N° 942
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 29 mai 1998.
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES (1) , SUR LES PROJETS DE LOI autorisant la ratification des protocoles au Traité de lAtlantique Nord sur laccession de la République de Pologne (n° 912), de la République de Hongrie (n° 913) et de la République Tchèque (n° 922),
PAR M. Arthur PAECHT,
Député.
(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.
Voir les numéros :
Sénat : 384, 385, 386 et 430 (1997-1998).
Assemblée nationale : 912, 913, 922 et 935.
Défense.
La commission de la défense nationale et des forces armées est composée de :
M. Paul Quilès, président ; MM. Didier Boulaud, Arthur Paecht, Jean-Claude Sandrier, vice-présidents ; MM. Robert Gaïa, Pierre Lellouche, Mme Martine Lignières-Cassou, secrétaires ; MM. Jean-Marc Ayrault, Jacques Baumel, Jean-Louis Bernard, André Berthol, Jean-Yves Besselat, Eric Besson, Bernard Birsinger, Jean-Marie Bockel, Loïc Bouvard, Jean-Pierre Braine, Philippe Briand, Jean Briane, Yves Bur, Antoine Carré, Bernard Cazeneuve, Gérard Charasse, Hervé de Charette, Guy-Michel Chauveau, Alain Clary, Charles Cova, Michel Dasseux, Jean-Louis Debré, François Deluga, Claude Desbons, Jean-Pierre Dupont, François Fillon, Christian Franqueville, Roger Franzoni, Yann Galut, Germain Gengenwin, René Galy-Dejean, Roland Garrigues, Henri de Gastines, Bernard Grasset, François Hollande, François Huwart, Jean-Noël Kerdraon, François Lamy, Pierrre-Claude Lanfranca, Jean-Yves Le Drian, Georges Lemoine, François Liberti, Jean-Pierre Marché, Franck Marlin, Jean Marsaudon, Christian Martin, Marius Masse, Gilbert Meyer, Michel Meylan, Jean Michel, Charles Miossec, Alain Moyne-Bressand, Jacques Peyrat, Robert Poujade, Michel Sainte-Marie, Bernard Seux, Guy Teissier, André Vauchez, Jean-Claude Viollet, Michel Voisin, Pierre-André Wiltzer, Kofi Yamgnane.
S O M M A I R E
Pages
INTRODUCTION 5
I. LES MODALITÉS DE LÉLARGISSEMENT : UN PROCESSUS
PROGRESSIF DASSOCIATION POLITIQUE ET MILITAIRE 9
A. LA PROCÉDURE JURIDIQUE 9
1. Le rappel des principales étapes 9
2. Le mécanisme juridique 10
B. LINTÉGRATION PROGRESSIVE DANS LALLIANCE ATLANTIQUE 11
1. Lassociation croissante aux instances de décision pendant
la période intermédiaire 11
2. La participation opérationnelle des forces armées 11
3. Les réformes engagées dans les forces armées 12
a Les budgets de la Défense 12
b La réduction des effectifs 13
c La réorganisation des structures 13
d Le renouvellement et la modernisation des équipements 14
II. LES INTERROGATIONS SUSCITÉES PAR LÉLARGISSEMENT 15
A. LA POURSUITE DE LÉLARGISSEMENT : UNE COHÉRENCE À
DÉTERMINER 15
1. Les divergences entre partenaires : des visions parfois
antinomiques 15
a Le rythme de lélargissement a toujours fait lobjet de
débats 15
b Le cas particulier des pays baltes 17
2. Les instruments de partenariat mis en place 18
a La participation accrue au Partenariat pour la paix 18
b Le Conseil de partenariat euro-atlantique 19
B. LE RENFORCEMENT DES RELATIONS ENTRE LOTAN ET LA RUSSIE
OU LUKRAINE : DES INITIATIVES À PROLONGER 20
1. LActe fondateur OTAN-Russie 20
2. La Charte de partenariat OTAN-Ukraine 22
C. LE COÛT DE LÉLARGISSEMENT : UNE ÉVALUATION À CONFIRMER22
1. Le partage des coûts 23
2. Les conséquences financières de lélargissement 25
a Des estimations divergentes 25
b Des différences dapproche 27
D. LA RÉFORME DE LOTAN ET LA DÉFINITION DUN NOUVEAU
CONCEPT STRATÉGIQUE 28
1. La nécessaire révision du concept stratégique 28
2. Lévolution des structures militaires 29
EXAMEN EN COMMISSION 31
Mesdames, Messieurs,
LAssemblée nationale est saisie de trois projets de loi, adoptés par le Sénat, autorisant la ratification des protocoles au Traité de lAtlantique Nord sur laccession de la Hongrie, de la Pologne et de la République tchèque.
Depuis sa création en 1949, lAlliance sest élargie à la Grèce et à la Turquie en 1952, à la RFA en 1955 et à lEspagne en 1982. Alors que, depuis la fin de la confrontation Est-Ouest, douze pays ont présenté leur candidature, la démarche actuelle délargissement est graduelle et a été limitée à trois pays pour quatre raisons.
· De manière générale, pour lensemble des membres de lAlliance atlantique, lélargissement a pour objet de renforcer la stabilité et la sécurité en Europe, ne serait-ce quen créant davantage de sécurité pour les pays candidats eux-mêmes. Lélargissement est conçu comme une réponse naturelle à lévolution de la situation stratégique en Europe après la fin de la guerre froide et la dissolution du Pacte de Varsovie. Non seulement il doit permettre aux Etats dEurope centrale et orientale de prendre leur place dans la communauté euro-atlantique . Mais il vise à étendre les principes historiques qui fondent la défense collective de lEurope occidentale et garantissent léquilibre stratégique du continent européen grâce au lien transatlantique, forgeant ainsi une véritable communauté entre alliés.
Il est également important de rappeler que, pour lensemble des membres européens sauf notre pays et dans une moindre mesure lEspagne, lOTAN constitue le cadre de référence essentiel de leurs politiques de défense, leurs forces armées faisant partie des structures militaires intégrées.
Lune des principales critiques à ladhésion de nouveaux membres se fondait sur les risques liés aux litiges frontaliers ou ethniques. Or les litiges de cette nature impliquant les trois pays candidats ne constitueront pas des menaces pour la sécurité et la paix en Europe. En effet, la participation à lOTAN contribue à une certaine retenue des membres dans leurs relations bilatérales et les force à résoudre leurs différends par des moyens pacifiques. A cet égard, faut-il souligner les inconvénients de la présence simultanée de la Grèce et de la Turquie qui oblige lAlliance à traiter fréquemment des litiges opposant ces deux pays, ou sinterroger sur ce qui aurait pu advenir sils nétaient pas membres de lAlliance.
De plus, ladhésion modère les antagonismes dun allié avec un pays non-membre en raison de lobligation de défense collective face à une agression externe (cest le mécanisme de larticle 5 du traité de lAtlantique Nord). Les pays candidats ont dailleurs fait la preuve de leurs capacités à résoudre leurs anciens différends frontaliers avec leurs voisins.
· Certains membres actuels de lAlliance atlantique ont des approches spécifiques de lélargissement. LAllemagne estime ainsi que lélargissement de lAlliance vers lEst lui permettra de ne plus se situer aux frontières orientales de lUnion européenne et de lAlliance atlantique.
Pour les Etats-Unis, lobjectif est également de consolider lOTAN après la disparition du Pacte de Varsovie et détendre ses missions en dehors des cas prévus à larticle 5 et hors zone : il sagit de promouvoir une vocation mondialiste dintervention de lOTAN dans toutes les situations possibles. Cette conception maximaliste risque de renforcer la vocation politique au détriment de lalliance militaire et de mettre directement en concurrence lOTAN avec dautres instances comme lONU ou lOSCE.
· Les trois premiers Etats rejoignant lAlliance peuvent se prévaloir de progrès démontrant quils sont en mesure dapporter une véritable contribution à lAlliance, ce qui ne paraît pas encore le cas des autres candidats, même de la Slovénie ou de la Roumanie. Lélargissement est apparu impossible à refuser à des Etats qui tiennent leurs promesses et répondent aux critères qui ont été fixés en matière douverture à léconomie de marché, de démocratie et de droits de lHomme. Par là même, il contribue à renforcer ces processus et à rapprocher ces pays de lEurope occidentale.
· Enfin, leur adhésion a fait lobjet dun consensus entre les membres de lAlliance atlantique. Un grand nombre dadhésions aurait présenté davantage de difficultés, même sil est légitime de sinterroger sur lappréciation politique et militaire des pays ainsi qualifiés ou recalés ainsi que sur limpossibilité pour lOTAN daccueillir davantage de membres en même temps.
*
Lélargissement de lAlliance atlantique est un processus complexe qui obéit à des modalités juridiques précises et induit une implication croissante des candidats dans les structures de lorganisation.
Il soulève également des interrogations qui ne remettent pas en cause la démarche mais méritent de trouver une réponse.
I. LES MODALITÉS DE LÉLARGISSEMENT : UN PROCESSUS PROGRESSIF DASSOCIATION POLITIQUE ET MILITAIRE
Les différentes étapes du processus juridique délargissement saccompagnent dune implication croissante des pays candidats dans les structures politiques et militaires de lorganisation.
A. LA PROCÉDURE JURIDIQUE
Lélargissement repose sur le fondement juridique de larticle 10 du traité de lAtlantique Nord.
Il a été préparé par plusieurs étapes car ladhésion à lAlliance atlantique répond à un mécanisme juridique complexe.
TRAITÉ DE LATLANTIQUE NORD
(Washington, 4 avril 1949)
Article 10 : Les parties peuvent, par accord unanime, inviter à accéder au Traité tout autre Etat européen susceptible de favoriser le développement des principes du présent Traité et de contribuer à la sécurité de la région de lAtlantique Nord. Tout Etat ainsi invité peut devenir partie au Traité en déposant son instrument daccession auprès du gouvernement des Etats-Unis dAmérique. Celui-ci informera chacune des parties du dépôt de chaque instrument daccession.
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1. Le rappel des principales étapes
Le Conseil atlantique, réuni en session ministérielle le 1er décembre 1994, avait décidé dengager un processus dexamen (...) afin de déterminer le processus délargissement de lOTAN . La session ministérielle du 30 mai 1995 a confirmé le calendrier et les principes du processus ainsi que ses implications. LEtude sur lélargissement adoptée en septembre 1995 proposait des directives politico-militaires notamment sur le contrôle démocratique et la résolution pacifique des conflits entre pays limitrophes. Les Etats-Unis ont fait de lélargissement le thème principal, sinon unique, de lavenir de lAlliance atlantique. La plupart des pays ont accepté cette conception.
La République tchèque répondit dès le 14 mars 1996 à lEtude sur lélargissement. Les négociations entre le Secrétariat général et les pays candidats se sont poursuivies durant les années 1996 et 1997.
Le Sommet de Madrid à lété 1997 a engagé véritablement lélargissement en invitant trois pays à entamer les négociations en vue dune signature de lacte dadhésion lors de la session ministérielle de décembre 1997.
2. Le mécanisme juridique
Létape initiale de lélargissement sest ainsi concrétisée par la signature le 16 décembre dernier des protocoles dadhésion au Traité de lAtlantique Nord de la Hongrie, de la Pologne et de la République tchèque. Cette étape a ouvert la voie à un processus de ratification parlementaire.
Comme lindique larticle 3 de chacun des protocoles au Traité de lAtlantique Nord, les parties à ce traité doivent notifier leur approbation au Gouvernement des Etats Unis dAmérique. La réception de chacune de ces approbations permettra aux trois protocoles dentrer en vigueur. Le Secrétaire général de lOrganisation enverra alors aux Gouvernements des pays candidats une invitation à adhérer au Traité de lAtlantique Nord. Les Etats deviendront parties au Traité à la date du dépôt de [leur] instrument daccession auprès du Gouvernement des Etats Unis dAmérique .
Ladhésion prendra juridiquement effet lors du sommet du cinquantième anniversaire de la création de lAlliance atlantique, en avril 1999, à Washington.
Jusquà présent, six parlements des Etats membres ont ratifié les protocoles dadhésion : lAllemagne, le Canada, le Danemark, lEspagne, la Norvège et les Etats Unis. Par ailleurs, les sénats italien et français ont procédé à la ratification et transmis les protocoles à lautre chambre du Parlement. Votre Rapporteur tient à souligner que les parlements hongrois et tchèque ont également procédé à la ratification, mais que les autorités polonaises ont annoncé quelles attendraient la ratification des seize Etats membres avant de se prononcer.
Le Sénat américain a assorti son vote de considérations sur lélargissement et de recommandations au Gouvernement des Etats-Unis. Celles-ci portent essentiellement sur la réduction des budgets militaires consacrés à lélargissement et sur lévolution de la doctrine de lAlliance atlantique.
B. LINTÉGRATION PROGRESSIVE DANS LALLIANCE ATLANTIQUE
1. Lassociation croissante aux instances de décision pendant la période intermédiaire
Deux phases différentes ont été distinguées.
· Pendant la période qui sépare la signature des protocoles dadhésion par les candidats, en décembre 1997, du dépôt des instruments de ratification par les Etats membres, le principe retenu est limplication des trois futurs membres dans les travaux de lAlliance atlantique sans participation au processus de décision et sous réserve de certaines exceptions, en raison, par exemple, de la sensibilité du sujet : cest ainsi que les alliés actuels peuvent demander le huis clos des réunions et que les Etats candidats ne sont pas associés aux structures ad hoc (Conseil permanent OTAN-Russie, etc.).
La présence aux comités techniques militaires a été considérée comme souhaitable afin de préparer et de favoriser linteropérabilité des forces armées. De même, les Etats candidats sont associés à la planification de défense à loccasion des réunions du comité des plans de défense.
· A compter de la ratification générale des instruments dadhésion par les membres actuels, les trois Etats participeront à lensemble des activités de lAlliance et adhéreront aux structures militaires intégrées dans la mesure où ils en ont exprimé lintention.
2. La participation opérationnelle des forces armées
Les trois premiers pays candidats ont dores et déjà participé à des missions collectives des membres de lAlliance atlantique et à des unités multinationales. Les forces hongroises et polonaises ont déployé des soldats en Yougoslavie dans le cadre de lIFOR puis de la SFOR. Elles ont également fourni des policiers au groupe international de police (IPTF).
EXEMPLES DE PARTICIPATION DES PAYS CANDIDATS :
EFFECTIFS PRÉSENTS DANS LEX-YOUGOSLAVIE
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IFOR (96)
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SFOR (97)
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IPTF
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Hongrie
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entre 240 et 390
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281
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36
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Pologne
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540
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416
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42
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Plusieurs projets dunités multinationales associant des pays de lex-Pacte de Varsovie entre eux ou avec des membres de lAlliance ont été lancés en 1997. Le corps germano-danois-polonais devrait comprendre une division par pays et son état-major sera basé à Szczecin. Le bataillon polono-ukrainien a comme objectif de rapprocher lUkraine de lEurope de lOuest. La Hongrie et la Roumanie envisagent la mise sur pied dun bataillon mixte qui favoriserait le règlement des contentieux liés à la minorité hongroise de Transylvanie et permettrait de rapprocher la Roumanie de lAlliance atlantique.
La constitution dunités communes pour le maintien de la paix entre la Pologne, lUkraine et la Lituanie témoigne également de la capacité de ces pays à régler au préalable, par des voies spécifiques, les litiges de frontières et de minorités.
3. Les réformes engagées dans les forces armées
Lintégration de contingents dans les divisions de lIFOR ou de la SFOR, et leur contribution à des unités multinationales ont imposé aux forces des pays candidats de sadapter peu à peu aux standards de lOTAN, notamment en matière de commandement et de communications.
Quatre critères permettent dapprécier lévolution et la situation actuelle des forces armées dans les trois pays candidats.
a) Les budgets de la Défense
Depuis la dissolution du Pacte de Varsovie, la chute continue des moyens consacrés à la défense par les pays candidats sest ralentie. Ils ont dû sengager à mener des efforts de modernisation de leurs forces armées, démontrant ainsi leur volonté dintégration.
Les crédits militaires représentent respectivement de 6 % du budget de lEtat pour la Hongrie à 8 % pour la Pologne, selon lInstitut détudes stratégiques de Londres, leur part dans le PIB est estimée pour 1998 à 3 % pour la Hongrie, 2 % pour la Pologne et 2,3 % pour la République tchèque. La répartition entre crédits de fonctionnement (80 %) et dinvestissement (20 %) est identique dans les trois pays : elle reflète limportance des effectifs militaires et linterruption de la politique dacquisition des matériels. Mais une évolution se manifeste depuis deux ans. Les crédits de fonctionnement régressent légèrement grâce aux économies réalisées par la réduction des effectifs tandis que les dotations en capital progressent pour permettre la modernisation des équipements.
b) La réduction des effectifs
Sur les dix dernières années (1989-1998), dimportantes réductions deffectifs ont eu lieu.
Elles se sont accompagnées de la suppression dun grand nombre dunités et, dans le cas particulier de la Pologne, du redéploiement des forces sur lensemble du territoire.
En Pologne, les effectifs militaires actuels restent légèrement supérieurs aux plafonds fixés par le Traité FCE mais les déflations devraient se poursuivre. Elles concerneront aussi bien les personnels civils que les personnels militaires.
Par contre, les effectifs sont inférieurs aux plafonds fixés par le Traité FCE de 40 % en République tchèque et de 50 % en Hongrie ; ils devraient encore se réduire compte tenu des projets de redimensionnement et de professionnalisation des forces armées.
Le rééquilibrage des pyramides des grades est nécessaire. Il entraîne une véritable hémorragie des meilleurs officiers vers le secteur civil qui est particulièrement sensible en République tchèque.
Lévolution des armées dans ces trois pays a des conséquences importantes sur le moral des personnels et sur lefficacité opérationnelle des troupes. Cest pourquoi, toutes les précautions doivent être prises dans la mise en oeuvre de la réforme des forces.
c) La réorganisation des structures
Deux objectifs soutiennent les efforts de réorganisation des structures de commandement : labandon des modèles du Pacte de Varsovie, le rapprochement avec les normes de lOTAN.
Ces efforts concernent lensemble des échelons de commandement : ministère de la défense, état-major de lensemble des armées, états-majors, unités.
Des plans de modernisation ont été mis en place, par exemple en Pologne pour la période 1998-2012.
Mais les restructurations sont engagées dans des contextes budgétaires défavorables qui retardent le processus de modernisation et affectent le moral des personnels.
d) Le renouvellement et la modernisation des équipements
Les parcs de matériels ont été réduits de plus de la moitié en Pologne, en Hongrie ou en République tchèque ; ils correspondent, dans la plupart des cas, aux plafonds fixés par le traité FCE.
Les matériels les plus anciens ont été éliminés mais la majeure partie des équipements restants ne sont pas interopérables avec ceux des membres de lAlliance atlantique. De plus, lobsolescence des équipements et la difficulté de les maintenir en condition supposent un effort de renouvellement et de modernisation, surtout pour les systèmes de communication, le contrôle et la défense de lespace aérien qui constituent les priorités opérationnelles de lOTAN.
En fait toutes les analyses ne concordent pas sur la valeur opérationnelle de ces équipements. Le secrétariat général de lOTAN considère que la majorité des matériels des nouveaux membres sera obsolète en 2004-2007, ce qui ouvre dimportantes perspectives de ventes darmements. LInstitut international détudes stratégiques de Londres est plus nuancé car il considère que les stocks existants ne sont pas plus anciens ou moins efficaces sur le plan technique que ceux dautres membres de lOTAN. Il convient de ne pas oublier que la Russie a livré ces dernières années des équipements modernes en remboursement de sa dette (MIG 29, véhicules blindés à roues, missiles antichars).
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Pologne
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Hongrie
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République tchèque
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Part du budget de la défense dans le PIB
(source : ISS - Londres)
1989
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6,8 %
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6,3 %
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8 %
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1995
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2,8 %
|
1,4 %
|
2,5 %
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1998
|
2,2 %
|
1,3 %
|
2,3 %
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Effectifs des forces armées
(source : OTAN - Bruxelles)
1989
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350 000
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155 700
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105 000
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1998
|
242 770
|
43 826
|
63 340
|
Budget 1998 (en milliards de francs)
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20,5
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3,7
|
7
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Répartition fonctionnement/équipement en %
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80/20
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82/18
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81/19
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Lélargissement a soulevé un certain nombre dinterrogations mais y ont en grande partie répondu les décisions prises et les instruments de participation mis en oeuvre.
II. LES INTERROGATIONS SUSCITÉES PAR LÉLARGISSEMENT
Depuis louverture des négociations avec les pays candidats, de nombreuses interrogations se sont manifestées sur les conséquences de lélargissement. Les premières questions, dont la pertinence demeure, correspondent à la trilogie longuement débattue : qui ? , quand ? et comment ? .
La Commission de la Défense souhaite ajouter une quatrième question essentielle : pourquoi ? , cest-à-dire dans le cadre de quelle OTAN et avec quels objectifs ? . Elle estime ainsi indispensable dapporter des réponses à quatre thèmes qui ont fait lobjet de débats approfondis :
les différentes étapes de lélargissement ;
les relations entre lOTAN et la Russie, dune part, lUkraine, dautre part ;
le coût de lélargissement ;
la réforme de lOTAN et la définition dun nouveau concept stratégique.
Certaines questions soulevées par lélargissement nont pas encore reçu de réponse satisfaisante et les structures spécifiques de coopération, favorisant le partenariat avec lAlliance atlantique, restent symboliques.
A. LA POURSUITE DE LÉLARGISSEMENT : UNE COHÉRENCE À DÉTERMINER
1. Les divergences entre partenaires : des visions parfois antinomiques
a) Le rythme de lélargissement a toujours fait lobjet de débats
Lors des discussions préparatoires avec lAlliance atlantique, les candidats qui pressentaient quils ne seraient pas retenus pour la première étape ont fait ressortir que le choix de trois pays seulement pourrait créer un déficit de sécurité en Europe et ont exprimé la crainte que le premier élargissement ne soit le dernier et naccroisse leur vulnérabilité. En effet, ils ont le sentiment quils seront plus vulnérables à déventuelles menaces, en raison dune obsolescence croissante de leurs systèmes de défense et dun désintérêt des Etats membres à leur égard. De même, ils ont souligné le risque que les premiers Etats admis ne sopposent à de nouvelles adhésions. Pourtant, les négociations sur lélargissement de lOTAN ont fait obligation aux futurs membres de ne pas sopposer à de nouvelles adhésions et, au contraire, de les favoriser.
Cest pourquoi il a été jugé dautant plus nécessaire de prévoir des mesures daccompagnement pour les pays qui nont pas vocation à adhérer de manière immédiate. Celles-ci permettraient de renforcer leur relation avec lOTAN dans les domaines de la coopération militaire et du dialogue politique.
La prochaine échéance du sommet de lOTAN en avril 1999 sera décisive et il est certain quune négociation difficile aura lieu entre Alliés, tant leurs positions actuelles divergent.
Si linvitation faite à la République tchèque, à la Hongrie et à la Pologne dadhérer à lOTAN a fait lobjet dun large consensus à Madrid, plusieurs alliés, notamment la France, ont souhaité que le premier élargissement comprenne la Roumanie et la Slovénie. Les premiers débats avaient même inclus la Slovaquie, dont ladhésion aurait été dautant plus souhaitable quelle dispose dune frontière commune avec lUkraine.
Plusieurs raisons motivent cette prise de position : il convient déviter de recréer une fracture entre pays européens ; au contraire il est nécessaire dencourager les réformes démocratiques et économiques dans les pays candidats ; il apparaît également souhaitable de rééquilibrer géographiquement le processus délargissement.
En labsence daccord, un compromis a été élaboré. Plusieurs lectures du communiqué de Madrid sont possibles :
au sens strict, au-delà de laffirmation claire du principe général de la porte ouverte à tous les candidats européens, il est simplement prévu que la question de lélargissement sera réexaminée au Sommet de Washington, en avril 1999.
A de nombreuses reprises, le Secrétaire général de lOTAN, M. Javier Solana, a évoqué la politique de la porte ouverte et a précisé que celle-ci constituait la seule politique de lAlliance atlantique ;
la déclaration de Madrid ne cite expressément que la Roumanie et la Slovénie. La France reste favorable à une adhésion dautres candidats et souhaite quune nouvelle série dinvitations à adhérer soit lancée dans un an. Cependant il y a un risque que les pays dEurope centrale et orientale soient en fait différenciés en trois groupes, celui des Etats adhérant immédiatement (Hongrie, Pologne et République tchèque) ; celui des candidats éventuels à moyen terme (Roumanie, Slovénie et pays baltes notamment) ; celui des pays écartés jusquà nouvel ordre.
Si de nombreux gouvernements européens considèrent quil sagit dune première vague ou dun point de départ et que dautres suivront, les déclarations des responsables américains, britanniques ou allemands témoignent dune réticence à prendre des engagements précis.
Les Etats-Unis ne souhaitent pas renouveler dès 1999 une procédure délargissement avec des pays quils ne sentent pas prêts ou dont ladhésion soulèverait encore plus de difficultés dans les relations avec la Russie. Cest pourquoi ils préconisent lélaboration dune stratégie dattente fondée sur la coopération bilatérale. Vis-à-vis de la Roumanie, les Etats-Unis ont ainsi proposé un partenariat stratégique dont les termes restent à définir. De manière parallèle, ils souhaitent approfondir la Charte baltique et relancer linitiative sur la coopération dans le sud-est de lEurope (SECI) , instance multilatérale économique aux activités modestes.
A terme, les pays membres de lUnion européenne, même actuellement neutres comme lAutriche, ont vocation à adhérer à lAlliance, ne serait-ce que parce que les zones de défense collective et de solidarité en matière de sécurité intérieure ne pouvaient être durablement dissociées.
b) Le cas particulier des pays baltes
La stratégie de lOTAN à légard des trois pays baltes se partage entre le souci de répondre à leurs besoins de sécurité et la volonté de ne pas mécontenter la Russie sur une question qui concerne directement la situation de ses frontières.
Le renforcement de la coordination militaire repose sur un engagement fort des pays nordiques et des Etats-Unis avec les pays baltes. Le dialogue de lOTAN passe par des réunions dites 5 + 3 (cinq pays nordiques et trois pays baltes), par la mise en place du groupe dassistance aux Etats baltes BALTSEA et par la Charte baltique signée en 1997 entre les Etats-Unis et les Etats baltes au cours du dialogue dit 3 + 1 (trois pays baltes et les Etats-Unis).
Mais il nexiste pas dinstance de dialogue associant lensemble des Etats de la région, y compris la Russie, afin de promouvoir la stabilité en mer baltique.
A la demande de notre pays, la déclaration de Madrid a dissocié la situation, dune part de la Roumanie et de la Slovénie, dautre part des Etats baltes, la normalisation entre la Russie et lAlliance atlantique apparaissant comme un préalable dans la seconde hypothèse.
Les pays baltes ont, de leur côté, adopté une ligne très pragmatique en inscrivant leur démarche à la fois dans la perspective dadhésion aux institutions et organisations européennes et dans lamélioration de leurs relations avec la Russie.
2. Les instruments de partenariat mis en place
LOTAN sest engagé à intensifier le dialogue avec les partenaires éventuels. Si les réunions organisées au niveau ministériel permettent dinformer les pays candidats sur les moyens daméliorer leurs chances, la coopération et le partenariat sappuient de manière essentielle sur le partenariat pour la paix et le Conseil de partenariat euro-atlantique.
a) La participation accrue au Partenariat pour la paix
Le Partenariat pour la paix (PPP) a été créé dès janvier 1994 dans un quadruple but :
améliorer léchange dinformations en matière de planification et de budget de la défense ;
promouvoir un contrôle démocratique sur les forces armées ;
renforcer leur participation à des missions humanitaires ou de maintien de la paix ;
identifier des objectifs concrets dinteropérabilité (dans le cadre du processus de planification et dexamen associé PARP).
Si le Partenariat pour la paix a été conçu comme un substitut à lélargissement de lOTAN et na jamais satisfait les candidats éventuels, il a été vite compris comme une étape vers lintégration. Aussi, dès la fin de 1995, vingt-sept Etats avaient ratifié laccord et quinze participaient au PARP.
Si des pays candidats considèrent les exercices communs dans le cadre du Partenariat pour la paix comme peu réalistes et de faible niveau, certaines manoeuvres ont constitué des exercices complexes, préludant à une véritable coopération opérationnelle, par exemple dans le cadre de lIFOR puis de la SFOR en ex-Yougoslavie. De plus, le système de planification et dexécution des activités souvre progressivement aux partenaires et on estime que, dici à 1999, des éléments détat-major seront constitués dans les deux commandements stratégiques et dans les cinq commandements régionaux de lOTAN.
Les Etats-Unis ont proposé la création dun Groupe des amis de la Roumanie pour répondre aux préoccupations spécifiques de ce pays. Les objectifs dune telle structure sont encore imprécis et nont pas fait lobjet de réelles discussions.
b) Le Conseil de partenariat euro-atlantique
Lors de la session ministérielle de mai 1997, une nouvelle structure, le Conseil du partenariat euro-atlantique (CPEA), a été créée pour :
fusionner le Conseil de coopération nord-atlantique (COCONA) et le Partenariat pour la paix ;
approfondir le dialogue politique et rendre le Partenariat pour la paix plus opérationnel.
Le champ du Partenariat pour la paix sest ainsi élargi au dialogue politique et à la participation opérationnelle des partenaires.
Le CPEA apparaît ainsi comme une instance consultative de dialogue et un cadre institutionnel, au champ de responsabilité plus large mais aux compétences imprécises. Il est prévu que le CPEA se réunisse en séances plénières, en format limité ou en structure 16 + 1 . Les réunions ont lieu deux fois par an au niveau des ministres et tous les mois à celui des ambassadeurs.
Il est difficile de comprendre lintérêt du CPEA par rapport au COCONA. Au contraire existe, pour ce nouveau forum de quarante-quatre Etats, un double risque de concurrence avec lOSCE et dinadaptation par rapport aux demandes des pays candidats. Les Etat Unis semblent ainsi avoir la tentation de confier au CPEA une capacité décisionnelle, par exemple dans le cadre de la prévention des conflits ou de la formation au maintien de la paix.
B. LE RENFORCEMENT DES RELATIONS ENTRE LOTAN ET LA RUSSIE OU LUKRAINE : DES INITIATIVES À PROLONGER
1. LActe fondateur OTAN-Russie
Bien que le dialogue entre lOTAN et la Russie dépasse le seul cadre de lélargissement, les relations entre lAlliance atlantique et ce pays ont été fortement marquées par le rapprochement progressif avec les pays dEurope centrale et orientale et les implications concrètes de leur participation à lOTAN.
La France a toujours souhaité quil soit répondu aux inquiétudes russes de façon équilibrée, les premières difficultés concernant le risque de conférer un droit de regard ou de veto de la Russie sur le processus délargissement ou de durcir ses positions. En effet, si lOTAN a fait des efforts pour rassurer la Russie et renforcer son partenariat avec ce pays, léchec des initiatives diplomatiques russes en direction des Etats baltes peut renforcer son hostilité récurrente et crisper son attitude, surtout après la signature de la Charte baltique .
· LActe fondateur sur les relations, la coopération et la sécurité mutuelles, signé le 27 mai 1997 à Paris, relance la coopération entre lOTAN et la Russie :
il comporte une déclaration solennelle de lAlliance atlantique et de la Russie qui ne se considèrent plus comme des adversaires ;
il donne des réponses aux préoccupations russes sur la question du stationnement darmes nucléaires, de la présence de forces militaires de lAlliance et dinfrastructures sur le territoire des nouveaux membres ;
il complète les précédents liens de partenariat établis dans le cadre du PPP ou du CPEA en instituant un Conseil permanent conjoint.
· Le dialogue dans le cadre du Conseil permanent conjoint (CPC) vise à aborder lensemble des questions de sécurité dintérêt commun. Il aura lieu au niveau des Chefs dEtat, des ministres des Affaires étrangères et de la Défense, et des ambassadeurs.
Les premières consultations au sein du Conseil permanent conjoint se sont déroulées de façon satisfaisante et ont permis, dune part de restaurer un climat de confiance, dautre part de définir un programme de travail pour 1998. Selon les diplomates, une identité de vue sest manifestée sur le point fondamental du maintien de la paix.
· Toutefois, on peut se demander si ne subsiste pas une certaine ambiguïté à légard de ces structures. Face au risque de laisser croire à la Russie quelle dispose dun droit de veto, lActe fondateur représente une concession de la part des Etats-Unis pour atténuer son hostilité initiale puisquil limite les conséquences militaires de lélargissement, notamment en ce qui concerne lextension à lEst de lappareil militaire de lOTAN et des forces américaines.
La Russie na pas accepté la première vague délargissement qui lui apparaît comme une mesure unilatérale. Les déclarations du Président Boris Eltsine devant la Douma mettent laccent sur le caractère inacceptable aux yeux de la Russie de lexpansion de lAlliance. Le concept russe de sécurité nationale ne fait pas mention dune coopération avec lOTAN. De plus, lors des récents débats de lAssemblée parlementaire de lAlliance atlantique, à Barcelone en mai 1998, la délégation russe a indiqué que la Douma ne ratifierait pas lActe fondateur et quelle considérait seulement ce document comme une décision de lExécutif.
Cest pourquoi il nest pas impossible que la Russie souhaite utiliser le Conseil permanent conjoint comme un moyen de contrôle de lévolution de lOTAN.
Les initiatives de coopération sont intéressantes si elles préparent effectivement de nouvelles adhésions et si tous les partenaires sont associés à la démarche. Or le contenu et la portée exacts des exercices restent incertains et incomplets. Cest pourquoi, il est nécessaire de donner corps à lActe fondateur pour éviter, soit de remettre en cause la capacité de décision des alliés actuels, soit de laisser croire que le Conseil conjoint manque de consistance et constitue une chambre denregistrement des décisions des alliés.
Il serait ainsi souhaitable de prolonger la démarche actuelle et de donner une portée concrète au programme de travail en raison de limportance pour la sécurité européenne des thèmes quil inclut : maîtrise des armements, conversion des industries militaires, participation de la Russie à de futures opérations conjointes et en premier lieu à la force qui succédera à la SFOR en Bosnie-Herzégovine...
2. La Charte de partenariat OTAN-Ukraine
La Charte sur un partenariat spécifique entre lOTAN et lUkraine , signée en juillet 1997 lors du sommet des Chefs dEtat et de Gouvernement de Madrid, a institué une Commission OTAN-Ukraine. Celle-ci est conçue comme un lieu de dialogue politique régulier destiné à développer la compréhension commune des questions de sécurité et à conforter les autorités ukrainiennes dans la voie des réformes politiques, économiques et militaires.
Depuis sa session inaugurale en octobre 1997, la Commission sest réunie régulièrement, dont une fois au niveau ministériel en décembre 1997. Les Ukrainiens souhaitent calquer les activités de la Commission sur le modèle du CPC OTAN-Russie. Les travaux ont comporté deux aspects : échanges sur la situation en Bosnie-Herzégovine, compte tenu notamment de la participation dun contingent ukrainien à la SFOR ; élaboration et mise en oeuvre du programme de travail. Parallèlement des réunions en format 16 + 1 ont été organisées avec les comités techniques concernés ainsi quavec le Comité militaire.
La coopération pratique sest déjà traduite par lorganisation de séminaires sur la sécurité économique et sur la restructuration des industries de défense, le second semestre 1998 devant voir la mise au point dun atelier sur la reconversion du personnel militaire dégagé des cadres. Dans le domaine des plans civils durgence, lOTAN et lUkraine ont, par ailleurs, signé le 16 décembre 1997 un mémorandum sur leur coopération mutuelle. Enfin, dans le cadre du programme individuel de partenariat de lUkraine, a été créé un groupe de travail conjoint sur la réforme de la défense qui devrait axer ses travaux sur le contrôle civil des forces armées, linteropérabilité et la planification des ressources.
C. LE COÛT DE LÉLARGISSEMENT : UNE ÉVALUATION À CONFIRMER
Limpact financier de lélargissement fait lobjet de divergences dappréciation entre Américains et Européens. Les Etats-Unis ont évoqué le partage du fardeau (burden sharing) , estimant que le processus allait entraîner de nouvelles dépenses et que les Européens devraient en supporter la plus grande part. Les Etats européens ont privilégié la recherche déconomies et le redéploiement des crédits dans le cadre des budgets actuels de lAlliance atlantique.
Mais cest au niveau des estimations chiffrées que les analyses se sont révélées les plus contradictoires.
1. Le partage des coûts
Les nouvelles adhésions impliquent une révision du partage des coûts entre les membres de lOTAN.
Les dépenses de lOTAN ont toujours été calculées selon deux méthodes de quotes-parts, lune établissant des quotes-parts égales entre membres à lintérieur de groupes de pays, lautre faisant référence aux capacités contributives de chaque pays. Le partage des coûts a été modifié à plusieurs reprises, notamment en 1955, lorsque la RFA est entrée dans lAlliance, et en 1982. La pondération actuelle qui fait appel à des critères complexes fixe les contributions de chaque pays de manière différente selon quil sagit du budget militaire, du budget civil ou du budget dinvestissement.
Pour le budget militaire, les quotes-parts ont été fixées à 2,48 % pour la Pologne, 0,9 % pour la République tchèque et 0,65 % pour la Hongrie. Cette fixation entraînera une réduction des parts des seize membres mais les comités budgétaires nont pas encore entamé les négociations en ce sens.
A titre dinformation, on peut indiquer que le budget militaire au sens strict a été fixé à 4,123 milliards de francs pour 1998 par le Conseil de lAtlantique Nord. Sur cette base, les contributions respectives des trois nouveaux membres sélèveraient à 102 millions de francs pour la Pologne, 37 millions de francs pour la République tchèque et 27 millions de francs pour la Hongrie.
CONTRIBUTIONS NATIONALES AUX BUDGETS CIVILS ET MILITAIRES INTERNATIONAUX EN 1998
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Budget civil
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Budget militaire
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Allemagne
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15,54 %
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21,03 %
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Belgique
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2,76 %
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3,3 %
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Canada
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5,6 %
|
7,35 %
|
Danemark
|
1,59 %
|
1,95 %
|
Espagne
|
3,50 %
|
0,74 %
|
Etats-Unis
|
23,35 %
|
31,84 %
|
France
|
16,50 %
|
4,58 %
|
Grèce
|
0,38 %
|
0,49 %
|
Islande
|
0,05 %
|
0,04 %
|
Italie
|
5,75 %
|
6,93 %
|
Luxembourg
|
0,08 %
|
0,1 %
|
Norvège
|
1,11 %
|
1,37 %
|
Pays-Bas
|
2,75 %
|
3,41 %
|
Portugal
|
0,63 %
|
0,71 %
|
Royaume Uni
|
18,81 %
|
14,39 %
|
Turquie
|
1,59 %
|
1,77 %
|
Pour atteindre lobjectif dune reconduction stricte des ressources, deux axes prioritaires déconomies ont été retenus :
la réforme de lOTAN, adoptée au mois de décembre dernier, devrait permettre de réduire le budget militaire international qui recouvre essentiellement des dépenses de fonctionnement ;
le budget dinvestissement, fixé à 3,407 milliards de francs pour 1998, a fait lobjet dun réexamen qui a conduit à létalement, voire à la suppression, de certains programmes, au report en fin de période 1999-2003 des nouveaux projets et à des mesures de redéploiement.
2. Les conséquences financières de lélargissement
a) Des estimations divergentes
La principale explication des différences constatées provient des hypothèses retenues sur le niveau des menaces et les obligations à remplir par les membres de lAlliance atlantique.
(1) Les études américaines
· Le Bureau du Budget du Congrès américain (BBC) a publié en mars 1996 la première étude sur lélargissement de lOTAN. Sur la base de cinq options militaires liées à des niveaux différents de menaces et dintervention de lOTAN, cette étude a évalué les coûts de lélargissement entre 61 et 125 milliards de dollars. Limportance des travaux dinfrastructures civilo-militaires à réaliser et le projet de prépositionner dans certains cas des équipements voire des forces militaires explique le niveau très élevé de ces premières estimations.
· Les travaux menés à lautomne 1996 par la Rand Corporation constituent une première réaction à lannonce de ces chiffres élevés. Selon les dispositifs adoptés par les alliés, létude a différencié plusieurs concepts dont les coûts ont été évalués de 10 à 20 milliards de dollars pour les premières dépenses, de 55 à 110 milliards de dollars dans le cas dun déploiement de forces alliées sur le territoire des nouveaux adhérents.
Ces deux estimations ont fait lobjet de nombreuses critiques tant sur les hypothèses retenues que sur les évaluations financières. LAssociation euro-atlantique polonaise a réalisé une troisième étude au début de 1997 qui a mis laccent sur la contribution des futurs membres. Leffort pour la Pologne a été estimé à 1,5 milliard de dollars sur une période de quinze ans, soit 4 % du budget polonais de la défense pour 1995.
· Un rapport du Département américain de la Défense (DoD) sest fondé sur une analyse plus mesurée des menaces en Europe et des capacités actuelles des différents Etats, membres de lAlliance ou candidats. Il chiffre les coûts directs de lélargissement de 9 à 12 milliards de dollars sur une période de treize ans et estime que 40 % de ces coûts seront financés au niveau national et 60 % au niveau commun. Par ailleurs, sur la même période, la restructuration des forces des nouveaux membres coûterait 8 à 13 milliards de dollars, le renforcement des capacités des membres actuels de 8 à 10 milliards de dollars. Ainsi lensemble des charges liées à lélargissement pourrait atteindre entre 27 et 35 milliards de dollars sur douze ans. Mais cette estimation inclut des dépenses qui seraient de toute façon intervenues même en labsence délargissement.
(2) Lestimation de lOTAN
Au dernier trimestre 1997, deux études successives de lOTAN ont estimé les coûts directs de lélargissement entre 1,3 et 1,5 milliard de dollars sur dix ans pour les trois budgets à financement commun (civil, militaire, infrastructures). Cette estimation tient compte, dune part, des réajustements des structures civiles et militaires, dautre part, des aménagements dinfrastructures ou déquipements militaires à mettre en oeuvre chez les futurs membres.
Le tableau suivant fournit des perspectives de dépenses nouvelles sur les dix prochaines années.
Pour le Secrétariat général de lOTAN, les dépenses de fonctionnement augmenteront faiblement car les augmentations deffectifs nécessaires ont déjà été réalisées et le budget civil contient des marges de manoeuvre. Par contre, la construction de nouveaux locaux au siège de lOTAN et la rénovation des installations actuelles nécessitent des dépenses supplémentaires dinvestissement. Il est prévu que les nouveaux membres prendront à leur charge la création des locaux qui accueilleront leurs missions dans lenceinte du quartier général.
(en millions de francs)
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|
Equipement
(Sur la période)
|
Fonctionnement
(Coût annuel)
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Elément I :
Commandement et contrôle
avant ladhésion
après ladhésion
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85
215
|
7
48
|
Elément II :
Système intégré de défense aérienne
ajustements
incorporation dans lACCS
|
147
3 127
|
4
25
|
Elément III :
Installations terrestres, maritimes et aériennes
|
3 149
|
5
|
Elément IV :
Entraînement, exercices, autres besoins
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34
|
20
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Total
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6 757
|
109
|
b) Des différences dapproche
Le niveau exagéré des chiffres avancés par les études américaines sexplique par les hypothèses formulées, en particulier un éventuel déploiement de forces des membres actuels sur le territoire des nouveaux membres (ce que les gouvernements des Etats membres de lAlliance ont exclu) et une remise en état des infrastructures des candidats que ne justifient ni létat actuel de celles-ci ni les besoins liés aux menaces stratégiques. Ces études incluent par ailleurs des dépenses qui auraient dû être effectuées même en labsence délargissement, et seraient donc apparues, soit dans les budgets nationaux des candidats, soit dans les budgets communs de lOTAN.
Les coûts associés à lélargissement relèvent en fait de trois catégories :
les dépenses du budget civil de lOTAN liées à la construction de quartiers généraux pour les nouveaux membres. Elles seront prises en charge par ceux-ci ;
les dépenses induites par lamélioration de linteropérabilité et de léquipement des forces. Elles pourraient être supportées par le fonds dinfrastructure de lOTAN ainsi que par les budgets militaires des nouveaux membres ;
les coûts spécifiques imputés aux membres actuels pour équiper et entraîner leurs forces dans le cadre des engagements souscrits envers les nouveaux membres. Ils sont déjà programmés et figurent dans les budgets nationaux.
Létude du Bureau principal des ressources du Secrétariat général de lOTAN a été approuvée par les Ministres de la Défense au cours de leur réunion du 2 décembre dernier. Les responsables américains ont reconnu récemment quils avaient surestimé les coûts dans leurs premières analyses.
Mais le coût final de ladhésion des trois nouveaux membres sera fonction du degré dinteropérabilité réalisé entre les forces de lOTAN et de la rapidité avec laquelle les objectifs sont atteints.
D. LA RÉFORME DE LOTAN ET LA DÉFINITION DUN NOUVEAU CONCEPT STRATÉGIQUE
Les Etats-Unis, en accord avec la majorité des Etats membres, ont fait de lélargissement de lOTAN un thème prioritaire qui a relégué au second plan les débats relatifs à ladaptation des structures de commandement et des procédures, la mise en oeuvre dune identité européenne de sécurité et de défense (IESD) et la rénovation du concept stratégique.
La France a toujours souhaité :
une démarche dintégration synchronisée à lUnion européenne, à lUEO et à lOTAN sans pour autant établir de liens rigides entre les différents processus ;
une meilleure participation de tous les alliés à lOTAN.
1. La nécessaire révision du concept stratégique
Il est à regretter quaucun débat approfondi nait été consacré à lélargissement de lOTAN ; ce qui aurait conduit à sinterroger sur les raisons dêtre de lAlliance.
Les structures successives de coopération et de dialogue lancées par lOTAN à partir de 1991 (Conseil de coopération nord-atlantique, Partenariat pour la paix, Conseil de partenariat euro-atlantique) ont renforcé le caractère politique de lAlliance atlantique. Par ailleurs, dès le sommet de Rome de novembre 1991, les missions et les moyens de lAlliance ont été adaptés à lévolution du contexte stratégique.
Cest ainsi que :
une nouvelle approche stratégique a été définie, privilégiant les risques dinstabilité et la notion de crises régionales mettant en cause la stabilité en Europe ;
la planification des forces armées a conduit à augmenter les délais dintervention et à réduire les forces prépositionnées. Les forces américaines stationnées en Allemagne ont été réduites des deux tiers. Parallèlement, les pays membres de lAlliance ont diminué, depuis huit ans, leurs effectifs militaires dun quart et leurs dépenses militaires dun cinquième environ.
Le nouveau concept stratégique doit rester centré sur les missions de larticle 5. Mais il devient de plus en plus nécessaire de les compléter par des missions de gestion des crises, mieux adaptées aux nouveaux risques, dites en dehors de larticle 5 . La question de linstance délaboration du mandat de ces missions de gestion de crise est posée : il nest pas envisageable que lOTAN agisse sans mandat, cest-à-dire de sa propre initiative et les nouvelles interventions ne pourront avoir lieu que sous mandat de lONU, voire de lOSCE.
La pratique a dailleurs devancé les textes puisque le déploiement des forces en ex-Yougoslavie, dans le cadre de lIFOR puis de la SFOR, correspond à ce nouveau schéma.
Parallèlement, ce nouveau concept nexclut pas une intervention conduite sous légide de lUEO, dans le cadre de lidentité européenne de défense et de sécurité avec les moyens de lOTAN. En effet, il nest pas concevable pour les Etats européens de financer une nouvelle organisation de défense collective à côté de celle qui existe déjà.
2. Lévolution des structures militaires
Les objectifs de la réforme des structures militaires, décidée au sommet de décembre 1997, visent leur allégement et leur aménagement.
· Le redimensionnement de la structure intégrée sappuie sur la réduction de 65 à 20 du nombre de quartiers généraux de lOTAN. Deux commandements stratégiques sont maintenus, à Norfolk pour le théâtre atlantique, à Mons pour lEurope : ils restent tous deux sous commandement américain. Au commandement Atlantique sont subordonnés trois commandements régionaux (CR) et deux quartiers généraux de forces maritimes. Au commandement Europe sont subordonnés deux commandements régionaux, un CR Nord à Brunssum aux Pays-Bas et un CR Sud à Naples. Du CR Nord relèvent cinq autres commandements, du CR Sud six autres commandements.
· La plus grande innovation conceptuelle réside cependant dans la création des GFIM, groupements de forces interarmées multinationales. Les GFIM seront organisés autour de noyaux (éléments détat-major et moyens de commandement prédésignés) et de modules (troupes et matériels) pour des opérations conjointes dans le cadre de coalitions de forces formées en fonction des circonstances. Les GFIM doivent en particulier permettre aux pays européens de mener des opérations éventuellement sans participation américaine mais en sappuyant sur les moyens collectifs de lOTAN.
*
Lélargissement nest quun des éléments de la sécurité européenne : le Conseil de coopération nord-atlantique (CCNA), le Partenariat pour la paix (PPP), le nouveau Conseil permanent euro-atlantique (CPEA), lActe fondateur OTAN-Russie, la Charte OTAN-Ukraine contribuent également à la préservation de la paix. sur le continent. Ils constituent les étapes préparatoires à la poursuite des processus de rapprochement.
De même lélargissement pourrait être lié à ladhésion des pays dEurope centrale et orientale aux institutions européennes, notamment à lUnion européenne. Lobjectif à terme doit être la constitution dun ensemble cohérent et homogène sur les plans bien évidemment géographique et économique, mais surtout stratégique et de sécurité, incluant également lespace Schengen.
En 1982, la Commission de la Défense ne sétait pas saisie pour avis sur le projet de loi autorisant la ratification du protocole sur laccession de lEspagne. Le fait davoir voulu se prononcer aujourdhui sur laccession des trois nouveaux membres montre tout lintérêt porté à lévolution de lOTAN en vue de la création dune identité européenne de défense et de sécurité.
EXAMEN EN COMMISSION
La Commission de la Défense sest réunie le mercredi 27 mai 1998 pour examiner les projets de loi autorisant la ratification des protocoles au Traité de lAtlantique Nord sur laccession de la République de Hongrie, de la République de Pologne et de la République tchèque, sur le rapport pour avis de M. Arthur Paecht.
Après avoir constaté que lélargissement de lOTAN suscitait de nombreux débats à létranger, M. Arthur Paecht a tout dabord regretté la relative indifférence des médias et de lopinion publique en France à légard de cette question.
Il a relevé que larticle 10 du traité de Washington donnait la possibilité à lAlliance atlantique daccueillir en son sein dautres pays mais que le processus juridique délargissement était complexe, les trois protocoles dadhésion, un par candidat, devant être ratifiés dans les mêmes termes par les seize Etats-membres. Il a rappelé que, depuis sa création, lAlliance sétait élargie à la Grèce et à la Turquie en 1952, à lAllemagne en 1955 et à lEspagne en 1982. A cet égard, il a souligné les inconvénients de la présence simultanée de la Grèce et de la Turquie qui oblige lAlliance à traiter fréquemment des litiges opposant ces deux pays, mais sest interrogé sur ce qui aurait pu advenir sils nétaient pas tous deux membres de lAlliance.
Le rapporteur pour avis a alors indiqué que, pour lensemble des membres de lAlliance, lélargissement avait pour finalité de renforcer la stabilité et la sécurité en Europe. Il a souligné que les pays candidats avaient en vue le renforcement de leur sécurité mais que, parallèlement, lAlliance sétait efforcée de rassurer la Russie pour éviter de lui donner le sentiment quun glacis se constituait à ses frontières. Il a également précisé que les trois pays candidats avaient satisfait aux critères de démocratie, de respect des droits de lHomme et douverture à léconomie de marché qui avaient été fixés pour leur adhésion.
Présentant le processus dassociation politique et militaire des pays candidats, M. Arthur Paecht a indiqué que ceux-ci étaient progressivement intégrés dans les instances de décision de lOTAN. Il a également rappelé que les forces armées de la Pologne et de la Hongrie avaient participé aux missions de lIFOR puis de la SFOR, et avaient fourni des policiers au groupe international de police (IPTF). Il a fait valoir que la création de forces multinationales associant les pays de lex-Pacte de Varsovie entre eux ou avec des membres de lAlliance démontrait leur capacité à contribuer à la stabilité de lEurope et à régler leurs différends par des voies pacifiques.
Le rapporteur pour avis a alors souligné limportance des réformes engagées dans les forces armées des trois pays candidats, qui portent principalement sur lévolution des budgets de défense, la réduction des effectifs des armées, la réorganisation des structures de commandement et le renouvellement des équipements. A cet égard, il a précisé que les stocks de matériels avaient été réduits de moitié dans les trois pays conformément au traité sur les forces conventionnelles en Europe et que lobsolescence dune grande partie de leurs équipements, par exemple dans le domaine des communications et des systèmes de défense aérienne, nécessitait leur modernisation, notamment dans un souci dinteropérabilité avec les matériels en service dans lOTAN.
Abordant les questions soulevées par lélargissement de lOTAN et pour lesquelles aucune réponse satisfaisante navait encore été apportée, M. Arthur Paecht a insisté sur la nécessité de redéfinir le rôle et les missions de cette organisation. Il a indiqué que les Etats-Unis préconisaient actuellement détendre largement les missions de lOTAN en dehors des cas prévus à larticle 5 du Traité de Washington et envisageaient de transposer sur des théâtres éloignés lexpérience des interventions de rétablissement et de maintien de la paix menées en ex-Yougoslavie. Il a jugé que cette conception mondialiste, qui rendait lAlliance atlantique plus politique que militaire, posait la question du rôle de lOSCE ou de lONU, dès lors que lon considérait, comme la France, que lOTAN ne devait pas intervenir sans un mandat de ces organisations. Soulevant la question de la cohérence entre la construction de lUnion européenne et lélargissement de lAlliance atlantique, M. Arthur Paecht a indiqué que les membres européens de lOTAN, tout en restant favorables au maintien du lien transatlantique, tendaient à privilégier la construction dune identité européenne de sécurité et de défense pouvant utiliser les moyens de lOTAN. Il a fait remarquer que le rythme de lélargissement faisait également lobjet de débats, rappelant quun consensus sétait établi lors du sommet de Madrid pour ladhésion rapide, dans une première étape, de la Hongrie, de la Pologne et de la République tchèque, alors que douze pays sétaient portés candidats et que la France avait souhaité linclusion de la Roumanie et de la Slovénie parmi les premiers pays invités à participer à lAlliance.
Après avoir estimé que les nouveaux contours de lOTAN étaient militairement peu cohérents en raison des discontinuités territoriales quils faisaient apparaître, le rapporteur pour avis a considéré quà terme, les pays membres de lUnion européenne, même actuellement neutres comme lAutriche, avaient vocation à adhérer à lAlliance, ne serait-ce que parce que les zones de défense collective et de solidarité en matière de sécurité intérieure ne pouvaient être durablement dissociées.
Il a relevé que les Etats-Unis ne souhaitaient pas renouveler dès 1999 la procédure délargissement pour permettre ladhésion de pays dont ils considèrent quils ne sont pas prêts et a déclaré partager une certaine réserve sur une seconde vague dadhésions tant que le nouveau concept stratégique naura pas été précisé. Il a cité, à ce propos, les exemples de lActe fondateur, signé entre lOTAN et la Russie en mai 1997, ou de la Charte sur un partenariat spécifique entre lOTAN et lUkraine, signée en juillet 1997, qui renforcent la démarche de coopération avec ces pays et permettent de concevoir une étape intermédiaire de partenariat renforcé avec des pays non membres.
Abordant la question du coût de lélargissement, M. Arthur Paecht a fait observer que les premières études américaines lavaient évalué à un montant situé entre 60 et 120 milliards de dollars mais que ces évaluations avaient été, par la suite, revues à la baisse, notamment par le secrétariat général de lOTAN. Il a souligné, à ce propos, quil ne fallait pas inclure dans le coût de lélargissement les dépenses civiles, militaires ou dinfrastructures qui auraient, de toute façon, été effectuées par les Etats membres ou les candidats, même en labsence dadhésion nouvelle.
Il a regretté quen traitant de manière prioritaire la question de lélargissement, les Etats-Unis, en accord avec la majorité des Etats membres, aient relégué au second plan les débats relatifs au concept stratégique, à linstitution dune identité européenne de sécurité et de défense, ou à ladaptation des structures de commandement et des procédures. Soulignant que les réflexions stratégiques privilégiaient les risques dinstabilité et de crises régionales mettant en cause la stabilité en Europe, il a, par ailleurs, constaté que la planification des forces armées avait conduit à augmenter les délais dintervention et à réduire les forces prépositionnées, les forces américaines stationnées en Allemagne ayant, par exemple, été réduites des deux tiers.
Souhaitant que le nouveau concept stratégique reste centré sur les missions de larticle 5, il a estimé que lOTAN devait également assumer des tâches de gestion des crises, dites non article 5 , pour faire face aux nouveaux risques. Il a toutefois souligné que la question de linstance délaboration du mandat de ces missions de gestion de crise restait posée et quil paraissait peu envisageable que lOTAN puisse agir sans mandat de lONU ou de lOSCE. Il a observé quà cet égard, la pratique avait devancé les textes puisque le déploiement des forces en ex-Yougoslavie, dans le cadre de lIFOR puis de la SFOR, correspondait à ce nouveau schéma dintervention de lOTAN en dehors des cas prévus par larticle 5. Il a, par ailleurs, estimé que le nouveau concept stratégique ne devait pas exclure une intervention dans le cadre de lidentité européenne de défense et de sécurité, conduite sous légide de lUEO, avec les moyens de lOTAN, remarquant à ce propos quil ne pouvait être question pour les Etats européens de financer une OTAN bis à côté de celle qui existait déjà.
En conclusion, le rapporteur pour avis a souligné que lélargissement nétait quun des éléments de la sécurité européenne puisque le Partenariat pour la paix, le nouveau Conseil permanent euro-atlantique, lActe fondateur OTAN-Russie et la Charte OTAN-Ukraine contribuaient également à la préservation de la paix sur le continent et constituaient des étapes préparatoires à des rapprochements ultérieurs. Il a fait valoir que lélargissement devait être lié à ladhésion à lUnion européenne, lobjectif à terme étant la constitution dun pilier européen de lAlliance cohérent et homogène.
Après avoir indiqué quen 1982, la Commission de la Défense ne sétait pas saisie pour avis du projet de loi autorisant la ratification du protocole sur laccession de lEspagne, il a souligné quen décidant de se prononcer sur ladhésion de la Hongrie, de la Pologne et de la République tchèque, elle marquait lintérêt que présente lévolution actuelle de lOTAN pour la sécurité de la France.
Il a enfin proposé à la Commission démettre un avis favorable aux trois projets de loi, regrettant toutefois que la Pologne ait, au contraire des deux autres pays candidats, décidé de ne ratifier le protocole dadhésion la concernant quaprès tous les membres de lAlliance.
Faisant écho aux propos de M. Arthur Paecht, le Président Paul Quilès a regretté labsence de débat de fond, tant au Parlement que dans lopinion publique, sur un sujet qui revêtait pourtant une grande importance pour lEurope. Il a déploré que la question de lélargissement ait été abordée avant la réflexion sur le concept stratégique, dont il a fait observer quelle ne manquerait pas de faire apparaître des problèmes de fond non négligeables, comme lindiquent certaines déclarations de responsables américains. A cet égard, il a fait état des propos tenus, le 18 avril dernier, par lambassadeur des Etats-Unis auprès de lOTAN, estimant quils laissaient présager une évolution de cette organisation qui conduirait à en modifier profondément la nature. Il a précisé que lambassadeur américain y envisageait la possibilité dune intervention militaire de lOTAN sans accord préalable de lONU, soit quun consensus se soit dégagé parmi les Etats membres, soit quun pays-tiers en ait fait la demande directement. Il a également indiqué que, dans le même discours, lambassadeur avait expliqué que, si lOTAN avait disposé dune force de projection multinationale rattachée à son commandement Sud, cette force aurait pu contribuer au règlement de crises africaines comme celle du Rwanda.
Après avoir jugé cette prise de position préoccupante, le Président Paul Quilès a observé quen participant à des évolutions marquées, non seulement par lélargissement mais aussi par lélaboration dun nouveau concept stratégique, la France sétait engagée dans un processus quelle ne maîtrisait pas et souligné quil était nécessaire quun débat approfondi, au niveau national, ait lieu sur ce sujet.
M. René Galy-Dejean a estimé que, sagissant de lévolution de lAlliance atlantique, la difficulté tenait à la méthode divergente suivie par la France et les Etats-Unis, lesprit cartésien des Français les amenant à faire de la définition du concept stratégique un préalable à toute avancée ultérieure tandis que les Etats-Unis, dans une démarche toute pragmatique, montraient le mouvement en marchant, jusquà faire du concept stratégique un état de fait.
Sur ce point, M. René Galy-Dejean a cité la question de lélargissement qui conduira à créer, de facto, détape en étape, une sorte de glacis encerclant la Russie, lOTAN ayant pris pied dans tous les pays dEurope centrale.
M. René Galy-Dejean est ensuite revenu sur lattitude de la Pologne, soulignant quelle sexpliquait par la situation géographique de ce pays et son expérience historique : sil existe un consensus des Occidentaux sur lélargissement, la Pologne estimera quelle ne peut que renforcer sa sécurité en entrant dans lOTAN ; mais si, daventure, le traité délargissement nétait pas ratifié par tous, la Pologne ne souhaiterait pas se trouver dans une situation qui gênerait la Russie sans pour autant accroître sa sécurité à lOuest.
M. René Galy-Dejean a, par ailleurs, estimé que lélargissement, lorsquil sera arrivé à son terme, aura permis aux Etats-Unis datteindre un de leurs objectifs, qui est de sécuriser les territoires situés à louest de la Russie afin de compenser lincertitude qui pèse sur les conditions de sécurité de leur façade pacifique. Il a également jugé que, sous couvert de construction de la sécurité européenne et dinteropérabilité, lélargissement répondait aux intérêts économiques des Etats-Unis, les pays de lEst de lEurope représentant, du fait du délabrement de leur équipement militaire, un marché potentiel intéressant pour les industries de défense américaines. Il a conclu en soulignant la nécessité, pour la France, dêtre vigilante, la ratification des traités dadhésion, à laquelle il sest déclaré favorable, nexcluant pas la clairvoyance.
Revenant sur la question du coût financier de lélargissement, il a indiqué quexistait à cet égard une étude très intéressante, élaborée par le Commissariat général au plan, qui en évaluait lampleur tant pour les nouveaux membres que pour la France.
Enfin, il a souhaité connaître la position de la France sur une éventuelle demande dadhésion de lAutriche, eu égard à son statut de neutralité actuel.
M. Arthur Paecht a estimé que les propos du Président Paul Quilès renforçaient sa propre analyse concernant certaines visions de lévolution de lOTAN vers un statut dorganisation dotée dun pouvoir dintervention à léchelle mondiale, sans mandat préalable de lONU.
Sagissant de lopposition supposée entre le cartésianisme français et le pragmatisme américain, M. Arthur Paecht a fait observer que les Etats-Unis se montraient sans doute plus cartésiens quon ne ladmettait généralement, dans la mesure où leur action apparaissait strictement conforme à leurs objectifs.
Evoquant la question des intérêts économiques en cause dans lélargissement, il a jugé quil ne pouvait être reproché aux Etats-Unis de vouloir être la première puissance mondiale mais quen revanche, les Européens se devaient de réagir rapidement, sous peine dune disparition de lindustrie européenne et que cest à elle-même que la France devait sen prendre pour son incapacité à dépasser les débats internes sur les restructurations.
Quant à la constitution dun glacis sur les frontières occidentales de la Russie, il a rappelé que celle-ci, qui navait pas renoncé à son rôle de puissance internationale, en ressentait en effet la crainte. Dans le cas de la Pologne, il a estimé que si le raisonnement proposé par M. René Galy-Dejean correspondait effectivement à lanalyse des dirigeants polonais, on pouvait se demander pourquoi, dans ces conditions, elle avait demandé à faire partie de la première vague délargissement.
M. Arthur Paecht est revenu ensuite sur la question du coût financier de lélargissement, rappelant que la répartition des contributions pour les futurs membres avait été faite selon une méthode proportionnelle -2,48 % pour la Pologne, 0,9 % pour la République tchèque et 0,65 % pour la Hongrie- sans que la base de calcul choisie soit claire. Il a fait observer que les coûts navaient pas été décomposés et quil nexistait pas danalyse spécifique des charges nouvelles liées à lélargissement. Sagissant plus particulièrement de lévaluation menée par le Commissariat général au plan quavait mentionnée M. René Galy-Dejean, il a indiqué quelle concluait à une estimation inférieure aux chiffres avancés aux Etats-Unis.
Le Président Paul Quilès a alors souligné, à ce propos, la multiplicité et le caractère évolutif des estimations en ce domaine, les plus récentes apparaissant sensiblement minorées par rapport aux précédentes.
M. Arthur Paecht a fait valoir que les discussions sur le coût de lélargissement ne devaient pas occulter le fait que la constitution dune alliance efficace avait un prix.
M. Arthur Paecht a ensuite abordé la question de la neutralité de lAutriche. Il a rappelé quen assurant sa neutralité, le traité dEtat de 1955 avait permis à ce pays de recouvrer pleinement son indépendance, de mettre un terme à loccupation soviétique dune partie de son territoire, et de consacrer des ressources budgétaires plus importantes à sa modernisation économique. Il a fait observer quaujourdhui, toutefois, alors que le traité dEtat paraissait caduc, lAutriche souhaitait suivre sa propre voie et, même, affirmer son identité propre, ce qui lavait conduite à adhérer à lUnion européenne et lamènerait sans doute, dans le contexte géopolitique nouveau de lEurope centrale, à réexaminer sa neutralité pour sorienter vers ladhésion à lOTAN.
M. Arthur Paecht a, par ailleurs, estimé quau regard de sa position géographique et de la longueur de ses frontières, lAutriche se devait de prendre une décision sur ce sujet dans un avenir proche.
La Commission a alors donné un avis favorable aux projets de loi autorisant la ratification des protocoles au Traité de lAtlantique Nord sur laccession de la République de Hongrie, de la République de Pologne et de la République tchèque.
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N° 942. Avis de M. Arthur Paecht (au nom de la commission de la défense), sur les projets de loi autorisant la ratification des protocoles au Traité de lAtlantique Nord sur laccession de la République de Pologne (n° 912), de la République de Hongrie (n° 913) et de la République Tchèque (n° 922).
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