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le 25 mai 1998

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N° 909

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 mai 1998.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR :

I. - LE PROJET DE LOI OGANIQUE (n° 827) limitant le cumul des mandats électoraux et fonctions électives ;

II. - LE PROJET DE LOI (n° 828) limitant le cumul des mandats électoraux et fonctions électives,

PAR M. BERNARD ROMAN,

Député.

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Elections et référendums.

La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : Mme Catherine Tasca, présidente ; MM. Jean-Louis Borloo, Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gerin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; M. Pierre Albertini, Mme Nicole Ameline, MM. Léo Andy, Léon Bertrand, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Dominique Bussereau, Christophe Caresche, Patrice Carvalho, Mme Nicole Catala, MM. Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, Jean Codognès, François Colcombet, Michel Crépeau, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Bernard Derosier, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Julien Dray, Renaud Dutreil, Mme Nicole Feidt, MM. Jacques Floch, Raymond Forni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Guy Hascoët, Philippe Houillon, Michel Hunault, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Limouzy, Thierry Mariani, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Henri Nallet, Mme Véronique Neiertz, MM. Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Henri Plagnol, Didier Quentin, Bernard Roman, Gilbert Roseau, José Rossi, Frantz Taittinger, André Thien Ah Koon, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann.

INTRODUCTION 9

I. -  LE CUMUL DES MANDATS : ÉTAT DES LIEUX 11

A. L'EXCEPTION FRANÇAISE 11

1. Un phénomène de grande ampleur 11

2. Les exemples étrangers 13

B. UNE SINGULARITÉ NÉE DE L'HISTOIRE 15

1. Un phénomène ancien qui s'est aggravé depuis 1958 16

2. Les causes du phénomène : au c_ur de la culture politique française 16

C. LES LOIS DE 1985 20

1. L'aboutissement d'une réflexion soutenue et pluraliste 20

2. Le dispositif de 1985 21

3. Des effets limités mais un précédent prometteur 22

II. -  POURQUOI FAUT-IL EN FINIR AVEC LE CUMUL ? 23

A. MODERNISER LA VIE POLITIQUE 23

1. Une attente 23

2. Moderniser plus que moraliser 24

3. Le principe de transparence : mettre fin aux conflits d'intérêts 24

4. Le principe de disponibilité : contre le risque de la technocratisation 25

5. Le principe d'ouverture : contre une élite politique sclérosée 26

6. Vers un changement de culture politique 26

B. RENFORCER LA DÉCENTRALISATION 27

1. Accroître la disponibilité des élus locaux 27

2. Développer la démocratie locale 28

3. Clarifier le jeu politique local 29

4. Revoir le statut de l'élu 30

C. REVALORISER LE PARLEMENT 31

1. Une fonction parlementaire rénovée 32

2. Intérêt local et intérêt général 33

III. - LES RÉPONSES APPORTÉES PAR LES DEUX PROJETS DE LOI 35

A. LA LOI ORGANIQUE : LES INCOMPATIBILITÉS APPLICABLES AUX PARLEMENTAIRES 35

1. Les incompatibilités : membre du Parlement européen, fonctions électives, mandats locaux 35

2. Le règlement des situations d'incompatibilité 35

3. L'application à l'outre-mer 36

4. Les mesures transitoires 36

B. LA LOI ORDINAIRE : LES INCOMPATIBILITÉS APPLICABLES AUX MEMBRES DU PARLEMENT EUROPÉEN ET AUX ÉLUS LOCAUX 36

1. Modifications du code électoral 37

2. Modifications du code général des collectivités territoriales 37

3. Modifications de la loi du 7 juillet 1977 37

4. Dispositions applicables à l'outre-mer 38

5. Entrée en vigueur 38

AUDITIONS 39

Audition de MM. Jean-Michel Blanquer, Guy Carcassonne, Jean Gicquel et Hubert Hubrecht, professeurs de droit 39

Audition de M. Jean-Paul Delevoye, président de l'Association des Maires de France et de M. Robert Savy, membre de l'Association des Présidents de conseils régionaux 79

Audition de M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'Intérieur 110

DISCUSSION GÉNÉRALE 135

EXAMEN DES ARTICLES DU PROJET DE LOI ORGANIQUE (N° 827) 145

Article premier (art. L.O. 137-1 du code électoral) : Incompatibilité entre un mandat parlementaire national et européen 145

Articles additionnels après l'article premier (art. L.O. 139 et L.O. 140 du code électoral) : Incompatibilité du mandat de député avec la qualité de membre du Conseil de la politique monétaire et de juge des tribunaux de commerce 148

Article 2 (art. L.O. 141 et L.O. 141-1 du code électoral) : Interdiction du cumul d'un mandat de parlementaire avec une fonction élective locale ou plus d'un mandat local 148

Articles additionnels après l'article 2 154

Art. L.O. 142-1 et L.O. 143-1 du code électoral : Incompatibilité du mandat de député avec les fonctions de membre de cabinet du président de la République ou d'un cabinet ministériel et avec la qualité de membre du directoire de la Banque centrale européenne et de membre de la Commission européenne 154

Art. L.O. 144 du code électoral : Missions confiées à un parlementaire 154

Art. L.O. 145 du code électoral : Incompatibilité du mandat de député avec la fonction de président de chambre consulaire 154

Art. L.O. 146 du code électoral : Incompatibilités du mandat de député avec des fonctions de dirigeants dans certaines sociétés 155

Art. L.O. 146-1 du code électoral : Incompatibilité du mandat de député avec les fonctions de conseil 155

Art. L.O. 147, L.O. 148 et L.O. 149 du code électoral : Incompatibilité du mandat de député avec certaines activités professionnelles privées 155

Article 3 (art. L.O. 151 du code électoral) : L'incompatibilité constituée le jour de l'élection parlementaire 156

Article 4 (art. L.O. 151-1 du code électoral) : L'incompatibilité constituée pendant le mandat parlementaire 157

Article additionnel après l'article 4 (art. 2 de l'ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958) : Participation aux travaux parlementaires 160

Article 5 : Application aux territoires d'outre-mer et à Mayotte 160

Article 6 (art. L.O. 328-2 du code électoral) : Saint-Pierre-et-Miquelon Président du conseil général et conseiller général 160

Article 7 : Mayotte - Conseiller général 161

Article 8 : Les territoires d'outre-mer 162

Après l'article 8 163

Article 9 : Mise à jour de la loi du 30 décembre 1985 et de l'article L.O. 139 du code électoral 163

Après l'article 9 163

Article 10 : Entrée en vigueur des dispositions de la loi organique 164

EXAMEN DES ARTICLES DU PROJET DE LOI (N° 828) 167

Avant l'article premier 167

TITRE PREMIER - DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE ÉLECTORAL 167

Article premier (art. L. 46-1 du code électoral) : Limitation du cumul des mandats électoraux 167

Article 2 (art. L. 46-2 du code électoral) : Limitation du cumul des fonctions électives 170

Article additionnel après l'article 2 (art. L. 46-2 du code électoral) : Incompatibilités applicables aux présidents de chambre consulaire 170

TITRE II - DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE GÉNÉRAL DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES 171

Article 3 (art. L. 2122-4 du code général des collectivités territoriales) : Incompatibilités applicables aux fonctions de maire et aux membres de l'organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale 171

Après l'article 3 173

Articles additionnels après l'article 3 (art. L. 2122-18 et L. 2123-23 du code général des collectivités territoriales) : Incompatibilité applicable aux délégataires du maire Revalorisation des indemnités des maires 173

Article 4 (art. L. 3122-3 du code général des collectivités territoriales) : Incompatibilités applicables aux fonctions de président de conseil général 173

Article additionnel après l'article 4 (art. L. 3221-3 du code général des collectivités territoriales) : Incompatibilité applicable aux délégataires du président du conseil général 175

Article additionnel après l'article 5 (art. L. 4231-3 du code général des collectivités territoriales) : Incompatibilité applicable aux délégataires du président du conseil régional 176

Article 6 (art. L. 4422-15 du code général des collectivités territoriales) : Incompatibilités applicables aux fonctions de président du conseil exécutif de Corse 177

TITRE III - DISPOSITIONS MODIFIANT LA LOI N° 77-729 DU 7 JUILLET 1977 RELATIVE À L'ÉLECTION DES REPRÉSENTANTS AU PARLEMENT EUROPÉEN 177

Article 7 (art. 6 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977) : Incompatibilité avec les fonctions non électives 177

Article 8 (art. 6-1 à 6-4 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977) : Incompatibilité avec les mandats électoraux et les fonctions électives 178

Article 9 (art. 24 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977) : Incompatibilités applicables au remplaçant 180

TITRE IV - DISPOSITIONS RELATIVES A L'OUTRE-MER 181

Article 10 : Application aux territoires d'outre-mer et à Mayotte 181

Article 11 : Application en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Mayotte 181

Article 12 (art. L. 328-3 du code électoral) : Conseil général de Saint-Pierre-et-Miquelon 181

Article 13 : Conseil général de Mayotte 182

Article 14 : Abrogation 182

Après l'article 14 182

TITRE V - DISPOSITIONS TRANSITOIRES 183

Article 15 : Entrée en vigueur des dispositions du projet de loi 183

Titre 184

TABLEAUX COMPARATIFS

-  du projet de loi organique 185

-  du projet de loi 199

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

-  du projet de loi organique 215

-  du projet de loi 221

ANNEXE : Le cumul des mandats électifs dans les pays de la communauté européenne

-  Allemagne 229

-  Autriche 230

-  Belgique 231

-  Danemark 232

-  Espagne 232

-  Finlande 233

-  Grande-Bretagne 233

-  Grèce 234

-  Irlande 234

-  Italie 235

-  Luxembourg 237

-  Pays-Bas 238

-  Portugal 239

-  Suède 240

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

-  Par la commission des Lois 241

-  Par le rapporteur 243

MESDAMES, MESSIEURS,

Lorsque, dans Jean Barois, il écrivait que " la République porte en elle-même une vertu précieuse : elle est le seul régime perfectible par nature ", Roger Martin du Gard nous prescrivait à tous une mission. La construction de la République est en effet une tâche perpétuelle qui incombe à chacun d'entre nous, qu'il soit élu ou simple citoyen.

Alors que la société française est aujourd'hui parcourue du sentiment diffus mais profond d'une perte de substance et de sens, le Gouvernement de M. Lionel Jospin nous donne l'occasion de démontrer que les élus de la République savent faire face et faire fi de leur situation personnelle lorsque la chose publique est en jeu.

Nous sommes, en effet, saisis de deux projets de loi - l'un organique, l'autre ordinaire  - limitant le cumul des mandats. Vieille antienne que celle-là ! Le cumul des mandats est une tradition française que bon nombre ont critiqué et à laquelle, finalement, peu se sont attaqués.

Les critiques sont abondantes. Elles sont presque toutes justifiées. Le cumul des mandats engendre des conflits d'intérêts entre les échelons local et national difficilement acceptables. Les circuits de décision n'apparaissent pas clairement, les responsabilités non plus. Il empêche les élus d'assumer convenablement les trop nombreuses missions qui leur sont confiées. Composée de " cumuleurs ", la société politique est ainsi fermée sur elle-même. Cette tendance oligarchique peut conduire à la sclérose et, nous le craignons, à une forme de nécrose. Quant au Parlement, large réunion d'élus locaux, il est inévitablement déserté.

Il a fallu attendre 1985 et le Gouvernement de M. Laurent Fabius pour que deux lois mettent en place une réglementation limitant le cumul des mandats. Ces textes avaient su s'adapter à la réalité sociale et politique de l'époque. La décentralisation prenait ses marques. La défiance à l'égard de la politique n'avait pas encore atteint le degré de gravité que nous connaissons aujourd'hui.

Treize ans après, le contexte est fort différent. Chacun en conviendra. La pratique du cumul des mandats n'a pas été radicalement infléchie depuis 1985. La défiance vis-à-vis des élus manifestée par l'opinion est, malheureusement, un problème lancinant. L'abstention, les votes protestataires ou extrêmes, les mouvements sociaux, sont autant de signes qui nous imposent, à nous parlementaires et élus locaux, une véritable réflexion, au sens premier du terme. Chacun d'entre nous sait qu'il nous est impossible de continuer ainsi. En outre, on constate que la décentralisation connaît aujourd'hui ses limites. Les pouvoirs se sont répartis depuis plus de quinze ans selon des clés nouvelles. Mais la machine est grippée et le cumul des mandats est l'un des verrous - parmi d'autres, mais non le moindre - qui interdit d'aller plus loin.

Deux projets de loi nous sont donc proposés. L'un est de nature organique puisqu'il fixe de nouvelles incompatibilités pour l'exercice du mandat de député ou de sénateur. Il vise à interdire le cumul entre le mandat de parlementaire national et celui de membre du Parlement européen. Il prohibe le cumul des fonctions exécutives locales avec un mandat parlementaire. Il limite à deux (un local, l'autre national) le nombre de mandats détenus par une même personne. Le projet de loi ordinaire introduit, quant à lui, dans le code général des collectivités territoriales et dans le code électoral des dispositions interdisant la détention de deux fonctions exécutives locales simultanées et le cumul de plus de deux mandats à l'échelon local. Ce dispositif législatif sera normalement complété prochainement par une loi constitutionnelle limitant le cumul des mandats pour les ministres.

Avant de juger de l'intérêt de ces deux projets, il importe d'établir l'état des lieux du cumul en France (I). Il s'agit bien là d'une singularité française qui s'explique par des données historiques et culturelles particulières. Les lois de 1985 n'ont certes pas permis d'inverser significativement la tendance en ce domaine mais elles ont constitué une première étape dans la limitation du phénomène.

Il apparaît qu'aujourd'hui un statu quo n'est plus possible et cela pour trois raisons essentielles (II). Le cumul des mandats est un obstacle à la modernisation de la vie politique nationale et locale qui fait pourtant figure d'urgente nécessité. De plus, il nuit au renforcement de la décentralisation qui doit s'accompagner d'une nette clarification des pouvoirs et des responsabilités de chacun. Enfin, la limitation rigoureuse mais intelligente du cumul est le préalable à toute entreprise de restauration du Parlement pour parvenir à un nouvel équilibre institutionnel que chacun appelle de ses v_ux.

Les deux projets de loi proposés par le Gouvernement répondent concrètement à ces nécessités (III).

I. -  LE CUMUL DES MANDATS : ÉTAT DES LIEUX

A. L'EXCEPTION FRANÇAISE

Le cumul des mandats constitue une des caractéristiques du système politique français. Qu'il soit vertical, c'est-à-dire marqué par le cumul d'un mandat parlementaire et d'un, voire plusieurs mandats locaux, ou horizontal, c'est-à-dire caractérisé par le cumul de plusieurs mandats de même niveau, le cumul des mandats ressortit par son ampleur à ce qu'il est convenu d'appeler l'exception française.

1. Un phénomène de grande ampleur

S'agissant des parlementaires, le cumul est la règle, son absence, l'exception. Il est à noter que ce cumul s'exerce le plus souvent au profit d'une fonction élective, c'est-à-dire de la direction d'un, voire deux exécutifs locaux. On compte ainsi plus de 55 % de maires à l'Assemblée nationale et près de 47 % au Sénat.

Le tableau suivant récapitule l'ensemble des données disponibles sur le cumul des mandats et fonctions dans les deux assemblées :

 

DÉPUTES

SÉNATEURS

Total

575  *

100 %

319  **

100 %

Conseiller municipal

474

82 %

217

68 %

Maire

318

55 %

149

47 %

Conseiller général

205

36 %

139

44 %

Président du conseil général

15

3 %

35

11 %

Conseiller régional

63

11 %

23

7 %

Président du conseil régional

14

2 %

4

1 %

Membres du Parlement européen

2

-

0

-

* Situation au 28 avril 1998, 2 sièges vacants.

** Situation au 19 mai 1998, 2 sièges vacants.

Si l'on s'intéresse à la répartition des parlementaires en fonction du nombre des mandats cumulés, elle est également significative : seulement 54 députés sur 575 (soit 9,4 %) ne détiennent aucun autre mandat ; au Sénat, on en compte 69 sur 319 sénateurs (soit 22 %).

La répartition des députés en situation de cumul en fonction du nombre de mandats exercés est également significative. Au 28 avril 1998, sur 575 députés, la situation était la suivante :

-  54 n'ont aucun autre mandat, soit moins de 10 % ;

-  300 ont un seul autre mandat, soit 52 % :

- mandat municipal : 253, dont 171 maires

- mandat départemental : 28, dont 3 présidents de conseil général

- mandat régional : 18, dont 4 présidents de conseil régional

- mandat européen : 1

-  219 ont deux autres mandats, soit 38 % :

- mandat municipal et mandat départemental : 175

- mandat municipal et mandat régional : 43

- mandat municipal et mandat européen : 1

-  3 ont trois autres mandats (1).

D'après les statistiques communiquées par l'Association des présidents de conseil régional, on compte sur les 26 nouveaux présidents de région (collectivité territoriale de Corse et départements d'outre-mer inclus), seulement 3 présidents n'exerçant pas d'autre mandat électoral, 16 titulaires de mandats municipaux, dont 12 maires, 5 conseillers généraux, 1 membre du parlement européen, 10 députés et 4 sénateurs. Pour les autres élus locaux, les récentes consultations électorales n'ont pas permis d'obtenir de données actualisées.

Ces chiffres montrent bien l'ampleur d'un phénomène devenu caractéristique du système politique français. Si l'on compare la situation des seuls parlementaires à la veille des lois de décentralisation avec celle qui prévaut aujourd'hui, le constat est éloquent. En 1982, 93 % des sénateurs et 82 % des députés se trouvaient en situation de cumul. Aujourd'hui près de 78 % des sénateurs et plus de 90 % des députés cumulent leur mandat parlementaire avec au moins un autre mandat. Cette situation, qui n'a pas été remise en cause par la limitation introduite en 1985, contraste avec les pratiques en vigueur dans les autres démocraties modernes.

2. Les exemples étrangers

Par delà la diversité des systèmes institutionnels des différents pays démocratiques, aucun d'entre eux ne se trouve dans une situation similaire à celle de la France en matière de cumul des mandats. Dans la majorité des cas, aucune règle ne vient interdire le cumul et c'est l'usage qui règle les situations particulières. La culture politique supplée ainsi l'absence d'interdit juridique.

Parmi les pays n'interdisant pas expressément le cumul des mandats on peut citer la Suède, la Finlande, le Danemark, l'Irlande, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et l'Allemagne. Pour la Grande-Bretagne, il n'existe aucune règle d'incompatibilité entre les mandats de membre de la Chambre des Communes, le mandat de membre du Parlement européen et les mandats locaux. On ne compte toutefois parmi les membres de la Chambre des Communes que trois membres du Parlement européen et 80 membres de conseils locaux au 1er mai 1997 sur les 659 qui composent cette Assemblée.

Aux Etats-Unis, la Constitution n'interdit pas expressément à un membre du Congrès de détenir un mandat local, elle confie en revanche à chaque chambre le soin de valider l'élection de ses membres en appréciant les risques de conflit d'intérêts entre le mandat fédéral et le mandat local. Les chambres se sont ainsi toujours opposées au cumul entre un mandat au Congrès et celui de gouverneur ou de membre de l'assemblée d'un Etat. Dans les autres cas, les incompatibilités sont appréciées selon une jurisprudence complexe. La plupart des Etats ont toutefois voté des lois qui interdisent aux membres du Congrès de détenir certains mandats locaux. Enfin, la présence des parlementaires étant sévèrement contrôlée et le vote en séance étant strictement personnel, l'incompatibilité s'impose aux parlementaires dans les faits.

S'agissant de l'Allemagne, le cumul n'est pas non plus explicitement interdit au niveau fédéral. La constitution des Länder peut déterminer certaines incompatibilités au niveau local. Seule la loi du 16 juin 1978 relative à l'élection des députés au Parlement européen établit une incompatibilité entre l'exercice d'une fonction ministérielle dans un Land et la qualité de membre du Parlement européen. Aussi, les situations de cumul ne sont-elles que transitoires. Dans ce cas, la plupart des assemblées régionales plafonnent voire suspendent les indemnités versées à leurs membres. La situation de cumul, découragée par la pratique politique, se trouve ainsi par ailleurs découragée financièrement.

Il existe un second groupe de pays disposant de règles spécifiques en matière de cumul des mandats. Celles-ci peuvent être en partie de niveau constitutionnel comme en Belgique, en Espagne ou en Italie, ou relèvent entièrement de la loi ordinaire, comme en Grèce ou au Portugal.

En Belgique, les dispositions de la Constitution interdisent le cumul entre le mandat de membre d'un conseil de communauté et de conseil de région avec celui de membre des deux assemblées composant le Parlement. Cette interdiction est complétée par une loi du 19 octobre 1921 qui prohibe le cumul du mandat de conseiller provincial avec celui de député ou de sénateur. Enfin la loi du 23 mars 1989 interdit le cumul du mandat de membre du Parlement européen avec celui de parlementaire ainsi qu'avec la plupart des fonctions locales. En revanche, le mandat parlementaire est compatible avec un mandat communal.

En Espagne, la Constitution prohibe le cumul entre le mandat de membre du Congrès des députés avec celui d'une assemblée de communauté autonome. Une loi du 19 juin 1985, modifiée en 1991, complète le dispositif en interdisant le cumul entre le mandat de député et les fonctions exécutives exercées dans les conseils de gouvernement des communautés autonomes. Il n'existe en revanche aucune incompatibilité pour les membres du Sénat, ceux-ci effectuant une mission de représentation territoriale. Ils ne peuvent toutefois percevoir que leur indemnité de sénateur. Enfin, les membres du Parlement européen ne peuvent être ni membres des Cortes, c'est-à-dire de l'une des deux assemblées, ni membres d'une assemblée de communauté autonome. Les autres cumuls ne sont pas expressément interdits, mais ils restent rares. On compte ainsi dans le Congrès des députés, sur un total de 347 parlementaires, 52 députés en situation de cumul, soit 8 détenant un mandat de député provincial, 14 maires et 30 échevins.

En Italie, la Constitution renvoie à la loi le soin de déterminer les " cas d'inéligibilité et d'incompatibilité avec les fonctions de député et de sénateur ".Elle prohibe toutefois le cumul entre la qualité de membre d'un conseil régional et l'appartenance à l'une des Chambres du Parlement. Il n'y a pas d'incompatibilité entre le mandat de membre de Parlement européen et la qualité de parlementaire national. Il en existe en revanche une avec les fonctions exécutives régionales (Président de la junte régionale et assesseur régional). Les règles applicables en matière de cumul ont été définies par un décret du 30 mars 1957 dont la constitutionnalité vient d'être récemment contestée par la Cour constitutionnelle. Ce décret prévoyait que le fait de détenir un mandat de député régional ou de conseiller régional constituait un motif d'inéligibilité au Parlement. Au niveau local, le mandat de conseiller régional est incompatible avec les mandats de Président, de Vice-président d'une junte provinciale, de maire et de maire-adjoint des communes de la région où le mandat de conseiller régional est exercé. Les membres du Parlement détenteurs de mandats locaux ne peuvent cumuler les indemnités, en dehors de celles qu'ils perçoivent au titre de leur présence aux conseils locaux. Sur 630 députés de la Chambre actuelle on ne compte que 6 membres du Parlement européen, 12 conseillers provinciaux, 23 maires et 71 conseillers municipaux.

En Grèce, la Constitution prohibe le cumul entre le mandat de député et les fonctions de maire ou de président du conseil communal. La loi exclut dans le même temps l'exercice simultané du mandat parlementaire national avec celui de membre du Parlement européen.

Au Portugal, enfin, la loi du 29 décembre 1989 prévoit une incompatibilité entre les mandats de député et les mandats de député européen, de membre des assemblées des régions autonomes, ainsi qu'avec les fonctions de président et de conseiller à plein temps des conseils municipaux. Les autres cas de cumul sont autorisés et le cumul des indemnités n'est pas plafonné.

Ces exemples montrent donc, au-delà des différences liées aux spécificités institutionnelles de chaque pays, la place singulière de la France. Les pays fédéraux ont été conduits à une limitation naturelle du cumul du fait de l'existence d'une nette séparation des pouvoirs entre le centre et la périphérie, ainsi qu'entre les divers organes locaux. Le caractère récent de la décentralisation française, et la généralisation aux autres échelons territoriaux d'une conception des fonctions exécutives locales calquée sur le modèle du maire, à la fois président de l'assemblée délibérante et exécutif solitaire, expliquent en grande partie les raisons de cette spécificité héritée de l'histoire.

B.  UNE SINGULARITÉ NÉE DE L'HISTOIRE

Le cumul des mandats est bien une singularité française. Pourtant, ce phénomène n'est pas imputable aux seuls acteurs, c'est-à-dire aux élus et aux électeurs. Plus profondément, le recours systématique au cumul est le fruit de structures propres à notre pays. Il s'explique par la manière dont s'est constituée l'organisation politique et administrative française depuis plusieurs siècles mais aussi par la façon dont, plus récemment, la Constitution de la Vème République a mis en place un nouvel équilibre des pouvoirs.

1. Un phénomène ancien qui s'est aggravé depuis 1958

Le cumul des mandats n'est pas chose nouvelle en France. Néanmoins, l'existence de cette tradition ne doit pas dissimuler de réelles évolutions au cours du temps. Comme le note fort justement Jean-Claude Masclet : " le phénomène a changé de dimension de sorte que ses conséquences négatives apparaissent avec plus d'évidence " (2). Il constate ainsi que pour les mandats de maire et de conseiller général, le taux de cumul a presque doublé sous la Vème République par rapport à ce qu'il était sous les républiques précédentes. Le nombre de députés ayant également un mandat local était au plus de 35,7 % sous la IIIème République (1936) et 42 % sous la IVème (1956). Depuis 1958, il se situe entre 64 et 74 % et se stabilise au-dessus de 70 % depuis 1973. En 1956, les députés-maires représentaient 27 % des élus à l'Assemblée nationale, 49 % en 1958 et 55,3 % en 1998. De manière globale, sous la Vème République, les deux tiers des députés détiennent un mandat de maire ou de conseiller général et plus d'un tiers ces deux mandats à la fois. Pour les sénateurs, les pourcentages sont proches.

On constate donc que le cumul des mandats solidement implanté dans notre vie politique s'est trouvé renforcé avec l'avènement de la Vème République. Quelles sont les raisons de cette évolution ?

2. Les causes du phénomène : au c_ur de la culture politique française

·   La centralisation

" Le cumul des mandats est un des procédés de la centralisation française ". C'est ainsi que Michel Debré analysait en 1955 le phénomène du cumul dans notre pays (3). Il peut être en effet perçu comme un épiphénomène de la centralisation politique et administrative française. Le pouvoir est, dans notre pays, traditionnellement concentré à Paris. Il n'est nul besoin de s'appesantir sur cette question bien connue.

Pour faire reconnaître ses intérêts et influer sur la prise de décision par le pouvoir central, la périphérie, représentée par les élus locaux, doit disposer de relais à l'échelon national. Quel meilleur relais qu'un mandat de parlementaire ?

Comme nous sommes nombreux à l'observer, il est toujours plus simple d'accéder à un ministre pour évoquer un problème local quand on est parlementaire (même de l'opposition) que lorsque l'on n'est que maire ou conseiller général (même de la majorité). Un député ou un sénateur peut tisser un réseau de relations au niveau national qui lui permettra d'exercer une forme d'influence sur l'administration d'Etat et dont il pourra tirer parti à l'échelon local, par exemple, dans ses rapports avec l'autorité préfectorale. De même, il est plus aisé pour le pouvoir central de faire relayer ses décisions par des députés-maires ou des sénateurs-maires. Apparaît ainsi une forme d'équilibre de notre système politique et administratif où les aspirations locales sont exprimées au Parlement, ce qui contrebalance la centralisation des pouvoirs entre les mains des ministères parisiens.

Dans ce mécanisme, le cumul fait figure de rouage essentiel. A l'origine, conséquence de la centralisation de notre pays, il est devenu aujourd'hui l'un des principaux obstacles à l'approfondissement de la décentralisation en France.

·   La faiblesse des partis politiques

Par rapport aux autres démocraties occidentales, le jeu politique français ne s'est jamais réellement appuyé sur des partis solides et bien organisés. Ceux-ci ont tardé à émerger et n'ont jamais réellement atteint le développement de leurs homologues allemands ou britanniques. Le système s'est construit sur des notables bien implantés localement et qui disposaient d'une réelle autonomie vis-à-vis des organisations politiques. Le rapport de force entre notables et partis s'est le plus souvent établi en faveur des premiers, les seconds devant miser sur une personnalité locale reconnue pour emporter un siège de député ou de sénateur. Longtemps, les partis politiques français ont facilité l'accès au pouvoir de quelques uns, plus que la participation des citoyens à la vie politique. La situation n'a pas aujourd'hui radicalement changé, même s'il conviendrait de nuancer le propos selon les partis étudiés.

Fondé sur une logique largement notabiliaire, le système politique français ne pouvait qu'engendrer le cumul des mandats.

A ces deux raisons de fond - la centralisation et la faiblesse des partis - qui nous amènent à nous pencher sur les structures mêmes de notre société politique, se sont ajoutées deux autres causes. L'une est liée au mode de scrutin traditionnel en France pour l'élection des députés : le scrutin d'arrondissement. L'autre est, sans nul doute, l'affaiblissement du Parlement sous la Vème République.

·   Le mode de scrutin

L'opinion est largement répandue que le scrutin majoritaire uninominal, dit d'arrondissement, conduit mécaniquement à la constitution de fiefs électoraux. Comme le soulignait justement le rapport Léotard (4), " l'accumulation des services rendus et la forte notoriété sont des atouts majeurs dans le scrutin d'arrondissement ". C'est pourquoi, pour avoir une plus grande chance d'être élu, ou réélu, un candidat aux législatives doit détenir presque nécessairement un ou plusieurs mandats locaux. De fait, toutes les études montrent que la qualité d'élu local est un avantage essentiel pour être élu député et plus encore pour être réélu. Si l'on estime que l'un des fondements de la démocratie est l'égalité d'accès au mandat électoral et l'égale concurrence des candidats, on doit constater que le cumul des mandats contrevient à ce principe.

L'impact du mode de scrutin sur le phénomène du cumul des mandats appelle deux remarques complémentaires.

Tout d'abord, la Vème République a consacré le scrutin d'arrondissement en en faisant un des mécanismes essentiel assurant l'équilibre de nos institutions. Le phénomène majoritaire selon lequel une nette majorité se dégage au Parlement et soutient sans faille le Gouvernement est au c_ur du fonctionnement de la Vème République.

En outre, il est paradoxal de constater que le scrutin d'arrondissement n'est plus perçu comme un obstacle à la limitation du cumul des mandats. Bien au contraire, afin de maintenir entre les députés et la réalité locale un lien nécessaire, ce mode de scrutin est considéré comme absolument indispensable, comme un gage même de réussite du projet de limitation du cumul. Les mêmes causes peuvent ainsi, selon les moments, produire différents effets et nous estimons effectivement que la réforme du cumul ne remet pas en cause le mode de scrutin des élections législatives.

·  L'affaiblissement du Parlement

Le constat est classique. Au regard des deux républiques précédentes, le Parlement a connu une dévalorisation flagrante. Les causes en sont multiples. Elles sont bien connues.

La rationalisation du régime parlementaire associée au phénomène majoritaire ont donné aux députés et aux sénateurs le sentiment - souvent fondé - que l'essentiel se joue ailleurs. La solidarité naturelle et organique de la majorité parlementaire avec le Gouvernement interdit de porter atteinte de manière fondamentale aux projets déposés par celui-ci. A fortiori elle ne peut conduire à une mise en cause de la responsabilité du Gouvernement. Certes la loi est amendée mais souvent sur des aspects, somme toute, marginaux. Certes le Gouvernement est interpellé mais peut-on imaginer qu'il soit renversé ?

Face à cela, les parlementaires semblent se désintéresser du travail législatif. Ils considèrent - peut-on leur reprocher ? - que leur présence au Palais Bourbon ou au Palais du Luxembourg ne leur offre pas ce à quoi ils aspirent fondamentalement : la possibilité d'agir sur les événements. A cet égard, les mandats locaux leur apportent beaucoup plus de satisfaction. Il est alors naturel que les parlementaires s'investissent plus dans leur mairie où ils sont au centre du système qu'au Palais Bourbon où ils ne représentent qu'1/577ème de l'Assemblée.

Le cursus honorum de l'homme politique passe, aujourd'hui encore, par le cumul des mandats. Classiquement, on observe un cheminement progressif qui mène des élections municipales aux législatives ou aux sénatoriales, voire aux fonctions ministérielles. Même les jeunes hauts fonctionnaires qui accèdent rapidement au mandat parlementaire en transitant plus ou moins brièvement par les appareils politiques s'efforcent de se constituer une base locale en sollicitant le suffrage des électeurs aux municipales ou aux cantonales.

Mais, loin de jeter la pierre à ceux qui adoptent ce comportement, il faut considérer que cet état de fait naît des structures mêmes de notre société politique. Ces acteurs doivent composer avec cette réalité sinon ils sont perdus. Pour reprendre une expression du professeur Carcassonne, c'est ici que se révèle le caractère diabolique du cumul des mandats. Aussi longtemps qu'il n'est pas juridiquement interdit, il est politiquement obligatoire. C'est pourquoi il ne faut pas jeter l'opprobre sur les " cumuleurs " qui respectent la loi et sont élus régulièrement par les citoyens. C'est au cumul qu'il faut s'attaquer sans faiblesse.

C'est à cette tâche que MM. Laurent Fabius et Pierre Joxe s'étaient consacrés en 1985. Les deux lois qui résultèrent de leurs efforts constituèrent une étape importante dans cette entreprise difficile qui ne consiste en rien moins qu'à passer d'une culture politique à une autre.

C. LES LOIS DE 1985

La loi organique n° 85-1405 et la loi ordinaire n° 85-1406 du 30 décembre 1985 ont constitué une étape essentielle dans le projet de limitation du cumul des mandats. Néanmoins il a dû être tenu compte, à l'époque, d'un contexte politique et social qui ne permettait pas une remise en cause radicale et immédiate du cumul. Ainsi, les effets de ces lois se sont-ils révélés limités. Aujourd'hui apparaît nettement l'absolue nécessité de mener plus loin l'entreprise.

1. L'aboutissement d'une réflexion soutenue et pluraliste

On a vu fleurir tout au long des années soixante-dix et au début de la décennie suivante un nombre important de rapports, d'articles, de propositions de loi qui appelaient à une limitation du cumul des mandats.

Sans aborder le détail de toutes ces initiatives, rappelons que le rapport Guichard de 1976 consacré à la décentralisation (5) avait évoqué la question du cumul. Tout en constatant la difficulté de faire aboutir rapidement une réforme en ce domaine, il appelait de ses v_ux l'ouverture d'un large débat sur " ce problème majeur ".

En 1979, le groupe de travail de l'U.D.F. constitué pour étudier la question du cumul aboutit aux conclusions suivantes : la limitation à deux du nombre des mandats cumulables et l'incompatibilité entre des mandats importants (maire de ville de plus de 100.000 habitants, président de communautés urbaines, parlementaire, président du conseil général, représentant aux communautés européennes).

Après l'élection de François Mitterrand à la présidence de la République, son Premier ministre, M. Pierre Mauroy, confia une mission à M. Marcel Debarge qui aboutit à un rapport remis le 22 janvier 1982. Celui-ci concluait à la nécessité de limiter pour l'heure le cumul à deux mandats ou trois sous conditions particulières. Il observait aussi que le cumul des fonctions était le plus mal ressenti par l'opinion. Il estimait, par ailleurs, que la première législation qui limiterait le cumul ne constituerait qu'une étape appelée à être complétée ultérieurement. Ainsi, s'il excluait provisoirement la question de l'incompatibilité entre le mandat parlementaire et la présidence d'un conseil général ou régional ou celle des présidences d'intercommunalités, le rapport Debarge considérait que ces points auraient à être examinés plus tard lorsque le contexte aurait évolué significativement.

Telles furent donc les bases sur lesquelles furent discutées puis adoptées les lois de 1985.

2. Le dispositif de 1985

La loi organique n° 85-1405 du 30 décembre 1985 a interdit le cumul du mandat parlementaire avec plus d'un mandat parmi les suivants (article L.O. 141 du code électoral) :

-  représentant au Parlement européen ;

-  conseiller régional ;

-  conseiller général ;

-  conseiller de Paris ;

-  maire d'une commune de 20.000 habitants ou plus autre que Paris ;

-  adjoint au maire d'une commune de 100.000 habitants ou plus autre que Paris (6).

N'ont pas été intégrés dans cette liste, en particulier, les conseillers municipaux et les maires des communes de moins de 20.000 habitants.

La loi ordinaire n° 85-1406 du 30 décembre 1985 a interdit, quant à elle, le cumul de plus de deux mandats locaux ou fonctions électives figurant sur une liste parfaitement identique à celle de la loi organique. Notons que la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 avait déjà fixé le principe d'incompatibilité entre les fonctions de président de conseil régional et général (articles L. 3122-3 et L. 4133-3 du code général des collectivités territoriales).

On le voit, les textes de 1985 ont établi une limitation qui reste mesurée. En excluant les conseillers municipaux et les maires des communes de moins de 20.000 habitants, le législateur a permis, de fait, à bon nombre de parlementaires de conserver trois mandats ou fonctions électives. Par ailleurs, la logique qui avait auparavant conduit à interdire le cumul des fonctions de président de conseil général et régional était d'éviter des formes officieuses de tutelle entre deux collectivités territoriales, ainsi que des situations où certaines d'entre elles pourraient entretenir des relations privilégiées au détriment d'autres collectivités. Cette logique aurait dû aboutir à la prohibition de tout cumul entre les fonctions de président d'un conseil général ou régional et celle de maire. Tel ne fut pas le cas. Comme le constate Jean-Claude Masclet, dans l'article précité, " c'était, il est vrai, toucher à beaucoup de situations acquises ".

Il fallait effectivement tenir compte à l'époque des profondes réticences d'un certain nombre de parlementaires, en particulier au Sénat. Les textes proposés par le Gouvernement, pour être adoptés, devaient donc constituer une première étape, permettant néanmoins d'enclencher un mouvement destiné à s'amplifier par la suite.

3. Des effets limités mais un précédent prometteur

Comme on pouvait s'y attendre, les effets de la législation de 1985 furent circonscrits. M. Albert Mabileau, dans une étude parue en 1991 (7), constate que jusqu'en 1989, 298 mandats ont été remis dans le circuit (ce chiffre ne tenant pas compte des démissions spontanées par ceux des cumuleurs qui anticipèrent sur les dispositions législatives). Ce mouvement d'ouverture n'a donc touché que 3,4 % des 8.677 mandats potentiellement concernés par la réforme, note M. Mabileau. Il ajoute que ce potentiel ne constituait, par ailleurs, qu'une part minime (moins de 2 %) des 500.000 mandats électoraux " en présence sur le marché politique français ". De plus, les effets de la réforme ont eu des répercussions au plan local mais extrêmement peu à l'échelon national. Seuls quelques mandats parlementaires européens et, moins encore, nationaux, ont été ainsi abandonnés.

Même si le constat établi par M. Mabileau date de 1991, on peut considérer que la tendance n'a pas été infléchie significativement depuis lors.

Quantitativement, la portée des lois de 1985 est restreinte. En revanche, culturellement et psychologiquement, ces lois ont constitué une étape dont l'importance n'est pas révélée par les seuls éléments statistiques.

Certains estiment que, par leurs timidités, les lois de 1985 ont davantage légitimé le cumul qu'elles n'y ont mis un frein, qu'elles en ont rationalisé l'usage. Nous pensons, au contraire, que, malgré ses angles morts, ce dispositif législatif a introduit l'idée que le cumul n'est pas la forme normale de l'exercice de la démocratie. On ne rompt pas brutalement avec une telle culture politique profondément ancrée dans les comportements des élus mais aussi des électeurs. Le temps paraît bien loin aujourd'hui où Edgar Faure affirmait dans Le Monde, en 1973, que c'est sur le cumul que repose la démocratie. En 1979, le professeur Michel Reydellet considérait que la limitation du cumul passait par un changement de mentalité (8). Les lois de 1985 ont contribué à cette évolution, modestement mais assurément.

Mais, en 1998, il s'agit d'aller plus loin. Le temps est venu de monter une marche de plus. La société française appelle cette réforme de ses v_ux. La décentralisation connaît une crise de croissance dont le cumul est l'une des causes. La défiance à l'égard de l'action politique se nourrit des critiques adressées - plus ou moins justement - aux cumuleurs. L'équilibre institutionnel de la Vème République est, quant à lui, largement compromis par le maintien du cumul. Pour tous ces motifs, il est urgent d'agir.

II. -  POURQUOI FAUT-IL EN FINIR AVEC LE CUMUL ?

A. MODERNISER LA VIE POLITIQUE

1. Une attente

La fin du cumul des mandats semble bien une attente de nos concitoyens. Elle s'est exprimée sous diverses formes. Un sondage publié au début de l'année 1997 indiquait que 55 % des personnes interrogées étaient favorables à la limitation du cumul à un mandat national et à un mandat local, 27 % se prononçaient pour l'interdiction complète de tout cumul et seules 14 % des réponses tendaient vers une absence de limitation en ce domaine  (9). Quelques mois plus tard était lancé dans le Nouvel Observateur un manifeste anti-cumul signé par de nombreux intellectuels, écrivains et artistes qui fut relayé parallèlement par la constitution d'une association " pour un mandat unique " à l'initiative de quelques particuliers. Enfin, le parti socialiste s'est engagé lors des dernières élections législatives à mettre fin au cumul des mandats. Le résultat des urnes laisse penser que les Français sont attachés à cet objectif.

Mais quelles sont les raisons qui fondent ce mouvement d'opinion ? On peut affirmer qu'il est, sans aucun doute, porté par une puissante aspiration à la transparence, à l'égalité, à l'ouverture du monde politique à la société civile et à l'instauration d'un lien d'une nature nouvelle entre les élus et les citoyens. Les Français entendent rompre avec une culture politique qui est marquée au sceau de l'archaïsme. Il n'est que temps de faire entrer notre pays dans la modernité politique.

2. Moderniser plus que moraliser

Le cumul des mandats est souvent diabolisé. Il constituerait la source de tous nos maux, au premier rang desquels une corruption généralisée de la classe politique. Cette approche extrême ne nous convainc pas. Elle induit une forme de suspicion sur l'ensemble des élus qui n'est pas juste même si quelques-uns parmi eux ont eu les comportements que chacun sait. Par son caractère ouvertement péjoratif, le recours au terme " cumulard " - auquel nous préférons celui de " cumuleur " - est, à ce titre, fort éloquent.

Pour faire face à ces critiques souvent virulentes qui sont reprises sans vergogne par des formations politiques extrêmes qui ne répugneraient pas au cumul si le suffrage universel le leur permettait - quelques exemples heureusement rares le montrent - il est important d'adresser à l'opinion un message fort et clair. Il faut faire en sorte que les élus inspirent le respect et ne suscitent pas - même malgré eux - une suspicion rarement justifiée. La limitation du cumul est la clé de voûte de cette entreprise.

3. Le principe de transparence : mettre fin aux conflits d'intérêts

Le cumul des mandats nuit à la lisibilité de l'action politique. Un parlementaire qui est aussi élu local aura naturellement tendance à voter la loi en pensant également aux intérêts de la collectivité qu'il représente. A l'échelon local, le cumul de plusieurs mandats ou fonctions fait que les électeurs ne savent plus à qui ils s'adressent. Est-ce au président du conseil général ? au maire ?

La confusion des pouvoirs n'est jamais saine dans une démocratie. Elle véhicule l'image troublée des hommes politiques qui s'arrangent, qui se débrouillent, d'une solidarité des élites contre la population. Il faut, au contraire, éclaircir les responsabilités. La démocratie moderne repose sur l'idée de la délégation dont la nécessaire contrepartie est la responsabilité. Il faut faire en sorte que le peuple puisse, le cas échéant, sanctionner l'élu qui n'assume pas correctement sa charge. Pour ce faire, il doit être à même de l'identifier et d'apprécier distinctement son action.

Il convient de réaffirmer que les parlementaires ont en charge les intérêts de la nation et non une multitude d'intérêts locaux. Cela est impossible tant que le cumul des mandats, et surtout des fonctions, persistera.

4. Le principe de disponibilité : contre le risque de la technocratisation

Le cumul n'offre aux Français que des élus pressés, surmenés, sollicités de toutes parts, accablés par le poids de leurs charges, soumis à la dictature du temps. Or, face à une technicité sans cesse croissante des problèmes, aux raffinements presque effrayants des règles de droit, des procédures, il n'est plus raisonnable de prétendre assumer plusieurs mandats - ou pire encore - plusieurs fonctions exécutives simultanément.

Cela est d'autant plus vrai que les citoyens exigent aujourd'hui sans cesse plus de disponibilité de la part de leurs élus. Ce besoin qui s'exprime avec force s'intègre dans un mouvement plus général caractérisé par une demande sociale croissante de la part d'une population souvent démunie face à la brutalité des ajustements dans les sociétés contemporaines.

Pour faire face, les cumuleurs ont deux solutions : négliger totalement l'un de leurs mandats (il s'agit souvent du mandat de parlementaire) ou s'en remettre à leur administration locale. Au total, c'est alors la technocratie qui l'emporte. Au Parlement, les députés ou les sénateurs présents dans leurs collectivités risquent de délaisser les hémicycles et de ne pouvoir opposer au savoir des techniciens la parole politique. A l'échelon local, les services ou les cabinets se substituent à un élu qui n'est pas assez présent et ne peut, de la sorte, maîtriser toutes les arcanes de la gestion quotidienne d'une commune ou d'un conseil général.

Comme le notait le professeur Hubert Hubrecht lors de son audition par la Commission des lois, la technocratie se trouve au centre et à la périphérie. On peut se demander alors où est l'élu ? Il est important que celui-ci fasse désormais preuve de professionnalisme et se consacre à temps plein à la mission qui lui a été confiée que ce soit au Parlement ou dans les collectivités locales.

5. Le principe d'ouverture : contre une élite politique sclérosée

Le pouvoir attire le pouvoir. Il se concentre entre les mains de quelques-uns. Cette logique est parfaitement contraire à celle de la démocratie qui repose sur la pluralité et une certaine forme de fragmentation. Le cumul des mandats conduit à une représentation de type oligarchique. Or, comme le souligne justement le professeur Yves Mény, une telle représentation " suscite tantôt l'anomie politique, tantôt la violence sociale, tantôt la protestation de type populiste " (10).

Une élite politique trop repliée sur elle-même, essentiellement masculine et âgée peut-elle encore bénéficier de la confiance des citoyens ? Peut-on accepter que se perpétue ce que Yves Mény appelle la " stratégie du baobab ", " cet arbre dont la majesté ne permet à aucune plante de croître dans son ombre " (11).

Pour filer la métaphore organique, il est patent que le corps politique a besoin de sang neuf car, à bien des égards, il souffre de sclérose. Il doit s'ouvrir à des catégories de la population qui, aujourd'hui, ne sont pas suffisamment représentées : les femmes, les jeunes, les salariés du secteur privé...

Nous faisons ainsi nôtre cette formule de l'historien Jacques Julliard : " Pour que la politique devienne quelque chose pour tous, il faut qu'elle cesse d'être tout pour quelques uns " (12).

6. Vers un changement de culture politique

C'est vers un véritable changement de culture politique que nous devons maintenant nous acheminer. Il faut opérer un retournement de perspective que beaucoup appellent de leurs v_ux mais qui se heurte à de nombreuses résistances. Nous devons abandonner une culture oligarchique, pour nous ouvrir aux vertus de la démocratie pluraliste.

L'ambition est de voir apparaître alors un nouveau rapport au politique dont on pourra rapidement mesurer concrètement les effets tant à l'échelon local, dans les collectivités territoriales, que national, au Parlement. Ainsi, on substituera progressivement la notion de " mission " à celle de " carrière " dans l'engagement politique.

B. RENFORCER LA DÉCENTRALISATION

Alors même que la décentralisation n'était qu'un projet, le rapport Vivre ensemble rédigé en 1976 par la commission Guichard soulevait la question des inconvénients du cumul des mandats en cas de modification de l'équilibre des pouvoirs entre l'Etat central et les collectivités locales. Rappelant que le cumul était " un agent de la centralisation ", le rapport pointait une série de problèmes posés par l'existence de ce phénomène : manque de disponibilité des responsables ; risque de transfert du pouvoir aux services techniques ; confiscation de l'exercice des responsabilités au profit d'une minorité d'élus ; blocage de la décentralisation et de la déconcentration par le maintien du rôle des administrations centrales ; confusion accrue dans le domaine des compétences et des responsabilités.

Appelant au débat sur ces questions, la commission n'avait pu avancer de solution et se contentait d'énoncer des propositions, allant de l'incompatibilité totale entre mandats nationaux et mandats locaux à une incompatibilité limitée aux seules fonctions exécutives locales exercées dans les communes de plus de 2000 habitants. La question du statut de l'élu était également posée comme le corollaire inévitable de toute réforme dans ce domaine. Les deux lois de 1985 devaient apporter une amorce de réponse à ces difficultés en amont de l'organisation des premières élections des conseils régionaux. Dans le prolongement des deux rapports Debarge de 1982 et de 1990, la loi du 3 février 1992 relative aux conditions d'exercice des mandats locaux a amélioré substantiellement le statut de l'élu. Cumul des mandats et statut de l'élu apparaissent ainsi comme des éléments indissociables de la réforme impulsée en 1982 par Gaston Deferre.

1. Accroître la disponibilité des élus locaux

Alors que la loi de 1972 sur les régions prévoyait un cumul obligatoire entre le mandat parlementaire et l'appartenance au conseil des régions, les lois de décentralisation intervenues dix ans plus tard ont profondément modifié le paysage institutionnel en confortant le principe de la libre administration des collectivités territoriales et en transférant massivement les compétences et les ressources de l'Etat vers les communes, les départements et les régions. Pourtant cette modification fondamentale de l'équilibre des pouvoirs au sein de la République n'a pas été accompagnée d'une remise en cause de la pratique du cumul des mandats : devenu juridiquement facultatif, il n'en est pas moins resté politiquement obligatoire.

Cette situation soulève la question essentielle de la disponibilité des élus locaux. Alors même que l'exécutif des trois catégories de collectivités locales a été calqué sur le modèle du maire - exécutif unique élu pour la durée de la mandature et irresponsable devant son conseil, seul maître des délégations de pouvoir et seul ordonnateur des dépenses - le cumul des mandats favorise à la fois la personnalisation du pouvoir local et sa délégation aux services administratifs et techniques.

L'importance des compétences et des ressources transférées aux collectivités territoriales ont incontestablement renforcé la technicité de la gestion locale et accru le temps nécessaire à l'accomplissement des fonctions exécutives locales. Si le fait de cumuler mandats et fonctions permet sans aucun doute d'accéder plus aisément aux centres de décision et de promouvoir les intérêts de sa collectivité, il ne favorise en revanche pas le dialogue avec les autres membres de l'exécutif local, et encore moins avec le conseil de la collectivité, le plus souvent réduit au rôle d'instance d'enregistrement. Cette personnalisation très forte du pouvoir local encouragée par le système du cumul va de pair avec la délégation du pouvoir au profit des services administratifs et techniques. En effet, les contraintes d'agenda qui pèsent sur l'élu en situation de cumul lui imposent le plus souvent de se reposer plus qu'il ne faudrait sur ses services, voire sur ceux que l'Etat met à sa disposition.

Le cumul apparaît, dès lors, comme un facteur de renforcement de la technocratie à rebours de l'objectif de la décentralisation, qui visait à remplacer la tutelle de l'Etat par les choix politiques des élus, et la décision administrative par la délibération de conseils élus directement par les citoyens.

2. Développer la démocratie locale

Autre grand objectif de la décentralisation, la participation citoyenne se trouve bridée par le cumul excessif des mandats. La création de nouvelles instances élues et la volonté de rapprocher la décision du citoyen auraient dû contribuer au développement de la démocratie locale par l'entrée de nouvelles catégories de la population en politique. Elle aurait dû par ailleurs, en rapprochant la décision du citoyen, améliorer la participation et l'intérêt pour la chose publique. Force est de constater - le taux de participation aux dernières élections régionales nous le rappelle - que ces objectifs n'ont pas été atteints.

Non seulement le cumul des mandats et des fonctions n'a pas permis qu'un appel d'air se développe et favorise le renouvellement de la classe politique, mais il s'est encore opposé à la réduction de la fracture civique séparant les élus des électeurs. Outre le fait que le système du cumul brouille la lisibilité du rôle de chaque catégorie de collectivité locale, il favorise la notabilisation de l'exercice du pouvoir local. L'élu local en situation de cumul est avant tout perçu comme un médiateur avec les administrations centrales. Il se trouve ainsi en fait à la tête d'un système de pouvoir fondé sur la perpétuation de la centralisation. Ce faisant il contribue à maintenir le fossé qui sépare l'électeur de l'élu en entretenant l'idée qu'il existe une " classe politique ", sociologiquement distincte des autres catégories de la population. La décentralisation n'a ainsi qu'imparfaitement réussi son but de démocratisation de la vie politique locale : l'espace politique local n'a pas de consistance réelle et reste étroitement imbriqué avec le jeu politique national. Dans le même temps, les situations de conflit d'intérêts entre l'exercice des différents mandats et fonctions se sont démultipliées.

3. Clarifier le jeu politique local

Les transferts de compétence et de ressources opérés par les lois de décentralisation ont multiplié les effets pervers occasionnés par le cumul des mandats. Outre le fait que les élus se trouvent pris entre des intérêts contradictoires, le cumul porte atteinte au bon exercice des missions de régulation et de péréquation qui incombent à l'Etat.

Les élus en situation de cumul sont nécessairement confrontés à l'existence de conflits d'intérêts. Ainsi, le président de conseil régional ou de conseil général qui est en même temps maire d'une commune ne traitera-t-il vraisemblablement pas sa commune comme il le ferait pour une autre. De même le député ou le sénateur qui détient par ailleurs une fonction exécutive locale aura tendance à privilégier les intérêts de sa collectivité dans l'exercice des missions qui lui incombent, le contrôle du Gouvernement et la législation.

Pour ces raisons, alors que la décentralisation reposait sur le principe de la suppression de la tutelle de l'Etat sur les collectivités locales et sur l'absence de tutelle d'une collectivité sur une autre, le cumul des mandats contribue au maintien de tutelles officieuses. Le parlementaire doté de responsabilités locales ne jouit pas d'une totale indépendance à l'égard du Gouvernement, du fait même qu'il souhaite défendre les intérêts de sa collectivité, largement dépendants des décisions et des financements de l'Etat. De même les conseillers régionaux ou généraux exerçant des responsabilités municipales mettront spontanément leur influence au service de leur mandat communal. Les contraintes du découpage électoral, qui incitent l'élu à privilégier la représentation de sa circonscription électorale sur celle de la collectivité toute entière, se trouvent ainsi renforcées par le cumul des mandats, qui fait de chaque mandat ou de chaque fonction exercés à un niveau supérieur le prolongement du mandat ou de la fonction exercés à un niveau inférieur.

A cette existence d'une tutelle cachée de l'Etat sur les collectivités locales, et entre les collectivités locales elles-mêmes, se surajoutent les dysfonctionnements des mécanismes de contrôle et de péréquation, qui incarnent les principes constitutionnels du respect de la légalité par les collectivités territoriales et de l'égalité entre les citoyens.

S'agissant du contrôle, il souffre tout d'abord d'un déficit démocratique. Si la Constitution confie au représentant de l'Etat le soin de faire respecter les lois par les collectivités locales, il ne faut pas oublier que le contrôle revient en premier lieu aux conseils élus. A cet égard le cumul des mandats, en renforçant la personnalisation du pouvoir, biaise incontestablement la relation entre l'exécutif, ses adjoints et le conseil. Cette insuffisance se trouve renforcée par la difficulté que le représentant de l'Etat peut avoir à mettre en _uvre le contrôle de légalité dès lors qu'un titulaire de fonctions exécutives locales est dans le même temps parlementaire ou élu local d'importance. L'équilibre voulu dans le système français de décentralisation à partir de la suppression de la tutelle a priori, se trouve ainsi remis en cause par une application inégalitaire et insuffisante du contrôle de légalité a posteriori.

Enfin, les inégalités entre collectivités se trouvent accrues par l'existence du cumul des mandats. A l'inégalité devant la loi, conséquence d'un contrôle de légalité à géométrie variable apprécié selon le poids politique de chaque élu, se superpose l'inégalité des richesses. Ce problème appelle une refonte de la fiscalité locale et des systèmes de péréquation en vigueur. Le cumul constitue dans ce domaine un facteur de blocage majeur : le nombre des élus locaux présents dans les deux assemblées du Parlement empêche un examen serein et rationnel de ces questions, qui constituent pourtant des enjeux essentiels pour la réussite de la décentralisation.

4. Revoir le statut de l'élu

Si la décentralisation appelle une limitation forte des possibilités de cumul des mandats et des fonctions, se pose, dès lors, la question de l'amélioration du statut de l'élu. Le cumul constitue en effet une solution aux problèmes rencontrés principalement par les maires, confrontés à la faiblesse de leur indemnité et à l'inexistence de couverture sociale ou de retraite. Il permet par ailleurs aux autres catégories d'élus de se constituer un filet de sécurité en cas de défaite électorale.

Le principe de gratuité des mandats et fonctions électives posé par le code général des collectivités territoriales se trouve aujourd'hui en contradiction avec la nécessaire disponibilité des élus, ainsi qu'avec la nécessité de résoudre les conflits d'intérêts. Si la limitation du cumul vise à résoudre ces deux problèmes, encore faut-il que l'élu local puisse consacrer le temps suffisant à l'exercice de ses responsabilités publiques et qu'il ne soit pas contraint de cumuler sa fonction élective avec une activité professionnelle à temps plein. Il faut donc accompagner la limitation du cumul par la revalorisation des indemnités versées aux maires.

Dans le même temps, le cumul permet parfois aux élus ne disposant pas de la garantie de l'emploi d'éviter les situations de chômage en cas de perte de l'un des mandats détenus. Les garanties de retour à l'emploi et l'indemnisation de l'élu non renouvelé devraient pour ces raisons être reconsidérés en vue de renforcer les droits sociaux - formation, chômage, maladie, retraite - d'ores et déjà reconnus par le code du travail et la loi du 3 février 1992 relative aux conditions d'exercice des mandats locaux.

Une réflexion doit donc s'engager parallèlement à l'examen des projets de loi limitant le cumul des mandats en vue de combler les lacunes du statut de l'élu. Il est en effet indispensable d'apporter des solutions concrètes au problème de l'insécurité juridique entourant les conditions d'exercice des mandats électoraux et des fonctions électives. Il serait pour ces raisons souhaitable que l'existence d'une véritable fonction publique élective soit mise en place, afin que les droits reconnus aux élus soit enfin à la mesure de leurs devoirs.

C. - REVALORISER LE PARLEMENT

Après quarante années de Vème République, les réflexions et proposition relatives à la revalorisation du Parlement se multiplient. Trois révisions constitutionnelles récentes ont contribué au renforcement des prérogatives du Parlement : l'examen des projets d'acte communautaire permet aux deux assemblées de peser sur la production normative européenne, la session unique a modifié en profondeur les conditions du travail parlementaire, l'initiative parlementaire a été renforcée, des compétences nouvelles ont été reconnues aux assemblées, notamment en matière de financement de la sécurité sociale.

Pourtant, le constat dressé par le comité consultatif pour la révision de la Constitution présidé par le doyen Georges Vedel est aujourd'hui toujours valable : la nécessité de rendre le Parlement plus actif en améliorant la procédure législative et les pouvoirs de contrôle qu'il exerce, passe par le renforcement des incompatibilités applicables aux parlementaires. Si la faiblesse des pouvoirs du Parlement explique en grande partie la nécessité que ressentent les parlementaires d'exercer en parallèle un mandat local, le manque de disponibilité des parlementaires et la surreprésentation des élus locaux au Parlement nuisent en retour au bon fonctionnement des deux assemblées.

1. Une fonction parlementaire rénovée

L'une des objections majeures des opposants à la limitation du cumul des mandats et des fonctions électives repose sur la crainte de couper les parlementaires du terrain. Ce point de vue ignore superbement les contraintes d'agenda qu'impose le cumul entre le mandat de parlementaire et l'exercice de responsabilités locales. Comment prétendre que le cumul favorise le sens des réalités et la proximité avec les citoyens quand, dans la même semaine, le même élu doit présider son conseil municipal, signer les actes de la structure intercommunale qu'il préside, participer aux travaux du conseil régional, tenir sa permanence parlementaire, monter à Paris pour assister aux séances, aux réunions de groupe et de commissions ? Le cumul pose en fait autant de problèmes de gestion du temps au parlementaire qu'à l'élu local.

Pour les parlementaires, le cumul explique en grande partie les difficultés occasionnées par la mise en place de la session unique. Alors que celle-ci devait permettre au Parlement d'inscrire son travail dans la continuité, de mettre un terme à l'absentéisme et au travail de nuit, les contraintes du travail sur trois jours imposées par le cumul n'ont pas permis d'atteindre cet objectif. Alors que la plupart des Parlements étrangers alternent semaines complètes consacrées au travail parlementaire et semaines entièrement vouées à la présence en circonscription, les assemblées françaises connaissent désormais chaque semaine durant neuf mois l'alternance entre une session de trois jours et une intersession de quatre jours, celle-ci étant en grande partie occupée par les allers-retours avec la capitale. A cet égard, le cumul favorise les élus parisiens qui rencontrent évidemment moins de difficultés pour concilier obligations locales et nationales que leurs collègues de province et d'outre-mer !

Pour l'élu local qui exerce dans le même temps un mandat national, les contraintes sont également nombreuses. Les réunions intéressant le mandat local doivent se tenir impérativement en dehors des jours de séance parlementaires, soit les lundi et vendredi. Alors même que la décentralisation a démultiplié la nécessité de concertation entre les différents échelons territoriaux, l'Etat et même les instances communautaires, le parlementaire ne peut participer à l'ensemble de ces réunions sans avoir à choisir entre l'exercice de son mandat national ou la délégation de ses pouvoirs à un autre élu ou à des fonctionnaires. La décision récente de consacrer les séances du vendredi à l'examen des propositions de loi inscrites à l'ordre du jour par les groupes parlementaires a accru ce dilemme : l'amélioration de l'initiative parlementaire se trouve ainsi placée en contradiction avec les contraintes de la gestion locale.

La limitation du cumul constitue donc un préalable à l'amélioration de l'organisation du travail parlementaire. Elle doit également permettre aux députés et sénateurs d'être davantage présents sur le terrain au contact direct de leurs électeurs. Enfin et surtout, elle doit répondre à une exigence des citoyens, l'amélioration de la participation des parlementaires aux travaux de leur assemblée et le plein exercice de leur pouvoir, notamment en terme de contrôle. L'affaiblissement réel du Parlement dans la Constitution de 1958 n'explique en effet pas à lui seul la timidité du contrôle parlementaire. Alors que les instruments existent - pouvoirs d'enquête sur pièce et sur place des rapporteurs spéciaux du budget, pouvoirs d'investigation des commissions d'enquête et des commissions permanentes, création de missions d'information, offices parlementaires - la fonction de contrôle du Parlement souffre à la fois du manque de disponibilité des parlementaires, et de leur intérêt de ne pas heurter un Gouvernement qui dispose toujours d'importants pouvoirs et d'importants moyens vis à vis des collectivités locales.

2. Intérêt local et intérêt général

Le cumul des mandats pose également pour les parlementaires un réel problème de conflit d'intérêts. Elus dans le cadre d'une circonscription, ils n'en représentent pas moins la nation toute entière. Ce principe vaut également pour les sénateurs. Si la Constitution leur confie la représentation des collectivités territoriales de la République, celle-ci se trouve satisfaite par le mode d'élection au suffrage universel indirect et par la composition des collèges électoraux. Elle ne justifie en rien un statut différencié entre députés et sénateurs en matière d'incompatibilités électorales. Si un tel statut devait être adopté, il conviendrait dès lors d'en tirer les conséquences sur la composition de la deuxième assemblée en instituant des cas de cumul obligatoires, certains élus locaux devenant membres de droit du Sénat, voire en organisant la représentation des structures intercommunales.

De telles réformes, fondées sur la distinction nette entre la représentation du peuple et la représentation des territoires, doivent toutefois nécessairement conduire à une réforme des pouvoirs du Sénat en matière de révision constitutionnelle et dans la procédure législative. Faute d'une telle réforme, aucun argument ne justifie la perpétuation du cumul dans l'une des deux chambres.

Celui-ci tend en effet à surreprésenter les intérêts locaux au Parlement. Si l'activité de contrôle du Gouvernement passe par une réelle indépendance à son égard, l'activité de législation implique une vision dégagée des contingences et des intérêts particuliers. Or, le nombre des parlementaires des deux assemblées en situation de cumul biaise incontestablement la manière dont sont abordées les questions relatives à la fiscalité locale, aux dotations de l'Etat, à la péréquation, au nombre d'échelons locaux, au fonctionnement des collectivités locales ou au droit électoral. L'intérêt général n'étant pas réductible à la somme des intérêts locaux, la limitation du cumul des mandats et fonctions doit donc s'appliquer dans les mêmes termes aux deux assemblées en vue de revaloriser réellement le Parlement.

Si certains avancent qu'il serait préférable de conforter les pouvoirs du Parlement avant de limiter les cumuls, il convient d'adopter la position inverse. En permettant l'ouverture des assemblées à de nouvelles catégories de population, en restreignant le poids des intérêts locaux, en confortant les pouvoirs existants, la limitation des cumuls constitue un préalable à la rénovation du Parlement. Celle-ci passe en effet par l'amélioration de la représentativité et de la disponibilité des élus. Ces deux objectifs sont au c_ur des projets de loi qui vous sont soumis.

III. - LES RÉPONSES APPORTÉES PAR LES DEUX PROJETS DE LOI

A. LA LOI ORGANIQUE : LES INCOMPATIBILITÉS APPLICABLES AUX PARLEMENTAIRES

Conformément à l'article 25 de la Constitution, c'est par une loi organique que le Gouvernement entend fixer le nouveau régime des incompatibilités applicables aux parlementaires. Si le projet de loi organique, qui pour l'essentiel s'insère dans le code électoral, ne vise explicitement que les députés, son contenu ne s'en applique pas moins aux sénateurs en vertu de l'article L.O. 297 du code électoral qui soumet ces derniers aux mêmes incompatibilités que celles applicables aux membres de l'Assemblée nationale.

1. Les incompatibilités : membre du Parlement européen, fonctions électives, mandats locaux

En premier lieu, ce projet pose le principe de l'incompatibilité des mandats de député, et donc de sénateur, et de membre du Parlement européen (article premier).

Dans un second temps, le projet de loi organique interdit le cumul du mandat parlementaire avec une fonction élective locale : président d'un conseil régional, président du conseil exécutif de Corse, président d'un conseil général, maire (article 2).

Enfin, le mandat de député est également rendu incompatible avec l'exercice de plus d'un des mandats électoraux suivants : conseiller régional, conseiller à l'Assemblée de Corse, conseiller général, conseiller de Paris, conseiller municipal (article 2).

2. Le règlement des situations d'incompatibilité

Le respect des prescriptions de la loi organique sera assuré dans les conditions prévues par les articles 3 et 4 du projet. Celles-ci sont pour l'essentiel identiques aux dispositions applicables actuellement. Néanmoins, il est prévu qu'en cas de défaut d'option par l'élu en situation d'incompatibilité, c'est le mandat acquis à la date la plus ancienne qui cessera de plein droit.

3. L'application à l'outre-mer

Le dispositif est applicable aux territoires d'outre-mer et aux collectivités territoriales à statut particulier (Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon) comme le prévoit l'article 5 du projet de loi organique. A cet égard, certains mandats et fonctions propres à ces territoires et collectivités, seront assimilés à des fonctions ou des mandats métropolitains (articles 6 à 8).

L'article 9 abroge les dispositions de la loi organique du 30 décembre 1985 devenues obsolètes.

4. Les mesures transitoires

Enfin, l'article 10 fixe les mesures transitoires pour les parlementaires qui, au moment de la promulgation de la loi organique, se trouveraient de son fait en situation de cumul interdit. Selon cet article, les députés et sénateurs concernés auront la possibilité de continuer leurs mandats en cours. Toutefois, ils devront faire cesser l'incompatibilité aux termes du premier de ces mandats qui prendra fin.

Au total, le projet de loi organique répond de manière équilibrée aux attentes de nos concitoyens. En effet, il fixe un certain nombre de règles claires et rigoureuses. C'est en particulier le cas lorsqu'il prohibe le cumul du mandat parlementaire avec des fonctions électives locales et quand il exclut toute logique de seuil. Pourtant, il ne consacre pas une séparation complète entre les échelons national et local. En effet, un parlementaire pourra demeurer conseiller municipal, conseiller général ou régional.

B. LA LOI ORDINAIRE : LES INCOMPATIBILITÉS APPLICABLES AUX MEMBRES DU PARLEMENT EUROPÉEN ET AUX ÉLUS LOCAUX

Comme en 1985, un projet de loi ordinaire vient compléter le dispositif de la loi organique. Celui-ci définit les incompatibilités applicables à l'ensemble des élus qui ne sont pas dans le même temps parlementaires. Le principe choisi est simple : le cumul des mandats électoraux est limité à deux, celui des fonctions exécutives - maire, président de conseil général, président de conseil régional - est prohibé. A la différence de la loi de 1985, ces limitations ne prennent pas en compte de seuils de population. Par coordination avec le régime prévu pour les députés et sénateurs, les membres du Parlement européen ne peuvent, par ailleurs, exercer de fonctions exécutives. Enfin, dans tous les cas prévus par le projet de loi ordinaire, les élus en situation d'incompatibilité doivent nécessairement se démettre de leur mandat le plus ancien, et non plus du mandat de leur choix.

Compte tenu de la diversité des mandats et fonctions visés par le projet de loi, celui-ci modifie certaines dispositions du code électoral, du code général des collectivités territoriales et de la loi du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen.

1. Modifications du code électoral

L'article 1er du projet de loi modifie l'article L. 46-1 introduit dans le code électoral par la loi n° 85-1406 du 30 décembre 1985. Il limite à deux le nombre des mandats pouvant être cumulés parmi les mandats suivants : conseiller régional, conseiller à l'Assemblée de Corse, conseiller général, conseiller de Paris et conseiller municipal. Il définit par ailleurs les conditions dans lesquelles les élus doivent mettre un terme à la situation d'incompatibilité.

L'article 2 rappelle les dispositions nouvelles introduites dans le code général des collectivités territoriales, qui définit les incompatibilités applicables pour chaque fonction élective.

2. Modifications du code général des collectivités territoriales

Les articles 3, 4, 5 et 6 définissent respectivement pour les maires, les présidents de conseil général, les présidents de conseil régional et le président du conseil exécutif de Corse, le régime des incompatibilités. Ces fonctions deviendraient incompatibles entre elles et ne pourraient être cumulées avec la qualité de membre du Parlement européen. En cas d'incompatibilité les fonctions visées par les nouvelles dispositions prennent fin de plein droit.

L'article 3 exclut expressément du champ d'application de la loi les fonctions de président et de membre des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale.

3. Modifications de la loi du 7 juillet 1977

Le projet de loi vise à compléter les dispositions de la loi relative à l'élection des représentants au Parlement européen. Les incompatibilités avec les fonctions non électives sont précisées à l'article 7 du projet de loi (article 6 de la loi du 7 juillet 1977), l'article 8 (articles 6-1 à 6-4 de la loi du 7 juillet 1977) portant pour sa part sur les incompatibilités avec les mandats et les fonctions électives.

Par coordination avec le projet de loi organique, l'élection d'un représentant au Parlement européen à l'Assemblée nationale ou au Sénat entraîne cessation de son mandat de représentant (article 6-1). Les incompatibilités avec les fonctions exécutives locales - maire, président de conseil général, président de conseil régional - sont mentionnées à l'article 6-2, celles concernant les mandats électoraux exercés dans les collectivités territoriales à l'article 6-3.

Dans tous les cas, le membre du parlement européen placé en situation d'incompatibilité doit renoncer à l'un des mandats détenus antérieurement. En cas de contentieux électoral, les incompatibilités ne prennent effet qu'à l'issue des procédures juridictionnelles (article 6-4).

Enfin, le régime des incompatibilités ainsi défini s'applique également au suivant de liste du parlementaire européen qui viendrait à le remplacer (article 9).

4. Dispositions applicables à l'outre-mer

L'article 10 du projet de loi pose le principe de l'application des incompatibilités électorales nouvellement définies aux territoires d'outre-mer et à Mayotte. Des adaptations à certains mandats et fonctions de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte sont mises en _uvre par les articles 11 à 13. Les dispositions de la loi du 30 décembre 1985 devenues inutiles du fait de ces modifications sont abrogées par l'article 14.

5. Entrée en vigueur

L'article 15, identique à l'article 10 du projet de loi organique, prévoit une entrée en vigueur progressive et individualisée : les élus devront se conformer à la loi dès lors que cessent l'un des mandats ou fonctions qu'ils exercent.

AUDITIONS

Audition de MM. Jean-Michel Blanquer,
Guy Carcassonne, Jean Gicquel et Hubert Hubrecht,
professeurs de droit

Mme la Présidente : Nous commençons nos travaux sur la limitation du cumul des mandats avec l'audition de quatre éminents professeurs de droit, MM. Jean Gicquel, Guy Carcassonne, Hubert Hubrecht et Jean-Michel Blanquer. J'ai le regret de ne pouvoir accueillir ce matin le doyen Vedel qui est souffrant.

La limitation du cumul des mandats est au c_ur du projet de modernisation de la vie politique voulu tant par le Président de la République que par le Premier ministre. Par modernisation, je crois qu'il faut entendre une meilleure organisation, une évolution de nos institutions qui rende la démocratie plus effective.

Ce sujet, n'en doutons pas, suscitera des passions et des prises de position très diverses. Sans éliminer du débat la passion, qui peut être, à sa manière, porteuse d'imagination et d'inventivité, je souhaite que nos travaux nous permettent de réunir un ensemble d'informations aussi complet que possible, que nous pourrons mettre à la disposition de tous les parlementaires. Le législateur ne peut pas, en effet, agir uniquement en fonction de convictions et de sentiments. Il doit s'appuyer sur une analyse aussi objective que possible de l'état de notre droit.

Après que chacun de nos invités ait exposé son approche personnelle globale du sujet, je donnerai la parole à M. Bernard Roman, que la commission des Lois a désigné comme rapporteur des projets de loi relatifs à la limitation du cumul des mandats et des fonctions électives, puis aux membres de la Commission qui souhaiteront interroger nos invités. Je crois que nos réflexions et nos questions pourraient s'organiser autour de deux axes :

-  en premier lieu, l'incidence du cumul des mandats sur la vie parlementaire et l'activité du Parlement ; sa limitation serait-elle propice à l'amélioration et à la modernisation du travail parlementaire ?

-  en second lieu, le poids du cumul des mandats sur la démocratie locale dans le contexte de la décentralisation qui s'est considérablement développée depuis 1982.

M. Jean Gicquel : Au même titre que le problème de la modification de la durée du mandat présidentiel, la question du cumul des mandats est devenue, au fil des ans, une sorte de " serpent de mer " de notre vie politique. C'est un sujet sur lequel les arguments les plus objectifs ont été développés.

Une limitation du cumul des mandats me paraît aujourd'hui nécessaire. Mais elle ne saurait se traduire par une césure complète entre le plan national et le plan local. Comme la décentralisation n'est jamais que la traduction de la démocratie au plan local, elle doit être présente au Parlement par l'intermédiaire des députés et des sénateurs. En outre, le cumul apparaît comme le meilleur moyen de lutter contre la technocratie. Un élu, fort de son expérience au plan local, peut résister à l'argument d'autorité des technocrates et développer une autre approche des problèmes. C'est pourquoi je pense qu'il ne faut pas aller jusqu'à une interdiction totale du cumul des mandats.

La révision constitutionnelle du 4 août 1995, avec l'introduction de la session unique, me semble faciliter l'exercice du cumul des mandats. Elle permet aux parlementaires de gérer d'une façon plus rationnelle leur emploi du temps. Il me semble d'ailleurs que certains parlementaires parviennent parfaitement à assurer leurs responsabilités tant locales que législatives. On dit souvent que l'art politique est comme l'art militaire, fait d'exécution, et je me souviens des propos d'un responsable militaire : " un chef, un but, des moyens et fichez-moi la paix ! ". Dès lors qu'un élu local est entouré d'une équipe qui a sa confiance et à qui il sait déléguer, il peut parfaitement organiser son travail au cours de la semaine et exercer ses responsabilités nationales.

En outre, on ne peut pas empêcher un parlementaire de maintenir une base arrière dans l'hypothèse où le suffrage universel se détournerait de lui. Il me paraît donc normal qu'il conserve ses racines locales. Ensuite, tout me paraît être une question de juste mesure. Le cumul n'est pas condamnable en lui-même : il faut simplement l'aménager dans des conditions raisonnables.

M. Guy Carcassonne : Je ne partage pas exactement le point de vue développé par Jean Gicquel, car je suis farouchement, radicalement, totalement hostile à tout cumul de mandats pour les députés. S'agissant des sénateurs, la question mérite discussion. La véritable singularité française réside dans le cumul pratiqué par les députés, source de bien des maux, alors que pour les sénateurs, cette pratique se retrouve dans de nombreux pays étrangers.

On ne cesse d'agiter le thème - à mes yeux de manière excessive - d'une dévalorisation du Parlement. Or j'ai l'absolue conviction que le Parlement ne manque pas de pouvoirs, mais de parlementaires pour les exercer. En vérité, le Parlement français, et singulièrement l'Assemblée nationale, dispose d'un très grand nombre de moyens pour exercer ses missions de manière parfaitement satisfaisante. Seulement, trop peu d'élus se saisissent de ces moyens pour en faire l'usage qu'il conviendrait. La véritable question n'est pas l'empilement ou l'accroissement des compétences et des prérogatives, mais bien la capacité à les exercer.

Pour faire écho aux propos de Jean Gicquel, je crois qu'il ne manque à nos parlementaires ni légitimité, ni compétence, mais bien plutôt disponibilité et force du nombre. Nous avons tous vécu ces situations à l'occasion desquelles, lors d'un débat législatif, un quelconque technocrate
- haut-fonctionnaire ou membre d'un cabinet ministériel - impose, par l'argument d'autorité, sa volonté, même absurde, aux quelques députés présents. Ceux-ci, hésitants, ne voulant pas gêner le Gouvernement, n'étant pas tout à fait sûrs de la justesse de leurs positions, finissent souvent par s'incliner. Il arrive également que les parlementaires, précisément parce qu'ils sont aussi élus locaux, se préoccupent plus des intérêts de leur collectivité que de l'intérêt général. Les technocrates ont ainsi la conviction, qui n'est malheureusement pas toujours infondée, de représenter l'ultime rempart de l'intérêt national, alors même qu'il appartient à l'Assemblée nationale d'assumer, en principe, ce rôle.

Or, ce qu'il y a de diabolique dans notre système, c'est que le cumul, aussi longtemps qu'il n'est pas juridiquement interdit, est politiquement obligatoire. Tous les députés ont des besoins parfaitement légitimes - tant sur le plan des moyens leur permettant d'exercer leur mission, que sur le plan de la concurrence interne au sein de leur propre camp - qui les poussent fatalement à occuper le plus de terrain possible et à cumuler un maximum de mandats. La réforme de 1985 a limité leurs ambitions à deux mandats. Auparavant, il n'existait aucune limite. Tous les mandats qui passaient à portée de main étaient occupés, non par une espèce de boulimie des élus, de volonté frénétique d'empiler les titres et les fonctions, mais à cause d'exigences et de nécessités que nous connaissons bien.

Ainsi, jamais le cumul ne prendra naturellement fin. Il restera politiquement obligatoire aussi longtemps qu'il ne sera pas juridiquement interdit : c'est la raison pour laquelle j'appelle de mes v_ux les plus chers son interdiction formelle.

M. Jean-Michel Blanquer : Les positions assez radicales que j'ai récemment exposées dans un numéro de la Revue du droit public se rapprochent finalement de celles qui viennent d'être exprimées par M. Guy Carcassonne.

Une réforme du cumul des mandats doit reposer sur quelques principes simples.

Le premier de ces principes est celui de l'égalité. L'article premier d'une éventuelle réforme constitutionnelle ou d'une nouvelle loi organique pourrait reposer sur ce principe simple : " un homme, un mandat ". Je crois qu'il est important que cette idée soit clairement affichée, car les citoyens ne comprennent pas l'enchevêtrement des mandats. Tout le reste ne devrait être qu'exception à cette règle. Le principe d'égalité commande une concurrence loyale lors des élections : c'est un des fondements de la démocratie. Or, toutes les études montrent que celui qui détient déjà un mandat est favorisé vis-à-vis d'un candidat qui n'en détient aucun. Cette situation n'est pas acceptable du point de vue des principes. Elle n'est d'ailleurs pas acceptée dans d'autres démocraties.

Le deuxième principe est celui de disponibilité. Pour pouvoir exercer pleinement sa mission, pour affronter les techniciens et les technocrates, le législateur doit disposer de temps. Selon moi, l'objectif d'une réforme du cumul doit être la valorisation du rôle du législateur. Cela n'interdit en rien le maintien du contact avec le terrain. Les exemples étrangers nous le montrent.

Le troisième principe, sur lequel doit reposer la réforme est celui de l'ouverture. La fin du cumul des mandats, c'est la fin d'une forme de monopole. Il y a environ 200.000 mandats électifs en France, sans compter les mandats de conseillers municipaux. Il me semble bon que des personnes qui ne sont pas des professionnels de la politique puissent accéder à ces mandats et en particulier aux fonctions exécutives locales. Ce serait un signe important d'ouverture du monde politique à la société civile.

Le quatrième principe, auquel il convient de se référer, est celui de la transparence. Rien ne serait pire qu'une demi-réforme, qu'une réforme hypocrite. Si l'on exclut de son champ les structures intercommunales, ainsi que les fonctions d'adjoints, on s'apercevra rapidement que la loi peut être contournée. Des responsabilités locales seront exercées par des personnes qui, aux termes de la loi et dans son esprit, ne seraient pas, en principe, autorisées à les exercer officiellement. Ce type de contournement serait pire que la situation actuelle. Le principe de transparence commande également une approche par les revenus. Les élus ne devraient pas pouvoir cumuler trop de revenus publics. Certes, un plafond a été mis en place pour les indemnités versées aux élus. Mais il n'interdit pas de percevoir d'autres revenus publics. Je parle de revenus et non d'indemnités ou même de salaires. Il me paraît possible d'exercer un contrôle par ce biais. Ce serait un moyen d'éviter un cumul non seulement des mandats, mais également des actions rémunérées.

Le principe de transparence devrait aussi permettre de systématiser l'abandon du mandat le plus ancien. Lors des récentes élections, certains élus ont abandonné le mandat pour lequel ils venaient juste d'être élus. Le principe du non-cumul devrait permettre d'éviter ce genre de situation. S'il reste possible, à travers le nouveau dispositif, de cumuler deux mandats, il me semble indispensable, dans l'hypothèse où une personne se présente à une troisième élection, que le premier des mandats soit systématiquement abandonné. Le respect d'une telle pratique serait en effet plus conforme aux principes démocratiques.

Pour conclure, il faut insister sur le fait que c'est l'image de la France qui est en jeu. Quand on participe, à l'étranger, à des conférences consacrées à la situation politique française, on observe que celle-ci suscite bien souvent des sourires ironiques. C'est toujours pour moi un sujet sinon de honte, du moins de tristesse. C'est pourquoi je pense que l'on s'honorerait grandement à changer les choses.

M. Hubert Hubrecht : Deux thèmes fondamentaux vont dans le sens d'une limitation drastique du cumul des mandats.

Le premier est celui de la décentralisation, du rapport entre pouvoir local et pouvoir central. Le cumul des mandats a eu, à une époque donnée, une fonctionnalité dans un système extrêmement centralisé. Or, aujourd'hui, il ne joue plus le même rôle dans un système local en état de dysfonctionnement et qui est un lieu de contradictions d'intérêts. En effet, il n'est pas sain que souvent la décision nationale des députés ne soit que le résultat d'un confluent d'intérêts locaux. Cette situation n'est pas non plus acceptable au plan local. La parole de l'Etat, sur certains sujets, doit être celle de l'Etat et non celle de soixante-dix ou de quatre-vingts intérêts locaux.

Le second thème qui doit être évoqué est celui de la technocratie. L'absentéisme des députés, auquel le cumul des mandats contribue, aboutit sans doute à affaiblir la représentation nationale face aux techniciens. A l'échelon local, que ce soit dans une mairie ou dans une grosse structure, les choix quotidiens sont trop souvent laissés à l'appréciation des équipes technocratiques. Le technocrate se retrouve donc à la fois au centre et à la périphérie. Au final, on peut se demander où est l'élu. Il me paraît donc nécessaire de rééquilibrer la place du politique par rapport à celle de la technocratie, afin que les intérêts locaux soient réellement des intérêts locaux, et que la parole de la nation soit effectivement la parole de la nation.

Dès lors, la question se pose : comment limiter le cumul des mandats et faut-il le limiter de façon drastique ? Pour ma part, il me semble nécessaire de lutter contre les conflits et les cumuls d'intérêts. La perspective envisagée, selon laquelle on ne pourra pas être à la fois un dirigeant local et un élu national me semble bonne. Mais peut être ne faut-il pas y inclure le mandat de conseiller municipal.

S'agissant du problème des adjoints et des délégations, il faut faire en sorte que le dispositif ne puisse pas être contourné. Or, on observe aujourd'hui ce type de contournement. Pour ce qui concerne les intercommunalités, il me semble qu'il faut au moins étendre l'interdiction du cumul aux structures intercommunales à fiscalité propre. Si on entend empêcher les conflits d'intérêts, le président d'une intercommunalité à fiscalité propre, qui fixe des politiques publiques, ne doit pas être un élu national.

Le problème de l'argent a déjà été évoqué. Une réforme du cumul des mandats doit être également l'occasion d'un débat avec les citoyens sur un thème précis : la démocratie a un prix. Si l'élu local devient presque un professionnel, si on lui interdit de ce fait le cumul, alors, je crois que la question du statut et du salaire de l'élu se posera inévitablement. Ce problème se posera, ne serait-ce que pour faciliter l'accès à la vie démocratique à des personnes issues de professions du secteur privé qui, dans l'état actuel des choses, sont handicapées par rapport aux fonctionnaires. Il faut cependant être conscient que cette question débouchera sur celle du niveau de salaire de l'élu, ainsi que sur celle du maintien en France de 36 700 communes. A partir d'un problème circonscrit, on risque bien d'aboutir à une réflexion sur une seconde étape de la décentralisation.

Mme la Présidente : Après avoir entendu les contributions des quatre intervenants, je crois qu'il serait utile de compléter notre réflexion par une analyse de la singularité française, thème qui n'a pas encore été développé jusqu'à maintenant. Je pense qu'il faudrait observer le fonctionnement des autres démocraties, et essayer de comprendre pourquoi notre histoire a conduit à cette singularité. Certes, de mauvaises raisons peuvent avoir été à l'origine de cette situation, mais de bonnes raisons peuvent aussi avoir conduit à ce particularisme. Il faudra en tenir compte dans les réformes à venir.

Dans un second temps, il sera également important de s'attarder sur le " principe de transparence " évoqué par M. Jean-Michel Blanquer. C'est un thème fondamental pour la démocratie, pour la relation du politique à la cité et au citoyen.

Troisièmement, nous ne devons pas perdre de vue que la modernisation de la vie politique, et en particulier la limitation du cumul des mandats, doivent permettre l'accès à la vie publique d'autres catégories de personnes. C'est ainsi que le problème de l'entrée des femmes en politique me paraît étroitement lié à la limitation du cumul.

Je crois aussi que la question du prix de la démocratie, qui vient d'être soulevée par M. Hubert Hubrecht, est tout à fait fondamentale. En effet, la limitation du cumul ne doit pas être abordée et vécue d'un point de vue purement moraliste. Elle doit avoir une réelle efficacité, qui ne peut être atteinte que si l'on prend en compte la réalité des contraintes qui pèsent sur les élus et les difficultés concrètes rencontrées par eux dans l'exercice d'un mandat.

Enfin, une cinquième idée m'a paru fort intéressante dans vos contributions : celle de la résistance au poids des technocrates dans notre système de responsabilité et de décision.

M. Bernard Roman, rapporteur : Puisque l'occasion m'est donnée pour la première fois de m'exprimer depuis que la commission m'a demandé d'être le rapporteur de ces textes, je voudrais dire que je souhaite, comme vous, Mme la Présidente, que nous puissions engager cette discussion sur la limitation du cumul des mandats et sur la modernisation de la vie politique de la manière la plus dépassionnée possible. Car nous le faisons dans un contexte de crise du politique dans notre pays, et notre rôle d'élus implique un devoir de diagnostic et de proposition. Nous pouvons avoir des approches différentes, mais il est essentiel de pouvoir échanger nos points de vue dans les meilleures conditions pour tenter d'avancer le plus possible sur ce dossier. Et je souhaite que ce possible aille très loin.

Pour que les choses soient claires, je voudrais préciser qu'il ne s'agit pas de légiférer contre les " cumulards " mais bien contre le cumul. Les cumulards - le mot n'est pas joli - ne sont finalement que le produit d'une culture qui est celle de notre pays et qui constitue l'exception française dont parlait Mme la Présidente. Nous sommes nombreux à faire le constat - certains depuis dix ou quinze ans, d'autres depuis moins longtemps - qu'une réelle avancée dans la limitation du cumul des mandats est nécessaire.

La limitation du cumul peut être une clé essentielle de la modernisation des institutions françaises. Les contributions des intervenants ont montré que la question débouchait sur une multitude d'autres problèmes. S'attaquer à ce dossier pourrait conduire dans notre pays à une forme de révolution culturelle. L'impossibilité pour un élu de cumuler une fonction parlementaire avec une fonction exécutive locale, ou de cumuler plus d'une fonction exécutive locale, apporterait de nombreuses modifications à notre façon de vivre les institutions françaises, au plan national comme à l'échelon local.

Avant les débats qui auront lieu au sein de la commission des Lois et en séance publique, d'ici quelques semaines, il nous appartient aujourd'hui de fixer un certain nombre d'objectifs et d'explorer quelques pistes.

Premièrement, quelles seront les conséquences de la limitation du cumul des mandats sur l'organisation des pouvoirs publics ? Il est clair, par exemple, que les rapports entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif seront affectés par cette réforme. M. Carcassonne a évoqué la question de la disponibilité des députés. A ce sujet, je me demande parfois comment pourrait fonctionner une Assemblée nationale dans laquelle cinq cent soixante dix-sept députés seraient présents à temps plein ! Mais il est vrai que la question de la disponibilité est déterminante quand il s'agit de mener à bien les deux missions de l'institution parlementaire que sont le travail législatif et le contrôle de l'exécutif.

Deuxièmement, comment revaloriser le pouvoir législatif ?

Troisièmement, quelles seront, pour le Sénat, les conséquences des textes présentés aujourd'hui au conseil des ministres ? Il a été dit tout à l'heure que l'interdiction du cumul était nécessaire, au moins pour les députés. Il conviendrait de préciser ce point. Pourquoi cette prohibition toucherait-elle les seuls députés, et non pas l'ensemble des membres du Parlement ?

Enfin, je crois qu'on ne peut pas évoquer le problème du cumul sans parler des modes de scrutin et de la durée des mandats. Car l'ensemble de l'organisation de la vie institutionnelle est lié à la conception que nous avons de l'exercice du mandat, de sa durée et de la manière dont il est issu du suffrage populaire. C'est particulièrement vrai dans le domaine de la décentralisation, où tout se résume à ce que disait Michel Debré en 1955 : " le cumul des mandats est un des procédés de la centralisation française. " Nous ne pouvons que constater que, depuis 1955, et même depuis 1985, date de la première limitation du cumul des mandats, bien des choses ont changé. Je crois que la limitation du cumul est indissociablement liée à la décentralisation, autant qu'à la modernisation des institutions.

M. Louis Mermaz : Je commencerai par évoquer un souvenir personnel.

Il y a une quinzaine d'années, j'ai passé une matinée avec Willy Brandt au Bundestag. Il est sorti douze fois de son bureau, avec forces excuses, parce qu'il devait aller voter. Au Bundestag, en effet, on ne vote pas par délégation. Comment aurait-il fait s'il avait été maire de Hambourg ? Voilà, par rapport à l'Allemagne, un exemple de l'exception française.

J'ai trouvé l'intervention de M. Gicquel très équilibrée, très politique, au sens noble du terme. Par contre, je ne comprends pas comment M. Carcassonne peut parler de réglementer strictement le cumul pour les députés et pas pour les sénateurs. Je pense également qu'il faut se préoccuper de la modification du mode d'élection des sénateurs.

Et j'interrogerais volontiers nos intervenants sur la question du découpage des circonscriptions. On dit que la gauche est heureuse d'avoir conquis onze conseils généraux. Mais avec un tel découpage, elle ne pouvait en obtenir plus de onze !

Pour ce qui est du fonctionnement du Parlement, on a souvent l'impression que l'Assemblée nationale est une sorte de hall de gare : on commence un débat dans une certaine configuration, et à la fin ce ne sont plus les mêmes qui sont là pour prendre la décision ! Cependant, en vingt ans d'expérience, j'ai pu observer que les parlementaires les plus assidus sont ceux qui ont un bon mandat local. Quand on est maire d'une commune d'une certaine importance, rien n'empêche de s'absenter quatre jours. Non seulement il est toujours possible d'utiliser le téléphone, mais le maire est aussi entouré d'une équipe qui l'aide dans sa tâche. Alors que celui qui est juste parlementaire, je le dis pour mes collègues les plus jeunes, est un véritable esclave !

Limiter le cumul des mandats serait un formidable progrès, mais à condition d'en tirer les conséquences institutionnelles. Ne faudrait-il pas supprimer l'article 49-3 ou le droit de dissolution ? Si l'Assemblée nationale demeure une chambre d'enregistrement, qu'allons-nous faire ici toute la semaine ?

M. Bernard Derosier : Permettez-moi un préalable, eu égard aux sourires qui animent les visages de certains de mes collègues : bien que député, président de conseil général et maire d'une commune de moins de 20 000 habitants, je suis pour la limitation du cumul. La preuve en est que j'ai voté en faveur de la loi de 1985.

Cela étant, j'ai écouté nos éminents professeurs nous livrer leurs réflexions, et notamment M. Gicquel nous dire que la limitation du cumul était nécessaire. Mais je n'ai pas entendu de sa part d'autres raisons à cette nécessité que celle de résister aux technocrates. S'il en existe d'autres, je lui demanderais de me préciser lesquelles.

M. Guy Carcassonne ne se contredit-il pas lorsque, d'une part, il dit que ce qui manque au Parlement, ce ne sont pas les pouvoirs mais la volonté de les exercer, et que, d'autre part, il approuve, me semble-t-il, l'emploi par Louis Mermaz de l'expression " chambre d'enregistrement " ? Est-il vraiment convaincu que la Constitution de 1958 donne suffisamment de pouvoirs à l'Assemblée ? Je ne demande pas qu'on en revienne à la quatrième République, que je n'ai connue qu'à travers les livres d'histoire, mais ne faudrait-il pas commencer par une révision constitutionnelle ?

L'absentéisme que l'on déplore trop souvent n'est pas la conséquence du cumul des mandats. La preuve en est que ceux qui cumulent ne sont pas les moins assidus à l'Assemblée. Il s'explique plutôt par le sentiment qu'éprouvent les députés de ne pas être réellement en mesure d'influencer les événements, l'exécutif et sa technostructure disposant de tous les pouvoirs.

Je me suis senti plus en accord avec M. Hubert Hubrecht, en particulier lorsqu'il a observé que la décentralisation justifie la limitation du cumul des mandats. J'aurais aimé que soit davantage soulignée la nécessité d'une réforme de l'organisation administrative et politique de notre pays, qui avec ses 36.000 communes et ses 100 départements, conserve un dispositif qui remonte à la Révolution française.

En ce qui concerne le Sénat, je crois qu'il existe là aussi un véritable problème. Aujourd'hui M. René Monory part en guerre contre les projets du Gouvernement. En d'autres temps, c'est un Président de la République qui s'était, d'une certaine façon, attaqué sans succès au Sénat. Le peuple, qui est souverain, pourrait être appelé à dire ce qu'il pense d'une assemblée aussi conservatrice. J'aimerais connaître le point de vue des universitaires sur ce sujet.

J'en termine par M. Jean-Michel Blanquer qui a précisé d'emblée qu'il avait sur la question des positions radicales. Il parle d'égalité devant le suffrage universel. Certes. Mais les candidats aux élections sont tous différents. Comment concrètement empêcher que l'un soit dans une position privilégiée par rapport à l'autre ? C'est aussi cela la démocratie ! Elle permet à chacun d'être candidat à des élections sans restriction, au contraire de ce qu'envisageait M. Jean-Michel Blanquer. Je n'ai d'ailleurs entendu aucun intervenant souligner que nous sommes dans une démocratie représentative, que le peuple y est souverain et qu'il a la capacité de ne pas voter pour un cumulard.

M. Jean-Michel Blanquer a parlé aussi d'un meilleur contrôle des revenus publics. Les élus ne sont pas les seuls à se trouver à cet égard dans une situation de cumul. Dans notre pays un certain nombre de personnes cumulent des revenus au titre de plusieurs activités. Que je sache, les universitaires ne sont pas obligés d'abandonner leurs fonctions quand ils deviennent parlementaires. Certains sont à la fois professeurs de médecine et médecins dans un C.H.U. Sans parler des universitaires qui sont par ailleurs conférenciers internationaux, qui écrivent des rubriques dans les journaux... Bref, il y aurait là également matière à réfléchir.

M. Dominique Bussereau : Je me limiterai à quatre questions.

La première concerne le statut de l'élu, mais aussi celui du post-élu, parce qu'il existe, heureusement, une vie après le mandat.

La deuxième vient d'être abordée par Bernard Derosier, c'est celle du cumul dans la vie professionnelle. J'ai toujours été pour ma part choqué qu'on puisse être à la fois législateur et, quelques heures après, avocat, et pouvoir défendre ou attaquer la loi que l'on a discutée précédemment. Il y a là un conflit d'intérêts et je prends cet exemple sans bien sûr douter de la déontologie de mes collègues avocats.

Dans le même ordre d'idées, l'existence de passerelles entre la fonction publique et la fonction parlementaire fait que la critique de M. Carcassonne sur la résistance à la technocratie est particulièrement mal venue. Doit-on maintenir la possibilité d'être fonctionnaire et député ? Doit-on démissionner de la fonction publique, dès le premier mandat ou à partir du second ? Doit-on le faire pour toutes les fonctions, aussi bien pour le cantonnier que pour le directeur départemental de la D.D.E. ?

Qu'en est-il enfin du cumul des fonctions électives et des fonctions électives non publiques ? La France est un pays où existent une multitude d'associations, de présidences de chambres de commerce, de chambres des métiers et d'autres organismes similaires dont la plupart vivent de fonds publics. Est-il possible de concilier ces fonctions avec un mandat électif ?

Mme la Présidente : La question des cumuls hors de la sphère élective se pose, en effet. Mais elle ne doit pas être traitée à poids égal avec celle qui est tout de même au c_ur de notre réflexion sur les institutions politiques, c'est-à-dire le cumul des fonctions électives. Car le mandat électif est celui qui nous investit d'une responsabilité devant la nation et devant le peuple. Le problème des autres incompatibilités doit, à mon sens, être traité de manière spécifique.

M. Jean-Antoine Léonetti : Je voulais insister sur la manière dont est vécu le problème du cumul des mandats, non par les cumulards - dont je suis, puisque je suis député et maire - mais par les médias. Je remercie notre rapporteur d'avoir insisté sur le fait que les élus qui cumulent ne sont pas des coupables. Tout d'abord parce qu'ils respectent la loi. Ensuite parce qu'ils ont reçu leurs mandats du peuple. Ils n'ont donc pas à en rougir ou à en avoir honte.

Le non-cumul est présenté de façon anormale au grand public, comme une moralisation et une transparence de la vie publique. C'est une manière de laisser penser à nos concitoyens que les élus cumulent l'argent et le pouvoir. Or, à bien examiner la réalité, un plafonnement a été mis en place, et il serait trop simple - si le problème est celui du cumul de l'argent - de limiter la réflexion à l'instauration de la règle de l'indemnité unique.

Lorsque la population demande à son maire d'être député - et, généralement, il est plus facile d'être député quand on est déjà maire - elle est consciente de lui donner un pouvoir supplémentaire pour la défendre localement. Telle est la réalité ! Ainsi, lorsque j'étais maire en 1995, époque où le Gouvernement était de la même couleur politique que la mienne, je n'ai pratiquement jamais été reçu par un ministre. Or, alors que je fais désormais partie de l'opposition, le député que je suis rencontre beaucoup plus facilement un ministre pour évoquer des problèmes locaux. On est donc obligé de considérer qu'à l'heure actuelle, le cumul permet à un maire de défendre plus facilement sa commune.

La disponibilité est un faux problème. Comme on l'a déjà souligné, les parlementaires qui détiennent un mandat local sont bien souvent ceux qui sont les plus présents à l'Assemblée. Et j'ajouterai même que ceux d'entre nous qui n'exercent aucun mandat local sont contraints d'être présents sur le terrain pour pouvoir être réélus députés. Comment serait réélu un parlementaire qui n'aurait aucun mandat local et qui ne vivrait jamais dans sa circonscription ?

Au nom de la transparence, nous assistons à une immense hypocrisie. Les gens qui, la main sur le c_ur, sont les plus " anti-cumul ", sont souvent ceux qui se présentent à des élections locales alors qu'ils sont ministres, et parfois même, les premiers d'entre eux. Or, il me semble que la meilleure façon de réconcilier la population avec les parlementaires, c'est de donner l'exemple en ne s'exposant pas à une situation de cumul.

La question du cumul est essentielle parce qu'elle est liée à toute une série d'autres problèmes. Ainsi, on ne peut se pencher sur le cumul des mandats sans s'interroger sur le statut de l'élu. Est-il utile de rappeler que le maire d'une grande ville touche à peu près un sixième des indemnités d'un parlementaire ? Est-il scandaleux de le rappeler ? Tant que ce problème ne sera pas résolu, la question du cumul sera viciée à la base.

Par ailleurs, sommes nous en régime parlementaire ? Je n'en ai pas l'impression. L'évolution vers un régime où le Parlement disposerait d'une force de proposition et de décision plus importante justifierait que les parlementaires soient libérés de certaines obligations locales. Or, dans l'état actuel des choses, j'ai le sentiment que je m'ennuierais un peu si je n'étais que parlementaire.

Certains ont mis en avant la question de la durée du mandat. On ne fera pas l'économie d'une interrogation sur la durée du mandat de neuf ans des sénateurs dont on ne comprend pas réellement l'utilité. En revanche, nous aurions, de l'autre côté, des députés qui, menacés par une dissolution toujours possible, seraient à la recherche d'une implantation locale sans mandat local. On risque de créer des situations extrêmement néfastes, contraires aux principes que l'on veut imposer : ceux d'égalité, de disponibilité, d'ouverture et de transparence.

Enfin, je ne suis pas convaincu, comme cela a été évoqué, que la fin du cumul des mandats ouvrira de nouveaux horizons aux femmes dans le monde politique. En revanche, je constate que certains députés, lorsqu'ils sont frappés d'inéligibilité, choisissent souvent leur épouse pour les représenter. La meilleure façon de cumuler, serait ainsi de cumuler conjugalement, et nous pourrions voir certaines épouses d'anciens parlementaires devenir maire ou député.

Mme la Présidente : Ce dernier thème me concerne tout particulièrement, et j'espère que les réformes que nous allons mettre en _uvre n'apporteront pas des réponses aussi dérisoires que la solution de rechange de l'épouse, remplaçant son mari inéligible. Les femmes ont d'autres qualités à mettre en avant pour leur entrée dans la vie politique.

M. Gérard Gouzes : Plus j'entends parler de la question du cumul, plus je suis perplexe. Si l'on suit à l'extrême les arguments exprimés par certains de nos collègues, nous aboutirons, par des amendements successifs, à la suppression des communes - j'ai cru comprendre, en effet, que s'il n'y avait pas de communes, il y aurait moins de cumulards - et même à la disparition de la Constitution de 1958. Il faut aussi poser le problème du statut de l'élu. On peut évoquer la suppression des cumuls entre certaines professions, notamment libérales, et les mandats électifs. Que signifierait une telle réforme si n'était pas adopté un statut de l'élu qui permette aux députés non réélus de ne pas devenir " RMIstes " à l'issue de leur mandat, situation que personne, évidemment, ne souhaite.

Il convient donc de revenir à l'essentiel : pourquoi parle-t-on autant de cette affaire des cumuls ? Il y aurait un malaise dans notre système politique. Un renforcement de la crédibilité et la modernisation de notre vie politique serait, dit-on, demandés par des citoyens qui doutent de notre capacité à répondre à leurs attentes. Dans cette perspective, je ne crois pas que le cumul soit le seul problème. Nos concitoyens attendent avant tout de notre part une capacité d'écoute, de dialogue. Fort logiquement, ils souhaitent que des élus connaissant le terrain puissent répercuter leur parole au plan national.

Certes, il existe des situations de cumul - non de mandats, mais de fonctions - qui soulèvent des difficultés. On peut s'interroger, à juste titre, sur le cumul de présidences d'exécutifs régionaux, départementaux et de grandes villes, sur le cumul d'un mandat de député européen avec un mandat législatif national. Toute une série d'incompatibilités doit également être mise en _uvre. Mais nous devons constamment garder une notion simple à l'esprit, celle de l'équilibre. Nous n'atteindrons pas les objectifs poursuivis si nous n'intégrons pas aussi l'idée qu'il s'agit là d'une exception culturelle française. On ne peut pas s'en libérer du jour au lendemain. C'est pourquoi nous devrons avancer prudemment. Déjà, depuis 1985, des progrès ont été réalisés. On ne peut pas cumuler plus de deux mandats et les cumuls d'indemnités n'existent pas ou sont limités.

Nous devons progresser dans cette matière sans pour autant tomber dans des situations invraisemblables, ridicules ou grotesques. C'est la raison pour laquelle je demande aux professeurs qui, certes, parlent bien en théorie, d'intégrer davantage la volonté des citoyens qui souhaitent être mieux représentés. Au final, ce sont toujours eux qui décident. On peut d'ailleurs constater qu'à l'occasion de ces élections cantonales ou régionales, beaucoup de cumuls se sont accentués. Il s'agit bien, dans un contexte pourtant défavorable au cumul, d'une décision des électeurs.

Mme la Présidente : Nos invités souhaitent sûrement réagir à cette moisson de questions.

M. Guy Carcassonne : Toute la discussion montre bien que, pour reprendre une formule déjà utilisée, lorsqu'on tire sur l'écheveau, l'ensemble de celui-ci est conduit à se dérouler. De fait, en abordant le sujet des institutions par le vecteur du cumul, toutes sortes de questions s'enchaînent. Ma crainte vient précisément de l'accumulation des problèmes à régler. Face à cela, on risque de préférer ne pas s'engager dans un processus aussi long, aussi compliqué et qui appellerait autant de réformes consécutives.

Or, c'est précisément parce que la fin du cumul entraînera nécessairement de nombreuses évolutions qu'il faut la décider aussi rapidement que possible. Le reste suivra fatalement. Il faut toujours se méfier des mécaniques bien connues, selon lesquelles le mieux étant l'ennemi du bien, on retarde le bien pour des générations et des générations, faute de pouvoir accomplir le mieux.

Bien que nous soyons unanimes à dénoncer le cumul des mandats, il n'y a - de notre part - aucune condamnation des cumulards. Lorsque j'ai affirmé que le cumul était politiquement obligatoire, c'était en exonérant de toute responsabilité, à plus forte raison de toute culpabilité ceux qui sont conduits, politiquement, à y céder.

Cela dit, je vous prie de nous épargner l'argument selon lequel le cumul est une décision des électeurs. Je réagis immédiatement aux propos de M. Gérard Gouzes. Imaginons un instant que je sois à la fois électeur socialiste et administré de Marmande. Au moment des élections législatives, quel sera mon choix ? Je suis hostile au cumul, donc il faudrait que je vote R.P.R. ?... C'est évidemment absurde. Les électeurs n'ont aucun choix ! Ils sont contraints, sauf à trahir leurs convictions, de voter pour le candidat qui représente leurs opinions, bien que celui-ci, par ailleurs, détienne déjà un mandat, ce qu'ils ont le droit de critiquer. De grâce, épargnons-nous l'argument du choix des électeurs puisque ce choix est dicté et contraint.

Epargnons-nous également - et je ne voudrais être désobligeant pour personne - l'argument de la réélection selon lequel, grâce au cumul, on dispose d'une présence locale, d'une meilleure connaissance du terrain qui favorise la réélection. Si tel était le cas, aucun cumulard ne perdrait jamais une élection. Si tel était le cas, ces majorités composées de députés si bien formés seraient constamment reconduites. Or, c'est loin d'être vrai. J'observe d'ailleurs cette autre singularité française où toutes les majorités sortantes ont perdu les élections depuis 1978, bien que composées de cumulards, alors qu'à l'étranger, où ces pauvres députés ne cumulent pas, et donc connaissent beaucoup moins bien le terrain et les aspirations de la population, les majorités sont reconduites deux, trois, quatre fois, toutes choses que nous ne parvenons pas à réaliser en France.

S'agissant de l'Assemblée nationale, l'un d'entre vous a confié qu'il craignait de s'ennuyer s'il n'était que député. Certains estiment même que le seul moyen de sortir de l'ennui serait de se livrer à la polémique, aux disputes, éventuellement aux rixes qui, fatalement, finiraient par se produire dans une Assemblée où seraient effectivement présents 577 membres. Là encore, il n'est que de regarder ce qui se passe à l'étranger ! Les députés britanniques à la Chambre des communes sont extrêmement présents, ils ne s'ennuient pas et ils ne cèdent pas, non plus, à la violence... Les députés au Bundestag sont massivement présents, eux aussi, au point même de devoir hacher leurs discussions avec leurs collègues étrangers pour aller voter. Eux non plus ne s'ennuient pas.

Alors, vient immédiatement la réplique : " C'est parce qu'ils ont des pouvoirs ! " Mais quel pouvoir ont-ils que n'aurait pas le Parlement français ? Peut-on m'en citer un ? Je n'en demande pas dix, mais un seul.

M. Gérard Gouzes : Ils fixent leur ordre du jour !

M. Guy Carcassonne : Mais les députés français ont la maîtrise d'une séance par mois pour les propositions de loi. Par ailleurs, dans les régimes de parlementarisme majoritaire, peu importe qui prépare les textes, peu importe qui établit l'ordre du jour puisque tout se fait de manière plus ou moins négociée entre le Gouvernement et sa majorité, tout en essayant de respecter un tant soit peu l'opposition. La différence ne réside pas dans les pouvoirs des uns ou des autres, mais tout simplement dans le fait qu'en Grande Bretagne comme en Allemagne - et je pourrais ajouter en Espagne - les groupes parlementaires sont suffisamment présents, donc persuasifs et puissants, pour amener le Gouvernement à tenir compte de leurs exigences et à ne pas les traiter comme quantité négligeable. C'est ici que réside la véritable différence ! Hormis cela, vous ne trouverez pas un pouvoir que les Parlements étrangers aient en plus de ceux dont dispose le Parlement français. J'irai même plus loin. Le Parlement français pourrait assumer toutes sortes de tâches qu'assument les Parlements étrangers. Chacun connaît l'exemple de la commission des finances britannique, la plus vieille commission parlementaire. Quel est l'essentiel de sa fonction ? Traquer partout - majorité et opposition confondue - les dépenses stupides et inutiles. Evidemment, tout le monde y gagne, et ses avis sont très respectés. Je prétends qu'avec une commission de ce type, jamais des choses comme le scandale du Crédit lyonnais ne se seraient produites. Je cite cet exemple, mais on pourrait en mentionner beaucoup d'autres. Est-ce là quelque chose d'indigne pour des parlementaires ? Sont-ce là des fonctions qui ne méritent pas leur attention ? Est-ce totalement extérieur au mandat qui leur a été confié par les Français ? Personnellement, je ne le pense pas.

Je ne crains donc pas le risque de l'ennui pour des députés qui seraient présents. Je trouve même que dans une semaine parlementaire bien organisée, pour des députés ayant cessé de cumuler, il serait sage qu'ils puissent passer trois jours par semaine à l'Assemblée nationale et qu'à cette occasion, on rétablisse, on revivifie, on ressuscite le mécanisme de sanctions financières prévu par le règlement. Le reste du temps, ils pourraient travailler dans leurs circonscriptions. D'ailleurs, le mode de scrutin majoritaire, uninominal à deux tours garantira toujours la persistance du lien entre eux-mêmes et leurs électeurs.

M. Mermaz a évoqué l'aspect chambre d'enregistrement. Une simple approche statistique sommaire fait apparaître que chaque article législatif est modifié, en moyenne, par 2,5 amendements. Contrairement à ce que l'on croit, et parfois même à ce que les députés eux-mêmes croient ou font croire, il existe une vraie différence entre les projets de loi déposés et les lois adoptées.

M. Louis Mermaz : Elles sont modifiés à la marge !

M. Guy Carcassonne : En effet, cette différence porte souvent sur des aspects marginaux. Deux raisons, l'une noble et l'autre critiquable, l'expliquent. Une solidarité politique lie, bien évidemment, la majorité et le Gouvernement. C'est la raison noble selon laquelle la dite majorité n'estime pas être là pour gêner le Gouvernement. Mais il existe une raison beaucoup plus discutable : deux, trois ou cinq députés présents en séance voient finalement - faute de motivation, de certitude sur leurs compétences, faute d'avis sur ce que pensent véritablement les membres de leur groupe - leur volonté collective s'incliner devant celle de n'importe quel membre d'un cabinet ministériel à tendance autoritaire. Vous avez tous connu ces situations. Personnellement, j'en ai souvent été témoin, y compris dans des conditions scandaleuses. Je suis profondément parlementariste et j'ai toujours été indigné par ce phénomène qui amène les parlementaires à s'incliner. S'ils étaient 30, 40, 50, à plus forte raison 200 au lieu d'être 5 ou 10, le résultat serait différent. M. Louis Mermaz rappelait à juste titre le fait que ce ne sont même pas ceux qui ont participé aux débats qui prennent la décision finale parce qu'ils sont tous sollicités ailleurs. Tout cela est désastreux !

M. Léonetti a parlé de la moralisation. Voilà des années que j'écris contre le cumul et dans aucun de mes écrits, on ne trouvera le mot " moralisation ", car effectivement, ce n'est pas le sujet. Il n'y a rien d'immoral à cumuler. Mettre fin au cumul, ce n'est donc pas complaire à une opinion qui exigerait un souci de moralité : c'est rendre l'administration des collectivités locales et, surtout, l'Assemblée nationale plus performantes, car le cumul est source de dysfonctionnements.

S'agissant de la distinction entre sénateurs et députés, j'ai déjà souligné que le cumul était une singularité française, à mes yeux absurde, uniquement pour les députés. A l'étranger, certains sénateurs cumulent. Les Chambres hautes, par essence - et je pense évidemment au Bundesrat allemand - sont composées d'élus locaux. En France, le Sénat est constitutionnellement le représentant des collectivités territoriales de la République. Que des élus locaux y siègent ne me pose aucun problème. En limitant l'interdiction du cumul aux seuls députés, on favoriserait les chances d'adoption du projet de loi organique en termes conformes par les deux assemblées, comme cela doit l'être.

En outre, on opérerait simultanément la revalorisation des deux assemblées, en donnant à l'Assemblée nationale des députés qui rempliraient complètement leur rôle et en provoquant au Sénat un renouvellement dont on sait qu'il sera massif. Qu'un élu local ne veuille pas renoncer à la collectivité qu'il gère et ne veuille pas non plus renoncer à toute présence parlementaire ne me choque pas. Les portes du Sénat lui seront alors ouvertes. Par la même occasion, on assistera sans doute à un rajeunissement et une vivification bien venus du Sénat.

Pour le reste, l'Assemblée nationale - nous connaissons tous les ambitions légitimes de ceux qui y siègent - demeurera comme elle l'est partout à l'étranger, le vivier de recrutement des membres du Gouvernement, le lieu où le travail législatif s'accomplira de la manière la plus déterminante. Une fuite de tous les cerveaux qui quitteraient l'Assemblée nationale pour se précipiter vers le palais du Luxembourg me paraît donc bien improbable.

Pour des raisons constitutionnelles, personne d'autre que vous, à l'exception du Président de la République, ne représente le peuple : dans la Constitution, il y a 578 représentants du peuple : le Président de la République et les députés. Les sénateurs n'ont pas la même fonction et ne représentent que la Nation. Tirer les conséquences de cette différence ne me choquerait donc pas.

M. Jean Gicquel : Tout d'abord, je voudrais que ma position soit claire : je considère que le cumul n'est pas en soi condamnable, et il me semblerait raisonnable qu'un parlementaire puisse continuer à exercer un mandat local.

D'un point de vue plus technique, le président Mermaz faisait allusion au problème important du découpage des circonscriptions électorales. Effectivement, sous une question d'apparence anodine, c'est le principe de l'égalité de tous devant la loi électorale, tel qu'il résulte notamment de l'article 3 de la Constitution, qui est posé. Je rappellerai simplement qu'il appartient au législateur que vous êtes d'en tirer les conséquences le moment venu, en indiquant que le Conseil constitutionnel, en 1985, a posé un principe général selon lequel les circonscriptions doivent être découpées sur une base essentiellement démographique. Il est des départements dans lesquels il existe encore aujourd'hui des enclaves au sein de cantons. Je pense en particulier au département de l'Aube. Mais il y en a certainement d'autres. C'est au législateur de prendre les mesures appropriées.

Ensuite, et pour répondre à M. Derosier, je voudrais rappeler que, si je suis partisan d'une limitation du cumul, ce n'est pas uniquement pour lutter contre la technocratie - car je considère qu'un élu du peuple a une légitimité qu'on ne saurait comparer avec le savoir d'un technocrate - mais aussi pour restituer au parlementaire sa qualité de représentant de la Nation. Je ne voudrais pas être désagréable, messieurs les parlementaires, mais il est bien vrai que les électeurs considèrent à tort le député comme un élu local, et que c'est en fonction de ses résultats sur le plan local qu'il sera apprécié, et notamment qu'il sera reconduit ou éconduit.

Il faut rappeler également, que lorsque certains parlementaires connaissent quelques faiblesses (pour utiliser un délicat euphémisme) ou sont mis en examen (pour être plus clair), ce n'est pas tant, évidemment, en leur qualité de parlementaires mais bien souvent en tant qu'élu local. Il s'agit donc aussi, en quelque sorte, de sauver les parlementaires contre eux-mêmes. Au final, la limitation à l'exercice d'un seul mandat me semblerait aller dans le sens d'une restauration du caractère national de la fonction parlementaire.

En ce qui concerne le Sénat, je rappellerai au passage - puisque ce point a été évoqué par M. Guy Carcassonne, que le Bundesrat est composé des ministres en exercice des Länder, c'est-à-dire de membres du pouvoir exécutif local et non d'élus, ce qui fait que la comparaison entre notre Assemblée et la chambre allemande ne me paraît pas fondée. Pour le reste, je crois effectivement qu'une loi organique est nécessaire, et qu'elle peut être considérée comme relative au Sénat. Dans ces conditions, un accord devra être trouvé nécessairement entre les deux assemblées.

Faut-il considérer que l'on pourrait admettre pour les députés un régime de limitation dont les sénateurs seraient affranchis ? Sur le plan des principes, effectivement, on peut raisonner de la sorte. Mais, politiquement, je ne peux pas imaginer un seul instant que votre assemblée accepte pour ses membres un statut inférieur à celui des sénateurs, d'autant plus que cette infériorité existe déjà en ce qui concerne le pouvoir d'initiative au regard de l'article 40 de la Constitution. Nous savons fort bien que le Conseil constitutionnel a rendu le même jour deux décisions parfaitement contradictoires, en considérant que l'article 40 s'imposait à l'Assemblée nationale, mais ne s'appliquait au Sénat qu'à titre facultatif. Si les députés vivent déjà très mal cette différence de statut par rapport à leurs collègues sénateurs, que diront-ils demain, s'ils sont les seuls à devoir subir une césure complète entre fonction nationale et fonction locale ? Je crois donc que le Parlement tout entier est concerné par une limitation du cumul. Politiquement, un traitement différent ne serait pas acceptable, et vous ne l'accepterez pas.

Pour conclure, j'ajouterai que, si par ailleurs une réglementation du cumul des mandats me paraît être utile, c'est aussi parce qu'un régime d'incompatibilités est supérieur à un régime d'inéligibilités. Dans le premier cas il appartient à l'élu de choisir, tandis que dans le second on fait obstacle à ce qu'il soit candidat. L'incompatibilité va dans le sens du libre choix des parlementaires.

Faut-il alors s'inquiéter d'une Assemblée nationale au sein de laquelle ne siégeraient que des députés qui n'auraient plus aucun mandat local ? Je n'aurai pas la cruauté de dire que l'absentéisme est une condition minimale à un bon travail parlementaire, ce dont votre commission est pourtant la preuve la plus éclatante : on sait que c'est dans le cadre d'une commission que le travail le plus fécond et le plus sérieux s'effectue. Je ne voudrais pas être irrévérencieux pour la Représentation nationale, mais la séance publique, en comparaison, a un petit goût de " réchauffé ". On y reproduit à l'identique ce qui a déjà été dit en commission. Finalement, l'absentéisme, à condition bien sûr qu'il ne revête pas un caractère excessif, me paraît être une condition presque normale d'un bon travail parlementaire.

Mme la Présidente : Je voudrais indiquer simplement que notre Règlement définit les conditions dans lesquelles s'effectue le travail parlementaire. Il nous permet de ne pas nous absenter trop longtemps de nos circonscriptions, puisque les travaux de l'Assemblée sont organisés sur trois jours de la semaine. Il reste donc quatre jours pour exercer sa responsabilité au plan local.

M. Hubert Hubrecht : Je souhaiterais revenir d'abord à l'idée selon laquelle il existerait en France une culture du cumul. Plusieurs d'entre vous ont souligné que le problème était complexe, parce qu'il ne concernait pas uniquement les parlementaires, les élus, mais qu'il relevait sans doute d'une exception française, d'une culture du cumul que l'on observe à maints endroits : dans l'Université, dans les conseils d'administration des entreprises privées ... Je crois que cette culture existe et qu'elle ne disparaîtra pas le jour où on l'aura interdite. On verra sans doute apparaître des effets pervers, des tentatives, de la part de certains, d'éviter une limitation complète. On peut craindre, par exemple, la pratique des prête-noms. Je ne partage pas l'optimisme de mon collègue Guy Carcassonne, qui estime que lorsque les sénateurs pourront continuer à cumuler alors que les députés ne le pourront plus, personne ne sera tenté de partir au Sénat. Je n'en suis pas si certain du fait même de l'existence de cette culture du cumul.

Sur la base de ce raisonnement, je dirai que la question du Sénat peut s'interpréter de deux manières. On peut l'appréhender en se disant qu'il ne faut pas remettre en discussion le Sénat, la dernière tentative ayant échoué en 1969 dans les circonstances que l'on sait. Il faudrait alors raisonner à droit constant, c'est à dire sans rien changer du mode d'élection de la haute assemblée ou de ses pouvoirs. Dans cette hypothèse, il me paraît évident que la règle du non-cumul doit s'appliquer aux deux assemblées. On ne peut pas admettre qu'à droit constant, le Sénat soit autorisé à cumuler quand l'Assemblée nationale ne le pourrait pas.

Inversement, ne faudrait--il pas saisir l'occasion de réfléchir à ce que peut être la place du Sénat dans un Etat moderne, décentralisé, ce qui n'était pas le cas en 1958 puisque l'organisation des pouvoirs était différente ? Ne pourrait-on se poser la question de ce que doit être une deuxième chambre dans un système décentralisé ? Pourquoi ne pas alors s'inspirer du Bundesrat, par exemple ? Ne pourrait-on décider que certains chefs de l'exécutif de grandes villes, régions, départements, siégeront obligatoirement au Sénat ? Le cumul serait donc ainsi obligatoire. Mais cette hypothèse impose un préalable : le mode d'élection devrait être tout à fait différent, et rompre avec un système de représentativité non démocratique, que tout le monde s'accorde à trouver caricatural. Peut-être faudrait-il aussi modifier les pouvoirs du Sénat, et donner en toutes circonstances le dernier mot à l'Assemblée nationale.

Je ferai une autre remarque, qui rejoint celle formulée par Guy Carcassonne. Cette réforme est de nature à soulever un nombre important de problèmes. Il ne faut pas partir du principe qu'on les résoudra tous simultanément. Il faut s'attacher, au contraire, à la logique " incrémentaliste ", qui a été celle des réformes de la décentralisation, et se dire qu'on apporte une pierre de plus à un édifice qui sera amené à évoluer par la suite. La seule question qui me paraît devoir être réglée rapidement, c'est celle du statut de l'élu. C'est une nécessité vis-à-vis des citoyens, une exigence de communication démocratique, sur ce qu'est la politique, ce qu'elle a de noble, en dépit de ce que d'aucuns peuvent en dire.

M. Jean-Michel Blanquer : Il me semble effectivement que la démarche empirique est préférable à la démarche stratégique, même si elles ne sont pas tout à fait incompatibles. On peut fort bien commencer à réfléchir aux conséquences à long terme de ce que vous voterez.

Il est apparu, dans un certain nombre d'interventions, que la réforme en cours aurait un impact sur la durée des mandats. Pour établir une réelle lisibilité à l'attention des citoyens, ce qui est tout de même l'un des grands objectifs de cette réforme, il faudrait arriver à ce que certaines élections puissent avoir lieu le même jour ou, en tout cas, qu'il y ait une régularité et peut-être une plus grande homogénéité dans la durée des mandats. La réglementation du cumul des mandats s'inscrirait ainsi dans une réforme plus globale, qui pourrait comprendre aussi une modification de la durée du mandat présidentiel. La durée des mandats, la date des élections, la taille des circonscriptions, tous ces problèmes vont se poser parallèlement à celui de la limitation du cumul des mandats. C'est aussi le cas de la question du statut de l'élu. S'il y a apparemment un sujet qui fait l'unanimité, il s'agit bien de celui-là. Le statut de l'élu permettra d'accompagner cette limitation et de définir ce qu'est un élu dans une démocratie.

Comme l'a souligné Mme la Présidente, il ne faut pas confondre la question du cumul et celle des incompatibilités en matière professionnelle. Elles ne sont pas de même nature. Cumuler une fonction professionnelle avec un mandat d'élu peut être une bonne chose : cela permet de connaître des réalités de terrain, surtout dans le cas des mandats locaux.

S'agissant du Sénat, et c'est là mon seul point de désaccord avec Guy Carcassonne, une solution pourrait être de définir un seuil pour l'interdiction du cumul entre les mandats de maire et de sénateur. On pourrait, à cet égard, s'inspirer de la solution italienne. On a beaucoup parlé du Bundesrat précédemment qui, ne serait-ce que parce que l'Allemagne est un Etat fédéral, présente des caractéristiques particulières ; dans le cas du Sénat italien ou de la chambre italienne, ce sont les maires des communes de plus de 20 000 habitants qui ne peuvent pas cumuler leur mandat avec un mandat parlementaire. Or, comme les sénateurs français sont pour la plupart maires de communes de moins de 20 000 habitants, la mise en place d'un tel seuil pourrait être une façon d'obtenir leur accord et donc de définir un régime valable aussi bien pour les sénateurs que pour les députés. Evidemment le seuil peut faire l'objet de discussions mais 20 000 me paraît être un chiffre assez raisonnable.

Sur la question de la légitimité du cumul, Guy Carcassonne a présenté les meilleurs arguments, mais je voudrais en ajouter un. Quand on fait des enquêtes auprès de la population en demandant : " Est-ce que vous êtes pour ou contre le cumul des mandats ? ", nos concitoyens répondent qu'ils sont contre, à des majorités très fortes. Mais si on leur demande : " Voulez-vous que votre maire soit aussi parlementaire ? ", alors ils répondent également " oui " en grande majorité. Il y a deux façons d'interpréter cette contradiction : la première est de dire qu'ils sont concrètement pour le cumul des mandats et abstraitement contre. L'autre est d'y voir une illustration de l'inégalité qu'instaure le cumul des mandats. En tant que citoyens les gens sont contre le cumul des mandats, parce qu'ils sont capables de s'élever à l'intérêt général. En revanche, en tant que personnes vivant dans une commune déterminée, ils savent bien que le cumul va avantager leur élu, et donc leur commune. Bien entendu cette deuxième interprétation me paraît la meilleure. Cela prouve que certes le cumul des mandats a des avantages subjectifs, mais des inconvénients objectifs incontestables en termes d'égalité.

M. Richard Cazenave : Je voudrais d'abord rappeler que le général de Gaulle s'est déjà essayé à réformer le Sénat. Le 27 avril 1969, j'étais de ceux qui défendaient sa réforme. Nous avons été battus.

En ce qui concerne les seuils, il est complètement fallacieux, si c'est la disponibilité qui est recherchée, de faire une distinction entre communes de moins et plus de 20 000 habitants. En effet, il est beaucoup plus facile de cumuler des fonctions quand on est maire d'une grande ville que quand on est maire d'une petite ville, parce que, dans le premier cas, l'on dispose de toute une armada de collaborateurs, mais aussi d'adjoints qui ont la capacité politique de gérer la vie locale. Ces seuils ne sont donc, à mon avis, pas du tout adéquats. De même, je ne comprends pas comment on peut faire une distinction entre intercommunalité à fiscalité directe ou indirecte, si là aussi c'est la disponibilité qui est recherchée. Je ne vois pas ce qui justifie cette distinction.

Je crois qu'il est important, tout en allant dans le sens du non-cumul, de bien évaluer les conséquences des décisions que nous serons amenées à prendre. Quels sont les effets pervers que l'on constate éventuellement dans d'autres démocraties ? Quelles sont les critiques adressées à la représentation nationale de ces pays ? Pouvons-nous les mettre en balance avec celles qui sont faites à l'égard de notre système représentatif ? Je pense qu'il serait intéressant que nous ayons, au sein de notre commission, une vision très éclairée des avantages et des inconvénients de l'interdiction du cumul telle qu'elle se pratique ailleurs. Car ne croyons pas que le système parlementaire canadien, qui ne connaît pas de cumul, dans lequel le député n'est que député, soit exempt de dérives, ne soit pas l'objet de critiques véhémentes. Je suis de ceux qui sont partisans d'aller fortement dans le sens du non-cumul, mais il ne faut pas y aller en aveugle.

Un autre problème qui me paraît fondamental est celui de l'égalité. On ne traitera pas la question du cumul si l'on ne traite pas la question de l'égalité d'accès aux responsabilités publiques. On a évoqué le cas des fonctionnaires et des professions libérales. Ils peuvent effectivement conserver soit un filet de sécurité et la progression de leur carrière, soit une activité parallèle. Mais qu'en est-il des salariés du privé ? Quelle est la représentation aujourd'hui, dans cette assemblée, des salariés du privé ? Des cadres ? Où sont-ils ? N'y a-t-il pas là une inégalité fondamentale dans notre système représentatif ? On doit donc traiter le problème de l'égalité d'accès, mais aussi celui de l'égalité de sortie de la vie politique. Pourquoi, en effet, un certain nombre de parlementaires sont-ils tentés de se maintenir coûte que coûte à leur poste, et parfois de faire des concessions importantes au regard de leurs convictions ? C'est parce qu'ils sont tenaillés par l'angoisse de se retrouver sans rien. Tout à l'heure M. Gérard Gouzes parlait du R.M.I., en exagérant peut-être quelque peu, mais il n'en existe pas moins là une inégalité fondamentale.

L'inégalité concerne aussi l'exercice du mandat. Je suis en désaccord avec M. Guy Carcassonne quand il dit que les électeurs n'ont pas le choix et que, si on leur présente un cumulard, ils vont voter pour lui parce qu'ils ne veulent pas renier leurs engagements politiques. Mais si l'on vous donne à choisir, au sein du parti socialiste, entre un cumulard et un non-cumulard, vous choisirez un cumulard, parce qu'à travers sa capacité d'influence sur les projets, son rayonnement, il va apporter à ses électeurs quelque chose de plus. Il y a inégalité parce qu'entre un parlementaire qui peut exercer parallèlement un mandat local, d'intercommunalité par exemple, et un autre, le premier disposera d'outils, de collaborateurs, de moyens de communication, de thèmes sur lesquels faire valoir son action, de la possibilité d'inviter des gens pour les rencontrer. On dira qu'il est très présent parce qu'il aura pu voir mille personnes d'un coup autour d'un sujet donné. Que peut faire un parlementaire qui ne dispose pas de ces moyens ? Il doit remuer ciel et terre pour rencontrer ses administrés. Je suis convaincu que le principe d'égalité doit être au c_ur de nos réflexions. Sans cette exigence, la réforme ne pourra pas être satisfaisante.

M. René Dosière : Trois de nos intervenants sont contre le cumul, alors que l'un d'entre eux y semble plutôt favorable. Cette proportion est sensiblement différente de celle que l'on retrouve parmi les responsables politiques.

Comme le non-cumul que je pratique depuis vingt ans me laisse parfois le loisir de lire leurs écrits, je demanderai aux intervenants de développer leur pensée en leur posant quatre questions :

-  La suppression du cumul des mandats pour les sénateurs est-elle constitutionnelle, au regard de l'article 24 de la Constitution et du rôle actuel du Sénat ?

-  La distinction du non-cumul entre les députés et les sénateurs est-elle constitutionnelle ?

-  La mise en application rapide de la loi du non-cumul - et non pas au fur et à mesure que les mandats arrivent à échéance - pose-t-elle des problèmes constitutionnels ?

-  Les seuils - c'est-à-dire le fait d'accepter que l'on puisse cumuler un mandat parlementaire avec une fonction de maire pour telle ou telle catégorie de communes - soulèvent-ils des difficultés d'ordre constitutionnel ?

Je rappellerai également aux constitutionnalistes que les partisans du non-cumul pour les députés ont des avis divergents sur l'opportunité de maintenir le scrutin majoritaire ou d'introduire le scrutin proportionnel.

M. Michel Inchauspé : Je voudrais apporter mon expérience au débat car, ayant été élu pour la première fois à l'Assemblée nationale en 1967, puis constamment réélu depuis trente ans sans exercer aucun exécutif local, je dois être, avec M. Mermaz, le plus ancien député élu.

Pour répondre à ceux qui estiment que l'on n'a pas la possibilité d'être en contact avec le terrain si l'on n'est pas à la tête au moins d'une mairie ou d'un syndicat intercommunal, je peux vous dire qu'en étant simple conseiller général et député, on se trouve très lié à l'action locale sans avoir besoin d'exercer une fonction exécutive. Mes réélections successives, dans des circonscriptions pourtant différentes, témoignent de mon activité.

M. Hubert Hubrecht a souligné que le cumul des mandats était à l'origine de la toute puissance de la technocratie, non seulement sur le plan national, à cause de l'absence des députés, mais également au plan local. Je connais effectivement des présidents de conseils régionaux qui délèguent tout à une technocratie puissante et ne délèguent rien aux vice-présidents et aux élus.

Souvent, les intérêts locaux sont en contradiction avec les intérêts nationaux, comme en témoigne l'exemple de la taxe professionnelle que tout le monde considère comme un impôt imbécile et obsolète, mais que tous les maires et les sénateurs maintiendront puisqu'elle représente la ressource essentielle des collectivités locales.

Par ailleurs, la population n'est pas tant gênée par le cumul des mandats que par le cumul des indemnités. Un texte affirmant que l'on a droit a une seule indemnité représenterait déjà une avancée considérable. Il faut d'ailleurs éviter de mélanger ce problème avec la question des incompatibilités avec les activités professionnelles privées, comme l'a rappelé Mme la Présidente. Les parlementaires deviendraient des fonctionnaires patentés si on ne leur laissait aucune possibilité d'exercer de telles activités.

Il a été justement souligné que le Sénat devrait être comme le Bundesrat allemand, le représentant des régions et des grandes villes. Je rappellerai que le texte référendaire de 1969 sur le Sénat dont j'étais, comme membre du Gouvernement, l'un des signataires, prévoyait cette solution, qui me paraît idéale.

Pour conclure, je pense que nous n'aboutirons pas si le projet de loi est simplement soumis au Parlement. La réforme ne pourra se faire que par le mode référendaire, avec toutes les incertitudes qui y sont liées.

M. Christophe Caresche : Comme nouveau député, je me reconnais assez bien dans la description faite par Guy Carcassonne du travail parlementaire. Il suffirait de publier l'agenda de quelques uns d'entre nous pour faire apparaître une contradiction flagrante entre le fait de cumuler des fonctions exécutives locales dont les responsabilités peuvent être considérables et le fait de mener à l'Assemblée nationale une action suivie et déterminée. A cet égard, j'admire les contorsions de certains de nos collègues qui défendent l'idée d'un Parlement suffisamment fort pour mener une véritable action, tout en soutenant que l'on peut exercer simultanément des responsabilités locales importantes.

Notre réflexion doit donc être animée par la volonté de progresser vers le non-cumul. Il me semble que les préoccupations locales, notamment à l'occasion de l'examen de certains projets de loi, sont excessivement présentes dans la manière dont les députés abordent ces questions. Cela conduit parfois à discuter, de longues heures durant, de textes finalement moins importants que certains autres, simplement parce qu'il touchent à des enjeux locaux qui intéressent essentiellement les maires ou les présidents de conseils généraux que sont certains députés.

Sur le Sénat, je suis assez séduit par l'idée - déjà exprimée sous une forme radicale par Yves Mény - que cette chambre devrait devenir l'assemblée des collectivités locales, y compris en envisageant que les maires des communes de plus de 100 000 habitants et les présidents de conseils généraux et de conseils régionaux pourraient y siéger de droit. Cependant, ne faut-il pas intégrer la question de la modification du mode de scrutin ? Si l'on se dirige dans cette voie, il faut que le Sénat puisse garantir un minimum de pluralisme en son sein. Or, l'actuel mode de scrutin ne le permet pas.

M. Christian Paul : Je me retrouve assez bien dans la philosophie développée par MM. Michel Inchauspé et Christophe Caresche. Nous sommes sans doute à la veille d'un débat où nous assisterons à une transgression des clivages habituels.

Alors que nous allons fêter le quarantième anniversaire de la Constitution de 1958, nous sommes confrontés à une véritable crise de la représentation politique, comme l'a bien souligné notre rapporteur, même si les Français apprécient globalement leurs institutions, et même si cette crise n'est pas de même nature que celle des années trente ou celle de la fin des années cinquante. On peut le vérifier à travers l'importance de l'abstention, à travers le " zapping " politique qui déclenche des alternances répétées ou encore à travers le crédit relativement faible dont bénéficie la corporation politique. Il faut donc travailler à la refondation de nos institutions, sans forcément en modifier l'architecture théorique et les principaux équilibres, mais en améliorant substantiellement les conditions d'exercice des pouvoirs qui nous sont confiés. C'est sur cette toile de fond que doit se placer le projet de loi visant à modifier les conditions d'exercice et à limiter le cumul excessif des mandats.

Je souscris aux propos de notre rapporteur : il ne faut pas aborder cette réforme comme une sorte de gage démagogique accordé à je ne sais quelle dictature des médias ou de l'opinion. Il ne faut pas non plus conduire cette réforme comme une chasse aux sorcières. C'est à un exercice de refondation institutionnelle que nous sommes conviés. Il faudra savoir se rendre digne de cet exercice, très lisible par les Français, en le conduisant conformément à nos valeurs républicaines. Il faudra le mener sans passion et sans intégrisme : c'est pourquoi la thèse du mandat unique me semble inappropriée.

De même, il faut travailler à maintenir un lien permanent entre l'exercice des fonctions parlementaires et le terrain, non seulement parce que l'expérience d'élu local permet de nourrir fructueusement le mandat parlementaire, mais aussi parce que le mandat unique aboutirait à une mutation sociologique très forte de la représentation nationale. Les parlementaires, surtout à l'Assemblée nationale, seraient imposés par les appareils politiques et seraient recrutés majoritairement dans l'appareil d'Etat. La technostructure risquerait donc de se retrouver au c_ur de la représentation nationale.

Mme Nicole Feidt : Parmi les thèmes que nous avons déjà abordé, deux d'entre eux mériteraient d'être développés : la transparence et l'accès à la vie politique de nouvelles personnes, en particulier, des femmes. S'agissant de la parité, la place des femmes ne sera certainement pas assurée par la limitation du cumul des mandats. Il faudra trouver d'autres moyens pour introduire la parité dans la vie politique française. Nous sommes tous favorables au non-cumul des mandats, des indemnités, des salaires et des pouvoirs. Les femmes, c'est certain, ne veulent pas cumuler. C'est pourquoi le projet de loi dont nous discutons me paraît intéressant et je remercie notre rapporteur d'avoir souligné la place des femmes dans ce projet.

M. Alain Tourret : Mes propos seront différents de ceux qui ont déjà été tenus. Je considère que les Français sont profondément attachés à leur maire dont le mandat doit rester au centre de la vie politique. Lorsque l'on évoque ce sujet avec nos concitoyens, on s'aperçoit que, pour 98 % d'entre eux, c'est le maire qui compte et qu'ils apprécient. Le conseiller régional est totalement ignoré. Il en est de même pour le conseiller général en ville, même s'il est un peu plus connu à la campagne. Pour le député, l'appréciation dépend de la politique menée au plan national et de sa couleur politique. Or, ces mêmes personnes souhaitent toutes que leur maire devienne parlementaire. En revanche, ils se moquent totalement que leur maire soit conseiller régional ou conseiller général. Dans ces conditions, il ne doit pas exister d'interdiction de cumul entre le mandat de maire et celui de parlementaire. En revanche, tout autre cumul me semble inopportun : je ne vois donc pas pourquoi un maire serait conseiller général ou conseiller régional.

M. Bernard Roman : La démonstration est habile. D'après vous, lorsque l'on interroge la population, les habitants de 36 000 communes souhaitent que leur maire soit député. Or, il n'y a que 577 places de député. Le principe républicain fondamental de l'égalité met donc à bas votre argument.

M. Alain Tourret : Je n'en suis pas convaincu. Selon moi, c'est bien le mandat de maire, et non pas celui de député, qui doit représenter le centre de notre vie publique.

Je voudrais évoquer la question des seuils. Je suis député d'une circonscription comprenant 186 communes d'à peu près 500 habitants. Je constate que les maires des communes de 500 à 1.000 habitants passent la moitié de leur temps dans leur mairie. Le mandat de maire est donc extrêmement prenant pour une raison simple : à partir de 500 habitants, nous rencontrons de nombreux problèmes alors que nous ne disposons d'aucun personnel. Je ne crois absolument pas à la pertinence de l'institution d'un seuil pour les communes de 10.000, 20.000, 30.000 ou 100.000 habitants. Un maire d'une commune de 1.500 habitants, qui se développe, a davantage de travail qu'un maire d'une commune de 30.000 habitant qui ne se développe pas.

S'agissant de l'efficacité et de la présence de l'élu, il faut étendre l'interdiction du cumul à toutes les présidences qu'un maire peut détenir localement : la présidence de district, de syndicat intercommunal... Toutes ces fonctions donnent au maire un surcroît considérable de travail. Ces obligations me semblent, en outre, incompatibles avec la possibilité d'exercer convenablement le travail de législateur. Que le maire fasse donc son travail de maire et qu'il délègue ses autres responsabilités ! Comme maire d'une commune de 1.058 habitants, j'appartiens à neuf syndicats intercommunaux : bien évidemment, je ne suis membre d'aucun d'entre eux, et mes adjoints assument ces responsabilités.

Sur le plan national, l'efficacité est le corollaire de la présence. Après tout, je suis élu depuis le mois de juin et je constate déjà que les moyens techniques des députés sont très faibles. Quand je vois les moyens mis à la disposition de nos collègues américains, je suis effaré. Si l'on veut que les députés soient efficaces, il ne faut pas qu'ils passent l'essentiel de leur temps dans les bibliothèques. Pour ma part, je passe mon temps à procéder moi-même aux recherches nécessaires dans les livres : c'est effectivement une perte de temps monumentale. Alors que nous entendons redonner un rôle fort au Parlement, en particulier en affirmant le pouvoir d'initiative des parlementaires, peut-on considérer que l'on dispose vraiment des moyens suffisants pour exercer nos responsabilités.

M. Marc Dolez : S'agissant du mode de scrutin des élections législatives, en cas de non-cumul avec une fonction exécutive locale, j'ai le sentiment que cette question a été trop brièvement évoquée en considérant le maintien du scrutin majoritaire comme acquis. Certes, le scrutin uninominal majoritaire permet l'ancrage local, mais représente-t-il vraiment une réponse à l'absentéisme ? Il n'est pas certain que le député préoccupé par sa réélection ne consacre pas l'essentiel de son temps à labourer sa circonscription. Lors de son arrivée à Paris, ne continuera-t-il pas alors à se faire l'écho de préoccupations locales ?

Pour ce qui concerne le cumul dans le temps, ne peut-on pas imaginer limiter le nombre de mandats que l'on pourrait exercer consécutivement ?

M. Michel Crépeau : Je partirai d'un principe de philosophie du droit puisque nous avons la chance d'accueillir aujourd'hui des professeurs de droit. S'il est très facile de changer les lois, il est beaucoup plus difficile de changer les m_urs. Je me sens donc beaucoup plus proche de l'école de Bordeaux - celle de Montesquieu - que de celle de Paris, voire de Nanterre. La pire erreur serait de changer les lois contre les m_urs et la volonté générale, comme nous sommes en train de le faire pour deux raisons purement conjoncturelles.

Certes, on a pu constater un certain nombre d'abus manifestes, qu'il convenait de corriger, que l'on a commencé à corriger, et qu'il faut continuer à corriger en limitant le cumul de deux exécutifs locaux. Tous les grands projets relèvent aujourd'hui de financements croisés et détenir deux exécutifs aboutit à des situations malsaines. L'analyse vaut également pour le mandat de député européen et de parlementaire national. Pour les ministres, il faudrait supprimer cette affaire extravagante des suppléants - expression du bonapartisme des années 1958 et surtout 1962 - invention dont le but était de terroriser les ministres qui risquaient à tout moment d'être démissionnés.

Nous avons également assisté à un courant populaire, voire populiste contre les cumulards, comme en 1848, lorsque l'on était contre les 25 francs par jour. Les gens sont beaucoup plus sensibles au cumul des indemnités qu'au cumul des mandats. Or, ils ignorent que les indemnités ont déjà été plafonnées et soumises à l'impôt.

Comme député, mon rôle est d'augmenter les espaces de liberté. La gauche doit augmenter les espaces de liberté. Si les gens veulent voter pour des femmes, ils votent pour des femmes, et je pense que c'est une évolution très salutaire des m_urs. S'ils veulent voter contre un cumulard, il leur suffit de ne pas voter pour une personne déjà élue. S'ils désirent voter pour un cumulard, il leur suffit de voter pour leur maire ou leur conseiller général. On veut tout cadenasser parce que, dans tel ou tel parti, des petits apparatchiks ou des militants se disent que le non-cumul libérera des places et leur donnera leur chance. Or, il faut parler concrètement : les gens qui cumulent sont pour les cumuls, les gens qui n'ont jamais pu cumuler sont contre les cumuls ! C'est aussi simple que cela et c'est profondément humain.

L'exception française existe. Elle est liée à notre histoire par deux cultures. D'une part, la culture de la grande fonction publique, des grandes écoles qui remontent aux légistes de Philippe le Bel, aux intendants de Colbert et, d'autre part, la culture locale, qui est celle d'Etienne Marcel, celle des communes. Je crois que la République a besoin de ces deux cultures, et les maires apportent au Parlement ou au Gouvernement la culture locale, la culture du peuple. Elle est irremplaçable pour la démocratie. J'ai été ministre pendant cinq ans dans un Gouvernement où quelques uns de mes collègues étaient maires. Sur bien des sujets, il aurait été sans doute préférable de les écouter...

La question du cumul est également liée à celle du statut de l'élu. Dans un pays habitué aux passions, aux coups de foudre, le balancier passe de l'extrême gauche à l'extrême droite. Lors d'un coup de torchon, ceux qui résistent sont en général les parlementaires qui sont aussi des élus locaux, des maires : c'est un élément de stabilité et je crois qu'on aurait tort d'oublier notre exception française et notre tradition. Ceux qui veulent tout changer épousent, sans le vouloir certainement, cette espèce de vague qui nourrit l'antiparlementarisme et combattre le cumul des mandats c'est aujourd'hui la façon la plus insidieuse de servir M. Le Pen.

M. Bernard Roman, rapporteur : J'apprécie la verve de Michel Crépeau, mais je ne peux pas laisser dire que ceux qui ont la conviction que la limitation du cumul des mandats est aujourd'hui nécessaire servent les intérêts de M. Le Pen. C'est une façon trop caricaturale de présenter les choses pour qu'elle soit acceptable.

Quarante ans de pratique constitutionnelle depuis 1958 ont montré que la réforme des institutions garantit leur durée. Car aucun organisme vivant ne peut vivre de manière figée, sans être réformé, qu'il s'agisse des institutions, des entreprises ou des services. C'est pourquoi il est tout à fait normal de se poser ce type de question aujourd'hui, et de tenter d'y apporter des réponses sans que des amalgames ou des visions schématiques, telle que celles qui viennent d'être exprimées, mettent en cause la qualité du débat.

Je voudrais simplement, à ce point de la discussion, poser une question d'ordre constitutionnel complémentaire à celles évoquées par M. René Dosière,. La nécessité du recours à une loi organique votée de manière identique par l'Assemblée et le Sénat a été évoquée par certains, en référence à l'article 46 de la Constitution, qui dispose que les lois organiques relatives au Sénat doivent être adoptées dans les mêmes termes par les deux assemblées. Certaines écoles font valoir que cette loi organique ne serait pas relative au Sénat, mais seulement aux sénateurs. C'est une nuance qui ne va pas de soi. Je souhaiterais avoir le point de vue des professeurs de droit présents aujourd'hui sur cette façon d'interpréter les choses.

M. Hubert Hubrecht : Contrairement à ce que M. Michel Crépeau a indiqué, je ne suis pas sûr que le cumul s'inscrive dans la tradition française. Il y a effectivement toujours eu un vide juridique, une absence d'interdiction, mais il n'a jamais existé non plus de pratique systématique du cumul avant le début de la cinquième République. Le cumul s'inscrit dans la pratique de la Constitution de 1958. Je n'ai d'ailleurs lu nulle part d'explication très convaincante indiquant pourquoi cette pratique s'est ainsi systématisée : elle est probablement liée, au fond, au système des ressources et des carrières sous la cinquième République.

M. Guy Carcassonne : Le cumul des mandats concernait 30 % de l'Assemblée nationale sous la troisième République, 45 % sous la quatrième, 95 % sous la cinquième.

M. Hubert Hubrecht : Ces chiffres sont très parlants et illustrent la montée progressive de cette pratique.

Je n'ai pas évoqué l'accès à la candidature, mais c'est une question qu'il faudrait résoudre également dans le cadre d'une réflexion sur le statut de l'élu. Il faut absolument faciliter l'accès aux fonctions politiques.

En ce qui concerne les seuils, j'avoue ne pas être très convaincu par cette idée, tout d'abord parce que, si l'on raisonne en terme d'efficacité, le seuil n'est pas très crédible. En outre, il est très difficile de communiquer sur ce thème et d'expliquer pourquoi on a choisi de le fixer à 20.000, 15.000, ou tout autre chiffre. Les seuils rendent généralement les réformes inintelligibles. Je trouve que l'idée de limiter les mandats des chefs de l'exécutif et de ceux qui exercent des responsabilités est raisonnable. Cette mesure doit s'appliquer à tous, y compris aux maires des petites communes.

J'en arrive à une question plus juridique, celle du scrutin. Faut-il lier le débat sur le cumul des mandats avec celui relatif au mode de scrutin applicable aux élections législatives ? On a évoqué l'idée selon laquelle le maintien du scrutin majoritaire uninominal permettrait de préserver un lien entre l'élu et la réalité locale, ce qui répond à la crainte des opposants à la limitation du cumul des mandats. Pour ma part, je suis contre le cumul des mandats, et j'ajoute aussitôt à scrutin constant, c'est-à-dire dans le cadre du scrutin majoritaire. Il resterait bien sûr le problème de la représentativité des forces politiques, mais c'est un autre débat. Il serait peut-être nécessaire d'élire soixante nouveaux députés à la proportionnelle. Mais pour moi, le scrutin doit rester fondamentalement majoritaire, et il doit l'être d'autant plus qu'on ira vers une absence de cumul des mandats.

J'aborderai maintenant les questions plus précisément constitutionnelles. L'article 24 s'oppose-t-il à une interdiction du cumul pour les sénateurs ? On ne peut répondre par l'affirmative à cette question, parce que l'article 24, s'il existe, ne fait pas cependant du Sénat une chambre fédérale. Il ne fait qu'ajouter un particularisme sénatorial à beaucoup d'autres qui sont déjà inscrits dans la Constitution et il se limite à cela. Personne n'a jamais interprété l'article 24 comme entraînant pour les sénateurs des conséquences en matière de cumul des mandats. Il n'existe pas ici de lien direct, automatique et logique.

A l'inverse, et dans l'état actuel du droit, peut-on traiter différemment les deux chambres du Parlement ? Il me semble que la difficulté réside plutôt ici. Ces deux assemblées expriment toutes les deux la souveraineté nationale. Peut-on, d'après la jurisprudence, traiter différemment la souveraineté nationale selon qu'elle s'exprime au Sénat ou à l'Assemblée ? J'aurai, pour ma part, tendance à considérer que non. Mais il y aura sans doute débat sur ces deux points et je n'ai pas de réponse définitive à apporter en ce domaine.

M. Jean Gicquel : Sur les questions constitutionnelles abordées par M. le rapporteur et M. René Dosière, ma réponse sera modeste, car il appartiendra en définitive au Conseil constitutionnel de se prononcer. Puisqu'une loi organique est nécessaire, sa saisine est obligatoire. Certes le second projet sur lequel vous serez appelés à délibérer est un projet de loi ordinaire, mais je pense qu'il serait souhaitable que le Conseil puisse, le moment venu, être saisi. Quant au troisième projet, qui pour l'instant soulève des difficultés, me semble-t-il, entre les deux têtes de l'exécutif, ce serait une loi constitutionnelle. En conséquence, le Conseil constitutionnel, dans la mesure où il serait saisi, ne pourrait que décliner sa compétence.

La suppression du cumul pour les sénateurs pose-t-elle un problème constitutionnel ? Effectivement, la question mérite d'être posée, parce que l'article 24 charge le Sénat de représenter les collectivités locales. Ce serait effectivement un changement très important apporté au statut du Sénat, et je crois qu'on peut considérer qu'apparaît ici une véritable difficulté constitutionnelle. Notons pourtant que l'article 25 renvoie à une loi organique le soin de définir le champ d'application des incompatibilités. Si on avait vraiment souhaité isoler le cas du Sénat, l'article 25 l'aurait indiqué.

A la question : les seuils posent-ils un problème constitutionnel, je répondrai que le principe d'égalité auquel il a été fait référence est applicable toutes choses égales par ailleurs.

De même, la mise en application rapide de la loi ne poserait absolument pas de difficulté d'ordre constitutionnel, parce que la tradition, et même la législation, veut qu'une interdiction du cumul des mandats n'ait pas d'effet rétroactif. C'est uniquement au moment du renouvellement de leurs mandats que les députés verraient la nouvelle règle s'appliquer à eux.

La question posée par M. le rapporteur est également très importante du point de vue constitutionnel. En effet, qu'est-ce qu'une loi organique relative au Sénat ? Il a fallu attendre une décision du Conseil constitutionnel du 10 juillet 1985 pour le dire. Et encore, dans des termes sur lesquels on peut hésiter : " c'est une loi qui pose, modifie ou abroge des règles concernant le Sénat ". Est-ce vraiment le Sénat en tant que tel qui est directement mis en cause par une réglementation de l'incompatibilité qui pèserait sur ses membres ? Effectivement, cette définition comporte une part d'incertitude, qui fait que les deux interprétations sont possibles. Peut-on trancher cette question avant le début de l'examen des projets de loi ? Tout d'abord je pense que le Secrétariat général du Gouvernement va étudier cette question. Par ailleurs, tout projet de loi implique préalablement un avis du Conseil d'Etat sur la base de l'article 39. Or on sait que le contrôle de constitutionnalité n'est pas le monopole du Conseil constitutionnel, et qu'aujourd'hui les avis du Conseil d'Etat sont de plus en plus importants, cette institution prenant soin d'éviter d'être désavouée, en fin de parcours, par le Conseil constitutionnel. On peut donc imaginer que le Conseil d'Etat veillera tout particulièrement à qualifier cette loi organique, pour savoir si oui ou non elle se rapporte bien au Sénat dans les termes de l'article 46, alinéa quatre.

Pour ce qui concerne la parité, il est évident que, si cet objectif louable doit susciter une mobilisation, j'ai la naïveté de penser que la solution vient d'abord et avant tout des partis politiques. Le Parti socialiste en a fait une démonstration admirable lors des élections législatives de 1997. Ce sont les partis politiques qui feront que la parité sera respectée, et, de ce point de vue, la règle constitutionnelle vient simplement se surajouter ; je n'ose pas dire qu'elle est superfétatoire.

M. Jean-Michel Blanquer : La question de la décentralisation et celle du cumul des mandats ne doivent pas être confondues. Le cumul des mandats a pu servir la centralisation à une époque donnée. Actuellement il peut constituer un frein à une véritable décentralisation.

Cela renvoie plus concrètement à la question précise des seuils. D'un point de vue technique, je ne suis pas non plus très partisan des seuils, parce qu'ils soulèvent un certain nombre de difficultés ; néanmoins ils peuvent constituer une bonne solution de compromis. Et cette solution de compromis, à mon avis, ne peut pas être contredite par l'argument qui consiste à dire qu'un maire d'une commune de moins de 20 000 habitants a plus de travail que celui d'une commune de plus de 20 000 habitants. Dire cela, c'est faire référence à une certaine image de la fonction politique. Est-ce que cela signifie qu'un maire d'une commune de plus de 20 000 habitants ne doit pas être dans sa mairie et peut se contenter de donner à distance quelques ordres ? Affirmer cela c'est accepter les dysfonctionnements de la démocratie locale. En revanche, il est vrai que les maires de petites communes ont besoin d'une plus grande aide technique, mais c'est un autre problème.

Sur les questions d'ordre constitutionnel, je ne voudrais pas revenir sur ce qui a très bien été dit par mes prédécesseurs. On a bien vu que c'est une question d'interprétation et que l'article 24 de la Constitution laissait très ouvert le champ des possibilités. Autrement dit, si le Parlement affiche une volonté affirmée, je doute que le Conseil constitutionnel se montre très conservateur en la matière. Disons simplement que tout ce que l'on peut déduire de sa jurisprudence, c'est que ce qui n'est pas interdit est autorisé.

On peut répondre par l'affirmative à la question posée par M. René Dosière : " une distinction entre députés et sénateurs est-elle constitutionnelle ? ". Cette distinction figure dans la Constitution même. Le sénateur n'est pas un représentant national du même ordre que le député car il représente les collectivités territoriales. J'ai tendance à penser que le problème est plutôt d'ordre politique, mais - si j'ose dire - il est alors le vôtre !

M. Marc Dolez a posé une question sur le mode de scrutin des élections législatives et la possibilité de limiter le cumul des mandats dans le temps. Là encore, la réponse à ces interrogations renvoie à l'idée que l'on se fait du député.

Certains estiment que le député manque de moyens, surtout si on les compare à ceux dont ses homologues occidentaux bénéficient, mais il faut s'attacher aux fonctions exercées par les parlementaires français. Ils perdent souvent beaucoup trop de temps à répondre aux demandes individuelles des administrés, qui n'ont rien à voir avec l'intérêt général, et qui, en quelque sorte, polluent leur fonction. Si certaines règles permettaient au député d'échapper à ce genre de sollicitations, et si l'absence de cumul des mandats lui évitait surtout d'être considéré comme un personnage puissant capable d'intervenir dans les administrations sur des cas personnels, il pourrait dégager un temps précieux pour des actions plus utiles à la République.

Il faut développer le plus en avant possible les conséquences de l'adage de Guy Carcassonne : " ce qui est juridiquement permis devient politiquement obligatoire ". Si le cumul des mandats est interdit, beaucoup d'entre vous, j'en suis persuadé, seront satisfaits de pouvoir ne plus cumuler, de ne plus être obligé de tenir le terrain, puisque les concurrents ne pourront plus le faire non plus.

Pour ce qui est du cumul dans le temps, je voudrais faire appel au droit comparé. Dans les grandes démocraties occidentales, le cumul dans le temps est permis. En revanche, il existe un certain nombre de pays d'Amérique latine dans lesquels ce type de cumul n'est pas autorisé, surtout pour le président, mais aussi pour les parlementaires. C'est le cas, par exemple, au Costa Rica. Dans ce pays, les députés, quand ils perdent leur mandat, deviennent alors souvent maires ou bien reprennent une activité professionnelle. L'alternance des mandats dans le temps pourrait être une manière de répondre à la perte de certains avantages supposés du cumul des mandats. Ainsi quelqu'un qui alterne différentes fonctions, telles que celle de maire et de député, aurait une carrière fort riche d'expériences approfondies.

M. Guy Carcassonne : En réponse à la question posée par le rapporteur, je crois personnellement qu'il sera difficile d'interpréter l'article 46 autrement qu'en considérant qu'une loi organique qui limiterait le cumul des sénateurs concerne le Sénat. Ce serait un risque considérable à mes yeux que de l'analyser autrement. A moins de vider l'article 46 de cette disposition, que par ailleurs je regrette, le Conseil constitutionnel sera obligé de l'appliquer de cette manière.

M. René Dosière demandait si la suppression du cumul pour les sénateurs était conforme à la Constitution. L'article 24 qualifie les électeurs, pas les élus, lorsqu'il dit que le Sénat représente les collectivités territoriales. C'est l'origine du corps électoral qui est visée, et non la qualité de ceux qui ont vocation à être élus.

En ce qui concerne la distinction entre Assemblée nationale et Sénat, la réponse, là encore, se trouve dans la Constitution, mais à l'article 25 : " une loi organique fixe la durée des pouvoirs de chaque assemblée, le nombre de ses membres, leur indemnité, les conditions d'éligibilité, le régimes des inéligibilités et des incompatibilités ". Or il existe déjà des différences entre député et sénateur en matière de condition d'éligibilité, comme vous le savez. Compte tenu de la formulation de cette phrase, rien n'interdit que soient créées de telles différences en matière d'incompatibilité, dès lors évidemment qu'elles respectent les principes généraux de valeur constitutionnelle.

Pour ce qui est de la mise en application rapide des lois que vous allez voter, je la crois techniquement possible, mais je ne suis pas certain qu'elle soit politiquement opportune. Je pense qu'il vaut mieux laisser les cumuls interdits mourir de leur belle mort.

Quant à l'idée de seuil, elle est évidemment constitutionnelle. Personnellement je n'y suis pas tout à fait favorable. Simplement, je fais observer que les raisons de mon hostilité ne sont pas celles qui ont été invoquées ici, à savoir qu'il est plus difficile d'être maire d'une petite commune. En application de la loi de 1985, on peut aujourd'hui être député, président de conseil général et maire d'une commune de moins de 20 000 habitants. Ces seuils sont donc bien constitutionnels. Le législateur, dans sa sagesse, si l'on peut ici parler de sagesse, a estimé qu'on pouvait sans inconvénients cumuler la fonction de maire d'une commune de moins de 20 000 habitants avec deux autres mandats, ce que personnellement je ne crois pas raisonnable. Comme je pense vous l'avoir fait comprendre, je suis hostile au maintien du cumul, même en deçà d'un seuil.

En ce qui concerne le Sénat, il est vrai que nous vivons un système totalement loufoque, hémiplégique... En premier lieu, et pour dire les choses simplement, quand la gauche perd tout, elle perd tout, quand la droite perd tout, elle garde le Sénat. Et ceci ad vitam aeternam. En second lieu, voici une assemblée qui va entrer dans le vingt-et-unième siècle exactement sous la forme qu'elle avait à la sortie du dix-neuvième. En troisième lieu, nous nous trouvons dans une situation constitutionnelle loufoque dans laquelle une réforme qui serait voulue par quarante millions de Français, le Président de la République, le Premier ministre, le Gouvernement et l'unanimité de l'Assemblée nationale butterait indéfiniment sur l'hostilité de 160 sénateurs ! C'est pourquoi, bien que je sois profondément bicamériste, je pense que notre bicamérisme mériterait à tout le moins un bon lifting. Il reste que toutes ces questions, pour importantes qu'elles soient, sont indépendantes de la question du cumul. Par ailleurs, il me semble que le résultat naturel d'une réforme qui interdirait le cumul aux députés mais pas aux sénateurs serait qu'au bout de quelques années, on verrait siéger au Sénat vingt des vingt-deux présidents de région, quatre-vingt dix présidents de conseils généraux et 200 maires ou représentants de communes.

Pour répondre à Mme Feidt, qui me sait pourtant attaché à la place des femmes dans la vie publique et nullement hostile, contrairement à beaucoup de mes collègues, à l'inscription de la parité dans la constitution, je dirai là encore que c'est un sujet indépendant de celui du cumul des mandats.

Il en est de même des modes de scrutin. Sur ce sujet, toutes les propositions méritent d'être examinées, mais c'est une question qui, si elle n'est pas sans rapport avec le cumul, n'en est pas moins tout à fait autonome.

Sur les remarques de M. Alain Tourret, je suis obligé d'opposer le désaccord le plus formel. Il a, en effet, avancé l'idée selon laquelle le maire doit être au centre de tout. Peut-être suis-je ranci dans mes vieux principes constitutionnels et républicains, mais je ne considère pas que l'Assemblée nationale soit faite pour faciliter la vie de 577 maires. Sa fonction première est de représenter la nation, de représenter le peuple, et en aucun cas d'offrir des moyens supplémentaires à 577 maires sur 36 000. Que l'expérience nous montre qu'il est préférable, pour un maire, d'être aussi député, je vous le concède. C'est précisément pour cela, au nom de l'égalité, que nous luttons contre le cumul. Mais que, pour autant, il faille consacrer ce système, alors là mon désaccord est évidemment total. Ce n'est pas le rôle de l'Assemblée. On ne peut pas accepter une situation dans laquelle 577 élus locaux se réunissent au palais Bourbon, prenant usuellement le nom d'Assemblée nationale.

Pour le reste, j'en appelle au témoignage de M. Michel Inchauspé, puisqu'il se présentait comme le doyen des parlementaires ici présents...

M. Michel Inchauspé : Le plus ancien élu, pas le doyen !

M. Guy Carcassonne : ... en tout cas élu depuis suffisamment longtemps pour pouvoir apporter témoignage de ce qu'étaient les conditions de travail des parlementaires lorsqu'il a été élu pour la première fois. Ils ne disposaient d'aucun assistant, ne bénéficiaient pas d'aide dactylographique ni de bureau. Les moyens de travail des députés sont considérables. Vous avez à votre disposition ce que je considère personnellement être l'administration la plus performante de la République, un corps d'administrateurs absolument exceptionnel, qui est toujours disponible et qui fait du travail formidable, des assistants parlementaires, des groupes qui vous apportent de nombreuses facilités...

Comparons ce qui est comparable. On a parlé des parlementaires américains. Je constate que les sénateurs de Californie ne sont que deux pour quarante millions d'habitants et les représentants de cet Etat quarante, de telle sorte qu'ils représentent chacun un million de personnes. Qu'ils aient des moyens supérieurs aux députés français ne me choque pas.

Il faut, en revanche, comparer les moyens matériels et intellectuels dont vous disposez à l'Assemblée nationale française avec ceux de vos collègues des pays européens. La Chambre des communes ou le Bundestag ont des moyens qui ne sont pas sensiblement supérieurs aux vôtres. De plus, je crois que l'absence de cumul irait plutôt dans le sens d'une meilleure exploitation des moyens dont vous disposez.

Pour ce qui concerne les observations de M. Michel Crépeau, je passerai sur la dernière, selon laquelle, nous tous qui combattons le cumul, serions les alliés insidieux et objectifs de Jean-Marie Le Pen... J'évacue rapidement l'avant-dernière : l'objectif de la gauche est d'augmenter les espaces de liberté. Oui, c'est le cumulard libre dans le poulailler libre ! Mais j'en viens à la première : les m_urs. Vous dites : " ce sont les m_urs françaises ". Les m_urs de qui ? Les m_urs de 577 députés. Ce ne sont pas les m_urs de la France. Certains y sont peut-être favorables - ceux qui décrochent le jack pot en voyant leur maire élu au Parlement le sont sans doute. Mais vous ne pouvez pas faire des trente-huit millions d'électeurs français les complices objectifs d'un cumul dont ils sont les victimes ! Vous ne pouvez pas dire que cela fait partie de leurs m_urs ! Cela fait partie des vôtres. Elles sont respectables, mais ce sont les vôtres.

Mme la Présidente : Nous arrivons au terme de cette réunion. Je voudrais, en votre nom à tous, remercier les quatre éminents professeurs qui, avec leur compétence et leur conviction, nous ont apporté un éclairage précieux sur la question de la limitation du cumul des mandats.

Je rejoins tous les intervenants dans l'idée qu'une réforme de nos institutions est une nécessité vitale. Plus qu'un simple toilettage, c'est à une véritable actualisation du fonctionnement de nos institutions politiques qu'il nous est donné l'occasion de procéder.

Rappelons-le, il ne s'agit pas de nous déterminer en fonction de points de vue moralisateurs. Ils sont parfois les paravents de beaucoup d'hypocrisie, ou bien de tactiques extérieures à l'intérêt général. Pour ma part, je ne pense pas que la question centrale du cumul soit d'ordre moral. Comme cela a été dit, c'est bien la modernité de notre démocratie qui est ici en jeu.

J'ajouterai enfin que nous devrons garder à l'esprit une exigence, celle de l'intelligibilité des dispositions que nous serons amenés à adopter. Les réponses très concrètes et les analyses très précises qui ont été présentées ce matin nous permettront de développer une pédagogie indispensable pour que les réformes soient comprises par l'ensemble des citoyens

*

* *

Audition de M. Jean-Paul Delevoye,
président de l'Association des Maires de France
et de M. Robert Savy,
membre de l'Association des Présidents de conseils régionaux

Mme la Présidente : Nous allons procéder à l'audition de M. Jean-Paul Delevoye, président de l'Association des maires de France et de M. Robert Savy qui représente l'Association des Présidents de conseils régionaux, M. René Garrec qui devait se joindre à lui ne pouvant assister à notre réunion. Par ailleurs, je n'ai pu obtenir la participation de l'Assemblée des présidents de conseils généraux qui n'a pas encore renouvelé ses instances et n'a donc pas souhaité déléguer de représentant.

M. Robert Savy : Sur un sujet tel que le cumul des mandats électoraux, on réagit à partir d'une réflexion et d'une expérience. J'ai vécu le cumul des mandats, puisque j'ai été pendant deux législatures à la fois député et président de conseil régional et j'ai également vécu le non-cumul. On ne choisit pas toujours cette dernière situation mais j'ai pu ainsi comparer les deux états. Cette expérience m'a conduit à considérer que la situation de cumul est pleine d'inconvénients.

Du point de vue des citoyens, la situation de cumul rend plus difficile la lisibilité de nos institutions. Or, notre système administratif est -  on en conviendra  - relativement complexe. Le citoyen ne peut s'y retrouver que lorsqu'une institution s'incarne en un élu : la personnalisation du pouvoir est un phénomène classique et répandu. En revanche, si plusieurs institutions sont incarnées à travers un même élu, l'une dominera et les autres disparaîtront plus ou moins : la lisibilité n'existe plus alors.

Les citoyens ont besoin d'être protégés contre des systèmes de pouvoir qui se construisent sans se l'avouer. Or, le cumul des mandats est un instrument de consolidation d'un système de pouvoir et je ne pense pas ici seulement aux pouvoirs territoriaux. Il y a peut-être une complicité, que l'on avouera jamais, entre les élus territoriaux, qui sont au c_ur de tel ou tel système de pouvoir, et les gouvernements, puisque ceux-ci sont très heureux que les parlementaires soient occupés par l'entretien de leurs systèmes locaux de pouvoir. Les citoyens n'ont rien à gagner à cette tendance au monopole du pouvoir territorial, ni à un comportement gouvernemental à l'abri d'un contrôle parlementaire régulier.

Lorsque je considère mon expérience de parlementaire, je me demande si l'un des mandats n'a pas des conséquences excessives sur la manière dont l'autre est exercé. Quand la loi sur l'administration territoriale de la République est venue en débat à l'Assemblée nationale, une commission spéciale fut instituée et tous les élus territoriaux s'étaient précipités pour siéger dans cette commission. J'ai observé l'attitude des uns et des autres et il m'a semblé que les interventions de mes collègues parlementaires n'étaient pas sans lien avec leurs intérêts d'élu territorial. Ce n'est sans doute pas la meilleure manière de faire la loi. Je me souviens par exemple d'un de mes collègues qui, toutes les fois qu'il était question de réduire les pouvoirs du maire en l'obligeant à s'expliquer, nous démontrait, de manière souvent convaincante, que l'on aboutirait à la paralysie. Il y avait là un signe de ce que la fonction de parlementaire et la fonction d'élu territorial sont par nature différentes et que peu de gens sont capables de tracer une frontière empêchant l'un des mandats d'influencer la manière d'exercer l'autre.

Certains arguments contre la limitation du cumul des mandats ne me paraissent, par ailleurs, pas pouvoir être admis. On fait valoir qu'il peut être utile que le maire d'une grande ville, le président d'un conseil régional ou général soit parlementaire car, ainsi, il accédera beaucoup plus facilement aux responsables et aux informations. C'est vrai, mais alors il faut rendre le cumul obligatoire. Que devient en effet l'élu territorial qui n'est pas parlementaire ? Il sera privé de l'accès plus facile à ces informations et à ces contacts. Je ne nie pas cette réalité mais je ne crois pas que l'on puisse en faire un argument contre la limitation du cumul des mandats. Cet argument a en effet pour conséquence de créer deux catégories d'élus territoriaux : ceux qui pourront accéder à des relations et des informations privilégiées et les autres, cela ne me paraît pas acceptable. Si l'on veut aller dans le sens de la décentralisation -  je suis convaincu que notre pays à un retard colossal en ce domaine par rapport notamment à ses voisins de l'Union européenne  - il faut que les élus territoriaux puissent, en cette seule qualité d'élus territoriaux, accéder aux responsables nationaux et aux informations. On aura progressé dans la reconnaissance des autorités décentralisées quand sera supprimé cet avantage donné aux élus territoriaux détenteurs d'un mandat parlementaire. Aujourd'hui, un élu territorial peut accéder à des informations privilégiées et rencontrer les responsables nationaux, mais cela lui prend beaucoup plus de temps que s'il était parlementaire. Ma double expérience me permet de faire cette constatation.

Voilà les quelques considérations qui me conduisent à souhaiter que la loi que vous voterez soit aussi restrictive que possible.

Mme la Présidente : Monsieur le président, puis-je vous demander de compléter votre propos par des considérations plus spécifiques à la région ? Compte tenu de ce que vous venez de dire sur la décentralisation, pouvez-vous développer la question des rapports entre le mandat local et le mandat parlementaire ?

M. Robert Savy : Je ne pense pas que la région pose de problèmes spécifiques mais je suis convaincu que la fonction de responsable d'un exécutif régional est une fonction à plein temps. Or, aucun mandat politique ne peut s'exercer par délégation à des collaborateurs. Le pouvoir existe toujours et la question est de savoir s'il est exercé par celui élu à cette fin ou par d'autres qu'il a choisis.

M. Bernard Roman, rapporteur : M. Robert Savy a balayé, en se fondant sur sa propre expérience, certains arguments plaidant en faveur du cumul des mandats et il a commencé à formuler des réponses à ceux qui sont favorables à sa perpétuation. M. Jean-Paul Delevoye, comme j'ai pu le constater dans les entretiens antérieurs que j'ai eus avec lui, va nous présenter un point de vue différent.

Mme la Présidente : M. Robert Savy a soulevé le problème fondamental de la lisibilité des institutions. C'est une des clefs de la participation des citoyens à la vie politique, dont les modalités restent, bien entendu, à définir.

M. Jean-Paul Delevoye : L'Association des maires de France, mais cela est aussi vrai pour les partis politiques, a travaillé sur ce sujet et les points de vue sont très divers. Il est donc difficile, au nom de l'Association que je préside, de dégager une position homogène, mais l'on peut dégager un certain nombre de points de convergence.

M. Robert Savy, a évoqué la lisibilité des institutions, troublée par le lobbying du parlementaire détenteur d'un mandat local. Mais, lorsqu'on représente telle ou telle profession, on peut aussi défendre l'intérêt particulier contre l'intérêt national. C'est, dans le contexte de la crise de la citoyenneté, une question de fond. Lorsque l'on étudie avec nos collègues étrangers quels problèmes politiques se posent, le principal est celui de la réalité du pouvoir politique, notamment par rapport au pouvoir financier. Quel est le niveau de la dépense publique et quelle est l'efficacité de l'action publique ? C'est en fonction de cette efficacité que le citoyen adhérera au discours politique. Celui-ci a aujourd'hui l'impression, réelle ou fausse, d'une relative impuissance du pouvoir politique et s'interroge sur son utilité. Ce n'est pas donc tant le procès du cumul que nous devons instruire mais celui de l'efficacité de l'action publique.

Le problème du cumul a été, bien évidemment, abordé dans l'état actuel de la construction de l'administration territoriale. Aujourd'hui, la mécanique des territoires qui se met en place se caractérise par une montée du pouvoir régional, des agglomérations et de l'intercommunalité. Le débat européen de l'année prochaine opposera le fédéralisme à l'allemande à la contractualisation à la française. A partir du moment où l'une ou l'autre de ces voies sera choisie, la question du cumul des mandats devra être abordée de façon éminemment différente. Le fédéralisme à l'allemande implique une indépendance, notamment fiscale, des collectivités régionales et un partage des richesses nationales. L'incompatibilité entre l'exercice d'un mandat local et d'un mandat parlementaire est alors évidente. En revanche, si c'est la voie de la contractualisation à la française qui est choisie, je pense qu'il faudra réfléchir à l'articulation de plus en plus importante entre l'échelon local et l'échelon national.

Nous avons pris des positions sur la lisibilité de l'exercice du pouvoir. Schématiquement, un certain nombre d'entre nous pensent que la fonction de ministre et celle de député européen ne devraient pas être compatibles. Par contre, il faudrait réfléchir à la possibilité pour un ministre de pouvoir retrouver son mandat de parlementaire national lorsqu'il cesse ses fonctions. Le Parlement aurait tout intérêt à s'enrichir de l'expérience gouvernementale d'un ancien ministre. Il faudrait alors changer la Constitution car la France est l'un des deux seuls pays d'Europe à interdire ce cumul dans sa Constitution. Cette interdiction remonte à 1958 et s'explique par une suspicion à l'égard du Parlement.

Au c_ur de la question du cumul des mandats, se trouve celle de la crise de la citoyenneté. Hegel disait qu'il n'y a pas de citoyen sans Etat, ni d'Etat sans citoyen. Le problème a toujours été abordé sous l'angle du rapport entre l'Etat et les collectivités territoriales et, de fait, l'acteur principal qu'est le citoyen a été quelque peu oublié. Tout le problème est donc de retrouver le chemin de la citoyenneté. Nous pensons que l'on pourra y parvenir grâce au couple parlementaire-maire. Sur le plan local, l'articulation avec la réalité nationale, qui devrait remettre en avant l'intérêt général plus que l'intérêt particulier, renforce l'esprit républicain. A l'occasion du 80ème anniversaire de notre association, nous avons publié un livre dans lequel on constate que si depuis le XIIème siècle une suspicion réciproque a opposé le pouvoir central et le pouvoir local, notre République a, dans toutes les crises qu'elle a dû affronter, été sauvée par ses deux piliers que sont l'Etat et la commune.

M. René Dosière : C'est l'Etat qui favorise la corruption !

M. Jean-Paul Delevoye : Monsieur Dosière, vous me donnez l'occasion de parler de notre responsabilité à nous, hommes politiques. Frédéric Bastiat disait, c'était en 1850, que " l'Etat est une fiction qui permet à chacun de vivre au détriment des autres ". Il faut bien admettre qu'en tant que parlementaire nous avons une responsabilité car nous sommes souvent les porteurs d'intérêt catégoriels. Si nous n'y prenons pas garde, la mécanique qui se met en place aujourd'hui risque de provoquer des oppositions franco-françaises. Demain, on verra des députés représentant des retraités dire : " Ne touchez pas à leurs retraites ! ", des députés représentant des jeunes réclamer : " Donnez leur un statut ! "... On voit bien cette mécanique se mettre en place car les riches ont de moins en moins besoin des pauvres, et, en économie comme en sociologie, on accepte de moins en moins le défaut. On le voit aussi avec la montée en puissance des régionalismes. Nous recevons parfois des délégations étrangères et j'ai été très frappé de voir que, par exemple en Chine, les provinces riches ne veulent plus partager au profit des provinces pauvres. Cette logique qui tend à favoriser les intérêts locaux au détriment de l'intérêt national se développe dans tous les pays qui optent pour le fédéralisme. Tout cela me conduit à penser qu'il faut renforcer un Etat péréquateur et régulateur et, pour cela, ne pas casser le couple local-national. Je le pense de manière très profonde et ce n'est pas le point de vue corporatiste du président de l'Association des maires de France que j'exprime.

Par ailleurs, je voudrais souligner le problème de la volatilité civique. Faute de se retrouver dans un Etat stable, nos concitoyens sont en train de se retrouver dans des phénomènes identitaires, qu'ils soient religieux, claniques ou sociaux. L'existence d'une articulation entre l'exercice d'un mandat parlementaire et d'un mandat local contribue à diffuser sur le terrain le sentiment d'une appartenance républicaine. Pour ces raisons, cette articulation me paraît un élément important de stabilité sociologique. Il existe également un problème d'image et M. Robert Savy a eu raison d'évoquer ce problème symbolique. C'est une de nos interrogations les plus profondes et nous sommes en train d'y travailler. Je suis sûr que vous êtes tous confrontés à des problèmes d'agressivité et de violence et que vous constatez cette tendance au mépris du politique, due à son impuissance.

Permettez-moi une parenthèse. Un psychosociologue nous a indiqué que la personnalité comportait trois étages : un étage intellectuel, un étage affectif et émotionnel et un étage physiologique. Il était un temps où la morale religieuse et sa promesse spirituelle ou le progrès matériel offert par la société industrielle permettaient d'accepter un quotidien difficile ; par ailleurs, lorsque nous vivions dans un environnement de l'écrit et de l'oral, il existait une élévation collective et une articulation forte entre l'école parentale, l'école de la rue et l'école républicaine. Une promotion collective, acceptée par chacun, existait, et la mobilisation du politique à travers le Parlement et les élus locaux était davantage tournée vers l'intérêt général que vers le service de certains intérêts. Aujourd'hui, nous vivons dans une civilisation de l'image qui prend la société à revers et qui commence par toucher l'étage physiologique. C'est ce qui explique que l'émotion l'emporte sur l'intelligence, le mensonge sur la vérité, la démagogie, le populisme et l'extrémisme sur l'adhésion positive. Il est donc essentiel de ne pas casser le couple national-local, car le maire est un élément de stabilisation politique par rapport à la pression qui s'exercera de plus en plus sur les élus nationaux devant lutter contre la démagogie, le populisme et l'extrémisme.

Nous avons réfléchi, non pas tant sur le problème du cumul, mais surtout sur celui de l'efficacité de l'action publique. La construction européenne et la mondialisation vont mettre en jeu la performance des territoires au regard des coûts environnementaux, des coûts sociaux et des coûts de la fiscalité locale. La nécessaire articulation entre l'Etat et l'échelon local ne pourra se faire par défaut. Les lois de décentralisation de 1982 méritent une amélioration et l'on voit bien la tentation de l'Etat, tout à fait légitime, de demander aux collectivités locales de s'investir dans l'emploi, dans la sécurité et la justice de proximité. L'Etat régulateur doit donc se doubler d'un Etat accompagnateur. Ainsi, dans le cadre de la future contractualisation des fonds européen ou des fonds du contrat de plan Etat-région, l'Etat devra accepter d'accompagner des initiatives locales de façon à favoriser la responsabilisation du citoyen et l'efficacité de l'action publique. Dans ce processus, une " locomotive " territoriale est nécessaire. Une étude américaine datant des années soixante-dix a montré que les territoires se développaient non par le facteur travail ou le facteur capital, mais par l'identification culturelle qui peut se réaliser par le biais d'un individu capable de dynamiser sa région. On peut citer les exemples du Nord avec Pierre Mauroy, de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur avec Gaston Defferre ou Jean-Claude Gaudin ou encore de l'Aquitaine avec Jacques Chaban-Delmas. Ainsi, la mécanique des territoires que nous voulons enclencher par l'intercommunalité a besoin de références qui ne soient pas en opposition, mais en synergie.

Peu de pays européens se sont dotés de législations sur le cumul des mandats et pourtant celui-ci y est relativement peu fréquent. Il faut se demander ce qui est du ressort des partis politiques et ce qui est du ressort de la loi. Tous les partis politiques sont ainsi confrontés au problème de la limite d'âge et une réflexion sur ce sujet s'impose. Lorsque M. Robert Savy constate que certains projets de loi n'ont pu être votés, qu'ils ont été freinés ou accélérés à cause de la " double casquette " de certains parlementaires, il pointe le problème de l'articulation entre l'intérêt local et l'intérêt national qui rejoint celui du lobbying. Aujourd'hui, il existe une inégalité des citoyens devant l'exercice du mandat parlementaire. La composition sociologique des assemblées en témoigne, car celles-ci comportent beaucoup de retraités et de fonctionnaires. Faut-il renforcer les garanties attachées à l'exercice du mandat parlementaire ? La question se pose aussi pour le mandat local. Est-ce un mandat à temps plein ? Dans quelle mesure faut-il le professionnaliser ? A chaque alternance, des parlementaires battus se retrouvent dans des situations professionnelles difficiles. Certes, c'est un risque inhérent à la vie politique, mais c'est aussi un frein pour celui qui voudrait s'engager au profit des autres. Aussi nous constatons tous que les meilleurs adjoints ou vice-présidents sont souvent des personnes qui ont le temps ou qui bénéficient de la sécurité de l'emploi.

La restauration de l'intérêt national soulève une autre difficulté. Au moment où les morales individuelles disparaissent, sommes-nous capables de restaurer une morale républicaine transcendant les intérêts individuels ? Sommes-nous capables de mobiliser les talents pour construire un collectif dans lequel chacun pourra accepter la différence de l'autre ? Dans un monde de plus en plus mobile, le respect de l'autre est de plus en plus important. Or, nous avons nous-mêmes cultivé la notion d'égoïsme civique.

Pour ces raisons, on peut s'interroger sur la question de savoir si la restauration de l'intérêt national passe par la déconnexion du mandat parlementaire et du mandat local ? Si la réponse est positive, le parlementaire ne devra exercer qu'un seul mandat. Mais ne risque-t-on pas de voir alors le parlementaire, déconnecté de la réalité locale, subir une pression plus forte encore de la part du pouvoir gouvernemental ? En effet, la grande difficulté pour le parlementaire aujourd'hui réside dans les relations entre le Parlement et le Gouvernement. Beaucoup de parlementaires se plaignent de ce que le Gouvernement, quel qu'il soit, ne leur laisse pas de marge de man_uvre. Par ailleurs, la pression de certains lobbies reste forte.

Comment résister à la puissance de l'administration quand les problèmes sont de plus en plus techniques ? Je ne crois pas à l'argument selon lequel le parlementaire à plein temps serait plus compétent, car il est de plus en plus difficile d'être compétent sur tous les sujets et il faut aujourd'hui se contenter d'être spécialiste dans quelques domaines. Quel est donc le rôle du politique par rapport à celui qui détient le savoir ? Le politique doit-il être un spécialiste ou celui qui exerce son bon sens pour concilier la technique et le savoir-faire local ? Dans cette optique, l'enracinement local me paraît important. Celui-ci peut résulter d'un mandat de maire, qui donne une bonne appréhension des préoccupations des citoyens -  même s'il suffit de faire des permanences pour les connaître  - ou d'un mandat exécutif local, qui donne une connaissance des procédures administratives pouvant contribuer à l'amélioration de l'efficacité de l'action publique. En définitive, le parlementaire renforce son indépendance en exerçant un mandat local. On sait la pression que le Gouvernement exerce sur sa majorité parlementaire grâce à la discipline républicaine des groupes politiques. Or, un mandat local lui permet d'être moins dépendant vis-à-vis des appareils.

Il faut aussi tenir compte du fait - et ce n'est pas du tout une critique - que le parlementaire doit se préoccuper de sa réélection. L'opinion souhaite le non-cumul mais sanctionne le parlementaire le plus assidu et donc le moins présent sur le terrain. Dans cette optique, le couple mandat parlementaire-mandat local me paraît bénéfique. Le mandat local donne une prime électorale au parlementaire qui le détient et diminue donc la tentation qui s'impose au parlementaire n'exerçant qu'un seul mandat national d'être plus présent sur le terrain qu'à Paris.

L'intérêt national passe en outre par la contractualisation. La procédure des contrats de plan Etat-région, Etat-pays, Etat-agglomération, doit à mon sens être renforcée : il faut franchir encore une étape dans la décentralisation. L'efficacité de l'action de l'Etat sur le terrain est renforcée par l'action des maires, ce qui me fait encore plaider pour le couple mandat parlementaire-mandat local, et plus encore mandat parlementaire-mandat exécutif. Ceci me conduit à préciser que, selon moi, détient un mandat exécutif celui qui bénéficie d'une délégation de l'exécutif central. Il s'agit donc des adjoints, des présidents d'intercommunalité, des présidents de sociétés d'économie mixte, des présidents d'O.P.A.C., des présidents de certaines associations, comme les comités de tourisme par exemple. La définition de l'exécutif local doit être claire afin d'éviter une concentration du pouvoir local, car on voit aujourd'hui certaines personnes cumuler plusieurs dizaines de présidences. Cette accumulation nuit à l'efficacité de l'exercice de ces fonctions. Je ne pense pas, en revanche, que le cumul d'un mandat parlementaire et d'un mandat local nuise à l'efficacité de l'exercice d'un de ces mandats.

On constate, par ailleurs, aujourd'hui, une tendance accrue de nos concitoyens à recourir au contentieux. La responsabilité pénale et personnelle des élus locaux risque de peser lourd dans le choix de certaines élites locales qui préféreront exercer un mandat parlementaire comportant une responsabilité beaucoup moins lourde et assurant des indemnités plus confortables. Cet élément m'amène également à plaider en faveur du couple mandat parlementaire-mandat local.

Quant à l'efficacité du mandat unique pour les parlementaires, elle implique que l'on réfléchisse au mode de scrutin, car on ne peut déconnecter le parlementaire de l'échelon local et le maintenir prisonnier des intérêts locaux, ce qui pose également le problème du Sénat.

Je pense par ailleurs que le mandat unique risque d'annuler le chemin parcouru sur la voie de la subsidiarité et de la suppression de la tutelle de l'Etat, car il donnera à l'Etat la possibilité d'exercer une tutelle sur les collectivités locales. Dans le débat actuel du partage de la richesse économique et des compétences entre l'Etat et les collectivités locales, nous n'avons aucun intérêt à favoriser une suspicion réciproque ; il faut, au contraire, développer un partenariat de confiance.

S'agissant du problème de la lisibilité des institutions, il faut remarquer d'abord que l'existence du même type de fiscalité au bénéfice de collectivités différentes fait reposer sur le maire la totalité de l'impopularité de l'impôt. Il faudrait, en outre, renforcer la lisibilité du mode de scrutin, car aujourd'hui chaque collectivité locale connaît un mode de scrutin différent.

Le problème du cumul des mandats nous oblige également à réfléchir au problème de l'inéligibilité. Il y a une distorsion entre la sanction attachée au dépassement du plafond des dépenses électorales excessives et l'inéligibilité frappant des manquements graves à la morale républicaine. La limitation du cumul des mandats devrait dans le même temps favoriser une réflexion sur les procédures.

Enfin, je terminerai sur la question du statut de l'élu. Il faut se demander quel doit être le montant et la nature des indemnités de fonctions et s'interroger sur la professionnalisation. L'ambiguïté sur la nature juridique de l'indemnité de fonction doit être levée, ainsi que l'incertitude sur la compatibilité de cette indemnité avec d'autres revenus. Je rappelle le cas de certains maires " RMIstes " faisant l'objet de saisie sur leur indemnité de fonctions. Il faut également s'interroger sur le cas des élus locaux qui perdent ou qui cessent leur activité professionnelle, sur la relation des élus avec leurs employeurs, sur certains organismes créés par la loi et versant des indemnités, je pense aux conseils économiques et sociaux régionaux.

Dans ce débat, on ne peut dire qui a raison et qui a tort. Il est cependant clair que face à la crise du politique à laquelle nous sommes aujourd'hui confrontés, il faut assurer l'efficacité de l'action politique. J'ai tenté de vous montrer que le renforcement de l'articulation entre l'échelon local et l'échelon national était nécessaire au moment où notre société a besoin de retrouver un sentiment d'appartenance à l'idée nationale et une identification sur le plan local.

Mme la Présidente : Puis-je vous demander de préciser votre propos sur le Sénat ? Car, si vous êtes président de l'Association des maires de France, vous êtes par ailleurs sénateur. Il importe en effet de savoir s'il faut imposer le cumul dans les mêmes termes pour les deux assemblées.

M. Jean-Paul Delevoye : La classe politique dans son ensemble doit réfléchir à l'équilibre entre les pouvoirs du Président de la République et ceux du Parlement, à l'équilibre entre le poids des deux chambres et à la relation entre l'Etat et les collectivités locales. Ma conviction est que pour favoriser la lisibilité du scrutin, il faut homogénéiser les durées. Certains plaident en faveur de mandats de cinq ans, je préférerais une durée de six ans. Si les maires, les conseillers généraux et les conseillers régionaux sont élus pour six ans, il serait logique que les sénateurs le soient pour la même durée, puisqu'ils sont les représentants des collectivités locales et je ne vois pas pourquoi les députés ainsi que le Président de la République ne seraient également pas élus pour cette durée. Il serait par ailleurs souhaitable qu'à l'image de la Belgique où, en cas de dissolution, le mandat qui suit va jusqu'au terme normal de la législature précédente, le droit de dissolution ne puisse être exercé qu'une seule fois par législature. Il ne faut pas, en revanche, dissocier l'Assemblée nationale et le Sénat.

Je suis quelque peu terrifié par la diminution de la qualité de l'administration de l'Etat à l'échelon local. Je pense notamment aux activités des directions départementales de l'agriculture (D.D.A.) et des directions départementales de l'équipement (D.D.E.) -  certains élus nous alertent sur ce sujet  - et à la lenteur de certaines procédures. On voit aussi des crédits destinés au logement ne pas être utilisés. Que deviennent dans ces conditions les décisions des assemblées locales qui s'ensablent dans les méandres des procédures administratives ? Un tel déséquilibre est préjudiciable à la préservation de l'esprit républicain. L'autorité de l'Etat doit être restaurée pour que la contractualisation entre l'Etat et les collectivités locales puisse être un exemple pour nos concitoyens. Il faut par ailleurs réfléchir à la délégation de certains pouvoirs pour mieux accompagner les initiatives locales. Les nouvelles technologies de communication devraient ainsi favoriser la concentration des pôles de compétences. Je prends un seul exemple, celui de l'éparpillement des contrôles de légalité qui aboutit à l'affaiblissement des compétences exercées. On pourrait imaginer des relations préfectorales avec des pôles de compétence autour du ministère de l'intérieur rassemblant des spécialistes de la fonction publique territoriale ou encore des marchés publics. Le frein à l'action publique locale que représente la déficience des appareils des administrations d'Etat serait ainsi neutralisé.

Je suis donc favorable à une identité de statut entre les deux assemblées et à une réflexion sur l'efficacité de l'action publique. L'opinion publique, qui appréhende aujourd'hui l'avenir plus en termes de survie qu'en termes d'espoirs de promotion, survalorise le présent et attend donc que le délai entre la prise d'une décision par une autorité locale et l'exécution de cette décision soit le plus court possible.

M. Robert Savy : M. Jean-Paul Delevoye a parlé de fédéralisme, il me semble que l'on en est loin. Aucun courant dans la société ne souhaite que l'Etat cesse de jouer son rôle régulateur et péréquateur. L'unité nationale n'est pas en cause, même si des progrès sont faits sur la voie de la décentralisation. Sur la fonction du Parlement, je suis tout à fait d'accord pour que l'on traite de la même manière l'Assemblée nationale et le Sénat dans la mesure où ils ne sont que les deux chambres d'un même Parlement.

M. Jean-Paul Delevoye s'est demandé si un parlementaire à temps plein était un bon parlementaire. Je ne pense pas que la question se pose en ces termes. Il n'est pas question pour chaque parlementaire d'être compétent dans tous les domaines. Il est en revanche nécessaire que l'institution parlementaire soit en mesure de pouvoir réfléchir sur l'ensemble des problèmes de la société. Par ailleurs, je ne crois pas que le fait pour un parlementaire d'être titulaire d'un mandat local facilite l'enracinement dans la réalité sociale. Le parlementaire n'est pas ce représentant théorique de la nation tel qu'on a pu l'enseigner autrefois : les élus locaux ont souvent tendance à se retrouver ensemble, si bien que tous nous connaissons le petit monde des élus locaux sans forcément connaître la réalité locale.

M. Jean-Paul Delevoye a par ailleurs exprimé sa crainte que la dissociation du couple mandat local-mandat parlementaire ne favorise le rétablissement de la tutelle de l'Etat. Je ferais d'abord remarquer que le contrôle de légalité est nécessaire et, ensuite, qu'il doit s'exercer de la même manière à l'égard de tous les élus locaux. Or, le contrôle préfectoral présente parfois quelques faiblesses, principalement lorsque l'élu local est en même temps un parlementaire important. Cela m'amène à plaider pour que le contrôle de l'Etat puisse s'exercer librement sur tous les élus locaux.

M. Jean-Paul Delevoye : Je ne veux pas entrer dans un débat mais remarquer que, malheureusement, il n'y a pas que sur les collectivités territoriales que le contrôle de l'Etat est à géométrie variable. Cela pose le problème de la restauration de l'éthique de l'action de l'Etat.

M. Bernard Roman : Avant de lancer quelques pistes de réflexion, je voudrais commenter les interventions de nos invités.

De l'intervention de M. Robert Savy, je retiens trois éléments essentiels pour notre débat qui nous guideront également dans notre réflexion sur la modernisation de notre vie politique.

Le premier, c'est la lisibilité. Les citoyens français exigent des élus "lisibles", c'est-à-dire disponibles et pleinement investis dans la mission qui leur a été confiée par le suffrage universel.

Le deuxième élément concerne la confusion d'intérêts. Certains le rattachent à des références morales que je récuse, car elles se rapportent à des engagements philosophiques qui ne sont pas toujours les mêmes. La confusion d'intérêts est une réalité que l'histoire récente du Parlement a démontrée. M. Savy évoquait l'exemple de la loi relative à l'administration territoriale de la République. On pourrait également se référer à la loi d'orientation sur la politique de la ville ou à la loi créant la dotation de solidarité urbaine pour constater combien les parlementaires se sont comportés dans ces débats avant tout comme des élus locaux. Certes, ce n'était pas illégitime de leur part puisqu'ils siégeaient à l'Assemblée nationale comme législateurs, porteurs de l'intérêt national, et comme élus locaux, porteurs des intérêts locaux de la population qui avait contribué à leur élection. Nous sommes ainsi en présence d'un choc d'intérêts à l'origine d'une inégalité flagrante à l'échelle d'un territoire comprenant 36 000 communes pour 577 circonscriptions. L'argument selon lequel on représente d'autant mieux les habitants de sa ville que l'on est député constitue donc un élément d'inégalité entre les citoyens, puisque toutes les communes ne peuvent pas être directement représentées à l'Assemblée nationale. Or, je pense que personne ne propose l'obligation d'un cumul des mandats de maire et de député qui nous conduirait à un effectif de 36 000 députés !

Le troisième élément essentiel que je retiens a trait à la déresponsabilisation des élus et à la " technocratisation " de l'exercice du mandat électif résultant du cumul des responsabilités. M. Robert Savy l'a souligné : être président de région et parlementaire, c'est forcément déléguer aux vice-présidents ou encore à des collaborateurs, des directeurs de cabinet, des chargés de mission, des conseillers qui n'ont aucun compte à rendre au suffrage universel et aux citoyens, et qui pourtant détiennent les rênes de la responsabilité et du pouvoir. L'analyse vaut également pour les autres exécutifs territoriaux.

M. Jean-Paul Delevoye a justement insisté sur la crise de la politique dans notre pays. C'est une réalité reconnue par toutes les formations démocratiques représentées au Parlement. Si le diagnostic peut nous rassembler, nous avons sans doute des divergences sur les moyens d'en sortir. A ce sujet, je suis assez surpris de l'argument avancé par M. Jean-Paul Delevoye, selon lequel la crise du politique nous obligerait à tenir compte de l'avis des citoyens qui s'expriment majoritairement contre le cumul. Selon ce raisonnement, si nous voulons préserver le sens de l'Etat auprès des citoyens, il faut préserver le couple maire-député, maire-sénateur, local-national. C'est à ce prix que l'unité nationale serait préservée. Certes, votre analyse est légitime, mais je ne la partage pas, car si votre argumentation est vraie, il faudrait alors sacrifier tous ceux qui ne peuvent pas " profiter " d'élus qui assument à la fois une responsabilité locale et nationale.

Si l'on part du postulat de la crise du politique, un constat très simple doit guider notre réflexion : la société politique, la classe politique ressemble de moins en moins à la société qu'elle est censée représenter. Par conséquent, le cumul des mandats et des fonctions est un des éléments qui contribue, au fil de la vie de la République, à une situation dans laquelle les élus ne cessent de se différencier de la société qu'ils sont censés représenter. C'est particulièrement vrai pour la Vème République qui a vu le cumul se développer constamment. Nous devons donc répondre à certains éléments de cette crise de la citoyenneté par une volonté farouche de limiter le cumul des mandats.

S'agissant de l'indépendance du parlementaire et du rôle du Parlement, je ferais part de mon expérience de nouveau député. En découvrant l'action des parlementaires à l'Assemblée nationale, j'ai été très surpris de découvrir que nous n'exercions pas, faute de disponibilité, notre rôle de contrôle de l'action du Gouvernement. Les constitutionnalises que nous avons déjà entendus ont particulièrement bien mis en lumière ce phénomène. Par contrôle de l'action du Gouvernement, je n'entends pas seulement le contrôle a posteriori de l'exécution du budget, mais la conception de la relation entre l'exécutif et le législatif. Si le Parlement français contrôlait effectivement l'action du Gouvernement et si la commission des finances de l'Assemblée nationale travaillait comme la commission des finances du Parlement britannique, en auditionnant chaque semaine et, quelquefois même, deux fois par semaine, pendant toute la durée de la session, les acteurs de l'action gouvernementale, une affaire comme celle du Crédit lyonnais n'aurait sans doute jamais éclaté, comme l'a bien souligné M. Guy Carcassonne. Les hauts fonctionnaires du ministère du budget n'agiraient plus dans la préparation du budget comme ils le font aujourd'hui. Si les parlementaires étaient disponibles pour exercer leurs missions d'une manière forte, permanente et continue, je suis persuadé que le système fonctionnerait différemment. L'indépendance du rôle du Parlement ne serait plus remise en cause. Bien au contraire, le Parlement pourrait s'investir dans les missions qui sont vraiment les siennes.

Je conclurai sur les conséquences de la limitation du cumul des mandats. Nous évoluons dans un contexte de quinze années de décentralisation, marquée par une évolution des institutions françaises et d'une organisation territoriale de la République nouvelles. La limitation du cumul des mandats aura pour conséquence, sans doute, une forme de révolution culturelle dans la manière d'aborder la fonction élective en France. M. Jean-Paul Delevoye a posé, à juste titre, le problème du statut de l'élu. Les dispositions limitant le cumul des mandats ne seront applicables, au fur et à mesure du renouvellement des mandats, que dans le cadre d'un statut remanié des élus. Le problème de la professionnalisation se posera inévitablement. Cependant, la professionnalisation n'est pas forcément le choix d'une profession par rapport à une mission, comme le suggère M. Delevoye. C'est plutôt le choix d'une mission par rapport à une carrière. Dans ces conditions, la limitation du cumul des mandats représente le meilleur moyen de réconcilier le monde politique avec la société qu'il est censé représenter.

Mme Frédérique Bredin : Je voudrais d'abord remercier M. Robert Savy pour son intervention très intéressante et courageuse, puis poser quelques questions à M. Jean-Paul Delevoye.

Le projet de loi qui nous est proposé prévoit la possibilité, pour un député ou un sénateur d'exercer un autre mandat, notamment celui de conseiller municipal. Cette mesure vous paraît-elle bonne ? S'agissant du cumul des fonctions, le projet de loi prévoit qu'il n'est pas possible pour un député ou un sénateur d'exercer en même temps une fonction exécutive, notamment celle de maire. Cette mesure ne prévoit pas de seuils, contrairement à la loi de 1985. Qu'en pensez-vous ? Par ailleurs, les adjoints ne sont pas compris dans cette délimitation, et la coopération intercommunale n'a pas été visée par le texte, puisqu'elle en a même été explicitement exclue. Les présidents de structures de coopération intercommunales doivent-ils selon vous être compris dans ce type de limitation ?

S'agissant du statut des élus que vous avez évoqué à la fin de votre intervention, il me semble indispensable de prévoir une nouvelle amélioration non seulement pour les parlementaires, mais aussi pour les élus locaux, puisque l'on sait que beaucoup de cumuls sont dus à une volonté de sécurisation des élus locaux. Sans pour autant être irréalisables d'un point de vue financier, pourriez-vous nous suggérer une ou deux mesures à mettre en _uvre ?

M. René Dosière : M. Jean-Paul Delevoye a défendu le couple maire-parlementaire. Les arguments qu'il a mis en avant valent-ils également pour le conseil général et pour le conseil régional ? Il a défendu ce type de cumul au nom de la nécessaire régulation et péréquation qui doivent s'opérer dans notre pays. Or, pour ma part, c'est justement parce que je souhaite cette régulation que je suis opposé au cumul et je pense que M. Robert Savy pourrait donner une illustration concrète du fait qu'il est difficile de mettre en oeuvre la péréquation lorsque l'on se trouve être à la fois élu national et élu local. M. Robert Savy sait que je fais allusion au fonds de péréquation entre les régions, car la difficulté dans le système du cumul - M. Delevoye a parlé, d'ailleurs, de lobby - c'est que ce sont ceux qui en sont les bénéficiaires qui fabriquent les textes. Si aucune modification fondamentale en matière de fonctionnement de notre système administratif n'est prévue, notamment dans le domaine des finances locales, c'est bien parce que les élus défendent les intérêts particuliers de leur collectivité.

S'agissant du statut de l'élu, j'ai déjà contribué à la législation sur ce point. Il ne faut pas trop mélanger les choses. Aujourd'hui, un conseiller général et un conseiller régional disposent d'une indemnité moyenne qui est supérieure au salaire moyen français, y compris dans la fonction publique. Sur ce plan, il ne faudrait donc pas aller plus loin. Le seul problème financier qui subsiste, c'est celui des maires, car il est impossible au maire d'une grande ville d'exercer son activité à plein temps. L'ampleur du problème reste cependant limitée.

M. Christophe Caresche : J'ai bien du mal à comprendre l'argument de la déconnexion avec le local. Les députés sont élus dans le cadre d'un scrutin uninominal de circonscription. Ils ont donc un ancrage local et ils sont aussi sensibles aux problèmes qui se posent au plan local que les élus locaux eux mêmes. L'argument n'a donc pas beaucoup de crédibilité, sauf à changer le mode de scrutin, car il y aurait alors un vrai risque d'éloignement à l'égard de certaines préoccupations. C'est pourquoi je ne suis pas favorable à l'adoption d'un scrutin proportionnel. J'observe, en outre, que le projet de loi prévoit qu'un parlementaire peut continuer à exercer un mandat local. Cet élément permettra d'assurer l'ancrage local, et il me paraît difficile d'avancer l'argument de la déconnexion.

S'agissant de la question des lobbies, je suis assez sceptique à l'idée que les députés-maires puissent constituer un rempart aux groupes de pression. Les maires sont des donneurs d'ordre, ils sont directement impliqués dans l'activité économique et dans la vie des services de leurs commune. Ils peuvent ainsi se montrer beaucoup plus sensible à certains lobbies qu'un député qui n'a pas de responsabilité locale directe.

Par ailleurs, je voudrais demander à M. Jean-Paul Delevoye ce qu'il pense, en tant que président de l'association des maires de France, de la professionnalisation et du niveau des indemnités de certains maires. S'agissant du statut de l'élu, je ne crois pas à la fonctionnarisation des élus. Par nature, un élu est élu et son mandat prend fin le jour où il n'est plus élu. Des filets de sécurité peuvent sans doute être mis en place, mais je ne pense pas que l'on puisse assurer une sécurité absolue aux élus. Ce serait vraiment choquant.

M. Renaud Donnedieu de Vabres : En effet !

M. Christophe Caresche : La fonction publique permet également beaucoup de chose. On constate donc certaines inégalités. Certains défendent cette idée de sécurité absolue, de fonctionnarisation des élus. Je trouve cela paradoxal. En revanche, je pense qu'il faudrait mettre en place, pour certains maires de communes importantes, des indemnités substantielles, alignées, par exemple, sur celles d'un parlementaire. Qu'un président de conseil régional, qu'un président de conseil général ou qu'un maire de grande ville puissent bénéficier d'une indemnité équivalente à celle d'un parlementaire ne me choquerait nullement.

M. Jean-Antoine Léonetti : Je remercie M. Robert Savy pour son expérience vécue et M. Jean-Paul Delevoye qui nous a apporté une vision globale du problème.

Pour améliorer la lisibilité, il faudrait que ceux qui plaident pour le non-cumul des mandats puissent faire un premier essai. Visiblement, ils seront plus facilement élus, mieux reconnus par leurs concitoyens. Nous disposerions, en terme de lisibilité, d'une expérience claire qui permettrait de voir comment la population réagit à l'égard de ceux qui soutiennent le non-cumul face à ceux qui défendent le cumul. Cette expérience serait extrêmement intéressante. On éviterait ainsi de voir le Premier ministre devenir conseiller général, jetant le doute dans l'esprit de nos concitoyens.

Les gens qui sont contre le cumul soutiennent que les cumulards n'ont pas de temps, qu'ils prennent trop d'argent, qu'ils ont trop de pouvoir et qu'ils sont trop indépendants. En fait, ils posent un problème moral. Or, la question est beaucoup plus complexe. Le parlementaire peut-il exercer une autre activité ? Si l'on ne lui permet plus d'être maire, président de conseil général ou régional, il deviendra adjoint avec délégation générale, ou vice-président avec pouvoir total. Il trouvera, on le voit bien, des moyens de contournement. Il faut donc aller jusqu'au bout du raisonnement. Le parlementaire ne doit pas pouvoir cumuler son mandat avec un emploi, parce que certains emplois limitent incontestablement son indépendance. Que me pardonnent les avocats, les professeurs de faculté, ceux qui appartiennent à toute une série de professions dont l'exercice peut interférer avec la manière de gérer l'intérêt national. Le paradoxe, c'est qu'on est mandataire d'une circonscription et élu de la nation. Dans ces conditions, vouloir des élus de la nation indépendants, c'est établir un scrutin de liste ; mais alors, on laissera le pouvoir aux partis politiques qui remplaceront le pouvoir du peuple, puisque l'on ne pourra plus voter qu'en faveur de partis pour des candidats sans ancrage local.

Nous devons avoir une approche globale du problème du cumul des mandats, lequel ne peut pas se faire sans décentralisation réelle et sans évolution vers un régime parlementaire. Actuellement, il n'y a pas d'équivalence des indemnités entre les différentes fonctions. Est-ce plus noble d'être député, maire d'une grande ville, ou maire d'une petite ville ? La question du statut de l'élu doit être posée. Il ne s'agit pas de faire de l'élu un fonctionnaire, mais de lui permettre, pendant une certaine période, d'avoir le confort de retourner à la vie civile, car il n'est ni déloyal, ni infamant de retourner à la vie civile après avoir vécu une vie d'élu.

Enfin, la limitation du cumul des mandats ne se fera pas sans une révision profonde et fondamentale du mode de scrutin. Ou bien on vit dans une politique d'image, comme l'a suggéré M. Jean-Paul Delevoye, et l'on affirme, la main sur le c_ur, qu'il y a des gens qui sont contre le cumul et des gens qui sont pour le cumul, qu'il y a les bons et les méchants : c'est une politique à court terme. Ou bien l'on réfléchit globalement à la manière de restaurer l'image du politique dans notre République : on se retrouve alors obligé de passer par la décentralisation, le régime parlementaire, l'équivalence des indemnités, le statut de l'élu, et les modifications du mode de scrutin.

Je voudrais vous livrer mon expérience personnelle. J'ai été un non-cumulard, puis un cumulard voulu. Mais, avant d'être un non-cumulard, j'ai cumulé une fonction de médecin et une fonction de maire. Savez-vous ce que l'on demande à quelqu'un qui présente les signes d'un syndrome confusionnel ? On commence par lui demander si l'on est en été ou en hiver. Ensuite, on lui demande qui est Président de la République, puis, qui est le maire de sa commune. S'il répond aux trois questions, on peut penser qu'il sait à peu près où il est, dans quel régime il vit et donc qu'il est à peu près orienté dans le temps. Mais personne ne s'est jamais risqué à lui demander qui était président du conseil régional, président du conseil général ou le nom de son député. Si l'on regarde les sondages, on constate qu'une grande partie de notre population ne sait malheureusement pas qui la représente à l'Assemblée nationale. Le maire est sans doute le dernier élu en qui les gens ont confiance. Il serait bien dommage de le priver d'existence à la représentation nationale, d'autant que les gens qui sont maires et qui sont élus comme députés ont passé l'épreuve du suffrage universel.

M. Jean-Paul Delevoye : M. Roman a parlé de la confusion d'intérêts en soulignant que certaines lois votées l'avaient été systématiquement dans le sens de l'intérêt local. Pour ma part, ce qui m'a beaucoup frappé, c'est que depuis la décentralisation, les assemblées, quelle que soit leur couleur politique, ont voté des lois dans lesquelles la participation des collectivités locales au financement des politiques d'Etat n'a pas été freinée. J'en veux pour exemple la mise en place du R.M.I. dont 20 % de la charge incombe aux départements, le plan université 2000, la loi sur les sapeurs-pompiers, ou encore la loi sur la prestation spécifique-dépendance. L'argument selon lequel l'Etat aurait été systématiquement pénalisé par la présence d'élus locaux, au sein des assemblées, ne tient pas, comme le montre, par exemple, le débat sur les systèmes de retraite. En réalité, le vrai débat tourne autour de l'articulation et de la complémentarité entre l'Etat et les collectivités locales.

Mme Frédérique Bredin a posé des questions très pertinentes sur le statut de l'élu. S'agissant du mandat, les positions de l'A.M.F. sont les suivantes : incompatibilité stricte de la fonction ministérielle avec tout autre mandat et toute autre fonction ; c'est pourquoi il nous paraîtrait intéressant de réviser la Constitution pour permettre à un ministre, dont la fonction ministérielle cesse, de revenir automatiquement au sein d'une assemblée parlementaire ; incompatibilité stricte entre le mandat de parlementaire français et le mandat de parlementaire européen, voire entre deux fonctions exécutives locales ; maintien indispensable d'un lien politique entre le plan national et le plan local, en autorisant, à ce titre, le cumul d'un mandat parlementaire national et de la fonction de maire.

Mme Frédérique Bredin a raison de poser la question de la définition de l'exécutif. Les débats sont nombreux au sein de l'A.M.F. Pour ma part, je pense que la définition de l'exécutif doit englober les délégataires du maire. La responsabilité d'un vice-président du conseil général chargé de l'aide sociale, par exemple, est extraordinairement importante. Il me paraît donc indispensable d'englober dans la législation tous ceux qui reçoivent une délégation, y compris les présidents de structures intercommunales. Nous nous sommes même demandés s'il ne fallait pas distinguer l'intercommunalité à fiscalité additionnelle de l'intercommunalité à fiscalité per capita, mais cette distinction serait trop compliquée à mettre en place d'un point de vue législatif. S'agissant des seuils, nous avons, dans un souci de simplification, souhaité ne pas en introduire. Entre un maire dont la commune comprend 500 habitants et un président d'une communauté urbaine de 3 millions d'habitants, nous n'avons pas trouvé de seuil qui ne puisse être contesté.

S'agissant du statut de l'élu local, la question évoquée par M. Christophe Caresche est très pertinente. Devons-nous garantir la sécurisation de la vie politique ? La réponse est négative, sauf à basculer dans la fonctionnarisation. Par contre, il faut rester attentif à l'attractivité concurrentielle des différents mandats. Certaines personnes, en effet, se battent pour tel ou tel mandat, plus sécurisant et qui apporte une indemnité plus confortable. Nous devons réfléchir à la tendance que peut avoir un individu à conduire sa carrière politique en fonction de ses intérêts personnels, ce qui ne fait que renforcer la disparition de l'intérêt général par rapport aux intérêts catégoriels. Ainsi, nous avons pu constater, à l'occasion des élections régionales, un extraordinaire saupoudrage par rapport à des grandes obligations de stratégie d'infrastructure. Il faut donc améliorer l'articulation entre l'intérêt général et l'intérêt particulier et revoir en conséquence les modes d'élection et le statut de l'élu. Mme Frédérique Bredin me demandait de me prononcer sur quelques mesures sur lesquelles nous souhaiterions conduire une réflexion : l'indemnisation nous paraît constituer un vrai problème.

M. Gérard Gouzes : Uniquement pour les maires !

M. Jean-Paul Delevoye : En effet. Cependant, aujourd'hui, certains maires recherchent dans l'intercommunalité des compléments d'indemnité...

M. Gérard Gouzes : C'est le prolongement de leur fonction !

M. Jean-Paul Delevoye : Je ne dis pas que c'est choquant, mais comme il y a un plafonnement de l'indemnité des parlementaires, élus locaux, il faut également réfléchir à un plafond du cumul des indemnités locales. On peut, en effet, se retrouver président de cinq ou six structures intercommunales et cumuler plusieurs indemnités de fonctions. Paradoxalement, nous aboutirions à un équilibre inverse dans lequel l'intérêt local serait supérieur à l'intérêt national. Cette situation pose également le problème de la prise en compte des moyens des parlementaires qui disposent d'une équipe au sein d'une administration locale.

S'agissant de la nature de l'indemnité de fonction, j'aimerais que le Parlement se penche sur cette question, car cette indemnité est mixte, composée d'une part forfaitaire non imposable et d'une part indemnitaire qui a tendance à compenser le manque à gagner. A plusieurs reprises, le ministère de l'intérieur a indiqué qu'il ne s'agissait ni d'un salaire, ni d'un traitement, ni d'une rémunération quelconque. Mais pourquoi, alors, est-elle fiscalisée ? Pourquoi est-elle soumise à la C.S.G. et à des cotisations de retraite obligatoires ? Nous sommes donc en présence d'un flou juridique. A travers l'indemnité de fonction considérée comme un salaire, comme une rémunération ou une indemnité compensatoire, on doit donc s'interroger sur la professionnalisation. S'agissant du renforcement du statut des élus municipaux qui cessent leur activité professionnelle afin de se consacrer à leur mandat, un problème réel d'affiliation au régime social se pose. Des élus affiliés au régime général de sécurité sociale ont droit aux prestations maternité et invalidité, mais ne peuvent pas bénéficier des prestations en espèce, autrement dit, des indemnités journalières. Des élus, en longue maladie, qui avaient quitté leur profession, se sont retrouvés dans une situation dramatique.

Il serait également nécessaire de s'interroger sur la clarification des règles applicables aux élus conservant une activité professionnelle, car le respect des employeurs vis-à-vis de leurs employés élus est à géométrie variable et engendre une inégalité entre élus selon leur situation professionnelle. On observe aussi une grande ignorance des modalités de calcul par l'employeur des cotisations sociales ou de retraite en période d'absence de l'élu. Systématiquement, nous rencontrons des contentieux de cette nature. Nous avons également constaté certaines situations contraires à la loi : par exemple, les conseillers économiques et sociaux régionaux perçoivent en pratique des indemnités alors que la loi ne le prévoit pas. Si nous n'y prenons pas garde, c'est le contentieux qui comblera les lacunes de la loi.

M. René Dosière s'est demandé si mon approche devait être identique pour le maire et pour le président de conseil régional et le président de conseil général. J'observerai, d'une part, que les lois de décentralisation n'ont pas modifié le pouvoir des maires, mais la relation entre l'Etat et les collectivités locales. D'autre part, le maire est porteur, dans sa fonction, de l'autorité de l'Etat. Dans le même temps, les lois de décentralisation ont totalement transformé les pouvoirs des conseils généraux et des conseil régionaux. Autant le conflit d'intérêts peut être recevable pour la région et le département, autant c'est un intérêt commun qui existe entre le parlementaire et le maire. C'est pourquoi je plaide pour le couple parlementaire-maire alors que je suis très réservé sur le couple parlementaire-président du conseil régional ou du conseil général.

S'agissant de la péréquation et de la régulation, le problème relève du législateur et non pas de la présence des élus locaux au sein de l'Assemblée nationale. La péréquation représente 4 % de la taxe professionnelle. Nous avons, à cet égard, nourri des mécanismes suicidaires qui prouvent que la présence des élus locaux à l'Assemblée nationale a rendu asphyxiante tous les systèmes de dotation. A vouloir financer l'intercommunalité, la solidarité urbaine et rurale par des dotations forfaitaires, on neutralise systématiquement l'outil.

M. Christophe Caresche a posé le problème de la déconnexion avec le terrain. Je ne voudrais pas qu'on caricature mes propos. Ce n'est pas parce que l'on est maire que l'on connaît nécessairement mieux les questions locales. En revanche la connaissance des procédures administratives constitue un enrichissement pour le travail parlementaire.

S'agissant des lobbies, tous les dispositifs législatifs dérogatoires mis en _uvre ont été l'expression d'un extraordinaire lobbying. Nous sommes tous soumis à des lobbies industriels, nucléaires, etc... Par sa fonction, le parlementaire se retrouve forcément au centre des lobbies. Comment concilier l'intérêt local et l'intérêt national ? C'est tout le problème.

M. Jean-Antoine Léonetti a évoqué la question de la sanction des électeurs. Dans une période d'instabilité, les électeurs ne sont pas pour ou contre le cumul, mais pour l'homme qui, à leur côté, leur paraît détenir le plus de pouvoir, afin de régler les problèmes quotidiens de la meilleure façon.

M. Robert Savy : Pour ma part, je suis assez d'accord avec les propos qui viennent d'être tenus. S'agissant des indemnités des élus, je voudrais souligner quelques curiosités. Le législateur, dans sa grande sagesse, a pensé que tous les présidents de région devaient percevoir la même indemnité, quelle que soit la dimension de la région. En revanche, l'indemnité est différente pour les conseillers régionaux. Ainsi, le conseiller régional du Limousin reçoit une indemnité très inférieure à celle du conseiller régional d'Ile-de-France. Certes, les problèmes rencontrées en Ile-de-France sont certainement d'une complexité qui nécessite une compétence particulière des élus ! Mais c'est une idée profonde de notre culture administrative, élaborée à partir de l'expérience communale -  celle de strate de population  - qui a prévalu. Or, cette idée devrait être remise en cause, parce qu'il faut bien admettre que le travail d'un conseiller régional de Haute-Corrèze qui se rend à une réunion de travail à Limoges est aussi dévoreur de temps que celui d'un conseiller d'Ile-de-France dont les réunions se déroulent en région parisienne. On ne me fera pas admettre l'idée qu'il faut être moins intelligent ou moins capable pour être conseiller régional dans une région plutôt que dans une autre.

M. Jean-Paul Delevoye a mis en avant l'idée selon laquelle les problèmes locaux seraient ignorés si les élus locaux n'étaient pas en même temps des parlementaires. Cet argument est sans portée. En effet, comme en témoignent les différentes interventions de ce matin, il existe bien d'autres moyens pour les parlementaires de s'informer des réalités locales.

Par ailleurs je ne constate pas de différences fondamentales entre le responsable de l'exécutif départemental ou régional et un maire et je ne vois pas en quoi sa qualité de représentant de l'Etat a une incidence sur le problème dont nous sommes saisis. En revanche, la confusion des rôles peut avoir, dans certaines institutions, des conséquences terribles. Je pense notamment au comité des finances locales, où les habitudes de la D.G.C.L. et les intérêts de chaque catégorie de collectivité territoriale se rencontrent. On y trouve des spécialistes qui discutent avec une satisfaction qui m'étonne toujours. Mais, lorsqu'il est question des mécanismes de la D.G.F., on se retrouve face à un système à bout de souffle, complètement déconnecté de la réalité. Il s'agit là d'un bon exemple de la confusion entre les représentants des intérêts territoriaux et les représentants de la nation. Or, la question des finances locales me semble trop importante pour être confiée aux seuls élus territoriaux. Elle est tellement importante qu'elle nécessiterait d'être traitée par des parlementaires qui auraient en tête le bon fonctionnement des institutions de la nation, et non les intérêts de telle ou telle collectivité territoriale. C'est pourquoi je plaide pour une coupure nette entre la responsabilité nationale et la responsabilité locale.

M. Jean-Paul Delevoye : Pour répondre à M. Robert Savy, le Parlement a voté le pacte de stabilité qui indexait l'évolution des dotations sur la seule inflation. Or, le Parlement demande au comité des finances locales de les répartir entre les différentes strates des collectivités locales. La mission du comité des finances locales est ainsi de partager entre les collectivités une enveloppe qui est maîtrisée en réalité par le Parlement. Dans ce système, l'intérêt national est totalement respecté du fait du contrôle de l'évolution des dépenses publiques locales. Par contre, on ne peut pas nier la présence de différents lobbies, mais, c'est alors le comité des finances locales lui-même qu'il faut changer !

Mme Nicole Ameline : Les principes invoqués pour justifier les projets de loi ne me satisfont pas pleinement. L'exposé des motifs du projet nous explique qu'il s'agit de permettre aux représentants des citoyens de se consacrer plus pleinement à l'exercice de leur mandat. Je ne suis pas sûre que l'efficacité se mesure au temps passé à exercer un mandat et j'ai l'impression que le projet se situe plus dans une logique politique. Le manque de lisibilité des institutions est, plutôt qu'aux personnes, lié aux structures, aux règles de fonctionnement -  je pense notamment à la contractualisation  -, aux financements croisés, aux règles de compétences, à la multiplication des niveaux d'administration territoriale, à la confusion qui règne dans certains guichets d'administrations locales qui - je le dis en plaisantant - inciterait nos concitoyens à devenir centralisateurs, car l'Etat a une lisibilité plus grande que les collectivités locales.

S'agissant de la confusion des intérêts, j'ai été frappée par cet esprit de suspicion. Je me rapproche de ce que dit M. Jean-Paul Delevoye sur l'interactivité positive qui existe entre le niveau local et le niveau national, voire européen. Il me paraît choquant de penser qu'il y a forcément un lobby local alors que je vois plutôt une complémentarité d'approche. On ne peut pas reprocher aux élus d'être d'abord les défenseurs du local et je ne doute pas que si M. Robert Savy avait eu la possibilité de continuer à exercer deux mandats, il aurait assumé pleinement ses deux fonctions.

Nous sommes donc dans une logique politique qui, si elle était menée jusqu'à son terme, nous ferait changer de système institutionnel. Le vrai problème à mon sens est celui de l'organisation territoriale. De deux choses l'une : soit nous poursuivons la décentralisation et l'on peut alors comprendre la nécessité de répartir différemment les responsabilités, soit nous faisons le jeu d'une recentralisation rampante et de l'interventionnisme d'Etat.

Je voudrais demander à M. Jean-Paul Delevoye s'il estime qu'il ne faudrait pas lier cette réforme avec l'évolution territoriale. Je n'ai pas très bien compris s'il était prêt à intégrer les exécutifs régionaux et départementaux dans le champ d'application des incompatibilités. Je pense pour ma part qu'il n'y a pas lieu de faire la distinction entre les exécutifs territoriaux en l'état actuel de la décentralisation.

M. Jacky Darne : J'ai le plaisir de cumuler les fonctions de maire et de parlementaire et je rencontre des difficultés dans ce cumul. L'une d'elle, qui me ferait pencher vers un non-cumul, est la difficulté d'assumer les deux fonctions, ce qui m'a d'ailleurs obligé à cesser toute activité professionnelle. L'interdiction du cumul devrait donc, à mon sens, s'accompagner de mesures destinées à favoriser l'exercice d'une activité professionnelle. La disponibilité de l'élu, pour importante qu'elle soit, est un argument qui ne se suffit pas à lui-même. L'expression politique d'un élu est à mon sens plus pertinente si l'élu est enraciné socialement grâce à l'exercice d'une activité professionnelle. Ce maintien dans l'activité, tant au bénéfice de l'élu local que du parlementaire, devrait être érigé en principe pour permettre une vie politique différente de celle d'aujourd'hui.

Je pense par ailleurs, et je rejoins M. Jean-Paul Delevoye sur ce point, qu'il faudrait imposer un non-cumul de certains mandats locaux. Il est anormal de cumuler des présidences diverses et variées. De plus, je crois que le cumul avec des revenus provenant d'une activité professionnelle privée est une bonne chose. La question du niveau des plafonds se discute. Je considère pour ma part qu'ils sont aujourd'hui globalement suffisants. Je me souviens que lorsque j'étais conseiller régional en Rhône-Alpes, je trouvais les indemnités trop élevées. A l'inverse, je trouve insuffisantes les indemnités de maire, surtout pour les maires des communes de 10.000 à 30.000 habitants. Une redistribution des indemnités, sans augmenter leur montant global, pourrait être faite tout comme on pourrait envisager une façon différente d'organiser le travail avec plus de moyens collectifs et moins de moyens privés.

Mme Nicole Ameline : Je voulais dire à M. Jacky Darne que, s'il n'y a pas d'interdiction stricte du cumul, il n'existe pas en revanche d'obligation de cumuler. On est toujours libre de démissionner d'un de ses mandats.

M. Jacky Darne : Bien sûr, mais nous sommes dans un système de représentation et de compétition qui pousse au cumul. On ne peut pas demander à un individu un comportement en cohérence avec ces convictions dès lors qu'il y a une compétition entre partis et entre personnalités politiques. Si votre fonction de maire vous assure une victoire électorale, votre parti politique vous poussera à la conserver. De plus, la personnalité de l'homme ou de la femme politique entre en jeu. J'ai, comme vous très probablement, un désir de pouvoir et de reconnaissance et c'est pourquoi je sollicite le suffrage des électeurs. Faute d'une interdiction législative, il serait vain de croire à une auto-limitation des hommes politiques dans ce domaine.

M. Renaud Donnedieu de Vabres : J'ai beaucoup apprécié l'exposé de M. Jean-Paul Delevoye. Il a parlé de la nécessité du cumul qui constitue une étape actuelle de la décentralisation. Mais cette étape est marquée par la confusion des responsabilités et nous ne pouvons pas nous satisfaire de la confusion des responsabilités publiques entre l'Etat et les collectivités territoriales. Le seul point sur lequel je ne suis pas tout à fait en accord avec M. Jean-Paul Delevoye, c'est son soutien à la contractualisation tous azimuts à laquelle nous assistons. Cette contractualisation favorise la confusion des responsabilités. Je reconnais votre logique : à partir du moment où l'on constate cette confusion de la décentralisation, on ne peut être que favorable au cumul des responsabilités entre parlementaire et exécutif local.

En 1985, j'avais été le rapporteur du Conseil d'Etat sur le projet de loi sur le cumul des mandats. A l'occasion de ce travail, j'étais tombé sur une déclaration de François Mitterrand qui disait, un peu à contre-pied de ce que proposait son Gouvernement, qu'il fallait que les exécutifs locaux cumulent le maximum de mandats pour résister au pouvoir central. Dans la logique actuelle de la décentralisation, nos concitoyens souhaitent que les maires, les présidents de conseil général ou les présidents de région soient également parlementaires parce que c'est un gage d'efficacité. Il faut une véritable clarification institutionnelle et il faut mettre fin à la contradiction entre les lois de décentralisation, celles sur les compétences du 7 janvier et du 22 juillet 1983 et celle accordant la liberté totale aux collectivités territoriales du 2 mars 1982, puisque les unes spécialisent et interdisent notamment les financements croisés, tandis que l'autre autorise tout le monde à tout faire. Je suis mécontent que le Gouvernement n'ait pas mené une réflexion publique sur la décentralisation préalablement à celle sur le cumul des mandats.

Ma deuxième observation concerne le lien entre les hommes politiques et leurs concitoyens. Mes chers collègues, je vous conjure de ne pas utiliser le terme de classe politique. La classe politique, c'est le ghetto et c'est la rupture de ce lien. Or, les élus sont des porte-parole qui doivent rester au milieu de leurs concitoyens. Il existe une solution relativement simple, évoquée par M. Christophe Caresche, pour maintenir ce lien tout en interdisant au parlementaire d'exercer un mandat exécutif local, c'est de conserver le mode de scrutin actuel pour les législatives et de ne surtout pas rétablir le scrutin proportionnel. En effet, le lien le plus fort du député, c'est celui qui l'unit à sa circonscription et tous nous concrétisons notre mandat localement en étant présent partout, autant, voire plus, que le maire lui-même.

Je crois par ailleurs qu'il faut faire une vraie distinction entre la rémunération et les moyens de fonctionnement. Nous connaissons déjà nous-mêmes cette pratique puisque la distinction est faite entre la rémunération du parlementaire et les indemnités qu'il perçoit pour couvrir ses frais de fonctionnement . Il faut débarrasser ce débat des problèmes financiers relatifs aux indemnités des élus parce qu'il y a là une contradiction. Les Français souhaitent que leurs parlementaires restent maires, mais trouvent anormal le cumul financier. Il faut donc séparer les deux débats. Il faudrait à cet égard envisager que les parlementaires exerçant un mandat de maire n'aient pas droit à une indemnité supplémentaire.

Enfin, il faut bien mesurer ce que signifie pour les parlementaires exerçant un mandat de maire, le fait de perdre ce mandat. Je vais prendre un exemple un peu trivial, celui de la commémoration de la victoire de 1945. Les députés qui ne sont pas maire doivent vérifier par leurs propres moyens qu'une gerbe a bien été achetée et ils devront la payer eux-mêmes. Un maire n'est pas au courant de ces problèmes de logistique, il ne sait pas ce que c'est qu'un contrat de téléphone, un contrat d'informatique ou encore la location d'une permanence. Vous ne pouvez pas nier qu'il y ait une véritable inégalité dans les moyens de fonctionnement et je pense que l'Assemblée nationale devrait donner aux députés la possibilité d'engager un ou deux collaborateurs supplémentaires afin de pouvoir être aussi efficace qu'une municipalité, c'est-à-dire pouvoir répondre au téléphone de huit heures à vingt heures, répondre très rapidement au courrier, etc... Les députés n'ont pas des moyens suffisants pour exercer efficacement leur mandat, surtout, comme c'est mon cas, lorsqu'il faut affronter la concurrence d'un député-maire d'une grande ville.

M. Christophe Caresche : Il faut adopter le projet de loi pour résoudre le problème !

M. Gérard Gouzes : La question du cumul des mandats soulève de multiples difficultés : celles relatives au statut de l'élu, aux indemnités, à la durée du mandat. Sur ce dernier point, je pense qu'il n'est pas bon d'avoir une multiplicité des durées de mandat. Quant au statut de l'élu, je constate que l'Assemblée actuelle compte deux cent cinquante fonctionnaires ; quand l'avocat devient député, je prends mon propre exemple, il doit savoir abandonner sa clientèle.

Autre difficulté, celle relative aux modes de scrutin qui sont extrêmement variés. Se pose aussi la question de la concomitance des élections. Aux Etats-Unis, pays moderne, les citoyens votent pour plusieurs élections en une seule fois et de manière électronique. Cette réalité soulève des difficultés très concrètes, par exemple aux maires qui doivent organiser deux bureaux de vote différents pour les élections régionales et pour les élections cantonales. Il faut aussi s'interroger sur le droit de dissolution : comment accepter que des hommes ou des femmes qui abandonnent tout pour devenir député accomplissent une partie de leur mandat et se retrouvent une fois battus dans une situation difficile ? La réforme de la législation sur le cumul des mandats apparaît donc comme un levier susceptible de contribuer à résoudre toutes ces difficultés. La crise du politique, qui est au centre de ce débat, ne s'explique pas uniquement par le cumul. D'autres facteurs entrent en jeu : affaires, difficulté du pouvoir politique à résoudre les problèmes des citoyens en raison de la crise économique. En revanche, il est évident que c'est le cumul qui a favorisé l'apparition chez les citoyens de l'idée de classe politique et les gens ne veulent plus de politiciens professionnels éloignés du peuple. Je décèle cinq groupes de mandats et fonctions qu'il faut rendre incompatibles : mandat régional, mandat départemental, mandat de maire d'une grande ville, mandat de parlementaire, fonctions ministérielles.

M. René Dosière : Je voudrais demander à M. Jean-Paul Delevoye s'il considère comme une régulation l'attitude des députés-maires qui votent en tant que député une limitation des dépenses de l'Etat et donc des dotations aux collectivités, tout en votant comme maire une augmentation de la fiscalité locale parce que les dotations de l'Etat sont insuffisantes ? Est-ce de la régulation ou de la schizophrénie ?

Mme la Présidente : Avant de redonner la parole à nos deux invités, je voudrais souligner que notre débat se centre sur l'ensemble des questions soulevées par les projets de limitation du cumul des mandats, au détriment, me semble-t-il, d'une perspective plus optimiste et constructive. Certes, le projet de loi soulève les problèmes de la clarification de la fonction politique ou de la recherche d'une plus grande efficacité du politique. Cependant, on a tendance à oublier un objectif majeur, celui d'une plus grande participation de nos concitoyens aux responsabilités politiques. Cet objectif devrait nous redonner un peu de courage, ainsi qu'une vision constructive de l'avenir face aux multiples difficultés auxquelles se heurte le législateur lorsqu'il entend modifier la loi sur le cumul des mandats.

Nous ne devons donc pas l'oublier. La limitation du cumul des mandats, c'est également davantage de mandats à pourvoir et, en conséquence, plus de Françaises et de Français amenés à assumer, pour un temps de leur vie, une responsabilité politique. Le problème des moyens d'exercice du mandat est donc un problème sur lequel nous devons travailler, qu'il s'agisse de l'aspect strictement financier, mais aussi, comme l'a souligné M. Renaud Donnedieu de Vabres, des moyens humains et matériels de l'exercice du mandat.

M. Jean-Paul Delevoye : Que les choses soient claires. Je suis un optimiste forcené ! Et je pense que l'on entre en politique que si l'on est un peu utopiste. Toute la difficulté est de rendre nos utopies conformes à la réalité. Je suis convaincu que la classe politique française est d'un haut niveau. Les 500 000 élus locaux, qui chaque jour, accomplissent leur mission avec altruisme, au moment où les égoïsmes se renforcent, constituent une richesse pour notre pays. Alors que la mondialisation développera des inégalités, je suis convaincu que le renforcement du territoire local sera déterminant pour assurer la stabilité de la citoyenneté.

Je me suis mal exprimé, lorsque j'ai évoqué la contractualisation. Ce qu'il fallait comprendre, c'est que l'Etat devra devenir accompagnateur d'initiatives locales. Il doit garantir une évolution de sa masse budgétaire tout en maintenant le souci de l'efficacité de l'action publique. Pour prendre un exemple, un travail extraordinaire est accompli par les élus locaux sur la conurbation Lille-Roubaix-Tourcoing. Ils ont mobilisé des énergies, des intelligences, des compétences fabuleuses pour mettre au point un diagnostic et des propositions d'action. Ils sont ainsi convaincus des solutions à mettre en _uvre. Or, lorsqu'ils s'adressent à l'Etat, celui-ci leur répond qu'il ne peut les accompagner. C'est tout le problème. Aujourd'hui, nous vivons dans un monde extraordinairement évolutif et il n'existe pas de syndicat des métiers de l'avenir. Dès lors, comment faut-il défendre les métiers d'avenir ? Nous nous retrouvons donc contraints de défendre le passé. Dans le même temps, en tant qu'élus locaux, nous sommes contrôlés cinq ans après la mise en _uvre d'un projet par la chambre régionale des comptes et par des services qui nous rétorquent que nous n'aurions pas dû le réaliser. Or, il est plus que jamais nécessaire de libérer les initiatives et les énergies. C'est pourquoi je plaide pour qu'un parlementaire soit également élu local. Il faut quitter le climat actuel de suspicion générale, où l'on invente systématiquement des lois pour les 1 % de tricheurs, et accepter les prises de risque et les initiatives. La contractualisation consiste donc à se mettre d'accord sur un diagnostic, à afficher un objectif pour se retrouver, au final, avec une évaluation qui mettra en lumière nos points d'accords ou de désaccords. Aujourd'hui, nous continuons à défendre des structures dont l'inutilité est telle qu'elle permet de justifier cette inutilité même.

Je suis tout à fait d'accord avec les propos de Mme Nicole Ameline. L'architecture territoriale n'est plus adaptée et doit complètement changer. Une étape supplémentaire de la décentralisation est donc nécessaire. Les lois de décentralisation ont-elles réduit les inégalités entre les territoires ? Non, bien sûr ! M. René Dosière m'a demandé si j'étais schizophrène lorsque j'ai évoqué la maîtrise des dépenses publique et la non-maîtrise de la fiscalité locale. A bien y regarder, cependant, l'obligation pour l'Etat de peser sur les dépenses publiques est réelle, quels que soient les gouvernements.

Lors du sommet mondial d'Istanbul, trois problèmes majeurs ont été abordés : l'articulation entre l'Etat et les collectivités locales, la gestion entre le privé et le public, la participation des citoyens à la dépense publique. Trois autres thèmes y ont été également traités : le pouvoir politique face au pouvoir financier, le niveau de la dépense publique et le partage entre les dépenses publiques actives et passives, l'efficacité de l'action publique. Or, lorsque l'on examine l'articulation des budgets de l'ensemble des collectivités locales, 30 à 50 % des dépenses sont des dépenses de personnel avec une évolution de 2 à 3 points ; des dépenses environnementales, votées par les parlementaires, en hausse de 4 à 5 points ; des dépenses sociales, enfin, qui connaissent une inflation de 6 à 7 points. Dans le même temps, on constate un blocage des recettes dans une période de croissance économique ralentie. On se retrouve donc contraint d'augmenter l'impôt local. Par ailleurs, si la taxe d'habitation se situe entre 250 et 950 francs par habitant et par an, selon les collectivités territoriales, la facture d'eau, au contraire, est passé de 500 à 1800 francs et la facture d'enlèvement des ordures ménagères, de 800 à 3000 francs.

En outre, les problèmes sont identiques avec les évolutions des compétences des collectivités territoriales subies ou voulues par le législateur, puisqu'aujourd'hui, du fait de cette évolution, nous ne sommes plus des bâtisseurs de l'espace, mais des gestionnaires du temps et des questions sociales. Dans ces conditions, une question de fond se pose : peut-on financer une politique sociale dont l'efficacité passe forcément par la proximité, avec des impôts locaux datant de l'époque de la transformation de l'impôt sur le revenu en impôt sur le patrimoine ? Bien évidemment, la réponse est négative, puisque ce sont les collectivités locales les plus pauvres qui doivent faire face aux problèmes sociaux les plus importants. A partir du moment où l'excédent du temps de travail est au c_ur de nos réflexions sur la société, la question de la répartition de la richesse entre l'échelon national et l'échelon local devient incontournable si nous voulons mettre en avant une contractualisation permettant de concilier l'efficacité économique et à la défense de la cohésion sociale. De même, lorsque l'on examine la spécialisation des territoires, certains d'entre eux bénéficient d'une concentration de la taxe professionnelle alors que d'autres n'ont que des concentrations de charges. Il faudra donc inévitablement introduire dans la contractualisation une réflexion sur la péréquation et sur la régulation.

Pour terminer sur le sujet éminemment éthique du cumul des mandats, il faut que les hypocrisies cessent. Ainsi, lorsque l'on soutient qu'il ne faut pas cumuler, et que l'on prend un poste d'adjoint en exerçant les pouvoirs du maire par délégation, l'opinion, une fois de plus, se sent flouée et constate que les politiques, tout en prétendant interdire le cumul, conservent la réalité du pouvoir. Contre cette suspicion toujours possible, il faut clairement affirmer que le parlementaire n'est que parlementaire, ou qu'il peut exercer un autre mandat exécutif.

C'est le local qui apportera des réponses de proximité. A partir du moment où l'individu ne s'identifie plus à l'éthique républicaine, il cherche à justifier ses pulsions, son agressivité, sa réactivité contre l'Etat. Nos espaces sociaux doivent se reconstruire par rapport à une crise de l'identification où notre relation à l'espace, au temps et à l'autre, est devenue une relation de compétitivité, de concurrence et d'agressivité. Nous devons réactiver ce formidable idéal républicain, pour retrouver ce que Renan appelait déjà le " mieux vivre ensemble ", alors que nous vivons aujourd'hui dans le " mal vivre ensemble. "

M. Robert Savy : M. Jean-Paul Delevoye a parlé des inégalités territoriales. Elles constituent, en effet, un des problèmes importants que nous aurons à traiter. Alors que nous sommes attentifs à la cohésion sociale, nous devons également être attentif à la cohésion territoriale. Dès que l'on veut changer les choses, on aperçoit rapidement la complexité de l'opération, et lorsque l'on est conscient des obstacles au changement, on a bien envie de baisser les bras. Mais une telle attitude serait terrible. Certes, des difficultés, des erreurs d'analyse, des dysfonctionnement apparaîtront à l'usage. Néanmoins, il faut absolument commencer à mettre en _uvre le changement pour plusieurs raisons. D'abord, ce sont les élus qui, dans un système politique, doivent exercer le pouvoir, et non pas les fonctionnaires qu'ils ont désignés pour l'exercer à leur place. Il faut donc que chaque élu ait le temps d'exercer pleinement sa fonction. Ensuite, ce pouvoir politique devrait s'exercer au service des citoyens et de leurs besoins plutôt qu'au service des plans de carrière ou des systèmes de pouvoir. Or, aujourd'hui, le cumul d'un certain nombre de mandats conduit incontestablement à la constitution de systèmes de pouvoir. Les présidents de conseil régional ne sont pas plus vertueux que les présidents de conseil général, mais ils exercent des compétences qui les exposent moins à ce type de péché. Ainsi, lorsque dans un conseil général les interlocuteurs sont des maires, tout ce qui consolide le pouvoir du président du conseil général constitue une atteinte à l'autonomie de la plupart des communes. On ne fera rien pour l'autonomie communale si l'on ne s'attaque pas au système de pouvoir dans chaque département. Et lorsque l'on dispose d'un corps électoral captif pour devenir sénateur, je ne pense pas que l'on ait atteint le degré le plus élevé de la démocratie.

L'égalité entre les élus et les collectivités me paraît représenter une réalité qui n'est pas indifférente. M. Renaud Donnedieu de Vabres l'a bien souligné : le député qui est maire et le député qui n'est pas maire ne font pas leur métier dans les mêmes conditions de confort. Le maire qui est député a des facilités pour faire aboutir les dossiers que n'a pas le maire qui n'est pas député. Ce sont des choses élémentaires, mais il faut rappeler qu'elles plaident pour une limitation stricte du cumul des mandats. De plus en plus, nous sommes confrontés aux territoires et à la nation. La décentralisation est un processus inexorable sur lequel nous avons accumulé un grand retard. Elle pousse à l'aggravation des inégalités territoriales. C'est pourquoi le pouvoir central doit être garant de la cohésion. Je pense que ce pouvoir central doit être aux mains de gens qui n'ont d'autres préoccupations que celle de la cohésion sociale. Ils n'ont pas à arbitrer entre les intérêts territoriaux, mais ils ont à exercer une fonction nationale. Cet argument plaide également pour une séparation forte des fonctions nationales et des fonctions territoriales.

M. Bernard Roman : Nous nous rendons compte, lorsque nous abordons le problème du cumul des mandats et de la modernisation de la vie politique, qu'une multitude de problèmes sont impliqués, liés à la décentralisation, à l'organisation des pouvoirs centraux, au rôle du Parlement, au mode se scrutin, à la durée des mandats. D'ailleurs, ce n'est pas un hasard si le Président de la République, comme le Premier ministre, se sont engagés à envisager des éléments globaux de modernisation de la vie politique française.

Face aux projets de loi tendant à limiter le cumul des mandats, deux approches sont possibles. L'une d'entre elle, volontariste, consiste à considérer qu'il s'agit de la première marche d'un escalier, la clé qui ouvrirait le champ immense de la modernisation. C'est le choix du Gouvernement et c'est le choix que je vous propose : avancer fermement sur le cumul des mandats, comme on l'a fait en 1982 avec les lois de décentralisation. Pour la seconde approche, les obstacles sont tellement nombreux qu'il faut tous les surmonter, régler le problème d'une nouvelle étape de la décentralisation avant de pouvoir mettre en _uvre une limitation du cumul des mandats. A n'en pas douter, cette seconde voie nous conduirait à l'échec. Le chantier est tellement immense que nous devons franchir les marches de l'escalier les unes après les autres, et la mécanique ouverte par la limitation du cumul des mandats nous y amènera, comme par surcroît. Face au besoin de modernisation de la vie politique, nous devons nous mettre au travail en franchissant la première marche, celle de la limitation du cumul.

Mme la Présidente : Je remercie vivement M. Robert Savy et M. Jean-Paul Delevoye de leur participation. Ils se sont beaucoup exposés sur un sujet sensible sur lequel ils nous ont fait sentir le poids de leurs convictions. J'ai apprécié dans leur intervention l'éclairage apporté par leur passion et leur vocation. Il me paraît essentiel que l'action d'un élu ne soit pas perçue comme un métier, une carrière, mais comme un engagement. La manière dont ils se sont exprimés en est la preuve.

Ils ont également apporté une grande part de rationalité au débat. M. Robert Savy l'a souligné à juste titre, il est important, lorsque l'on aborde des réformes aussi fondamentales, de savoir rester observateur, spectateur et analyste de la vie politique. Nos deux invités l'ont fait avec beaucoup de talent et de sérieux. Je souhaite, pour ma part, que cette alliance de la passion et de la rationalité guide nos travaux sur un sujet qui engage l'avenir.

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Audition de M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'Intérieur

Mme la présidente : Monsieur le ministre, la commission des lois a déjà commencé à travailler sur les projets de loi tendant à limiter le cumul de certains mandats électoraux et fonctions électives avant même de vous accueillir.

Deux auditions ont déjà eu lieu en présence de la presse. La première le 8 avril 1998, au cours de laquelle nous avons entendu des professeurs de droit et la seconde le 22 avril 1998, qui nous a permis d'entendre M. Jean-Paul Delevoye, président de l'Association des maires de France et M. Robert Savy qui représentait l'Association des présidents de conseils régionaux.

M. le ministre de l'intérieur : Je me réjouis de vous voir très nombreux pour cette réunion de travail autour d'un dispositif limitant les possibilités de cumuls de mandats et de fonctions que M. le Premier ministre avait annoncé lors de son discours de politique générale le 19 juin 1997.

Nos concitoyens souhaitent légitimement que les élus se consacrent pleinement à leurs mandats et on les entend souvent se plaindre de ne pas pouvoir les rencontrer. La recherche d'un meilleur fonctionnement de notre vie publique doit donc nous conduire à aller au devant de leurs aspirations et, en même temps, à favoriser l'accession de nouveaux élus aux responsabilités politiques, je pense tout particulièrement aux femmes. La limitation du cumul des mandats est un des outils qui permet de répondre à ces aspirations.

Plus que toute autre, cette réforme doit tenir compte de la réalité historique et politique de la France, qui n'est pas un Etat fédéral mais forme un unique espace politique. Le sentiment d'une continuité des mandats, du local au régional et au national, du conseil municipal au conseil général, puis au Parlement, puise à l'évidence dans la manière dont s'est constituée historiquement notre nation. Il serait vain de vouloir nier ces réalités qui font partie de notre histoire. Pour réussir, une réforme doit tenir un compte de la situation actuelle, de ses origines, de ses causes.

Dans cet esprit, le Premier ministre a consulté les responsables des principales formations politiques et a recueilli leur sentiment. J'ai moi-même reçu les responsables des grandes associations d'élus, l'Association des maires de France - l'Assemblée des présidents de conseils généraux, l'Association des présidents de conseils régionaux - pour m'entretenir avec eux de ces projets.

La limitation du cumul des mandats proposée par le Gouvernement, loin d'être dogmatique, fixe donc des objectifs susceptibles d'être atteints. La loi de 1985, vous vous en souvenez puisque vous vous y conformez, avait déjà limité à deux mandats le cumul possible. Cependant, les maires des villes de moins de 20.000 habitants n'étaient pas concernés, les parlementaires pouvaient diriger des exécutifs locaux importants, les fonctions de représentant au Parlement européen pouvaient se cumuler avec celles de parlementaire français. Autant de lacunes que laissait subsister le dispositif de 1985, lequel avait marqué, toutefois, il faut le reconnaître avec le recul, une importante avancée.

Je voudrais vous présenter succinctement les différentes mesures envisagées.

Tout d'abord, un projet de loi constitutionnelle. Préparé par le Garde des sceaux, il vise à interdire aux membres du Gouvernement les fonctions de président de conseil général, régional, de maire, de même que la présidence du conseil exécutif de Corse ou la présidence des instances exécutives des territoires d'outre-mer : présidence du gouvernement de la Polynésie française, présidence d'une assemblée de province du territoire de Nouvelle-Calédonie et, le cas échéant, d'autres exécutifs. Cette disposition peut être instaurée par l'usage - c'est ce qui se fait depuis le mois de juin dernier - mais, si nous voulons qu'elle prenne racine, il est souhaitable d'aller vers une réforme de la Constitution. De ce point de vue, le calendrier de l'examen du projet de loi doit être établi d'un commun accord par le Président de la République et le Premier ministre et tenir compte des nombreuses autres modifications constitutionnelles envisagées.

Ensuite, les deux projets de loi soumis aujourd'hui à votre examen traitent de la limitation du cumul des mandats exercés par les parlementaires d'une part, par les autres élus d'autre part. Le projet de loi organique traite en premier lieu des limitations de cumul applicables aux députés et aux sénateurs. L'article L.O. 297 du code électoral indique que les incompatibilités opposables aux sénateurs sont celles qui sont opposables aux députés. La question est donc tranchée : c'est un régime identique qui doit prévaloir pour les sénateurs et pour les députés. Une loi organique était doublement nécessaire : parce qu'il s'agit du statut des parlementaires d'une part, parce que ce régime vaudra pour les territoires d'outre-mer dont les dispositions institutionnelles revêtent un caractère organique en vertu de l'article 74 de notre Constitution d'autre part.

D'abord, le mandat de représentant au Parlement européen ne pourra désormais plus être cumulé avec celui de député ou de sénateur. Le régime des sessions du Parlement européen, l'éloignement du siège à Strasbourg, quand il y siège, ou des lieux de travail à Bruxelles, quand les parlementaires y travaillent, rendent particulièrement difficile l'exercice simultané des mandats de parlementaire national et de représentant au Parlement européen.

M. Pascal Clément : Vous avez raison.

M. le ministre de l'intérieur : Ce point a fait l'unanimité des personnalités consultées. Certes, l'article 5 de l'acte européen du 20 septembre 1976 organisant les élections au Parlement européen indique que le mandat de représentant au Parlement européen est compatible avec celui de parlementaire national, mais il ne s'agit que d'une indication. Valide du point de vue de l'Union, il ne fait pas obstacle à ce que les Etats membres édictent pour leur compte des règles de non-cumul. Cinq pays l'ont fait postérieurement à l'acte de 1976, sans que jamais une procédure en manquement n'ait été introduite, ce qui a conduit le Gouvernement à retenir cette règle.

Ensuite, le mandat de député ou de sénateur deviendra incompatible avec les fonctions de président d'un conseil général, président d'un conseil régional ou maire, président du conseil exécutif de Corse, président du gouvernement de Polynésie française, président d'une assemblée de province du territoire de Nouvelle-Calédonie. Il s'agit d'éviter le cumul avec une fonction exécutive. Le critère retenu, vous en jugerez, est celui de chef d'un exécutif local.

Par ailleurs, un parlementaire ne pourra détenir plus de deux mandats, c'est-à-dire qu'en plus de celui de député ou de sénateur, il ne pourra en détenir qu'un seul autre parmi ceux de conseiller régional, conseiller général, conseiller de Paris, conseiller à l'assemblée de Corse et conseiller municipal. Cela ne l'empêcherait pas d'être adjoint au maire, comme c'est le cas de certains ministres qui ne peuvent plus être maire, mais qui restent adjoint au maire.

Ceux qui ne sont pas favorables à une telle réforme objectent le plus souvent qu'elle risque de priver le Parlement de l'expérience acquise dans les assemblées locales, craignant ainsi une césure entre le terrain et le Parlement. Ce que je viens de vous dire montre que ce risque peut être limité. L'argument n'est guère fondé, dès lors que les députés et les sénateurs pourront être conseillers municipaux, conseillers généraux ou régionaux, vice-présidents d'un conseil régional ou général, adjoints au maire. Ils pourront continuer de participer activement aux assemblées locales, départementales ou régionales, y exercer des responsabilités et demeurer, s'ils le souhaitent, au contact des citoyens. La continuité de l'espace politique français est donc préservée, mais la direction de l'exécutif, qui requiert un engagement constant et complet ne pourra plus être cumulée avec l'exercice d'un mandat parlementaire, sauf si vous deviez en décider autrement.

Un régime transitoire souple est mis en oeuvre. C'est lors du prochain renouvellement de l'un des mandats les plaçant en situation de cumul prohibé que les parlementaires concernés auront à se mettre en règle avec le nouveau régime des incompatibilités. Ils seront autorisés à poursuivre leur mandat jusqu'au prochain renouvellement. Progressivement, à l'image de ce qui fut la règle à partir de 1985, le nouveau système des incompatibilités se mettra en place. Lorsque nous serons entrés en régime de croisière, les modalités selon lesquelles chaque élu devra tirer les conséquences d'une situation d'incompatibilité se trouveront en partie modifiées par rapport à la loi de 1985. Ainsi, à l'avenir, un parlementaire élu à une fonction incompatible disposera de quinze jours pour choisir le mandat auquel il renonce, notez bien ce délai de quinze jours. Passé ce délai, c'est le mandat acquis le plus anciennement qui sera réputé abandonné ; ainsi se trouvera affichée la volonté de mieux respecter le choix des électeurs qui voyaient parfois le nouvel élu démissionner de ses nouvelles fonctions aussitôt après le scrutin, ce qui ne pouvait manquer d'entraîner quelque incompréhension. Soulignons que ces dispositions ne s'appliquent que dans le seul cas où l'élu concerné n'aurait pas opté pour le mandat de son choix dans le délai imparti.

J'en viens maintenant au projet de loi ordinaire qui concerne les représentants au Parlement européen qui ne relèvent pas de la loi organique et les élus non-parlementaires.

S'agissant des représentants au Parlement européen, leur statut sera du point de vue du cumul des mandats identique à celui des parlementaires nationaux. J'ai déjà exposé les raisons qui ont conduit le Gouvernement à interpréter en ce sens les dispositions de l'acte européen du 20 septembre 1976. Les représentants au Parlement européen ne pourront ainsi plus exercer simultanément les fonctions de président de conseil régional, de président de conseil général, de maire ou de président d'une instance exécutive outre-mer. A fortiori ils ne pourront exercer qu'un seul mandat supplémentaire, à choisir parmi ceux de conseiller régional, conseiller général, conseiller de Paris, conseiller à l'assemblée de Corse ou conseiller municipal.

Le projet de loi ordinaire régit également les incompatibilités visant les élus non-parlementaires. La règle retenue fixe à deux mandats seulement le cumul autorisé. Ainsi, un maire pourra être en même temps, soit conseiller général, soit conseiller régional. Il ne pourra cependant cumuler sa fonction de maire avec la direction d'un autre exécutif local élu au suffrage universel direct ; par exemple, il ne pourra pas présider un conseil régional ou un conseil général. Les dispositions actuellement en vigueur interdisant déjà à un président de conseil régional de présider un conseil général, elles resteront en vigueur. De surcroît, un président de conseil régional ne pourra simultanément être maire d'une commune, sauf si vous en décidiez autrement. Un président de conseil général ne pourra pas diriger non plus une région ou une commune, mais bien entendu, dans l'esprit de ce que j'ai rappelé au début de mon intervention, le chef d'un exécutif local pourra exercer simultanément un mandat de conseiller, qu'il soit général, régional ou municipal.

Le même système transitoire que celui prévu par la loi organique est adopté pour la loi ordinaire. Les élus concernés par une incompatibilité à la date de promulgation de la loi pourront continuer à exercer leur mandat jusqu'au prochain renouvellement. Le régime de croisière sera cependant plus strict : le maire, le président de conseil général, le président de conseil régional ou le représentant au Parlement européen qui serait élu à une fonction nouvelle le plaçant en situation d'incompatibilité cesserait aussitôt d'exercer son premier mandat ; il n'aurait pas le délai de quinze jours accordé aux parlementaires. C'est donc l'expression la plus récente du suffrage universel qui l'emportera.

Enfin, le dispositif sera applicable dans les territoires d'outre-mer et les collectivités territoriales d'outre-mer à statut particulier, en assimilant à des mandats et fonctions métropolitains certains des mandats de nature exécutive propres à ces territoires et collectivités, selon une formule déjà retenue par la loi organique du 30 décembre 1985.

Avant de conclure, je voudrais traiter de deux objections qui sont parfois soulevées.

La première tient au fait que ces projets ne concernent pas les établissement publics de coopération intercommunale. Il s'agit, de la part du Gouvernement, d'une volonté délibérée. Nous avons tous le devoir d'encourager l'intercommunalité qui concerne environ 33 millions de Français, c'est-à-dire plus de la moitié de la population. Si elle a progressé dans les zones rurales et dans les petites villes, elle reste très en retard dans les zones urbaines et est même dramatiquement insuffisante dans les agglomérations, là où elle est pourtant le plus nécessaire.

Sans intercommunalité, nous prenons le risque de voir se développer les inégalités, les ségrégations urbaines et sociales. Pour y faire face, il est indispensable de faire qu'au niveau des agglomérations se mettent en place des assemblées capables de définir et de mettre en _uvre des politiques dans le domaine de l'habitat, du développement économique, de l'aménagement de l'espace, des grands services urbains de l'eau, de l'assainissement, de la collecte et du traitement des déchets, des transports publics... J'aurai sans doute l'occasion de revenir devant vous pour présenter un projet de loi traitant de l'organisation de l'espace urbain et des progrès qu'il reste à réaliser en matière d'intercommunalité, un sujet auquel M. Dominique Perben avait déjà travaillé et que j'ai repris, en considérant qu'il est très important. Il s'agit en effet, selon moi, d'une réponse à la ségrégation sociale et au modèle d'apartheid vers lequel nous nous acheminons. Sans l'intercommunalité, nous prendrions en otage les populations les plus pauvres, nous les reléguerions en périphérie, nous verrions les communes-centre s'enrichir. Des communes périphériques s'appauvrissent, des déséquilibres fiscaux se créent et on assiste à des compétitions malsaines pour la taxe professionnelle.

Le Gouvernement est donc résolu à encourager l'intercommunalité et je pense que le Parlement sera vraisemblablement saisi cet automne ou, au plus tard, au début de l'année 1999, des projets de lois. Dans cette perspective, il n'était pas souhaitable que nous donnions un signal contradictoire et incompréhensible, car on ne peut pas vouloir d'un côté encourager le développement de l'intercommunalité et, en même temps, y donner un coup de frein en incluant les fonctions liées à l'intercommunalité dans les règles de non-cumul. Il nous faut réussir à faire travailler ensemble nos communes et nos maires. J'ajoute que si la règle limitant à deux le nombre de mandats pouvant être exercés simultanément s'appliquait aux fonctions liées à l'intercommunalité, elle aboutirait à enfermer un maire président de Syndicat intercommunal à vocation multiple dans sa commune, car elle lui interdirait de devenir conseiller général ou conseiller régional.

Le législateur de 1985 avait, d'autre part, achoppé sur un obstacle d'une autre nature. Il est difficile de distinguer parmi ces établissements publics de coopération intercommunale ceux qui véritablement peuvent être concernés par la règle de non-cumul du fait de l'importance de leurs ressources. Devant cette difficulté majeure, les établissements publics intercommunaux avaient été écartés du dispositif de 1985. On ne peut exclure qu'un jour ils le réintègrent, notamment s'ils venaient à être dirigés par des instances élues au suffrage universel direct ; mais c'est aujourd'hui prématuré et contraire à l'objectif principal que nous voulons atteindre.

J'en viens à la deuxième objection. Beaucoup d'entre vous souhaitent qu'un statut de l'élu accompagne la limitation des cumuls de mandats et de fonctions. Je n'ignore pas la situation de certains élus, en particulier des maires qui souhaitent pouvoir exercer à plein temps leur mandat, mais cette affaire ne peut pas être tranchée à l'occasion d'un texte relatif à la limitation des cumuls de mandats. Le cumul du mandat de maire avec celui de parlementaire, par exemple, n'est pas fondamentalement lié à la question du régime indemnitaire des maires ; d'ailleurs, il ne concerne aujourd'hui que 490 cas sur 36.700.

Une évolution favorable du régime indemnitaire serait sans aucun doute de nature à encourager le mouvement que nous appelons de nos voeux afin d'appeler aux responsabilités électives une nouvelle génération d'hommes et de femmes. Vis-à-vis de nos concitoyens, il me paraît sage de clairement distinguer les règles de non-cumul, d'une part, et le régime indemnitaire des élus, d'autre part, afin de ne pas inspirer de commentaires désagréables sur le fait que la loi compenserait par un régime indemnitaire amélioré les règles de non-cumul qu'elle édicterait. Selon les hypothèses, nous pourrions aboutir à des chiffres très importants qui ne seraient pas acceptés. Le ministre de l'intérieur ne peut que souhaiter une évolution favorable du statut de l'élu portant sur les indemnités, sur la formation, sur la réinsertion professionnelle à l'issue du mandat ; mais la sagesse commande de distinguer clairement la limitation des cumuls et cette évolution nécessaire.

Telle est rapidement présentée l'économie des projets de loi portant limitation du cumul des mandats ; ils expriment un point de vue net de la part du Gouvernement. Le Premier ministre a indiqué que ces projets appelaient un débat approfondi au Parlement. Je crois que votre éclairage sera important et votre rapporteur connaît bien tous les éléments de cette question. Je suis sûr que la représentation nationale saura comprendre les aspirations de nos concitoyens qui souhaitent une clarification des règles afin que leurs élus se consacrent à leurs mandats, tout en intégrant la spécificité de la France et la manière dont la nation s'est formée historiquement. Voilà la perspective que vous ouvre le Gouvernement ; reste, mesdames et messieurs les députés, à en discuter.

M. Bernard Roman, rapporteur : Je souhaiterais, à l'occasion de cette séance de la commission des lois, dire quelques mots sur l'état d'esprit dans lequel nous pourrions aborder ce débat, et, sans évoquer l'ensemble des questions soulevées par ces deux textes, rebondir sur deux problèmes que le ministre a évoqués en conclusion de son intervention.

Tout d'abord, je crois que nous pouvons nous mettre d'accord sur un diagnostic, repris par le Président de la République, le Premier ministre et toutes les personnalités que nous avons entendues, qu'il s'agisse des juristes ou des représentants d'élus. Ce diagnostic, c'est celui d'une certaine forme de crise de la politique, du politique, de la représentation politique dans notre pays. Dès lors que ce diagnostic est établi, il revient à la représentation nationale, avec le concours du Gouvernement, d'assumer son devoir de proposition.

Si je dis cela, c'est parce que je souhaiterais que l'on puisse aborder cette question complexe - le premier ministre a évoqué l'image du fil qui, lorsqu'on le tire, entraîne le reste de la pelote - d'une manière qui ne soit pas excessivement passionnelle. Elle est forcément passionnée. Car il y a, dans l'exercice des mandats, dans la culture du cumul, qui est une culture propre à la Vème République...

M. Pascal Clément : N'est-elle pas plutôt liée à la IVème ?

M. Bernard Roman, rapporteur : Je regrette, mais les chiffres sont parlants : c'est sous la Vème République que la pratique du cumul des mandats s'est accélérée dans notre pays. Nous sommes passés de 30 % des députés en situation de cumul sous la IIIème République, à 43 % sous la IVème, et à près de 75 % aujourd'hui. J'ajoute que si l'on tient compte des fonctions qui ne constituent pas des mandats électifs au sens strict, ce chiffre atteint 90%. Seuls 10 % d'entre nous n'exercent que leur mandat parlementaire, à l'exclusion de tout autre mandat ou fonction.

Cela dit, je tiens à l'affirmer dès le début de notre débat, il ne s'agit pas de faire le procès des " cumulards ". Je regrette d'ailleurs le caractère péjoratif de ce terme qu'il faudrait peut-être remplacer par " cumuleurs ", comme certains le proposent. Il s'agit, en fait, d'envisager la possibilité, à partir des textes proposés par le Gouvernement, d'apporter une réponse à la crise de la représentation politique que nous constatons aujourd'hui dans notre pays. Si nous pouvons avancer d'une manière qui ne soit pas excessivement passionnelle, je crois que nous aurons grandement contribué à résoudre cette crise.

Les auditions auxquelles nous avons procédé le montrent : derrière la question du cumul des mandats, se posent une multitude de questions, sur le rôle du Parlement, sur l'évolution des institutions, de la décentralisation, sur les modes d'élection ou la durée des mandats... Bref, ce qui est en jeu, c'est la construction institutionnelle que nous devons proposer à la France du vingt-et-unième siècle. Et, dans ce but, le Gouvernement nous propose de limiter drastiquement le cumul des fonctions et des mandats.

Cette limitation est basée sur deux principes simples et lisibles, que l'on retrouve dans les deux textes. Le premier est la disponibilité. Il faut que les élus soient disponibles, qu'ils consacrent leur temps à l'exercice du mandat qui leur a été confié par les électeurs. Le deuxième principe, sur lequel les professeurs de droit constitutionnel que nous avons reçus ont beaucoup insisté, qui est respecté chez tous nos voisins européens, c'est la limitation des risques de conflits d'intérêt entre les différentes fonctions. La coupure définitive entre fonction législative et fonction exécutive locale, est une illustration de ce principe. L'impossibilité de cumuler deux fonctions exécutives locales en est une autre.

Ces deux principes constituent le fil conducteur des projets du Gouvernement qui, me semble-t-il, témoignent d'une grande cohérence et d'une grande clarté politiques. Ils peuvent constituer un message en direction des citoyens et une première réponse à la crise du politique, ce qui me semble essentiel.

Il est vrai, néanmoins, que dans l'état actuel de ces textes, un certain nombre de questions subsistent. Je voudrais plus particulièrement revenir sur deux problèmes évoqués par le ministre et tenter d'y apporter une réponse.

Le premier est celui du statut de l'élu. Là encore, la terminologie représente un handicap et je crois qu'il serait préférable d'évoquer, plutôt, une mise en cohérence de la situation des maires avec le principe de la limitation du cumul. Il est clair que le maire est le grand oublié des différentes lois sur le statut de l'élu ; si sa situation n'est pas revalorisée, aucun choix objectif ne pourra être effectué entre le mandat parlementaire et la fonction de maire. Il serait regrettable, au moment où l'on cherche à ouvrir la fonction élective à un plus grand nombre de citoyens, de réserver la fonction de maire à ceux qui en ont les moyens, qui peuvent se consacrer pleinement à leur mission sans avoir besoin de gagner leur vie par ailleurs.

Sur le plan de l'intercommunalité, je partage totalement l'argumentation du ministre qui me paraît très cohérente. Il ne faut pas conduire les maires à se refermer sur leur commune. Il faut, au contraire, les inviter à participer au mouvement de développement de l'intercommunalité. Mais cela doit-il interdire d'intégrer les fonctions exécutives exercées dans un cadre intercommunal dans la limitation du cumul prévue par la loi organique ? Serait-il logique d'interdire à un parlementaire d'exercer un mandat de maire, même dans une petite commune et de l'autoriser à être président d'une communauté urbaine de 600.000, 700.000 ou un million d'habitants ? Une telle différence de traitement serait bien peu compréhensible. Intégrer les fonctions exécutives intercommunales dans le dispositif de la loi organique et les écarter dans le cadre de la loi ordinaire me semble la meilleure façon de concilier la poursuite du mouvement d'intercommunalité et la nécessité de limiter le cumul des mandats.

Mme Frédérique Bredin : Je voudrais tenter de tracer les contours et l'enjeu de notre débat. La réforme proposée n'a pas pour seul objet d'instituer de nouvelles incompatibilités, ce qui en limiterait la portée, mais de constituer une première étape vers un rééquilibrage réel et profond de nos institutions que le Gouvernement, comme le Parlement, appellent de leurs v_ux. La Constitution de la Vème République ne donne pas au Parlement les pouvoirs qu'il devrait pouvoir exercer. Elle a été, au moins dans sa pratique, la source de nombreuses déceptions. Il s'agit donc de rééquilibrer les institutions, de les moderniser, en renforçant notamment le rôle du Parlement. C'est à cela que tend la limitation du cumul des mandats et des fonctions.

Je souhaiterais interroger le ministre sur certains aspects de la réforme proposée. Contrairement aux lois de 1985, les projets de loi ne comportent pas de seuil pour l'application aux maires de la limitation du cumul. Cela me semble compréhensible, mais j'aimerais, sur ce point, entendre les arguments du ministre.

Par ailleurs, la définition de la fonction exécutive suscite un débat parmi les députés. Faut-il la limiter au seul mandat de maire ou de président d'assemblée départementale ou régionale, ou doit-on y inclure les fonctions d'adjoint, de conseiller délégué ou de vice-président dans les conseils généraux ou régionaux ?

En ce qui concerne les fonctions exercées dans un cadre intercommunal, sans doute peut-on envisager de les intégrer dans la limitation du cumul prévue par la loi organique, alors qu'elles seraient écartées du cadre de la loi ordinaire, ce qui serait une façon de répondre au souci légitime de ne pas nuire au développement de l'intercommunalité, que personne ne souhaite entraver.

Enfin, je souhaiterais souligner qu'il y a, non pas des oublis, mais quelques silences qu'il faut évoquer.

Le premier concerne le statut des élus. Même si cette expression comporte une connotation corporatiste, je pense qu'il serait paradoxal qu'un texte, dont le but est de donner à chaque élu le temps et les moyens d'exercer convenablement le mandat qui lui a été confié, n'aborde pas cette question. Nous savons, en effet, que beaucoup de maires détiennent un autre mandat pour disposer des moyens nécessaires à l'exercice de leurs fonctions. Ne serait-il pas, dès lors, nécessaire d'améliorer la situation des maires ? Je crois qu'il est important que la loi que nous allons voter n'apporte pas seulement des limitations, des contraintes supplémentaires, mais permette d'accroître les moyens d'action des élus, en particulier locaux, afin qu'ils puissent travailler convenablement.

Le deuxième silence des projets de loi concerne les incompatibilités professionnelles. Si les principes conduisant à limiter le cumul des mandats et des fonctions sont la disponibilité et le souci d'éviter les conflits d'intérêt, ne faut-il pas prendre en compte également les activités professionnelles privées ?

Enfin, le Gouvernement envisage-t-il de donner au Parlement des signes pour le convaincre que ces textes vont dans le sens d'une modernisation de nos institutions et d'un renforcement du rôle du Parlement ?

M. Jean-Luc Warsmann : Je souhaiterais que M. le ministre m'explique les raisons de certaines lacunes que comportent les projets de loi qui nous sont soumis.

Premièrement, aucune limite d'âge n'est prévue pour se présenter à une élection. Est-ce volontaire ? Quels sont les arguments qui plaident pour cette solution ?

Deuxièmement, tous les mandats de chef d'un exécutif local sont visés, quelle que soit la taille de la collectivité concernée, alors qu'aucune limite au cumul n'est prévue s'agissant des vice-présidences et des délégations. N'est-ce pas paradoxal ?

Pour illustrer le problème que soulève ce choix, je prendrais l'exemple des ministres. Pensez-vous que les Français soient dupes lorsqu'ils apprennent qu'un ministre démissionne de son mandat de maire pour devenir premier adjoint, parfois avec délégation ? On m'a rapporté que, dans certains cas, le ministre et l'ancien premier adjoint avaient conservé leur bureau, se contentant de changer les plaques sur la porte !

M. le ministre de l'intérieur : Venez chez moi, vous verrez qu'il n'en est rien !

M. Jean-Luc Warsmann : Quoi qu'il en soit, ne craignez-vous pas qu'en écartant de la limitation du cumul les vice-présidences et les fonctions d'adjoints, on ne se limite à un effet d'annonce sans conséquence sur la réalité ?

Troisièmement, je voudrais en revenir à la question des structures intercommunales. Je ne suis pas convaincu que pour favoriser l'intercommunalité, ce qui est effectivement une nécessité, il faut éviter de décourager les candidatures à des présidences d'organismes intercommunaux, et donc exclure celles-ci de la limitation du cumul. Cet argument ne me semble pas très cohérent. Croyez-vous que les dispositions des projets relatives aux mandats de président de conseil général, de président de conseil régional ou de maire vont décourager les candidatures à ces postes ? J'ai tendance à penser qu'il y aura toujours assez de candidats ! D'ailleurs, le raisonnement peut très bien se retourner. On peut considérer que le fait de ne pas intégrer dans la loi les fonctions intercommunales signifie qu'on ne leur attache qu'une importance secondaire. Quoi qu'il en soit, je crois que ce sujet mérite une réflexion. Est-il satisfaisant de pouvoir être, tout à la fois, vice-président d'un exécutif local, délégué, président d'un office d'H.L.M., président d'une société d'économie mixte...

Enfin, le débat sur le cumul des mandats et des fonctions reste assez technique. Ne serait-il pas plus urgent d'engager une réforme de la répartition des compétences entre les différentes collectivités ? Voilà un problème qui concerne directement les Français.

Mme la Présidente : La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz : M. le ministre de l'intérieur, premier adjoint au maire de Belfort, a présenté avec beaucoup de distinction et d'élégance des textes qui, sur de nombreux points nous satisfont. Qui pourrait être opposé à des dispositions interdisant d'être à la fois député et parlementaire européen, président d'un conseil général et d'un conseil régional ? C'est le bon sens, et cela constitue un progrès certain par rapport aux lois précédentes.

En revanche, dans le contexte politique actuel, je suis très réservé sur le fait de vouloir séparer complètement les fonctions exécutives locales du mandat de parlementaire. Quand on voit l'évolution de la société française, les problèmes de sécurité qui se posent dans les communes, la montée du Front national et les collusions qui se préparent, je crois qu'il ne faut pas démanteler le pouvoir des maires démocrates. Bien sûr, si l'on faisait réaliser un sondage, les Français seraient majoritairement en faveur de la limitation la plus drastique, parce que, pour eux, cumuler les mandats et les fonctions, c'est additionner les indemnités et les avantages...

Ma première question concerne la loi organique qui doit être votée en termes identiques par les deux assemblées du Parlement. Si le Sénat ne suivait pas l'Assemblée nationale, que se passerait-il ? Les élus qui continueraient à pratiquer le cumul seraient montrés du doigt et considérés comme des conservateurs accrochés à leurs mandats !

Dans les discussions préparatoires que nous avons eues sur ce sujet, on a dit que la limitation du cumul des mandats était la première marche d'un escalier qui mènerait à la modernisation et à la démocratisation de notre vie publique. Soit. Mais pour changer la constitution de la Vème République, il faut l'accord de nombreux partenaires. Or, je ne suis pas sûr que le Président de la République soit favorable à une révision constitutionnelle qui donnerait au Parlement français des pouvoirs comparables à ceux que détiennent les parlements modernes. Si l'on compare les pouvoirs de notre Assemblée avec ceux de la Chambre des Communes, du Bundestag, des assemblées italienne, espagnole ou américaine, on constate qu'ils sont loin d'être les mêmes, que ce soit dans les textes ou dans la pratique. Je crains fort qu'après avoir gravi la première marche, nous en restions là !

J'en viens donc à ma deuxième question : ne faut-il pas modifier la pratique gouvernementale ? Ce n'est pas seulement le Gouvernement actuel que je mets en cause, car il existe une constante dans la conduite des gouvernements, qu'ils soient de gauche comme de droite. J'en prendrai pour exemple la différence qui existe entre le budget voté par nos assemblées et celui qui est exécuté après la régulation budgétaire ! On se bat pendant des semaines pour déplacer cinq milliards de francs sur un total de 1.300 milliards et la régulation budgétaire fait tomber ou gèle des dizaines de milliards ! Nous votons les lois, mais leur exécution dépend des décrets d'application qui sortent ou ne sortent pas. Le rapporteur du projet de loi sur l'immigration ne souhaiterait-il pas être associé à l'élaboration de ses décrets d'application ? Le Parlement ne devrait-il pas exercer son pouvoir de contrôle en aval du vote qu'il émet ? Sans doute serait-il souhaitable de limiter drastiquement le cumul des mandats à condition que les 577 députés aient quelque chose à faire, et ne se contentent pas d'un rôle de figurant.

On a créé les " niches parlementaires ". Comme l'a très bien expliqué le président de l'Assemblée nationale, ce n'est pas suffisant pour rendre des pouvoirs au Parlement. D'ailleurs, le Petit Robert nous apprend qu'une niche est " une anfractuosité d'un rocher dans laquelle on place un objet décoratif " ! Quel sens a le droit d'initiative de l'Assemblée nationale dès lors qu'il ne peut s'exercer que le vendredi, lorsque la plupart des députés sont dans leur circonscription. On pourrait évoquer le vote bloqué, ou l'article 49-3 de la Constitution. Sans même remettre en cause fondamentalement les institutions, car leur réforme prendra du temps, il serait déjà souhaitable, si l'on veut qu'une limitation du cumul des mandats soit efficace, de s'orienter vers une autre pratique des relations entre le Gouvernement et le Parlement.

M. Dominique Perben : Je voudrais intervenir sur le seul aspect des projets de loi qui me semble véritablement important du point de vue politique : l'incompatibilité qu'il est proposé d'instituer entre le mandat parlementaire et les fonctions de président d'un exécutif local. Le reste ne changera pas grand chose au fonctionnement des institutions de la République.

Je voudrais vous faire part, Monsieur le ministre, d'une réflexion à laquelle m'ont conduit les différentes fonctions que j'ai pu exercer dans le passé. J'ai observé que dans notre pays, qui, je le rappelle, est une république unitaire, les relations entre l'Etat et les collectivités territoriales se régulent au sein du Parlement. Vous aurez l'occasion de le découvrir, après d'autres ministres chargés de la décentralisation, dont j'ai été, lorsque, par exemple, vous nous proposerez la réforme de la dotation globale de fonctionnement (D.G.F.), sur laquelle il me semble que vous travaillez. C'est un aspect très important du débat.

On a évoqué les pays voisins de la France. Je me permets de souligner que ceux dans lesquels les fonctions de parlementaire et les fonctions exécutives locales sont incompatibles sont, en général, des pays à structure fédérale. Et ce n'est pas un hasard. En méconnaissant cette réalité, on risque de faire évoluer sensiblement le fonctionnement de nos institutions sans en mesurer tout à fait les conséquences. Si la régulation de la relation entre l'Etat et les collectivités territoriales cesse de se faire au Parlement, elle se fera ailleurs, de façon informelle, à travers des structures associatives plus ou moins légitimes. On risque alors d'aboutir à une confrontation plus vive alors que dans le système actuel, il existe un relatif consensus politique, même si la tonalité du débat est différente selon que l'on se trouve à l'Assemblée nationale ou au Sénat. C'est pourquoi je suis assez réservé sur l'incompatibilité qu'il est proposé d'instituer entre mandat parlementaire et fonction exécutive locale. Ce peut être un processus dangereux, sauf à vouloir s'orienter vers un système fédéral, ce qu'il faudrait affirmer clairement. Mais je doute que ce soit réellement votre intention, Monsieur le ministre.

M. le ministre de l'intérieur : Votre rapporteur m'a d'abord interrogé sur la mise en cohérence de la situation des maires avec les dispositions prévues par les textes que je vous ai présentés. Il pose au fond la question de savoir si un choix véritable entre une fonction de parlementaire et une fonction de maire sera offert aux élus.

Je vais présenter quelques hypothèses sur lesquelles nous avons travaillé. Je rappellerai d'abord que 299 maires sont députés et 144 sénateurs. 180 sénateurs seraient concernés par les deux projets de loi, si l'on ajoute les 34 présidents de conseil général et les 2 présidents de conseil régional qui siègent au Sénat. Quant aux députés concernés, avec 2 représentants au parlement européen, 10 présidents de conseil régional ou assimilés, 15 présidents de conseil général, on arrive au nombre de 326. S'agissant de la possibilité de choix entre la fonction de maire et celle de député ou de sénateur, nous avons fait quatre simulations en fonction des indemnités des maires.

La première hypothèse viserait à aligner la rémunération des maires avec le traitement du fonctionnaire le mieux rémunéré de la mairie. Le coût total serait de 14,1 milliards de francs, ce qui est beaucoup.

La deuxième hypothèse tendrait à revaloriser l'indemnité des maires de l'ensemble des communes, jusqu'à atteindre, pour ceux des villes de plus de 100.000 habitants, le niveau de l'indemnité parlementaire. Le coût ne serait que de 2,2 milliards de francs, ce qui n'est pas négligeable.

Dans la troisième hypothèse, l'indemnité des maires correspondrait à une fraction de celle des parlementaires, variant en fonction du nombre d'habitants, de sorte que les maires des communes de plus de 10.000 habitants recevraient 17.000 francs mensuels bruts pour un mandat à temps plein. Le coût serait de 2,3 milliards de francs.

Enfin, la quatrième hypothèse consisterait à réévaluer l'indemnité des maires des communes de moins de 20.000 habitants et, à partir de 20.000 habitants, à leur attribuer une rémunération égale à l'indemnité parlementaire pour que, sur la base du critère financier, qui n'est évidemment pas le seul, le choix soit totalement libre entre mandat parlementaire et fonctions de maire. Dans cette dernière hypothèse, le coût serait de 2,5 milliards de francs.

Il est bon que vous disposiez de ces éléments pour votre information.

J'en viens à la question de l'intercommunalité. Très franchement, elle progresse difficilement. Depuis 1992, il ne s'est constitué que 5 communautés de villes en milieu urbain, et 1.041 communautés de communes en milieu rural ou dans des petites villes. Nous ne pouvons et nous ne devons donc pas freiner les progrès de l'intercommunalité. C'est un impératif catégorique si nous voulons nous doter d'outils pertinents pour mener une politique de la ville, notamment pour assurer sa mixité sociale. En d'autres termes, nous ne devons rien faire, dans les vingt ou trente prochaines années, qui puisse aller à l'encontre de la nécessité d'organiser notre tissu urbain et périurbain. J'ajouterai que les établissements publics de coopération intercommunale sont d'une grande diversité et qu'il serait difficile de placer le curseur au bon endroit. Je crois donc qu'il faut bien réfléchir avant d'empêcher les députés ou les sénateurs d'exercer des fonctions exécutives intercommunales, ce qui pourrait priver celles-ci d'un certain prestige, susceptible d'entraîner des élus plus réticents sur la voie d'une intercommunalité réelle, avec une fiscalité propre, une taxe professionnelle d'agglomération unique, des compétences significatives et une politique d'agglomération qui ait un sens. Je ferai, en outre, observer que, si une telle option devait être retenue, il serait cohérent d'en étendre l'application aux parlementaires européens, qui ne sont pas visés par la loi organique.

Mme Frédérique Bredin a évoqué le rééquilibrage de nos institutions. C'est un vaste sujet, qui dépasse évidemment la question des incompatibilités des mandats et des fonctions. J'observerai tout d'abord que l'évolution de toutes les grandes démocraties va dans le sens d'une grande concentration des pouvoirs entre les mains de l'exécutif. C'est vrai en Allemagne, en Italie, dans tous les pays. Le seul contrepoids réel à cette évolution vient de la décentralisation. Cela dit, les pouvoirs du Parlement tiennent aussi à ceux qui les exercent. Existe-t-il beaucoup de Mirabeau, de Robespierre, de Clémenceau, de Gambetta aujourd'hui ? Peut-être appartient-il aux parlementaires de se saisir des pouvoirs qu'ils détiennent ! Je prends la liberté de le dire, parce que j'ai plusieurs fois observé que, sur des sujets essentiels, dans des cas où la Constitution prévoit que le Parlement doit se prononcer, celui-ci a consenti à se taire. J'ai longtemps été parlementaire et je crois qu'il faut parfois savoir s'affranchir d'une trop grande discipline.

Si le principe des seuils a été écarté, c'est parce qu'ils sont, par nature, arbitraires. Si l'on fixe le seuil à 20.000 habitants, est-il satisfaisant que le cumul soit possible dans une ville de 19.000 habitants, alors qu'il serait interdit pour une ville en comptant 21.000 ? Le même raisonnement s'impose pour le seuil de 100.000 habitants, que proposent certains responsables d'une formation politique nationale... Quoi qu'il en soit, le Premier ministre a été très clair : c'est au Parlement qu'il appartient d'en discuter ; le Gouvernement ne s'opposera pas à une proposition qui aurait été réellement mûrie. Cependant, à titre personnel, une interdiction générale me semble préférable à l'établissement d'un seuil.

En ce qui concerne la définition de la fonction exécutive, il est clair que l'on pourrait choisir de pourchasser tout exercice de responsabilité. Mais chacun sait que l'exercice d'un mandat local est aussi une école de responsabilité qui contribue à ne pas donner à notre vie politique un caractère purement idéologique ; s'il est bon que celle-ci soit animée par des philosophies concurrentes - c'est ce qui fait son charme - il est également souhaitable que les élus gardent la tête près du bonnet, et l'exercice de responsabilités locales y contribue. Lorsqu'une incompatibilité survient, l'élu concerné, tout en abandonnant ses fonctions de premier responsable de l'exécutif peut garder un _il sur quelques dossiers. Cela me semble parfaitement compatible avec un fonctionnement sain de la démocratie. Telle est ma conviction, mais ce sujet peut évidemment être débattu.

S'agissant du problème des incompatibilités professionnelles, il ne peut pas, à mon avis, être traité dans le cadre de ce débat qu'il faut tout de même circonscrire.

M. Jean-Luc Warsmann se demande pourquoi les projets de loi n'imposent pas de limite d'âge aux candidats. La réponse est simple : ce serait inconstitutionnel ; dès lors que le suffrage universel décide qu'un candidat âgé de 80 ans peut être un bon député, la loi ne peut s'y opposer.

Par ailleurs, M. Jean-Luc Warsmann estime qu'il y aura toujours assez de candidats pour exercer des responsabilités au sein de structures intercommunales. Certes, mais le problème n'est pas là. La question est de faire progresser l'intercommunalité qui est absente sur la moitié de notre territoire, tandis qu'en milieu urbain, 85 % des structures intercommunales n'ont pas de taxe professionnelle d'agglomération. Cet objectif est d'autant plus difficile à atteindre que nous avons choisi la voie de la conviction, qui est celle de la décentralisation : l'intercommunalité ne s'impose pas.

Quant à l'évolution des compétences entre les collectivités territoriales, ce n'est pas le sujet aujourd'hui. M. Emile Zuccarelli doit présenter prochainement un projet de loi tendant à plafonner et rationaliser les interventions économiques des collectivités locales.

M. Louis Mermaz pense qu'il faut éviter de déstabiliser les maires démocrates. Les maires démocrates sont évidemment ceux qui sont en place. Je connais bien M. Louis Mermaz. Il est très décentralisateur à Paris, mais, dans l'Isère, il est jacobin et ce n'est pas par hasard que la Révolution a commencé à Vizille !

S'agissant de la démocratisation de la Vème République, beaucoup de réformes constitutionnelles ont été faites ou sont en cours. Je ne vous cache pas, par ailleurs, que j'ai été choqué, et je suis encore choqué en siégeant au Gouvernement, par les régulations budgétaires. Quant au contrôle de l'application des lois, les commissions d'enquête sont là pour cela et il appartient au Parlement de les utiliser. Je serai moins critique à l'égard des " niches " parlementaires qui permettent des débats extrêmement utiles.

M. Dominique Perben fait remarquer que la France étant une république unitaire, c'est au sein du Parlement que se cristallisent les équilibres régissant les rapports entre l'Etat et les collectivités locales. Il a raison, mais rien n'interdit qu'un comité des finances locales rassemble des élus dont certains pourraient être des parlementaires, d'autres des présidents de conseils régionaux ou encore des maires. Sans doute la France n'est-elle pas un pays à structure fédérale, mais la Grande-Bretagne ne l'est pas davantage et pratique pourtant une stricte limitation du cumul des mandats.

S'agissant enfin du renouvellement de nos élus, il pourra être favorisé par la loi nouvelle, si elle est sagement élaborée.

M. Bernard Roman, rapporteur : Je voudrais apporter une précision sur le coût du statut de l'élu. Il représente aujourd'hui 1,8 milliard, de telle sorte que lorsque le ministre fait mention pour la dernière solution évoquée d'un coût de 2,6 milliards, la différence n'est que de 800 millions de francs.

M. Pierre Albertini : J'ai relevé un paradoxe dans les propos du ministre de l'intérieur lorsqu'il défendait avec fougue le projet de loi tout en donnant aux parlementaires le conseil d'user de leur initiative et de leur responsabilité. J'observe, en effet, que la Constitution, élaborée dans un contexte très différent de celui d'aujourd'hui, a cherché à brimer l'initiative parlementaire plutôt qu'à l'encourager.

Nous sommes par principe favorables à la modernisation de la vie politique et donc à une restriction plus forte des cumuls à condition qu'elle soit réaliste et cohérente. Or, il me semble que le projet n'est pas cohérent, ne serait-ce que parce qu'il intervient alors que la décentralisation n'est pas achevée et que la répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités locales n'est pas clarifiée.

Sa première incohérence tient au fait que la situation des ministres ne sera traitée qu'ultérieurement par un projet de loi constitutionnelle. Or, si l'on raisonne en termes de disponibilité, c'est celle qui aurait dû être réglée en priorité.

Le projet est, en outre, hypocrite parce qu'il ne tient pas compte des délégations qui sont de pratique courante dans les assemblées délibérantes - qu'il s'agisse des conseils municipaux, des conseils généraux ou des conseils régionaux. L'étude d'impact qui y est jointe souligne pourtant que les contraintes pesant sur les élus pourraient à terme se traduire par un renforcement de l'utilisation des délégations permettant de pallier, voire de contrecarrer les effets de la législation.

Aucune disposition sur l'intercommunalité n'étant, en outre, prévue, il pourrait donc être possible d'être à la fois parlementaire, vice-président d'un conseil régional disposant d'une délégation très large et président d'une communauté urbaine de plusieurs centaines de milliers d'habitants alors qu'il serait impossible d'être maire d'une commune de 500 habitants et président d'un conseil général !

D'ailleurs, si ce projet était tellement bon, faudrait-il prévoir un régime transitoire aussi long ? Sa mise en _uvre ne prendra fin qu'en 2004. Il semble paradoxal de mettre les " cumulards " au ban de la République, tout en leur permettant de rester aussi longtemps en fonctions.

J'espère que la discussion parlementaire permettra d'améliorer un texte dont le principe est bon, mais dont les modalités me semblent critiquables.

M. Jacques Brunhes : Je crois que la limitation du cumul des mandats est une nécessité, parce qu'il existe, aujourd'hui, un doute, au sein de l'opinion publique, sur l'efficacité de la représentation politique. Mais je voudrais dire à notre rapporteur que si le débat ne doit pas être abordé de manière passionnelle, il ne doit pas davantage l'être de manière pointilliste.

Je crois qu'il faut appréhender les problèmes dans leur ensemble, ce qui implique que l'on ne se contente pas d'une nouvelle adaptation fonctionnelle, sans modifier le rôle et la place du Parlement. Nous avons déjà l'exemple de la session unique qui devait rendre les députés plus disponibles. Il n'en a rien été et l'absentéisme n'est pas moins important aujourd'hui.

Il nous faut donc apporter une réponse aux problèmes de fond et d'abord à celui de la place du Parlement. A cet égard, nous pouvons nous reporter aux débats qui ont eu lieu au sein de la commission présidée par le Doyen Vedel. Pour reprendre une expression fameuse de l'actuel président de l'Assemblée nationale, si l'on compare le budget de la nation à une automobile, après deux mois de discussions, nous ne pouvons guère que déplacer l'équivalent d'un enjoliveur ! Je rappelle que nous sommes totalement corsetés par les articles 40 et 49, alinéa 3, que l'initiative parlementaire est réduite à sa plus simple expression, que l'ordre du jour dépend du Gouvernement. Il faut rééquilibrer nos institutions au profit du pouvoir législatif, c'est cela l'essentiel.

D'autres projets d'ordre institutionnel nous préoccupent, en outre, beaucoup. Il s'agit, d'abord, de la réforme du scrutin régional, mais, surtout, de la mise en place du quinquennat, avec la perspective d'une simultanéité entre l'élection présidentielle et les élections législatives. Cela nous conduirait vers un système à l'américaine et une bipolarisation de la vie politique, ce qui serait très dangereux.

La question du cumul des mandats, même si elle est importante, ne me semble donc pas essentielle. Je crois, en outre, qu'il serait difficilement compréhensible que nous n'abordions pas, dans ce cadre, le sujet des incompatibilités professionnelles. Est-il concevable que l'on puisse être en même temps avionneur, président d'une très grande compagnie aérienne et voter le budget des transports en qualité de député, alors que l'on ne pourrait pas être en même temps parlementaire et maire d'une commune de 50 ou de 100 habitants ?

S'agissant du statut des maires, la question n'est pas seulement celle de leur indemnisation, mais celle aussi de leurs conditions de travail, de leur réintégration dans la vie professionnelle au terme de leur mandat. Des progrès ont sans doute été accomplis, mais il reste bien des choses à faire. Je suis donc d'accord pour que nous réformions nos pratiques, mais il faut également rééquilibrer les institutions, et je ne suis pas sûr que nous agissons dans le bon ordre. Le problème du cumul des mandats ne peut être isolé !

M. Guy Hascoët : La réforme qui nous est proposée constitue effectivement la première étape d'une véritable révolution culturelle dans nos pratiques politiques. Quand on parle de disponibilité, c'est bien d'une évolution de la citoyenneté qu'il s'agit. Nous assistons, en effet, en raison du cumul des mandats et de la complexité croissante de nos sociétés, à une dépossession du politique au profit des technostructures. Il est temps que le politique reprenne sa place. On a parlé du statut de l'élu. Je crois effectivement que les conditions d'exercice d'un mandat local, qui exige une très grande quantité de temps et d'énergie, doivent être améliorées.

Mais d'autres problèmes concrets se posent, notamment celui de la distorsion entre la représentation politique et la société française. Il suffirait d'interdire aux membres de quatre ou cinq professions de siéger à l'Assemblée nationale pour vider la moitié de ses travées. L'éventail des catégories socioprofessionnelles est quand même plus diversifié dans le pays !

C'est pourquoi le problème du statut de l'élu doit être également examiné au regard du code du travail, de la protection sociale, des conditions de sortie du mandat, si l'on veut permettre à des personnes d'origines sociales diverses de s'impliquer dans la vie politique et citoyenne. Il est vrai que l'une des ambitions des lois sur le cumul est de promouvoir une nouvelle génération politique : il ne faudrait pas qu'elle ne soit composée que de cadres appartenant à la catégorie A de la fonction publique, d'avocats ou de médecins.

Sur le problème de l'intercommunalité, puisque l'on est d'accord pour reconnaître qu'elle permet une meilleure gestion sur le long terme, à travers les contrats d'agglomérations ou de pays, pourquoi ne pas aller jusqu'au bout de la logique, gagner du temps sur l'histoire, et sans attendre que les 36.000 maires daignent faire preuve de plus d'audace pour se regrouper, voter une loi favorisant les structures intercommunales ? Pourquoi attendre puisque c'est un élément essentiel pour la politique de la ville ? Pourquoi laisser se développer des phénomènes, tels que la violence urbaine ou le déséquilibre démographique, avant que de se décider à agir contre les égoïsmes municipaux ?

En ce qui concerne les collectivités territoriales, je ne crois pas, si l'on est décentralisateur, qu'il soit possible d'exercer de manière sérieuse une fonction telle que vice-président d'une grande collectivité régionale, à raison d'une journée par semaine. J'en ai fait l'expérience.

Enfin, si l'on souhaite combattre le vice et encourager la vertu, il faut modifier les conditions d'exercice des mandats uniques, notamment au regard des relations avec les administrations. Je constate que les maires de ma circonscription savent où en est le plan emploi-jeunes, parce que le rectorat leur envoie des informations, alors qu'en ma qualité de député, je ne reçois rien, ce qui est tout à fait anormal.

M. Robert Pandraud : Je rappelle que lorsqu'il y a dix ans, avec Pierre Mazeaud, j'avais déposé des amendements interdisant certains cumuls - nous fûmes les premiers - nous n'avions recueilli que deux voix, puis, l'année suivante trois, Raymond Barre nous ayant rejoint. C'est dire que des progrès ont été faits !

Ne serait-il pas souhaitable que la limitation du cumul s'accompagne d'une réforme du contentieux électoral ? En faisant déposer un recours, un élu peut utiliser les lenteurs de la procédure pour se maintenir dans des fonctions incompatibles.

Par ailleurs, tout en étant favorable à l'interdiction des cumuls, je m'interroge sur l'opportunité de les proscrire pour les représentants au Parlement européen. Ne sont-ils pas utiles pour éviter des conflits entre cette assemblée et les institutions nationales, pour garantir une cohérence interne particulièrement souhaitable ? Bien souvent, les représentants au Parlement européen ne représentent qu'eux-mêmes ou le parti qui les a désignés et se sentent tenus d'être plus européens que les membres de la commission de Bruxelles. Le cumul peut permettre de conserver un lien avec les intérêts des Français.

Sans doute, un statut des élus est-il nécessaire. On évoque les difficultés des maires, mais il faudrait également mettre en lumière celles des députés qui ne sont pas maires : le maire d'une commune moyenne ou importante dispose d'une logistique que n'a pas le député.

Enfin, et c'est le plus important, le délai prévu pour l'entrée en application de la réforme me semble excessif. Il risque de la fragiliser en donnant aux groupes de pression le temps pour agir. J'aurais préféré que vous alliez plus vite.

M. le ministre de l'intérieur : En réponse à M. Pierre Albertini, je voudrais souligner que, pour légiférer sur le cumul des mandats, nous ne pouvons attendre d'avoir achevé la décentralisation, surtout si le terme qu'il fixe à cette réforme est l'instauration d'un régime fédéral auquel nous ne souhaitons nullement aboutir. En fait, la coopération entre les différentes collectivités s'est déjà développée grâce notamment aux contrats de plan ou aux financements croisés.

En ce qui concerne les ministres, la logique commande effectivement qu'ils donnent l'exemple de la limitation du cumul. C'est ce qui s'est passé dans les faits. Objectivement, c'est la première fois qu'il en est ainsi. Il n'y a plus de ministre, maire ou président de conseil général.

Peut-être ne faut-il pas traiter de la même façon un président de conseil général qui serait par ailleurs maire d'une petite commune et un député qui serait vice-président d'un conseil général, président d'un grand établissement public de coopération intercommunale comme d'une communauté urbaine. Rien n'interdit au Parlement d'affiner le dispositif proposé ; le Premier ministre a été très clair à ce sujet.

Il est également possible de réduire la durée du régime transitoire qui, effectivement, s'étend jusqu'à l'an 2004 pour les conseils généraux. C'est également un sujet sur lequel le Gouvernement est très ouvert.

M. Jacques Brunhes a soulevé des problèmes bien réels. Il est vrai que les projets de lois que nous proposons n'ont qu'un objet limité : le non - cumul. Je voudrais cependant vous mettre en garde ; si l'on veut embrasser un domaine plus large, le risque est de ne rien étreindre. Sans doute peut-on amender ou compléter la loi, mais il faut néanmoins s'en tenir à son objet principal.

Il est vrai que la session unique n'a pas apporté une réponse à la hauteur des problèmes posés. Peut-être en ira-t-il de même avec la limitation du cumul. Rien n'exclut qu'une réflexion plus globale soit conduite. Le Parlement et la commission des Lois sont là pour ça.

Je ne saurais trop vous recommander de réfléchir à ce qui pourrait permettre une amélioration de la démocratie, et notamment de la représentativité des élus. Cela passe par des questions très concrètes : comment un élu peut-il retrouver un emploi à la fin de son mandat ? Comment peut-on se consacrer à sa fonction lorsqu'on est par ailleurs salarié d'une entreprise privée ?

Le problème de fond est évidemment celui de la place du Parlement, mais je voudrais vous faire observer que nous sommes dans un régime parlementaire. Beaucoup de constitutionnalistes l'ont relevé. Et nous vivons justement une période dans l'histoire de la Vème République, dans laquelle le Gouvernement n'existe que parce qu'il dispose d'une majorité pour le soutenir à l'Assemblée nationale, ce qui est précisément la définition du régime parlementaire. Jamais cette nature profonde de notre régime n'a paru aussi évidente : le Gouvernement n'a pas utilisé l'article 49-3 de la Constitution, même pour faciliter l'adoption de textes dont la discussion a été pourtant difficile, je pense notamment à la loi R.E.S.E.D.A., qui vient d'entrer en vigueur.

S'agissant du quinquennat, je rappelle qu'il impliquerait une réforme de la Constitution. Sur le problème des incompatibilités professionnelles, j'observe que le cas évoqué par M. Jacques Brunhes a été tranché par le Conseil constitutionnel.

Par ailleurs, le Gouvernement est prêt à entendre toutes les propositions qui lui seront faites pour revaloriser le rôle du Parlement.

M. Guy Hascoët a évoqué une véritable révolution des mentalités. Je sais que le mouvement politique auquel il appartient a instauré des mécanismes permettant l'exercice tournant de la responsabilité. Pourquoi ne pas les transposer à l'Assemblée nationale ? Sans doute cela irait-il dans le sens d'une meilleure répartition des responsabilités, mais prenons garde à ce que le politique qui est, par nature, de passage, ne se trouve dessaisi par la technostructure. Les élus qui maîtrisent certains sujets constituent un contrepoids démocratique, je rejoins là le point de vue exprimé M. Louis Mermaz. L'exercice d'une fonction exécutive confère une expérience, une autorité, un poids réel, légitimés par le suffrage universel.

S'agissant des délais en matière de contentieux électoral, je ne peux donner aucune assurance, puisqu'ils dépendent du Conseil d'Etat et du Conseil constitutionnel.

Quant au Parlement européen, je suis très conscient du fait qu'en l'absence d'un peuple européen qui aurait une identité politique fondant sa légitimité, il ne peut être qu'un forum très utile, dans la meilleure hypothèse.

Pour conclure, il me semble que si chacun y met du sien, les projets de loi pourront être adoptés dans le courant de l'année 1999. Il appartiendra, bien sûr, au Parlement de fixer la date de leur entrée en vigueur. A l'orée du siècle prochain, nous pourrons ainsi avoir une démocratie renouvelée, rajeunie et féminisée.

DISCUSSION GÉNÉRALE

Après que le rapporteur eut présenté les grande lignes de son rapport, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.

M. Alain Tourret, faisant part, à titre liminaire, de la position du parti radical, a estimé qu'en matière de cumul, il convenait d'aller plus loin que les mesures proposées par le Gouvernement, tout en empruntant une voie différente. Rappelant que tout élu devait être au contact aussi proche que possible de la population et que le maire était l'élu le plus apprécié des Français, il a considéré que la problématique du cumul devait être abordée en partant du mandat municipal. Il a estimé opportun, dans ces conditions, d'admettre le cumul des fonctions de maire avec un autre mandat, quel qu'il soit, toute autre forme de cumul apparaissant en revanche inutile et sans intérêt pratique, insistant sur le fait que cette solution était de nature à faciliter l'adoption de la réforme, notamment au Sénat, tout en renforçant l'indépendance des élus à l'égard du Gouvernement et des partis politiques. Après avoir jugé que la question de la limitation du cumul des mandats ne pouvait être abordée que dans le cadre du scrutin majoritaire, il s'est interrogé sur la portée de l'élargissement des incompatibilités professionnelles.

Intervenant en application de l'alinéa premier de l'article 38 du Règlement, M. Georges Tron a d'abord exprimé son accord sur le constat d'une crise de la représentation politique. Il a reconnu que le débat sur la limitation du cumul des mandats pouvait être abordé en dehors des clivages politiques traditionnels. Evoquant ensuite le contexte de la réforme proposée à l'Assemblée nationale, il a estimé que celle-ci était indissociable d'une réflexion sur le statut de l'élu, rappelant la faible proportion de maires qui se sont représentés à un second mandat lors des élections municipales de 1995. Il a par ailleurs souhaité que la question du cumul des mandats soit liée à une réflexion sur l'origine sociologique des élus, faisant valoir qu'actuellement, les fonctionnaires étaient avantagés par rapport aux candidats issus du secteur privé, dont le statut apparaît, le plus souvent, incompatible avec l'exercice d'une fonction élective. Il a également mis en évidence l'interpénétration du débat sur le cumul des mandats et de celui sur la décentralisation, notant que de nombreux élus locaux étaient incités à juxtaposer les fonctions en raison des défauts de l'organisation administrative française et de la multiplication des financements croisés entre les différentes collectivités.

Traitant ensuite des motivations de la réforme proposée au Parlement, il a admis la pertinence de la question de la disponibilité des élus, tout en estimant matériellement possible le cumul de deux mandats électifs ; il a cependant vivement insisté sur la nécessité de ne pas donner l'impression que les élus cherchent à se désengager de leurs responsabilités, au risque de nourrir l'antiparlementarisme rampant. S'agissant du souci de prévenir les conflits d'intérêts, il a jugé que cet objectif pouvait justifier l'interdiction de cumuler deux fonctions exécutives locales et l'approfondissement des dispositions issues de la loi de 1985 ; mais il a douté de sa pertinence pour refuser le cumul d'un mandat électif national et d'une fonction exécutive locale, estimant que cette restriction risquait paradoxalement de renforcer la professionnalisation de la classe politique, en particulier dans le cas où le législateur élargirait les incompatibilités professionnelles. En ce qui concerne le renouvellement de la classe politique et sa féminisation, prenant en exemple le résultat des dernières élections législatives, il a fait observer que la mise en _uvre d'une volonté politique affirmée était plus efficace qu'un dispositif législatif, aussi complet soit-il. Enfin, il a exprimé la crainte qu'une déconnexion du mandat national et d'une fonction exécutive locale ne conduise, à terme, à une remise en cause des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales, dont il a rappelé l'importance au sein du budget de l'Etat, soulignant qu'il en résulterait alors une aggravation de la situation financière de ces collectivités.

Mme Frédérique Bredin s'est félicitée de la teneur des textes proposés à l'Assemblée nationale, soulignant que le cumul des mandats et des fonctions était une spécificité française, reflet d'une tradition continue de concentration des pouvoirs. Elle a par ailleurs fait valoir que cette réforme constituait la première étape d'un vaste chantier de la rénovation de la vie politique, par le biais d'un accroissement de la décentralisation, d'une révision des modes de scrutin, d'une réflexion sur la durée des mandats et d'une revalorisation du rôle du Parlement. A cet égard, prenant exemple sur les autres grandes démocraties, elle a plaidé pour un rééquilibrage entre les pouvoirs exécutif et législatif, estimant que les prérogatives du Parlement étaient bridées, tant par la lettre de la Constitution que par la pratique institutionnelle, de nombreux freins résultant des conditions de travail et de l'utilisation insuffisante que font les députés et les sénateurs des pouvoirs qui leur sont pourtant conférés par les textes. Ayant approuvé les objectifs de disponibilité et de prévention des conflits d'intérêts poursuivis par le Gouvernement, elle a souhaité que le Parlement puisse combler certains vides juridiques subsistant dans les projets de loi tout en approfondissant la réflexion sur les incompatibilités professionnelles et la revalorisation des moyens mis à la disposition des élus pour effectuer leur travail dans de bonnes conditions. En écho aux observations concernant la composition sociologique de l'Assemblée nationale, elle a estimé que le problème tenait davantage à une sous-représentation des salariés modestes du secteur privé qu'à celle de la surreprésentation du secteur public. Evoquant les ambiguïtés de la décision du Conseil constitutionnel concernant la loi de 1985, elle a enfin interrogé le rapporteur sur le point de savoir si le projet de loi organique devait être adopté en termes identiques par l'Assemblée nationale et le Sénat, soulignant qu'il ne traitait pas des prérogatives de ce dernier, mais ne concernait que le statut des députés, comme des sénateurs. Citant un article de M. Jacques Larché publié en 1972, elle a évoqué la possibilité pour l'Assemblée nationale de se prononcer en lecture définitive sur le projet de loi organique limitant le cumul des mandats. Elle a enfin estimé que la majorité n'avait aucune arrière pensée, précisant qu'elle ne souhaitait pas que la deuxième assemblée enterre le projet.

M. Pierre Albertini a considéré que la question essentielle était de savoir si les textes proposés étaient de nature à satisfaire les objectifs poursuivis, estimant pour sa part qu'ils seraient sans conséquence sur le divorce croissant entre le peuple et la représentation politique. S'interrogeant sur l'origine du phénomène du cumul, il a fait valoir que celui-ci résultait des dysfonctionnements de notre appareil administratif, la possibilité de s'adresser à un élu exerçant plusieurs mandats ou fonctions étant perçue comme nécessaire pour faciliter les démarches. Il a par ailleurs rappelé que, si le mandat parlementaire prenait auparavant sa source dans des mandats locaux, on observait actuellement le parcours inverse, à savoir qu'une fois élus, députés et sénateurs recherchaient un mandat local afin de renforcer leur enracinement local tout en exerçant des responsabilités concrètes. Après avoir exprimé des doutes quant à l'impact de la réforme sur l'intensité du contrôle de l'action gouvernementale par les parlementaires, il a estimé que le texte comportait des lacunes en matière de coopération intercommunale, de délégations de pouvoirs et de statut de l'élu, faisant observer que le nouveau dispositif pouvait aboutir à des incohérences, en permettant notamment à des élus qui exercent des fonctions exécutives décisionnelles au sein de structures de coopération intercommunale et détiennent des délégations de pouvoirs dans des assemblées locales d'échapper à son dispositif. Il a par ailleurs regretté que les délais d'entrée en vigueur de la réforme entraînent un décalage entre l'effet d'annonce immédiat et le maintien de la situation actuelle à moyen terme. Enfin, il a considéré que le contenu des lois organiques était défini par la Constitution à partir d'un critère organique et non pas matériel, estimant que l'adoption en termes identiques par les deux assemblées était obligatoire parce qu'elle avait pour objet de préserver des organes constitutionnellement protégés.

M. Christian Paul a considéré que l'examen des projets de loi limitant le cumul des mandats devait être l'occasion d'une réflexion sur la vie politique, soulignant qu'elle avait besoin d'être, non pas moralisée, mais modernisée, afin d'apporter " une bouffée d'oxygène " à des institutions vieillissantes. Il a souhaité que cette volonté de réforme ne soit pas platonique mais débouche sur un rééquilibrage réel des pouvoirs et l'achèvement de la décentralisation, grâce à une plus grande spécialisation des élus et à une remise en cause des féodalités modernes bâties autour du cumul des mandats. Il a insisté sur la nécessité de maintenir un lien entre la fonction législative et les réalités locales, estimant que la meilleure façon de défendre le métier de maire était d'en permettre l'exercice plein et exclusif. Enfin, il a considéré comme nécessaire à la cohérence de la réforme proposée, que la présidence de structures intercommunales soit rendue incompatible avec l'exercice d'un mandat, notamment parlementaire, les modalités de mise en _uvre de ce principe restant à discuter.

M. Guy Hascoët a insisté sur l'évolution du rôle de l'élu, animateur politique qui doit être à même d'entraîner ses concitoyens et de créer le consensus dans le cadre d'une démocratie participative. Il a exprimé le souhait que le présent débat soit prolongé par une réflexion sur l'aménagement du territoire et le statut de l'élu, soulignant qu'en l'absence de cumul des mandats, les conséquences d'une non-réélection seront encore plus dommageables pour celui qui pendant plusieurs années se sera consacré exclusivement à l'exercice d'un mandat politique. En outre, il lui est apparu indispensable de renforcer l'information des parlementaires qui, aujourd'hui, s'ils n'ont pas de mandat local, n'ont pas connaissance des interventions des administrations de l'Etat au niveau local. Enfin, il a indiqué que son groupe déposerait des amendements afin, notamment, de renforcer les incompatibilités professionnelles.

M. Robert Pandraud a considéré que le cumul des mandats était, pour partie, responsable de l'absentéisme au Parlement ainsi que du développement de la dépense publique et de la technostructure au plan local. Il a regretté qu'une réflexion ne soit pas engagée sur le suffrage universel direct, concernant notamment l'élection des conseillers régionaux et des membres du Parlement européen. Quant aux prérogatives des parlementaires, il a estimé que leur amoindrissement résultait principalement du respect de la discipline partisane et de la disparition des majorités d'idées. Concernant l'origine professionnelle des parlementaires, il a considéré que la présentation des avantages dont bénéficient les élus issus de la fonction publique était souvent excessive, rappelant que seuls les professeurs d'université pouvaient cumuler leur traitement avec l'indemnité parlementaire ; il a remarqué, en outre, que les parlementaires exerçant une profession libérale poursuivaient le plus souvent leur activité pendant le cours de leur mandat. Il a exprimé son souhait que la question du cumul ne soit pas liée à celle du statut des élus, ce qui ne serait pas compris par l'opinion publique. En conclusion de son propos, il a indiqué que, pour mettre fin à une exception française lui paraissant injustifiable, il voterait les projets soumis au Parlement pour limiter le cumul des mandats.

M. Michel Crépeau a comparé le cumul des mandats " au sel dans la soupe ", précisant : " s'il y en a trop ce n'est pas buvable, s'il n'y en a pas c'est fade ". Tout en condamnant les excès du cumul, il a insisté sur la nécessité de préserver la liberté de choix des électeurs, estimant que nombre d'entre eux souhaitaient pouvoir continuer à élire à l'Assemblée un maire qu'ils apprécient. Il a considéré que les maires, et en particulier les députés-maires, étaient un élément de stabilité dans un pays inconstant, soulignant qu'ils étaient les élus les mieux à même de faire entendre les aspirations des électeurs lors des débats au Parlement. Il a donc mis en garde contre le risque qu'il y aurait, pour la qualité du travail parlementaire, à se priver d'une connaissance irremplaçable du terrain. Après avoir exprimé le souhait que les projets de loi soient complétés par un statut de l'élu, il a appelé ses collègues à ne pas sous-estimer l'opposition du Sénat, et notamment des sénateurs élus au scrutin majoritaire, à la limitation du cumul des mandats.

Intervenant en application de l'article 38, alinéa premier, du Règlement, Mme Michèle Alliot-Marie a déclaré rejoindre le rapporteur quant à la nécessité d'améliorer l'image des hommes politiques, alors que plus de la moitié des citoyens s'abstiennent, ou votent blanc ou nul, lors des consultations électorales. Toutefois, elle a estimé qu'un texte ponctuel ne réglerait pas un problème global, exprimant la crainte que, tout comme le plafonnement des indemnités perçues par les élus et le financement de la vie politique, la réforme tendant à limiter le cumul des mandats passe inaperçue. C'est pourquoi elle a regretté que le Gouvernement n'ait pas pris le temps d'élaborer une réforme globale de la vie politique en recherchant le consensus de l'ensemble de la classe politique. Sur le lien entre disponibilité des élus et cumul des mandats, elle a estimé que les projets du Gouvernement ne réglaient pas le vrai problème, à savoir celui des multiples fonctions occupées en liaison avec les divers mandats, comme la participation aux conseils d'administration des offices de H.L.M. ou aux organes de développement économique. Quant à la fameuse exception française autorisant le cumul des mandats, elle a souhaité la rapprocher d'une autre singularité de la France, seul pays européen où l'Etat joue un rôle aussi important, ce qui débouche sur un système fortement administré et fonctionnarisé. Par ailleurs, elle a estimé que, si tout mandat local ne permettait pas d'avoir une réelle expérience du terrain, le mandat de maire créait un lien privilégié avec les électeurs sans aucun autre équivalent. Exprimant le souhait que le débat sur la professionnalisation des élus, qu'on la souhaite ou la redoute, ne soit pas esquivé, elle a considéré que l'élu national qui n'aurait pas d'autre mandat ne serait pas ipso facto plus présent dans l'hémicycle, car il exercerait alors une activité professionnelle encore plus accaparante qu'un second mandat.

Souhaitant revenir sur la présentation parfois moralisatrice donnée à cette réforme, M. Jean-Antoine Léonetti a pris acte des paroles du rapporteur soulignant que la question du cumul ne relevait pas du bien ou du mal. Il a néanmoins exprimé la crainte que le message passant dans l'opinion publique soit, à cet égard, fort différent, regrettant que, d'une certaine manière, l'on sous-entende que les députés titulaires de plusieurs mandats faisaient incorrectement leur travail. Il a noté qu'au contraire, un député détenant un mandat local n'était pas contraint, comme un député sans aucune assise locale, de passer une bonne partie de son temps à parcourir sa circonscription à la recherche des suffrages, observant qu'un député-maire pouvait ainsi se consacrer de manière bien plus satisfaisante à son mandat national. Il s'est ensuite demandé pourquoi les adversaires du cumul ne s'intéressaient pas également à celui exercé par les professeurs d'université élus à l'Assemblée nationale ou au Sénat et pourquoi ils n'incluaient pas dans la limitation les fonctions d'adjoint au maire ou de vice-président d'un conseil général ou régional. Exprimant son attachement au principe de la liberté de choix laissée aux électeurs, il a constaté que les candidats aux législatives qui, par ailleurs, étaient maires, ne dissimulaient pas leur situation, ajoutant que les électeurs appréciaient précisément ce type de cumul parce qu'il leur assurait la présence d'un élu attaché à leurs préoccupations quotidiennes. A propos de l'application du projet de loi organique au Sénat, il a attiré l'attention de la majorité sur le risque de se voir accusée d'hypocrisie, en adoptant à l'Assemblée une position maximaliste tout en espérant que le Sénat bloque la procédure, considérant que le procédé qui consisterait à désigner ainsi du doigt le Sénat serait une erreur. Il a conclu en remarquant que le cumul ne résoudrait pas à lui seul le problème de la modernisation de la vie politique, jugeant qu'il faudrait mener, de manière conjointe, une réflexion sur la décentralisation et le statut des élus.

Intervenant en application de l'alinéa premier de l'article 38 du Règlement, M. Gaëtan Gorce a constaté, en guise de préliminaire, que, sur la question du cumul, la position des députés transcendait celle des groupes politiques. Il a considéré qu'un élu national ne devait pas nécessairement être titulaire d'un mandat local. Observant que la détention d'un tel mandat pouvait constituer pour un parlementaire battu, un moyen de reconquérir plus facilement sa circonscription, il a souligné que cette réalité politique n'avait pas néanmoins d'implication institutionnelle majeure. Constatant que les opposants à la limitation du cumul craignaient une professionnalisation de la vie politique, il a observé que le cumul n'avait pas empêché cette évolution, insistant sur le fait qu'il n'était pas, en outre, de nature à permettre la revalorisation du Parlement. Puis il a conclu en indiquant que cette réforme était un premier pas pour restaurer l'institution parlementaire en donnant la possibilité aux députés de se recentrer sur leur fonction de législateur.

Après avoir exprimé ses doutes sur la possibilité d'échapper à un vote conforme du Sénat sur le projet de loi organique, M. Gérard Gouzes a souligné que le cumul des mandats faisait partie de l'exception française et considéré qu'il convenait de le limiter davantage. Observant que la possibilité d'être parlementaire et président de conseil général ou de conseil régional heurtait le bon sens, il a par ailleurs affirmé que les députés-maires étaient avant tout des maires-députés. Il a jugé que le système du cumul des mandats avait perduré parce qu'il permet aux électeurs d'obtenir certains avantages, alors même que le régime mis en place par la Vème République incitait les parlementaires à s'investir dans leurs fonctions locales. Il a cependant estimé que la modification du régime du cumul des mandats devait impérativement être liée à l'amélioration du statut de l'élu et à la revalorisation du Parlement, qu'elle était une mesure nécessaire mais non suffisante et qu'elle devait être un préalable à des réformes de plus grande ampleur.

En réponse aux différents intervenants, M. Bernard Roman, rapporteur, a considéré qu'il était normal d'aborder les projets de loi dans le cadre d'une démarche globale, constatant que la question du cumul conduisait à une réflexion sur l'ensemble des institutions françaises. Il a estimé qu'une fois le cumul limité, on ne pourrait faire l'économie de toute une série de réformes sur le fonctionnement de la vie politique dans notre pays. Pour illustrer son propos, il a rappelé l'exemple de la décentralisation initiée en 1982 à partir de la simple suppression de la tutelle de l'Etat sur les collectivités locales et poursuivie ensuite de manière graduelle et pragmatique. Observant que certains commissaires de l'opposition avaient exprimé leur accord sur l'état des lieux du cumul et sur la nécessité d'y apporter des limites, il a néanmoins remarqué qu'il subsistait un désaccord sur les mesures nécessaires pour mettre fin à cette situation.

Le rapporteur a indiqué à la Commission qu'il avait entendu les associations représentant les maires qui s'étaient exprimées à la quasi-unanimité pour le non-cumul des mandats de maire et de parlementaire, soulignant, en particulier, que telle était la position de la Fédération nationale des maires ruraux, qui représente 10.000 adhérents, et de la Fédération des villes moyennes, l'une et l'autre rejetant, par ailleurs, toute logique de seuil. Il a ajouté qu'il fallait partir du point de vue des maires et non de celui des députés-maires, en rappelant que, dans une circonscription qui compte 40 communes, si l'une d'entre elles est gérée par un député-maire, les 39 autres peuvent à bon droit se considérer comme n'étant pas représentées au Parlement. Il a estimé que cette inégalité n'était pas acceptable.

A propos de la question de la professionnalisation des élus, il a souligné qu'elle existait déjà compte tenu de la technicité des problèmes auxquels les élus sont confrontés qui exige leur engagement total dans l'exercice de leur mandat ; il a d'ailleurs considéré qu'elle n'était pas illégitime, jugeant qu'il n'y avait rien de choquant à ce que le maire soit le premier salarié de sa commune, titulaire d'un contrat à durée par nature déterminée, comme cela existe dans certains pays étrangers. S'agissant du fait que la loi organique serait ou non relative au Sénat, il a observé que la question restait en suspens puisque le Conseil constitutionnel, en 1985, n'avait pas eu à statuer sur ce point particulier, le Sénat ayant adopté un texte conforme à celui voté par l'Assemblée nationale. Il a noté que M. Pierre Joxe, alors ministre de l'intérieur de l'époque, avait rappelé les termes du débat sans le trancher de même que M. Pierre Salvi, rapporteur au Sénat. Il a fait état de la position prise en mars 1972 par M. Jacques Larché, actuel président de la Commission des Lois du Sénat et alors professeur associé de droit public, qui avait considéré, dans un article publié par l'Actualité juridique -
Droit administratif, que si l'interprétation selon laquelle toute loi concernant les sénateurs serait " relative au Sénat " était tentante, elle aboutirait cependant à une faute très grave, puisqu'elle conduirait à une véritable dénaturation de l'équilibre institutionnel.

Le rapporteur a insisté ensuite sur le fait que la législation limitant le cumul ne serait pas applicable si le statut de l'élu, et en particulier celui du maire, ne faisait pas l'objet d'une réforme parallèle. Il a annoncé son intention de déposer un amendement allant dans ce sens, soulignant que, si le statut de l'élu n'était pas réformé, les citoyens risquaient de n'être plus représentés que par des retraités, des rentiers et quelques fonctionnaires qui disposeraient de facilités dans l'exercice de leur profession, les autres catégories sociales ne pouvant assumer les lourdes fonctions de maire avec des indemnités aussi insuffisantes.

Notant que plusieurs commissaires avaient évoqué la nécessité de revaloriser l'institution parlementaire, le rapporteur a estimé que les députés disposaient déjà de pouvoirs importants qu'ils ne mettaient pas suffisamment en _uvre, rappelant à cet égard l'intervention de M. Guy Carcassonne, selon lequel le Parlement ne manque pas tant de pouvoirs que de parlementaires pour les exercer.

A propos de la date d'entrée d'application du dispositif soumis au Parlement, il a constaté que, pour l'essentiel, les élus auraient à se mettre en conformité avec la loi lors des municipales de 2001 et marginalement par la suite.

Pour ce qui est de l'extension aux adjoints ou aux vice-présidents de la limitation du cumul, il a souligné que le code général des collectivités territoriales ne reconnaissait qu'un seul exécutif, le maire, le président du conseil général ou du conseil régional. Néanmoins, il a souhaité que soit interdit tout contournement de la loi qui consisterait à abandonner, par exemple, une fonction de maire pour aussitôt se voir attribuer, en qualité d'adjoint, une délégation générale. Il a également estimé nécessaire que les fonctions de président d'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre deviennent incompatibles avec toutes les autres fonctions électives locales ou parlementaires, à l'exception de celle de maire.

Par ailleurs, il s'est insurgé contre l'idée du libre choix des électeurs face à l'existence du cumul des mandats, soulignant que les partis politiques avaient intérêt à investir les candidats bénéficiant d'une solide implantation électorale et que les électeurs votaient d'abord en fonction de leurs convictions. Estimant que le cumul des mandats demeurerait politiquement obligatoire tant qu'il ne serait pas juridiquement interdit, il a jugé qu'il convenait de mettre un terme à cette logique perverse propre au système politique français.

Enfin, il a considéré que la mise en _uvre de la décentralisation exigeait que l'équilibre institutionnel mis en place en 1958 soit revu. Rappelant que la réforme du cumul ne visait pas les 324 députés-maires mais l'ensemble des maires de France, il a souligné qu'elle devrait entraîner un véritable renouvellement de la vie politique. A cet égard, il a jugé qu'il serait regrettable que le Sénat bloque cette réforme, se plaçant ainsi en marge des institutions et de leur nécessaire évolution. Souhaitant que la limitation du cumul des mandats et des fonctions aboutisse, il a estimé qu'elle constituait un préalable à la modernisation de la vie politique, répondant de ce fait aux attentes des citoyens.

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A l'issue de la discussion générale, la Commission a rejeté l'exception d'irrecevabilité n° 1 et la question préalable n° 1 présentées par M. Jean-Louis Debré et les membres du groupe R.P.R. sur le projet de loi organique n° 827, ainsi que l'exception d'irrecevabilité n° 1 et la question préalable n° 1 présentées par M. Jean-Louis Debré et les membres du groupe R.P.R. sur le projet de loi n° 828.

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EXAMEN DES ARTICLES

DU PROJET DE LOI ORGANIQUE (N° 827)

Article premier

(art. L.O. 137-1 du code électoral)

Incompatibilité entre un mandat parlementaire
national et européen

Cet article insère un article L.O. 137-1 dans le chapitre IV (" incompatibilités ") du titre II (" dispositions spéciales à l'élection des députés ") du livre Ier du code électoral. Son objet est de rendre incompatible le mandat de député avec celui de représentant au Parlement européen.

A titre liminaire, on notera que cette disposition est applicable également aux sénateurs comme l'ensemble des autres incompatibilités fixées par le présent projet de loi organique. En effet, l'article L.O. 297 du code électoral indique que " les dispositions du chapitre IV du titre II du livre Ier du présent code sont applicables aux sénateurs ".

Le premier alinéa de l'article 137-1 fixe donc le principe de l'incompatibilité ; le second arrête les modalités pratiques à mettre en _uvre pour faire cesser une situation d'incompatibilité.

Sur le principe, une difficulté apparaît au regard du texte communautaire qui organise l'élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct. En effet, la décision n° 76-787 du 20 septembre 1976 portant publication de l'acte portant élection des représentants à l'Assemblée au suffrage universel direct dispose, dans son article 5, que " la qualité de représentant au Parlement européen est compatible avec celle de membre du Parlement d'un Etat membre ".

Le cumul de ces deux mandats est donc autorisé par cette décision communautaire. Cette faculté ainsi ouverte doit-elle être pour autant analysée comme interdisant aux législations nationales la possibilité de prohiber le cumul des mandats de parlementaire national et européen ?

On constate que l'article 6 de la décision communautaire de 1976 énumère, dans son premier alinéa, une liste de mandats et fonctions incompatibles avec la qualité de député européen (membre du gouvernement d'un Etat membre, membre de la Commission ...). Dans son deuxième alinéa, ce même article indique que " en outre, chaque Etat membre peut fixer les incompatibilités applicables sur le plan national ". L'article 6, alinéa 2, autoriserait-il la France à interdire le cumul des mandats parlementaires nationaux et européen ? La réponse à cette interrogation n'est pas univoque. On constate simplement que cinq Etats européens ont édicté de telles incompatibilités (Grèce, Espagne, Belgique, Autriche et Portugal) et que la Finlande a organisé une procédure de suspension du mandat national en cas de cumul. Ces pays n'ont pas fait l'objet d'actions contentieuses pour manquement devant la Cour de justice des Communautés européennes.

La question peut se résoudre si l'on s'attache à examiner quelle est la hiérarchie des normes qui s'opère entre une décision communautaire et une loi organique. En règle générale, la décision - et en l'espèce, celle du 20 septembre 1976 - est, aux termes de l'article 189 du Traité de l'Union, " obligatoire dans tous ses éléments pour les destinataires qu'elle désigne ". Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes (C.J.C.E. 15 juillet 1964, Costa-Enel), un Etat membre ne peut adopter postérieurement une norme contraire à une règle communautaire. Une telle norme serait alors inapplicable de plein droit (C.J.C.E. 9 mars 1978, Simmenthal). Le droit communautaire soumet l'ordre interne à l'ordre juridique européen. En principe, une loi organique doit donc être conforme aux règles européennes. Reste que cette hiérarchie des normes, défavorable aux textes nationaux, pour être effective doit être sanctionnée.

Le Conseil constitutionnel, en vertu de l'article 61 de la Constitution, contrôle le respect par les lois des dispositions d'ordre constitutionnel. Or, les textes communautaires, pour importants qu'ils soient, n'appartiennent pas au bloc de constitutionnalité tel qu'il est délimité par le juge. Certes, on constate depuis quelques années une évolution dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Dans sa décision n° 74-54 du 15 janvier 1975 portant sur la loi relative à l'interruption volontaire de grossesse, le Conseil a estimé que l'article 55 de la Constitution, reconnaissant aux traités une valeur supra-législative sous réserve de réciprocité dans l'application, n'autorisait cependant pas le juge constitutionnel - saisi selon l'article 61 - à contrôler le respect des traités par la loi. Les normes internationales ne sont pas de nature constitutionnelle. Néanmoins, peu à peu, cette position de principe a connu des exceptions. Le Conseil a accepté d'examiner la conformité des lois à certains textes internationaux pour lesquelles la condition de réciprocité ne peut jouer. C'est le cas, entre autres, pour les conventions protectrices des droits de l'homme (n° 86-216 D.C., 3 septembre 1986). Plus tard, le Conseil a reconnu à la règle Pacta sunt servanda (13) une valeur constitutionnelle qui fait entrer indirectement les traités dans le champ de référence du Conseil (n° 92-308 D.C., 9 avril 1992).

Malgré ces évolutions jurisprudentielles, on observe que la juridiction suprême n'a pas encore franchi le pas concernant l'intégration dans le bloc de constitutionnalité des normes communautaires pour lesquelles la condition de réciprocité ne s'applique pas. En l'état du droit, la disposition de l'article premier de la loi organique ne devrait donc pas encourir de grief d'inconstitutionnalité.

Le second alinéa de l'article L.O. 137-1 fixe les conditions dans lesquelles un député élu au Parlement européen doit faire cesser cette incompatibilité. Ce texte s'inspire directement de l'article L.O. 137 du code électoral qui interdit le cumul des mandats de député et de sénateur. Il règle le cas où un parlementaire national est élu à Strasbourg mais non le cas inverse. Celui-ci est prévu dans le projet de loi ordinaire puisque les règles en matière d'incompatibilité pour les députés européens ne sont pas de nature organique.

Aux termes du second alinéa de l'article L.O. 137-1 nouveau, lorsqu'un député ou un sénateur est élu membre du Parlement européen, il cesse de ce fait même d'exercer son mandat national. En cas de contestation, la vacance du siège n'est proclamée qu'après la décision juridictionnelle confirmant l'élection, rendue par le Conseil d'Etat. En attendant cette décision, l'intéressé ne peut participer aux travaux de l'Assemblée nationale ou du Sénat.

On constate que, dans cette hypothèse, le choix n'est pas laissé au parlementaire qui, élu à l'Assemblée européenne, doit abandonner son mandat national. Cette disposition conduit à interdire les pratiques observées par le passé selon lesquelles des personnalités politiques nationales de premier plan prenaient la tête des listes aux élections européennes puis abandonnaient immédiatement après l'élection leur mandat à Strasbourg pour conserver leur qualité de député national.

La Commission a rejeté un amendement de M. Jacques Brunhes visant à permettre à un député élu membre du Parlement européen, dont l'élection à Strasbourg est contestée, de continuer à participer aux travaux de l'Assemblée nationale.

La Commission a adopté l'article premier sans modification.

Articles additionnels
après l'article premier


(art. L.O. 139 et L.O. 140 du code électoral)

Incompatibilité du mandat de député avec
la qualité de membre du Conseil de la politique monétaire
et de juge des tribunaux de commerce

La Commission a adopté un amendement présenté par Mme Frédérique Bredin, dont l'objet est de rendre incompatible le mandat de député avec la qualité de membre du conseil de la politique monétaire de la Banque de France (amendement n° 23).

Par ailleurs, elle a également adopté un amendement de M. Jacques Brunhes instituant une incompatibilité entre le mandat de député et les fonctions de juge des tribunaux de commerce (amendement n° 26).

Article 2

(art. L.O. 141 et L.O. 141-1 du code électoral)

Interdiction du cumul d'un mandat de parlementaire
avec une fonction élective locale
ou plus d'un mandat local

L'article 2 substitue à l'actuel article L.O. 141 du code électoral, deux articles L.O. 141 et L.O. 141-1.

Le premier interdit le cumul du mandat de député ou de sénateur avec une fonction élective locale ; le second prohibe le cumul du mandat de parlementaire avec plus d'un mandat local.

· L'interdiction du cumul entre le mandat de parlementaire et une fonction élective locale

Aux termes de cet article, le mandat de député et donc de sénateur est incompatible avec l'exercice d'une des fonctions électives suivantes : président d'un conseil régional, président du conseil exécutif de Corse, président d'un conseil général, maire.

La notion de fonction élective, distincte de celle de mandat, apparaissait déjà dans l'article L.O. 141, introduit dans le code par la loi organique n° 85-1405 du 30 décembre 1985 limitant le cumul des mandats. Elle recoupe en fait les fonctions exécutives locales.

L'objet de cette disposition est double. Tout d'abord, assurer aux parlementaires, mais aussi aux chefs des exécutifs locaux, une plus grande disponibilité en considérant, en particulier, que pour les maires, présidents de conseil généraux ou régionaux les charges à assumer sont aujourd'hui très lourdes et juridiquement de plus en plus encadrées et sanctionnées. Il s'agit donc, en quelque sorte, de libérer les exécutifs locaux tout autant que les parlementaires.

Le second objectif est d'éviter que les élus cumulant un mandat national et une fonction élective locale ne soient soumis à des conflits d'intérêts. Les parlementaires ne doivent pas faire _uvre de législateur en subordonnant l'intérêt général aux intérêts locaux dont ils seraient également les défenseurs.

C'est pourquoi l'article L.O. 141 ne prévoit aucun seuil notamment pour l'incompatibilité entre un mandat parlementaire et les fonctions de maire.

A la différence de ce qui a été mis en _uvre par la loi de 1985, il a été jugé ici nécessaire d'établir une règle d'incompatibilité stricte ne souffrant d'aucune exception fondée sur un critère démographique. La notion de conflit d'intérêts trouve, en effet, à s'appliquer quelle que soit la taille de la commune. Par ailleurs, la gestion d'une petite municipalité n'est pas moins prenante que celle d'une grande ville pour laquelle le maire dispose toujours de services administratifs et techniques très étoffés.

On peut s'interroger cependant sur le caractère ou non exhaustif de la liste contenue à l'article L.O. 141. La question des membres des exécutifs des territoires d'outre-mer est réglée à l'article 8 du projet de loi organique. On constate l'absence du président de l'assemblée de Polynésie française ainsi que celui de l'assemblée de Corse. On peut considérer que ces deux fonctions électives ne sont pas de nature exécutive. C'est pourquoi elles n'ont pas été intégrées dans le champ d'application de la loi. Néanmoins, au regard des risques de conflits d'intérêts, cette exclusion semble difficilement justifiable. Ces deux cas restent cependant marginaux.

Plus importante est l'absence des fonctions de conseillers municipaux, généraux ou régionaux titulaires d'une délégation, d'une part, et des fonctions exercées au sein des établissements publics de coopération intercommunale, d'autre part.

Au sein des collectivités territoriales, le pouvoir est en principe et en droit incarné par une seule personne. Les maires (article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales), les présidents de conseil général (article L. 3221-3), les présidents de conseil régional (article L. 4231-3) sont seuls chargés de l'administration de leur collectivité. Néanmoins, ils peuvent déléguer une partie de leurs fonctions à des adjoints pour les maires, à des vice-présidents pour les présidents de conseil général ou régional ou, en l'absence ou en cas d'empêchement de ces délégataires normaux, à tout conseiller municipal, général ou régional. Les délégations ne peuvent en principe revêtir un caractère général. Pourtant, la pratique de telles délégations existe parfois. On peut imaginer une situation où un parlementaire ne pouvant demeurer maire du fait de l'interdiction de cumul abandonnerait sa fonction tout en se faisant attribuer, par le nouveau maire qu'il aurait contribué à faire élire, une délégation d'ordre général, telle qu'il exercerait concrètement les pouvoirs dévolus au premier des édiles. La loi interdisant le cumul serait ici contournée. Il conviendrait donc de prévoir dans le projet de loi ordinaire une disposition, s'intégrant dans le code général des collectivités territoriales, dont l'objet serait d'interdire à tout élu ayant dû abandonner une fonction élective en application de l'article L.O. 141 du code électoral de bénéficier d'une délégation au sein de sa commune, de son conseil général ou régional.

Les fonctions exercées par les élus locaux au sein des établissements publics de coopération intercommunale ne sont pas, elles non plus, visées par l'article L.O. 141 du code électoral. Or, on sait que certains de ces établissements disposent d'importants pouvoirs et de budgets considérables. Les fonctions exécutives exercées au sein de ces organes sont prenantes. De plus, on peut imaginer les conflits d'intérêts qui pourraient naître pour des parlementaires responsables, par exemple, de grandes communautés urbaines. C'est pourquoi il convient de compléter le dispositif proposé par le Gouvernement en y intégrant les fonctions exécutives au sein des établissements publics de coopération intercommunale dotés d'une fiscalité propre tels qu'ils sont déterminés par l'article L. 5211-32 du code général des collectivités territoriales. Appartiennent à cette catégorie : les communautés urbaines, les communautés de villes, les districts à fiscalité propre, les communautés de communes, et les syndicats ou communautés d'agglomérations nouvelles. Les fonctions de président de ces établissements seraient visées par l'article L.O. 141 du code électoral. Se limiter aux établissements publics à fiscalité propre est un choix cohérent et raisonnable. Dans le cadre d'un texte visant à moderniser notre démocratie, il est cohérent d'intégrer des institutions qui lèvent l'impôt. Il est également raisonnable de s'en tenir à ces établissements sans y ajouter les structures intercommunales de taille modeste qui ne soulèvent pas de difficultés au regard de la question du cumul. Il s'agit de faire preuve de transparence et d'efficacité et non de maximalisme.

La Commission a rejeté quatre amendements :

-  l'amendement n° 14 de M. Georges Tron, limitant les incompatibilités parlementaires en matière de cumul à la détention de plus d'un mandat local et permettant, par conséquent, le cumul du mandat de député avec une fonction élective locale ;

-  un amendement de M. Pierre Albertini maintenant le principe de l'interdiction du cumul du mandat parlementaire avec plus d'un mandat local, mais excluant les fonctions électives locales du champ des incompatibilités en matière de cumul, tandis que les fonctions de président d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre y seraient, au contraire, intégrées ;

-  l'amendement n° 9 de M. Alain Ferry autorisant le cumul du mandat de député avec une fonction élective locale, y compris celle de président de communauté urbaine, de communauté de communes, de communauté de villes, de syndicat intercommunal et de district ;

-  l'amendement n° 19 de M. Alfred Marie-Jeanne limitant la portée de l'interdiction du cumul entre le mandat parlementaire et une fonction élective locale.

La Commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur ajoutant à la liste des fonctions électives locales qui ne peuvent être cumulées avec un mandat parlementaire celles de membre du conseil exécutif de Corse (amendement n° 24).

Elle a, en revanche, rejeté cinq autres amendements :

-  l'amendement n° 6 de M. Jean-Luc Warsmann soustrayant le maire de la liste des fonctions non cumulables avec le mandat parlementaire, ainsi que ses amendements nos 4 et 5, limitant respectivement l'application de l'incompatibilité aux maires des villes de plus de 50.000 et 100.000 habitants.

-  deux amendements de M. Guy Hascoët, l'un ajoutant à la liste des incompatibilités parlementaires la fonction de maire-adjoint et l'autre celle de président d'un établissement public régi par les dispositions de la cinquième partie du code général des collectivités territoriales.

Puis la Commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur visant à inclure dans le champ des incompatibilités les fonctions de président d'un établissement public de coopération intercommunale doté d'une fiscalité propre (amendement n° 25). M. Pierre Albertini s'est déclaré favorable à cet amendement. En réponse à M. Alain Ferry qui s'interrogeait sur le caractère limitatif de cet amendement, qui n'intègre que les établissements publics de coopération intercommunale dotés d'une fiscalité propre, le rapporteur a fait valoir que viser l'ensemble des structures intercommunales poserait un délicat problème de contour et conduirait à appliquer une règle unique à des réalités beaucoup trop différentes et complexes. Il a, en revanche, considéré qu'il était normal que des fonctions au sein d'établissements publics qui lèvent l'impôt soient traitées de même manière que des fonctions exécutives au sein des collectivités territoriales.

Puis elle a rejeté onze amendements :

-  l'amendement n° 13 de M. Pierre Hellier et trois amendements de M. Jacques Brunhes intégrant dans le champ des incompatibilités les fonctions de président de syndicats ou de communautés de communes à fiscalité propre, de syndicats d'agglomérations nouvelles, de communautés urbaines, de président de plus d'un syndicat de communes, devenus sans objet du fait de l'adoption de l'amendement du rapporteur ;

-  un amendement de M. Jacques Brunhes incluant dans le champ des incompatibilités la fonction de président de plus d'une société d'économie mixte ;

-  deux amendements de M. Guy Hascoët rendant le mandat parlementaire incompatible avec la fonction de vice-président délégué d'un établissement public visé à la cinquième partie du code général des collectivités territoriales et de vice-président d'un conseil général ou régional ayant reçu délégation ;

-  un amendement de M. Pierre Albertini intégrant dans le champ des incompatibilités, outre les fonctions de vice-présidents d'un conseil général ou régional ou de l'assemblée de Corse, celles de d'adjoint au maire d'une commune de plus de 50.000 habitants bénéficiant d'une délégation. M. Pierre Albertini a fait part de son souhait que l'on mette fin à des pratiques qui sont souvent sources de confusion, les électeurs ne sachant plus qui exerce véritablement les fonctions exécutives entre le maire et un adjoint bénéficiant d'une large délégation. M. Georges Tron a regretté que l'on élabore des textes restreignant de manière trop stricte la liberté des électeurs. Mme Frédérique Bredin a souligné, pour sa part, que si l'amendement proposé par M. Pierre Albertini soulevait une véritable question, il n'existait pas de moyens juridiques permettant de distinguer un adjoint sans réelle responsabilité et un adjoint bénéficiant d'une très large délégation. Elle a indiqué que pour éviter toute surenchère, il était préférable de s'en tenir à une définition stricte de l'exécutif.

-  trois amendements nos 18, 20 et 21 de M. Alfred Marie-Jeanne, visant à renvoyer à la loi ordinaire certaines dispositions de la loi organique.

· L'interdiction du cumul du mandat parlementaire avec plus d'un mandat local

L'article L.O. 141-1 introduit dans le code électoral par l'article 2 du projet de loi organique reprend l'esprit de la loi de 1985. Il est permis, aux termes de cette disposition, de cumuler un mandat de parlementaire avec un seul et unique des mandats locaux suivants : conseiller régional, conseiller de l'Assemblée de Corse, conseiller général, conseiller de Paris, conseiller municipal. Cet article est équilibré. Il permet de ne pas séparer le parlementaire des réalités locales, sans transiger pour autant sur la question de la disponibilité et des conflits d'intérêts.

On notera que, par rapport au texte de 1985, le mandat de conseiller municipal a été introduit dans la liste. A partir de l'instant où la logique de seuil est exclue - et l'on a vu pourquoi elle devait être abandonnée - on ne peut maintenir hors du champ de la loi le mandat de conseiller municipal même si cela implique que soit traité à l'identique l'élu qui siège au conseil municipal de Bordeaux ou de Lille et celui qui est conseiller municipal d'une commune de moins de cinq cents habitants. La lisibilité de la réforme par nos concitoyens passe par ce traitement égalitaire.

La Commission a rejeté trois amendements :

-  les amendements nos 1 et 2 de M. Jean-Luc Warsmann instituant, respectivement, des seuils de 2.000 ou 10.000 habitants pour l'incompatibilité entre le mandat de conseiller municipal et celui de député lorsque celui-ci détient un autre mandat local ;

-  les amendements nos 3 de M. Jean-Luc Warsmann et n° 7 de Mme Marie-Jo Zimmermann supprimant le mandat de conseiller municipal du champ des incompatibilités en matière de cumul.

La Commission a ensuite adopté l'article 2 ainsi modifié.

Articles additionnels
après l'article 2




Article L.O. 142-1 et L.O. 143-1 du code électoral

Incompatibilité du mandat de député avec les fonctions
de membre de cabinet du président de la République
ou d'un cabinet ministériel et avec la qualité de membre
du directoire de la Banque centrale européenne et de
membre de la Commission européenne

La Commission a adopté deux amendements de M. Pierre Albertini, l'un instituant une incompatibilité entre le mandat de député et les fonctions de membres de cabinet du président de la République ou d'un cabinet ministériel (amendement n° 27), l'autre entre le mandat parlementaire et la qualité de membre du directoire de la Banque centrale européenne et de membre de la Commission européenne (amendement n° 28).



Article L.O. 144 du code électoral

Missions confiées à un parlementaire

La Commission a adopté un amendement de Mme Frédérique Bredin limitant à deux le nombre des missions pouvant être confiées pendant la même législature à un parlementaire en vertu de l'article L.O. 144 du code électoral (amendement n° 29).

La Commission a rejeté ensuite un amendement de M. Jacques Brunhes étendant le champ des incompatibilités entre le mandat de député et les fonctions de direction, actuellement applicable aux entreprises nationales et établissements publics nationaux, à l'ensemble des entreprises dont l'Etat est actionnaire.



Article L.O. 145 du code électoral

Incompatibilité du mandat de député avec
la fonction de président de chambre consulaire

La Commission a adopté un amendement de Mme Frédérique Bredin instituant une incompatibilité entre le mandat de député et la fonction de président de chambre consulaire (amendement n° 30).



Article L.O. 146 du code électoral

Incompatibilités du mandat de député avec
des fonctions de dirigeants dans certaines sociétés

La Commission a rejeté un amendement de M. Jacques Brunhes visant à prévoir une incompatibilité entre le mandat parlementaire et la détention de plus de 5 % du capital d'une entreprise visée à l'article L.O. 146 du code électoral, Mme Frédérique Bredin ayant cependant jugé qu'il n'était pas dénué d'intérêt.

Elle a adopté deux amendements de Mme Frédérique Bredin, le premier étendant le champ des incompatibilités aux fonctions exercées dans les sociétés ayant un objet financier même si cet objet n'est pas exclusif d'autres activités (amendement n° 31) et le deuxième interdisant à un député détenant tout ou partie du capital d'une société visée à l'article L.O. 146 du code électoral d'exercer les droits qui sont attachés à la propriété de ce capital (amendement n° 32).



Article L.O. 146-1 du code électoral

Incompatibilité du mandat de député
avec les fonctions de conseil

La Commission a adopté un amendement de Mme Frédérique Bredin interdisant à tout député d'exercer une fonction de conseil ou de percevoir une rémunération au titre d'un contrat d'étude (amendement n° 33) rendant ainsi sans objet un amendement de M. Jacques Brunhes allant dans ce sens.



Articles L.O. 147, L.O. 148 et L.O. 149 du code électoral

Incompatibilité du mandat de député
avec certaines activités professionnelles privées

La Commission a adopté trois amendements présentés par Mme Frédérique Bredin, le premier étendant l'interdiction d'exercer une fonction de membre de conseil d'administration ou de surveillance ou toute fonction exercée de façon permanente en qualité de conseil d'une société visée à l'article L.O. 146 du code électoral au député qui exerçait de telles fonctions avant l'exercice de son mandat parlementaire (amendement n° 34), le deuxième supprimant l'autorisation qui était faite au député d'exercer des fonctions exécutives dans des sociétés d'économie mixte d'équipement régional ou local ou des sociétés ayant un objet exclusivement social lorsque ces fonctions ne sont pas rémunérées (amendement n° 35), le troisième limitant les possibilités pour un parlementaire également avocat de plaider ou d'agir contre l'Etat ou tout organisme public (amendement n° 36) rendant ainsi sans objet un amendement de M. Jacques Brunhes allant dans ce sens.

Article 3

(art. L.O. 151 du code électoral)

L'incompatibilité constituée
le jour de l'élection parlementaire

Sous une apparence hermétique, cet article important fixe les conditions dans lesquelles le parlementaire aura à abandonner l'un de ses mandats s'il est placé en situation d'incompatibilité au moment de son élection à l'Assemblée ou au Sénat.

L'article 3 complète l'article L.O. 151 du code électoral en tirant les conséquences de l'introduction dans ce code des articles L.O. 141-1 nouveau et L.O. 141 modifié.

Dans sa rédaction actuelle, l'article L.O. 151, alinéa premier, prévoit qu'un député et donc un sénateur qui est en situation d'incompatibilité doit, dans les deux mois qui suivent son entrée en fonction ou, en cas de contestation de l'élection, la décision du Conseil constitutionnel, se démettre des fonctions ou mandats incompatibles avec son mandat parlementaire. Cet alinéa s'applique à toutes les incompatibilités et pas uniquement à celles liées à des questions de cumul.

Le deuxième alinéa de l'article L.O. 151 qui traite plus particulièrement du cumul est complété par l'article 3 du projet de loi organique. Si dans les deux mois qui suivent son élection, le parlementaire n'a pas abandonné le mandat incompatible, il est déclaré démissionnaire d'office par le Conseil constitutionnel à la requête du bureau de l'Assemblée nationale ou du garde des sceaux.

Cela signifie donc qu'à défaut d'un autre choix volontaire, c'est le mandat de député ou de sénateur qui pâtit de la situation de cumul interdit. Comme le remplacement du parlementaire par son suppléant ne s'applique pas dans ce cas, sauf s'il s'agit d'un sénateur élu à la représentation proportionnelle qui peut alors être remplacé par son suivant de liste, le parlementaire aura plutôt intérêt à abandonner dans le délai de deux mois son mandat local afin d'éviter, le cas échéant, une élection législative ou sénatoriale partielle.

C'est cette règle résultant de l'alinéa premier de l'article L.O. 151 qui s'appliquera aux parlementaires nouvellement élus qui exerceront une fonction élective locale ou plus d'un mandat local.

A titre incident, on observe que le délai laissé au parlementaire pour mettre fin à l'incompatibilité était de quinze jours avant que la loi organique n° 95-63 du 19 janvier 1995 ne le porte à deux mois sans justification particulière. Tel est l'état actuel du droit. Dans un souci d'harmonisation avec les autres dispositions du présent texte et afin de rendre la règle plus lisible, il peut être envisagé de ramener ce délai à un mois, ce qui paraît suffisant pour permettre au nouvel élu de faire son choix : soit mettre fin à ses fonctions ou mandats locaux, soit laisser courir le délai et être déclaré démissionnaire d'office de son mandat parlementaire.

La Commission a rejeté l'amendement n° 15 de M. Georges Tron visant à supprimer l'article 3 en conséquence de sa proposition à l'article 2.

Elle a, en revanche, adopté un amendement du rapporteur faisant passer de deux mois à trente jours le délai laissé à un parlementaire pour mettre fin à une situation d'incompatibilité (amendement n° 37).

Puis elle a adopté un amendement de Mme Frédérique Bredin prévoyant la publication au Journal Officiel des déclarations faites par les parlementaires comportant la liste des activités professionnelles ou d'intérêt général qu'ils envisagent de continuer à exercer pendant leur mandat (amendement n° 38), de même qu'un amendement du rapporteur harmonisant les délais d'option laissés aux députés en matière d'incompatibilité du mandat parlementaire avec une fonction professionnelle (amendement n° 39).

La Commission a adopté l'article 3 ainsi modifié.

Article 4

(art. L.O. 151-1 du code électoral)

L'incompatibilité constituée
pendant le mandat parlementaire

Cet article substitue au premier alinéa de l'article L.O. 151-1 du code électoral deux nouveaux alinéas. Il règle les cas où les incompatibilités prévues aux articles L.O. 141 et L.O. 141-1 surviennent postérieurement à l'élection à l'Assemblée nationale ou au Sénat. Ce texte trouve donc à s'appliquer lorsqu'un député ou un sénateur accède à une fonction élective locale ou est élu à un mandat local alors qu'il en détient déjà un.

· Incompatibilité entre le mandat de parlementaire et une fonction élective

Le député ou le sénateur qui acquiert postérieurement à son élection au Parlement une des fonctions électives incompatible avec son mandat national aux termes de l'article L.O. 141 doit faire cesser cette situation. Pour ce faire, le choix lui est laissé. Il peut soit abandonner son mandat parlementaire, soit la nouvelle fonction qu'il vient d'acquérir. Le parlementaire dispose d'un délai de vingt jours pour faire ce choix. Ce délai court à compter de la proclamation de l'élection qui l'a placé en situation d'incompatibilité, c'est-à-dire l'élection de maire, de président de conseil général ou régional ..., ou, en cas de contestation, de la date à laquelle la décision juridictionnelle confirmant cette élection est devenue définitive.

Si le député ou le sénateur ne fait pas ce choix dans les vingt jours, il est réputé avoir renoncé à son mandat de parlementaire. Comme on l'a vu à l'article 3 pour les incompatibilités constituées au jour de l'élection à l'Assemblée nationale ou au Sénat, c'est le mandat national qui pâtit de la situation puisqu'en l'absence de choix de l'intéressé c'est lui qui prend fin.

· Incompatibilité entre le mandat parlementaire et plusieurs mandats locaux

Le second alinéa de l'article L. O. 151-1 règle la question de l'incompatibilité qui survient, postérieurement à l'élection du député à l'Assemblée nationale ou du sénateur au Sénat, dans les conditions fixées à l'article L.O. 141-1, qui proscrit le cumul de plus d'un mandat local. Le délai qui lui est accordé pour faire cesser cette incompatibilité est, là encore, de vingt jours, comme à l'alinéa premier. Mais dans le cadre de ce délai, le parlementaire n'est pas confronté à la même alternative que précédemment. Il doit ici démissionner de l'un des mandats qu'il détenait antérieurement. De manière concrète, un parlementaire également conseiller général, qui est élu conseiller régional, doit donc démissionner soit de son mandat parlementaire, soit de son mandat de conseiller général. Rappelons qu'à l'inverse, au titre de l'alinéa premier de l'article L.O. 151-1, le parlementaire peut abandonner la fonction qu'il vient juste d'acquérir.

Si le député ou le sénateur ne fait pas son choix dans les vingt jours, le mandat acquis ou renouvelé à la date la plus ancienne prend fin de plein droit ; ce peut être donc son mandat parlementaire ou son premier mandat local selon la date d'acquisition de chacun.

Rien en droit n'interdit, cependant, au nouvel élu local qui détient déjà un mandat local et un mandat parlementaire de démissionner du dernier mandat acquis dans le délai de vingt jours. Ce serait alors un détournement manifeste du dispositif de la loi organique qui impose l'abandon des mandats les plus anciens afin d'éviter les pratiques dites de la " locomotive " conduisant une personnalité politique particulièrement en vue à se présenter pour entraîner sa liste puis à renoncer immédiatement à ses nouvelles fonctions.

Or, cette pratique peut plus particulièrement être mise en _uvre pour des scrutins de liste municipaux ou régionaux.

Pour contrecarrer cette forme de contournement, il conviendrait de prévoir qu'en cas de démission du dernier mandat acquis, celle-ci emporte la fin de plein droit du mandat acquis ou renouvelé à la date la plus ancienne.

La Commission a adopté trois amendements du rapporteur, les deux premiers harmonisant les délais d'option laissés aux parlementaires placés en situation d'incompatibilité à la suite d'une élection locale (amendements nos 40 et 41), le troisième prévoyant que, en cas de démission du dernier mandat acquis dans le délai d'option, le mandat acquis ou renouvelé à la date la plus ancienne prend fin de plein droit (amendement n° 42).

Elle a en revanche rejeté trois amendements :

-  les amendements nos 10 et 11 de M. Alain Ferry systématisant le principe de l'abandon du mandat le plus ancien lorsqu'une situation de cumul interdit apparaît du fait d'une élection nouvelle.

-  un amendement n° 8 de Mme Marie-Jo Zimmermann prévoyant que l'obligation de démissionner d'un des mandats détenus antérieurement, en cas de cumul du mandat parlementaire avec deux mandats locaux, ne s'applique pas lorsque le nouveau mandat acquis est un mandat de conseiller municipal.

La Commission a adopté l'article 4 ainsi modifié.

Article additionnel
Après l'article 4


(art. 2 de l'ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958)

Participation aux travaux parlementaires

Mme Frédérique Bredin a présenté un amendement modifiant l'ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958 et visant à renforcer les sanctions pécuniaires en cas d'absentéisme parlementaire. M. Georges Tron a regretté cette logique d'encadrement de plus en plus stricte et invité ses collègues à réfléchir à l'organisation du travail parlementaire. M. Pierre Albertini a fait connaître son désaccord sur l'amendement présenté par Mme Frédérique Bredin et s'est interrogé sur la façon dont on pouvait objectivement apprécier la participation aux travaux parlementaires. Le rapporteur s'est, en revanche, déclaré favorable à cet amendement, en soulignant que la revalorisation du Parlement passait par la fin du cumul mais aussi par une implication plus forte des députés dans la fonction législative.

La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 43).

Article 5

Application aux territoires d'outre-mer
et à Mayotte

Cet article étend le champ d'application de la loi organique aux territoires d'outre-mer et à la collectivité territoriale de Mayotte. On peut estimer que cette loi organique a le caractère d'une loi de souveraineté au sens de la circulaire du 21 avril 1988. En principe, la mention contenue à l'article 5 ne s'imposerait donc pas puisque les lois de souveraineté s'appliquent aux T.O.M. sans mention expresse. Mais la présence de cet article ne présente pas d'inconvénient et lève toute ambiguïté.

La Commission a adopté l'article 5 sans modification.

Article 6

(art. L.O. 328-2 du code électoral)

Saint-Pierre-et-Miquelon
Président du conseil général et conseiller général

Pour tenir compte de la nature particulière de l'organisation administrative à Saint-Pierre-et-Miquelon, cet article ajoute à l'article L.O. 328-2 du code électoral deux alinéas qui tirent les conséquences de la nouvelle rédaction des articles L.O. 141 et L.O. 141-1.

Pour l'application de la règle de non-cumul des fonctions électives avec le mandat de député ou de sénateur, les fonctions de président du conseil général de Saint-Pierre-et-Miquelon sont assimilées aux fonctions de président de conseil général d'un département.

Pour l'application de l'article L.O. 141-1 interdisant de cumuler plus d'un mandat local avec un mandat de député ou de sénateur, le mandat de conseiller général de Saint-Pierre-et-Miquelon est assimilé à celui de conseiller général de département.

Après avoir rejeté un amendement de conséquence n° 16 de M. Georges Tron, la Commission a adopté l'article 6 sans modification.

Article 7

Mayotte - Conseiller général

Pour l'application de l'article L.O. 141-1, l'article 7 assimile le mandat de conseiller général de Mayotte à celui de conseiller général d'un département.

A la différence de l'article consacré à Saint-Pierre-et-Miquelon, on constate que la fonction de président de conseil général de Mayotte n'est pas visée. La raison de cette omission est simple. En effet, c'est le préfet qui assume les fonctions d'exécutif de la collectivité.

On remarquera également que cet article ne s'intègre pas dans le code électoral. Si l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon fait l'objet d'un livre particulier au sein du code, tel n'est pas le cas pour Mayotte. Les règles électorales applicables à cette collectivité sont définies par la loi n° 85-691 du 10 juillet 1985 relative à l'élection des députés des territoires d'outre-mer et de la collectivité territoriale de Mayotte qui n'est pas codifiée.

On peut s'interroger sur la lisibilité des dispositions prévues à l'article 7 du présent projet de loi organique qui n'apparaîtront pas dans le code électoral. Par souci de cohérence et de transparence, il paraît souhaitable d'intégrer ce texte à l'article L.O. 141-1 du code dont il est un corollaire.

Après avoir rejeté un amendement de conséquence n° 17 de M. Georges Tron, la Commission a adopté un amendement du rapporteur codifiant dans le code électoral les dispositions relatives au cumul des mandats applicables à Mayotte (amendement n° 44).

La Commission a adopté l'article 7 ainsi modifié.

Article 8

Les territoires d'outre-mer

L'article 8 traite du cas particulier des mandats locaux exercés dans les territoires d'outre-mer.

Pour l'application des incompatibilités nées du cumul, le paragraphe I assimile les mandats de membre des assemblées de province du territoire de la Nouvelle-Calédonie, de membre de l'assemblée de la Polynésie française et de membre de l'assemblée territoriale des Iles Wallis-et-Futuna au mandat de conseiller général d'un département. Ces dispositions ne soulèvent pas de difficultés particulières. Néanmoins, compte tenu de l'évolution institutionnelle que connaîtra prochainement la Nouvelle-Calédonie, il conviendra en deuxième lecture de tenir compte du nouveau statut de ce territoire, statut qui sera sans doute d'ici là défini juridiquement par la Constitution et la loi.

Cette remarque vaut également pour le paragraphe II de l'article 8 qui assimile les fonctions de président des assemblées de province du territoire de Nouvelle-Calédonie aux fonctions de président de conseil général d'un département.

Le paragraphe III traite, quant à lui, des fonctions de président ou de membre du Gouvernement de la Polynésie française qui sont, elles aussi, assimilées aux fonctions de président de conseil général.

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur, l'un visant à codifier dans le code électoral les dispositions applicables aux territoires d'outre-mer en matière de cumul des mandats (amendement n° 45), l'autre d'ordre rédactionnel (amendement n° 46).

La Commission a adopté l'article 8 ainsi modifié.

Après l'article 8

La Commission a rejeté un amendement de M. Julien Dray permettant à un député ayant exercé deux mandats consécutifs de s'inscrire au barreau en qualité d'avocat.

Article 9

Mise à jour de la loi du 30 décembre 1985
et de l'article L.O. 139 du code électoral

Cet article de conséquence abroge les dispositions non codifiées de la loi organique n° 85-1405 du 30 décembre 1985 tendant à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions électives par les parlementaires qui sont applicables aux territoires d'outre-mer, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Il en fait de même pour le deuxième alinéa de l'article L.O. 139 du code électoral qui fixait le principe de l'incompatibilité entre l'exercice des fonctions de membre du conseil du Gouvernement d'un territoire d'outre-mer et le mandat de député.

Ces dispositions sont reprises par les articles 6, 7 et 8 du présent projet de loi organique. Il est donc normal de les abroger.

La Commission a adopté l'article 9 sans modification.

Après l'article 9

La Commission a examiné un amendement n° 12 présenté par M. Alain Ferry étendant le principe du plafonnement des indemnités qui peuvent être versées à des élus locaux aux fonctions de président d'établissements publics de coopération intercommunale. Le rapporteur a fait observer que l'ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958, modifiée en 1992, avait déjà étendu ce plafond aux fonctions considérées. La Commission a rejeté cet amendement.

Article 10

Entrée en vigueur des dispositions
de la loi organique

Cet article, dont la rédaction peut apparaître un peu confuse, détermine les conditions dans lesquelles les dispositions du projet de loi organique vont s'appliquer aux fonctions et mandats locaux exercés actuellement par des parlementaires.

Le système prévu est le suivant :

Un parlementaire qui, au moment de la promulgation de la loi organique, se trouverait en situation de cumul, pourra continuer à exercer l'ensemble de ses fonctions et mandats jusqu'à ce que l'un d'entre eux prenne fin, pour quelque cause que ce soit, qu'il s'agisse d'une dissolution, d'une démission, ou d'un renouvellement général ... A cette date précise, il appartiendra à ce parlementaire de mettre sa situation en conformité avec les dispositions de la loi organique.

Un exemple semble utile pour illustrer ce mécanisme. Un député qui est aujourd'hui maire d'une ville de moins de 20.000 habitants et conseiller général qui, pour une raison quelconque, voit son mandat d'élu départemental prendre fin devra, en conséquence abandonner sa fonction de maire puisqu'aux termes de l'article L.O. 141 du code électoral, il ne peut la cumuler avec son mandat parlementaire.

La Commission a rejeté un amendement présenté par M. Pierre Albertini prévoyant l'entrée en vigueur de la loi organique au prochain renouvellement des conseils municipaux. M. Pierre Albertini a estimé qu'il était important d'assurer une égalité des élus face aux dispositions contenues dans la loi organique soulignant que le choix d'une date identique pour tous rendrait la réforme plus claire aux yeux de l'opinion. M. Gérard Gouzes a observé que généraliser l'entrée en vigueur de la loi organique à la date des élections municipales de 2001 pouvait soulever des difficultés si un nombre important de députés choisissaient d'abandonner leur mandat parlementaire pour se consacrer à leur mairie. Il a remarqué en effet que les élections municipales intervenaient moins d'un an avant le renouvellement général de l'Assemblée nationale et, qu'en conséquence, tout siège de député démissionnaire resterait vacant puisque dans ce délai le code électoral interdit l'organisation de toute élection partielle. Le rapporteur a confirmé que cette difficulté était bien réelle et proposé en conséquence à la Commission de poursuivre sa réflexion sur la manière dont pourrait être organisée l'entrée en vigueur de la loi organique. M. Georges Tron s'est, quant à lui, interrogé sur le caractère constitutionnel d'une mesure qui interdirait à un parlementaire de continuer à exercer son mandat.

La Commission a adopté l'article 10 sans modification.

La Commission a adopté l'ensemble du projet de loi organique ainsi modifié.

*

* *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République vous demande d'adopter le projet de loi organique (n° 827) limitant le cumul des mandats électoraux et fonctions électives modifié par les amendements figurant au tableau comparatif placé à la fin du présent rapport.

EXAMEN DES ARTICLES

DU PROJET DE LOI (N° 828)

Avant l'article premier

La Commission a rejeté un amendement présenté par M. Jean-Antoine Léonetti, prévoyant que nul ne peut faire acte de candidature s'il a déjà exercé quatre mandats dans la même fonction élective de manière continue.

Elle a ensuite rejeté dix amendements de M. Guy Hascoët : un amendement étendant le bénéfice du crédit d'heures aux conseillers municipaux des communes de 3.500 habitants et plus ; un amendement instituant un crédit d'heures, variable selon l'importance de la commune, au profit des conseillers municipaux ; un amendement permettant aux maires des communes de plus de 3.500 habitants et aux adjoints des communes de plus de 20.000 habitants d'obtenir, sur leur demande, une suspension de leur contrat de travail pour la durée de leur mandat ; un amendement majorant les indemnités perçues par les maires et adjoints aux maires ; un amendement prévoyant l'indemnisation des conseillers municipaux à partir du seuil de 10.000 habitants ; un amendement attribuant aux conseillers municipaux une indemnité de fonction variable selon la taille de la commune ; un amendement attribuant des moyens de fonctionnement aux groupes d'élus des communes de plus de 10.000 habitants ; un amendement imposant aux conseils municipaux l'obligation de prendre une délibération pour arrêter les moyens de fonctionnement des groupes d'élus ; un amendement qui affecte à chaque groupe d'élus une ou plusieurs personnes, proportionnellement à son l'importance sur proposition de ses représentants ; un amendement, enfin, prévoyant que le conseil municipal affecte aux groupes d'élus un local administratif, du matériel de bureau et prend en charge leurs frais de documentation, de courrier et de télécommunications.

TITRE PREMIER

DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE ÉLECTORAL

Article premier

(art. L. 46-1 du code électoral)

Limitation du cumul des mandats électoraux

Complétant le régime des incompatibilités défini par le projet de loi organique pour les parlementaires, cet article limite à deux le nombre total des mandats électoraux cumulables. La règle du cumul maximal de deux mandats vaut ainsi tant pour les parlementaires que pour les élus locaux qui ne détiendraient pas dans le même temps de mandat national. D'un point de vue rédactionnel, il serait souhaitable de supprimer les références aux incompatibilités avec les fonctions électives prévues pour les députés, les sénateurs et les membres du Parlement européen, car celles-ci n'ont pas de valeur normative et compliquent la lecture du dispositif. La Commission a adopté un amendement en ce sens présenté par le rapporteur (amendement n° 25).

Comme pour la loi organique, seuls les mandats de conseiller régional, de conseiller à l'Assemblée de Corse, de conseiller général, de conseiller de Paris et de conseiller municipal sont pris en compte au titre des mandats locaux. Les conseillers d'arrondissement qui ne sont pas membres du conseil de Paris ou des conseils municipaux de Lyon et Marseille sont par conséquent exclus du champ d'application du projet de loi. De même, les mandats de conseiller dans les établissements publics de coopération intercommunale ne sont pas pris en compte. Les arrondissements de Paris Lyon et Marseille et les établissements publics de coopération intercommunale ne sont pas en effet des collectivités locales et l'exercice de ces mandats est d'une nature différente de l'exercice des responsabilités municipales. Il est dès lors souhaitable de ne pas les inclure dans le champ des incompatibilités défini par l'article L. 46-1 du code électoral.

Par ailleurs, la rédaction proposée pour cet article renforce le régime des incompatibilités en cas de cumul de plus de deux mandats électoraux locaux. Alors que le texte en vigueur prévoit que l'élu en situation d'incompatibilité peut démissionner du mandat de son choix, le nouveau texte impose à l'élu qui se trouve dans cette situation de renoncer à l'un des mandats détenus antérieurement. Cette disposition vise à mettre un terme à la possibilité jusqu'ici offerte aux élus de démissionner du dernier mandat acquis, en jouant dans le cas de scrutins de liste, le rôle de " locomotive ".

Le délai de régularisation de la situation d'incompatibilité passe de quinze à vingt jours à compter de la date de l'élection. En cas de contentieux électoral, l'incompatibilité ne s'applique, dans un souci de sécurité juridique, qu'à compter du moment où la décision du juge électoral est devenue définitive. Le défaut de régularisation entraîne, à l'issue du délai imparti, la fin de plein droit du mandat ou de la fonction acquis ou renouvelé à la date la plus ancienne et non plus la plus récente. Ce régime privilégie donc la cohérence chronologique dans la mise en _uvre des incompatibilités prévues par le projet de loi : les mandats et fonction les plus récents sont ainsi systématiquement privilégiés sur les mandats et les fonctions les plus anciens.

L'existence de délais différents pour faire cesser la situation d'incompatibilité - deux mois pour les parlementaires, quinze jours pour le membre du Parlement européen qui accepterait une fonction incompatible en cours de mandat, et vingt jours pour celui qui serait élu à un mandat incompatible, vingt jours pour l'ensemble des élus locaux - pourrait être harmonisée à trente jours pour l'ensemble des mandats et fonctions visés. Suivant son rapporteur, la Commission a adopté un amendement en ce sens (amendement n° 26).

Elle a ensuite rejeté  plusieurs amendements : l'amendement n° 9 présenté par M. Georges Tron, de conséquence ; l'amendement n° 15 présenté par M. Lionnel Luca, réduisant la limitation des cumuls aux mandats locaux assortis d'une délégation de compétences ; l'amendement n° 1 de Mme Marie-Jo Zimmermann, excluant le mandat de conseiller municipal de l'interdiction de cumul des mandats électoraux ; un amendement de M. Pierre Albertini, élargissant le champ des incompatibilités aux fonctions de président d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, de vice-président d'un conseil régional, d'un conseil général ou de l'Assemblée de Corse et d'adjoint au maire d'une commune de plus de 50.000 habitants bénéficiant d'une délégation ; deux amendements de M. Guy Hascoët, incluant dans la limitation du cumul les fonctions exercées au sein d'un établissement public de coopération intercommunale.

Le dispositif prévoyant la fin de plein droit du mandat ou de la fonction acquis ou renouvelé à la date la plus ancienne peut être contourné puisqu'il n'est pas possible d'empêcher un élu de démissionner du mandat ou de la fonction acquis par lui en dernier lieu. Le rapporteur a donc présenté un amendement tendant à éviter de possibles détournements de procédure en prévoyant la fin de plein droit du mandat ou de la fonction le plus ancien, y compris en cas de démission du dernier mandat acquis. La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 27).

La Commission a ensuite rejeté l'amendement n° 2 de Mme Marie-Jo Zimmermann, prévoyant que l'obligation de démissionner de l'un des mandats détenus antérieurement en cas d'incompatibilité ne s'applique pas lorsque le nouveau mandat acquis est un mandat de conseiller municipal ; un amendement présenté par M. Ernest Moutoussamy, précisant que dans les D.O.M. les mandats de conseiller régional et de conseiller général ne sont pas cumulables.

La Commission a adopté l'article premier ainsi modifié.

Article 2

(art. L. 46-2 du code électoral)

Limitation du cumul des fonctions électives

Cet article rappelle les dispositions des articles du code général des collectivités territoriales définissant le régime des incompatibilités applicables aux maires (article L. 2122-4), aux présidents de conseil général (article L. 3122-3), aux présidents de conseil régional (article L. 4133-3), au président du conseil exécutif de Corse (article L. 4422-15), aux parlementaires (articles L.O. 141 et L.O. 297 du code électoral) et aux membres du Parlement européen (article 6-2 de la loi du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen). Puisqu'il est dépourvu de portée normative, il est proposé de le supprimer, car ses dispositions sont redondantes avec celles des titres II et III du présent projet de loi.

La Commission a adopté un amendement de suppression du rapporteur (amendement n° 28). De ce fait sont devenus sans objet : les amendements nos 16 et 17, présentés par M. Alfred Marie-Jeanne, autorisant le cumul des mandat selon la taille de la commune ou de la région ; un amendement de M. Guy Hascoët, incluant les fonctions exécutives des établissements publics de coopération internationale dans le champ de l'interdiction du cumul des mandats ; les amendements nos 10, présenté par M. Georges Tron et 4 de M. Alain Ferry, permettant aux parlementaires d'exercer une fonction exécutive locale.

Article additionnel après l'article 2

(art. L. 46-2 du code électoral)

Incompatibilités applicables aux présidents
de chambre consulaire

La Commission a adopté un amendement présenté par Mme Frédérique Bredin, prévoyant que la fonction de président de chambre consulaire est incompatible avec un mandat local (amendement n° 29).

TITRE II

DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE GÉNÉRAL
DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Article 3

(art. L. 2122-4 du code général des collectivités territoriales)

Incompatibilités applicables aux fonctions de maire et aux membres de l'organe délibérant des établissements publics
de coopération intercommunale

Aux termes de cet article, les maires ne pourront exercer de mandat parlementaire, être membres du Parlement européen, président de conseil général ou régional. A la limitation à deux du nombre de mandats électifs pouvant être exercés simultanément s'ajoute ainsi une incompatibilité entre la qualité de chef de l'exécutif communal et l'exercice d'un mandat national - député, sénateur ou membre du Parlement européen - ou d'une autre fonction de chef d'exécutif local. Ce principe s'applique également, aux termes des articles 4 et 5, aux présidents de conseil général ou de conseil régional.

La Commission a rejeté l'amendement n° 11 de M. Georges Tron, tendant à supprimer cet article, puis elle a adopté un amendement présenté par M. Pierre Albertini, selon lequel les fonctions de maire sont également incompatibles avec celles de membre de la Commission européenne ou de la Banque centrale européenne, après que le rapporteur eut suggéré d'en modifier la rédaction afin de faire référence aux fonctions de membre du directoire de la Banque centrale européenne (amendement n° 30). La Commission a ensuite rejeté les amendements nos 18 et 19, de conséquence, présentés par M. Alfred Marie-Jeanne ainsi qu'un amendement de M. Guy Hascoët limitant les possibilités de cumul des fonctions de maire avec celles exercées au sein des établissements publics de coopération intercommunale.

La question de l'extension de cette incompatibilité aux adjoints aux maires, et plus généralement aux détenteurs d'une délégation, est posée. Il semble en effet difficilement justifiable que le maire d'une petite commune entre dans le champ d'application du texte, alors que l'adjoint au maire d'une grande ville bénéficiant d'une large délégation de pouvoir pourrait exercer simultanément une autre fonction exécutive locale, voire un mandat parlementaire. L'extension du champ des incompatibilités aux adjoints aux maires se heurte toutefois à l'absence d'exécutif collégial dans les collectivités territoriales, ainsi qu'au caractère discrétionnaire de la procédure de délégation. Ainsi, en application de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, le maire n'est pas tenu de déléguer ses pouvoirs à ses adjoints mais, en revanche, peut le faire, dans certaines conditions, à un simple conseiller municipal ; par ailleurs il peut à tout moment retirer une délégation qu'il a conférée, dans un but d'intérêt du service très largement défini par la jurisprudence administrative. Il est donc difficile dans l'état actuel du droit des collectivités territoriales d'assimiler au regard du régime des incompatibilités le maire, titulaire d'une fonction exécutive définie par la loi pour la durée du mandat, et les autres membres du conseil municipal titulaires d'une délégation, associés au pouvoir exécutif de manière temporaire et discrétionnaire par simple arrêté du maire.

Lorsque le maire se trouve placé en situation d'incompatibilité du fait d'une élection postérieure à sa désignation par le conseil municipal, ses fonctions de maire cessent de plein droit. Par souci de sécurité juridique, les contestations devant le juge électoral suspendent l'application du dispositif jusqu'au terme des procédures juridictionnelles. Il apparaît souhaitable, si l'exclusion des fonctions d'adjoint au maire ou de conseiller municipal titulaire d'une délégation définie à l'article L. 212-18 du code général des collectivités territoriales est maintenue, d'éviter que cette démission de la fonction de maire ne soit contournée par l'élu en situation d'incompatibilité.

Enfin, les présidents et les membres de l'organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale sont explicitement exclus du champ d'application du projet de loi. Le principe posé à l'article L. 5211-2 du code général des collectivités territoriales qui applique au président et aux membres de l'organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale les dispositions du code relatives au maire et à ses adjoints est en effet écarté en matière d'incompatibilité électorale. L'exercice des fonctions de président ou de membre de l'organe délibérant d'un établissement public de coopération intercommunale ne serait donc pas pris en compte au titre des fonctions électives visées par le projet de loi. Si cette exclusion semble peu justifiable pour les députés, les sénateurs ou les membres du Parlement européen, dès lors que les maires des petites communes ne peuvent être parlementaires, elle se conçoit aisément pour les élus municipaux, alors même qu'il est nécessaire de remédier à l'émiettement communal en encourageant l'intercommunalité.

La Commission a adopté l'article 3 ainsi modifié.

Après l'article 3

La Commission a rejeté un amendement de M. Guy Hascoët limitant la possibilité de cumul avec les fonctions exécutives dans les établissements de coopération intercommunale.

Articles additionnels après l'article 3

(Art. L. 2122-18 et L. 2123-23 du code général des collectivités territoriales)

Incompatibilité applicable aux délégataires du maire
Revalorisation des indemnités des maires

La Commission a adopté un amendement du rapporteur, prévoyant qu'un maire ayant démissionné pour cause d'incompatibilité ne peut recevoir de délégation jusqu'au terme de son mandat de conseiller municipal ou jusqu'à la cessation du mandat ou de la fonction l'ayant placé en situation d'incompatibilité (amendement n° 31).

La Commission a examiné un amendement présenté par Mme Frédérique Bredin, ayant pour objet de revaloriser les indemnités des maires. M. Bernard Roman, tout en s'interrogeant sur la recevabilité financière d'une telle proposition, a estimé qu'il était souhaitable que celle-ci soit reprise par le Gouvernement, son surcoût financier pouvant être évalué à 800 millions de francs. Le Président, constatant qu'il ne pouvait matériellement réunir le Bureau de la Commission, conformément aux dispositions de l'article 86, alinéa 4, du Règlement, n'a pas jugé souhaitable de se prononcer sur la recevabilité de cet amendement, dont il a observé qu'avant la discussion en séance il serait, en tout état de cause, soumis au contrôle du Président de la commission des Finances. La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 32).

Article 4

(art. L. 3122-3 du code général des collectivités territoriales)

Incompatibilités applicables aux fonctions
de président de conseil général

La fonction de président de conseil général ne sera plus cumulable avec l'exercice d'un mandat de député, de sénateur ou de membre du Parlement européen, ainsi qu'avec les fonctions de maire ou de président du conseil régional. La conséquence de ces incompatibilités est identique à celle prévue pour le maire et se traduit par la cessation de plein droit des fonctions de chef de l'exécutif départemental.

L'extension du dispositif aux vice-présidents du conseil général se heurte aux mêmes objections que celles évoquées pour les adjoints aux maires. Si la loi du 2 mars 1982 prévoit l'existence d'une commission permanente - élue par le conseil général, composée du président, de quatre à dix vice-présidents et éventuellement d'un ou plusieurs autres membres du conseil (article L. 3122-7 du code général des collectivités territoriales) - et d'un bureau, composé du président et des membres de la commission permanente ayant reçu délégation (article L. 3122-8 du code général des collectivités territoriales), elle n'a pas pour autant mis en place d'exécutif collégial.

La Commission a tout d'abord rejeté l'amendement n° 12 de suppression présenté par M. Georges Tron, l'amendement n° 20 de M. Alfred Marie-Jeanne, permettant aux maires des petites communes d'être président de conseil général et l'amendement n° 5 présenté par M. Alain Ferry, interdisant le cumul des fonctions de président de conseil général avec celles de président d'une communauté urbaine, d'une communauté de communes, d'une communauté de ville, d'un syndicat intercommunal ou d'un district. Après avoir adopté un amendement du rapporteur instituant une incompatibilité entre les fonctions de président de conseil général et celles de président d'un établissement public de coopération intercommunale doté d'une fiscalité propre (amendement n° 33), elle a rejeté un amendement de M. Guy Hascoët, limitant les possibilités de cumul entre les fonctions de président de conseil général et celles exercées au sein d'un établissement public de coopération intercommunale.

La Commission a ensuite adopté un amendement de M. Pierre Albertini, interdisant le cumul des fonctions de président de conseil général avec celles de membre de la Commission européenne ou de la Banque centrale européenne, après que le rapporteur eut proposé d'en corriger la rédaction pour faire référence aux fonctions de membre du directoire de la Banque centrale européenne (amendement n° 34).

La Commission a adopté l'article 4 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 4

(art. L. 3221-3 du code général des collectivités territoriales)

Incompatibilité applicable aux délégataires
du président du conseil général

Le régime des délégations accordées par le président aux vice-présidents, voire le cas échéant à un membre du conseil général, défini à l'article L. 3221-3 du code général des collectivités territoriales, est le même que celui en vigueur pour les maires. Le rapporteur a donc proposé comme pour les maires de compléter l'article L. 3221-3 afin d'éviter qu'un élu démissionnant de sa fonction de président du conseil général en vue de se mettre en conformité avec la nouvelle législation sur les incompatibilités ne puisse recevoir de délégation. Suivant le rapporteur, la Commission a adopté un amendement en ce sens (amendement n° 35).

Article 5

(art. L. 4133-3 du code général des collectivités territoriales)

Incompatibilités applicables aux fonctions
de président de conseil régional

La fonction de président de conseil régional ne sera pas davantage cumulable avec l'exercice d'un mandat de député, de sénateur ou de membre du Parlement européen, et sera également incompatible avec les fonctions de maire et de président du conseil général. La conséquence des incompatibilités ainsi établies est identique à celle prévue pour le maire et le président du conseil général et se traduit par la cessation de plein droit des fonctions de chef de l'exécutif régional.

Les structures du conseil régional sont calquées sur celles du conseil général : la commission permanente, définie à l'article L. 4133-4 du code général des collectivités territoriales, est élue par le conseil régional et composée du président, des quatre à quinze vice-présidents et éventuellement d'un ou plusieurs membres du conseil ; le bureau, défini à l'article L. 4133-8, est composé des membres de la commission permanente ayant reçu délégation. Le bureau du conseil régional ne constitue donc pas un exécutif collégial, et les délégations accordées par le président en application de l'article L. 4231-3 du code général des collectivités territoriales peuvent à tout moment être rapportées.

La Commission a rejeté l'amendement n° 13 présenté par M. Georges Tron tendant à la suppression de l'article et l'amendement n° 22 de M. Alfred Marie-Jeanne, permettant à un président d'une région de faible importance démographique d'exercer une fonction de maire ou un mandat parlementaire, ainsi que l'amendement n° 6 présenté par M. Alain Ferry, interdisant le cumul entre une fonction de président de conseil régional et celle de président d'une communauté urbaine, d'une communauté de communes, d'une communauté de villes, d'un syndicat intercommunal ou d'un district.

Elle a, en revanche, adopté un amendement du rapporteur, prévoyant l'incompatibilité entre les fonctions de président de conseil régional et celles de président d'un établissement public de coopération intercommunale doté d'une fiscalité propre (amendement n° 36). Elle a rejeté l'amendement n° 21 de M. Alfred Marie-Jeanne, permettant à un maire d'une commune de faible densité démographique d'être président de conseil régional ainsi qu'un amendement de M. Guy Hascoët limitant les possibilités de cumul entre les fonctions de président du conseil régional et celles exercées au sein des établissement public de coopération intercommunale.

Elle a ensuite adopté un amendement de M. Pierre Albertini, prévoyant l'incompatibilité des fonctions de président de conseil régional avec celles de membre de la Commission européenne ou de la Banque centrale européenne (amendement n° 37).

La Commission a adopté l'article 5 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 5

(art. L. 4231-3 du code général des collectivités territoriales)

Incompatibilité applicable aux délégataires
du président du conseil régional

Par coordination avec les dispositions envisagées pour les maires et les présidents du conseil général, l'article L. 4231-3 pourrait être complété, en vue d'empêcher le président placé en situation d'incompatibilité et démissionnant de sa fonction de recevoir une délégation. Suivant son rapporteur, la Commission a adopté un amendement en ce sens (amendement n° 38).

Article 6

(art. L. 4422-15 du code général des collectivités territoriales)

Incompatibilités applicables aux fonctions
de président du conseil exécutif de Corse

Cet article complète les dispositions du code général des collectivités territoriales relatives à l'organisation de la collectivité territoriale de Corse issues de la loi n° 91-428 du 13 mai 1991 en alignant le régime des incompatibilités applicables au chef de l'exécutif de cette collectivité territoriale à statut spécial sur celui des présidents de conseil régional. A la différence des vice-présidents du conseil régional, les membres du conseil exécutif de Corse, qui constituent une sorte de gouvernement local, ne peuvent être membres de l'Assemblée territoriale et sont collégialement responsables devant elle. L'incompatibilité applicable au président du conseil exécutif de Corse pourrait dans ces conditions être étendue à l'ensemble des membres du conseil exécutif. La Commission a adopté un amendement du rapporteur en ce sens (amendement n° 39).

La Commission a adopté l'article 6 ainsi modifié.

TITRE III

DISPOSITIONS MODIFIANT LA LOI N° 77-729 DU 7 JUILLET 1977 RELATIVE À L'ÉLECTION DES REPRÉSENTANTS AU PARLEMENT EUROPÉEN

Article 7

(art. 6 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977)

Incompatibilité avec les fonctions non électives

Cet article modifie la rédaction de l'article 6 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen en opérant une distinction entre fonctions électives et fonctions non électives prises en compte en matière d'incompatibilité. Les références relatives à la notion de mandat sont ainsi supprimées dans le texte de l'article 6 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977, les mandats incompatibles avec le mandat de représentant au Parlement européen étant définis à l'article 8 du projet de loi (articles 6-1 à 6-4 nouveaux de la loi du 7 juillet 1977).

L'article 6 ainsi modifié définit les conditions de mise en _uvre de l'incompatibilité applicable aux fonctions non électives pour les membres du Parlement européen : ceux-ci, qu'ils viennent d'être élus ou qu'ils acceptent en cours de mandat une fonction non élective incompatible, disposent d'un délai de quinze jours pour faire cesser l'incompatibilité. Le Conseil d'Etat, juge de l'élection des membres du Parlement européen, a compétence pour constater, à la demande de tout électeur, l'incompatibilité, en l'absence de régularisation de sa situation par le parlementaire européen.

Il serait souhaitable, dans un souci de simplification, d'harmoniser cet article avec les autres dispositions du projet de loi en prévoyant que le délai applicable pour faire cesser l'incompatibilité est non de quinze mais de trente jours. Tel est l'objet des deux amendements de coordination présentés par le rapporteur que la Commission a adoptés (amendements nos 40 et 41).

La Commission a adopté l'article 7 ainsi modifié.

Article 8

(art. 6-1 à 6-4 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977)

Incompatibilité avec les mandats électoraux
et les fonctions électives

Cet article complète l'article 6 de la loi du 7 juillet 1977 en énumérant les mandats électoraux et les fonctions électives incompatibles avec l'exercice du mandat de membre du Parlement européen en transposant le dispositif prévu par le projet de loi organique et par le projet de loi ordinaire pour les autres mandats électoraux et fonctions électives.

L'article 6-1 constitue ainsi une mesure de coordination avec la rédaction proposée pour l'article L.O. 137-1 du code électoral posant le principe de l'incompatibilité entre l'exercice d'un mandat parlementaire et la qualité de membre du Parlement européen.

Quant à l'article 6-2, il opère une coordination avec la rédaction proposée par le présent projet de loi pour les articles L. 2122-4, L. 3122-3, L. 4133-3 et L. 4422-15 du code général des collectivités territoriales : il prévoit en conséquence l'incompatibilité entre le mandat de membre du Parlement européen et les fonctions de maire, de président du conseil général, de président de conseil régional, et, par assimilation, de président du conseil exécutif de Corse. La conséquence de ces incompatibilités est identique à celle prévue pour les chefs d'exécutifs des collectivités locales : elles entraînent la cessation de plein droit du mandat de membre du Parlement européen.

L'article 6-3 complète les dispositions du nouvel article L. 46-1 du code électoral en prévoyant que seul un mandat local peut être cumulé avec le mandat de membre du Parlement européen. La conséquence d'une incompatibilité résultant d'une élection postérieure à celle de représentant au Parlement européen est sanctionnée selon le même dispositif que celui prévu au nouvel article L. 46-1 du code électoral : le représentant doit démissionner dans un délai de vingt jours, à compter de la proclamation du résultat de l'élection, d'un des mandats détenus antérieurement. Le dispositif est suspendu en cas de contentieux électoral jusqu'à l'issue des procédures juridictionnelles, et, à défaut de choix dans le délai prévu, le mandat le plus ancien cesse de plein droit. Par coordination avec la rédaction proposée pour l'article L. 46-1, il conviendrait de porter à trente jours le délai de régularisation. Dans le même temps, il serait souhaitable d'éviter que le membre du Parlement européen ne puisse contourner ce dispositif en démissionnant du dernier mandat acquis : il est donc nécessaire de prévoir la cessation de plein droit du mandat le plus ancien en cas de démission du dernier mandat acquis.

Enfin, l'article 6-4 précise les délais dans lesquels les incompatibilités applicables aux membres du Parlement européen prennent effet. Par souci de sécurité juridique, les dispositions de la loi ne s'appliquent qu'au terme des éventuels contentieux électoraux et après épuisement des voies de recours.

La Commission a rejeté trois amendements :

-  l'amendement n° 14 de M. Georges Tron, tendant à supprimer cet article, pour permettre à un représentant au Parlement européen d'exercer une fonction exécutive locale ;

-  un amendement de coordination n° 23 de M. Alfred Marie-Jeanne ;

-  un amendement de M. Guy Hascoët, instituant une incompatibilité entre les fonctions de président d'un établissement public régi par les dispositions de la cinquième partie du code général des collectivités territoriales incompatibles et le mandat de représentant au Parlement européen.

Elle a adopté, en revanche, un amendement du rapporteur instituant une incompatibilité entre le mandat de représentant au Parlement européen et les fonctions de président d'un établissement public de coopération intercommunale doté d'une fiscalité propre (amendement n° 42), rendant ainsi sans objet l'amendement n° 7 de M. Alain Ferry.

Elle a ensuite rejeté un amendement de coordination de M. Guy Hascoët et l'amendement n° 8 de M. Alain Ferry, prévoyant qu'au cas où un représentant au Parlement européen se trouve placé en situation d'incompatibilité du fait de l'acquisition d'un nouveau mandat, c'est le mandat le plus ancien qui cesse de plein droit.

Puis elle a adopté deux amendements du rapporteur : l'un de coordination sur le délai prévu pour faire cesser de l'incompatibilité née d'une situation de cumul interdit (amendement n° 43) ; l'autre permettant d'éviter que, dans une telle situation, l'obligation de démissionner de l'un des mandats détenus antérieurement ne soit détournée par une démission du dernier mandat acquis (amendement n° 44).

La Commission a adopté l'article 8 ainsi modifié.

Article 9

(art. 24 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977)

Incompatibilités applicables au remplaçant

Cette disposition complète l'article 24 de la loi du 7 juillet 1977 relatif au remplacement des membres du Parlement européen. En cas de vacance du siège de représentant pour quelque cause que ce soit, le suivant de liste est appelé à le remplacer. Le régime d'incompatibilité défini aux nouveaux articles 6-1 à 6-3 de la loi du 7 juillet 1977 prévus à l'article 8 du projet de loi s'appliquera automatiquement au remplaçant du membre du Parlement européen dont le mandat a cessé. Le remplaçant aura le choix dans un délai de vingt jours entre la démission de l'un des mandats ou de la fonction à l'origine de la situation d'incompatibilité, ou à défaut d'option dans ce délai, par son remplacement par le suivant de liste. Si le dispositif n'appelle pas de commentaire particulier, il apparaît en revanche souhaitable d'harmoniser le délai imparti pour mettre un terme à la situation d'incompatibilité en le portant à trente jours. La Commission a adopté un amendement du rapporteur ayant cet objet (amendement n° 45).

La Commission a adopté l'article 9 ainsi modifié.

TITRE IV

DISPOSITIONS RELATIVES A L'OUTRE-MER

Article 10

Application aux territoires d'outre-mer et à Mayotte

Cet article étend le champ d'application de la loi aux territoires d'outre-mer et à Mayotte dans les mêmes conditions que l'article 5 du projet de loi organique.

La Commission a adopté l'article 10 sans modification.

Article 11

Application en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Mayotte

Par ces dispositions les mandats de conseiller municipal et les fonctions de maire exercés en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Mayotte sont assimilés aux mandats et fonctions similaires exercés en France métropolitaine. L'article 8 du projet de loi organique, qui définit le régime des incompatibilités applicables aux mandats et fonctions existant dans les territoires d'outre-mer qui ne relèvent pas des communes, est ainsi complété.

La Commission a adopté l'article 11 sans modification.

Article 12

(art. L. 328-3 du code électoral)

Conseil général de Saint-Pierre-et-Miquelon

Compte tenu du caractère particulier de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, dont le statut a été déterminé par la loi du 11 juin 1985, il convient d'assimiler par une disposition expresse le mandat de conseiller général et les fonctions de président du conseil général aux mandats de conseiller général et de président du conseil général d'un département métropolitain. L'ensemble des incompatibilités définies par le code général des collectivités territoriales et par la loi du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen s'appliquent donc aux membres de l'unique assemblée territoriale de cette collectivité spécifique.

La Commission a adopté l'article 12 sans modification.

Article 13

Conseil général de Mayotte

Autre collectivité d'outre-mer à statut particulier, Mayotte, à la différence de Saint-Pierre-et-Miquelon, n'a pas d'exécutif territorial élu. Cette fonction étant assumée par le préfet, seul le mandat de conseiller général est assimilé pour l'application du régime des incompatibilités électorales à celui de membre d'un conseil général métropolitain.

La Commission a adopté l'article 13 sans modification.

Article 14

Abrogation

Les dispositions de l'article 5 de la loi du 30 décembre 1985 qui définissait le régime des incompatibilités applicables dans les territoires d'outre-mer sont abrogées. Celles-ci sont en effet remplacées par l'article 8 du projet de loi organique ainsi que par les articles 10 à 13 du présent projet de loi.

La Commission a adopté l'article 14 sans modification.

Après l'article 14

La Commission a été saisie de cinq amendements ayant le même objet :

-  l'amendement n° 24 de MM. Bernard Accoyer et Renaud Muselier, substituant à la position de détachement prévue pour les fonctionnaires élus parlementaires ou désignés présidents d'un exécutif d'une collectivité locale de plus de 20.000 habitants celle de la disponibilité ;

-  quatre amendements de M. Pierre Albertini prévoyant que les fonctionnaires de l'Etat, les fonctionnaires territoriaux, ou hospitaliers et les militaires, élus députés, sénateurs, représentants au Parlement européen, présidents de conseil régional ou général, maires de communes de plus de 50.000 habitants et présidents d'établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, sont placés, non en position de détachement, mais en disponibilité.

Mme Frédérique Bredin a exprimé son accord avec les amendements de M. Pierre Albertini, faisant valoir que la position de détachement des élus constituait une source de discrimination avec les salariés du secteur privé. Après s'être déclaré réservé sur les amendements de M. Pierre Albertini, M. Gérard Gouzes a relevé que le régime de la disponibilité sur demande de l'intéressé était limité à six ans et souligné qu'une harmonisation du statut proposé avec la durée de la disponibilité serait à tout le moins nécessaire, en cas de renouvellement du mandat. Tout en convenant de l'inégalité de traitement, au regard des droits à la retraite, des élus issus de la fonction publique avec ceux provenant du secteur privé, le rapporteur a observé que le régime du détachement des fonctionnaires était fixé en réalité par voie réglementaire ; il a rejoint M. Gérard Gouzes pour estimer qu'il serait difficile de substituer au détachement la disponibilité, sans revenir sur la durée de celle-ci. La Commission a rejeté les cinq amendements.

Elle a ensuite été saisie d'un amendement de M. Pierre Albertini confiant à une commission, composée pour moitié de parlementaires et pour l'autre d'élus locaux, le soin d'examiner les conditions de mise en _uvre d'une réforme du statut des élus dans un délai de six mois après la date d'entrée en vigueur de la loi. M. Gérard Gouzes a exprimé quelques doutes sur les conclusions concrètes que l'exécutif serait amené à tirer de ces travaux ; Mme Frédérique Bredin s'est inquiétée du risque que le Gouvernement ne tire parti de cet amendement pour ne rien proposer dans l'immédiat en vue d'améliorer le statut des élus ; le rapporteur, enfin, a observé que l'amendement de revalorisation des indemnités des maires adopté par la commission rendait cet amendement sans objet. La Commission l'a donc rejeté.

TITRE V

DISPOSITIONS TRANSITOIRES

Article 15

Entrée en vigueur des dispositions du projet de loi

Cet article est identique à l'article 10 du projet de loi organique : il définit les conditions de temps dans lesquelles les élus en situation d'incompatibilité devront y mettre un terme. Le texte ne s'appliquera pas dès sa promulgation. En revanche, dès qu'un des mandats ou fonctions détenus par un élu prendra fin, celui-ci devra se mettre en conformité avec les dispositions de la loi organique, s'il est parlementaire, et de la loi ordinaire, s'il n'exerce que des mandats et fonctions de niveau local.

La Commission a rejeté un amendement de M. Pierre Albertini permettant à l'élu placé en situation d'incompatibilité de continuer d'exercer les mandats et fonctions qu'il détient, au plus tard jusqu'au prochain renouvellement des conseils municipaux.

La Commission a adopté l'article 15 sans modification.

Titre

La Commission a rejeté un amendement de M. Guy Hascoët proposant une modification du titre du projet pour préciser qu'il devrait porter non seulement sur la limitation du cumul des mandats électoraux et fonctions électives mais aussi sur l'amélioration du statut de l'élu.

La Commission a ensuite adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

*

* *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République vous demande d'adopter le projet de loi (n° 828) limitant le cumul des mandats électoraux et fonctions électives modifié par les amendements figurant au tableau comparatif placé à la fin du présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF

___

Texte de référence

___

Texte du projet de loi organique

___

Propositions de la Commission

___

 

Article premier

Il est inséré, dans le chapitre IV du titre II du livre Ier du code électoral, un article L.O. 137-1 ainsi rédigé :

Article premier

(Sans modification).

 

" Art. L.O. 137-1. -  Le mandat de député est incompatible avec celui de représentant au Parlement européen.

 
 

" Tout député élu membre du Parlement européen cesse de ce fait même d'exercer son mandat de parlementaire national. Toutefois, en cas de contestation, la vacance du siège n'est proclamée qu'après la décision juridictionnelle confirmant l'élection. En attendant cette décision, l'intéressé ne peut participer aux travaux de l'Assemblée nationale. "

 

Code électoral

Art. L.O. 139. - Le mandat de député est incompatible avec la qualité de membre du Conseil économique et social.

Il est également incompatible avec l'exercice des fonctions de membre du Conseil du gouvernement d'un territoire d'outre-mer.

 

Article additionnel

Le premier alinéa de l'article L.O. 139 du code électoral est complété par les mots : " et de membre du Conseil de la politique monétaire de la Banque de France ".

(amendement n° 23)

Art. L.O. 140. -  Ainsi qu'il est dit à l'article 9 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, l'exercice des fonctions de magistrat est incompatible avec l'exercice d'un mandat à l'Assemblée nationale.

 

Article additionnel

L'article L.O. 140 du code électoral est complété par une phrase ainsi rédigée : " Cette incompatibilité s'applique également aux fonctions de juge des tribunaux de commerce ".

(amendement n° 26)

 

Article 2

L'article L.O. 141 du code électoral est remplacé par deux articles L.O. 141 et L.O. 141-1 ainsi rédigés :

Article 2

(Alinéa sans modification).

Art. L.O. 141. -  Le mandat de député est incompatible avec l'exercice de plus d'un des mandats électoraux ou fonctions électives énumérés ci-après : représentant au Parlement européen, conseiller régional, conseiller à l'Assemblée de Corse, conseiller général, conseiller de Paris, maire d'une commune de 20.000 habitants ou plus autre que Paris, adjoint au maire d'une commune de 100.000 habitants ou plus autre que Paris.

Pour l'application du présent article, la population prise en compte est celle résultant du dernier recensement national connu au moment du renouvellement du conseil municipal.

" Art. L.O. 141. -  Le mandat de député est incompatible avec l'exercice d'une des fonctions électives suivantes : président d'un conseil régional, président du conseil exécutif de Corse, président d'un conseil général, maire.

Art. L.O. 141-1. -  Le mandat de député est incompatible avec l'exercice de plus d'un des mandats électoraux énumérés ci-après : conseiller régional, conseiller à l'Assemblée de Corse, conseiller général, conseiller de Paris, conseiller municipal. "

" Art. L.O. 141. -


... prési-
dent ou membre du ...

... maire, président
d'un établissement public de coopération intercommunale doté d'une fiscalité propre.

(amendements nos 24 et 25)

Art. L.O. 141-1. - (Sans modification).

   

Article additionnel

Après l'article L.O. 142 du code électoral, il est inséré un article L.O. 142-1 ainsi rédigé :

   

" Art. L.O. 142-1. -  Sont incompatibles avec le mandat de député les fonctions de membres du cabinet du Président de la République ou d'un cabinet ministériel ".

(amendement n° 27)

   

Article additionnel

Après l'article L.O. 143 du code électoral, il est inséré un article L.O. 143-1 ainsi rédigé :

   

" Art. L.O. 143-1. -  Le mandat de député est incompatible avec celui de membre du directoire de la banque centrale européenne et de membre de la commission européenne ".

(amendement n° 28)

Art. L.O. 144. - Les personnes chargées par le Gouvernement d'une mission temporaire peuvent cumuler l'exercice de cette mission avec leur mandat de député pendant une durée n'excédant pas six mois.

 

Article additionnel

L'article L.O. 144 du code électoral est complété par une phrase ainsi rédigée : " Un même parlementaire ne peut cependant se voir confier plus de deux missions durant la même législature ".

(amendement n° 29)

Art. L.O. 145. - Sont incompatibles avec le mandat de député les fonctions de président et de membre de conseil d'administration ainsi que celles de directeur général et de directeur général adjoint exercées dans les entreprises nationales et établissements publics nationaux ; il en est de même de toute fonction exercée de façon permanente en qualité de conseil auprès de ces entreprises ou établissements.

 

Article additionnel

Après le premier alinéa de l'article L.O. 145 du code électoral, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

   

" Est incompatible avec le mandat de député la fonction de président de chambre consulaire ".

(amendement n° 30)

L'incompatibilité édictée au présent article ne s'applique pas aux députés désignés soit en cette qualité soit du fait d'un mandat électoral local comme présidents ou membres de conseils d'administration d'entreprises nationales ou d'établissements publics nationaux en application des textes organisant ces entreprises ou établissements.

   

Art. L.O. 146. - Sont incompatibles avec le mandat parlementaire les fonctions de chef d'entreprise, de président de conseil d'administration, de président et de membre de directoire, de président de conseil de surveillance, d'administrateur délégué, de directeur général, directeur général adjoint ou gérant exercées dans :

   

1°  Les sociétés, entreprises ou établissements jouissant, sous forme de garanties d'intérêts, de subventions ou, sous forme équivalente, d'avantages assurés par l'Etat ou par une collectivité publique sauf dans le cas où ces avantages découlent de l'application automatique d'une législation générale ou d'une réglementation générale ;

2°  Les sociétés ayant exclusivement un objet financier et faisant publiquement appel à l'épargne, ainsi que les sociétés civiles autorisées à faire publiquement appel à l'épargne et les organes de direction, d'administration ou de gestion de ces sociétés ;

 

Article additionnel

Dans le troisième alinéa (2°) de l'article L.O. 146 du code électoral, le mot : " exclusivement " est supprimé.

(amendement n° 31)

3°  Les sociétés ou entreprises dont l'activité consiste principalement dans l'exécution de travaux, la prestation de fournitures ou de services pour le compte ou sous le contrôle de l'Etat, d'une collectivité ou d'un établissement public ou d'une entreprise nationale ou d'un Etat étranger ;

   

4°  Les sociétés ou entreprises à but lucratif dont l'objet est l'achat ou la vente de terrains destinés à des constructions, quelle que soit leur nature, ou qui exercent une activité de promotion immobilière ou, à titre habituel, de construction d'immeubles en vue de leur vente ;

   

5°  Les sociétés dont plus de la moitié du capital est constituée par des participations de sociétés, entreprises ou établissements visés aux 1°, 2°, 3° et 4° ci-dessus.

   

Les dispositions du présent article sont applicables à toute personne qui, directement ou par personne interposée, exerce en fait la direction de l'un des établissements, sociétés ou entreprises ci-dessus visés.

 

Article additionnel

L'article L.O. 146 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :

   

" Le député qui détient tout ou partie du capital d'une société visée au présent article ne peut exercer les droits qui y sont attachés ".

(amendement n° 32)

   

Article additionnel

Le premier alinéa de l'article L.O. 146-1 du code électoral est ainsi rédigé :

Art. L.O. 146-1. - Il est interdit à tout député de commencer à exercer une fonction de conseil qui n'était pas la sienne avant le début de son mandat.

Cette interdiction n'est pas applicable aux membres des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé.

 

" Art. L.O. 146-1. -  Il est interdit à tout député d'exercer une fonction de conseil, de percevoir une rémunération directe ou indirecte au titre d'un contrat d'étude ".

(amendement n° 33)

   

Article additionnel

L'article L.O. 147 du code électoral est ainsi rédigé :

Art. L.O. 147. - Il est interdit à tout député d'accepter, en cours de mandat, une fonction de membre du conseil d'administration ou de surveillance dans l'un des établissements, sociétés ou entreprises visés à l'article L.O. 146.

 

" Art. L.O. 147. -  Il est interdit à tout député d'exercer une fonction de membre du conseil d'administration ou de surveillance ou toute fonction exercée de façon permanente en qualité de conseil dans l'un des établissements, sociétés ou entreprises, visées à l'article L.O. 146 ".

(amendement n° 34)

Art. L.O. 148. - Nonobstant les dispositions des articles L.O. 146 et L.O. 147, les députés membres d'un conseil régional, d'un conseil général ou d'un conseil municipal peuvent être désignés par ces conseils pour représenter la région, le département ou la commune dans des organismes d'intérêt régional ou local à la condition que ces organismes n'aient pas pour objet propre de faire ni de distribuer des bénéfices et que les intéressés n'y occupent pas de fonctions rémunérées.

   

En outre, les députés même non membres d'un conseil régional, d'un conseil général ou d'un conseil municipal, peuvent exercer les fonctions de président du conseil d'administration, d'administrateur délégué ou de membre du conseil d'administration des sociétés d'économie mixte d'équipement régional ou local, ou des sociétés ayant un objet exclusivement social lorsque ces fonctions ne sont pas rémunérées.

 

Article additionnel

Le dernier alinéa de l'article L.O. 148 du code électoral est supprimé.

(amendement n° 35)

Art. L.O. 149. - Il est interdit à tout avocat inscrit à un barreau, lorsqu'il est investi d'un mandat de député, d'accomplir directement ou indirectement par l'intermédiaire d'un associé, d'un collaborateur ou d'un secrétaire, sauf devant la Haute Cour de justice et la Cour de justice de la République, aucun acte de sa profession dans les affaires à l'occasion desquelles des poursuites pénales sont engagées devant les juridictions répressives pour crimes ou délits contre la nation, l'Etat et la paix publique ou en matière de presse ou d'atteinte au crédit ou à l'épargne ; il lui est interdit, dans les mêmes conditions, de plaider ou de consulter pour le compte de l'une des sociétés, entreprises ou établissements visés aux articles L.O. 145 et L.O. 146 dont il n'était pas habituellement le conseil avant son élection, ou contre l'Etat, les sociétés nationales, les collectivités ou établissements publics, à l'exception des affaires visées par la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957 attribuant aux tribunaux judiciaires compétence pour statuer sur les actions en responsabilité des dommages causés par tout véhicule et dirigées contre une personne morale de droit public.

 

Article additionnel

L'article L.O. 149 du code électoral est ainsi rédigé :

" Art. L.O. 149. -  Il est interdit à tout avocat inscrit à un barreau, lorsqu'il est investi d'un mandat de député, d'accomplir directement ou indirectement par l'intermédiaire d'un associé, d'un collaborateur ou d'un secrétaire, aucun acte de sa profession dans les affaires à l'occasion desquelles des poursuites pénales sont engagées devant les juridictions répressives pour crimes et délits contre la chose publique ou en matière de presse ou d'atteinte au crédit ou à l'épargne ; il lui est interdit, dans les mêmes conditions, de plaider ou de consulter pour le compte de l'une des sociétés, entreprises ou établissements visés aux articles L.O. 145 et L.O. 146 ou contre l'Etat, les sociétés nationales, les collectivités ou établissements publics. "

(amendement n° 36)

Art. L.O. 151. -  Le député qui, lors de son élection, se trouve dans l'un des cas d'incompatibilité visés au présent code doit, dans les deux mois qui suivent son entrée en fonction ou, en cas de contestation de l'élection, la décision du Conseil constitutionnel, se démettre des fonctions ou mandats incompatibles avec son mandat parlementaire ou, s'il est titulaire d'un emploi public, demander à être placé dans la position spéciale prévue par son statut.

Article 3

Article 3

Au premier alinéa de l'article L.O. 151 du code électoral, les mots : " deux mois " sont remplacés par les mots : " trente jours ".

(amendement n° 37)

A l'expiration du délai prévu au premier alinéa ci-dessus, le député qui se trouve dans un des cas d'incompatibilité visés à l'article L.O. 141 est déclaré démissionnaire d'office par le Conseil constitutionnel à la requête du bureau de l'Assemblée nationale ou du garde des sceaux, ministre de la justice.

Au deuxième alinéa de l'article L.O. 151 du code électoral, les mots : " visés à l'article L.O. 141 " sont remplacés par les mots : " visés aux articles L.O. 141 et L.O. 141-1 ".

(Alinéa sans modification).

Dans le délai prévu au premier alinéa ci-dessus, tout député est tenu de déposer sur le bureau de l'Assemblée nationale une déclaration certifiée sur l'honneur exacte et sincère comportant la liste des activités professionnelles ou d'intérêt général, même non rémunérées, qu'il envisage de conserver ou attestant qu'il n'en exerce aucune. En cours de mandat, il doit déclarer, dans les mêmes formes, tout élément de nature à modifier sa déclaration initiale.

 

Le troisième alinéa du même article est complété par une phrase ainsi rédigée : " Ces déclarations sont publiées au journal officiel. "

(amendement n° 38)

Le bureau examine si les activités ainsi déclarées sont compatibles avec le mandat parlementaire. S'il y a doute sur la compatibilité des fonctions ou activités exercées ou en cas de contestation à ce sujet, le bureau de l'Assemblée nationale, le garde des sceaux, ministre de la justice ou le député lui-même, saisit le Conseil constitutionnel qui apprécie souverainement si le député intéressé se trouve dans un cas d'incompatibilité.

   

Dans l'affirmative, le député doit régulariser sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification qui lui est faite de la décision du Conseil constitutionnel. A défaut, le Conseil constitutionnel le déclare démissionnaire d'office de son mandat.

 

Dans la première phrase du cinquième alinéa du même article, le mot : " quinze " est remplacé par le mot : " trente ".

(amendement n° 39)

Le député qui n'a pas procédé à la déclaration prévue au troisième alinéa ou qui a méconnu les dispositions des articles L.O. 149 et L.O. 150 est déclaré démissionnaire d'office, sans délai, par le Conseil constitutionnel, à la requête du bureau de l'Assemblée nationale ou du garde des sceaux, ministre de la justice.

   

La démission d'office est aussitôt notifiée au président de l'Assemblée nationale. Elle n'entraîne pas d'inéligibilité.

   
 

Article 4

Le premier alinéa de l'article L.O. 151-1 du code électoral est remplacé par les deux alinéas suivants :

Article 4

(Alinéa sans modification).

Art. L.O. 151-1. -  Tout député qui acquiert un mandat électoral ou une fonction élective propre à le placer dans un des cas d'incompatibilité visés à l'article L.O. 141 postérieurement à son élection à l'Assemblée nationale dispose, pour démissionner du mandat ou de la fonction de son choix, d'un délai de quinze jours à compter de la date de l'élection qui l'a mis en situation d'incompatibilité ou, en cas de contestation, de la date à laquelle le jugement confirmant cette élection est devenu définitif. A défaut d'option dans le délai imparti, le mandat ou la fonction acquis ou renouvelé à la date la plus récente prend fin de plein droit.

" Tout député qui acquiert postérieurement à son élection à l'Assemblée nationale une fonction élective propre à le placer dans un des cas d'incompatibilité visés à l'article L.O. 141 doit faire cesser cette incompatibilité en démissionnant de son mandat de député ou de sa nouvelle fonction. Il dispose à cet effet d'un délai de vingt jours à compter de la proclamation de l'élection qui l'a placé en situation d'incompatibilité, ou, en cas de contestation, de la date à laquelle la décision juridictionnelle confirmant cette élection est devenue définitive. A défaut d'option dans le délai imparti, il est réputé avoir renoncé à son mandat de député.









... de
trente
jours ...

(amendement n° 40)

 

" Tout député qui acquiert postérieurement à son élection à l'Assemblée nationale un mandat propre à le placer dans un des cas d'incompatibilité visés à l'article L.O. 141-1 doit faire cesser cette incompatibilité en démissionnant d'un des mandats qu'il détenait antérieurement. Il dispose à cet effet d'un délai de vingt jours à compter de la proclamation de l'élection qui l'a placé en situation d'incompatibilité ou, en cas de contestation, de la date à laquelle la décision juridictionnelle confirmant cette élection est devenue définitive. A défaut d'option dans le délai imparti, le mandat acquis ou renouvelé à la date la plus ancienne prend fin de plein droit. "









...  de trente jours ...

(amendement n° 41)



... d'option ou en cas de démission du
dernier mandat acquis
dans ...

(amendement n° 42)

Pour l'application du présent article, lorsque les élections législatives ou sénatoriales sont organisées le même jour que d'autres élections, ces dernières sont réputées postérieures quel que soit le moment de la proclamation des résultats.

   

Ordonnance n° 58-1210
du 13 décembre 1958 portant loi
organique relative à l'indemnité des
membres du Parlement

Art. 2. - L'indemnité parlementaire est complétée par une indemnité dite indemnité de fonction.

 




Article additionnel

Le troisième alinéa de l'article 2 de l'ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958 est ainsi rédigée :

Le montant de cette indemnité est égal au quart du montant de l'indemnité parlementaire.

   

Le règlement de chaque assemblée détermine les conditions dans lesquelles le montant de l'indemnité de fonction varie en fonction de la participation du parlementaire aux travaux de l'assemblée à laquelle il appartient.

 

" Les montants de l'indemnité de base et de l'indemnité de fonction varient en fonction de la participation du parlementaire aux travaux de l'assemblée à laquelle il appartient. Le Règlement de chaque assemblée en détermine les conditions ".

(amendement n° 43)

 

Article 5

La présente loi organique est applicable dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte.

Article 5

(Sans modification).

Code électoral

Art. L.O. 328-2. -  La collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon est représentée à l'Assemblée nationale par un député.

Les dispositions organiques du titre II du livre Ier du présent code, à l'exception de l'article L.O. 119, sont applicables au député de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Article 6

Il est ajouté à l'article L.O. 328-2 du code électoral deux alinéas ainsi rédigés :

Article 6

(Sans modification).

 

" Pour l'application des dispositions de l'article L.O. 141, les fonctions de président du conseil général de Saint-Pierre-et-Miquelon sont assimilées aux fonctions de président du conseil général d'un département.

 
 

" Pour l'application de l'article L.O. 141-1, le mandat de conseiller général de Saint-Pierre-et-Miquelon est assimilé au mandat de conseiller général d'un département. "

 

Art. L.O. 141-1. -  Cf. supra, art. 2 du projet de loi.

Article 7

Le mandat de conseiller général de Mayotte est, pour l'application de l'article L.O. 141-1 du code électoral, assimilé au mandat de conseiller général d'un département.

Article 7

L'article L.O. 141-1 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :

... l'application du
présent article
, assimilé ...

(amendement n° 44)

 

Article 8

I. -  Pour l'application de l'ensemble des dispositions instituant des incompatibilités entre certains mandats électoraux ou fonctions électives, les mandats de membre des assemblées de province du territoire de la Nouvelle-Calédonie, de membre de l'assemblée de la Polynésie française et de membre de l'assemblée territoriale des îles Wallis-et-Futuna sont assimilés au mandat de conseiller général d'un département.

Article 8

Il est inséré, dans le chapitre IV du titre II du livre premier du code électoral, un article L.O. 141-2 ainsi rédigé :

Art. L.O. 141-2. -  Pour ...

(amendement n° 45)

 

II. -  Pour l'application des mêmes dispositions, les fonctions de président des assemblées de province du territoire de la Nouvelle-Calédonie sont assimilées aux fonctions de président du conseil général d'un département.

Pour ...

(amendement n° 45)

... Nouvelle-Calédonie et
celles de président ou de membre du Gouvernement de la Polynésie française
sont ...

 

III. -  Pour l'application des mêmes dispositions, les fonctions de président ou de membre du gouvernement de la Polynésie française sont assimilées aux fonctions de président du conseil général d'un département.

III. - Supprimé.

(amendement n° 46)

Loi organique n° 85-1405
du 30 décembre 1985 tendant à la
limitation du cumul des mandats
électoraux et des fonctions électives
par les parlementaires

Art. 4. - Les mandats de conseiller territorial de la Polynésie française, de membre de l'Assemblée territoriale du territoire des îles Wallis-et-Futuna, de membre du Congrès du territoire de Nouvelle-Calédonie et dépendances, de conseiller général de Saint-Pierre-et-Miquelon et de conseiller général de Mayotte sont, pour l'application des articles L.O. 141 et L.O. 297 du code électoral, assimilés au mandat de conseiller général d'un département.

Code électoral

Art. L.O. 139. - Le mandat de député est incompatible avec la qualité de membre du Conseil économique et social.

Article 9

L'article 4 de la loi organique n° 85-1405 du 30 décembre 1985 tendant à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions électives par les parlementaires ainsi que le deuxième alinéa de l'article L.O. 139 du code électoral sont abrogés.

Article 9

(Sans modification).

Il est également incompatible avec l'exercice des fonctions de membre du Conseil du gouvernement d'un territoire d'outre-mer.

   
 

Article 10

Quiconque se trouve, à la date de la publication de la présente loi, dans l'un des cas d'incompatibilité qu'elle institue peut continuer d'exercer les mandats et fonctions qu'il détient jusqu'au terme de celui d'entre eux qui, pour quelque cause que ce soit, prend fin le premier.

Article 10

(Sans modification).

TABLEAU COMPARATIF

___

Texte de référence

___

Texte du projet de loi

___

Propositions de la Commission

___

 

TITRE IER

DISPOSITIONS MODIFIANT
LE CODE ÉLECTORAL

TITRE IER

DISPOSITIONS MODIFIANT
LE CODE ÉLECTORAL

Code électoral

Article premier

L'article L. 46-1 du code électoral est ainsi rédigé :

Article premier

(Alinéa sans modification)..

Art. L. 46-1. -  Nul ne peut cumuler plus de deux des mandats électoraux ou fonctions électives énumérés ci-après : représentant au Parlement européen, conseiller régional, conseiller général, conseiller de Paris, maire d'une commune de 20.000 habitants ou plus, autre que Paris, adjoint au maire d'une commune de 100.000 habitants ou plus, autre que Paris.

" Art. L. 46-1. -  Outre les incompatibilités qui s'appliquent aux mandats de député, de sénateur ou de représentant au Parlement européen, en vertu respectivement des articles L.O. 141-1, L.O. 297 et de l'article 6-3 de la loi du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen, nul ne peut cumuler plus de deux des mandats électoraux énumérés ci-après : conseiller régional, conseiller à l'Assemblée de Corse, conseiller général, conseiller de Paris, conseiller municipal.

" Art. L. 46-1. -  Nul ...

(amendement n° 25)

Quiconque se trouve dans ce cas doit faire cesser l'incompatibilité en démissionnant du mandat ou de la fonction de son choix. Il dispose à cet effet d'un délai de quinze jours à compter de la date de l'élection qui l'a mis en situation d'incompatibilité ou, en cas de contestation, de la date à laquelle le jugement confirmant cette élection est devenu définitif. A défaut d'option dans le délai imparti, le mandat ou la fonction acquis ou renouvelé à la date la plus récente prend fin de plein droit.

" Quiconque se trouve dans ce cas doit faire cesser l'incompatibilité en démissionnant d'un des mandats qu'il détenait antérieurement. Il dispose à cet effet d'un délai de vingt jours à compter de la date de l'élection qui l'a mis en situation d'incompatibilité, ou, en cas de contestation, de la date à laquelle le jugement confirmant cette élection est devenu définitif. A défaut d'option dans le délai imparti, le mandat ou la fonction acquis ou renouvelé à la date la plus ancienne prend fin de plein droit. "

... de trente jours ...

(amendement n° 26)

... d'option ou en cas de démission du dernier mandat acquis dans ...

(amendement n° 27)

Pour l'application du présent article, la population prise en compte est celle résultant du dernier recensement national connu au moment du renouvellement du conseil municipal.

   

Pour l'application des règles déterminées aux précédents alinéas, le mandat de conseiller à l'Assemblée de Corse est assimilé au mandat de conseiller régional.

   
 

Article 2

Il est ajouté au chapitre IV du titre Ier du livre 1er du code électoral un article L. 46-2 ainsi rédigé :

Article 2

Supprimé.

(amendement n° 28)

Code général des

collectivités territoriales

Art. L. 2122-4, L. 3122-3, L. 4133-3 et L. 4422-15. -  Cf. infra, texte du projet de loi.

" Art. L. 46-2. -  Les fonctions de maire, président de conseil général, président de conseil régional, président de conseil exécutif de Corse sont incompatibles entre elles dans les conditions fixées par les articles L. 2122-4, L. 3122-3, L. 4133-3 et L. 4422-15 du code général des collectivités territoriales.

 

Code électoral

Art. L.O. 141. -  Cf. texte du projet de loi organique.

Art. L.O. 297. -  Les dispositions du chapitre IV du titre II du livre Ier du présent code sont applicables aux sénateurs.

Elles sont également incompatibles avec le mandat de député, de sénateur ou de représentant au Parlement européen dans les conditions fixées respectivement par les articles L.O. 141, L.O. 297 et par l'article 6-2 de la loi du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen. "

 

Loi n° 77-729 du 7 juillet 1977
relative à l'élection des représentants
au Parlement européen

Art. 6-2. -  Cf. infra, texte du projet de loi.

   
   

Article additionnel

Après l'article L. 46-1 du code électoral, il est inséré un article L. 46-2 ainsi rédigé :

" Art. L. 46-2. -  La fonction de président de chambre consulaire est incompatible avec les mandats visés à l'article L. 46-1. "

(amendement n° 29)

 

TITRE II

DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE GÉNÉRAL DES
COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

TITRE II

DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE GÉNÉRAL DES
COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Code général des collectivités
territoriales

Art. L. 2122-4. -  Le maire et les adjoints sont élus par le conseil municipal parmi ses membres.

Article 3

I. -  L'article L. 2122-4 du code général des collectivités territoriales est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

Article 3

I. -  (Alinéa sans modification).

Nul ne peut être élu maire s'il n'est âgé de vingt et un ans révolus.

   
 

" Les fonctions de maire sont incompatibles avec l'exercice d'un mandat de représentant au Parlement européen ou d'une des fonctions électives suivantes : président d'un conseil régional, président d'un conseil général.

(Alinéa sans modification).

   

Les fonctions de maire sont également incompatibles avec celles de membre de la commission européenne ou de membre du directoire de la banque centrale européenne.

(amendement n° 30)

 

" Tout maire élu à un mandat ou une fonction le plaçant dans une situation d'incompatibilité prévue par l'alinéa précédent cesse de ce fait même d'exercer ses fonctions de maire. En cas de contestation, l'incompatibilité prend effet à compter de la date à laquelle la décision juridictionnelle confirmant l'élection devient définitive. "

(Alinéa sans modification).

Art. L. 5211-2. -  Les dispositions du chapitre II du titre II du livre 1er de la deuxième partie relatives au maire et aux adjoints sont applicables au président et aux membres de l'organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale, en tant qu'elles ne sont pas contraires aux dispositions du présent titre.

II. -  Il est ajouté à l'article L. 5211-2 du code général des collectivités territoriales un alinéa ainsi rédigé :

II. -  (Sans modification).

 

" Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables à l'incompatibilité prévue aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 2122-4. "

Article additionnel

Art. L. 2122-18. -  Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l'absence ou en cas d'empêchement des adjoints, à des membres du conseil municipal.

 

Après le premier alinéa de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

   

" Le membre du conseil municipal ayant démissionné de la fonction de maire en application des articles L.O. 141 du code électoral, L. 3122-3, L. 4133-3 du code général des collectivités territoriales ou de l'article 6-2 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des membres du Parlement européen, ne peut recevoir de délégation jusqu'au terme de son mandat de conseiller municipal ou jusqu'à la cessation du mandat ou de la fonction l'ayant placé en situation d'incompatibilité. "

(amendement n° 31)

Lorsque le maire a retiré les délégations qu'il avait données à un adjoint et si celui-ci ne démissionne pas, ces délégations peuvent être attribuées un conseiller municipal, nonobstant les dispositions de l'alinéa précédent.

   

Art. L. 2123-23. -  Les indemnités maximales votées par les conseils municipaux pour l'exercice effectif des fonctions de maire des communes et de président de délégations spéciales sont déterminées en appliquant au terme de référence mentionné à l'article L. 2123-20 le barème suivant :

 

Article additionnel

L'article L. 2123-23 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

" Art. L. 2123-23. -  Les indemnités maximales votées par les conseils municipaux pour l'exercice effectif des fonctions de maire des communes et de présidents de délégations spéciales sont déterminées en appliquant au terme de référence le barème suivant :

POPULATION (habitants)

TAUX MAXIMAL (en %)

     

POPULATION (habitants)

TAUX en % DE L'INDICE 1015

Moins de 500

De 500 à 999

De 1.000 à 3.499

De 3.500 à 9.999

De 10.000 à 19.999

De 20.000 à 49.999

De 50.000 à 99.999

De 100.000 à 200.000

Plus de 200.000

12

17

31

43

55

65

75

90

95

     

Moins de 500

De 500 à 999

De 1.000 à 3.499

De 3.500 à 9.999

De 10.000 à 19.999

De 20.000 à 49.999

De 50.000 à 99.999

De 100.000 à 200.000

Plus de 200.000

Paris, Marseille, Lyon

17

31

43

55

65

90

110

145

145

145

" La population à prendre en compte est la population totale municipale résultant du dernier recensement. "

 

La population à prendre en compte est la population totale municipale résultant du dernier recensement. "

(amendement n° 32)

 

Article 4

L'article L. 3122-3 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

Article 4

(Alinéa sans modification).

Art. L. 3122-3. -  Les fonctions de président de conseil général et de président de conseil régional sont incompatibles.

Art. L. 3122-3. -  Les fonctions de président de conseil général sont incompatibles avec l'exercice d'un mandat de représentant au Parlement européen ou d'une des fonctions électives suivantes : président d'un conseil régional, maire.

Art. L. 3122-3. -  

... maire, président d'un établissement public de coopération intercommunale doté d'une fiscalité propre.

(amendement n° 33)

   

Les fonctions de président de conseil général sont également incompatibles avec celles de membre de la commission européenne ou membre du directoire de la banque centrale européenne ".

(amendement n° 34)

Tout président d'un conseil général élu président d'un conseil régional cesse de ce fait même d'exercer sa première fonction.

" Tout président de conseil général élu à un mandat ou une fonction le plaçant dans une situation d'incompatibilité prévue par l'alinéa précédent cesse de ce fait même d'exercer ses fonctions de président de conseil général. En cas de contestation, l'incompatibilité prend effet à compter de la date à laquelle la décision juridictionnelle confirmant l'élection devient définitive. "

(Alinéa sans modification).

Art. L. 3221-3. -  Le président du conseil général est seul chargé de l'administration. Il peut déléguer par arrêté, sous sa surveillance et sa responsabilité, l'exercice d'une partie de ses fonctions aux vice-présidents et, en l'absence ou en cas d'empêchement de ces derniers, à d'autres membres du conseil général. Ces délégations subsistent tant qu'elles ne sont pas rapportées.

 

Article additionnel

Après le premier alinéa de l'article L. 3221-3 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

   

" Le membre du conseil général ayant démissionné de la fonction de président de conseil général en application des articles L.O. 141 du code électoral, L. 2122-4, L. 4133-3 du code général des collectivités territoriales ou de l'article 6-2 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des membres du Parlement européen, ne peut recevoir de délégation jusqu'au terme de son mandat de conseiller général ou jusqu'à la cessation du mandat ou de la fonction l'ayant placé en situation d'incompatibilité. "

(amendement n° 35)

Il est le chef des services du département. Il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, donner délégation de signature en toute matière aux responsables desdits services.

   
 

Article 5

L'article L. 4133-3 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

Article 5

(Alinéa sans modification).

Art. L. 4133-3. -  Les fonctions de président de conseil régional et de président de conseil général sont incompatibles.

Art. L. 4133-3. -  Les fonctions de président de conseil régional sont incompatibles avec l'exercice d'un mandat de représentant au Parlement européen ou d'une des fonctions électives suivantes : président d'un conseil général, maire.

Art. L. 4133-3. -  





... maire, président d'un établissement public de coopération intercommunale doté d'une fiscalité propre.

(amendement n° 36)

   

Les fonctions de président de conseil régional sont également incompatibles avec celles de membre de la commission européenne ou membre du directoire de la banque centrale européenne.

(amendement n° 37)

Tout président d'un conseil régional élu président d'un conseil général cesse de ce fait même d'exercer sa première fonction.

" Tout président de conseil régional élu à un mandat ou une fonction le plaçant dans une situation d'incompatibilité prévue par l'alinéa précédent cesse de ce fait même d'exercer ses fonctions de président de conseil régional. En cas de contestation, l'incompatibilité prend effet à compter de la date à laquelle la décision juridictionnelle confirmant l'élection devient définitive. "

(Alinéa sans modification).

Art. L. 4231-3. -  Le président du conseil régional est seul chargé de l'administration. Il peut déléguer par arrêté, sous sa surveillance et sa responsabilité, l'exercice d'une partie de ses fonctions aux vice-présidents et, en l'absence ou en cas d'empêchement de ces derniers, à d'autres membres du conseil régional. Ces délégations subsistent tant qu'elles ne sont pas rapportées.

 

Article additionnel

Après le premier alinéa de l'article L. 4231-3 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

   

Le membre du conseil régional ayant démissionné de la fonction de président de conseil régional en application des articles L.O. 141 du code électoral, L. 2122-4, L. 3122-3 du code général des collectivités territoriales ou de l'article 6-2 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des membres du Parlement européen ne peut recevoir de délégation jusqu'au terme de son mandat de conseiller régional ou jusqu'à la cessation du mandat ou de la fonction l'ayant placé en situation d'incompatibilité. "

(amendement n° 38)

Il est le chef des services de la région. Il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, donner délégation de signature en toute matière aux responsables desdits services.

   

Art. L. 4422-15. -  Le conseil exécutif est composé d'un président assisté de six conseillers exécutifs.

Article 6

L'article L. 4422-15 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

Article 6

(Alinéa sans modification).

 

" Pour l'application de l'ensemble des dispositions instituant les incompatibilités entre certains mandats électoraux ou fonctions électives, les fonctions de président du conseil exécutif de Corse sont assimilées à celles de président d'un conseil régional. "





... président ou membre du ...

(amendement n° 39)

Loi n° 77-729 du 7 juillet 1977
relative à l'élection des représentants au Parlement européen

TITRE III

DISPOSITIONS MODIFIANT LA LOI N° 77-729 DU 7 JUILLET 1977 RELATIVE À L'ÉLECTION DES REPRÉSENTANTS AU
PARLEMENT EUROPÉEN

Article 7

L'article 6 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen est ainsi modifié :

TITRE III

DISPOSITIONS MODIFIANT LA LOI N° 77-729 DU 7 JUILLET 1977 RELATIVE À L'ÉLECTION DES REPRÉSENTANTS AU
PARLEMENT EUROPÉEN

Article 7

(Alinéa sans modification).

Art. 6. -  Les articles L. 46-1, L.O. 140, L.O. 142 à L.O. 150 et L.O. 152 du code électoral sont applicables aux représentants au Parlement européen.

I. -  Au premier alinéa, les mots : " L. 46-1 " sont supprimés.

I. -  (Sans modification).

Le représentant qui, lors de son élection, se trouve dans l'un des cas d'incompatibilité visés à l'alinéa précédent doit, dans les quinze jours qui suivent son entrée en fonction ou, en cas de contestation de l'élection dans les conditions prévues à l'article 25, la décision du Conseil d'Etat, se démettre des fonctions ou mandats incompatibles avec son mandat de représentant au Parlement européen ou, s'il est titulaire d'un emploi public, demander à être placé dans la position spéciale prévue par son statut.

II. -  Au deuxième alinéa, les mots : " ou mandats " sont supprimés.

II. -   ... alinéa, le mot : " quinze " est remplacé par le mot : " trente " et les ...

(amendement n° 40)

Le représentant qui, en cours de mandat, accepte un des mandats ou fonctions visés au premier alinéa doit, dans les quinze jours, mettre fin à la situation d'incompatibilité.

III. -  Au troisième alinéa, les mots : " un des mandats ou fonctions visés " sont remplacés par les mots : " une des fonctions visées ".

III. -  


... visées " et le mot :
" quinze " est remplacé par le mot : " trente "
.

(amendement n° 41)

Dans l'un et l'autre cas, tout électeur peut intenter une action devant le Conseil d'Etat en vue de faire constater l'incompatibilité. Si la décision du Conseil d'Etat constate l'incompatibilité, le représentant est réputé avoir renoncé à son mandat.

   
 

Article 8

Le chapitre III de la loi du 7 juillet 1977 précitée est complété par quatre articles ainsi rédigés :

Article 8

(Alinéa sans modification).

 

Art. 6-1. -  Tout représentant au Parlement européen qui acquiert la qualité de député ou de sénateur cesse de ce fait même d'exercer son mandat de représentant au Parlement européen.

Art. 6-1. -  (Sans modification).

 

Art. 6-2. -  Le mandat de représentant au Parlement européen est incompatible avec l'exercice d'une des fonctions électives suivantes : président d'un conseil régional, président d'un conseil général, maire.

Art. 6-2. -  




... maire, président d'un
établissement public de coopération intercommunale doté d'une fiscalité propre.

(amendement n° 42)

 

" Tout représentant au Parlement européen élu à une fonction le plaçant dans une situation d'incompatibilité prévue par l'alinéa précédent cesse de ce fait même d'exercer son mandat.

(Alinéa sans modification).

 

Art. 6-3. -  Le mandat de représentant au Parlement européen est incompatible avec l'exercice de plus d'un des mandats électoraux énumérés ci-après : conseiller régional, conseiller à l'Assemblée de Corse, conseiller général, conseiller de Paris, conseiller municipal.

Art. 6-3. -  (Alinéa sans modification).

 

" Tout représentant au Parlement européen élu qui acquiert postérieurement à son élection un mandat propre à le placer dans une situation d'incompatibilité prévue par l'alinéa précédent doit faire cesser cette incompatibilité en démissionnant d'un des mandats qu'il détenait antérieurement. Il dispose à cet effet d'un délai de vingt jours à compter de la proclamation de l'élection qui l'a placé en situation d'incompatibilité, ou, en cas de contestation, de la date à laquelle la décision juridictionnelle confirmant cette élection est devenue définitive. A défaut d'option dans le délai imparti, le mandat acquis ou renouvelé à la date la plus ancienne prend fin de plein droit.

... de trente jours ...

(amendement n° 43)

... d'option ou en cas
de démission du dernier mandat acquis
dans ...

(amendement n° 44)

 

Art. 6-4.-  En cas de contestation de l'élection, les incompatibilités prévues aux articles 6-1 à 6-3 prennent effet à la date à laquelle la décision juridictionnelle confirmant l'élection devient définitive. "

Art. 6-4. -  (Sans modification).

Art. 24. -  Le candidat venant sur une liste immédiatement après le dernier candidat élu est appelé à remplacer le représentant élu sur cette liste dont le siège deviendrait vacant pour quelque cause que ce soit.

Article 9

Il est inséré, après le premier alinéa de l'article 24 de la loi du 7 juillet 1977 précitée, un alinéa ainsi rédigé :

Article 9

(Alinéa sans modification).

 

" Si le candidat ainsi appelé à remplacer le représentant se trouve de ce fait dans l'un des cas d'incompatibilité mentionnés aux articles 6-1 à 6-3, il dispose d'un délai de vingt jours à compter de la date de la vacance pour faire cesser l'incompatibilité, en démissionnant de l'un des mandats ou de la fonction visés par ces dispositions. A défaut d'option dans le délai imparti, le remplacement est assuré par le candidat suivant dans l'ordre de la liste. "





... de trente jours
...

(amendement n° 45)

Le mandat de la personne ayant remplacé le représentant dont le siège était devenu vacant expire à la date où le titulaire initial aurait été lui-même soumis à renouvellement.

   

En cas de décès ou de démission d'un représentant figurant sur la même liste et l'ayant remplacé, tout représentant ayant accepté les fonctions ou la prolongation de missions désignées aux articles L.O. 176-1 et L.O. 319 du code électoral peut, lorsque ces fonctions ou missions ont cessé, reprendre l'exercice de son mandat. Il dispose pour user de cette faculté d'un délai d'un mois.

   
 

TITRE IV

DISPOSITIONS RELATIVES
À L'OUTRE-MER

Article 10

La présente loi est applicable dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte.

TITRE IV

DISPOSITIONS RELATIVES
À L'OUTRE-MER

Article 10

(Sans modification).

 

Article 11

Les règles d'incompatibilité prévues par la présente loi et concernant les maires et les conseillers municipaux sont applicables aux maires et aux conseillers municipaux en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Mayotte.

Article 11

(Sans modification).

Code électoral

Art. L. 328-3. -  Les dispositions du titre II du livre Ier du présent code sont applicables à l'élection du député de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Celui-ci est élu dans les conditions fixées pour l'élection des députés au scrutin uninominal.

Article 12

Il est ajouté à l'article L. 328-3 du code électoral les deux alinéas suivants :

Article 12

(Sans modification).

 

" Le mandat de conseiller général de Saint-Pierre-et-Miquelon est, pour l'application des articles L. 46-1 et L. 46-2 du code électoral et de l'article 6-3 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen, assimilé au mandat de conseiller général d'un département.

 
 

" Les fonctions de président du conseil général de Saint-Pierre-et-Miquelon sont, pour l'application des articles L. 2122-4, L. 3122-3 et L. 4133-3 du code général des collectivités territoriales et de l'article 6-2 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen, assimilées aux fonctions de président de conseil général d'un département. "

 

Art. L. 46-1 et L. 46-2. -  Cf. supra, texte du projet de loi.

Article 13

Le mandat de conseiller général de Mayotte est, pour l'application des articles L. 46-1 et L. 46-2 du code électoral et de l'article 6-3 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen, assimilé au mandat de conseiller général d'un département.

Article 13

(Sans modification).

Loi n° 77-729 du 7 juillet 1977
relative à l'élection des représentants
au Parlement européen

Art.  6-3. -  Cf. supra, texte du projet de loi.

   

Loi n° 85-1406 du 30 décembre 1985
tendant à limiter le cumul
des mandats électoraux et
des fonctions électives

Art. 5. -  Les mandats de conseiller territorial de la Polynésie française, de membre de l'Assemblée territoriale du territoire des îles Wallis-et-Futuna, de membre du Congrès du territoire de Nouvelle-Calédonie et dépendances, de conseiller général de Saint-Pierre-et-Miquelon et de conseiller général de Mayotte sont, pour l'application de l'article L. 46-1 du code électoral, assimilés au mandat de conseiller général d'un département.

Article 14

L'article 5 de la loi n° 85-1406 du 30 décembre 1985 tendant à limiter le cumul des mandats électoraux et des fonctions électives est abrogé.

Article 14

(Sans modification).

 

TITRE V

DISPOSITIONS TRANSITOIRES

Article 15

Quiconque se trouve, à la date de la publication de la présente loi, dans l'un des cas d'incompatibilité qu'elle institue peut continuer d'exercer les mandats et fonctions qu'il détient jusqu'au terme de celui d'entre eux qui, pour quelque cause que ce soit, prend fin le premier.

TITRE V

DISPOSITIONS TRANSITOIRES

Article 15

(Sans modification).

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

(Projet de loi organique - n° 827)

Article premier

(Art. L.O. 137-1 du code électoral)

Amendement présenté par M. Jacques Brunhes et les commissaires membres du groupe communiste :

Supprimer la dernière phrase du second alinéa de cet article.

Article 2

Amendement présenté par M. Pierre Albertini et les commissaires membres du groupe U.D.F. :

I. - Rédiger ainsi le deuxième alinéa de cet article :

Art. L.O. 141. - Le mandat de député est incompatible avec l'exercice de plus d'un des mandats électoraux ou fonctions électives énumérés ci-après : conseiller régional, conseiller à l'assemblée de Corse, conseiller général, conseiller de Paris, conseiller municipal, président d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. "

II. - Supprimer le troisième alinéa de cet article.

Amendement n° 14 présenté par M. Georges Tron :

Rédiger ainsi cet article :

" L'article L.O. 141 du code électoral est ainsi rédigé :

Art. L.O. 141. - Le mandat de député est incompatible avec l'exercice de plus d'un des mandats électoraux énumérés ci-après : conseiller régional, conseiller général, conseiller à l'Assemblée de Corse, conseiller de Paris, conseiller municipal. "

(Art. L.O. 141 du code électoral)

Amendement n° 9 présenté par M. Alain Ferry :

Rédiger ainsi cet article :

" Art. L.O. 141. - Le mandat de député est incompatible avec l'exercice de plus d'une des fonctions électives suivantes : président d'un conseil régional, président de conseil exécutif de Corse, président d'un conseil général, maire, président d'une communauté urbaine, président d'une communauté de communes, président d'une communauté de villes, président d'un syndicat intercommunal, président d'un district. "

Amendement n° 19 présenté par M. Alfred Marie-Jeanne :

Dans cet article, substituer aux mots : " d'une des fonctions ", les mots : " des fonctions ".

Amendements nos 6, 4 et 5 présentés par M. Jean-Luc Warsmann :

·  A la fin de cet article, supprimer le mot : " , maire ".

·  Compléter cet article par les mots : " d'une commune de plus de 50.000 habitants ".

·  Compléter cet article par les mots : " , maire d'une commune de plus de 100.000 habitants ".

Amendements présentés par M. Guy Hascoët :

·  Compléter cet article par les mots : " maire-adjoint des communes ".

·  Compléter cet article par les mots : " président d'un établissement public régi par les dispositions de la cinquième partie du code général des collectivités territoriales ".

Amendement n° 13 présenté par M. Pierre Hellier :

Compléter cet article par les mots : " président d'un syndicat ou d'une communauté de communes à fiscalité propre ".

Amendements présentés par M. Jacques Brunhes et les commissaires membres du groupe communiste :

·  Compléter cet article par les mots : " président de syndicat d'agglomération nouvelle ".

·  Compléter cet article par les mots : " président d'une communauté urbaine ".

·  Compléter cet article par les mots : " président de plus d'un syndicat de communes ".

·  Compléter cet article par les mots : " président de plus d'une société d'économie mixte ".

Amendements présentés par M. Guy Hascoët :

·  Compléter cet article par les mots : " vice-président, ayant reçu délégation, des établissements publics visés à la cinquième partie du code général des collectivités territoriales ".

·  Compléter cet article par les mots : " vice-président d'un conseil général ou régional ayant reçu délégation en application des articles L. 3221-3 et L. 4231-3 du code général des collectivités territoriales ".

Amendement présenté par M. Pierre Albertini et les commissaires membres du groupe U.D.F. :

Compléter cet article par les mots : " vice-président d'un conseil régional ou d'un conseil général, de l'Assemblée de Corse, adjoint au maire d'une commune de plus de 50.000 habitants bénéficiant d'une délégation ".

Amendement n° 18 présenté par M. Alfred Marie-Jeanne :

Compléter cet article par les mots : " , dans les conditions définies par la loi ".

(Art. L.O. 141-1 du code électoral)

Amendement n° 21 présenté par M. Alfred Marie-Jeanne :

Dans cet article, substituer aux mots : " de plus d'un des mandats ", les mots : " des mandats ".

Amendements nos 1, 2 et 3 présentés par M. Jean-Luc Warsmann :

·  Compléter cet article par les mots : " d'une commune de plus de 2.000 habitants ".

·  Compléter cet article par les mots : " d'une commune de plus de 10.000 habitants ".

·  A la fin de cet article, supprimer les mots : " conseiller municipal ".

Amendement n° 7 présenté par Mme Marie-Jo Zimmermann :

A la fin de cet article, supprimer les mots : " conseiller municipal ".

Amendement n° 20 présenté par M. Alfred Marie-Jeanne :

Compléter cet article par les mots : " dans les conditions définies par la loi ".

Après l'article 2

Amendements présentés par M. Jacques Brunhes et les commissaires membres du groupe communiste :

·  Insérer l'article suivant :

" Dans l'article L.O. 145 du code électoral, après les mots : " dans les entreprises nationales et établissements publics nationaux ", sont insérés les mots : " ou des entreprises dont l'Etat est actionnaire ".

·  Insérer l'article suivant :

" L'article L.O. 146 du code électoral est complété par les mots : " ou possède plus de 5 % de leur capital ".

·  Insérer l'article suivant :

" Le premier alinéa de l'article L.O. 146-1 du code électoral est ainsi rédigé :

" Il est interdit à tout député d'exercer une fonction de conseil ".

·  Insérer l'article suivant :

" Dans l'article L.O. 149 du code électoral, les mots : "dont il n'était pas habituellement le conseil avant son élection" sont supprimés ".

Article 3

Amendement n° 15 présenté par M. Georges Tron :

Supprimer cet article.

Article 4

Amendements nos 10 et 11 présentés par M. Alain Ferry :

·  Après les mots : " en démissionnant ", rédiger ainsi la fin du deuxième alinéa de cet article : " du mandat le plus ancien ".

·  Après les mots : " en démissionnant ", rédiger ainsi la fin du dernier alinéa de cet article : " du mandat le plus ancien ".

Amendement n° 8 présenté par Mme Marie-Jo Zimmermann :

Compléter cet article par l'alinéa suivant :

" L'obligation de démissionner d'un des mandats détenus antérieurement qui est prévue au présent article ne s'applique pas lorsque le nouveau mandat acquis est un mandat de conseiller municipal. "

Article 6

Amendement n° 16 présenté par M. Georges Tron :

Rédiger ainsi cet article :

" Il est ajouté à l'article L.O. 328-2 du code électoral, un alinéa ainsi rédigé :

" Pour l'application de l'article L.O. 141, le mandat de conseiller général de Saint-Pierre-et-Miquelon et assimilé au mandat de conseiller général d'un département. "

Article 7

Amendement n° 17 présenté par M. Georges Tron :

Dans cet article, substituer à la référence : " L.O. 141-1 ", la référence : " L.O. 141 ".

Après l'article 8

Amendement présenté par M. Julien Dray :

Insérer l'article suivant :

" Il est inséré dans le titre II du code électoral, un article ainsi rédigé :

" Toute personne qui a été investie d'au moins deux mandats consécutifs de député au cours de sa vie peut, à l'issue de son deuxième mandat, s'inscrire au barreau en qualité d'avocat après avoir suivi une formation dispensée par l'école de formation du Barreau dont les modalités sont définies par décret en Conseil d'Etat. "

Après l'article 9

Amendement n° 12 présenté par M. Alain Ferry :

Insérer l'article suivant :

" Dans l'avant-dernier alinéa de l'article 4 de l'ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l'indemnité des membres du Parlement, après les mots : " mandats électoraux ", sont insérés les mots : " ou qui exerce la présidence d'une communauté urbaine, d'une communauté de communes, d'une communauté de villes, d'un syndicat intercommunal, d'un district ".

Article 10

Amendement présenté par M. Pierre Albertini :

Après les mots : " qu'il détient ", rédiger ainsi la fin de cet article : " au plus tard jusqu'au prochain renouvellement des conseils municipaux ".

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

(Projet de loi- n° 828)

Avant l'article premier

Amendement présenté par M. Jean-Antoine Léonetti :

Insérer l'article suivant :

" L'article L. 44 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :

" Nul ne peut faire acte de candidature s'il a déjà exercé quatre mandats dans la même fonction élective de manière continue ".

Amendements présentés par M. Guy Hascoët :

·  Insérer l'article suivant :

" Dans le I de l'article L. 2123-3 du code général des collectivités territoriales, après les mots : " et, dans les communes de ", le nombre : " 3500 " est substitué au nombre : " 100.000 " ".

·  Insérer l'article suivant :

" Après le 3° du II de l'article L. 2123-3 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un 4° ainsi rédigé :

" 4°  A l'équivalent de 40 % de la durée légale du travail pour les conseillers municipaux des communes de 30.000 à 99.999 habitants, de 30 % pour les conseillers municipaux des communes de 10.000 à 29.999 habitants et de 15 % pour les conseillers municipaux de 3500 à 9.999 habitants. "

·  Insérer l'article suivant :

" Le début de l'article L. 2123-9 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

" Les maires des communes de 3500 habitants au moins, les adjoints au maire des communes de 20.000 habitants, qui pour ... " (le reste sans changement).

·  Insérer l'article suivant :

" Il est inséré, après le paragraphe I de l'article L. 2123-20 du code général des collectivités territoriales, un paragraphe I bis ainsi rédigé :

" I bis. -  L'indemnité des élus visés à l'article L. 2123-9 est majorée de 50 % pour les maires et de 60 % pour les adjoints au maire. "

·  Insérer l'article suivant :

" Dans le I de l'article L. 2123-20 du code général des collectivités territoriales, après les mots : " de conseillers municipaux des communes de ", le nombre : " 10.000 " est substitué au nombre : " 100.000. " ".

·  Insérer l'article suivant :

" Le quatrième alinéa de l'article L. 2123-24 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

" Les indemnités votées par les conseils municipaux des communes de 10.000 habitants et plus pour l'exercice effectif des fonctions de conseiller municipal sont au maximum égales à 6 % dans les communes de 10.000 à 29.999 habitants, 8 % dans les communes de 30.000 à 99.999 habitants et 10 % dans les communes de 100.000 habitants au moins, du terme de référence mentionné au I de l'article L. 2123-20. "

·  Insérer l'article suivant :

" Dans le I de l'article L. 2121-28 du code général des collectivités territoriales, après les mots : " dans les conseils municipaux de plus de ", le nombre : " 10.0000 " est substitué au nombre : " 100.000 " ".

·  Insérer l'article suivant :

" Dans le I de l'article L. 2121-28 du code général des collectivités territoriales, après les mots : " le fonctionnement des groupes d'élus ", le mot : " fait " est substitué aux mots : " peut faire " ".

·  Insérer l'article suivant :

" La première phrase du deuxième alinéa du II de l'article L. 2121-28 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigée :

" Dans les conditions déterminées par le conseil municipal proportionnellement à l'importance de chaque groupe, le maire, sur proposition des représentants de chaque groupe, affecte aux groupes d'élus une ou plusieurs personnes. "

·  Insérer l'article suivant :

" Dans le deuxième alinéa du II de l'article L. 2121-28 du code général des collectivités territoriales, après les mots : " le conseil municipal, ", le mot : " affecte " est substitué aux mots : " peut affecter " ".

Article premier

(Art. L. 46-1 du code électoral)

Amendement n° 9 présenté par M. Georges Tron :

Dans le premier alinéa de cet article, substituer à la référence : " L.O. 141-1 ", la référence : " L.O. 141 ".

Amendement n° 15 présenté par M. Lionnel Luca :

Compléter le premier alinéa de cet article par les mots : " bénéficiant de délégation de compétence quelque soit la nature (pouvoir, signature ou fonction). "

Amendement n° 1 présenté par Mme Marie-Jo Zimmermann :

A la fin du premier alinéa de cet article, supprimer les mots : " conseiller municipal ".

Amendement présenté par M. Pierre Albertini :

Dans le premier alinéa de cet article, après les mots : " plus de deux mandats électoraux ", insérer les mots : " ou fonctions électives ", et après les mots : " conseiller municipal ", compléter cet alinéa par les mots suivants : " président d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, vice-président d'un conseil régional ou d'un conseil général de l'Assemblée de Corse, adjoint au maire d'une commune de plus de 50.000 habitants bénéficiant d'une délégation ".

Amendements présentés par M. Guy Hascoët :

·  Dans le premier alinéa de cet article, après les mots : " mandats électoraux ", insérer les mots : " ou fonction électives ".

·  Après les mots : " conseiller municipal ", compléter ainsi le premier alinéa de cet article : " délégué désigné par un conseil municipal, sans y appartenir, pour siéger au conseil des organismes de coopération communale, délégué désigné par un conseil municipal ou général ou régional, sans y appartenir, pour siéger au conseil des syndicats mixtes ".

Amendement n° 3 présenté par M. Alain Ferry :

Après les mots : " en démissionnant ", rédiger ainsi la fin du dernier alinéa de cet article : " du mandat le plus ancien ".

Amendement n° 2 présenté par Mme Marie-Jo Zimmermann :

Compléter cet article par l'alinéa suivant :

" L'obligation de démissionner d'un des mandats détenus antérieurement qui est prévue au présent article ne s'applique pas lorsque le nouveau mandat acquis est un mandat de conseiller municipal. "

Amendement présenté par M. Ernest Moutoussamy :

Compléter cet article par l'alinéa suivant :

" Dans les D.O.M., les mandats de conseiller régional et de conseiller général ne sont pas cumulables ".

Article 2

(Art. L. 46-2 du code électoral)

Amendements nos 16 et 17 présentés par M. Alfred Marie-Jeanne :

·  Dans le premier alinéa de cet article, après le mot : " maire ", insérer les mots : " dans les communes comptant plus de 60.000 habitants ".

·  Dans le premier alinéa de cet article, après le mot : " régional ", insérer les mots : " dans les régions comptant plus de 700.000 habitants sans préjudice de l'article L. 3122-3 du code général des collectivités territoriales. "

Amendement présenté par M. Guy Hascoët :

Dans le premier alinéa de cet article, après les mots : " président de conseil exécutif de Corse ", insérer les mots : " président et vice-président délégué des établissements publics régis par les dispositions de la cinquième partie du code général des collectivités territoriales ".

Amendement n° 10 présenté par M. Georges Tron :

Après les mots : " sont incompatibles ", rédiger ainsi la fin de cet article : " avec le mandat ... " (le reste sans changement).

Amendement n° 4 présenté par M. Alain Ferry :

Rédiger ainsi le dernier alinéa de cet article :

" Elles sont également incompatibles avec le mandat de représentant au Parlement européen dans les conditions fixées par l'article 6-2 de la loi du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen. "

Article 3

Amendement n° 11 présenté par M. Georges Tron :

Supprimer cet article.

Amendements nos 18 et 19 présentés par M. Alfred Marie-Jeanne :

·  Dans le deuxième alinéa du I de cet article, après le mot : " maire ", insérer les mots : " dans les communes dont le nombre d'habitants dépasse le seuil fixé à l'article L. 46-2 du code électoral ".

·  Dans la première phrase du dernier alinéa du I de cet article, après les mots : " Tout maire ", insérer les mots : " de communes visées au premier alinéa ".

Amendement présenté par M. Guy Hascoët :

Après le deuxième alinéa du I de cet article, insérer l'article suivant :

" En outre, les fonctions de maire sont incompatibles avec plus de deux des fonctions électives suivantes : président ou vice-président délégué d'un établissement public régi par les dispositions de la cinquième partie du code général des collectivités territoriales ".

Après l'article 3

Amendement présenté par M. Guy Hascoët :

Insérer l'article suivant :

" Le chapitre unique du titre unique du livre premier de la cinquième partie du code général des collectivités territoriales est complété par un article L. 5111-4 ainsi rédigé :

" Art. L. 5111-4. -  Nul ne peut cumuler plus de deux des fonctions électives suivantes : président ou vice-président délégué d'un établissement public régi par les dispositions de la cinquième partie du code général des collectivités territoriales ".

Article 4

Amendement n° 12 présenté par M. Georges Tron :

Supprimer cet article.

(Art. L. 3122-3 du code général des collectivités territoriales)

Amendement n° 20 présenté par M. Alfred Marie-Jeanne :

Compléter le premier alinéa de cet article par les mots : " des communes dont le nombre d'habitants dépasse le seuil fixé à l'article L. 46-2 du code électoral ".

Amendement n° 5 présenté par M. Alain Ferry :

Compléter le premier alinéa de cet article par les mots : " , président d'une communauté urbaine, président d'une communauté de communes, président d'une communauté de ville, président d'un syndicat intercommunal, président d'un district. "

Amendement présenté par M. Guy Hascoët :

Après le premier alinéa de cet article, insérer l'alinéa suivant :

" En outre, les fonctions de président du conseil général sont incompatibles avec plus de deux des fonctions électives suivantes : président ou vice-président délégué d'un établissement public régi par les dispositions de la cinquième partie du code général des collectivités territoriales ".

Article 5

Amendement n° 13 présenté par M. Georges Tron :

Supprimer cet article.

(Art. L. 4133-3 du code général des collectivités territoriales)

Amendements nos 22 et 21 présentés par M. Alfred Marie-Jeanne :

·  Dans le premier alinéa de cet article, après le mot : " régional ", insérer les mots : " dans les conditions prévues à l'article L. 46-2 du code électoral ".

·  Compléter le premier alinéa de cet article par les mots : " des communes dont le nombre d'habitants dépasse le seuil fixé à l'article L. 46-2 du code électoral ".

Amendement n° 6 présenté par M. Alain Ferry :

Compléter le premier alinéa de cet article par les mots : " , président d'une communauté urbaine, président d'une communauté de communes, président d'une communauté de ville, président d'un syndicat intercommunal, président d'un district. "

Amendement présenté par M. Guy Hascoët :

Après le premier alinéa de cet article, insérer l'alinéa suivant :

" En outre, les fonctions de président du conseil régional sont incompatibles avec plus de deux des fonctions électives suivantes : président ou vice-président délégué d'un établissement public régi par les dispositions de la cinquième partie du code général des collectivités territoriales ".

Article 8

Amendement n° 14 présenté par M. Georges Tron :

Supprimer cet article.

(Art. 6-2 de la loi du 7 juillet 1977)

Amendement n° 23 présenté par M. Alfred Marie-Jeanne :

Compléter le premier alinéa de cet article par les mots : " des communes dont le nombre d'habitants dépasse le seuil fixé à l'article L. 46-2 du code électoral ".

Amendement présenté par M. Guy Hascoët :

Compléter le premier alinéa de cet article par les mots : " , président d'un établissement public régi par les dispositions de la cinquième partie du code général des collectivités territoriales ".

Amendement n° 7 présenté par M. Alain Ferry :

Compléter le premier alinéa de cet article par les mots : " , président d'une communauté urbaine, président d'une communauté de communes, président d'une communauté de ville, président d'un syndicat intercommunal, président d'un district. "

(Art. 6-3 de la loi du 7 juillet 1977)

Amendement n° 8 présenté par M. Alain Ferry :

Après les mots : " en démissionnant ", rédiger ainsi la fin du dernier alinéa de cet article : " du mandat le plus ancien ".

Amendement présenté par M. Guy Hascoët :

Compléter le premier alinéa de cet article par les mots : " délégué désigné par un conseil municipal, sans y appartenir, pour siéger au conseil des organismes de coopération communale, délégué désigné par un conseil municipal ou général ou régional, sans y appartenir, pour siéger au conseil des syndicats mixtes ".

Après l'article 14

Amendement n° 24 présenté par MM. Bernard Accoyer et Renaud Muselier :

Insérer l'article suivant :

" L'article 52 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat, l'article 73 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et l'article 62 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière sont ainsi rédigés :

" Le fonctionnaire qui devient parlementaire ou président d'un exécutif d'une collectivité locale de plus de 20.000 habitants est de droit placé en disponibilité pendant la durée de son mandat.

" Au terme du premier d'un de ces mandats, le fonctionnaire sollicite dans le délai de deux mois sa réintégration de droit dans son emploi ou dans un emploi équivalent. Faute d'une telle demande, l'intéressé est rayé des cadres à l'expiration de la période de disponibilité.

" Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions de disponibilité, sa durée ainsi que les modalités de réintégration du fonctionnaire intéressé à l'expiration de la période de disponibilité. "

Amendements présentés par M. Pierre Albertini :

·  Insérer l'article suivant :

" L'article 73 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale est ainsi rédigé :

" Le fonctionnaire territorial élu député, sénateur, représentant au Parlement européen, président de conseil régional ou général, maire d'une commune de plus de 50.000 habitants, président d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre est placé en disponibilité pendant la durée de son mandat. "

·  Insérer l'article suivant :

" L'article 52 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat est ainsi modifié :

" Le fonctionnaire élu député, sénateur, représentant au Parlement européen, président de conseil régional ou général, maire d'une commune de plus de 50.000 habitants, président d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre est placé en disponibilité pendant la durée de son mandat. "

·  Insérer l'article suivant :

" L'article 62 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière est ainsi rédigé :

" Le fonctionnaire élu député, sénateur, représentant au Parlement européen, président de conseil régional ou général, maire d'une commune de plus de 50.000 habitants, président d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre est placé en disponibilité pendant la durée de son mandat. "

·  Insérer l'article suivant :

" L'article 54 de la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires est ainsi modifié :

I. -  Dans le premier alinéa, supprimer les mots : " pour exercer des fonctions publiques électives ".

II. -  Compléter le premier alinéa par la phrase suivante : " Le militaire de carrière élu député, sénateur, représentant au Parlement européen, président de conseil régional ou général, maire d'une commune de plus de 50.000 habitants, président d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre est placé en disponibilité pendant la durée de son mandat. "

·  Insérer l'article suivant :

" Il est créé une commission chargée d'examiner les conditions de mise en oeuvre d'une réforme du statut des élus. Elle est composée de trente membres, choisis pour moitié de députés et de sénateurs et pour moitié d'élus locaux. Elle rendra son rapport six mois après la date d'entrée en vigueur de la présente loi ".

Article 15

Amendement présenté par M. Pierre Albertini :

Après les mots : " jusqu'au terme de celui-ci ", rédiger ainsi la fin de cet article : " au plus tard jusqu'au prochain renouvellement des conseils municipaux. "

Titre du projet de loi

Amendement présenté par M. Guy Hascoët :

Dans le titre du projet de loi, avant le mot : " limitant ", insérer les mots : " portant amélioration du statut de l'élu et ".

A N N E X E

LE CUMUL DES MANDATS ÉLECTIFS
DANS LES PAYS DE LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE (14)

ALLEMAGNE

Le cumul entre un mandat de député au Bundestag et de membre d'un Landtag n'est pas formellement interdit au niveau fédéral mais ne correspond pas aux principes qui peuvent être déduits de la Loi fondamentale et des constitutions des Länder selon lesquels il existe une indépendance de la sphère de compétence de l'Etat fédéral et de celle des Länder. Il résulte de cette délimitation et de la combinaison des principes des articles 20, paragraphe II et 28, paragraphe III de la Loi fondamentale que les deux mandats apparaissent peu compatibles (15). Néanmoins, il existe en pratique quelques cas de cumul de mandat correspondant, pour l'immense majorité, à des situations transitoires de quelques mois. Dans la plupart des Landtage, l'indemnité liée à l'appartenance à cette assemblée est alors plafonnée ou supprimée. Il n'existe par de règle générale concernant le cumul d'une fonction ministérielle dans un Land et celle de député d'un Landtag, compte tenu de la diversité des constitutions des Länder.

Aucune règle n'interdit le cumul d'un mandat au Bundestag ou au Bundesrat avec, d'autre part, celui d'un " Kreistag " (assemblée d'arrondissement) ou celui de membre d'un conseil municipal. En pratique, les députés renoncent à leur mandat local.

Le cumul entre les mandats de député au Parlement européen et au Bundestag n'est pas formellement interdit, même si ce cas a toujours été extrêmement rare depuis 1979 (le plus souvent, période transitoire de quelques mois). Il n'y a actuellement aucun membre du Bundestag détenant un mandat au Parlement européen.

En revanche, la loi du 16 juin 1978 relative à l'élection des députés au Parlement européen établit une incompatibilité entre une fonction ministérielle dans un Land et un mandat parlementaire européen, l'accession au gouvernement entraînant la perte du mandat de député européen.

AUTRICHE

Les règles relatives à la limitation du cumul des mandats, lorsqu'elles existent, sont dispersées dans des textes législatifs nombreux qui visent, en fait, également des incompatibilités avec des fonctions dans des services publics, des organismes publics (Radiodiffusion autrichienne, par exemple) à caractère économique, notamment.

Le cumul entre le mandat de député (Conseil National) et celui de membre du Parlement européen est quant à lui interdit.

La tendance des partis politiques à essayer de limiter certaines situations de cumul s'est concrétisée avec l'entrée en vigueur, le 1er juillet 1997, de la loi relative à la limitation des traitements dans les " fonctions publiques supérieures ". Pour se limiter à l'essentiel du dispositif, il convient de retenir que le plafond applicable est déterminé à partir d'un montant mensuel de référence de 100 000 schillings (payé sur quatorze mois) qui correspond au montant de l'indemnité parlementaire d'un député du Conseil National.

Les plafonds sont ainsi fixés (pour deux fonctions ou plus) :

-  pour un gouverneur de province : 200 % du montant de référence, pour un gouverneur de province adjoint : 190 % ;

-  pour un membre du gouvernement provincial : 180 % ;

-  pour un maire de grande ville (sauf Vienne) : 170 % ;

-  pour un président de Diète provinciale : 150 % ;

-  pour un président de groupe politique dans une Diète provinciale : 140 % ;

-  pour le président exécutif d'un conseil scolaire de province : 120 % ;

-  pour un vice-président de Diète provinciale : 100 % ;

-  pour un député de Diète provinciale : 80%.

En cas d'exercice conjoint d'une activité professionnelle, ces plafonds sont réduits par exemple de 150 % à 110 % pour un président de Diète provinciale.

BELGIQUE

L'article 49 de la Constitution interdit de cumuler un mandat à la Chambre des Représentants et au Sénat et l'article 233 du code électoral accorde au candidat élu dans les deux assemblées un délai pour renoncer à l'un des mandats.

L'article 119 de la Constitution établit l'incompatibilité entre le mandat de membre d'un conseil de communauté (flamande, française, germanophone) et de conseil de région avec celui de membre de la Chambre des Représentants ou de sénateur (à l'exception d'un mandat de sénateur communautaire, dans la mesure où les sénateurs communautaires sont désignés par les conseils des communautés en leur sein).

Selon la loi du 19 octobre 1921, l'exercice d'un mandat de conseiller provincial n'est pas compatible avec celui de député ou de sénateur.

Selon les dispositions de l'article 42 de la loi du 23 mars 1989 relative à l'élection du Parlement européen, aucun mandat législatif national n'est cumulable avec le mandat de député au Parlement européen. Il en est de même de ce mandat avec ceux de membre du Conseil de la communauté flamande, de la communauté française, du Conseil de la région de Bruxelles capitale, d'un conseil régional, d'un exécutif communautaire ou régional, avec une députation permanente, avec le mandat de membre d'un collège d'agglomération et avec le mandat de bourgmestre et d'échevin d'une commune de plus de 50 000 habitants.

En revanche, le mandat parlementaire est compatible avec un mandat communal et, d'ailleurs, la plupart des parlementaires sont aussi conseillers communaux.

DANEMARK

Aucun texte n'interdit formellement le cumul de tout mandat avec un mandat de député, y compris le mandat de député européen.

Cependant, des dispositions des statuts des partis politiques peuvent prévoir l'interdiction du cumul de mandats. Ainsi, le parti social-démocrate n'autorise pas le cumul des mandats national et européen. La pratique suivie par les partis permet, au niveau des présentations de candidatures, d'empêcher ou de limiter des situations de cumul.

ESPAGNE

L'article 67 de la Constitution prévoit que nul ne peut être membre simultanément de deux chambres (Congrès des Députés et Sénat) ni cumuler le mandat de membre du Congrès des Députés avec celui d'un assemblée de communauté autonome.

L'article 154 de la loi électorale 5/85 du 19 juin 1985, modifiée par la loi organique 8/91 du 13 mars 1991, prévoit que ne sont pas éligibles au Congrès des Députés les présidents et membres des conseils de gouvernement des communautés autonomes ainsi que les titulaires de charges librement désignés au sein de ces conseils et les membres des institutions autonomes qui, statutairement ou légalement, doivent être élus par l'assemblée législative territoriale correspondante. Il n'existe aucune autre interdiction de cumul pour les députés ; dès lors, le mandat de député peut se cumuler avec celui de maire, échevin, conseiller municipal ou provincial. Dans les rares cas de cumul de deux mandats, l'élu ne perçoit qu'une indemnité.

Cette incompatibilité s'applique aux seuls membres du Congrès des Députés, à l'exclusion des sénateurs, vraisemblablement du fait que le Sénat est constitutionnellement défini comme la chambre de représentation territoriale. En outre, les sénateurs désignés par les communautés autonomes ne peuvent exercer que les activités expressément autorisées par la Constitution et la loi organique et ce, quel que soit le régime prévu par la communauté autonome ; en outre, ils ne peuvent percevoir que la rémunération correspondant à leur mandat de sénateur, à moins qu'ils n'aient opté expressément pour la rémunération perçue en tant que parlementaire d'une communauté autonome.

En ce qui concerne la situation des députés au Parlement européen, s'impose la règle de l'incompatibilité entre député européen et membre des Cortes (Congrès des Députés et Sénat), ainsi qu'avec le mandat de membre d'une assemblée d'une communauté autonome.

Dans la pratique, les élus n'ont dans l'immense majorité des cas qu'un seul mandat. Les députés sont ainsi très rarement maires d'une ville. Dans le Congrès des Députés actuel, élu le 3 mars 1996, il y a sur un total de 347 députés, 52 députés qui détiennent un mandat de député provincial (8), de maire (14) ou d'échevin (30).

FINLANDE

Aucun texte n'interdit le cumul du mandat de député avec d'autres mandats détenus au sein des collectivités territoriales, ce qui est d'ailleurs une pratique courante et qui n'est pas sujet de discussion. Les statuts des partis politiques ne prévoient pas non plus de dispositions spéciales dans ce domaine.

Cependant, le mandat de député européen ne peut être cumulé avec le mandat de député européen. Le délai d'option entre les deux mandats est de 5 jours.

GRANDE-BRETAGNE

Les incompatibilités sont déterminées par une loi de 1975 (House of Commons Disqualification Act).

Il n'existe aucune règle d'incompatibilité entre les mandats de membre de la Chambre des Communes et de membre du Parlement européen. Mais les principaux partis s'efforcent de décourager le cumul de ces deux mandats. C'est pourquoi seuls trois membres de la Chambre des Communes sont actuellement parlementaires européens.

Il n'existe pas non plus de règle d'incompatibilité entre mandats nationaux et mandats locaux ou entre fonctions gouvernementales et mandats locaux (membre des Conseils des comtés, des Conseils des districts ou des Conseils municipaux, maire). Toutefois, l'usage veut qu'il n'y ait pas cumul des mandats, de sorte qu'il y a séparation entre le personnel politique national et local. C'est ainsi que, si 80 des membres de la Chambre des Communes étaient également conseillers locaux au moment de leur élection le 1er mai 1997, ce nombre est en constante diminution au gré des démissions ou de l'expiration des mandats.

GRÈCE

L'exercice d'un mandat de député du Parlement national est incompatible avec celui de député du Parlement européen. Toutefois, par les dispositions de l'article 13 al. 1 de la loi 1443/1984, le législateur a introduit l'exception suivante : les candidats qui occupent les deux premières places sur la liste électorale de leur parti au Parlement européen peuvent être élus et garder leur mandat, à la condition que leur élection au Parlement grec ait été effectuée sous l'étiquette du même parti.

L'article 56 al. 1 de la Constitution grecque interdit le cumul des mandats de député avec les fonctions de maire et de " président de commune " (président du conseil de la commune).

IRLANDE

Il n'existe pas de disposition légale interdisant le cumul des mandats.

Le mandat de député au Dail ou de sénateur est donc cumulable avec celui de député européen.

Cependant, un membre du Parlement européen élu en Irlande ne peut être en même temps Président ou vice-président du Dail ni du Sénat, selon la loi relative aux élections européennes.

La loi électorale irlandaise ne prévoit pas d'incompatibilité du mandat de député ou sénateur avec les différents mandats locaux.

ITALIE

1. Les modalités de cumul des mandats électifs

a) Le cumul des mandats électifs nationaux

Outre l'incompatibilité, prévue à l'article 84 de la Constitution du 27 décembre 1997 (16), du mandat parlementaire avec la fonction de Président de la République, la Constitution précise, dans son article 65, que " nul ne peut appartenir en même temps à la Chambre des députés et au Sénat de la République ".

En revanche, il est possible d'être simultanément parlementaire et représentant de l'Italie au Parlement européen.

b) Le cumul des mandats électifs nationaux et locaux

·  Les fonctions de Président de la République sont incompatibles avec l'exercice d'un mandat local (article 84 précité de la Constitution).

·  S'agissant du cumul des mandats parlementaires et locaux, l'article 65 de la Constitution renvoie à la loi, en l'espèce le " texte unique relatif aux lois électorales " du 30 mars 1957 (17), le soin de déterminer " les cas d'inéligibilité et d'incompatibilité avec les fonctions de députés et de sénateurs ". Les mandats locaux suivants sont ainsi incompatibles avec le mandat parlementaire :

-  conseiller régional : en application de l'article 122, paragraphe 2, de la Constitution, " nul ne peut appartenir à la fois à un Conseil régional et à l'une des Chambres du Parlement ". On relèvera que l'article 7 du texte unique du 30 mars 1957 précité considérait le fait de détenir un mandat de " député régional ou conseiller régional " comme un motif d'inéligibilité au Parlement mais que la Cour constitutionnelle a déclaré, dans sa sentence n° 344 du 11 juin 1993, l'inconstitutionnalité de cette disposition.

Néanmoins, on relèvera que, dans le projet de loi constitutionnelle actuellement en cours d'examen à la Chambre des députés et qui tend à une révision de la Constitution du 27 décembre 1947, cette incompatibilité ne trouve pas à s'appliquer lorsque le Sénat de la République se réunit en sessions spéciales auxquelles participent les conseillers municipaux, provinciaux et régionaux ;

-  Président de la Junte provinciale (organe exécutif de la province) ;

-  maire d'une commune de plus de 20 000 habitant.

Il s'agit, dans les deux derniers cas, d'inéligibilités prévues par le décret du 30 mars 1957 précité mais qui ne trouvent pas à s'appliquer si les fonctions visées ont cessé d'être exercées au moins 180 jours avant la fin de la législature (article 7, paragraphe 2, du décret n° 361 du 30 mars 1957). Ces inéligibilités deviennent des motifs d'incompatibilité si elles surviennent après la tenue des élections.

·  S'agissant du cumul du mandat de député européen et de mandats locaux, l'article 6 de la loi n° 18 du 24 janvier 1979 pose une incompatibilité entre la fonction de représentant de l'Italie au Parlement européen et les fonctions de Président de la junte régionale et d'assesseur régional (membres de l'exécutif régional), le représentant élu disposant de trente jours pour déclarer son choix à l'office électoral national.

c) Le cumul des mandats électifs locaux

La loi n° 154 du 23 avril 1981 relative aux inéligibilités et aux incompatibilités applicables au mandat de conseillers régional, provincial et municipal pose les limites suivantes :

-  il n'est pas possible d'être membre de deux conseils, de deux conseils provinciaux et de deux conseils municipaux. Cette règle s'entend non seulement comme une incompatibilité, mais aussi comme une inéligibilité ;

-  il y a incompatibilité entre, d'une part, le mandat de conseiller régional et, d'autre part, les mandats de Président et de Vice-Président d'une junte provinciale, de maire et de maire-adjoint des communes de la région où le mandat de conseiller régional est exercé.

2. Les incompatibilités gouvernementales

La Constitution du 27 décembre 1947 ne réglemente pas les incompatibilités existant entre l'exercice d'une fonction ministérielle au sein du gouvernement et les mandats électifs. Néanmoins, le projet de loi constitutionnelle élaboré par la commission bicamérale chargée de proposer une révision de la Constitution et actuellement en cours d'examen à la Chambre des députés dispose, dans son article 73, que la loi fixe les cas d'incompatibilités pour les membres du gouvernement. Mais ne sera sans doute pas visée une incompatibilité avec la fonction parlementaire dans la mesure où le projet de loi constitutionnelle maintient à l'article 83 la disposition selon laquelle " les membres du gouvernement, même s'ils ne font pas partie des assemblées, ont le droit d'assister aux séances ".

La loi n° 154 du 23 avril 1981 relative aux inéligibilités et aux incompatibilités applicables au mandat de conseillers régional, provincial et municipal prévoit une incompatibilité entre les fonctions de ministre et de sous-secrétaire d'Etat et le mandat de conseiller régional.

3. Le cumul des indemnités

Conformément à l'article 14 de la loi n° 816 de 1985, les parlementaires nationaux ne peuvent pas cumuler l'indemnité parlementaire avec celle qu'ils perçoivent au titre de l'exercice de mandats locaux. Ils sont seulement autorisés à recevoir l'indemnité de présence aux séances des conseils communaux ou provinciaux dont ils font partie. A l'inverse, on relèvera qu'il n'est pas interdit de cumuler l'indemnité perçue pour l'exercice d'une fonction de député ou de sénateur et celle résultant de l'exercice du mandat de parlementaire européen.

4. Statistiques sur les parlementaires exerçant un mandat local

(La Chambre des députés compte, en application de l'art. 56 de la Constitution du 27 décembre 1947, 630 députés).

Législature

Conseillers
provinciaux

Maires

Conseillers
municipaux

XIIIè Législature (depuis avril 1996)

12

23

71

XIIè Législature (1994-1996)

14

14

80

XIè Législature (1992-1994)

7

19

84

Par ailleurs, la Chambre des députés, dans son actuelle composition, compte 6 députés exerçant simultanément un mandat de parlementaire européen.

LUXEMBOURG

L'article 54 de la Constitution luxembourgeoise énumérant les fonctions incompatibles avec l'exercice d'un mandat de député précise qu'un député ne peut être membre du gouvernement ni membre du Conseil d'Etat.

Selon les dispositions de l'article 156 de la loi électorale du 13 mars 1987, les membres du gouvernement ne peuvent faire partie des conseils communaux ni, en conséquence, exercer les fonctions de bourgmestre ou d'échevin.

La loi électorale luxembourgeoise n'interdit pas le cumul des mandats de député du Grand-Duché et de député au Parlement européen. Toutefois, les partis politiques se sont prononcés contre le cumul de ces mandats et il est d'usage que les élus concernés effectuent un choix entre ces deux mandats.

PAYS-BAS

L'article 57 de la Constitution néerlandaise interdit le cumul du mandat de membre des deux Chambres des Etats Généraux (Deuxième et Première Chambres).

La loi du 20 avril 1994 relative aux incompatibilités des Etats Généraux et du Parlement européen précise qu'un député au Parlement européen élu aux Pays-Bas ne peut être en même temps ministre ou secrétaire d'Etat.

Par ailleurs, la loi relative aux provinces établit une incompatibilité entre la fonction de ministre ou secrétaire d'Etat et l'exercice d'un mandat aux Etats provinciaux.

PORTUGAL

La loi du 29 décembre 1989 énumère les mandats locaux ou régionaux incompatibles avec le mandat de député : député européen, membre des assemblées des régions autonomes (Açores, Madère), président et conseiller à plein temps des conseils municipaux, ainsi que les députés de l'Assemblée législative de Macao.

Le mandat de député de l'Assemblée de la République est incompatible avec la fonction de ministre.

Il n'existe pas d'autre disposition légale interdisant le cumul des mandats.

Certains députés portugais cumulent jusqu'à huit mandats.

Dans les cas où il y a cumul de mandat, il y a cumul des indemnités qui leurs sont liées, sans condition de plafonnement.

Lors de la précédente législature (1991-1995), on a pu constater les situations suivantes :

-  au Parti socialiste : quatre députés cumulaient 8 mandats, cinq en détenaient 7, trois : 5, dix : 4, dix-huit : 3, vingt-et-un : 2 ;

-  au Parti social démocrate (PSD) : un député cumulait 8 mandats, quatre en détenaient 7, huit : 6, six : 5, treize : 4, vingt : 3, trente-deux : 2 ;

-  au Centre social-démocrate/Parti populaire (CSD/PP) : un député cumulait 5 mandats, deux en détenaient 4, un : 3, cinq : 2, vingt-et-un : 1 ;

-  au Parti communiste : six députés cumulaient 6 mandats, trois en détenaient 3, trois : 2 ;

-  au Parti écologique " les Verts " : deux députés cumulaient 2 mandats.

SUÈDE

Aucun texte n'interdit formellement le cumul de tout mandat avec un mandat de député, y compris le mandat de député européen.

Cependant, des dispositions des statuts des partis politiques peuvent prévoir une certaine limitation du cumul de mandats : ainsi, le parti social-démocrate n'autorise pas le cumul du mandat parlementaire, national ou européen, avec un mandat d'exécutif local. Il est d'autant plus facile de faire respecter ces dispositions que les partis politiques disposent d'un droit quasi exclusif de présentation des candidats aux élections.

On peut toutefois remarquer que le cumul des mandats ne semble pas conduire à des interrogations à ce sujet.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
PAR LA COMMISSION DES LOIS

· le mercredi 8 avril 1998 : audition de constitutionnalistes :

· M. Jean-Michel BLANQUER, professeur de droit à l'Institut d'études
politiques de Lille

· M. Guy CARCASSONNE, professeur à l'Université Paris X (Nanterre)

· M. Jean GICQUEL, professeur à l'Université Paris I (Panthéon-Sorbonne)

· M. Hubert HUBRECHT, professeur à l'Institut d'études politiques de
Bordeaux

· le mercredi 22 avril 1998 : audition de représentants d'associations d'élus locaux :

· M. Jean-Paul DELEVOYE, président de l'Association des maires de France, sénateur-maire de Bapaume

· M. Bernard SAVY, vice-président de l'Association des présidents de conseils régionaux, président du conseil régional du Limousin

· le mercredi 13 mai 1998 : audition du ministre :

· M. Jean-Pierre CHEVÈNEMENT, ministre de l'Intérieur

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
PAR LE RAPPORTEUR

· le mercredi 6 mai 1998 : Association pour le mandat unique :

· M. Bernard CHICHE, président

· Mme Isabelle BETTATI, vice-présidente

· le mercredi 6 mai 1998 : Association des maires des petites villes de France :

· M. Martin MALVY, président, maire de Figeac

· M. Adrien ZELLER, vice-président, maire de Saverne

· M. Henry BERTHIER, membre du bureau, maire de Pithiviers

· le mercredi 12 mai 1998 : Fédération des maires des villes moyennes

· M. Jean AUROUX, président, maire de Roanne

· le jeudi 14 mai 1998 : Fédération nationale des maires ruraux

· M. François PAOUR, président, maire de Saint-Bernard

_________________

N° 909.- Rapport de M. Bernard Roman (au nom de la commission des lois), sur :
- le projet de loi organique (n° 827) limitant le cumul des mandats électoraux et fonctions électives ;
- le projet de loi (n° 828) limitant le cumul des mandats électoraux et fonctions électives.

1 ) La détention de trois mandats en plus du mandat de député constitue un cas d'incompatibilité. La situation s'explique cependant par le délai d'option de deux mois ou par l'existence d'un contentieux électoral.

2 ) Jean-Claude Masclet, " Un remède homéopathique ? Les lois sur le cumul des mandats et des fonctions électifs ", AJDA, 20 avril 1986, p. 216. Nous lui empruntons les données chiffrées qui suivent.

3 ) Michel Debré, " Trois caractéristiques du système parlementaire français ", Revue Française de Sciences politiques, 1955, p. 27.

4 ) Rapport Léotard, Revue politique et parlementaire, n° 883, novembre-décembre 1979, p.25.

5 ) Rapport Guichard, " Vivre ensemble ", la Documentation française, 1976.

6 ) La loi organique n° 95-62 du 19 janvier 1995 a ajouté à cette liste les conseillers à l'Assemblée de Corse. Pour ce qui est de l'application des règles d'incompatibilité de l'article L. 46-1 du code électoral, le mandat de conseiller à l'Assemblée de Corse est assimilé au mandat de conseiller régional (loi n° 91-428 du 13 mai 1991).

7 ) Albert Mabileau, " Le cumul des mandats ", Regards sur l'actualité, n° 169, mars 1991, p. 17-29.

8 ) Michel Reydellet, " Le cumul des mandats ", Revue du droit public, 1979, p. 693-768.

9 ) Sondage Louis Harris, L'Express, 20 février 1997.

10 ) Yves Mény, Revue du droit public, 1997, p. 1593.

11 ) Yves Mény, Le Nouvel Observateur, 3-9 avril 1997, p. 56.

12 ) Jacques Julliard, Contre la politique professionnelle, Paris, Le Seuil, 1977, p. 11.

13 ) Tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi.

14 ) Notes établies par le service des affaires européennes.

15 ) Selon l'article 20, paragraphe II " tout pouvoir émane du peuple. Le peuple l'exerce au moyen d'élections et de votations par des organes spéciaux investis des pouvoirs, législatif, exécutif et judiciaire ". Conformément à l'article 28, paragraphe III, " la fédération garantit la conformité de l'ordre institutionnel avec les droits fondamentaux et en ce qui concerne les constitutions des Länder et l'autonomie communale ".

16 ) " Les fonctions de Président de la République sont incompatibles avec toute autre charge ".

17 ) Décret du Président de la République du 30 mars 1957, n° 361.


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