s'est néanmoins demandé s'il était réellement opportun que cette proposition soit examinée juste avant la réforme de la justice annoncée par le Gouvernement. Il a souligné les ambiguïtés attachées à la notion même de détention provisoire, à l'origine de dérives que l'on peut effectivement qualifier de tortures. Il a regretté que beaucoup de nos concitoyens interprètent la détention provisoire comme un préjugement, ce qui constitue une atteinte intolérable au principe de présomption d'innocence. Considérant qu'il convenait de s'interroger sur la manière dont l'instruction était menée, et donc sur la question du juge des libertés, il a regretté que ce sujet ne soit pas traité par la proposition. Par ailleurs, il a fait part de son désaccord sur des dispositions qui peuvent conduire à un traitement différencié des délits financiers. Pour ce qui concerne le bracelet électronique, il a indiqué que ce point méritait d'être étudié, rappelant que la loi n'en faisait actuellement qu'un moyen d'exécution des peines et non de détention provisoire. Enfin, il a conclu que placer des personnes en détention provisoire pour des motifs d'ordre public pouvait prêter à certains abus.

Mme Catherine Tasca, présidente, a pour sa part estimé qu'il n'était pas sans intérêt que la proposition de M. Alain Tourret vienne en discussion avant la réforme de la justice annoncée par le Gouvernement puisqu'elle devrait permettre un échange constructif avec celui-ci en amont de cette réforme.

M. Philippe Houillon a, au contraire, considéré qu'il était curieux d'engager la discussion sur cette proposition de loi entre la réforme de la détention provisoire réalisée en 1996 et la réforme de la justice programmée par le Gouvernement pour les mois qui viennent. Il a, en effet, jugé qu'il fallait régler les problèmes au fond et non se contenter d'un débat éclaireur. Rappelant que la situation française n'était pas satisfaisante, tant au regard de la garde à vue que de la détention provisoire, il a estimé qu'il était nécessaire d'encadrer la durée des procédures, notamment pour l'instruction. Regrettant que les questions de la présomption d'innocence, de l'ancienneté et de la responsabilité des juges d'instruction ne soient pas abordées par la proposition de loi, il a exprimé le souhait qu'elles soient traitées dans une réforme d'ensemble.

Après avoir rappelé que le Parlement se devait d'être le gardien des libertés individuelles, M. Michel Crépeau s'est félicité qu'une initiative parlementaire vise à résoudre les problèmes posés par la durée de la détention provisoire. Soulignant le caractère dégradant des conditions de détention imposées aux prévenus, il a estimé qu'elles portaient atteinte, au même titre que la garde à vue, à la dignité humaine. Evoquant par ailleurs l'existence d'un pilori médiatique, il a regretté que la commission d'indemnisation ne prenne en compte que le seul préjudice matériel résultant d'une détention provisoire injustifiée. Après avoir insisté sur l'intérêt de la proposition de loi soumise à la Commission, il a estimé qu'il convenait de la rattacher à une réforme de grande ampleur de la justice, qui donnerait la priorité à la prévention de la délinquance et à un accroissement de ses moyens.

Après avoir souligné que le recours à la détention provisoire était souvent abusif, M. Pascal Clément a néanmoins émis des réserves sur la limitation de sa durée en matière criminelle. Il a, en effet, jugé qu'il n'était pas choquant qu'un procès d'assises soit reporté à plusieurs reprises pour garantir la sérénité des débats.

Considérant que la proposition de loi de M. Alain Tourret devrait permettre de mieux défendre la présomption d'innocence, M. Jean-Luc Warsmann a cependant regretté qu'elle n'aborde pas certaines questions de fond, telles que les conditions de détention. Il a, par ailleurs, souligné les problèmes que pourrait poser au juge d'instruction l'introduction d'une limite à la durée de la détention provisoire. Jugeant que cette proposition de loi venait opportunément en discussion, alors même que la réforme de la justice programmée par le Gouvernement tardait à être mise en _uvre, il a regretté que son examen en séance publique ait lieu un vendredi, ce qui lui a paru peu compatible avec le rythme de travail des parlementaires.

M. Camille Darsières a indiqué que la réflexion sur la détention provisoire devait s'accompagner nécessairement d'un examen de la question de la garde à vue, l'état du droit en ce domaine restant largement insatisfaisant.

En réponse aux observations des commissaires, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

-  L'ensemble du code de procédure pénale pouvant donner lieu à une vaste réforme, deux attitudes sont possibles : soit lancer un chantier colossal sur vingt ans, ce que la chancellerie elle-même ne prétend pas faire, soit réformer, pan par pan, notre procédure, comme s'y attache cette proposition de loi, circonscrite dans son champ mais prioritaire dans son objet ;

-  la proposition a donc pour but d'apporter une pierre à l'édifice en se concentrant sur la détention provisoire, afin de trouver des solutions à un problème spécifique, mais particulièrement emblématique, et de donner l'occasion au Parlement d'adoucir, pour l'avenir, le sort d'hommes aujourd'hui touchés dans leur honneur et brisés dans leur vie ;

-  cette initiative parlementaire a rencontré l'accord du Gouvernement et va, d'ailleurs, dans le sens du souhait exprimé à plusieurs reprises par le Président de la République tenant à la nécessité de réformer sans tarder notre justice, pour assurer, notamment, le respect de la présomption d'innocence ;

-  l'objet de la proposition de loi est justement de dispenser de la détention provisoire des personnes qui, au mépris de la présomption d'innocence, restent aujourd'hui en prison dans l'attente indéfinie d'un jugement ;

-  si la durée moyenne de la détention provisoire s'élève à 3,8 mois, il convient d'avoir présent à l'esprit que, chaque année, depuis dix ans, environ 46.000 personnes sont placées en prison en qualité de prévenu ;

-  la proposition entend, donc, lutter contre " la religion de l'aveu " héritée de notre culture judiciaire romano-canonique, à l'opposé de la tradition anglo-normande qui a débouché sur la common law ;

-  des délais butoirs doivent être posés, y compris en matière criminelle, la législation actuelle ne prévoyant aucune limitation de la durée de la détention provisoire, ni du délai qui peut s'écouler entre l'arrêt de mise en accusation devant la cour d'assises et la comparution de l'accusé devant cette juridiction ; la proposition limite à quatre ans et demi ces délais, ce qui est déjà beaucoup pour une personne présumée innocente ;

-  le critère permettant d'ordonner la détention provisoire, lorsque l'infraction a provoqué un trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public, doit continuer à pouvoir être invoqué lors du placement en détention provisoire mais ne doit plus pouvoir l'être lors de son renouvellement.

*

* *

La Commission a examiné les articles de la proposition de loi dans la rédaction présentée par le rapporteur.

Avant l'article premier, la Commission a été saisie d'une proposition de M. Philippe Houillon insérant un article additionnel aux termes duquel les juges d'instruction devraient justifier de cinq ans de services effectifs dans le corps judiciaire.

Après que M. Philippe Houillon eut rappelé que cette question avait été déjà évoquée à de nombreuses reprises par la commission des Lois, M. Jacques Floch a fait observer que l'ancienneté moyenne des juges d'instruction était actuellement comparable à celle de l'ensemble des magistrats. Tout en reconnaissant que la législation confère une place déterminante au juge d'instruction, il a néanmoins estimé que l'exigence d'une éventuelle expérience préalable pouvait, en fait, concerner l'ensemble des magistrats, lesquels exercent tous des responsabilités souvent considérables. M. Jean-Luc Warsmann a considéré que le problème essentiel résidait dans les conditions d'entrée en fonction des magistrats instructeurs, dont les compétences concernent au premier chef les libertés publiques, souhaitant cependant que la Commission retienne la suggestion de M. Philippe Houillon afin d'attirer une nouvelle fois l'attention du Gouvernement sur cette difficile question. M. Jean-Pierre Michel a, au contraire, fait part de son opposition à la proposition de M. Philippe Houillon, soulignant qu'une condition d'âge n'était pas forcément une garantie d'expérience ; à cet égard, rappelant que les juges d'instruction en poste dans la région parisienne, inscrits sur la liste d'aptitude, remplissent d'ores et déjà la condition d'ancienneté de cinq ans, il a observé que les détentions provisoires les plus nombreuses et les plus longues étaient constatées dans cette même région. Enfin, tout en regrettant que ce débat reflète parfois une méfiance latente à l'égard des jeunes juges, il a fait observer que les difficultés évoquées par l'auteur de cette proposition seraient définitivement résolues par le recours à la collégialité. M. Alain Vidalies a souligné que la problématique de l'expérience préalable du magistrat instructeur était liée à la détermination de l'autorité responsable du placement en détention provisoire, admettant cependant que l'exigence d'une condition d'ancienneté minimum permettrait de mieux cerner le profil des futurs magistrats instructeurs.

La Commission a accepté la proposition de M. Philippe Houillon.

Un débat s'est ensuite engagé sur deux propositions d'articles additionnels prévoyant que la personne placée en garde à vue peut s'entretenir avec un avocat dès le début de cette procédure, la première présentée par M. André Gerin, puis reprise par M. Jacques Floch, la seconde par M. Philippe Houillon.

M. Camille Darsières a estimé qu'une telle mesure aurait peu de portée, dès lors que l'avocat ne pourrait agir efficacement à défaut d'être présent tout au long de la procédure. M. Gérard Gouzes a précisé que la possibilité donnée à l'avocat d'intervenir dès le début de la garde à vue avait pour objet essentiel de permettre à celui-ci d'informer immédiatement son client de ses droits et devoirs. M. Jean-Pierre Michel, rappelant que la garde à vue n'était pas une procédure contradictoire, a estimé opportun d'inscrire dans la loi que les observations de l'avocat figurent dans le dossier de la procédure ; puis il s'est interrogé sur le point de savoir s'il ne serait pas préférable de retenir le principe selon lequel la police informe elle-même la personne concernée de la possibilité de s'entretenir avec un avocat dès le début de la procédure, afin de ne pas désavantager les petits délinquants peu au fait de leurs droits. M. Gérard Gouzes ayant indiqué que le code de procédure pénale disposait d'ores et déjà que la personne gardée à vue est immédiatement informée de ses droits par l'officier de police judiciaire, la Commission a adopté la proposition de M. Philippe Houillon.

L'article premier pose le principe de la possibilité de placer la personne mise en examen assignée à résidence sous surveillance électronique. Cette nouvelle rédaction de l'article 2 de la proposition de loi initiale prévoit que les modalités d'application de ce dispositif seront précisées par un décret en Conseil d'Etat.

La Commission a adopté cet article dans la rédaction proposée par le rapporteur.

L'article 2, regroupant l'ensemble des modifications apportées à l'article 144 du code de procédure pénale, fixe les quantums de peine correctionnelle encourue ouvrant la possibilité d'ordonner le placement en détention provisoire de la manière suivante :

-  à trois ans au moins d'emprisonnement en cas de délits contre les personnes (livre II du code pénal), contre la Nation, l'Etat et la paix publique (livre IV du code pénal) - cette catégorie regroupant les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation, le terrorisme, les atteintes à l'autorité de l'Etat, les atteintes à la confiance publique et la participation à une association de malfaiteurs - et d'infractions en matière de santé publique (titre premier du livre cinquième) ;

-  également à une peine égale ou supérieure à trois ans d'emprisonnement en cas de récidive et ce quelle que soit la nature de l'infraction commise ;

-  à une peine supérieure à cinq ans dans tous les autres cas.

S'agissant des motifs justifiant le placement en détention, l'ordre public ne pourrait plus être invoquée pour prolonger la détention provisoire, sauf lorsque le prévenu encourt une peine criminelle.

Au total, le dispositif ainsi corrigé apparaît bien équilibré, puisque la détention provisoire serait réservée aux infractions portant le plus atteinte à la cohésion sociale. Par ailleurs, la récidive est considérée comme une circonstance aggravante justifiant un recours plus aisé à une mesure de sûreté quelle que soit l'infraction commise.

La Commission a tout d'abord rejeté une proposition de suppression de cet article présenté par M. Philippe Houillon, ce dernier ayant estimé que la rédaction du rapporteur risquait d'exclure de trop nombreuses infractions à caractère économique ou financier du champ d'application de la détention provisoire.

Elle a ensuite examiné une proposition de M. Louis Mermaz prévoyant que pourraient être placées en détention provisoire des personnes encourant des peines égales ou supérieures à cinq ans d'emprisonnement et non pas seulement supérieures à cinq ans d'emprisonnement comme le prévoit la rédaction proposée par le rapporteur.

M. Louis Mermaz a indiqué que l'adoption de cette modification permettrait de réduire les risques de distorsion entre le traitement des délits contre les personnes et celui des délits contre les biens. En réponse, M. Alain Tourret a fait valoir que la plupart des délits économiques et financiers importants étaient sanctionnés de peines d'emprisonnement de sept ou de dix ans, puis a souligné que sa proposition de rédaction prévoyait de retenir pour tous les délits un quantum de peine de trois ans seulement en cas de récidive.

Contre l'avis de son rapporteur, la Commission a adopté la modification proposée par M. Louis Mermaz, puis a adopté cet article dans la rédaction du rapporteur ainsi modifiée.

L'article 3 aménage les dispositions de la proposition initiale en ce qui concerne la durée de la détention provisoire en matière délictuelle.

Comme dans la première version, la détention serait limitée à huit mois, ce qui apparaît amplement suffisant en matière délictuelle. Toutefois votre rapporteur admet qu'une prolongation puisse être souhaitable dans certains cas limités compte tenu des contraintes prévisibles de l'instruction.

Ainsi, une seule prolongation de quatre mois au plus, après débat contradictoire, serait possible en cas de délit contre les personnes ou contre les intérêts de la Nation et de l'Etat. Dans ces hypothèses, la détention serait donc limitée à un an.

Selon les mêmes formes, plusieurs prolongations seraient en revanche possible en cas d'association de malfaiteurs ainsi que de trafic de stupéfiants, de terrorisme, de proxénétisme, d'extorsion de fonds ou d'infraction commise en bande organisée, c'est-à-dire pour les infractions qui, lorsqu'elles sont aggravées, sont susceptibles d'entraîner un allongement de la durée de la garde à vue en application de l'article 63-4 du code pénal. Toutefois, ces prolongations successives ne pourraient conduire à maintenir en détention plus de dix-huit mois.

La Commission a rejeté une proposition de M. Philippe Houillon tendant à supprimer cet article, après que M. Jean-Luc Warsmann se soit interrogé sur ses conséquences sur l'instruction de certains délits spécifiques, le rapporteur ayant fait observer que sa proposition de rédaction modulait la durée de la détention provisoire selon la gravité des délits.

La Commission a ensuite adopté cet article dans la rédaction proposée par le rapporteur.

L'article 4 corrige les propositions initiales relatives à la durée de la détention provisoire en matière criminelle.

Celle-ci ne pourrait excéder deux ans lorsque la peine est inférieure à vingt ans de détention ou de réclusion criminelle, et trois ans dans les autres cas. Dans toutes les hypothèses, il ne semble pas concevable qu'une personne réputée innocente puisse être maintenue en détention provisoire au-delà de trois ans, période déjà fort longue et à la limite de la " durée raisonnable " consacrée par les normes internationales et, depuis 1996, le code de procédure pénale lui-même.

La Commission a adopté cet article dans la rédaction proposée par le rapporteur.

L'article 5 n'appelle que peu d'observations : il reprend, moyennant un ajustement rédactionnel l'article 6 de la proposition initiale concernant la procédure d'indemnisation.

La Commission a examiné deux propositions tendant à modifier la rédaction de cet article afin de prévoir une réparation de plein droit du préjudice subi par une personne placée en détention provisoire puis finalement relaxée, l'une présentée par M. Louis Mermaz et l'autre par M. Philippe Houillon.

Après que M. Gérard Gouzes eut estimé inopportun de compléter la proposition de loi de dispositions susceptibles d'être déclarées irrecevables au regard de l'article 40 de la Constitution et eut suggéré, en conséquence, aux auteurs de ces propositions de les redéposer sous forme d'amendements présentés en séance publique afin de ne pas prendre le risque d'une interruption de la discussion de l'ensemble de la proposition de loi en application de l'article 92 du Règlement, MM. Louis Mermaz et Philippe Houillon ont retiré leurs propositions de rédaction et se sont ralliés à cette suggestion.

Dans les mêmes conditions, M. Louis Mermaz a retiré une proposition tendant à prévoir une indemnisation de la personne ayant fait l'objet d'une condamnation mais qui a été placée en détention provisoire en violation de la loi, après que celui-ci eut indiqué que cette mesure visait à responsabiliser les juges d'instruction en limitant les détentions provisoires abusives, le rapporteur s'étant déclaré favorable sur le principe d'une telle disposition.

La Commission a alors adopté cet article dans la rédaction proposée par le rapporteur.

Après l'article 5, la Commission a examiné une proposition d'article additionnel, présentée par M. Philippe Houillon, prévoyant que l'accusé en liberté comparaît libre devant la Cour d'assises, le contrôle judiciaire produisant ses effets jusqu'au jugement. M. Philippe Houillon, soulignant que la détention constituait une mesure d'exception tant que la culpabilité n'est pas prouvée, a estimé que l'accusé maintenu en liberté au cours de l'instruction devait logiquement comparaître libre devant la juridiction. M. Louis Mermaz s'est interrogé sur l'éventualité d'étendre cette proposition aux personnes ayant formé un pourvoi en cassation. Après que M. Jean-Luc Warsmann eut fait part de ses réserves sur l'adoption d'une telle modification de la procédure criminelle dans le cadre d'une proposition de loi limitant la détention provisoire, M. Jean-Pierre Michel a, de son côté, souligné que cette innovation poserait d'importantes difficultés en matière criminelle dès lors qu'elle pourrait conduire à perturber le déroulement des audiences si l'accusé ne défère pas à la convocation devant la Cour. Après que MM. Gérard Gouzes et Jean-Pierre Michel eurent rappelé que la Cour d'assises gardait la possibilité de remettre en liberté un accusé à tout moment, comme l'avait illustré le déroulement du procès de M. Maurice Papon, la Commission a rejeté cette proposition.

Elle a ensuite été saisie d'une proposition visant à insérer un article additionnel présentée par M. Louis Mermaz, prévoyant que les personnes mises en examen, prévenus et accusés soumis à la détention provisoire, sont placées au régime de l'emprisonnement individuel et qu'il ne peut être dérogé à ce principe qu'à leur demande ou si les intéressés sont autorisés à travailler.

M. Louis Mermaz a évoqué les conditions générales de détention en France, puis a estimé que l'insuffisance des dotations budgétaires, malgré une amélioration récente, ne pouvait empêcher le législateur de chercher à renforcer la protection des droits de l'homme. M. Jacques Floch a rappelé que le principe de l'emprisonnement individuel posé par l'article 716 du code de procédure pénale était, en pratique, battu en brèche par les dérogation extrêmement larges prévues par ce même article. Il a estimé que l'application d'une telle proposition posait davantage la question de la gestion archaïque de la population carcérale que celle de l'insuffisance des moyens budgétaires, soulignant que les taux d'occupation constatés dans de nombreuses maisons d'arrêt était actuellement satisfaisants. Il a enfin fait valoir que les juges prenaient d'ores et déjà en compte les conditions de placement en détention lorsque sont concernés des mineurs. M. Philippe Houillon a également insisté sur le fait que le principe posé par l'article 716 du code de procédure pénale restait lettre morte et a estimé qu'il incombait au législateur de se référer à ses principes et aux droits de l'hommes, indépendamment de toute considération matérielle. M. Pierre Albertini a critiqué l'injustice de la situation actuelle et estimé qu'une telle proposition serait de nature à accroître la solidarité de l'institution judiciaire tout au long de la chaîne pénale. M. Jean-Luc Warsmann s'est opposé à cette proposition, qu'il a qualifiée de pétition de principe, au motif que celle-ci était inapplicable. Il a par ailleurs vigoureusement mis en garde contre le fait qu'un juge puisse prendre en compte l'encombrement des prisons avant de prononcer éventuellement une sanction, estimant que chacun devait prendre ses responsabilités. M. Jean-Pierre Michel, tout en reconnaissant que la mesure proposée serait difficilement applicable, s'est néanmoins déclaré favorable à son adoption, soulignant qu'elle aboutirait en fait à l'application d'un numerus clausus, déjà pratiqué aux Pays-Bas et auquel il s'est déclaré favorable. M. Gérard Gouzes, tout en reconnaissant l'intérêt d'une réflexion sur le numerus clausus, s'est néanmoins interrogé sur son acceptation par l'opinion publique, évoquant le risque qu'un dangereux criminel se trouve ainsi laissé en liberté. S'il a approuvé le principe de la proposition de M. Louis Mermaz, il a néanmoins souhaité obtenir des précisions sur ses modalités d'application. Après que le rapporteur eut fait part de son accord sur cette proposition, dont la mise en _uvre pourrait être facilitée par les libérations résultant de l'adoption de la présente proposition de loi, la Commission a adopté l'article additionnel présenté par M. Louis Mermaz.

L'article 6 contient des dispositions qui ne figurent pas dans la proposition initiale visant à raccourcir les délais de jugement en matière criminelle.

A l'issue de l'instruction, s'il estime que les faits constituent un crime, le juge d'instruction renvoie le dossier à la chambre d'accusation. C'est cette dernière qui prononce, le cas échéant, la mise en accusation, l'arrêt valant ordonnance de prise de corps de l'accusé. Concrètement, ce dernier est incarcéré en attendant son jugement. Cette détention provisoire, qui n'est pas soumise aux dispositions des articles 144 et suivants du code de procédure pénale - l'instruction est close - peut être très longue compte tenu des lenteurs de la justice criminelle. En effet, il n'existe pas de délais limitant la détention provisoire après ordonnance de renvoi, contrairement à ce qui est prévu en matière correctionnelle : l'article 179 du code de procédure pénale dispose que l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel est accompagnée d'une ordonnance prolongeant la détention pour une durée maxima de deux mois.

Pour pallier cet état de fait, le présent article propose que l'accusé qui n'aura pas comparu dans les six mois à compter de sa mise en accusation soit remis en liberté. Toutefois, la chambre d'accusation pourra, de manière exceptionnelle, prolonger de six mois cette période de détention par une décision motivée. Cette prolongation sera renouvelable une seule fois, aussi un accusé ne pourra être détenu plus de dix-huit mois en attente de jugement.

La Commission a adopté cet article dans la rédaction proposée par le rapporteur.

La Commission a ensuite adopté la proposition de loi ainsi rédigée.

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* *

En conséquence, la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République vous demande d'adopter la proposition de loi dont le texte suit.

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

PROPOSITION DE LOI

TENDANT À LIMITER LA DÉTENTION PROVISOIRE

Article premier

Dans le premier alinéa de l'article 50 du code de procédure pénale, après les mots : " juges du tribunal ", sont insérés les mots : " justifiant de cinq ans de services effectifs dans le corps judiciaire ".

Article 2

Le début du premier alinéa de l'article 63-4 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

Art. 63-4. -  Dès le début de la garde à vue, la personne peut demander à s'entretenir avec un avocat. "

Article 3

Après l'avant-dernier alinéa de l'article 138 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

" Pour l'application du 2°, la personne mise en examen peut être placée sous surveillance électronique dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. "

Article  4

L'article 144 du code de procédure pénale est modifié comme suit :

1°  Dans le premier alinéa, les mots : " égale ou supérieure soit à un an d'emprisonnement en cas de délit flagrant, soit à deux ans d'emprisonnement dans les autres cas " sont remplacés par les mots : " soit égale ou supérieure à trois ans d'emprisonnement en cas de délit visé aux livres deuxième et quatrième et au titre premier du livre cinquième du code pénal ou lorsque la personne mise en examen a déjà été condamnée pour crime ou délit de droit commun à une peine criminelle ou à une peine d'emprisonnement sans sursis supérieure à un an, soit égale ou supérieure à cinq ans d'emprisonnement dans les autres cas. "

2°  L'avant-dernier alinéa est complété par la phrase suivante : " Ce motif ne peut justifier la prolongation de la détention provisoire sauf lorsque la personne mise en examen encourt une peine criminelle. "

Article  5

Le troisième alinéa de l'article 145-1 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

" Dans les autres cas, la personne mise en examen ne peut être maintenue en détention au delà de huit mois.

" Toutefois, et sous réserve des dispositions de l'article 145-3, le juge d'instruction peut, par une ordonnance motivée rendue conformément aux dispositions des premier et quatrième alinéas de l'article 145, l'avocat ayant été convoqué dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 114 :

" 1°  prolonger une seule fois la détention pour une durée qui ne peut être supérieure à quatre mois lorsqu'il s'agit d'un délit visé aux livres deuxième ou quatrième du code pénal autre qu'un de ceux mentionné au 2° ci-après ;

" 2°  prolonger la détention pour une durée qui ne peut être supérieure à quatre mois en cas de trafic de stupéfiant, de terrorisme, d'association de malfaiteurs, de proxénétisme, d'extorsion de fonds ou de délit commis en bande organisée au sens de l'article 132-71 du code pénal, la personne mise en examen ne pouvant être détenue plus de dix-huit mois. "

Article  6

Après le premier alinéa de l'article 145-2 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

" La personne mise en examen ne peut être maintenue en détention provisoire au-delà de deux ans lorsque la peine encourue est inférieure à vingt ans de réclusion ou de détention criminelle et au delà de trois ans dans les autres cas. "

Article  7

L'article 149 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

Art. 149. -  Sans préjudice de l'application des dispositions des articles 505 et suivants du code de procédure civile, la personne ayant été placée en détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive peut demander réparation du préjudice moral et matériel subi à cette occasion. "

Article  8

Après l'article 215-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 215-2 ainsi rédigé :

Art. 215-2. -  L'accusé détenu en raison des faits pour lesquels il est renvoyé devant la cour d'assises est immédiatement remis en liberté s'il n'a pas comparu devant celle-ci à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la date à laquelle l'arrêt de mise en accusation est devenu définitif.

" Toutefois, si l'audience sur le fond ne peut débuter avant l'expiration de ce délai, la chambre d'accusation peut, à titre exceptionnel, par une décision rendue conformément à l'article 144 et mentionnant les raisons de fait ou de droit faisant obstacle au jugement de l'affaire, ordonner la prolongation des effets de l'ordonnance de prise de corps pour une nouvelle durée de six mois. La comparution personnelle de l'accusé est de droit si lui-même ou son avocat en font la demande. Cette prolongation peut être renouvelée une fois dans les mêmes formes. Si à l'issue de cette nouvelle prolongation l'accusé n'a pas comparu devant la cour d'assises, il est immédiatement remis en liberté. "

Article  9

L'article 716 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

Art. 716. -  Les personnes mises en examen, prévenus et accusés soumis à la détention provisoire sont placés au régime de l'emprisonnement individuel de jour et de nuit.

" Il ne peut être dérogé à ce principe qu'à leur demande ou si les intéressés sont autorisés à travailler, en raison des nécessités d'organisation du travail. ".

TABLEAU COMPARATIF

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Texte en vigueur

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Conclusions de la Commission

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Code de procédure pénale

Art. 50. -  Le juge d'instruction, choisi parmi les juges du tribunal, est nommé dans les formes prévues pour la nomination des magistrats du siège.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Article premier

Dans le premier alinéa de l'article 50 du code de procédure pénale, après les mots : " juges du tribunal ", sont insérés les mots : " justifiant de cinq ans de services effectifs dans le corps judiciaire ".

 

Article 2

Le début du premier alinéa de l'article 63-4 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

Art. 63-4. -  Lorsque vingt heures se sont écoulées depuis le début de la garde à vue, la personne peut demander à s'entretenir avec un avocat. Si elle n'est pas en mesure d'en désigner un ou si l'avocat choisi ne peut être contacté, elle peut demander qu'il lui en soit commis un d'office par le bâtonnier.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Art. 63-4. -  Dès le début de la garde à vue, la personne peut demander à s'entretenir avec un avocat. "

Art. 138. -  Le contrôle judiciaire peut être ordonné par le juge d'instruction si la personne mise en examen encourt une peine d'emprisonnement correctionnel ou une peine plus grave.

Article 3

Après l'avant-dernier alinéa de l'article 138 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

Ce contrôle astreint la personne concernée à se soumettre, selon la décision du juge d'instruction, à une ou plusieurs des obligations ci-après énumérées :

 

1°  Ne pas sortir des limites territoriales déterminées par le juge d'instruction ;

 

2°  Ne s'absenter de son domicile ou de la résidence fixée par le juge d'instruction qu'aux conditions et pour les motifs déterminés par ce magistrat ;

 

3°  Ne pas se rendre en certains lieux ou ne se rendre que dans les lieux déterminés par le juge d'instruction ;

 

4°  Informer le juge d'instruction de tout déplacement au-delà de limites déterminées ;

 

5°  Se présenter périodiquement aux services ou autorités désignés par le juge d'instruction qui sont tenus d'observer la plus stricte discrétion sur les faits reprochés à la personne mise en examen ;

 

6°  Répondre aux convocations de toute autorité ou de toute personne qualifiée désignée par le juge d'instruction et se soumettre, le cas échéant, aux mesures de contrôle portant sur ses activités professionnelles ou sur son assiduité à un enseignement ;

 

7°  Remettre soit au greffe, soit à un service de police ou à une brigade de gendarmerie tous documents justificatifs de l'identité, et notamment le passeport, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité ;

 

8°  S'abstenir de conduire tous les véhicules ou certains véhicules et, le cas échéant, remettre au greffe son permis de conduire contre récépissé ; toutefois, le juge d'instruction peut décider que la personne mise en examen pourra faire usage de son permis de conduire pour l'exercice de son activité professionnelle ;

 

9°  S'abstenir de recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement désignées par le juge d'instruction, ainsi que d'entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit ;

 

10°  Se soumettre à des mesures d'examen, de traitement ou de soins, même sous le régime de l'hospitalisation, notamment aux fins de désintoxication ;

 

11°  Fournir un cautionnement dont le montant et les délais de versement, en une ou plusieurs fois, sont fixés par le juge d'instruction, compte tenu notamment des ressources de la personne mise en examen ;

 

12°  Ne pas se livrer à certaines activités de nature professionnelle ou sociale, à l'exclusion de l'exercice des mandats électifs et des responsabilités syndicales, lorsque l'infraction a été commise dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ces activités et lorsqu'il est à redouter qu'une nouvelle infraction soit commise. Lorsque l'activité concernée est celle d'un avocat, le juge d'instruction doit saisir le conseil de l'ordre qui statue comme il est dit à l'article 23 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

 

13°  Ne pas émettre de chèques autres que ceux qui permettent exclusivement le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés et, le cas échéant, remettre au greffe les formules de chèques dont l'usage est ainsi prohibé.

 

14°  Ne pas détenir ou porter une arme et, le cas échéant, remettre au greffe contre récépissé les armes dont elle est détentrice ;

 

15°  Constituer, dans un délai, pour une période et un montant déterminés par le juge d'instruction, des sûretés personnelles ou réelles destinées à garantir les droits de la victime ;

 

16°  Justifier qu'elle contribue aux charges familiales ou acquitte régulièrement les aliments qu'elle a été condamnée à payer conformément aux décisions judiciaires et aux conventions judiciairement homologuées portant obligation de verser des prestations, subsides ou contributions aux charges du mariage.

 
 

" Pour l'application du 2°, la personne mise en examen peut être placée sous surveillance électronique dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. "

Les modalités d'application du présent article, en ce qui concerne notamment l'habilitation des personnes contribuant au contrôle judiciaire, sont déterminées en tant que de besoin par un décret en Conseil d'Etat.

 
 

Article 4

L'article 144 du code de procédure pénale est modifié comme suit :

Art. 144. -  En matière criminelle et en matière correctionnelle, si la peine encourue est égale ou supérieure soit à un an d'emprisonnement en cas de délit flagrant, soit à deux ans d'emprisonnement dans les autres cas et si les obligations du contrôle judiciaire sont insuffisantes au regard des fonctions définies à l'article 137, la détention provisoire peut, à titre exceptionnel, être ordonnée ou prolongée :

1° Lorsque la détention provisoire de la personne mise en examen est l'unique moyen de conserver les preuves ou les indices matériels ou d'empêcher soit une pression sur les témoins ou les victimes, soit une concertation frauduleuse entre personnes mises en examen et complices ;

1°  Dans le premier alinéa, les mots : " égale ou supérieure soit à un an d'emprisonnement en cas de délit flagrant, soit à deux ans d'emprisonnement dans les autres cas " sont remplacés par les mots : " soit égale ou supérieure à trois ans d'emprisonnement en cas de délit visé aux livres deuxième et quatrième et au titre premier du livre cinquième du code pénal ou lorsque la personne mise en examen a déjà été condamnée pour crime ou délit de droit commun à une peine criminelle ou à une peine d'emprisonnement sans sursis supérieure à un an, soit égale ou supérieure à cinq ans d'emprisonnement dans les autres cas. "

2°  Lorsque cette détention est l'unique moyen de protéger la personne mise en examen, de garantir son maintien à la disposition de la justice, de mettre fin à l'infraction ou de prévenir son renouvellement ;

 

3°  Lorsque l'infraction, en raison de sa gravité, des circonstances de sa commission ou de l'importance du préjudice qu'elle a causé, a provoqué un trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public, auquel la détention est l'unique moyen de mettre fin.

2°  L'avant-dernier alinéa est complété par la phrase suivante : " Ce motif ne peut justifier la prolongation de la détention provisoire sauf lorsque la personne mise en examen encourt une peine criminelle. "

La détention provisoire peut également être ordonnée, dans les conditions prévues par l'article 141-2, lorsque la personne mise en examen se soustrait volontairement aux obligations du contrôle judiciaire.

 

Art. 145-1. -  En matière correctionnelle, la détention ne peut excéder quatre mois. Toutefois, à l'expiration de ce délai, le juge d'instruction peut la prolonger par une ordonnance motivée comme il est dit à l'article 145, alinéa premier. Aucune prolongation ne peut être prescrite pour une durée de plus de quatre mois.

 

Lorsque la personne mise en examen n'a pas déjà été condamnée pour crime ou délit de droit commun, soit à une peine criminelle, soit à une peine d'emprisonnement sans sursis d'une durée supérieure à un an et lorsqu'elle n'encourt pas une peine d'emprisonnement supérieure à cinq ans, la prolongation de la détention prévue à l'alinéa précédent ne peut être ordonnée qu'une fois et pour une durée n'excédant pas deux mois.

Article 5

Le troisième alinéa de l'article 145-1 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

Dans les autres cas, la personne mise en examen ne peut être maintenue en détention au-delà de huit mois. Toutefois, à titre exceptionnel et sous réserve des dispositions de l'article 145-3, le juge d'instruction peut, à l'expiration de ce délai, décider de prolonger la détention pour une durée qui ne peut être supérieure à quatre mois par une ordonnance motivée. Celle-ci est rendue conformément aux dispositions des premier et quatrième alinéas de l'article 145, l'avocat ayant été convoqué conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 114. Cette décision ne peut être renouvelée lorsque la peine encourue est inférieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement. Lorsque la peine encourue est supérieure à cinq ans d'emprisonnement, cette décision peut être renouvelée selon la même procédure, sous réserve, lorsque la peine encourue est inférieure à dix ans d'emprisonnement, que la personne mise en examen ne soit pas maintenue en détention provisoire plus de deux ans.

" Dans les autres cas, la personne mise en examen ne peut être maintenue en détention au delà de huit mois.

" Toutefois, et sous réserve des dispositions de l'article 145-3, le juge d'instruction peut, par une ordonnance motivée rendue conformément aux dispositions des premier et quatrième alinéas de l'article 145, l'avocat ayant été convoqué dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 114 :

" 1°  prolonger une seule fois la détention pour une durée qui ne peut être supérieure à quatre mois lorsqu'il s'agit d'un délit visé aux livres deuxième ou quatrième du code pénal autre qu'un de ceux mentionné au 2° ci-après ;

" 2°  prolonger la détention pour une durée qui ne peut être supérieure à quatre mois en cas de trafic de stupéfiant, de terrorisme, d'association de malfaiteurs, de proxénétisme, d'extorsion de fonds ou de délit commis en bande organisée au sens de l'article 132-71 du code pénal, la personne mise en examen ne pouvant être détenue plus de dix-huit mois. "

Les ordonnances visées aux premier et deuxième alinéas du présent article sont rendues après avis du procureur de la République et, s'il y a lieu, observations de la personne mise en examen ou de son avocat.

 

Art. 145-2. -  En matière criminelle, la personne mise en examen ne peut être maintenue en détention au-delà d'un an. Toutefois, sous réserve des dispositions de l'article 145-3, le juge d'instruction peut, à l'expiration de ce délai, prolonger la détention pour une durée qui ne peut être supérieure à six mois par une décision rendue conformément aux dispositions des premier et quatrième alinéas de l'article 145, l'avocat ayant été convoqué conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 114. Cette décision peut être renouvelée selon la même procédure.

Article 6

Après le premier alinéa de l'article 145-2 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

 

" La personne mise en examen ne peut être maintenue en détention provisoire au-delà de deux ans lorsque la peine encourue est inférieure à vingt ans de réclusion ou de détention criminelle et au delà de trois ans dans les autres cas. "

Les dispositions du présent article sont applicables jusqu'à l'ordonnance de règlement.

 
 

Article 7

L'article 149 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

Art. 149. -  Sans préjudice de l'application des dispositions des articles 505 et suivants du code de procédure civile, une indemnité peut être accordée à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive, lorsque cette détention lui a causé un préjudice.

Art. 149. -  Sans préjudice de l'application des dispositions des articles 505 et suivants du code de procédure civile, la personne ayant été placée en détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive peut demander réparation du préjudice moral et matériel subi à cette occasion. "

 

Article 8

Après l'article 215-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 215-2 ainsi rédigé :

 

Art. 215-2. -  L'accusé détenu en raison des faits pour lesquels il est renvoyé devant la cour d'assises est immédiatement remis en liberté s'il n'a pas comparu devant celle-ci à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la date à laquelle l'arrêt de mise en accusation est devenu définitif.

 

" Toutefois, si l'audience sur le fond ne peut débuter avant l'expiration de ce délai, la chambre d'accusation peut, à titre exceptionnel, par une décision rendue conformément à l'article 144 et mentionnant les raisons de fait ou de droit faisant obstacle au jugement de l'affaire, ordonner la prolongation des effets de l'ordonnance de prise de corps pour une nouvelle durée de six mois. La comparution personnelle de l'accusé est de droit si lui-même ou son avocat en font la demande. Cette prolongation peut être renouvelée une fois dans les mêmes formes. Si à l'issue de cette nouvelle prolongation l'accusé n'a pas comparu devant la cour d'assises, il est immédiatement remis en liberté. "

 

Article 9

L'article 716 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

Art. 716. -  Les personnes mises en examen, prévenus et accusés soumis à la détention provisoire sont placés au régime de l'emprisonnement individuel de jour et de nuit. Il ne peut être dérogé à ce principe qu'en raison de la distribution intérieure des maisons d'arrêt ou de leur encombrement temporaire ou, si les intéressés ont demandé à travailler, en raison des nécessités d'organisation du travail.

Art. 716. -  Les personnes mises en examen, prévenus et accusés soumis à la détention provisoire sont placés au régime de l'emprisonnement individuel de jour et de nuit.

" Il ne peut être dérogé à ce principe qu'à leur demande ou si les intéressés sont autorisés à travailler, en raison des nécessités d'organisation du travail. "

Toutes communications et toutes facilités compatibles avec les exigences de la discipline et de la sécurité de la prison sont accordées aux personnes mises en examen, prévenus et accusés pour l'exercice de leur défense.

 

___________

N° 813.- Rapport de M. Alain Tourret (au nom de la commission des lois) sur la proposition de loi (n° 577) de M. Alain Tourret et plusieurs de ses collègues tendant à limiter la détention provisoire.

1 Ces statistiques reposent en particulier sur une base (42.466 placements) qui intègre l'ensemble des personnes placées en détention provisoire qui ont été condamnées, que ce soit à l'occasion d'une instruction, en attente de comparution immédiate ou de jugement. En outre, ne sont recensées que les détentions ordonnées pour infraction unique, sachant que des personnes mises en examen pourront, en définitive, être mises en détention au titre de plusieurs infractions. Pour avoir une idée plus précise de l'impact de cette proposition, il faudrait donc corriger la base et ne retenir que les placements ordonnés dans le cadre d'une instruction mais corrélativement augmenter le nombre de placements par quantum de peine pour tenir compte des infractions multiples.


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