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le 18 mai 1998
N° 902
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 mai 1998.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LES PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION :
1. (n° 770) DE M. ANDRÉ ASCHIERI ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES, tendant à créer une commission denquête pour faire toute la lumière sur les agissements et objet du groupement de fait dit Département protection sécurité ;
2. (n° 879) DE M. ROBERT GAÏA ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES, tendant à créer une commission denquête afin de faire le point sur lorganisation, le fonctionnement, les objectifs, les soutiens et les agissements du groupement dit Département protection sécurité ,
PAR M. RAYMOND FORNI,
Député.
(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.
Ordre public.
La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : Mme Catherine Tasca, présidente ; MM. Jean-Louis Borloo, Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gerin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; M. Pierre Albertini, Mme Nicole Ameline, MM. Léo Andy, Léon Bertrand, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Dominique Bussereau, Christophe Caresche, Patrice Carvalho, Mme Nicole Catala, MM. Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, Jean Codognès, François Colcombet, Michel Crépeau, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Bernard Derosier, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Julien Dray, Renaud Dutreil, Mme Nicole Feidt, MM. Jacques Floch, Raymond Forni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Guy Hascoët, Philippe Houillon, Michel Hunault, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Limouzy, Thierry Mariani, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Henri Nallet, Mme Véronique Neiertz, MM. Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Henri Plagnol, Didier Quentin, Bernard Roman, Gilbert Roseau, José Rossi, Frantz Taittinger, André Thien Ah Koon, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann.
MESDAMES, MESSIEURS,
LAssemblée est saisie de deux propositions de résolution ayant un objet similaire : la première, déposée le 6 mars 1998 par M. André Aschieri et plusieurs de ses collègues membres du groupe R.C.V., tend à créer une commission denquête pour faire toute la lumière sur les agissements et objet du groupement de fait dit Département protection sécurité ; la seconde, déposée le 7 mai dernier par M. Robert Gaïa et plusieurs de ses collègues membres du groupe socialiste (n°879), demande également la création dune commission denquête afin de faire le point sur lorganisation, le fonctionnement, les objectifs, les soutiens et les agissements du groupement dit Département protection sécurité .
Depuis octobre 1996, de Montceau-les-Mines à Mantes-la-Jolie, le service dordre du Front national, mieux connu sous ses initiales D.P.S., fait trop souvent la une de lactualité en raison dagissements allant de lusurpation de fonctions dautorité à la voie de fait pure et simple. Chacun comprendra que de tels comportements, qui vont bien au-delà dinterventions musclées dun service dordre trop zélé, sont inadmissibles de la part dune émanation dun parti politique qui prétend, par ailleurs, participer à la vie démocratique de notre pays.
Alors que de nombreuses voix sélèvent pour demander, demblée, lapplication des lois existantes afin de mettre un terme à ces débordements, les signataires des propositions de résolution vous suggèrent de créer une commission denquête parlementaire dans le but de réunir des informations précises et incontestables sur les agissements de cette organisation pour le moins opaque, dont les principales caractéristiques ne transparaissent que par le biais darticles de presse.
Bien évidemment, dans un domaine aussi particulier, la loi seule doit guider la démarche de notre Assemblée.
En lespèce, comme nous y invitent conjointement les articles 6 de lordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et 140 et 141 de notre règlement, il vous revient de vous prononcer sur la recevabilité de ces propositions de résolution, puis den examiner lopportunité.
Leur recevabilité est subordonnée à deux conditions cumulatives.
La première, explicitée par larticle 140 de notre règlement, suppose que la proposition en débat détermine avec précision les faits qui donnent lieu à enquête.
Au cas particulier, les auteurs de la proposition n° 770 se bornent à évoquer la multiplication dactes délictueux ou criminels imputables à des membres du Département protection sécurité . De leur coté, M. Gaïa et ses collègues font état dactes contraires à la loi, ou déontologiquement contestables . Ils mentionnent également des informations selon lesquelles le D.P.S. dispenserait à ses membres une formation au combat, disposerait darmements non autorisés, aurait tenté par ailleurs dans certaines circonstances précises de se substituer à la force publique par usurpation de fonctions, développerait en outre une activité de renseignements et de fichage .... .
Sans même se prononcer sur la qualification des faits en cause, il est peu contestable que ces assertions reposent sur des situations précises, abondamment relatées par la presse. Ce constat, conforté par le fait quen la matière votre commission des lois retient traditionnellement une interprétation compréhensive, conduit donc à considérer comme satisfaite la première des conditions de recevabilité.
La seconde consiste à sassurer que les faits ayant motivé le dépôt de la proposition de résolution ne font pas lobjet de poursuites judiciaires en cours.
Interrogée par le Président de lAssemblée nationale en application de larticle 141 de notre règlement sur la proposition n° 770, la garde des sceaux, par une lettre datée du 27 avril dernier, précise quà sa connaissance, aucune information judiciaire nest actuellement suivie sur les faits ayant motivé le dépôt de cette proposition de résolution. , tout en rappelant que quatre personnes dont trois seraient membres de cette organisation ont été condamnées le 9 avril 1998 par la cour dappel de Colmar pour des faits darrestation arbitraire et dimmixtion dans une fonction publique, commis à Ostwald (67) le 30 mars 1997 .
Compte tenu de la date à laquelle la seconde proposition de résolution a été déposée, votre commission des lois ne disposait pas, lors de son examen, de la réponse de la garde des sceaux. En dépit de rédactions qui diffèrent légèrement, il est évident que les questions soulevées et le champ dinvestigations préconisé sont identiques. Dans ces conditions, on peut légitimement considérer que les observations de la Chancellerie relatives à la proposition n° 770 sont également pertinentes concernant linitiative de M. Gaïa et de ses collègues.
Sans aucun doute recevables, les propositions de résolution qui vous sont soumises sont-elles pour autant opportunes ?
On reconnaîtra volontiers que les comportements imputés au D.P.S., ainsi que ses activités douteuses, si elles sont avérées, sont graves. Cela étant, la création dune commission denquête parlementaire est-elle une procédure adéquate ? Ne serait-il pas préférable de mobiliser larsenal juridique dont disposent les pouvoirs publics et, le cas échéant, de laisser passer la justice ?
De fait, comme on la déjà indiqué, de nombreuses personnes réclament lapplication des lois actuellement en vigueur. A cet égard, rappelons que deux séries de dispositions pourraient être invoquées à lappui de cette démarche.
Tout dabord, il sagit de celles relatives aux mouvements dissous.
La loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées autorise la dissolution, par décret en Conseil des ministres, des associations considérées comme portant atteinte à lordre public et à la démocratie. Sept types de mouvements sont visés : ceux qui provoqueraient des manifestations armées dans la rue ; ceux qui présenteraient par leur forme et leur organisation militaire le caractère de groupes de combat ou de milices privées ; ceux qui auraient pour but de porter atteinte à lintégrité du territoire national ; ceux dont lactivité tendrait à faire échec aux mesures de rétablissement de la légalité républicaine ; ceux qui auraient pour but, soit de rassembler des individus ayant fait lobjet de condamnation du chef de collaboration avec lennemi, soit dexalter cette collaboration ; ceux qui provoqueraient à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit propageraient des idées ou théories tendant à justifier ou à encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ; enfin, ceux qui se livreraient sur le territoire français ou à partir de ce territoire à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à létranger.
Complétant cette sanction de nature administrative, les articles 431-15, 431-17 et 431-18 du code pénal incriminent et sanctionnent la participation au maintien ou à la reconstitution dun mouvement dissous en application de la loi de 1936.
La seconde série de dispositions pénalise la participation à un groupe de combat .
Le nouveau code pénal, promulgué en 1992 et entré en vigueur en 1994, a introduit une innovation importante dans notre droit en créant une incrimination spécifique pour une catégorie particulière de mouvement mentionnée par la loi de 1936 : ainsi, le seul fait dorganiser (article 431-14) un groupe de combat ou dy participer (article 431-16) est pénalement sanctionné, même si ce mouvement na pas été dissous au préalable.
Pour mettre en uvre cette nouvelle incrimination, le code pénal (article 431-13) définit la notion de groupe de combat, entendu comme tout groupement de personnes détenant ou ayant accès à des armes, doté dune organisation hiérarchisée et susceptible de troubler lordre public . Autrement dit, pour être ainsi qualifié, un mouvement doit satisfaire cumulativement quatre conditions : constituer un groupement, détenir des armes ou y avoir accès, avoir une organisation hiérarchisée et représenter une menace pour lordre public, étant entendu que ce faisceau de critères doit également être apprécié à laune de la jurisprudence, relativement abondante, afférente à la loi de 1936.
Sil nest pas nécessaire, à ce stade, de se livrer à une exégèse de ces dispositions, quil sagisse de la loi de 1936 ou du code pénal, on reconnaîtra, à tout le moins, que leur maniement est délicat. Bien que lon puisse intuitivement avoir le sentiment que le D.P.S. possède certaines des caractéristiques précitées, il convient toutefois de prendre en compte les propos du rapporteur du projet de loi réformant les dispositions du code pénal relatives à la répression des crimes et délits contre la nation, lEtat et la paix publique, selon lequel le nouveau dispositif pénal na pas pour but de pénaliser le service dordre dun parti politique (J.O. A.N., 1ère séance du 8 octobre 1991, page 4265).
Dans la mesure où, de notoriété publique, des faits inacceptables ont été commis, ces observations tout en incitant à la prudence militent néanmoins en faveur dinvestigations approfondies destinées à faire la lumière sur lorganisation, le fonctionnement et les activités réelles du D.P.S. En dautres termes, il convient de déterminer si celui-ci est, au-delà de son apparence, un mouvement dont la nature et les missions le différencient fondamentalement dun service dordre licite, mais le rapprochent, de facto, dun groupement interdit par la loi.
Dans cette perspective, la création dune commission denquête parlementaire est une solution qui apparaît judicieuse. Une composition pluraliste et des méthodes de travail originales qui privilégient les auditions contribuent à assurer une approche du dossier fiable et impartiale. En outre, la publicité des conclusions de la commission denquête permettra à tous nos concitoyens, quelles que soient leurs options politiques, de disposer dune information aussi complète que possible.
Si elles ont un objet comparable, les propositions de résolution examinées par votre commission des lois sont rédigées en termes légèrement différents, celle n° 879 encadrant davantage le champ dinvestigation de la commission denquête. Alors que la proposition de M. Aschieri vise les agissements et lobjet du groupement, celle de M. Gaïa mentionne également son organisation, son fonctionnement et ses soutiens éventuels. En conséquence, il est souhaitable de retenir une rédaction de synthèse permettant de définir clairement lobjet de la commission denquête.
A lissue de son exposé, le rapporteur a déploré labsence de lopposition, considérant que celle-ci évitait ainsi dassumer ses responsabilités quant à la conduite à tenir vis-à-vis dun mouvement portant atteinte à la démocratie. Mme Catherine Tasca, présidente, sest interrogée sur la date dinscription de la présente proposition à lordre du jour, précisant que le délai de six mois courait à compter de ladoption de la résolution.
Conformément aux conclusions du rapporteur, la Commission a adopté la proposition de résolution dont le texte suit.
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CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
tendant à la création dune commission denquête sur les agissements, lorganisation, le fonctionnement, les objectifs du groupement de fait dit Département protection sécurité et les soutiens dont il bénéficierait.
Il est créé, en application des articles 140 et suivants du Règlement de lAssemblée nationale, une commission denquête de trente membres sur les agissements, lorganisation, le fonctionnement, les objectifs du groupement de fait dit Département protection sécurité et les soutiens dont il bénéficierait.
N°902. RAPPORT de M. Raymond FORNI (au nom de la commission des lois) sur les propositions de résolution :
1. (n° 770) de M. André Aschieri et plusieurs de ses collègues, tendant à créer une commission d'enquête pour faire toute la lumière sur les agissements et objet du groupement de fait dit Département protection sécurité,
2. (n° 879) de M. Robert Gaïa et plusieurs de ses collègues, tendant à créer une commission d'enquête afin de faire le point sur l'organisation, le fonctionnement, les objectifs, les soutiens et les agissements du groupement dit Département protection sécurité .
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