Accueil > Archives de la XIème législature |
SOMMAIRE Pages Document mis en distribution le 10 juin 1998 ![]() N° 972 ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 ONZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 juin 1998. RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LE PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE (n° 937) relatif à la Nouvelle-Calédonie, PAR MME CATHERINE TASCA, Députée. (1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page. D.O.M.T.O.M. La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : Mme Catherine Tasca, présidente ; MM. Jean-Louis Borloo, Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gerin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; M. Pierre Albertini, Mme Nicole Ameline, MM. Léo Andy, Léon Bertrand, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Dominique Bussereau, Christophe Caresche, Patrice Carvalho, Mme Nicole Catala, MM. Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, Jean Codognès, François Colcombet, Michel Crépeau, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Bernard Derosier, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Julien Dray, Renaud Dutreil, Mme Nicole Feidt, MM. Jacques Floch, Raymond Forni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Guy Hascoët, Philippe Houillon, Michel Hunault, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Limouzy, Thierry Mariani, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Henri Nallet, Mme Véronique Neiertz, MM. Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Henri Plagnol, Didier Quentin, Bernard Roman, Gilbert Roseau, José Rossi, Frantz Taittinger, André Thien Ah Koon, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann. INTRODUCTION 5 I. LA LONGUE INCAPACITÉ À SAISIR PAR LE DROIT LA SOCIÉTÉ NÉO-CALÉDONIENNE 6 A. LA SOCIÉTÉ POLITIQUE NÉO-CALÉDONIENNE 6 1. Le fait colonial 6 2. Les aspirations kanakes 9 3. Une société pluri-communautaire 11 B. LES IMPASSES STATUTAIRES 1946-1988 14 1. Avant 1946, la Nouvelle-Calédonie est administrée par un Gouverneur 14 2. 1946, la Nouvelle-Calédonie accède au statut de territoire doutre-mer 14 3. La loi-cadre du 23 juin 1956 donne au territoire une certaine autonomie 15 4. La loi statutaire du 21 décembre 1963 et les lois du 3 janvier 1969 rétablissent la tutelle de lEtat 16 5. Le statut du 28 décembre 1976 assouplit, sans la supprimer, la tutelle de lEtat 17 6. La loi du 4 mai 1984 confère au territoire une réelle autonomie 17 7. La loi du 23 août 1985 institue un statut transitoire pour répondre à une situation de crise 20 8. La loi du 17 juillet 1986, le référendum dautodétermination du 13 septembre 1987 et la loi du 22 janvier 1988 ne permettent pas déviter le retour à la violence 21 II. LES ACCORDS DE MATIGNON : UNE NOUVELLE CHANCE POUR LE TERRITOIRE 23 A. VERS LES ACCORDS 23 1. Le paroxysme de la violence 23 2. La négociation des accords 24 B. LE CONTENU DES ACCORDS 25 C. LE BILAN DES ACCORDS 28 1. Léquilibre des pouvoirs 29 2. Lamélioration de la vie dans lîle 32 3. Le développement économique 34 III. LACCORD DE NOUMÉA POUR UNE ÉVOLUTION INSTITUTIONNELLE ORIGINALE 36 A. LA VOLONTÉ DÉVITER UN RÉFÉRENDUM-COUPERET 36 B. LACCORD DE NOUMÉA PREND EN COMPTE LA SPÉCIFICITÉ DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE 39 1. Le préambule 39 2. Le document dorientation 41 C. LA RÉACTION DES ACTEURS LOCAUX : COMPTE-RENDU DES ENTRETIENS DE LA DÉLÉGATION DE LA COMMISSION EN NOUVELLE-CALÉDONIE 49 IV. LE PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE 64 A. LA NÉCESSITÉ DE RÉVISER LA CONSTITUTION 64 1. Créer une entité juridique originale 64 2. Autoriser le législateur à déroger à certains principes constitutionnels 65 3. Permettre lorganisation dun référendum local en 1998 67 B. LA PRÉSENTATION DU PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE PAR LE MINISTRE À LA COMMISSION 68 C. LA DISCUSSION GÉNÉRALE EN COMMISSION 76 D. LEXAMEN DU DISPOSITIF DU PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE PAR LA COMMISSION 80 1. Une forme inédite 80 2. Le contenu du projet 81 TABLEAU COMPARATIF 89 AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 93 ANNEXE 1 : Accord sur la Nouvelle-Calédonie signé à Nouméa le 5 mai 1998 95 ANNEXE 2 : Evolution des statuts et des institutions du territoire de la Nouvelle-Calédonie 107 MESDAMES, MESSIEURS, LA CONSTITUTION EST LE LIEU SYMBOLIQUE OÙ DROIT ET POLITIQUE SE RENCONTRENT. LE PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE RELATIF À LA NOUVELLE-CALÉDONIE, DONT LASSEMBLÉE EST AUJOURDHUI SAISIE, ILLUSTRE AVEC ÉCLAT CETTE RENCONTRE, QUI NEST JAMAIS SIMPLE À ORGANISER. EN EFFET, DIX ANS APRÈS LA SIGNATURE DE LACCORD DE MATIGNON, QUI A MARQUÉ LA FIN DUNE SITUATION DE QUASI-GUERRE CIVILE DANS LE TERRITOIRE, IL NOUS APPARTIENT DE STATUER SUR LACCORD DE NOUMÉA, SIGNÉ PAR LES PRINCIPAUX ACTEURS DE LA VIE POLITIQUE CALÉDONIENNE LE 5 MAI DERNIER. PAR LE VOTE DE CE PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE, IL NOUS EST DEMANDÉ, DUNE CERTAINE MANIÈRE, DE RATIFIER CES ACCORDS ET DEXPRIMER LAPPROBATION PAR LA REPRÉSENTATION NATIONALE DE CE NOUVEAU PAS ACCOMPLI DE CONCERT PAR LES CALÉDONIENS. CET ASSENTIMENT SEXPRIMERA AVEC UNE SOLENNITÉ TOUTE PARTICULIÈRE, PUISQUE CEST DANS NOTRE LOI FONDAMENTALE QUIL VA TROUVER SA PLACE. MAIS, AU-DELÀ, IL NOUS EST ÉGALEMENT DEMANDÉ DE FAIRE EN SORTE QUE CET ACCORD PUISSE VIVRE. PARCE QUIL PREND EN COMPTE DE MANIÈRE RÉALISTE LES STRUCTURES ET LES RESSORTS DUNE SOCIÉTÉ TOUTE PARTICULIÈRE, LE TEXTE DE NOUMÉA INTRODUIT DANS NOTRE DROIT DES ÉLÉMENTS NOUVEAUX, QUI TRANCHENT PARFOIS NETTEMENT AVEC CERTAINS DE NOS PRINCIPES JURIDIQUES. LA PAIX CIVILE EXIGE SOUVENT UN CERTAIN PRAGMATISME. SEULE LA CONSTITUTION PEUT AUTORISER CES DÉROGATIONS AU DROIT COMMUN. DE PLUS, LACCORD DE NOUMÉA FAIT DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE UNE COLLECTIVITÉ À PART DANS LA RÉPUBLIQUE. LE TRANSFERT PROGRESSIF ET IRRÉVERSIBLE AU TERRITOIRE DE PRÉROGATIVES EN PRINCIPE DÉTENUES PAR LETAT, FERA DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE UNE ENTITÉ JURIDIQUE DISTINCTE DES TERRITOIRES DOUTRE-MER, TELS QUILS SONT DÉFINIS À LARTICLE 74 DE LA CONSTITUTION. IL SAGIT DONC, PAR LADOPTION DE CE PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE, DAUTORISER LE LÉGISLATEUR À METTRE EN UVRE LES ORIENTATIONS DÉFINIES À NOUMÉA. AINSI, UNE FOIS LA CONSTITUTION RÉVISÉE, UNE LOI ORGANIQUE DEVRA ÊTRE ADOPTÉE PAR LE PARLEMENT POUR ORGANISER LE TERRITOIRE PENDANT LA PÉRIODE AU TERME DE LAQUELLE IL AURA À CHOISIR EN FAVEUR DE LINDÉPENDANCE OU DU MAINTIEN DANS LA RÉPUBLIQUE. LACCORD DE NOUMÉA A ÉTÉ SALUÉ PAR LA QUASI-UNANIMITÉ DES FORCES POLITIQUES CALÉDONIENNES ET MÉTROPOLITAINES. LA COMMISSION DES LOIS A PU JUGER, LORS DE LA MISSION QUELLE A EFFECTUÉE RÉCEMMENT DANS LE TERRITOIRE, QUE LE CLIMAT POLITIQUE DANS CETTE ÎLE ÉTAIT AUJOURDHUI MARQUÉ AU SCEAU DE LAPAISEMENT ET DE LESPRIT DE CONCORDE. IL SAGIT DE CONFORTER CETTE ÉVOLUTION NOUVELLE QUI, IL Y A QUELQUES ANNÉES ENCORE, SERAIT APPARUE COMME LA CHIMÈRE DUN DOUX RÊVEUR. POURTANT, LA RÉALITÉ EST LÀ. LA NOUVELLE-CALÉDONIE SE DÉVELOPPE, LA PAIX CIVILE Y RÈGNE ET LAVENIR PEUT Y ÊTRE ENVISAGÉ AVEC CONFIANCE. I. LA LONGUE INCAPACITÉ À SAISIR PAR LE DROIT LA SOCIÉTÉ NÉO-CALÉDONIENNE A. LA SOCIÉTÉ POLITIQUE NÉO-CALÉDONIENNE La société politique néo-calédonienne est, en première instance, marquée par une réalité historique quil ne faut pas craindre daborder avec lucidité : le fait colonial. Face à cette réalité, forgée à partir des années 1850, sest construit dans la seconde moitié du XXème siècle un mouvement qui a conduit les populations autochtones de ce territoire à revendiquer la maîtrise de leur propre destin politique. Société multicommunautaire, aux ressorts et aux enjeux complexes, la Nouvelle-Calédonie ne peut être observée avec un regard simplificateur et univoque. Comprendre cette société politique si particulière nous impose à tous quelques changements de perspectives dont avouons-le nous ne sommes pas toujours coutumiers. A lorigine, la Nouvelle-Calédonie a connu le sort commun des îles du Pacifique découvertes par les navigateurs portugais, espagnols, français ou britanniques du XVIème au XVIIIème siècle. Cest James Cook qui, le 4 septembre 1774, aborde pour la première fois cette île du Pacifique Sud de belle dimension environ 400 km sur 40 km entourée elle-même de toute une série darchipels et dîlots comme lIle des Pins, les Belep ou les Iles Loyauté. Quelques années plus tard, en 1788, le navigateur français La Pérouse approche la Grande Terre, peu de temps avant de disparaître corps et biens au large de Vanikoro. Pendant toute la première partie du XIXème siècle, la Nouvelle-Calédonie, qui doit son nom à James Cook, dorigine écossaise, ne fut pas lobjet dun intérêt particulier de la part des grandes puissances occidentales. Seuls quelques navigateurs, découvreurs, aventuriers ou scientifiques sapprochèrent de cette terre protégée par des eaux que lon disait dangereuses. Ainsi, cest seulement en 1825 quest entrepris par Dumont dUrville un relevé des côtes de Nouvelle-Calédonie et il faut attendre le 24 septembre 1853 pour que le contre-amiral Febvrier-Despointes prenne possession de lîle au nom de la France. Cest alors que débuta lhistoire politique proprement dite de la Nouvelle-Calédonie, qui fut essentiellement une histoire de domination pendant près un siècle. En 1854, est fondée Port-de-France, qui deviendra en 1866 Nouméa. Malgré les incitations des autorités administratives locales, la situation géographique de lîle, aux antipodes de la métropole, et la dureté des conditions de vie firent que peu de colons sy installèrent. Les rares Français qui décidèrent alors librement de vivre en Nouvelle-Calédonie se regroupèrent autour de Nouméa sur la côte ouest, au sud de la Grande Terre, là où, aujourdhui encore, les populations dorigine européenne sont plutôt concentrées. Le territoire se peupla néanmoins à partir des années 1860, et surtout 1870, mais pour une raison tout à fait particulière. La loi de 1854 relative à la transportation prévoyait lexécution des peines de travaux forcés dans les établissements coloniaux. La Nouvelle-Calédonie constituait un lieu idéal pour appliquer cette législation dans toute sa rigueur. Vaste, peu peuplée, à lautre bout du monde, elle fut alors perçue par les autorités politiques et administratives avant tout comme une prison sûre, sans que lon se soucie nullement, conformément à lesprit de lépoque, des populations indigènes. Le premier convoi de deux cent cinquante bagnards accosta à Port-de-France en mai 1864. Les forçats furent employés aux grands travaux daménagement de lîle, comme la construction des routes, lassèchement des marécages, lédification des bâtiments au premier rang desquels... les établissements pénitentiaires destinés à les accueillir. Mais le premier gouverneur de lîle, Guillain (1862 1870), eut pour projet daider également ces réprouvés à se réhabiliter. Ses successeurs mirent en uvre ce dessein en octroyant aux bagnards les plus méritants des concessions. Le peuplement de la côte ouest de la Grande Terre fut ainsi assuré par les premiers détenus de droit commun auxquels on concéda des terres en leur interdisant, à lissue de leur peine, tout retour en France. Après la Commune, la Nouvelle-Calédonie accueillit plus de quatre mille prisonniers politiques déportés, parmi lesquels la militante socialiste Louise Michel et le polémiste Henri Rochefort. Mais ceux de ces résidents forcés qui survécurent, ne demeurèrent pas sur le territoire et regagnèrent, pour la plupart, la métropole après les lois damnistie de 1879 et 1880. A la fin du XIXème siècle, la Nouvelle-Calédonie comptait vingt mille habitants dorigine européenne, plus de la moitié dentre eux étant des forçats. Ladministration pénitentiaire est alors devenue la principale puissance foncière, politique et financière du territoire. En Nouvelle-Calédonie, lEtat français se présentait donc sous son visage le plus dur et le plus répressif, celui de la prison. La société politique calédonienne, dans ce que lon pourrait appeler sa préhistoire, revêtait ainsi une dimension réelle et symbolique avant tout violente. Mais les populations qui subirent lessentiel de cette violence ne furent pas celles issues de métropole, car la Nouvelle-Calédonie abordée par Cook ou La Pérouse nétait pas une terre déserte. Elle était évidemment peuplée dhommes et de femmes, dont les droits et souvent lexistence même, furent niés par le colonisateur comme ce fut le cas dans la plupart des autres îles océaniennes. Lorsque les premiers Européens accostèrent sur la Grande Terre et les îles environnantes, celles-ci étaient habitées par des populations kanakes, dont la présence en Nouvelle-Calédonie remontait à près de quatre mille ans. Ces communautés mélanésiennes venues dAsie du Sud-Est lors des grandes migrations transocéaniques des navigateurs austronésiens, présentaient des cultures diversifiées, aux langues et dialectes nombreux, mais toutes articulées autour dune coutume élaborée et dun attachement particulier à la terre, fondement de toute lorganisation sociale. Pour ces premiers habitants, lappropriation de la terre était avant tout collective et renvoyait à un lien au sol dordre historique. Pour reprendre le terme forgé par lanthropologue Louis Dumont, la société kanake était, et elle lest aujourdhui encore, avant tout de nature holiste , ce qui signifie que la totalité prime sur les individus qui la composent. La solidarité communautaire est une valeur essentielle. En tout point, la culture et lorganisation sociale kanakes sopposaient à la logique occidentale des colonisateurs. Celle-ci repose sur un processus de différenciation des individus dans leur fonction au sein du groupe. La mobilité sociale des acteurs y est fortement encouragée. A linverse, la culture traditionnelle kanake se fonde sur des rôles politiques, religieux, économiques, qui sont solidement fixés et voués à limmuable pour assurer au groupe sa stabilité. La confrontation de ces deux univers antinomiques va se dérouler dans des circonstances dramatiques à la fin du XIXème siècle, la communauté mélanésienne se trouvant totalement démunie face à la puissance matérielle coloniale. La société indigène fut, en effet, simplement niée. Limpossibilité pour les Européens de lépoque de concevoir la cxistence de modèles sociaux aussi distincts, la croyance inébranlable dans les vertus du progrès et la volonté dapporter, y compris par la force, les lumières de la civilisation occidentale aux premiers habitants de ces territoires, conduisirent à un résultat catastrophique pour les communautés kanakes. Elles virent leurs terres ancestrales confisquées. Spoliées de la sorte, les populations mélanésiennes se révoltèrent, comme en 1878 sous limpulsion du chef Ataï. Mais ces révoltes naboutirent quà de nouvelles dépossessions. Le code de lindigénat, qui sapplique aux populations autochtones de Nouvelle-Calédonie en 1887, renforça le caractère violent des rapports entre la puissance coloniale et les Kanaks. Le travail obligatoire, les impôts de capitation sur les réserves indigènes et un ensemble dautres mesures répressives vont perdurer jusquen 1946, vouant la société calédonienne à une logique inextricable fondée sur une relation de dominant à dominé. Cette logique fut telle que, sans les efforts du pasteur-ethnologue Maurice Leenhardt, la société kanake aurait pu, au début du siècle, purement et simplement disparaître. Il a fallu attendre après la Seconde guerre mondiale pour voir poindre un mouvement contestant le fondement inégalitaire de la société calédonienne, alors que les puissances européennes se désengageaient peu à peu des territoires quelles avaient colonisés au siècle précédent. Pourtant, si la logique coloniale, par sa rigueur et son caractère parfois totalement inhumain, nous apparaît inacceptable, elle ne doit pas nous conduire à nier lapport des populations européennes dans ce territoire. Le développement économique, la mise en valeur des ressources agricoles ou minières de lîle doit énormément à ces hommes et ces femmes, qui ont fait de ce territoire leur nouvelle patrie. En 1946, la Nouvelle-Calédonie accède au statut de territoire doutre-mer. Cest à partir de cette date que, dans le territoire, émerge une vie politique à part entière avec des partis en concurrence lors des élections locales et nationales. Laccession à la qualité de T.O.M. coïncide avec la suppression du code de lindigénat. Les Mélanésiens deviennent donc des citoyens français et acquièrent le droit de vote progressivement entre 1945 et 1957. En 1946, est créée une première organisation politique locale : le Parti communiste calédonien. Puis rapidement suivent deux formations. Lune, dobédience catholique, est lUnion des indigènes calédoniens amis de la liberté dans lordre (U.I.C.A.L.O.). Lautre est dinspiration protestante : lAssociation des indigènes calédoniens et loyaltiens français (A.I.C.L.F.). Au début des années cinquante, ces deux groupements vont fusionner et aboutir à la constitution de lUnion calédonienne (U.C.) dont le programme vise à promouvoir la population kanake et la justice sociale autour dun slogan Deux couleurs, un seul peuple . Dominant en Nouvelle-Calédonie au milieu des années cinquante, lUnion calédonienne, sous légide de son fondateur, Maurice Lenormand, recueille les suffrages dun électorat multi-ethnique. Face à lU.C., est créé en 1958 le Rassemblement calédonien par Henri Lafleur. Ce mouvement, proche des gaullistes, regroupe les Européens hostiles au projet autonomiste auquel lU.C. sest ralliée. LU.C. maintient sa position dominante pendant toutes les années soixante et cest seulement à lissue de cette décennie que des tensions se font jour en son sein. Les Européens, qui militent dans ce parti à vocation multi-ethnique, vont peu à peu rejoindre les rangs du Rassemblement calédonien qui, en 1977, devient le Rassemblement pour la Calédonie et, en 1978, le Rassemblement pour la Calédonie dans la République (R.P.C.R.), regroupant ainsi cinq partis. Il faut, en effet, constater que les revendications des populations kanakes se sont exprimées avec de plus en plus de force à partir de la fin des années soixante. En juillet 1969, lun des grands chefs de Maré, Nidoish Naisseline, qui a été aussi le premier diplômé kanak de lenseignement supérieur parisien, fonde le premier véritable mouvement indépendantiste : Les foulards rouges . Né des désillusions liées aux lois Billote , qui assurent en 1969 le contrôle par lEtat des infrastructures minières, conforté par un mouvement mondial qui appelle à la décolonisation, les foulards rouges, suivi par le Groupe 1878 en référence à la révolte du chef Ataï rejettent la solution de compromis avancée par les Européens et par lUnion calédonienne. Les années soixante-dix sont celles de la montée des tensions. Lexploitation du nickel, dont le sous-sol de Nouvelle-Calédonie recèle le quart des réserves mondiales, a suscité la venue de populations nombreuses sur le territoire. Métropolitains, Wallisiens et Futuniens, Néo-Hébridais, Tahitiens affluent sur la Grande Terre. Cette immigration nouvelle, la construction de grands ensembles urbains, contraires à la tradition océanienne, lexploitation minière, dont les retombées ne bénéficient pas aux populations kanakes, vont conduire à lémergence dune forme de frustration chez les descendants des premiers habitants de lîle. Ceux-ci vont alors exprimer une revendication indépendantiste, articulée autour de deux dimensions fortes : contestation dune modernité urbaine doublée dune exploitation économique et sociale des populations kanakes et affirmation dune identité culturelle kanake, niée par le colonisateur. En 1975, Jean-Marie Tjibaou, président de lUnion calédonienne depuis 1956, organise, avec dautres, le festival Mélanésia 2000 où est exprimée pour la première fois de manière publique la revendication de cette identité culturelle. Lannée suivante naît le Palika (Parti de la libération kanake) de la fusion des Foulards rouges et du Groupe 1878. LUnion calédonienne se rallie à la revendication indépendantiste en 1977 et, deux ans après, est créé un front indépendantiste, comprenant notamment lU.C. et le Palika. En 1984, le Front indépendantiste devient le Front de libération nationale kanak socialiste (F.L.N.K.S.) et la société politique calédonienne semble bel et bien sorganiser autour de deux pôles cohérents : lun représenté par le F.L.N.K.S., aspirant à lindépendance, lautre autour du R.P.C.R., affirmant son attachement au maintien dans la République française. Cest à partir de 1984 que sinstalle dans le territoire, pour quatre années, un climat de violence où deux camps vont saffronter, les gouvernements métropolitains semblant démunis face à une revendication indépendantiste et un mouvement loyaliste qui se radicalisent. Il faut dire que la réalité néo-calédonienne est complexe. Le poids du passé, les structures démographiques et les rapports de force entre les populations sont tels quappliquer à ce territoire des solutions juridiques qui ignorent plus ou moins ces réalités est le gage dun échec certain. La Nouvelle-Calédonie est avant tout une société pluri-communautaire, où aucun groupe ethnique ne peut revendiquer la majorité absolue. Cette situation est, à lévidence, étrangère à lhistoire républicaine française qui, en principe, ignore les communautés. 3. Une société pluri-communautaire Trop longtemps, la Nouvelle-Calédonie a été appréhendée avec un regard trop réducteur de la part des Français de métropole. La réalité historique et démographique de ce territoire ne se prête pourtant pas à une analyse succincte. Comme cest le cas en Australie, en Nouvelle-Zélande ou à Fidji, la population autochtone est minoritaire en Nouvelle-Calédonie. Mais, à la différence de ces exemples étrangers, les descendants des premiers occupants représentent une proportion importante de la population du territoire néo-calédonien. Environ 200.000 personnes vivent en Nouvelle-Calédonie (1). La répartition de la population est la suivante :
134.546 personnes vivent dans la province Sud, soit 68,4 % de la population ; 41.413 dans la province Nord, soit 21 % de la population et 20.877 dans la province des Iles, soit 10,6 % de la population du territoire. La ville de Nouméa accueille 38,8 % des Néo-Calédoniens et le Grand Nouméa (communes de Nouméa, Dumbéa, Païta et Mont-Dore) environ 60 %. La population du territoire est jeune puisque 40 % dentre elle a moins de vingt ans. Outre les Kanaks et les Européens, on constate que la Nouvelle-Calédonie connaît une multitude dautres communautés qui, pour la plupart, immigrèrent vers la Grande Terre lors de lexpansion liée à lexploitation du nickel dans les années cinquante et soixante. A la différence de ce que lon connaît sur le territoire métropolitain, la logique du melting-pot, caractérisée par un brassage des populations dorigine diverses et une assimilation par la constitution dun modèle politique, social et économique unitaire, na jamais été réellement à luvre en Nouvelle-Calédonie. Certes, la mixité des unions y existe et le métissage y est une heureuse réalité. Pourtant, les communautés culturelles sont demeurées juxtaposées les unes aux autres solidement assises sur des identités très différentes. Cette situation na pas permis la nette émergence dune identité néo-calédonienne transcendant ces clivages culturels et ethniques. Au total, on observe un assemblage de cultures étanches qui permet de comprendre la difficulté que rencontrèrent les forces politiques de lîle pour dégager des solutions consensuelles. Tant que la population mélanésienne est démographiquement minoritaire, la question de laccès à lindépendance semble arithmétiquement insoluble. Certes, les taux de fécondité et de natalité des Kanaks sont nettement supérieurs à ceux des populations dorigine européenne (taux de natalité 35 contre 18,7 ; taux de fécondité 150 contre 73 ). Mais, comme lobserve le professeur Michel Miaille, même si les Mélanésiens deviennent majoritaires, il est clair quaucune communauté ne pourra décider de son destin sans les autres et surtout contre les autres . (3) Cest donc à lémergence dune identité calédonienne quil faut aujourdhui travailler, une identité qui respecte les spécificités de chacune des communautés qui peuvent légitimement revendiquer le droit de vivre sur cette terre du Pacifique. Trop longtemps, cet équilibre na pu être trouvé faute de statut suscitant un accord de toutes les parties. Jusquen 1988, on est forcé dobserver que la Nouvelle-Calédonie a été confrontée à une véritable impasse statutaire. B. LES IMPASSES STATUTAIRES 1946-1988 1. Avant 1946, la Nouvelle-Calédonie est administrée par un Gouverneur Jusquen 1885, la Nouvelle Calédonie est administrée par un gouverneur qui dispose dune grande liberté daction face à des autorités métropolitaines lointaines. Ce fonctionnaire tout puissant est assisté par un conseil privé purement consultatif, le statut juridique du territoire étant des plus imprécis. Dabord rattaché administrativement aux établissements français de lOcéanie, cest-à-dire de la Polynésie jusquen 1860, la Nouvelle-Calédonie est ensuite soumise à un statut transitoire inspiré de lordonnance du 27 août 1828 relative au gouvernement de la Guyane. Il faut attendre le décret du 2 avril 1885 pour que le territoire soit doté dun conseil général dont les pouvoirs se révèlent plus étendus que ceux des départements métropolitains. Quant à Nouméa, elle est, depuis 1879, une commune de plein exercice, la seule en Nouvelle-Calédonie jusquen 1969. Cette situation statutaire va perdurer jusquen 1946, date à laquelle la Constitution de la IVème République va ériger les colonies françaises en territoires doutre-mer dotés de statuts particuliers tenant compte de leurs intérêts propres (articles 60 et 74 de la Constitution du 27 octobre 1946). 2. 1946, la Nouvelle-Calédonie accède au statut de territoire doutre-mer Laccession au statut de T.O.M. ne révolutionne pas lorganisation administrative du territoire. Le gouverneur, représentant de lEtat, est lexécutif du conseil général qui est désormais élu au suffrage universel, ce qui nétait pas le cas auparavant. Néanmoins, elle saccompagne de la suppression du code de lindigénat cest-à-dire que, concrètement, il est mis fin aux restrictions affectant les libertés de résidence de travail et de circulation des Kanaks, aux prestations et aux réquisitions imposées aux populations autochtones. La Nouvelle-Calédonie est désormais représentée au Conseil de la République. Les Mélanésiens accèdent petit à petit au droit de vote alors que la Constitution de 1946 a accordé la citoyenneté française à tous les ressortissants ultra-marins. Lordonnance du 22 août 1945 avait déjà fait de certaines catégories de Kanaks des électeurs anciens combattants, chefs coutumiers, pasteurs et moniteurs denseignement soit 1.444 Mélanésiens sur 9.500 électeurs. La loi du 23 mai 1951, ouvrant le droit de vote à de nouvelles catégories, porte le nombre des électeurs kanaks à 8.930 pour un corps électoral de 19.761 personnes. Il faut attendre la loi du 26 juillet 1957 pour que la République accorde à lensemble de la population mélanésienne le droit de voter. Cest à cette époque quintervient la première législation reconnaissant à la Nouvelle-Calédonie une certaine autonomie institutionnelle. 3. La loi-cadre du 23 juin 1956 donne au territoire une certaine autonomie La loi-cadre du 23 juin 1956, dite loi Defferre , propose une organisation nouvelle des territoires doutre-mer autour de trois axes principaux : réorganiser les gouvernements généraux en vue de les transformer en organes de coordination ; créer des conseils de gouvernement chargés notamment de ladministration des services territoriaux ; étendre les compétences des assemblées locales élues dotées désormais dun pouvoir délibérant élargi. Ces principes novateurs sont déclinés pour ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie par le décret du 22 juillet 1957. Le territoire est ainsi organisé autour de trois institutions. Le chef du territoire, représentant de lEtat, préside le conseil de gouvernement, composé de membres élus par lassemblée territoriale, elle-même issue du suffrage universel, et portant le titre de ministre. Il a la faculté de démissionner quand il estime ne plus avoir la confiance de lassemblée du territoire. Ce conseil de gouvernement est doté dattributions collégiales étendues et chaque ministre dispose de compétences individuelles. Lassemblée territoriale élue pour la première fois en 1957 bénéficie dun champ de compétences élargi. Même sil est limitativement défini par le décret de 1957, il porte sur des domaines importants tels lenseignement primaire et secondaire, léconomie, la fiscalité, le régime foncier, la santé, le statut des fonctionnaires, lurbanisme. Par ailleurs, le territoire partage également avec lEtat certaines compétences relatives à la police administrative, le commerce ou les communications extérieures. Comme le note Claude Deslhiat : le changement statutaire de 1957 constitue bien plus quune simple décentralisation administrative et politique. Il vaut, pour les Mélanésiens, reconnaissance de leur dignité et de leur capacité à se gouverner. Il alimente, chez eux, la conviction quun processus dévolution progressive vers un statut dautonomie interne complète, associant les communautés canaque et européenne au sein de la République française, est désormais amorcé avec laide de la métropole et non contre elle. Les désillusions ultérieures seront à la mesure de cette espérance . (4) Effectivement, après lavancée de 1956-1957, lévolution statutaire va se révéler pour le moins erratique. 4. La loi statutaire du 21 décembre 1963 et les lois du 3 janvier 1969 rétablissent la tutelle de lEtat Face à un mouvement qui nest alors encore quautonomiste, le pouvoir étatique métropolitain adopte une position fermée qui aboutit à la loi statutaire du 21 décembre 1963 dite loi Jacquinot . Elle réforme le conseil de gouvernement créé en 1957 et en amoindrit notablement le rôle. Les membres de ce conseil perdent leurs attributions propres et leur titre de ministre. Cet organe na plus quun rôle consultatif et, en cas dabsence du gouverneur, il nest plus présidé par un de ses membres élus mais par le secrétaire général, fonctionnaire dEtat. En résumé le pouvoir exécutif revient au gouverneur, représentant de lEtat et chef du territoire. On notera néanmoins que lassemblée du territoire conserve un rôle important. Elle vote des délibérations qui, bien quayant un caractère réglementaire, interviennent dans le domaine réservé par larticle 34 de la Constitution à la compétence du Parlement. Elle vote le budget et détermine le régime fiscal applicable au territoire. Après le statut Jacquinot qui marque un retour de lEtat dans les affaires néo-calédoniennes, la loi du 30 décembre 1965 renforce cette tendance en transférant au pouvoir central la compétence de lenseignement public secondaire jusqualors exercée par le territoire. Puis interviennent les deux lois du 3 janvier 1969 dites lois Billotte . Elles amputent les compétences du territoire en matière dinvestissement et de contrôle de la recherche minière à un moment où lexploitation du nickel connaît un développement extraordinaire. Ensuite, elles généralisent les communes dEtat soumises à la tutelle des autorités centrales et créent léquivalent de sous-préfectures, ce qui renforce le pouvoir de ladministration dEtat dans le territoire. Cette reprise en main par lEtat du sort de la Nouvelle-Calédonie est durement ressentie par la population mélanésienne. Cest à cette époque nous lavons souligné que le mouvement indépendantiste émerge peu à peu. 5. Le statut du 28 décembre 1976 assouplit, sans la supprimer, la tutelle de lEtat Même sil tranche avec la période précédente, ce statut na pas constitué un retour à celui de 1957. Il consiste en une restauration des pouvoirs du conseil de gouvernement où la fonction de vice-président élu réapparaît. Le conseil dispose désormais de prérogatives reconnues par la loi. Il est chargé de ladministration des intérêts territoriaux quil règle par ses délibérations. Par ailleurs, les membres du conseil retrouvent des pouvoirs individuels aux contours incertains. Par délibération du conseil, ils sont chargés dune mission permanente de contrôle et danimation dun secteur de ladministration territoriale. En revanche, pour ce qui est du champ des compétences reconnues au territoire, le changement de perspective est radical. Le territoire se voit conférer la compétence juridique de droit commun, lEtat se contentant dune compétence dattribution, englobant, il est vrai, les matières essentielles. La mise en place de ce statut sinscrit dans un contexte politique local où indépendantistes et loyalistes saffrontent électoralement. Le conseil de gouvernement connaît de réelles difficultés de fonctionnement et il est dissout en mars 1979, léquilibre des forces en son sein empêchant de dégager une nette majorité. La loi modifie le 24 mai 1979 le statut Stirn et introduit un seuil de 7,5 % des suffrages exprimés en-deçà duquel on ne peut être admis à la répartition des sièges lors des élections territoriales. Le scrutin en question se déroule le 1er juillet 1979 et donne la victoire aux partisans du maintien dans la République avec plus de 65 % des voix. Mais malgré les apparences le débat sur laccès à lindépendance est loin dêtre clos. 6. La loi du 4 mai 1984 confère au territoire une réelle autonomie A la fin des années soixante-dix et au début des années quatre-vingt la tension est croissante dans le territoire. Les indépendantistes observent ce qui se passe dans le reste du Pacifique et ailleurs. La Papouasie-Nouvelle-Guinée accède à lindépendance en 1975, les îles Salomon en 1978, Kiribati (les anciennes îles Gilbert) en 1979, les Comores en 1975, Djibouti en 1977 et les Nouvelles-Hébrides, devenues Vanuatu, en 1980. Le 4 février 1982 une loi dhabilitation autorise le Gouvernement à prendre des ordonnances afin daccélérer le train des réformes pour désamorcer la tension qui tiraille le territoire. Trois offices sont créés : un office foncier, un office culturel, scientifique et technique canaque et un office de développement de lintérieur et des îles. Ces réformes conduisent à une recomposition des alliances dans lassemblée du territoire et, en juin 1982, Jean-Marie Tjibaou est porté à la vice-présidence du conseil de gouvernement. Pour la première fois lexécutif local est dirigé par un élu indépendantiste. En juillet 1983, en présence de M. Georges Lemoine, secrétaire dEtat aux D.O.M.-T.O.M., est ouverte la table ronde de Nainville-les-Roches qui accueille des représentants élus des diverses parties en présence. A lissue de cette réunion, une déclaration commune que le R.P.C.R. a refusé de signer est publiée le 12 juillet 1983. Elle reconnaît : labolition du fait colonial ; la légitimité du peuple kanak , premier occupant du territoire, qui a un droit inné et actif à lindépendance . Lexercice de ce droit doit se faire dans le cadre de lautodétermination ouverte aux autres ethnies dont la légitimité est reconnue par les représentants du peuple kanak ; la nécessité délaborer un statut dautonomie transitoire et spécifique . Cette dernière clause du communiqué de Nainville-les-Roches est concrétisée par le vote par le Parlement du statut du 4 mai 1984 dit statut Lemoine qui confère au territoire une autonomie jamais atteinte jusqualors. Le territoire se voit reconnaître une compétence de droit commun dont sont seules exclues les fonctions de souveraineté, les principes directeurs du droit du travail, lenseignement du second cycle secondaire, lenseignement supérieur et la communication audiovisuelle. Le conseil de gouvernement est remplacé par un gouvernement du territoire. Son président est élu par lassemblée territoriale parmi ses membres. Celle-ci approuve la liste des ministres présentée par le président du gouvernement. Le conseil des ministres du territoire ainsi formé exerce un pouvoir réglementaire et nomme les chefs des services territoriaux. La tutelle de lEtat sur les actes du gouvernement territorial est supprimée. En outre, innovation majeure, est créée une seconde chambre destinée à représenter institutionnellement la coutume kanake. En dernière instance, le statut Lemoine prévoit la tenue dun référendum dautodétermination en 1989. Suscitant une cohorte doppositions de la part de tous les acteurs néo-calédoniens, cet édifice politique, juridique et institutionnel audacieux ne trouvera pas à sappliquer. Les organisations indépendantistes contestent la composition du corps électoral appelé à sexprimer lors du référendum dautodétermination. Créé en 1984, le F.L.N.K.S. demande que le scrutin devant aboutir à lindépendance soit organisé avant 1986 et que seuls les Kanaks, les non-Kanaks nés dans le territoire ou ayant un ascendant né en Nouvelle-Calédonie puissent participer au scrutin. Le R.P.C.R., quant à lui, est radicalement opposé à ce statut qui, bien que conférant au territoire une large autonomie, semble ouvrir la porte à une possible séparation de la République française. Les élections territoriales du 18 novembre 1984 marquent le succès du R.P.C.R. qui remporte plus de 70 % des suffrages exprimés. Mais labstention atteint 50 % des inscrits et le scrutin se déroule dans une atmosphère de violence sans précédent en particulier sur la côte est et dans les îles Loyauté où la population mélanésienne est dominante. Ces mois de novembre et de décembre 1984 voient les événements saccélérer. Aux barrages indépendantistes répondent les contre-barrages des anti-indépendantistes. La commune de Thio est occupée par le secrétaire général de lUnion calédonienne, Eloi Machoro, et ses partisans. Les Européens habitant les îles et lintérieur de la Grande Terre ( les broussards ) affluent vers Nouméa. Le F.L.N.K.S. constitue le 1er décembre un gouvernement provisoire présidé par Jean-Marie Tjibaou. Le 5 décembre, à Hienghène, dix Mélanésiens trouvent la mort dans une embuscade ; parmi eux deux frères du président du F.L.N.K.S. Le lendemain, trois Caldoches disparaissent dans un incendie criminel à Bourail. Face à cette situation dune gravité exceptionnelle, le Gouvernement nomme Edgard Pisani délégué en Nouvelle-Calédonie. Il propose lorganisation dun référendum dautodétermination en juillet 1985 ouvert aux citoyens ayant trois ans de résidence en Nouvelle-Calédonie. Le choix laissé aux électeurs porterait sur le maintien dans la République ou la constitution de la Calédonie en un Etat indépendant associé à la France. Lannonce de ce plan napaise pas la situation. Celle-ci se dégrade même à un tel point que, après la mort dun jeune Européen puis celle dEloi Machoro au cours dune intervention du G.I.G.N., le 12 janvier 1985, létat durgence est proclamé dans le territoire et un couvre-feu imposé. La question statutaire paraît désormais subordonnée au rétablissement de lordre public dans le territoire. Le printemps 1985 est marqué par la poursuite des troubles et le couvre-feu nest levé que le 14 juin. Le 25 avril, le Premier ministre, Laurent Fabius a présenté en conseil des ministres un dispositif institutionnel qui aboutit à la loi du 23 août 1985. 7. La loi du 23 août 1985 institue un statut transitoire pour répondre à une situation de crise Complétée par lordonnance du 20 septembre 1985, la loi du 23 août pose le principe que les populations intéressées de Nouvelle-Calédonie seront appelées à se prononcer, au plus tard le 31 décembre 1987, sur lavenir du territoire au sein ou en-dehors de la République. Avant cette consultation, la Nouvelle-Calédonie est régie par un statut transitoire dont la principale caractéristique est la création de quatre régions représentées chacune par un conseil, la réunion des quatre conseils de région formant le Congrès qui remplace lassemblée territoriale. Les conseils de région sont élus au suffrage universel direct au scrutin proportionnel de liste. Ils désignent en leur sein un président qui assume les fonctions exécutives dans la région dont il prépare et exécute le budget et dont il dirige les services administratifs. Sont adjoints à chacun de ces conseils, un conseil consultatif coutumier. La réunion des quatre conseils coutumiers forme le conseil coutumier territorial qui peut être consulté sur toute question par le haut-commissaire. Les compétences des régions sont étendues. Elles exercent les attributions conférées au territoire en vertu du statut Lemoine de 1984. Quant au territoire, représenté par le Congrès, ses compétences sont résiduelles. Elles correspondent à celles qui ne sont pas expressément attribuées aux régions et à lEtat. Le haut-commissaire redevient lexécutif du territoire. Il prépare et exécute les délibérations du Congrès et a autorité sur lensemble des services publics. Le statut Fabius-Pisani se caractérise donc par une régionalisation poussée et une nette remise en cause de lautonomie organisée par le statut de 1984. Il organise une partition de fait entre le sud de la Grande Terre où les Caldoches sont majoritaires et le reste de la Nouvelle-Calédonie à dominante mélanésienne. On peut considérer que les élections régionales du 29 septembre 1985 témoignent dune adhésion à ce statut de la part des populations mélanésiennes. Elles enregistrent un taux de participation record, labstention restant circonscrite à moins de 20 % des électeurs inscrits, ce qui tranche avec les consultations précédentes boycottées par les indépendantistes. A lissue de ce scrutin le F.L.N.K.S. dispose de 16 sièges au Congrès et détient la majorité dans les régions du centre, du nord et des îles Loyauté. Le R.P.C.R. obtient 25 sièges au Congrès et remporte la majorité des suffrages dans la région du sud. La mise en uvre de ce système institutionnel dinspiration fédérale ne va pas durer très longtemps. Le changement de majorité parlementaire en France, après les élections législatives de mars 1986, va conduire à une remise en cause du statut de 1985. 8. La loi du 17 juillet 1986, le référendum dautodétermination du 13 septembre 1987 et la loi du 22 janvier 1988 ne permettent pas déviter le retour à la violence La majorité parlementaire issue du scrutin du 16 mars 1986 est, par nature, plus attentive aux positions du R.P.C.R. Le Gouvernement remet en cause le statut de 1985 et prévoit un plan daction en trois temps : la mise en place dun régime transitoire puis un scrutin dautodétermination avant la fin de lannée 1987 et, in fine, lélaboration dun nouveau statut pour le territoire. La première étape est ladoption de la loi du 17 juillet 1986 (dite statut Pons I , du nom du ministre des D.O.M.-T.O.M.). Elle vise principalement à retirer aux régions instituées en 1985 la majeure partie de leurs compétences tout en maintenant le cadre régional. Le Congrès du territoire retrouve une compétence générale et, par-là même, des attributions dévolues précédemment aux régions. Le haut-commissaire demeure lexécutif du territoire. Cette réforme institutionnelle saccompagne dun programme daide au développement dans le domaine touristique, de léquipement et des infrastructures publiques, de lhabitat social et tribal ainsi que dune réforme foncière. Dans un deuxième temps, le référendum dautodétermination est organisé le 13 septembre 1987. Après des discussions difficiles avec le F.L.N.K.S. sur la question essentielle de la composition du corps électoral, le Gouvernement décide dadmettre les électeurs inscrits sur les listes électorales du territoire à la date de la consultation et résidant en Nouvelle-Calédonie depuis au moins trois ans à compter de la promulgation de la loi organisant le référendum. Grosso modo, seuls les fonctionnaires sont écartés du corps électoral. La question posée à loccasion de cette consultation est simple : Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à lindépendance ou demeure au sein de la République française ? Le 13 septembre 1987, 98,3 % des votants se prononcent pour le maintien dans la République mais, le taux dabstention atteint 40,9 % des inscrits après lappel au boycott lancé par le F.L.N.K.S. Malgré tout, juridiquement, la question de lindépendance semble donc définitivement tranchée. Par la loi du 22 janvier 1988, dite statut Pons II , la Nouvelle-Calédonie se voit reconnaître une plus large autonomie alors que la régionalisation introduite en 1985 est remaniée substantiellement. Le territoire dispose dune compétence générale en matière politique et normative, lEtat ne conservant que les compétences de souveraineté classique (justice, monnaie, ordre public, défense, diplomatie), ainsi que quelques autres domaines par exemple en matière de droit du travail, de communication audiovisuelle ou denseignement supérieur. Le Congrès du territoire demeure, ainsi que lassemblée coutumière consultative. Lexécutif du territoire passe, quant à lui, du haut-commissaire à un conseil exécutif élu de dix membres. Les présidents du Congrès et des quatre régions en font partie de droit. Les cinq autres membres sont élus à la proportionnelle par le Congrès. Disposant de lautorité hiérarchique sur les services territoriaux, le conseil exécutif se voit attribuer un vrai pouvoir de décision. Pour certaines dentre elles, cependant, une majorité des deux tiers est requise cest le cas pour ladoption du budget faute de quoi, le haut-commissaire se substitue au conseil pour régler la question en suspens. La régionalisation est renforcée par le statut de janvier 1988. Les conseils de région retrouvent ainsi la majeure partie des compétences que le premier statut Pons de juillet 1986 leur avait retiré. Pourtant, le nouveau statut nest pas de nature à introduire un équilibre politique durable en Nouvelle-Calédonie. En effet, il procède à un nouveau découpage régional en substituant à la répartition Nord-Centre-Sud-Loyauté, une division Est-Ouest-Sud-Loyauté qui a pour conséquence de renforcer la représentation du R.P.C.R. au détriment des indépendantistes. Le scrutin territorial est fixé au 24 avril 1988, date du premier tour des élections présidentielles. Le F.L.N.K.S., par la voix de son président Jean-Marie Tjibaou, appelle à la mobilisation contre la tenue du scrutin. Le printemps 1988 est marqué par une escalade de violence jamais atteinte en Nouvelle-Calédonie. Les échecs successifs des différents statuts proposés par la métropole, lincapacité des deux forces en présence à penser un avenir qui puisse être commun, vont aboutir à un paroxysme violent. Paradoxalement, cest de cette situation dramatique que va sortir, pour la première fois depuis 1853, une logique de dialogue entre les communautés calédoniennes sous légide des plus hautes autorités de lEtat. Les accords de Matignon et dOudinot vont être lexpression de ce basculement dune logique de guerre vers un esprit de paix. II. LES ACCORDS DE MATIGNON : UNE NOUVELLE CHANCE POUR LE TERRITOIRE 1. Le paroxysme de la violence Trop souvent, cest uniquement la proximité du pire qui conduit les acteurs à nouer un dialogue. Malheureusement, cette règle na pas trouvé de démenti en Nouvelle-Calédonie. Il aura fallu lescalade violente du printemps 1988 pour aboutir aux accords de Matignon et dOudinot grâce auxquels le territoire sengage dans une période dapaisement sans précédent. De la fin du mois de février 1988 à la veille du premier tour de lélection présidentielle, se multiplient des actes et des déclarations qui révèlent les tensions extrêmes qui tiraillent la Grande Terre. Le 22 février, plusieurs gendarmes sont brièvement pris en otage par des militants du F.L.N.K.S. à la suite dun litige foncier. Comme le note Claude Desthiat : Lincident fait, rétroactivement, figure de coup de semonce et de répétition générale (5). Le 22 avril, dans lîle dOuvéa, un poste de gendarmerie est pris dassaut par des indépendantistes. Cette fois, la prise dotages est sanglante. Quatre gendarmes sont assassinés alors que vingt-sept autres sont kidnappés. Les indépendantistes, par la voix du secrétaire général de lUnion calédonienne, Léopold Jorédié, entendent conditionner la libération de ces otages à la satisfaction de trois revendications : lannulation des élections régionales, lévacuation de lîle dOuvéa par les forces de lordre, la nomination dun médiateur pour discuter dun véritable référendum dautodétermination . Les élections du 24 avril 1988 se déroulent dans un véritable climat de guerre civile. Puis, entre les deux tours de lélection présidentielle, intervient la libération des gendarmes dOuvéa. A trois jours du second tour, lopération militaire aboutit effectivement à la fin de la prise dotages au prix dun bilan particulièrement dramatique puisque deux militaires et dix-neuf Kanaks sont tués. Lirréparable semble avoir été commis. Deux chemins souvrent alors : la logique de guerre ou la voie du dialogue. La raison va heureusement lemporter. Les Caldoches perçoivent rapidement la situation inextricable dans laquelle ils risquent de senferrer en sen tenant à des positions maximalistes. Dans la déclaration du 1er juin 1988, le R.P.C.R., par la voix de Jacques Lafleur, envisage un partage des responsabilités avec les indépendantistes. Quant aux Mélanésiens, les événements dOuvéa ne sont pas de nature à apaiser leur ire. Cest dans ce contexte que le nouveau Premier ministre, Michel Rocard, confie au préfet Christian Blanc, ancien adjoint dEdgard Pisani en 19841985, une mission destinée à renouer le dialogue entre les deux parties principales. La délégation quil conduit est composée de Monseigneur Guiberteau, de lancien grand maître du Grand-Orient, Roger Leray, du conseiller dEtat Jean-Claude Périer, du sous-préfet Pierre Steinmetz et du pasteur Jacques Stewart. La composition très ouverte de cette mission est perçue comme garante de la volonté de médiation du Gouvernement dalors. A lissue dun travail exceptionnel salué par tous, la mission conduite par Christian Blanc parvient à nouer des contacts entre le F.L.N.K.S. et le R.P.C.R. et, le 15 juin 1988, en présence du Premier ministre, Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou acceptent de se rencontrer pour la première fois depuis cinq ans et la table ronde de Nainville-les-Roches. Les négociations se poursuivent jusquà ladoption par les deux délégations dun premier accord le 26 juin 1988. Dès lors, souvre en Nouvelle-Calédonie une ère nouvelle. Le texte de la déclaration commune de Matignon est le suivant : Les communautés de Nouvelle-Calédonie ont trop souffert, dans leur dignité collective, dans lintégrité des personnes et des biens, de plusieurs décennies dincompréhension et de violence. Pour les uns, ce nest que dans le cadre des institutions de la République française que lévolution vers une Nouvelle-Calédonie harmonieuse pourra saccomplir. Pour les autres, il nest envisageable de sortir de cette situation que par laffirmation de la souveraineté et de lindépendance. Laffrontement de ces deux convictions antagonistes a débouché jusquà une date récente sur une situation voisine de la guerre civile. Aujourdhui, les deux parties ont reconnu limpérieuse nécessité de contribuer à établir la paix civile pour créer les conditions dans lesquelles les populations pourront choisir, librement et assurées de leur avenir, la maîtrise de leur destin. Cest pourquoi elles ont donné leur accord à ce que lEtat reprenne pendant les douze prochains mois lautorité administrative sur le territoire. En conséquence, le Premier ministre présentera un projet dans ce sens au Conseil des ministres du 29 juin 1988. Les délégations se sont, par ailleurs, engagées à présenter et à requérir laccord de leurs instances respectives sur les propositions du Premier ministre concernant lévolution future de la Nouvelle-Calédonie. Ce texte porte la signature du Premier ministre, M. Michel Rocard, de sept délégués du R.P.C.R., MM. Jacques Lafleur, Maurice Nenou, Dick Ukeiwé, Jean Lèques, Henri Wetta, Pierre Frogier, Pierre Brétégnier, de quatre délégués du F.L.N.K.S., MM. Jean-Marie Tjibaou, Yeiwéné Yeiwéné, Mme Caroline Machoro, M. Edmond Nékiriaï et du représentant du L.K.S., M. Nidoish Naïsseline. La déclaration commune prend acte des positions antagonistes des deux parties mais constate aussi limpérieuse nécessité de rétablir la paix civile. LEtat intervient comme médiateur entre les deux camps en assurant directement ladministration du territoire pour une année. Ce dernier point va être très rapidement mis en uvre par ladoption de la loi n° 88-808 du 12 juillet 1988 qui transfère au haut-commissaire de la République les attributions que le statut Pons II de janvier 1988 confiait au conseil exécutif et à son président. Pendant ce temps, le dialogue entamé à Matignon se poursuit jusquà la signature, le 20 août 1988, de laccord Oudinot qui porte sur le principe dune consultation au terme dune période de dix ans sur lautodétermination de la Nouvelle-Calédonie et la mise en place dans lintervalle de nouvelles institutions. Cest donc dans une perspective à long terme que les protagonistes décident de se placer. Pour donner plus de poids au statut qui est destiné à régir le territoire pendant la période 1988-1998, il est décidé de le soumettre à un référendum national. Léconomie générale du projet de loi portant dispositions statutaires et préparatoires à lautodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 1998 est la suivante. Tout dabord, larticle premier énonce lobjet du projet de loi qui est de créer les conditions dans lesquelles les populations de Nouvelle-Calédonie éclairées sur les perspectives davenir qui leur sont ouvertes par le rétablissement et le maintien de la paix civile et par le développement économique, social et culturel du territoire, pourront librement choisir leur destin . Puis, larticle 2 fixe le principe dun scrutin dautodétermination entre le 1er mars et le 31 décembre 1998 sur le maintien du territoire dans la République ou sur son accession à lindépendance. En conséquence, il arrête également les contours du corps électoral appelé à se prononcer en 1998, ce point on la vu ayant été au cur du débat tout au long des années quatre-vingt dès que la question de lautodétermination était évoquée. Larticle 2 dispose que seront admis à participer à ce scrutin les électeurs inscrits sur les listes électorales du territoire à la date de cette consultation et qui y ont leur domicile depuis la date du référendum approuvant la présente loi , cest-à-dire in fine le 6 novembre 1988. Le statut réorganise les institutions néo-calédoniennes. Trois provinces remplacent les régions nées du statut Fabius-Pisani : la province Nord, la province Sud et la province des îles Loyauté. Au cur du dispositif institutionnel, ces circonscriptions nouvelles disposent, en vertu de larticle 7, dune compétence générale. Sont élues, au scrutin proportionnel, au sein de chacune dentre elles une assemblée de province qui désigne son président. Ce dernier a un rôle important. Il représente la province, prépare et exécute les délibérations de lassemblée, et notamment son budget. Il est également chef de ladministration provinciale et dispose du concours des services de lEtat et des services du territoire. La réunion des trois assemblées de province forme le Congrès qui, dans ce système, tient la place, en quelque sorte, de linstance parlementaire fédérale. Le Congrès règle par ses délibérations les affaires du territoire dont les compétences sont limitativement énumérées par larticle 9 du statut. Il sagit entre autres des questions relatives aux impôts perçus dans le territoire, de la protection sociale, de la fonction publique territoriale, de la réglementation des prix, des marchés publics, du droit du travail, etc. Lexécutif du territoire est assuré par le haut-commissaire qui est également représentant de lEtat. Il prépare et exécute les délibérations du Congrès et de la commission permanente désignée en son sein à la proportionnelle. LEtat conserve, pour sa part, les compétences de souveraineté traditionnelle : les relations extérieures, le contrôle de limmigration et des étrangers, les communications extérieures, la monnaie, le trésor, la défense, la nationalité, la justice, le droit civil à lexception du droit coutumier, la communication audiovisuelle ... (article 8 du statut). En dehors de ces dispositions statutaires classiques, le projet de loi référendaire prévoit lindemnisation des victimes des actes de violence survenus entre le 16 avril 1986 et le 20 août 1988. Larticle 80 amnistie les infractions commises avant le 20 août 1988 à loccasion des événements dordre politique, social ou économique en relation avec la détermination du statut de la Nouvelle-Calédonie ou du régime foncier du territoire . Toutefois le bénéfice de lamnistie ne sétend pas à ceux qui, par leur action directe et personnelle, ont été les auteurs principaux du crime dassassinat. Le projet de loi crée un institut de formation des personnels administratifs, une agence de développement de la culture kanake (A.D.C.K.) et une agence de développement rural et daménagement foncier (A.D.R.A.F.). Enfin, il organise des mesures daccompagnement économiques, sociales et culturelles sous la forme de contrats de développement entre lEtat et les provinces pour atteindre les objectifs suivants : faciliter laccès de tous aux formations initiales et continues et adapter celles-ci aux particularités du territoire ; favoriser un rééquilibrage du territoire par rapport à lagglomération chef-lieu ; améliorer les conditions de vie des populations de toutes les parties du territoire ; promouvoir le patrimoine culturel mélanésien et celui des autres cultures locales ; encourager le développement des activités économiques locales ; faire participer les jeunes au développement par des activités dinsertion ; mettre en uvre une politique foncière adaptée aux spécificités locales ; susciter lintensification des échanges économiques et culturels avec les Etats de la région Pacifique. Ce projet de loi a donc été soumis au référendum le 6 novembre 1988. 80 % des électeurs lont approuvé. Dès lors, sest ouverte une période de dix ans, qui vient juste de sachever. Dix ans, ce nest pas un répit mais un défi, observait Michel Rocard. Ce défi a-t-il été relevé ? Les accords de Matignon ne manquaient pas dambition. Il ne sagissait pas moins que de maintenir le territoire dans la paix civile, tout en répartissant autrement les pouvoirs, en apportant des changements éminemment concrets dans la vie des Néo-Calédoniens et en relançant le développement de lîle. Afin dapaiser les esprits, le territoire a été tout dabord placé sous un régime dadministration directe de juillet 1988 à juillet 1989. LEtat sest ainsi vu reconnaître son rôle naturel de médiateur impartial entre les intérêts des différents protagonistes. Le haut-commissaire a donc assumé, pendant une période limitée de douze mois, ladministration du territoire, assisté par un comité consultatif réunissant les partenaires des accords de 1988. Cette période transitoire a permis de mettre en place, sans heurts, les nouvelles institutions néo-calédoniennes, territoriales, provinciales et communales. Les élections aux assemblées de province du 11 juin 1989 se sont déroulées dans des conditions de sérénité, dont on avait perdu le souvenir dans la Grande Terre. Leur renouvellement en 1995 eut lieu également tout à fait normalement. Linstallation des assemblées et des administrations provinciales na pas manqué de soulever des difficultés. Si la province du Sud a pu aussitôt bénéficier des infrastructures et des personnels de Nouméa, celles du Nord et des Iles Loyauté ont dû se constituer à partir dun terrain largement vierge. Les premières années de la période 1988-1998 ont été celles de la construction des bâtiments administratifs et du recrutement de personnels contractuels pour se substituer au manque de fonctionnaires. Ces difficultés ont été peu ou prou surmontées et les provinces du Nord et des Iles Loyauté sont désormais munies des moyens propres à leur permettre dassumer dans des conditions raisonnables leurs missions. Les provinces se sont vu reconnaître, par la loi référendaire, une compétence de droit commun. Pourtant, elles ne disposent que de peu de ressources propres. Cest pourquoi la loi a prévu un mécanisme de dotation du territoire vers les provinces auquel sest ajoutée laide financière de lEtat dans le cadre des contrats de développement. La mise en place de ces nouvelles institutions a permis de rompre avec la centralisation territoriale, qui avait, jusqualors, structuré lespace néo-calédonien. Désormais, Nouméa nest plus lunique centre de pouvoir du territoire. Il faut compter avec Koné, le chef-lieu de la province Nord et We, celui de la province des Iles Loyauté. Le territoire a, pour sa part, assumé des fonctions de régulation autour de trois axes : les moyens financiers, les normes, les missions communes à lensemble du territoire. Le Congrès fixe le régime fiscal applicable à la Nouvelle-Calédonie et redistribue près de 80 % des ressources ainsi perçues vers les provinces et les communes. Il définit également les règles applicables en matière de droit du travail, fonction publique, code de la route... qui doivent uniformément sappliquer à tout le territoire. Enfin, il est lorgane naturel de tutelle de certains établissements publics chargés de missions communes à toute lîle, tels le centre hospitalier, lagence pour lemploi ou la Banque calédonienne dinvestissement. Les communes, traditionnellement soumises à la tutelle de lEtat, ont vu ce régime de contrôle préalable supprimé par la loi du 29 décembre 1990. Leur situation juridique est désormais relativement voisine de celles de la métropole. Comme en disposait la loi référendaire, le haut-commissaire assure le contrôle de légalité a posteriori, sappuyant, pour ce faire, sur le tribunal administratif et la chambre territoriale des comptes créée en 1988. Les communes bénéficient dune péréquation financière destinée à leur assurer un niveau de ressources suffisant pour mener à bien leurs missions. Cest à travers le fond intercommunal de péréquation (F.I.P.) que sopère cette forme de redistribution. La loi organique du 20 février 1995 a, par ailleurs, renforcé le domaine de compétence des communes en matière durbanisme et de concessions de distribution dénergie électrique. Enfin, les personnels des administrations communales ont vu leur situation améliorée notablement. Le territoire a créé un statut de la fonction publique communale et les secrétaires de mairie ont bénéficié dun programme de formation propre, organisé en métropole. En dehors du volet purement institutionnel, qui sest mis en place de manière satisfaisante, des efforts importants ont été entrepris pour permettre à la population kanake de voir reconnaître la spécificité de son identité au sein dun ordre juridique français qui, a priori, est peu adapté à un tel accueil. En outre, la place de la Nouvelle-Calédonie au sein de la zone pacifique a fait lobjet dune réflexion particulière, qui a été rapidement et concrètement suivie deffets. La loi référendaire du 9 novembre 1988 a reconnu huit aires coutumières, représentées chacune par un conseil : Hoot Ma Waap, Paici Camuki, Ajie Aro, Xaracuu, Djubea Kapone, Nengone, Drehu et Iaai. Les représentants de ces aires sont membres du conseil consultatif coutumier qui est consulté par les assemblées de province, notamment pour les textes relatifs au statut de droit civil particulier et au droit foncier. La mise en uvre de cette structure coutumière nétait pas un pari gagné a priori. Les statuts précédents celui de 1988 avaient déjà, en vain, tenté de donner à la coutume une forme institutionnelle. Dix ans après, on constate que ces conseils ont fonctionné de manière satisfaisante et que le conseil consultatif coutumier a été associé à plusieurs réflexions relatives à la santé publique ou au droit civil particulier. Il sest également intéressé, de manière approfondie, aux questions foncières, à laccès à la terre et au développement économique. La loi du 15 février 1989 a, quant à elle, renforcé le rôle des assesseurs coutumiers qui, aux côtés des magistrats professionnels, participent à la résolution des litiges civils ou fonciers. Cette disposition a permis une meilleure perception des décisions de justice et, ce faisant, celles-ci sont mieux acceptées par les populations mélanésiennes. La reconnaissance de lidentité kanake, à laquelle les Mélanésiens sont à juste titre très attachés, doit passer également par des initiatives fortes. Cest le sens que le président François Mitterrand a voulu donner au projet de centre culturel kanak à Nouméa. Cet édifice, conçu par larchitecte Renzo Piano et géré par lagence pour le développement de la culture kanake, établissement public dEtat présidé par Mme Marie-Claude Tjibaou, montre que, là encore, les accords de Matignon ont connu une suite dans les faits. Enfin, pour ce qui est de la place de la Nouvelle-Calédonie dans le Pacifique Sud, des efforts particuliers ont été menés pour convaincre les Etats voisins de la Nouvelle-Calédonie de la profondeur des changements qui saccomplissent sur le territoire. Des succès diplomatiques notables ont été enregistrés, comme par exemple la décision de la Commission du Pacifique Sud de reconstruire son siège à Nouméa. La Nouvelle-Calédonie a été associée pleinement à un certain nombre de programmes de la Commission devenue Communauté du Pacifique : programme régional océanien de lenvironnement (P.R.O.E.), commission du Pacifique pour les géo-sciences de la terre, conseil du tourisme du Pacifique Sud. Des liens ont été également renoués avec le Vanuatu, en particulier par la signature dune convention-cadre le 19 novembre 1993, qui a été suivie de divers accords dordre technique. Si on ajoute à ces initiatives des actions de coopération internationale décentralisées entre les provinces néo-calédoniennes et lAustralie ou la Nouvelle-Zélande, on conclura que le territoire est en voie de pleine intégration dans cet espace du Pacifique Sud. Les accords de Matignon ont eu également pour objectif dapporter une amélioration de la qualité de vie des populations néo-calédoniennes. 2. Lamélioration de la vie dans lîle Les efforts dans ce domaine se sont concentrés sur quatre objectifs : permettre aux Néo-Calédoniens de bénéficier dune formation scolaire, universitaire et professionnelle de qualité ; faciliter laccès des insulaires à la fonction publique ; améliorer les conditions de vie ; tenter de résoudre la question foncière. Il a fallu tout dabord développer lenseignement secondaire pour répondre à un besoin réel. En dix ans trois collèges ont été construits par les provinces dans le Sud et le Nord et un dans les Iles. LEtat a édifié quatre lycées. Le nombre détablissements secondaires est passé ainsi de 34 à 46 et les effectifs scolarisés ont crû de 78% dans le Nord, de 57 % dans les Iles et de 13 % dans le Sud. Un effort particulier a été conduit pour rééquilibrer le rapport entre Nouméa et les autres parties du territoire au profit de ces dernières. Le nombre de bacheliers sest accru notablement puisque, de 652 en 1992, on est passé à 1166 en 1997. Lenseignement universitaire a également été soutenu. Ainsi en 1989 le centre de Nouméa de luniversité française du Pacifique a été ouvert. 1.200 étudiants étaient inscrits en 1997 en droit, lettres ou sciences. Par ailleurs, en 1992 a été créé un Institut universitaire de formation des maîtres (I.U.F.M.). Mais la formation nest pas seulement initiale. Elle doit être aussi continue. Prévu par les accords de Matignon, un programme dit des 400 cadres a été conduit pour permettre à des Calédoniens, et plus particulièrement à des Mélanésiens, daccéder à des fonctions de responsabilités dans les administrations, les entreprises et le secteur libéral. Depuis dix ans, 379 stagiaires ont bénéficié de formations qualifiantes dispensées en métropole, les Mélanésiens représentant 4/5ème des effectifs. Une attention précise a également été portée à la formation des agents publics par le biais, par exemple, de lInstitut territorial de formation des maîtres, destiné à remettre à niveau des instituteurs remplaçants, le centre de formation des professions de santé (ancienne école dinfirmière), lInstitut de formation des personnels administratifs (I.F.P.A.) mentionné à larticle 82 de la loi référendaire. LI.F.P.A. contribue à garantir la qualité et lunité de la fonction publique du territoire. Il a accueilli entre 2.500 et 3.000 stagiaires par an depuis 1991. Plus globalement, laccès des Calédoniens, et plus spécifiquement des Mélanésiens, à la fonction publique était lun des points essentiels des accords de 1988. Dans la perspective dune maîtrise par la population insulaire de son propre destin, il va de soi que cette question revêt une importance toute particulière. Mais, dans le respect des règles qui régissent laccès à la fonction publique et le principe du concours, des mesures ont été prises pour atteindre cet objectif. Par exemple, les demandes dintégration de fonctionnaires dEtat dans la fonction publique territoriale ont été examinées avec une grande rigueur afin de préserver un volant demplois disponibles pour les Calédoniens en formation. Il a été procédé à des intégrations de 450 agents insulaires dans la fonction publique communale créée en 1994 par le territoire en vertu de la compétence que la loi lui a reconnue. La place des Mélanésiens sous-représentés dans la fonction publique a été renforcée. Ainsi, alors que les services du territoire ne comptaient quun seul chef de service mélanésien en 1988, ils en accueillent aujourdhui six sans compter les responsables des administrations provinciales, en particulier dans les collectivités où les Kanaks sont majoritaires. Au total, lobjectif de rééquilibrage ethnique contenu dans les accords de 1988 a été poursuivi avec un certain succès, même sil reste évidemment beaucoup defforts à faire en la matière. La mise en uvre des accords de Matignon est passée également par une politique active en matière de logement, rendue nécessaire par la croissance démographique que connaît ce territoire et par les problèmes déquilibre de populations entre les différentes provinces. Les outils privilégiés mis en uvre par lEtat pour mener à bien cette politique ont été les contrats de développement signés avec chacune des trois provinces. Ces contrats ont atteint 818 millions de francs, financés à parité par lEtat et les provinces, et répartis à 26 % pour le Nord, 10 % pour les îles et 64 % pour le Sud. A ces fonds contractualisés, se sont ajoutés des prêts octroyés par des organismes tels que la Banque calédonienne dinvestissement. Ces aides financières ont permis la réalisation de petits ensembles locatifs dans le nord de la Grande Terre et dans les communes du Grand Nouméa. Dans la province des îles, laccent a été mis sur les prêts pour laccession à la propriété et sur le maintien dun habitat traditionnel. Il était également nécessaire de remettre à niveau le système sanitaire calédonien. Pendant la période 1988-1998, 105 millions de francs ont été employés dans cette optique, la répartition de ces subsides étant la suivante : 56 % dans le Nord, 28 dans le Sud et 16 % dans les îles. Il a été ainsi créé un S.A.M.U. Lhôpital de Koumac a été rénové ; celui de Poindimié a été achevé et mis en service. Par ailleurs, des campagnes de prévention ont été menées avec des résultats significatifs, notamment dans la lutte contre la mortalité infantile et la prise en charge des personnes âgées et des handicapés. Le Congrès a adopté en 1994 un plan de promotion de la santé et de maîtrise des dépenses de soins. En outre, lun des objectifs des accords de Matignon était dorganiser une couverture sociale unifiée dans le territoire. Mais la dérive des dépenses de santé qua connue la Nouvelle-Calédonie na pas permis de satisfaire cet objectif, qui reste lun des chantiers à venir. Enfin, la question foncière, sur laquelle sétaient focalisés les mouvements indépendantistes dans les années soixante-dix a été traitée par la création dun établissement public dEtat, lagence de développement rural et daménagement foncier (A.D.R.A.F.). Cet organisme est chargé de faciliter lacquisition de terres par les communautés mélanésiennes. Financée par lEtat, lagence achète des terres, puis les cède à des particuliers ou au bénéfice dun groupement de droit particulier local (G.D.P.L.), personne morale qui représente la propriété collective traditionnelle. Depuis 1989, lA.D.R.A.F. a acquis 26.000 hectares, qui se sont ajoutés aux 86.600 hectares qui lui ont été remis lors de sa création. De la sorte, cette agence a attribué 89.000 hectares en moins de dix ans, dont 77.000 à des Mélanésiens sous forme de G.D.P.L. Ainsi, en neuf ans, le foncier mélanésien sest accru de 38,5 % sur la Grande Terre. Ces attributions, réalisées par lagence au bénéfice de particuliers ou de G.D.P.L., ont été affectées pour moitié à des productions vivrières traditionnelles et pour lautre moitié à des projets économiques, en particulier dans le secteur de lélevage. Le troisième axe principal de la mise en uvre des accords de 1988 porte sur le développement économique du territoire. 3. Le développement économique Les accords de Matignon et les articles 84 et 85 de la loi référendaire ont fait des contrats de développement les principaux instruments du financement du rééquilibrage. On peut distinguer deux générations de contrats, lune couvre la période 1990-1992. Elle a permis la réalisation déquipements dinfrastructure, tels la route Koné-Tiwaka, le centre culturel de Maré et la voie de dégagement ouest. Dans la période 1993-1997, comme on la vu, laccent a été mis sur lamélioration des conditions de vie des habitants du territoire et, en particulier, leur formation. Au total, lEtat a apporté 2,25 milliards de francs, les provinces et le territoire 1,95 milliard de francs et les autres partenaires, tels les communes et les établissements publics, 0,75 milliard de francs. En dix ans cest ainsi 4,95 milliards de francs qui ont été injectés dans léconomie calédonienne sous la forme de contrats de développement. Ces contrats ont permis duvrer dans le sens dun rééquilibrage du territoire, puisque la proportion des sommes affectées à la province Sud a été de 27 et 35 % pour les périodes respectives de 1990-1992 et 1993-1997, à la province des îles 19 et 19 % pour les mêmes périodes, à la province Nord 54 et 46 %. Le fonds intercommunal de péréquation, créé par la loi du 4 janvier 1993, a permis également de combler des retards déquipement que connaissaient les communes, et en particulier celle de Nouméa, atteinte par une croissance démographique rapide. La capitale de lîle a conclu avec lEtat un contrat de ville le 18 février 1993 pour une durée de cinq ans, le montant total de ce contrat portant sur 454 millions de francs, financés par lEtat, la commune et la province Sud. La Nouvelle-Calédonie a également bénéficié de financements dorigine européenne, par lintermédiaire des concours du fonds européen de développement. Enfin, des structures financières et économiques adaptées ont été instituées. Ainsi, la Banque calédonienne dinvestissement a été créée en 1989. Elle intervient en qualité de banque de développement et réalise entre trois et quatre mille prêts par an, répartis pour moitié dans limmobilier, un tiers dans le secteur productif et le solde dans léquipement des ménages. La même année, linstitut calédonien de participation a vu le jour sous la forme dune société dEtat. Sa vocation est de prendre des participations au capital de sociétés afin de leur faciliter laccès au crédit bancaire. Par ailleurs, un G.I.E. Nouvelle-Calédonie Tourisme a été constitué afin de fédérer les actions de promotion touristique hors du territoire. En 1995, enfin, lEtat, le territoire et les provinces ont formé lassociation pour le développement économique de la Nouvelle-Calédonie, afin de permettre aux investisseurs extérieurs de sinstaller sur le territoire. Le développement économique sest manifesté de manière très concrète en Nouvelle-Calédonie par la création dun certain nombre déquipements publics qui ont tenté de remédier au déséquilibre du territoire, dont souffre notamment la province Nord et de province des îles. Ainsi à Koné, chef-lieu du Nord, ont été installés les services provinciaux, un tribunal ainsi quun bureau de R.F.O. Pouembout a vu souvrir un lycée agricole dEtat et à Poindimié a été édifié un second hôpital provincial. En outre, la province Nord a décidé de devenir un acteur du secteur minier et métallurgique, notamment par la création de la SOFINOR, société de financement de la province Nord, qui a racheté, en 1990, au groupe Lafleur, la société minière du Sud Pacifique. Enfin, cette province sest également engagée dans une politique visant à développer lindustrie du tourisme par louverture de villages de vacances et dhôtels. La province des îles a, elle aussi, bénéficié dun certain développement économique depuis 1988. Wé, capitale de la province, a accueilli un lycée et un tribunal. A Maré, le centre culturel Yeiwéné Yeiwéné a été ouvert. Mais cest surtout par lamélioration concrète de la vie quotidienne des habitants de la province que se sont manifestés les efforts en faveur de développement économique. Une trentaine de tribus bénéficient désormais dune desserte téléphonique. Des investissements importants ont été réalisés pour améliorer ladduction deau dans de nombreux points de la province et les marchés de Wé et de Maré ont été aménagés. La province Sud a également fait lobjet dune attention réelle en matière de développement, avec le souci déviter un déséquilibre excessif entre la capitale, Nouméa, et le reste de la province. Un certain nombre déquipements prestigieux ont été édifiés au sud de la Grande Terre : le nouveau siège de la Commission du Pacifique Sud, le centre culturel Jean-Marie Tjibaou, le campus universitaire de Nouville, lhôtel de la province Sud... Au total, voulue par les signataires des accords de Matignon et dOudinot, la politique de rééquilibrage politique, économique, social et culturel a été entreprise de manière très volontaire. Les résultats obtenus après dix ans defforts sont encourageants. Ils ont contribué à renforcer lesprit de dialogue entre les communautés en apaisant les peurs et les frustrations. Reste que ces dix années se sont vite écoulées et quaujourdhui le cap esquissé depuis 1988 doit être maintenu. Cest le sens de laccord de Nouméa signé le 5 mai dernier. III. LACCORD DE NOUMÉA POUR UNE ÉVOLUTION INSTITUTIONNELLE ORIGINALE A. LA VOLONTÉ DÉVITER UN RÉFÉRENDUM-COUPERET Larticle 2 de la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 prévoyait que les populations intéressées de Nouvelle-Calédonie auraient à se prononcer, entre le 1er mars et le 31 décembre 1998, par un scrutin dautodétermination, conformément aux dispositions de larticle 53 de la Constitution, sur le maintien du territoire dans la République ou son accession à lindépendance. Si léchéance semblait suffisamment lointaine lors de la conclusion des accords de Matignon, il est, cependant, très vite apparu que la période transitoire de dix ans serait, en définitive, trop courte pour permettre aux partenaires de ces accords de parvenir à rapprocher leurs points de vue sur la réponse à apporter à un référendum dautodétermination. M. Jacques Lafleur avait, dès 1991, souligné les inconvénients quil y aurait à procéder à la consultation prévue, quil qualifiait de référendum-couperet . Un scrutin sur lautodétermination naurait pu, en effet, aboutir quà la constatation dun désaccord fondamental sur lavenir du territoire, se traduisant par la séparation des électeurs en deux camps hostiles, de force à peu près équivalente. Aucun des deux protagonistes ny avait intérêt, pas plus celui qui laurait emporté que celui qui aurait été vaincu. A cet égard, le souvenir du référendum du 18 septembre 1987 était édifiant. Sans doute avait-il pu apparaître, dans un premier temps, comme un succès pour les loyalistes, puisquil concluait au rejet de lindépendance. Mais il avait très rapidement conduit à un paroxysme de violence que personne ne pouvait souhaiter voir se reproduire dans le territoire. Très rapidement, les indépendantistes parvenaient également à la conclusion quils nauraient rien à gagner dun référendum, qui ne pouvait aboutir à lindépendance. Contrairement aux espérances quils avaient pu former au moment de la conclusion des accords de Matignon, lévolution démographique, favorable à la population dorigine mélanésienne, navait pas suffi à leur acquérir une majorité. Les conditions se trouvaient donc réunies pour quune négociation puisse sengager afin de sortir de cette impasse. Cependant, les premières discussions faisaient apparaître que le F.L.N.K.S. posait à toute négociation sur lavenir institutionnel du territoire un préalable : la conclusion dun accord sur le nickel qui donnerait sa viabilité au projet de construction dune usine de traitement dans la province Nord. On doit rappeler que le nickel représente la principale richesse du territoire, puisquil correspond à 11,5 % de son produit intérieur brut et assure 90 % de ses exportations. La Nouvelle-Calédonie fournit 12,3 % de la production mondiale et possède une part très importante des ressources mondiales connues. Cependant la valeur ajoutée par le territoire reste faible puisque 45 % du métal extrait seulement est traité localement, le reste étant exporté sous forme de minerai brut vers le Japon, les Etats-Unis et lAustralie. A la suite des accords de Matignon, en 1990, la société minière du Sud Pacifique (S.M.S.P.) a été rachetée au groupe Lafleur par la société de financement de la province Nord (SOFINOR), qui a également racheté la société Nouméa-Nickel, en 1991. De ce fait la province Nord possède une part importante des ressources minières du territoire. Cependant, le seul site de traitement du nickel, dont la capacité de production est denviron 54.000 tonnes par an, géré par la société Le Nickel (S.L.N.) détenue à 90 % par le groupe Eramet, dont lEtat est actionnaire à hauteur de 55 % est situé à Doniambo, à quelques kilomètres de Nouméa. Depuis longtemps, la province Nord demande la construction dune autre usine de traitement dans le Nord, qui avait déjà été promise par le Général de Gaulle, dans les années soixante. Dans cette perspective, elle a mis au point, en mars 1996, par lintermédiaire de la S.M.S.P. et avec le groupe canadien Falconbridge, un projet de construction dune usine pyrométallurgique située dans le Nord, dont la production annuelle pourrait être de 54.000 tonnes de nickel, soit la capacité actuelle de la S.L.N., et qui serait susceptible de créer 700 à 800 emplois. Or, le groupe Falconbridge subordonnait sa participation à linvestissement requis, évalué à 1.3 milliards $, à loctroi dune garantie daccès à un gisement de qualité pendant au moins vingt-cinq ans, ce que la S.M.S.P. ne pouvait lui assurer quen effectuant un échange de gisements avec Eramet. Cest au règlement de cette question que le F.L.N.K.S. subordonnait la reprise de négociations sur lavenir institutionnel du territoire. LEtat, soutenant le projet dimplantation dune usine dans le Nord et souhaitant quavant léchéance prévue par la loi référendaire du 9 novembre 1988 un accord puisse être trouvé pour éviter lorganisation dun référendum sur lautodétermination, sest efforcé de trouver une solution au préalable minier. Cest ainsi que, le 9 juillet 1997, le Premier ministre, M. Lionel Jospin, a chargé M Philippe Essig dune mission dévaluation sur la faisabilité financière et industrielle du projet S.M.S.P. Falconbridge. Un pré-rapport était remis le 15 septembre, puis des conclusions finales rendues publiques le 30 octobre, tendant au rachat par une entité indépendante des titres des massifs miniers de Koniambo et de Poum. Sur ces bases, le 1er février 1998, un protocole daccord était signé entre lEtat, la S.M.S.P. et Eramet prévoyant léchange du massif minier de Koniambo, détenu par Eramet, et du massif de Poum appartenant à la S.M.S.P. Dans ses grandes lignes ce protocole, couramment appelé accord de Bercy , dispose que lentité indépendante cédera les titres miniers de Koniambo à la S.M.S.P. et ceux de Poum à Eramet, lorsque la décision de construire lusine dans la province Nord sera arrêtée. Léchéance prévue est fixée à 2005, un point sur létat davancement du dossier devant être fait en 2002. Le préalable minier étant levé, les négociations pouvaient, enfin, sengager, en février, sur lavenir institutionnel du territoire. Après quelques péripéties et grâce à la volonté de dialogue, à louverture desprit et à la détermination de tous les participants, elles aboutissaient le 21 avril à un accord, signé le 5 mai par le F.L.N.K.S., le R.P.C.R. et, au nom de lEtat, par le Premier ministre, qui sest rendu dans le territoire pour assister à linauguration du centre culturel Tjibaou et parapher laccord. B. LACCORD DE NOUMÉA PREND EN COMPTE LA SPÉCIFICITÉ DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE Laccord de Nouméa constitue indéniablement un texte original, qui tient pleinement compte de la spécificité de la Nouvelle-Calédonie, par sa rédaction et par les solutions quil propose. Il comporte deux parties, la première qualifiée de préambule et la seconde de document dorientation. Le préambule représente, sans aucun doute, la partie la plus originale de laccord de Nouméa. Sil comporte effectivement une reconnaissance de ce quil qualifie lui-même d ombres de la période coloniale , il ne constitue pas, cependant, une simple déclaration de repentance. Il est bien davantage laffirmation dun peuple en devenir, qui tire sa réalité dun passé multiforme, sur la base duquel il entend construire son avenir. Le préambule rappelle dabord que la Nouvelle-Calédonie a été soumise à la colonisation. Il constate que la prise de possession du territoire par la France a été un acte unilatéral, quelle a représenté pour la population dorigine un traumatisme durable. Evoquant la culture kanake, ses traditions, notamment son lien particulier avec la terre, il souligne la perte didentité et de dignité, la désorganisation sociale qua provoquée la colonisation, au travers notamment des dépossessions foncières, des déplacements de population, de la négation de la culture kanake. Il ajoute que les libertés publiques ont longtemps été niées, les droits politiques refusés aux Kanaks, malgré le tribut quils avaient payé à la France, notamment lors de la Première guerre mondiale. Tout en exprimant la nécessité de faire mémoire des souffrances qui ont ainsi été endurées par le peuple kanak, de lui restituer son identité confisquée, ce qui équivaut pour lui à reconnaître sa souveraineté, cette reconnaissance étant un préalable à la fondation dune nouvelle souveraineté partagée dans un destin commun, le préambule ne fait pas abstraction des autres communautés vivant sur le territoire. Il constate que les nouvelles population arrivées sur le territoire ont participé, dans des conditions souvent difficiles à la mise en valeur, au développement, à laménagement de la Nouvelle-Calédonie. Il reconnaît que les communautés qui vivent sur le territoire ont acquis par leur participation à lédification de la Nouvelle-Calédonie une légitimité à y vivre, quelles sont indispensables à son équilibre social et au fonctionnement de son économie et de ses institutions sociales. Le préambule juge que le moment est venu pour la Nouvelle-Calédonie de poser les bases dune nouvelle citoyenneté permettant au peuple dorigine, qui doit voir sa part à lexercice des responsabilités accrue, de constituer avec les hommes et les femmes qui vivent dans le territoire une communauté humaine affirmant un destin commun. Une formule du préambule résume assez bien laperçu à la fois historique et prospectif quil dresse : Le passé a été le temps de la colonisation. Le présent est le temps du partage, par le rééquilibrage. Lavenir doit être le temps de lidentité, dans un destin commun. Puis, le préambule évoque rapidement, puisquils sont développés dans le document dorientation les aspects essentiels de la nouvelle organisation politique de la Nouvelle-Calédonie, qui justifient une modification de la Constitution. Il sagit : de la pleine reconnaissance de lidentité kanake, qui conduit à préciser le statut coutumier et ses rapports avec le statut civil de droit commun ; de la possibilité pour le Congrès du territoire dadopter des délibérations ayant valeur législative, préparées et mises en oeuvre par un Exécutif élu ; de la définition de signes de citoyenneté, qui pourront se transformer, au terme de la période transitoire, en nationalité ; de la limitation du corps électoral aux personnes établies en Nouvelle-Calédonie depuis une certaine période ; de restrictions en matière daccès à lemploi destinées à favoriser lemploi de personnes établies durablement dans le territoire ; du partage des compétences entre lEtat et le territoire témoignant dune souveraineté partagée, le transfert de compétences présentant un caractère irréversible. Enfin, le préambule évoque laide que lEtat devra apporter à la Nouvelle-Calédonie pour mettre en place sa nouvelle organisation et prévoit quau terme dune période de vingt ans le choix sera proposé aux populations de faire accéder le territoire à un statut international de pleine responsabilité, cest-à-dire à lindépendance. Le document dorientation, qui constitue, en quelque sorte, le dispositif de laccord, comprend six parties. Il traite successivement de lidentité kanake, des institutions, du partage des compétences entre lEtat et le territoire, du développement économique et social, de lévolution de lorganisation politique de la Nouvelle-Calédonie, cest-à-dire des perspectives qui souvriront au territoire au terme de la période transitoire, et de lapplication de laccord, donc des textes qui conditionnent sa mise en oeuvre, des consultations qui doivent intervenir dans le territoire et du suivi de laccord. · Lidentité kanake Corollaire de la reconnaissance par le préambule des atteintes qui ont été portées à lidentité kanake, le texte de laccord prévoit quelle doit mieux être prise en compte dans lorganisation politique et sociale de la Nouvelle-Calédonie. Cest ainsi que le statut civil de droit particulier, qui prendra le nom de statut coutumier, pourra être revendiqué par ceux qui lont perdu, cette mesure, dérogatoire au principe défini par larticle 75 de la Constitution, constituant lune des justifications de la révision constitutionnelle. La place de la coutume devra être pleinement reconnue, dans le domaine de la justice, dabord, avec la définition dun statut juridique du procès-verbal de palabre, pour lequel une procédure dappel sera prévue, et le renforcement du rôle des autorités coutumières dans la médiation pénale et sociale ; dans le domaine de laménagement de lespace, au travers dune meilleure prise en compte des aires coutumières, notamment dans la délimitation des limites communales ; dans le domaine institutionnel, enfin, la place des autorités coutumières étant reconnue, en particulier grâce à la création dun Sénat coutumier. Le patrimoine culturel kanak sera valorisé, par le recensement des noms de lieux, qui se sont parfois perdus, par le retour, dans toute la mesure du possible, des objets culturels kanaks dispersés dans le monde, par la reconnaissance des langues kanakes, notamment dans lenseignement et les médias, par la valorisation de la culture kanake, le centre culturel Tjibaou, auquel lEtat sengage à apporter une aide financière et technique durable, jouant, à cet égard, un rôle essentiel. Compte tenu de la place déterminante de la terre dans lidentité kanake, un effort particulier devra être fait dans le domaine foncier, le rôle et les conditions de fonctionnement de lagence de développement rural et daménagement foncier faisant lobjet dun bilan approfondi, les terres coutumières étant cadastrées et la réforme foncière, orientée vers la restitution des terres coutumières à leurs occupants légitimes, étant poursuivie. Enfin, des signes identitaires du pays, tels que drapeau, hymne, devise, devront être recherchés en tenant compte de lidentité kanake, mais aussi du futur partagé entre les différentes communautés vivant dans le territoire. · Les institutions Laccord dresse les grandes lignes des institutions qui seront mises en place dans le territoire. Elles devraient lui donner un statut de large autonomie, grâce à la possibilité donnée au Congrès dadopter des lois du pays , par linstitution dun exécutif élu - qui se substituerait au haut-commissaire exerçant actuellement cette fonction, aux termes de la loi référendaire du 9 novembre 1988 - et au travers de la reconnaissance dune citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie, qui se traduirait par la définition dun corps électoral restreint à ceux qui ont une véritable attache avec le territoire. En ce qui concerne les assemblées, il faut noter que les trois assemblées de provinces seront maintenues, de même que leur regroupement pour former le Congrès du territoire. Toutefois, outre leurs sept, quinze et trente-deux membres actuels, les assemblées de la province des Iles Loyauté, de la province Nord et de la province Sud éliront respectivement sept, sept et huit membres supplémentaires, non membres du Congrès, lors de la mise en place des institutions, leur nombre pouvant être réduit pour les mandats suivants. La durée du mandat des membres des assemblées de province et des membres du Congrès sera maintenue à cinq ans. Innovation essentielle, certaines délibérations du Congrès auront le caractère de lois du pays, cest-à-dire quelles échapperont au contrôle de légalité a posteriori de la juridiction administrative pour nêtre soumises quau contrôle préalable du Conseil constitutionnel, dans des conditions comparables à celles prévues par larticle 61 de la Constitution pour les lois votées par le Parlement . Un Sénat coutumier se substituera à lactuel conseil consultatif coutumier. Composé de seize membres, deux par aires coutumières, il sera obligatoirement saisi des lois du pays portant sur lidentité kanake, le Congrès devant à nouveau délibérer lorsque lavis quil émettra ne sera pas conforme. Parallèlement, un conseil économique et social, comprenant notamment des représentants du Sénat coutumier, sera mis en place, qui sera consulté sur les délibérations du Congrès présentant un caractère économique et social. Des restrictions seront apportées à la définition du corps électoral, dune manière différenciée selon quil sagit des consultations sur lavenir du territoire ou des scrutins pour lélection des assemblées de province et du Congrès. Sagissant de la consultation prévue au terme de la période transitoire, pourront y participer, les électeurs inscrits sur les listes électorales à la date de cette consultation, déjà inscrits en 1998 et résidant sur le territoire depuis le référendum du 6 novembre 1988, cette condition de résidence étant néanmoins écartée si les interruptions dans la continuité de leur domicile résultent de raisons professionnelles ou familiales ou si, de statut coutumier ou nés en Nouvelle-Calédonie ou ayant un parent né sur le territoire, ils y ont le centre de leurs intérêts matériels et moraux. Sy ajouteront les jeunes ayant atteint leur majorité électorale, à la condition quils aient eu leur domicile en Nouvelle-Calédonie de 1988 à 1998, sils sont nés avant 1988, ou que lun de leurs parents ait rempli les conditions pour voter en 1998, dans le cas contraire. Enfin, toute personne pouvant justifier de vingt ans de domicile continu dans le territoire en 2013 pourra également voter. Pour les élections aux assemblées de province et au Congrès, pourront participer au vote, outre les électeurs inscrits sur les listes électorales en 1998 et résidant sur le territoire depuis le 6 novembre 1988, ceux qui rempliront une condition de domicile de dix ans à la date de lélection ainsi que ceux qui, atteignant leur majorité après 1998, auront été domiciliés en Nouvelle-Calédonie de 1988 à 1998, ou auront un parent admis à voter en 1998 ou domicilié dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de lélection. On doit constater que, comme cétait le cas depuis 1988, il y aura toujours lieu de tenir, en plus de la liste électorale de droit commun pour les consultations à caractère national - élection présidentielle et élections législatives -, une liste électorale pour les consultations sur lavenir du territoire et un tableau annexe pour les élections locales. Pour les élections municipales, ce sera le corps électoral de droit commun qui pourra y participer, sauf si les communes recevaient une organisation propre à la Nouvelle-Calédonie. Il faut souligner, enfin, que laccord de Nouméa prévoit, pour favoriser le fonctionnement des assemblées locales en évitant une dispersion des suffrages, que le seuil de 5 %, pris en compte pour la répartition des sièges, sappliquera aux électeurs inscrits et non aux suffrages exprimés. La fonction exécutive sera assurée par un Gouvernement collégial, élu par le Congrès à la représentation proportionnelle, à partir de listes de candidats, appartenant ou non au Congrès, présentées par les groupes politiques. Sa composition sera déterminée par le Congrès, devant lequel il sera, par ailleurs, responsable. Les fonctions de membres du Gouvernement seront incompatibles avec celles de membres du Congrès. Toutefois les membres du Congrès nommés au Gouvernement, remplacés par leur suivant de liste, pourront retrouver leur siège, sils cessent dappartenir au Gouvernement. Le représentant de lEtat sera informé des réunions du Gouvernement et pourra assister à ses délibérations. Il pourra demander une deuxième délibération de ses décisions, qui lui seront transmises avant leur publication. · La répartition des compétences entre lEtat et le territoire Laccord prévoit une nouvelle répartition des compétences, distinguant celles qui seront transférées de lEtat au territoire, celles qui seront partagées et les compétences régaliennes, qui resteront de la compétence exclusive de lEtat jusquau terme de la période transitoire. Sagissant des compétences transférées, les signataires de laccord font preuve dun grand pragmatisme, puisquils prévoient un transfert progressif, distinguant les compétences qui seront immédiatement exercées par le territoire de celles qui ne le seront que dans une deuxième étape, dont ils ne fixent pas demblée la date. En revanche, ils précisent que les transferts seront irréversibles, afin déviter les allers et retours qui ont trop souvent caractérisé lhistoire institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie. Dès linstallation des nouvelles institutions, un certain nombre de compétences seront immédiatement transférées au territoire. Il sagit dabord de la réglementation de laccès à lemploi, domaine dans lequel des mesures pourront être prises pour garantir les droits de la population locale. Cette disposition est lune de celles qui justifient une révision constitutionnelle. Seront également de la compétence du territoire, le droit au travail des ressortissants étrangers, le commerce extérieur, les communications extérieures en matière de postes et de télécommunications, sauf pour ce qui concerne les communications gouvernementales et la réglementation des fréquences radioélectriques, la navigation, les dessertes maritimes internationales, les dessertes aériennes lorsquelles ne concernent que la Nouvelle-Calédonie, lexploration, lexploitation, la gestion et la conservation des ressources naturelles de la zone économique, les principes directeurs du droit du travail et de la formation professionnelle, la médiation pénale coutumière, la définition des peines contraventionnelles pour les infractions aux lois du pays, les règles relatives à ladministration provinciale, lenseignement primaire, le domaine public maritime, enfin, pour lequel, la compétence reviendra aux provinces. Dans une deuxième étape, qui pourra prendre place au cours du deuxième ou du troisième mandat du Congrès, de nouvelles compétences seront transférées. Elles concerneront létat-civil, à lexclusion cependant de sa réglementation, la police et de la sécurité de la circulation maritime et aérienne intérieure, sous réserve dun droit de contrôle de lEtat, le régime comptable et financier et le contrôle administratif des collectivités publiques et de leurs établissements publiques, le droit civil et commercial, les principes directeurs de la propriété foncière et des droits réels, la législation relative à lenfance délinquante et à lenfance en danger, les règles relatives à ladministration communale, lenseignement du second degré et les règles applicables aux maîtres de lenseignement privé sous contrat. Léchéancier prévu pour ces transferts de compétence pourra être modifié par le Congrès à la majorité des trois cinquièmes. Certaines compétences seront partagées entre lEtat et le territoire, dans toute la mesure où elles sexercent à légard du territoire. Il sagit dabord du domaine des relations internationales et régionales, dans lequel les intérêts particuliers de la Nouvelle-Calédonie devront être pris en compte, le territoire étant associé à certaines négociations, pouvant participer à certaines organisations internationales et étant représenté dans les pays de la région et auprès de lUnion européenne. Le partage de compétences sexercera également en ce qui concerne la réglementation de lentrée et du séjour des étrangers en France, la politique de communication audiovisuelle, le maintien de lordre, la réglementation minière, les dessertes aériennes pour ce qui ne relèvera pas de la compétence exclusive du territoire, lenseignement supérieur et la recherche scientifique, enfin. Quant aux compétences régaliennes, cest-à-dire la justice, lordre public, la défense, la monnaie, y compris le crédit et les changes, et les affaires étrangères, sous réserve du partage de compétences déjà évoqué, elles resteront de la compétence exclusive de lEtat jusquau terme de la période transitoire. Un effort de formation des Néo-calédoniens à lexercice de ces responsabilités, prenant en compte les nécessités du rééquilibrage au bénéfice des Kanaks, sera cependant fait au cours de cette période. · Le développement économique et social Le développement économique et social, qui constituait un axe majeur des accords de Matignon, dont on a vu que le bilan était significatif, reste une préoccupation importante des signataires de laccord de Nouméa. Il est évident quil conditionne lavenir harmonieux et pacifique du territoire. Cest dabord dans le domaine de la formation que les efforts devront être poursuivis, avec toujours le souci du rééquilibrage, mais aussi une réelle volonté de prendre en compte les réalités locales. Tandis que des actions seront conduites pour favoriser la reconnaissance mutuelle des formations et des diplômes avec les Etats voisins, lUniversité du Pacifique Sud devra répondre aux besoins spécifiques de formation et de recherche de la Nouvelle-Calédonie. Quant à lInstitut de formation des personnels administratifs, il sera rattaché au territoire. Parallèlement, la formation de cadres moyens et supérieurs, notamment dans les domaines techniques et financiers, sera soutenue par lEtat à travers les contrats de plan. Un programme spécifique destiné à former les Kanaks à lexercice des responsabilités prendra la suite du programme 400 cadres mis en place par les accords de Matignon. De même, la procédure des contrats de développement conclus par lEtat avec le territoire, les provinces et les communes sera maintenue. Un schéma de mise en valeur des ressources minières sera élaboré, sa mise en route relevant de la compétence du territoire, et la politique énergétique sera conduite dans une perspective dautonomie et de rééquilibrage. Sagissant du financement de léconomie, qui devra être modernisée, lInstitut calédonien de participation sera maintenu. En matière de politique sociale, leffort en faveur du logement social sera poursuivi, avec laide de lEtat, et une couverture généralisée sera mise en place. Par ailleurs, la Nouvelle-Calédonie devra être mise en mesure de disposer dune maîtrise suffisante des principaux outils de son développement, ce qui signifie quelle pourra prendre le contrôle détablissements publics nationaux nintervenant que sur le territoire, comme lOffice des postes et télécommunications, la Société néo-calédonienne de lénergie, lAgence de développement rural et daménagement foncier, lAgence de développement de la culture kanake. · Lévolution de lorganisation politique du territoire Laccord de Nouméa ne règle pas de manière définitive lavenir de la Nouvelle-Calédonie. A la suite des accords de Matignon qui couvraient la période 1988-1998, il institue une nouvelle période transitoire avant quun choix définitif ne soit offert aux habitants du territoire. La durée de cette période nest pas précisément définie puisquelle pourra être de quinze à vingt ans. Cest en effet au cours du quatrième mandat du Congrès, la durée du mandat étant de cinq ans, quune consultation sera organisée, à une date fixée par le Congrès, par une délibération adoptée à la majorité des trois cinquièmes, ou, à défaut, par lEtat au cours de la dernière année de ce quatrième mandat. La consultation portera sur le transfert à la Nouvelle-Calédonie des compétences régaliennes exercées jusqualors par lEtat, laccès à un statut international de pleine responsabilité et lorganisation de la citoyenneté en nationalité. Bien que ce concept ne soit pas mentionné, il sagira bien, en fait, pour les Néo-calédoniens de se prononcer sur laccession à lindépendance du territoire. En cas de réponse négative, laccord prévoit quun tiers des membres du Congrès pourra provoquer une nouvelle consultation, dans la deuxième année suivant la première. Il pourra être procédé, toujours en cas de réponse négative, à une ultime consultation, selon la même procédure et dans les mêmes délais. Si celle-ci aboutit à un rejet, les partenaires politiques seront appelés à se réunir pour examiner la situation ainsi créée. Le principe dirréversibilité des transferts de compétences se trouve réaffirmé, puisque laccord dispose quau cas où les consultations nauraient pas abouti à laccession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté, lorganisation politique résultant de laccord de Nouméa restera en place à son dernier stade dévolution. Il est enfin précisé quune partie de la Nouvelle-Calédonie ne pourra accéder seule à la pleine souveraineté, quels que soient les résultats de la consultation dans les différentes régions. La scission éventuelle du territoire en plusieurs entités se trouve ainsi écartée. · Lapplication de laccord Dans une ultime partie, laccord précise les conditions de sa mise en oeuvre. Il prévoit dabord que lEtat préparera les textes nécessaires à son application et dabord la révision de la Constitution dont lAssemblée est saisie aujourdhui. Cette première étape devra être suivie du vote dune loi organique et dune loi simple qui préciseront le cadre institutionnel du territoire, la répartition des compétences entre lEtat, le territoire, les provinces et les communes et mettront en place les instruments du développement économique et social de la Nouvelle-Calédonie. Après le vote de la présente loi constitutionnelle, qui en autorise lorganisation, une consultation des populations intéressées de la Nouvelle-Calédonie aura lieu sur lorganisation politique du territoire telle quelle est prévue par laccord de Nouméa. Cette consultation se substituera à celle prévue par larticle 2 de la loi référendaire du 9 novembre 1988 qui devait, en application de larticle 53 de la Constitution, porter sur lautodétermination. Puis, dans les conditions prévues par la loi organique, qui devrait être soumise au Parlement au début de lannée 1999, et dans les six mois suivant son adoption, des élections aux assemblées de province et au Congrès auront lieu, le mandat des membres actuels de ces assemblées prenant fin à la date de ces élections. Les nouvelles institutions seront alors en place et la période transitoire de quinze à vingt ans pourra souvrir, pour sachever entre 2014 et 2019. Laccord prévoit enfin la mise en place dun comité des signataires, chargé du suivi de son application. Il sera dabord consulté sur le projet de loi organique, ce qui lui permettra de sassurer quil est fidèle à lesprit de laccord. Ce sera une structure de concertation très précieuse pour éviter déventuels conflits. C. LA RÉACTION DES ACTEURS LOCAUX : COMPTE-RENDU DES ENTRETIENS DE LA DÉLÉGATION DE LA COMMISSION EN NOUVELLE-CALÉDONIE Avant que lAssemblée ne soit saisie du projet de loi constitutionnelle, une délégation de la Commission, réunissant des représentants de tous les groupes politiques (6), s'est rendue dans le territoire. Elle a jugé nécessaire dy effectuer des déplacements afin de prendre dans les trois provinces la mesure concrète du bilan des accords Matignon, notamment dans le domaine des infrastructures routières, scolaires, hospitalières. C'est ainsi que la délégation s'est rendue dans la province des Iles Loyauté, à Maré et à Lifou, ainsi que dans la province Nord, à Koné, Poindimié et Touho. Elle a également séjourné à Nouméa, où elle a pu assister à linauguration du centre culturel Tjibaou et à la signature de laccord du 5 mai. Il nest pas indifférent soulignons-le que linauguration du centre, en présence de Mme Marie-Claude Tjibaou, ait précédé la signature de laccord. Cette reconnaissance de lidentité culturelle kanake, comme héritage du peuple dorigine, mais aussi comme moteur de la projection vers lavenir dun peuple calédonien en devenir, est, à lévidence, le fil conducteur de laccord et sa profonde originalité. La délégation a évidemment tenu à avoir des contacts avec lensemble des acteurs locaux pour recueillir leurs observations sur lavenir du territoire à la suite de la signature de laccord de Nouméa. Elle a, en particulier, rencontré : au titre des forces politiques du territoire, M. Jacques Lafleur, président du R.P.C.R., député et président de lAssemblée de la province Sud, qui était accompagné de M. Pierre Frogier, secrétaire général du R.P.C.R., député, et de M. Simon Loueckhote, sénateur, ainsi que M. Roch Wamytan, président du F.L.N.K.S., entouré de Paul Néaoutyine, Charles Pidjot, Victor Tutugoro, Bernard Lepeu, René Porou, André Nemia, Jean-Louis dAngletermes, Moleana Atelemo et Wassissi Konyi, membres du bureau politique du F.L.N.K.S. ; pour les autorités du territoire, M. Harold Martin, président du Congrès et M. Pierre Maresca, président de la commission permanente ; s'agissant des provinces, les présidents des trois assemblées, M. Jacques Lafleur, déjà mentionné, pour la province Sud, M. Léopold Jorédié, pour la province Nord et M. Nidoish Naisseline, pour la province des Iles Loyauté ; parmi les élus locaux, M. Jean Lèques, maire de Nouméa, M. Paul Néaoutyine, maire de Poindimié, président de lassociation des maires de Nouvelle-Calédonie, M. Jean-Pierre Taïeb Aïfa, maire de Bourail, M. Louis Mapéri, maire de Thio, M. Bernard Marant, maire de Dumbéa, M. Hubert Newedou, maire de Yaté, M. Robert Frouin, maire de Koumac, M. Alain Levant, maire de Kaala-Gomen, M. Marcel Nedia, maire de Koné, M. Daniel Poingoune, maire de Touho, M. Jules Paala, maire de Maré et M. Robert Xowie, maire de Lifou ; concernant les autorités coutumières, M. Bergé Kawa, président du conseil consultatif coutumier, M. Gabriel Païta et plusieurs des membres du conseil, ainsi que de nombreux chefs coutumiers dans les Iles Loyauté, notamment M. Etoroi Etoroi, M. Nidoish Naisseline, également président de la province des Iles, M. Paul Sihaze, M. Pierre Zéoula ; dans le domaine culturel, économique et social, Mme Marie-Claude Tjibaou, présidente de lassociation pour le développement de la culture kanake, M. Bernard Paul, président du comité économique et social et plusieurs des membres du comité, M. Kotra Ureguei, président de lU.S.T.K.E., principal syndicat du territoire, et plusieurs de ses membres, la délégation ayant, par ailleurs visité lusine de traitement du nickel de Doniambo ; pour les autorités juridictionnelles, M. Olivier Aimot, Premier président de la Cour dappel, M. Gérard Nédellec, Procureur général et M. Foté Trolue, unique magistrat dorigine mélanésienne ; au titre, enfin des responsables administratifs, M. Dominique Bur, délégué du Gouvernement pour la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna, haut-commissaire pour la Nouvelle-Calédonie et ses principaux collaborateurs à Nouméa, M. Martin Jaeger, commissaire délégué pour la province des Iles et M. Bernard Guérin, commissaire délégué pour la province Nord ainsi que leurs collaborateurs. La délégation tient à remercier lensemble de ses interlocuteurs qui, chacun à leur manière, lont aidée à mieux comprendre la réalité de la Nouvelle-Calédonie et ses spécificités, qui justifient les mesures dérogatoires au droit commun que lapplication de laccord de Nouméa suppose et que le projet de loi constitutionnelle a pour objet de permettre. Sans prétendre rendre compte de manière exhaustive de lensemble des entretiens fort nombreux et très denses auxquels la délégation a procédé, votre rapporteur souhaiterait en dégager les principaux éléments qui lui paraissent de nature à éclairer les travaux de lAssemblée. Le premier constat qui s'impose réside dans la persistance dune approche radicalement différente sur lavenir à terme de la Nouvelle-Calédonie. Il est tout à fait indiscutable que le R.P.C.R. souhaite le maintien du territoire dans la République. Tous ses dirigeants lont dit à la délégation et dabord M. Jacques Lafleur, qui la très clairement affirmé dans le discours qu'il a prononcé, lors de la signature de laccord de Nouméa : Je suis persuadé que, dans vingt ans, les Calédoniens choisiront de demeurer au sein de la République dans le cadre de ces relations refondées, rénovées et approfondies. Pour le F.L.N.K.S., au contraire, il ne fait pas de doute que la période transitoire de vingt ans ouverte par laccord doit déboucher sur lindépendance de la Nouvelle-Calédonie. Egalement lors de la signature de laccord de Nouméa, M. Roch Wamytan déclarait : Je voudrais m'adresser au peuple kanak pour lui dire que ces accords de Nouméa verront la mise en place progressive de notre droit à la souveraineté et à lindépendance comme ciment dun peuple en émergence ... Lindépendance ce n'est pas pour dans 20 ans, elle commence à se construire dès aujourdhui. Paradoxalement, lexistence même de ce désaccord est porteur despoir. Dabord, on doit souligner qu'il est la cause première de la signature de laccord de Nouméa. C'est, en effet, sa prise en compte, la volonté de ne pas figer des positions antagonistes dans un référendum couperet , selon les termes mêmes de Jacques Lafleur, qui naurait pu aboutir, quel que soit son résultat, qu'à désespérer une moitié de la population, au risque de la plonger, à nouveau dans la violence qui a conduit les deux principales forces politiques à rechercher une solution de compromis acceptable pour tous. En outre, dès lors que les divergences sont connues, que la conclusion de l'accord ne repose sur aucun malentendu, il est finalement rassurant de constater que les différent acteurs calédoniens sont néanmoins disposés à construire ensemble lavenir du territoire. Ils témoignent ainsi de leur maturité politique, de leur souci prioritaire de lintérêt commun, de leur confiance dans lavenir. Toujours lors de la signature de laccord de Nouméa, M. Roch Wamytan déclarait : Chacun y a mis de la bonne volonté malgré des divergences de fond et cela sans se renier ou se compromettre. Des concessions importantes ont été faites, de part et dautre, pour préserver la paix et lharmonie dans ce territoire. Comme le disait Saint Thomas dAquin, La concorde ne naît pas de lidentité des pensées, mais de lidentité des volontés . Il y a eu effectivement identité des volontés pour arriver à une solution qui partait initialement de positions diamétralement opposées ... Le F.L.N.K.S. fait le pari qu'au bout de la durée (de vingt ans) les options seront non plus opposées ou contradictoires, mais parallèles, prélude à lémergence de ce futur peuple en devenir. Et M. Jacques Lafleur : Cet accord n'a été rendu possible que par les concessions parfois douloureuses, faites de part et d 'autre, mais il ne traduit aucun renoncement des partenaires locaux à leurs convictions profondes. Il est, en revanche, lexpression sincère dun désir de vivre et de construire ensemble une Nouvelle-Calédonie dans laquelle chacun se reconnaisse. Et Dans le même sens, il faut se féliciter de lévolution de lopinion publique. M. Jean Lèques, maire de Nouméa, rappelait à la délégation que, lors du référendum qui a suivi les accords Matignon-Oudinot, il y a dix ans, la majorité de la population de la ville, dorigine européenne, avait voté en faveur du non. Le sentiment de crainte, le manque de confiance, prédominait alors parmi les partisans du R.P.C.R., ce qui, soulignons-le, augmente le mérite de ses dirigeants, et notamment de M. Jacques Lafleur, davoir néanmoins, aux côtés du F.L.N.K.S. dirigé par Jean-Marie Tjibaou, fait le pari de lavenir et de la paix. Aujourdhui, la situation a changé. Tous les dirigeants du R.P.C.R. lont souligné, laccord de Nouméa suscite un consensus et répond à lattente de lensemble de la population. Sa conclusion a, en effet, apporté un grand soulagement à tous ceux qui craignaient que les hostilités entre les deux principales communautés ne reprennent, si un référendum sur lautodétermination venait cristalliser les oppositions. M. Harold Martin, président du Congrès, a exprimé ce sentiment en indiquant à la délégation que lon était sorti dune logique daffrontement. Quant à M. Jacques Lafleur, il a souligné que cette évolution des mentalités résultait des dix ans passés, qui ont permis à tous les Calédoniens dapprendre à se connaître en travaillant ensemble dans les institutions territoriales et provinciales. De fait, la délégation, lors des différents entretiens qu'elle a eus avec des élus issus des différentes communautés et des différentes forces politiques, a toujours eu le sentiment qu'au-delà des divergences de vue, il y avait une réelle volonté découte et un respect des positions des uns vis-à-vis des autres. Tel est certainement le premier acquis de la période transitoire de dix ans qui vient de s'achever, dont il faut rappeler quelle fut tragiquement marquée, un an après les accords Matignon, par lassassinat des deux dirigeants du F.L.N.K.S., Jean-Marie Tjibaou et Yeiwéné Yeiwéné. Le consensus qui existe sur laccord de Nouméa semble s'étendre à ses dispositions les plus originales, c'est-à-dire à son préambule, qui comporte une reconnaissance du fait colonial et précise notamment que la colonisation a porté atteinte à la dignité du peuple kanak qu'elle a privé de son identité. On relèvera que laccord constate cependant parallèlement que les communautés qui vivent sur le territoire ont acquis, par leur participation à lédification de la Nouvelle-Calédonie, une légitimité à y vivre et à continuer à participer à son développement. Ce sont, bien sûr, dabord les Mélanésiens qui ont exprimé leur satisfaction devant la reconnaissance des ombres de la période coloniale , quils considèrent comme un élément essentiel de laccord. M. Roch Wamytan a rappelé à la délégation que les Kanaks étaient là avant 1853, date de la prise de possession du territoire par le contre-amiral Febvrier-Despointes au nom de la France. Soulignant ainsi la primauté de leur présence, il a observé qu'en outre ils n'avaient pas dautre endroit où aller et a donc considéré que cette situation leur donnait un droit à lautodétermination. Insistant sur le fait que les Kanaks représentaient pour la Nouvelle-Calédonie la pierre angulaire, il a néanmoins précisé que cette affirmation ne revêtait aucun caractère raciste. M. Bernard Lepeu a, pour sa part, estimé que la France ne devait pas avoir peur de ce qui se passait en Nouvelle-Calédonie, qui représente un exemple de décolonisation pour dautres territoires. Dans les Iles Loyauté, les interlocuteurs de la commission ont souligné que, s'ils n'avaient pas eux-mêmes directement souffert de spoliations de terres, ils se sentaient néanmoins solidaires de celles qui s'étaient produites sur la Grande Terre, parce que le peuple kanak était un. Lun dentre eux a insisté sur le fait que le mot kanak, qui avait longtemps été considéré comme une insulte, était désormais synonyme de dignité et dhonneur et s'est félicité qu'il figure explicitement dans le texte de laccord de Nouméa. Quant au R.P.C.R., il a également accepté cet aspect de laccord, même s'il n'a pas pour lui les mêmes implications. Sans doute quelques réserves se sont-elles exprimées sur la portée des dispositions figurant dans le préambule. M. Harold Martin a déclaré à la délégation qu'il n'y avait pas, à ses yeux, de clivages noirs-blancs en Nouvelle-Calédonie et a considéré que le partage s'effectuait plutôt entre indépendantistes et anti-indépendantistes. Certains interlocuteurs de la délégation, notamment dans la province Nord, ont exprimé le souhait que la reconnaissance de lidentité du peuple kanak ne se fasse pas au détriment de celle des autres communautés. Mais M. Jacques Lafleur, lui-même, a considéré que les accords Matignon-Oudinot, dune part, et laccord de Nouméa, dautre part, représentaient lexemple dune décolonisation réussie. Dans le prolongement de la reconnaissance des torts que la colonisation a porté à lidentité du peuple kanak, laccord de Nouméa fait une place à la coutume, qui en est un élément constitutif essentiel. La délégation a dabord constaté la place quelle occupe dans la société mélanésienne, sa réalité vivante, sa profonde richesse. A cet égard, la cérémonie coutumière de linauguration du centre culturel Tjibaou a constitué un moment fort de la mission. C'est également à loccasion de ses déplacements, notamment dans les Iles Loyauté, que la délégation a mesuré limportance que conserve la coutume dans la vie sociale et en a peut-être un peu mieux compris lâme. Outre les nombreux chefs coutumiers qui ont évidemment insisté sur la portée des dispositions de laccord de Nouméa, M. Robert Xowie, maire de Lifou, a souligné la satisfaction que ressentaient les Kanaks à voir la coutume pleinement reconnue. Il a considéré que c'était un corollaire incontournable de la décolonisation. Les membres du conseil consultatif coutumier, ont exprimé le même sentiment et jugé très positif la création, dans le cadre des institutions à venir, dun Sénat coutumier. Ils ont souhaité qu'en plus des attributions expressément prévues par laccord de Nouméa, un pouvoir de proposition lui soit reconnu. Ils ont également indiqué à la délégation qu'il leur paraîtrait nécessaire de lui rattacher létat civil coutumier et de lui donner une majorité de blocage au sein de lAgence de développement rural et de laménagement foncier (A.D.R.A.F.), compte tenu de limportance de la coutume dans les affaires foncières. Enfin, lun des membres du conseil a regretté que le Sénat coutumier soit une instance purement consultative, que le Congrès puisse passer outre à son avis négatif sur les lois de pays et a émis le voeu qu'une procédure du type de celle de la commission mixte paritaire soit mise en place en cas de désaccord. Une telle solution aurait, sans doute linconvénient de retarder la procédure dadoption des délibérations de lassemblée territoriale et va, en tout état de cause, au-delà de ce qu'ont souhaité les signataires de laccord de Nouméa. La prise en compte de la coutume apparaît comme un élément essentiel pour lavenir et le développement de la Nouvelle-Calédonie. M. Bernard Paul, président du comité économique et social, a rappelé que c'était une condition nécessaire pour pouvoir réaliser des investissements en terre coutumière, évoquant les incidents qui ont conduit à la destruction dhôtels en cours de construction, à Ouvéa et dans lIle des Pins. La réalisation dune structure hôtelière à Maré, dune part, et à Lifou, dautre part, a été, au contraire, présentée comme une réussite résultant de la négociation avec les autorités coutumières. Larticulation de la coutume avec la justice a été évoquée par les magistrats que la délégation a rencontrés. M. Gérard Nédellec, procureur général près la Cour dappel a jugé que linstitution des assesseurs coutumiers avait été très positive. Il a insisté sur la nécessité de les choisir avec soin, en associant le procureur et les autorités coutumières. M. Olivier Aimot, premier président a, quant à lui, souligné la nécessité de concilier les règles de procédure. A titre dexemple, il a estimé que, lorsqu'au cours dune instance civile, lune des parties demande lapplication du droit coutumier, il serait souhaitable qu'elle fasse connaître à lavance de quelle aire coutumière elle se réclame, pour respecter le principe du contradictoire. La nécessité de faire évoluer la coutume a été évoquée par plusieurs interlocuteurs de la délégation. M. Jean Lèques, maire de Nouméa, a estimé que lélaboration dun cadastre des terres coutumières dailleurs évoquée dans laccord de Nouméa, était indispensable, pour faciliter les investissements et parce que de plus en plus de jeunes souhaitent devenir propriétaires de leurs terres. M. Robert Frouin, maire de Koumac, a exprimé le même point de vue, évoquant les difficultés qui surgissent lorsque des revendications sont présentées sur des terrains stratégiques, donnant par exemple accès aux nappes phréatiques. Un membre du comité économique et social, enfin, a souligné lintérêt qu'il y aurait à mettre la coutume par écrit. Parmi les éléments essentiels de laccord de Nouméa, figure la référence à une citoyenneté calédonienne, avec son corollaire qui est la définition dun corps électoral restreint. La crainte des Mélanésiens, qui a été exprimée par plusieurs interlocuteurs de la délégation, est qu'une immigration massive fasse perdre toute possibilité aux habitants originaires du territoire dy être un jour majoritaires. Il faut rappeler que la colonisation utilisa, à maintes reprises, limmigration pour repousser les Kanaks hors de leur terre et les mettre en minorité. Pour répondre à cette préoccupation, la loi référendaire du 9 novembre 1988, conformément aux termes des accords Matignon-Oudinot, avait déjà, en quelque sorte, gelé le corps électoral en précisant que les populations intéressées, au sens de larticle 53 de la Constitution, qui pourraient participer au référendum dautodétermination, prévu pour 1998, seraient constituées des électeurs inscrits sur les listes électorales à la date de la consultation qui y auraient leur domicile depuis la date du référendum de 1988. Laccord de Nouméa prévoit la reconduction de ces dispositions pour la consultation qui aura lieu sur lorganisation politique de la Nouvelle-Calédonie au terme de la période dapplication de laccord. Il précise également que le corps électoral qui pourra participer aux scrutins organisés pour lélection des assemblées de province et du Congrès sera restreint, de manière cependant moins drastique que pour le référendum dautodétermination. Les mêmes dispositions s'appliqueraient aux élections municipales, si les communes avaient une organisation propre à la Nouvelle-Calédonie, ce qui n'est pas le cas actuellement. Ces mesures dérogatoires au droit commun constituent une raison majeure de la révision constitutionnelle dont lassemblée est saisie. Elle semble faire, en Nouvelle-Calédonie lobjet dun large consensus. M. Jean Lèques, maire de Nouméa a, en effet observé qu'elles permettraient de réserver la participation aux élections aux personnes véritablement installées sur le territoire, à lexclusion de celles qui ne font qu'y passer. Quant à M. Roch Wamytan, président du F.L.N.K.S., il a considéré qu'à partir du corps électoral restreint, c'était un peuple calédonien qui pourrait émerger. La même unanimité semble se dégager en faveur des restrictions que laccord de Nouméa prévoit dapporter en matière daccès à lemploi. De nombreux interlocuteurs ont fait valoir à la délégation que les Kanaks souffraient dun handicap en matière de formation, qu'il était indispensable de combler par une forme de discrimination positive. Il convient de rappeler que ce n'est qu'en 1962 que, pour la première fois, un Kanak a obtenu le baccalauréat, qu'il n'existe qu'un magistrat dorigine mélanésienne et deux médecins. La crainte que des métropolitains bardés de diplômes viennent concurrencer les jeunes Calédoniens s'est souvent exprimée. Le souhait que laccès à lemploi local soit réglementé ne s'est dailleurs pas seulement manifesté parmi les partisans du F.L.N.K.S. M. Harold Martin, président du Congrès, a notamment évoqué les difficultés qui résultaient de lafflux des Wallisiens en Nouvelle-Calédonie, soulignant que linstitution du R.M.I. à Wallis-et-Futuna permettrait, sans doute, de régler ce problème. Par ailleurs, les présidents de lordre des médecins et des chirurgiens-dentistes ont fait valoir qu'il y avait déjà dans le territoire 460 médecins et 100 chirurgiens-dentistes pour 200.000 habitants, cette situation ayant entraîné un gel des conventionnements. La question du développement économique et social du territoire, et son corollaire qui est le rééquilibrage entre les régions, a été très fréquemment évoquée. M. Jean Lèques, qui a évoqué les efforts réalisés à Nouméa en matière dhabitat social, grâce à un contrat de ville, qui doit se transformer en un contrat dagglomération, a cependant jugé indispensable qu'un pôle de développement se crée dans, la région Nord, pour retenir des populations qui ont actuellement tendance à affluer à Nouméa. Lors de son déplacement dans la province Nord, la délégation a pu constater que des efforts importants avaient déjà été réalisés en matière déquipements collectifs. Elle a visité le lycée polyvalent de Poindimié, inauguré par le Premier ministre au cours de son séjour, qui représente un investissement de 89.400.000 F de lEtat. Cet établissement accueille 354 élèves en externat et 240 en internat, cette capacité étant susceptible dêtre augmentée de 144 élèves par la construction dun nouveau bâtiment dont lemplacement est déjà prévu. Elle a également visité le lycée professionnel de Touho, qui reçoit 400 élèves qu'il prépare à des métiers très divers, comme la comptabilité, les filières du bois, lélectrotechnique, lhôtellerie et la restauration, le secrétariat, léquipement technique énergie, option froid et climatisation. Elle a, par ailleurs, visité lhôpital de Poindimié, qui comporte une partie hospitalisation de 44 lits, un bloc opératoire, un bloc obstétrical, un service durgence et des locaux techniques, comme une salle de radiologie ainsi qu'un laboratoire de développement avec machine automatique. La délégation a emprunté la route transversale Koné-Tiwaka, qui relie la côte Ouest à la côte Est sur une distance de 67 km. Les travaux, qui ont commencé en 1990, sont pratiquement achevés puisqu'il ne reste plus qu'un tronçon de 27 km en cours de réalisation. Leur coût s'est élevé à 333.700.000 F, dont 131.065.000 F pris en charge par lEtat, le reste étant financé par la province. La réalisation de tels équipements constituait une condition nécessaire à la constitution dun pôle de développement dans la province Nord. Elle est, cependant, fort loin dêtre suffisante pour concurrencer lattraction qu'exerce Nouméa. Il est tout à fait évident qu'au-delà de la réalisation déquipements collectifs, c'est la création demplois qui est maintenant nécessaire. A cet égard, en dehors de lactivité minière qui se poursuit, il existe davantage de projets que de réalisations. Les deux projets majeurs de construction dusines métallurgiques dans la province Nord ont évidemment été évoqués. Le premier largement médiatisé puisque ce sont les conditions de sa réalisation, c'est-à-dire le transfert à la province Nord dune partie des ressources minières, qui ont constitué le préalable à lengagement des négociations ayant abouti à la conclusion de laccord de Nouméa associe la Société minière du sud Pacifique (S.M.S.P.), appartenant à la province Nord, au groupe canadien Falconbridge. Il a pour objet la création dune plate forme capable de produire annuellement 54.000 tonnes de nickel, par un traitement pyrométallurgique de garniérites. Il suppose un investissement de 1,3 milliards $ et devrait se traduire par la création de 400 emplois directs et autant dans la sous-traitance. La S.M.S.P. s'est engagé à lancer ce projet, dont les études de pré-faisabilité démarrent cette année, avant le 1er février 2005. Le deuxième projet, conduit par la Société Le Nickel (S.L.N.) et le groupe australien Queensland Nickel Resources porte sur la construction dune usine hydrométallurgique de traitement des latérites. Il fait également lobjet dune étude de pré-faisabilité qui doit déboucher prochainement. Si elle était positive, la réalisation de lusine pourrait commencer à la mi-1999. A ces deux grands projets est associé celui, récurrent, de la construction dun port en eau profonde à Népoui. On voit qu'en tout état de cause, il ne s'agit pas de solutions à court terme au problème de lemploi dans la province Nord. Parallèlement, dautres réalisations, moins ambitieuses mais plus immédiates, sont en cours ou envisagées. Des efforts sont faits dans le domaine du tourisme. Deuxième activité économique du territoire, elle profite actuellement de manière très prédominante à Nouméa. Les interlocuteurs de la délégation lui ont indiqué que la province Nord pourrait en prendre sa part, à la condition que les problèmes fonciers soient résolus et que le calme se maintienne. Il existe également divers projets dans le domaine du développement rural et de la pêche. Quoi qu'il en soit, tous les interlocuteurs de la délégation lont souligné, la création demplois constitue une priorité absolue pour lavenir de la province Nord. Il ne sert à rien, en effet, de faire des efforts de formation, si les jeunes n'ont aucune perspective de trouver du travail à lissue de leurs études. Les mêmes problèmes se posent, avec plus dacuité encore, dans les Iles Loyauté. Là également, lapplication des accords Matignon-Oudinot a permis de réaliser des progrès importants dans le domaine des équipements collectifs. La majorité des tribus disposent de ladduction deau et de lélectricité, ce qui était très loin dêtre le cas il y a dix ans. La voirie a été considérablement améliorée, même si toutes les tribus ne sont pas encore desservies par des routes bitumées. Il existe un collège à Ouvéa, deux collèges à Maré ainsi qu'une antenne du lycée professionnel des îles, trois collèges à Lifou et un lycée polyvalent des îles. Des dispensaires peuvent, dans chaque île, donner les soins les plus courants, même si les cas les plus délicats exigent une évacuation sanitaire sur Nouméa. En revanche, lactivité économique reste embryonnaire. Une personne sur six est active dans les îles, étant précisé que la population y est extrêmement jeune, puisque lâge médian est de dix-huit ans. Les ressources directes sont peu importantes. Lagriculture reste essentiellement vivrière, bien quelle commence à s'ouvrir vers le marché de la Grande Terre, où elle demeure handicapée par les coûts de transports. La délégation, qui a visité un verger, a assisté à la fête de lavocat, ce qui lui a permis de constater que cette réunion annuelle faisait venir des personnes de tout le territoire. La pêche artisanale reste insuffisamment développée, mais la province investit dans la pêche industrielle, en laquelle elle nourrit de grandes ambitions. Le tourisme commence à se développer, grâce à la réalisation de deux structures hôtelières de qualité à Maré et à Lifou, où la délégation a dailleurs séjourné. Comme dans la province Nord, il est évident que le développement de ce secteur, très prometteur compte tenu des richesses naturelles des Iles, suppose que linsécurité foncière, qui dissuade les investisseurs potentiels, soit résolue. De ce point de vue, les autorités coutumières ont un rôle fondamental à jouer. Reste que lessentiel des ressources dans les îles Loyauté proviennent des aides publiques et des transferts en provenance de Nouméa. La population des îles émigre traditionnellement dune manière importante sur la Grande Terre. En 1996, pour 20.877 habitants résidents, on comptait, dans lensemble du territoire, 34.732 personnes se réclamant dune tribu des îles. Lîle de Tiga constitue, à cet égard, lexemple le plus frappant, puisqu'elle n'abrite que 150 habitants, pour une communauté de 500 personnes à Nouméa. Le solde migratoire annuel des îles est de lordre de 600 personnes, ce qui représente près de 3 % de leur population. Sans qu'il soit sérieusement possible denvisager mettre un terme à ce mouvement, au moins à brève échéance compte tenu notamment de lâge moyen de la population des îles, sans doute serait-il souhaitable de le freiner. Beaucoup des interlocuteurs de la délégation, en particulier parmi les chefs coutumiers, ont souligné les problèmes de déracinement auxquels se trouvaient confrontés les jeunes des îles transplantés à Nouméa. Ils ont insisté sur les ravages de lalcoolisme et de la toxicomanie qui résultait de cette situation, avec comme corollaire le développement de la délinquance. La question de la répartition des compétences entre les différentes collectivités territoriales, qui n'est pas sans lien avec le rééquilibrage entre les régions, a également été fréquemment évoquée. Même si les provinces avaient, dans le statut résultant de la loi référendaire du 9 novembre 1988, une compétence de droit commun, le territoire n'ayant qu'une compétence dattribution, elles se sont trouvées confrontées à certaines limites. Le premier problème qui a été mis en lumière par les élus de la province Nord, comme par ceux de la province des Iles Loyauté, concerne les moyens en personnels. Dès lélection des assemblées de province, les agents territoriaux ont été répartis entre les collectivités. Les incitations mises en place n'ont pas suffi, cependant, pour que lensemble des postes créés dans la province Nord et dans la province des îles Loyauté soient pourvus. Pour la province Nord, 678 agents seulement ont été affectés pour 830 postes transférés. Pour la plupart, ces agents étaient des spécialistes de lenseignement (280 instituteurs), de la santé (187), du développement économique (101) ou des services de laménagement (170). En revanche, la province a bénéficié de peu de compétences en matière dadministration générale ou de services financiers. Elle a donc été obligée de recruter en dehors des règles de la fonction publique pour combler les postes vacants. Les élus de la province Nord ont également regretté que plus defforts n'aient pas été faits pour favoriser les recrutements de fonctionnaires territoriaux en dehors de Nouméa, soulignant que le rééquilibrage passait aussi par là. Ils ont notamment observé que c'est seulement la dernière année dapplication du statut transitoire que, pour la première fois, des concours territoriaux ont été ouverts dans la province Nord. Ils ont déploré qu'en matière de formation, malgré la mise en place dun établissement public de lEtat, le dispositif reste excessivement centralisé sur Nouméa. Ils ont, enfin, relevé que labsence dorganisation des mouvements dagents avait conduit à faire du Nord le principal fourvoyeur dagents formés, les transferts de personnels ayant une certaine ancienneté s'effectuant très systématiquement du Nord vers le Sud. Des constatations similaires ont été faites dans les îles Loyauté. S'agissant des dépenses de fonctionnement, les effets induits par les efforts réalisés en matière déquipement, dans le cadre des contrats de plan, ont été soulignés. La charge représentée par les personnels a été mise en lumière, de même que le poids des dépenses denseignement, dans des provinces où la population dâge scolaire représente au moins 50 % de la population. Par ailleurs, le fait que la majeure partie des dépenses de fonctionnement du territoire soient réalisées à Nouméa a été relevé. En ce qui concerne les recettes, les élus de la province Nord ont souligné qu'en permettant aux provinces de disposer dune fiscalité assise sur le niveau de développement (patentes, postes de téléphone, valeur du foncier), un déséquilibre avait été réintroduit entre les provinces. M. Léopold Jorédié, président de lassemblée de la province Nord a estimé que, dans ces conditions, la clé de répartition des ressources soit 40 % pour la province Sud, 40 % pour la province Nord et 20 % pour la province des îles Loyauté devrait être revue, parce qu'elle ne permettait pas dassurer un rééquilibrage entre les provinces. On notera quand même, pour que ce bilan ne paraisse pas excessivement négatif, que, dans une note remise à la délégation lors de sa visite à lassemblée de la province Nord, il est précisé que la provincialisation s'est accompagné du plus important rapprochement du centre de décision de lendroit où elle s'exerce que n'ait jamais connu le territoire, même si on considère les communes qui ne disposent que de moyens limités. S'agissant précisément des communes, plusieurs maires lont souligné, elles ont un peu été les oubliées des réformes statutaires. Il est vrai que, sur un territoire qui compte moins de 200.000 habitants, il est difficile de faire vivre pleinement trois niveaux dadministration territoriale, en plus de lEtat. Dabord, il faut rappeler que les communes sont dinstitution récente, puisqu'elles ont été créées par la loi n° 69-5 du 3 janvier 1969. Leur organisation et leurs compétences, à lexception notable de lurbanisme et de lintervention économique qui relèvent des provinces, sont très similaires à celles des communes métropolitaines. Depuis 1990, elles ne sont plus soumises qu'à un contrôle de légalité a posteriori, ce que certains maires de la province Nord semblent presque regretter, insistant, en tout cas, sur limportance de lassistance technique des services de lEtat, compte tenu de la faiblesse des moyens administratifs des communes. Le problème principal des communes tient au fait qu'elles n'ont pratiquement aucune maîtrise de leurs ressources. Les recettes de fonctionnement se répartissent à raison de 42 % pour le Fonds intercommunal de péréquation (F.I.P.), 26 % pour la dotation globale de fonctionnement (D.G.F.), 5 % pour les autres subventions de lEtat, et 23 % de recettes internes, dont 13 % de recettes fiscales. Quant aux recettes dinvestissement, elles sont constituées pour 58 % de recettes externes provenant de lEtat, du territoire ou des provinces, pour 8 % dautres recettes externes, telles que les aides de la Communauté européenne ou des indemnisations, pour 24 % par des emprunts et pour 10 % par des recettes internes. Les impôts communaux prennent la forme de centimes additionnels aux impôts territoriaux et ont un très faible rendement. La moyenne de 13 % est peu représentative, puisque, si lon exclut Nouméa, elle est en réalité inférieure à 3 %. Plusieurs maires de la province Nord ont regretté cette situation. Sans témoigner dun optimisme excessif sur une possibilité de la modifier à court terme, ils ont néanmoins insisté sur la nécessité de faire preuve, en la matière, de conviction et de pédagogie. Quoi qu'il en soit, limportance des ressources externes place les communes dans une situation de très grande dépendance et leur interdit pratiquement de réaliser une programmation de leurs investissements, faute dêtre assurées du niveau de leurs recettes. La plupart des maires que la délégation a rencontrés se sont plaints de linsuffisance des crédits du F.I.P. fonctionnement, bloqué à 15 % des impôts, droits et taxes perçus par le territoire, faisant valoir que lassiette avait été artificiellement minorée par le territoire. M. Jules Paala, maire de Maré, soulignant lincidence des infrastructures réalisées sur le budget de fonctionnement des communes a indiqué que sa commune n'avait pas les moyens dentretenir les routes qui sont à sa charge. Quant aux recettes dinvestissement, M. Paul Néaoutyine a observé que les accords Matignon-Oudinot les avaient fait diminuer, puisque les contrats de plan, qui sont principalement conclus avec les provinces, ont entraîné la suppression du F.I.D.E.S. (Fonds dinvestissement pour le développement économique et social des territoires doutre-mer). Dune manière générale, les maires ont insisté sur limportance de laide que lEtat devait continuer à apporter aux communes. Limportance du rôle de lEtat, dans la nouvelle période transitoire de quinze à vingt ans qu'ouvre laccord de Nouméa, a dailleurs été évoquée par de nombreux interlocuteurs de la délégation. M. Jacques Lafleur a souligné que, lors de la signature de laccord de Matignon, avec Jean-Marie Tjibaou, ils avaient tenu à ce que la question des richesses naturelles demeure de la compétence de lEtat, jugeant que les intérêts en jeu étaient trop importants pour être confiés à des personnes qui ne sauraient pas nécessairement résister aux pressions susceptibles de s'exercer. Soulignant que la Nouvelle-Calédonie se trouvait entourée de 25 millions danglo-saxons, il a insisté sur le rôle de lEtat pour résister à linfluence qu'ils exercent. M. Jacques Lafleur a également estimé que lEtat avait pour mission daider ceux qui ne la possèdent pas encore à acquérir lexpertise nécessaire pour gérer les affaires du territoire. Evoquant la question du rééquilibrage entre les provinces, il a relevé le poids de lEtat, exprimant la conviction que, dans le cadre dune fédération, les îles Loyauté, qui sont actuellement très défavorisées, seraient laminées. Laide que lEtat peut apporter en matière dacquisition de lexpertise a également été évoquée par dautres interlocuteurs de la délégation. Lors des réunions quelle a tenues à la mairie de Maré et de Lifou, plusieurs intervenants ont souligné linsuffisance de formation juridique de la plupart des Kanaks et la crainte corrélative que leurs positions ne soient mal traduites dans les textes. Ils ont exprimé leur confiance en lEtat, et particulièrement au Parlement, pour que laccord de Nouméa soit transcrit de manière fidèle dans les textes constitutionnels et législatifs qui doivent le suivre. Lun dentre eux a ajouté que lengagement de lEtat dans laccord de Nouméa était essentiel, exprimant sa satisfaction que la France soit prête à modifier sa sacro-sainte Constitution pour la Nouvelle-Calédonie. Parallèlement, constatant que le rééquilibrage entre les régions était loin dêtre achevé et faisant, en la matière, davantage confiance à lEtat qu'au territoire, la plupart des interlocuteurs de la délégation ont jugé qu'il était indispensable que lEtat poursuive, au cours de la nouvelle période transitoire de quinze à vingt ans, les efforts qu'il a consentis, au cours des dix ans écoulés, notamment au travers des contrats de plan. Les programmes de formation, du type de celui des 400 cadres, ont également été évoqués, lidée que la Nouvelle-Calédonie, et tout particulièrement ses habitants dorigine mélanésienne, disposait dun temps limité pour surmonter ses handicaps étant, à lévidence, très présente. La responsabilité de lEtat est donc grande, compte tenu des attentes qui se manifestent. Dans un premier temps, c'est au travers de la révision constitutionnelle qu'elle doit s'exercer. IV. LE PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE A. LA NÉCESSITÉ DE RÉVISER LA CONSTITUTION La mise en uvre des orientations fixées dans laccord de Nouméa du 5 mai dernier exige une révision de notre Constitution pour trois raisons. 1. Créer une entité juridique originale En premier lieu, cet accord prévoit la création dune entité juridique dune nature nouvelle qui nest plus un territoire doutre-mer, selon les termes définis à larticle 74 de la loi fondamentale. Laccord de Nouméa prévoit dimportants transferts de compétence de lEtat vers le territoire néo-calédonien. Selon un processus gradué et irréversible, la Nouvelle-Calédonie se verra in fine attribuer une compétence générale dans tous les domaines, excepté la justice, lordre public, la défense, la monnaie et, pour lessentiel, les affaires étrangères. A lissue de la période de transition, ces dernières prérogatives étatiques pourront être transférées à la Nouvelle-Calédonie après approbation des populations intéressées. Le caractère irréversible de ce transfert est le principe le plus novateur des accords. Cest lui qui distingue la Nouvelle-Calédonie de demain des territoires doutre-mer régis par larticle 74 de la Constitution. En effet, le principe dindivisibilité de lEtat cest-à-dire, en droit strict, dindivisibilité de la souveraineté de lEtat se fonde sur un critère simple. Les collectivités secondaires ne peuvent disposer dun pouvoir normatif initial qui ne soit pas susceptible dêtre remis en cause par la collectivité supérieure. Le législateur national détermine le domaine dintervention des autorités normatives locales, conformément au deuxième alinéa de larticle 74 de la Constitution. Comme la admis le Conseil constitutionnel dans sa décision 155 DC du 30 décembre 1982, le législateur peut, à tout moment, se substituer à lautorité délibérante locale. Celle-ci nest donc pas détentrice dun pouvoir normatif autonome. Le principe dindivisibilité est ainsi respecté. Aux termes de laccord de Nouméa, la Nouvelle-Calédonie se trouverait placée dans un tout autre cas de figure. Les institutions du territoire seront véritablement dotées dun pouvoir législatif autonome, puisque le législateur national ne pourra plus intervenir dans les domaines de compétences reconnus au législateur calédonien. De plus, certaines délibérations du Congrès du territoire auront le caractère de loi du pays . De ce fait, elles ne pourront être contestées que devant le Conseil constitutionnel, avant leur publication, dans des conditions proches de celles définies par larticle 61 de la Constitution pour les lois votées par le Parlement. Le pouvoir de saisine du Conseil appartiendra au représentant de lEtat, à lexécutif de la Nouvelle-Calédonie, aux présidents de province, au président du Congrès et à un tiers des membres du Congrès. La reconnaissance dun pouvoir normatif autonome au profit des institutions calédoniennes est ainsi en contradiction directe avec larticle premier de la Constitution, qui définit la France comme une République indivisible . La mise en uvre de laccord de Nouméa impose donc une révision constitutionnelle. 2. Autoriser le législateur à déroger à certains principes constitutionnels La deuxième raison qui rend nécessaire une révision constitutionnelle réside dans le fait que certaines orientations de laccord de Nouméa entrent en contradiction avec des principes de valeur constitutionnelle. Les dérogations touchent les domaines du droit électoral, de la citoyenneté, de lemploi et du statut civil coutumier. Laccord de Nouméa, dans son point 2, prévoit la reconnaissance dune citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie. Il indique que, pour la période de quinze à vingt ans qui aboutira au scrutin dautodétermination, la notion de citoyenneté fonde les restrictions apportées au corps électoral pour les élections aux institutions du pays et pour la consultation finale . Pour ce qui concerne les élections aux assemblées de province et au Congrès, le droit de vote sera réservé aux électeurs qui remplissaient les conditions pour voter au scrutin de 1998. Pourront également voter les personnes qui rempliront une condition de domicile de dix ans à la date de lélection ainsi que celles atteignant lâge de la majorité pour la première fois après 1998 et qui, soit justifieront de dix ans de domicile en 1998, soit auront eu un parent remplissant les conditions pour être électeur au scrutin de la fin de 1998, soit ayant eu un parent inscrit sur un tableau annexe, justifieront dune durée de domicile de dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de lélection. Le point 2.2. restreint davantage encore le corps électoral de Nouvelle-Calédonie pour les consultations relatives à lorganisation politique du territoire intervenant à lissue du délai dapplication de laccord du 5 mai. Plus précisément, il prévoit que le corps électoral comprendra alors exclusivement les électeurs inscrits sur les listes électorales aux dates des consultations sur lautodétermination prévues au point 5. et qui ont été admis à participer au scrutin de 1998 prévu à larticle 2 de la loi référendaire du 9 novembre 1988, ou qui remplissaient les conditions pour y participer. Seront également admis à voter ceux qui pourront justifier que les interruptions dans la continuité de leur domicile en Nouvelle-Calédonie étaient dues à des raisons professionnelles ou familiales. Il en sera de même pour ceux qui, de statut coutumier ou nés en Nouvelle-Calédonie, y ont eu le centre de leurs intérêts matériels et moraux et ceux qui ne sont pas nés en Nouvelle-Calédonie mais dont lun des parents y est né et qui y ont le centre de leurs intérêts matériels et moraux. Le point 2.2.1 de laccord de Nouméa ajoute également à cette liste les jeunes atteignant la majorité électorale, inscrits sur les listes électorales et qui, sils sont nés avant 1988 auront eu leur domicile en Nouvelle-Calédonie de 1988 à 1998 ou, sils sont nés après 1988, ont eu un de leurs parents qui remplissait ou aurait pu remplir les conditions pour voter au scrutin de la fin 1998. Enfin, seront admis dans le corps électoral, les personnes qui pourront justifier, en 2013, de vingt ans de domicile continu en Nouvelle-Calédonie. Ces dispositions sont manifestement dérogatoires aux termes de larticle 3 de la Constitution qui, dans son quatrième alinéa, indique que sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques . La mise en uvre de ce point essentiel de laccord suppose donc que la Constitution prévoie expressément cette dérogation. En matière économique, le texte de Nouméa évoque la nécessité de préserver lemploi local en se référant, pour ce faire, à la notion de citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie . Il sagit donc de mettre en place un mécanisme qui permette aux citoyens de Nouvelle-Calédonie de bénéficier dune priorité à lembauche. Cette perspective est évidemment contraire à la tradition républicaine et au principe dégalité. Elle nen est pourtant pas moins essentielle dans le dispositif équilibré et longuement négocié de laccord de Nouméa. Là encore, il faut que la Constitution autorise, en quelque sorte, le législateur à poursuivre cet objectif de préservation de lemploi local sans risquer la censure du Conseil constitutionnel. Enfin, laccord du 5 mai 1998 prévoit que toute personne pouvant relever du statut coutumier et qui y aurait renoncé, ou qui sen serait trouvée privée à la suite dune renonciation faite par ses ancêtres, ou par mariage ou par toute autre cause pourra le retrouver . Comme lobserve très clairement le texte de laccord lui-même, cette possibilité ainsi ouverte est dérogatoire à larticle 75 de la Constitution qui dispose que : Les citoyens de la République qui nont pas le statut civil de droit commun, seul visé à larticle 34, conservent leur statut personnel tant quils ny ont pas renoncé . La loi de révision constitutionnelle doit donc autoriser cette dérogation. 3. Permettre lorganisation dun référendum local en 1998 La mise en uvre de laccord de Nouméa suppose aussi que la population de Nouvelle-Calédonie exprime son approbation à légard de ce texte. Cest ici quintervient la troisième raison qui justifie le recours à une loi constitutionnelle. Le point 6.3. de laccord impose la tenue dun référendum local avant la fin de lannée 1998, avec un corps électoral on la vu identique à celui prévu à larticle 2 de la loi référendaire du 9 novembre 1988. Selon la Constitution de 1958, il ne peut y avoir que trois hypothèses où intervienne une consultation référendaire. La première est celle prévue par larticle 11. Le référendum est alors national. La deuxième ressort de larticle 89 en matière de révision constitutionnelle. La troisième est visée au dernier alinéa de larticle 53, aux termes duquel : Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire nest valable sans le consentement des populations intéressées . Cest le seul cas où un référendum peut être organisé pour consulter une partie seulement de la population française. En lespèce, les citoyens de Nouvelle-Calédonie seront appelés à se prononcer sur un accord qui ne porte ni sur la cession, ni sur léchange, ni sur ladjonction de leur territoire. Il ne sagit pas non plus dune démarche, pour lheure, sécessionniste à la différence du scrutin organisé en septembre 1987. La consultation prévue dans laccord de Nouméa ne ressortit donc ni à larticle 11 de la Constitution, ni à larticle 89, ni à larticle 53. Il faut, en conséquence, prévoir ce cas de figure inédit dans un texte constitutionnel. Cest ce à quoi semploie le projet de loi présenté par le Gouvernement dont la teneur a été approuvée par les principales forces politiques de lîle. B. LA PRÉSENTATION DU PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE PAR LE MINISTRE À LA COMMISSION Avant dexaminer le projet de loi constitutionnelle, la Commission a procédé à laudition de M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire dEtat à loutre-mer. M. Jean-Jack Queyranne a jugé inutile de rappeler aux membres de la commission des Lois lhistoire institutionnelle et politique de la Nouvelle-Calédonie au cours de ces vingt dernières années, nombre dentre eux connaissant personnellement cette terre du Pacifique, où, dailleurs, une mission de la commission des Lois, conduite par Mme la Présidente Catherine Tasca, sest rendue en mai dernier, afin de constater le chemin parcouru depuis les accords de Matignon. Il a observé que bien quelle soit moins spectaculaire que les nombreux investissements publics réalisés dans ce territoire, lévolution des esprits pour faire vivre le rééquilibrage et pour permettre aux communautés dimaginer ensemble un destin partagé nen était pas moins évidente. Il a rappelé ainsi la position de M. Jacques Lafleur, qui, dès 1991, rejoint sur ce point par le F.L.N.K.S., avait appelé à rechercher une solution consensuelle, pour éviter le référendum couperet prévu à larticle 2 de la loi référendaire de 1988 et déterminer une question à laquelle le R.P.C.R. et le F.L.N.K.S. pourraient appeler ensemble à répondre oui . Il a souligné que donner à cette ambition politique un aspect concret, navait pas été une chose simple puisquil avait notamment été nécessaire de lever le préalable minier posé par le F.L.N.K.S. en réglant la question de laccès à la ressource pour rendre possible un projet dusine métallurgique en province Nord, la mission confiée sur ce point à M. Philippe Essig ayant été menée à bien jusquà la signature des accords de Bercy le 1er février 1998. Il a indiqué que les négociations avaient alors pu être reprises le 24 février sous lautorité du Premier ministre, aboutissant le 5 mai dernier à la signature de laccord de Nouméa par le Chef du gouvernement et les présidents du F.L.N.K.S. et du R.P.C.R. Le ministre a ensuite constaté que pour mettre en oeuvre cet accord, une révision constitutionnelle était nécessaire et souhaitable. Observant, en effet, quun certain nombre de points essentiels de ce texte politique étaient probablement contraires à notre loi fondamentale, il a, en outre, souligné que linscription dans la Constitution de ses orientations essentielles était à même de donner aux signataires une plus grande assurance de stabilité. A cet égard, il a rappelé que les accords de Matignon avaient, en leur temps, reçu la garantie dune ratification par la voie dun référendum national. Il a précisé quau plan formel le projet de loi constitutionnelle était un texte autonome qui ne sincorporait pas dans les titres existants de la Constitution, justifiant ce choix original par le caractère très spécifique de ce texte qui ne sapplique quà la Nouvelle-Calédonie et surtout par la nature transitoire de ses dispositions. Il a ajouté quil ne sagissait pas de créer une nouvelle catégorie de collectivités de la République, mais de rendre possible une construction originale limitée dans le temps et lespace. Puis le ministre a décrit les principales dispositions du projet de loi constitutionnelle. Il a tout dabord indiqué que le premier point important du projet était la garantie que lévolution de la Nouvelle-Calédonie sinscrirait dans les orientations définies par laccord de Nouméa signé le 5 mai et publié le 27 mai au Journal Officiel. Il a précisé que ces orientations étaient principalement une plus grande prise en compte de lidentité kanake, la reconnaissance dune citoyenneté, des institutions rénovées, un transfert progressif et irréversible de compétences de lEtat vers le territoire, un développement économique et social équilibré et, dans quinze à vingt ans, une consultation locale permettant daccéder à la pleine souveraineté. Puis il a noté que le second article du projet de loi constitutionnelle organisait la consultation locale prévue par les accords de Matignon avant le 31 décembre 1998, insistant sur le fait que cette consultation ne porterait pas sur une éventuelle accession à lindépendance, comme le prévoyait les accords de 1988, mais sur lapprobation de laccord de Nouméa qui se verrait ainsi conféré une légitimité politique élargie. Il a remarqué que le corps électoral spécial défini en 1988 était maintenu, précisant que sur 112.000 électeurs potentiels, les restrictions apportées par les accords de Matignon concernaient environ 8.000 personnes. Quant aux modalités dorganisation du scrutin, il a indiqué quelles seraient déterminées par décret délibéré en Conseil des ministres. Il a présenté ensuite le troisième et dernier article du projet de loi qui habilite le Parlement à déroger à la Constitution pour mettre en oeuvre laccord de Nouméa, soulignant que ces dérogations seraient inscrites dans une loi organique prise après avis de lassemblée délibérante de la Nouvelle-Calédonie. Il a observé que quatre domaines étaient visés par le projet de loi constitutionnelle : les modalités du transfert des compétences de lEtat aux institutions de la Nouvelle-Calédonie, sachant que ces transferts se feraient de manière définitive et échelonnée et que les seules compétences conservées par lEtat à la fin de la période de 20 ans seraient celles relatives à lordre public, la défense, la justice, la monnaie et lessentiel des relations diplomatiques ; les nouvelles institutions locales, avec en particulier la mise en place dune assemblée délibérante dotée dun pouvoir quasi législatif pour certaines catégories dactes qui pourront être soumis au contrôle préalable du Conseil Constitutionnel ; les effets de la citoyenneté en matière de droit électoral pour les élections locales autres que communales, ainsi quen matière daccès à lemploi et de statut civil coutumier ; enfin, lorganisation de la consultation locale qui, dans vingt ans, ou plus tôt entre quinze et vingt ans à linitiative de lassemblée délibérante, pourrait conduire la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté, cette consultation portant sur le transfert au territoire des dernières compétences exercées par lEtat. Insistant sur le fait que les règles ainsi définies par les trois articles du projet de loi constitutionnelle avaient reçu lapprobation des principales forces politiques locales, partenaires historiques , des accords de Matignon, le R.P.C.R. et le F.L.N.K.S, il a considéré quelles constituaient les éléments de ce consensus tant recherché depuis 1988 pour éviter le référendum couperet prévu pour 1998. Il a jugé quelles permettaient de fonder un avenir partagé de paix et de progrès pour la Nouvelle-Calédonie. Le ministre a ensuite insisté sur le rôle déterminant que le Parlement aurait à jouer dans lévolution du territoire souhaité par le Gouvernement et les Calédoniens eux-mêmes. Il a exprimé sa confiance dans les débats parlementaires qui pourront enrichir et améliorer le projet de loi. Il a souligné la continuité historique et politique qui va des accords de Matignon à laccord de Nouméa, puis au projet de loi constitutionnelle soumis à lAssemblée nationale qui permettra lorganisation dun scrutin local, certainement au mois de novembre 1998, sur les orientations fixées à Nouméa. Il a ajouté que la loi organique organisant les pouvoirs en Nouvelle-Calédonie pourrait être adoptée en février ou mars 1999, son entrée en vigueur effective se faisant au lendemain des élections aux assemblées de provinces, en avril ou mai prochain. Il a considéré quainsi, en une année, la Nouvelle-Calédonie aurait retrouvé la stabilité institutionnelle et la clarté de lavenir à laquelle elle aspire. Enfin, il a observé que laccord de Nouméa avait été favorablement accueilli par lensemble des partis politiques, tant en métropole quen Nouvelle-Calédonie, relevant quil avait été également salué par la plupart des pays du Pacifique. Constatant que cet accord avait suscité des interrogations et des attentes dans dautres collectivités de loutre-mer français, il a estimé quil ne constituait pas cependant un modèle intégralement transposable, puisquil navait de sens que dans le contexte qui la rendu possible et nécessaire. Il a néanmoins observé que la méthode qui avait permis sa conclusion, faite de patience, découte et de dialogue, pouvait inspirer des évolutions institutionnelles dans dautres territoires. En conclusion de ses propos, le Ministre a souligné quau-delà des aspects institutionnels qui peuvent être réglés par des textes, lavenir de la Nouvelle-Calédonie reposait sur ses perspectives de développement. Il a insisté sur la place que le territoire occupait dans la région, évoquant la présence à Nouméa du siège de la commission du Pacifique Sud, devenue Communauté du Pacifique. Evoquant la mission de la Commission en Nouvelle-Calédonie, Mme la Présidente, rapporteur du projet de loi constitutionnelle, a fait part de ladhésion des différents acteurs locaux à laccord de Nouméa qui ouvre pour le territoire une longue période dévolution institutionnelle dans la paix politique. Elle a souligné le consensus qui existe sur limportance de la reconnaissance de lidentité kanake, indiquant que linauguration du centre culturel Jean-Marie Tjibaou avait été un temps fort, perçu par la population moins comme une référence au passé que comme un symbole de lavenir à construire en commun. Ayant constaté linégalité entre la province Sud, dune part, et les provinces Nord et des Iles dautre part, tant en matière dinvestissement que dinfrastructure ou de formation de cadres, elle a estimé souhaitable que la période ouverte par les accords de Matignon soit loccasion de procéder au rééquilibrage dont tout le monde reconnaît la nécessité. M. Dominique Perben a jugé que le débat sur le futur projet de loi organique serait essentiel, soulignant la nécessité de respecter lesprit des accords de Nouméa, malgré leur caractère peu juridique notamment pour ce qui concerne le transfert de compétences. Il a demandé au ministre si ce projet serait déposé avant ou après le référendum organisé en Nouvelle-Calédonie. Evoquant lexposé des motifs du projet de loi constitutionnelle, qui fait référence à une démarche analogue pour les autres territoires doutre-mer, il a souhaité savoir si la disposition qui confère un caractère législatif à certaines catégories dactes de lassemblée délibérante de Nouvelle-Calédonie pourrait être étendue à la Polynésie française, conformément au souhait exprimé par son assemblée, et demandé si le gouvernement envisageait de traiter cette question dans le cadre du présent projet de loi constitutionnelle. Après avoir rappelé que laccord de Nouméa était le fruit dune profonde évolution des deux partenaires qui lont signé avec lEtat, il a insisté sur le fait que son préambule ne se limitait pas à un simple mea culpa de la puissance coloniale, comme certains le laissent entendre, mais évoquait la refondation dun lien social durable entre les communautés qui vivent en Nouvelle-Calédonie, dont la légitimité se trouvait ainsi reconnue. M. Jean-Jack Queyranne a souligné que le préambule de laccord de Nouméa nétait pas une simple déclaration de principe mais laboutissement dun cheminement commun, marquant la détermination des parties signataires à construire lavenir. Il a considéré quil ne sidentifiait pas à une déclaration de repentance, sa signature, facilitée par laccord de Matignon, constituant la concrétisation de la reconnaissance didentités et de cultures. Après avoir indiqué quil était nécessaire de prévoir que la consultation locale, devant avoir lieu avant la fin de lannée 1998, porterait sur lapprobation de laccord de Nouméa et sappuierait sur le corps électoral défini par la loi référendaire de 1988, il a précisé que loption dun texte constitutionnel limité renvoyant la mise en uvre de laccord à une loi organique avait été jugée préférable à celle dun texte constitutionnel plus important. Ajoutant que laccord prévoyait linstitution dun comité des signataires pour veiller au suivi de son application, il a souligné que celui-ci se réunirait en juillet et en septembre prochains pour examiner le projet de loi organique, appelé à traduire en termes juridiques le contenu, essentiellement politique, de laccord. Précisant que le contenu du projet de loi organique devrait être connu avant le scrutin sur lapprobation de laccord de Nouméa, il a admis que si le Parlement, comme il en a légitimement le droit, lamendait dune manière telle que lesprit de laccord nétait plus respecté, il conviendrait de reprendre le dossier à son début. Rejoignant M. Dominique Perben pour estimer que laccord de Nouméa marquait une étape significative, il en a néanmoins souligné la fragilité. Le secrétaire dEtat à loutre-mer a, par ailleurs, constaté que lexposé des motifs du projet de loi constitutionnelle prévoyait quune démarche analogue pourrait être suivie pour favoriser lévolution institutionnelle dautres territoires doutre-mer. Il a rappelé que lassemblée territoriale de la Polynésie française sétait dailleurs déjà prononcée pour demander que soit transposé à ce territoire le dispositif applicable en Nouvelle-Calédonie, relatif au contrôle des actes des assemblées délibératives ainsi quà laccès à lemploi et au droit du travail. Il a ajouté que le président du territoire de la Polynésie française devait être reçu sur ce sujet par le Chef de lEtat et le Gouvernement la semaine prochaine. Rappelant que lévolution institutionnelle de la Polynésie française sétait opérée selon une démarche différente, puisquune loi organique avait été adoptée en 1996 sans le préalable dune loi constitutionnelle, M. Jean-Jack Queyranne a déclaré que le Gouvernement était cependant ouvert à la transposition à ce territoire de certaines dispositions applicables à la Nouvelle-Calédonie, soulignant que cette question avait dailleurs été évoquée hier en conseil des ministres par le Président de la République. Sil a considéré quil serait difficile de traiter du cas de la Polynésie dans le cadre de la présente révision constitutionnelle, compte tenu de la référence explicite à laccord de Nouméa, il a cependant insisté sur le fait que dans un proche avenir le Parlement serait conduit à examiner dautres textes constitutionnels, notamment celui relatif au Conseil supérieur de la magistrature. Sassociant aux propos de M. Dominique Perben sur le chemin parcouru depuis 1988, notamment dans la période récente, et insistant sur les efforts accomplis tant par le R.P.C.R., que le F.L.N.K.S., pour aboutir à laccord de Nouméa, Mme la Présidente a fait part des craintes formulées par les responsables politiques locaux sur une éventuelle remise en cause par le Parlement de ce fragile équilibre. Elle a souligné limportance de concilier la volonté du Parlement dapprouver une solution juridique cohérente et lexistence dun accord politique qui satisfait toutes les parties. Se réjouissant du processus de suivi annoncé par le ministre, elle a conclu en mettant laccent sur la nécessité dexpliquer à la représentation nationale et à lopinion publique limportance de laccord de Nouméa, pour justifier lexistence dun statut dérogatoire aux principes traditionnels de notre droit. Après sêtre associé au propos de M. Dominique Perben sur le caractère exemplaire de laccord de Nouméa, notamment de son préambule, M. Henry Jean-Baptiste a considéré quil devait être analysé dun point de vue politique et dun point de vue juridique. Du point de vue politique, il a rappelé que depuis les accords de Matignon, quil avait approuvés, ce qui nallait pas de soi à lépoque, les choses sétaient accélérées. Faisant état des propos de la présidente sur ladhésion de la population à laccord de Nouméa, quelle avait pu percevoir lors de son récent voyage sur le territoire, il a observé que cette adhésion était le fondement même des rapports entre la République et loutre-mer, le lien colonial nexistant heureusement plus, cest pourquoi il a insisté sur lintérêt du projet de loi constitutionnelle, qui prévoit différentes consultations de la population de Nouvelle-Calédonie, à travers les référendums et les élections. Tout en reconnaissant la fragilité de cet accord, il a exprimé sa confiance en lavenir. Il a ensuite souligné la nécessité pour lEtat de respecter ses engagements dans leur principe et dans les dates proposées, rappelant à ce propos que le Président de la République sétait engagé à consulter la population mahoraise sur le statut de lîle avant lan 2000. Du point de vue constitutionnel, il a fait observer que laccord de Nouméa constituait une innovation fondamentale, la Nouvelle-Calédonie constituant désormais un cas unique dans loutre-mer. Il a indiqué que les parlementaires, lors du débat, auraient à jouer un rôle de relais auprès de lopinion publique. Il a ensuite souhaité savoir si la notion de territoires doutre-mer évoqué dans lexposé des motifs du projet de loi constitutionnelle devait être interprétée au sens juridique ou au sens géographique, faisant référence à la distinction établie par le Conseil Constitutionnel. Il a regretté que le Gouvernement nait pas saisi loccasion de cet accord pour mener une réflexion densemble sur loutre-mer, afin de mettre fin à lorganisation absurde qui superpose dans les départements un conseil général et un conseil régional, soulevant ainsi des problèmes de répartition de compétences et de coût. Il a conclu en indiquant que ladhésion supposait que chaque collectivité approuve son statut, estimant que le processus lancé par le projet de loi constitutionnelle ne devait être quune première étape vers une évolution de lensemble de loutre-mer. Le Ministre a reconnu que laccord de Nouméa constituait une novation juridique dans la mesure où, contrairement à la tradition française jacobine qui tend à insérer la réalité dans des catégories juridiques prédéfinies, les négociateurs sétaient appuyés sur la réalité pour élaborer un nouveau statut. Il a souligné que la démarche suivie illustrait la possibilité danticiper des évolutions à venir, alors que le cadre de la Communauté défini par la Constitution de 1958 pour organiser les adaptations statutaires outre-mer sétait avéré inadapté et, devenu caduc, avait été finalement supprimé en 1993. Evoquant ensuite léventualité dune démarche comparable pour le reste de loutre-mer, le Ministre a mis en exergue la spécificité de la Nouvelle-Calédonie, notamment au regard des rapports de force démographiques. Il a néanmoins admis quune réflexion simposait, notamment sur lavenir des départements doutre-mer, dès lors que ces derniers, après avoir accédé à la liberté grâce à labolition de lesclavage, puis à légalité par la départementalisation, pouvaient prétendre désormais à la responsabilité et au respect de leur identité. Rappelant que les liens entre ces départements et la France étaient extrêmement forts, il a envisagé léventualité dadaptations, y compris institutionnelles, dans le cadre de la Constitution, à condition que celles-ci surviennent selon des rythmes différents de manière à tenir compte de la spécificité de chacune des collectivités. Relevant que laccord de Nouméa faisait référence à lirréversibilité des transferts de compétences de lEtat au territoire, Mme Nicole Feidt a souhaité que le ministre explicite la raison dêtre et la portée de ce principe. Après avoir rappelé que la Nouvelle-Calédonie avait connu neuf statuts au cours des trente dernières années, le Ministre a évoqué les préoccupations du F.L.N.K.S. craignant que laccord de Nouméa ne soit remis en cause à loccasion dune éventuelle alternance, faisant valoir que le recours à une loi constitutionnelle permettait de consacrer le caractère irréversible du processus, seules les compétences régaliennes restant à transférer à léchéance de la période transitoire de vingt ans. Il a par ailleurs insisté sur la nécessité de faire comprendre à lopinion publique lintérêt de laccord de Nouméa et de montrer ainsi que les différences culturelles ne doivent pas être considérées comme une remise en cause de lunité de la République, mais davantage comme un moyen de lenrichir. M. Michel Buillard a indiqué que la Polynésie française avait suivi avec beaucoup dintérêt laccord de Nouméa, rappelant limportance de la communauté polynésienne sur ce territoire et les difficultés rencontrées par larchipel à la suite des mouvements de population engendrés par les événements de 1984 et de 1988. Après avoir interrogé le ministre sur la qualification juridique du futur statut, il a souhaité connaître les modalités dacquisition de la citoyenneté kanake. Il a alors observé que la Polynésie française, à la différence de la Nouvelle-Calédonie, ne connaissait quune citoyenneté, la citoyenneté maori, et ne parlait quune seule langue en dehors du français, ce qui devrait lui permettre davoir également sa propre citoyenneté. Faisant valoir la situation dantériorité de la Polynésie française en matière dautonomie et évoquant la situation des quartiers sensibles qui veulent que la métropole prenne mieux en compte la spécificité du territoire, il a indiqué que la Polynésie française était prête pour une évolution statutaire. Il a enfin souligné la nécessité dun travail de pédagogie sur les spécificités de loutre-mer aussi bien auprès des parlementaires métropolitains que de lopinion publique. Le Ministre a fait observer que laccord de Nouméa consacrait une citoyenneté calédonienne et non pas seulement kanake, au profit de lensemble des personnes qui résidaient en Nouvelle-Calédonie avant 1988, soulignant que les Kanaks, qui se définissent comme le peuple dorigine en Nouvelle-Calédonie, reconnaissaient ainsi explicitement lapport déterminant pour la Nouvelle-Calédonie, des personnes venues progressivement enrichir le territoire. Il a cependant précisé que, dans le cadre de la citoyenneté calédonienne, le F.L.N.K.S. souhaitait que le statut coutumier puisse être reconnu et quil puisse, le cas échéant, y être fait retour moyennant un droit doption, par dérogation aux prescriptions de larticle 75 de la Constitution. Il a estimé que cette revendication devait être perçue comme reflétant la nature du droit coutumier, traduction dune appartenance à la terre et à un clan, et illustrant une démarche identitaire éloignée de limage négative que peuvent en avoir, à tort, une partie de lopinion publique en métropole. C. LA DISCUSSION GÉNÉRALE EN COMMISSION Avant que la Commission ne procède à lexamen des articles du projet de loi constitutionnelle, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale. Après avoir évoqué les excellentes conditions dans lesquelles sétait effectué le déplacement de la délégation de la commission des Lois, conduite par sa présidente, en Nouvelle-Calédonie, M. Dominique Bussereau a insisté sur le fait que les accords de Nouméa reflétaient une profonde évolution des esprits, notamment au regard de la situation qui existait dans le territoire à la fin des années soixante-dix ou au milieu des années quatre-vingt. Il a ensuite fait part de la position du groupe Démocratie libérale, soulignant que certains de ses membres, tout en approuvant lesprit des accords de Nouméa et le principe du projet de loi constitutionnelle, avaient exprimé un certain nombre de réticences. A cet égard, il a dabord évoqué certaines formules du préambule, dont il a cependant reconnu quil constituait un ensemble indissociable. Il a également mentionné les dispositions destinées à favoriser lemploi local, soulignant que certains considéraient quelles sapparentaient indirectement à une forme de préférence nationale quils condamnaient par ailleurs et, enfin, la pérennisation des restrictions apportées au corps électoral par les accords de Matignon. Il a conclu en précisant quen dépit de ces réserves formulées par certains de ses membres, le groupe Démocratie libérale voterait le projet de loi constitutionnelle. M. François Colcombet a tout dabord fait part du soutien du groupe socialiste à lensemble du projet de loi constitutionnelle. Il a ensuite mis en exergue lhistoire chaotique de la Nouvelle-Calédonie, observant quelle avait connu une alternance de périodes de développement et de fortes tensions. Rappelant que ce territoire avait connu huit statuts jusquà la signature des accords de Matignon, il a souligné que par leur conclusion, les parties en présence avaient fait le pari de la vie en commun et de la paix. Il a cependant fait valoir quen dépit de ces accords, la situation avait semblé incertaine au début de lannée 1998, incitant les différents acteurs, notamment à linitiative de M. Jacques Lafleur, à reprendre les discussions. Evoquant le contenu de laccord de Nouméa signé par le R.P.C.R., le F.L.N.K.S. et lEtat, il a indiqué que celui-ci prévoyait un transfert progressif de la souveraineté au cours dune période de vingt ans au maximum, à lissue de laquelle les populations intéressées auraient à se prononcer sur la question de laccession à lindépendance. Après avoir considéré que cet accord, a priori irréversible, permettrait à une génération de vivre en paix, il a insisté sur le fait que toutes les parties prenantes souhaitaient que la France reste très présente pour accompagner le développement de la Nouvelle-Calédonie. Il a ensuite fait le point sur les principales novations juridiques, observant quelles se traduisaient par linstitution de lois du pays, par la possibilité de revenir au statut coutumier et par la pérennisation des restrictions apportées au corps électoral par les accords de Matignon. Sagissant de la question de lemploi local, il a considéré que le risque dextension des dispositions proposées ne concernait que les autres collectivités doutre-mer. M. François Colcombet a enfin insisté sur le contenu culturel des accords, évoquant notamment linauguration du centre Jean-Marie Tjibaou. Soulignant que la culture kanake était bien vivante, il a cependant considéré quelle ne demandait quà se mêler aux autres cultures présentes sur le territoire, notamment par le vecteur de la langue française. En conclusion, il a estimé que le projet de loi constitutionnelle traduisait la nécessité de tenir compte de la spécificité de chacune des collectivités doutre-mer et constituait une illustration concrète du souci de privilégier la recherche de la paix. Rappelant quune des raisons dêtre du groupe communiste était la lutte contre le colonialisme, M. Jacques Brunhes a tout dabord fait part de son soutien à un texte, dont il a considéré quil représentait un pari sur lintelligence. Estimant que le préambule des accords de Nouméa avait une forte charge symbolique, il a jugé que lémergence dune citoyenneté calédonienne constituait une nouvelle étape par rapport aux accords de Matignon, la France acceptant désormais de conduire la Nouvelle-Calédonie vers lindépendance. Après avoir rappelé le climat des années 1984-1988, il a rendu hommage aux négociateurs des accords de Nouméa, précisant que leur discussion avait duré plus de deux cents heures. Soulignant lassentiment de toutes les formations politiques locales au contenu des accords, il a estimé que le Parlement devait être attentif à ne pas apporter au projet de loi constitutionnelle des modifications qui en remettraient en cause léquilibre. Il a enfin indiqué que le groupe communiste soutiendrait les amendements du rapporteur tendant à réinsérer le projet de loi dans le corps de la Constitution. M. Dominique Perben a tenu à rendre hommage aux responsables politiques du territoire qui ont su instituer le climat de consensus qui règne en Nouvelle-Calédonie depuis 1990, soulignant que la démarche était dautant plus méritoire pour ceux qui ont accepté de négocier alors quils savaient quils représentaient la majorité. Déclarant souscrire au contenu du préambule de laccord de Nouméa, il a estimé quil était remarquablement équilibré. Faisant notamment référence à deux phrases de ce texte, la première qui affirme que les communautés vivant sur le territoire ont acquis par leur participation à son édification une légitimité à y vivre et la seconde, qui insiste sur la nécessité de poser les bases dune nouvelle citoyenneté, permettant au peuple dorigine de constituer avec les hommes et les femmes qui y vivent une communauté humaine affirmant son destin commun, il a observé que de telles déclarations auraient été inimaginables en 1987. Il a considéré quaprès dix ans dabsence de conflit, cet accord dessinait la perspective de vingt ans de paix supplémentaire, ajoutant quil souhaitait que la population au terme de ce délai opte pour le maintien du territoire dans la République. Tout en ne négligeant pas les problèmes juridiques que soulevait ce document qui heurte nos traditions, il a fait observer que la cristallisation du corps électoral sur la base de celui de 1988 était consubstantielle à cet accord. Sagissant de linstitution de lois du pays, il a considéré que lon ne pouvait envisager de solution pérenne dans les territoires du Pacifique sans recourir à de telles formules. Il a également estimé que les discriminations opérées dans laccès à lemploi en faveur des habitants du territoire pouvaient se justifier, si lon prenait en compte le sentiment de fragilité et de faiblesse démographique des ressortissants des territoires du Pacifique qui, nétant que 200.000 en Nouvelle-Calédonie comme en Polynésie, se considéraient, sans doute à tort, menacés par la masse des 300 millions dEuropéens. Se réjouissant de lissue des négociations et considérant que leur aboutissement suscitait un sentiment de fierté, tant à légard de la Nouvelle-Calédonie que de la métropole, M. Dominique Perben a conclu son propos en déclarant que le groupe R.P.R. voterait le projet de loi constitutionnelle. Après avoir également rendu hommage aux négociateurs de laccord, Mme Nicole Catala a cependant fait part des réserves, tant politiques que juridiques, quil lui inspirait. Evoquant le cas de la Polynésie et de la Guyane, elle a exprimé la crainte quil ne constitue un précédent pour dautres territoires, qui pourraient être tentés de bénéficier de dispositions comparables. Elle sest également interrogée sur le risque de transposition en métropole du statut coutumier à certaines communautés. Elle a reconnu que les restrictions apportées à la définition du corps électoral avaient été admises dès 1988. Sagissant des discriminations susceptibles dêtre apportées dans laccès à lemploi aux ressortissants français et étrangers, elle a jugé quelles seraient contraires aux conventions de lO.I.T. ratifiées par la France, qui prohibent toute différence de traitement entre un Français et un étranger en situation régulière. Elle sest également interrogé sur leur compatibilité avec nos engagements européens. M. Pierre Albertini a fait observer que ce texte pouvait être perçu par les uns comme une fantaisie juridique, par dautres comme une innovation constitutionnelle. Considérant que sil nappelait pas de certitude, il suscitait néanmoins un espoir, il a souligné que lobjectif poursuivi par laccord de Nouméa et le projet de loi constitutionnelle devait lemporter sur toute considération juridique, le délai de quinze à vingt ans prévu par laccord pour laccession à lindépendance devant être mis à profit pour approfondir le processus engagé. Il a conclu en indiquant que le projet de loi constitutionnelle recevrait lapprobation du groupe U.D.F. Après sêtre félicité de ce que lensemble des orateurs considèrent, comme les Calédoniens eux-mêmes, que laccord de Nouméa était la seule voie possible vers la paix, Mme le Rapporteur a rappelé que ce texte se fondait sur lexpérience du travail en commun acquise au cours des dix dernières années. Tout en reconnaissant quil était difficile, faute de précédents, dappréhender avec certitude les conséquences des innovations juridiques contenues dans laccord, elle a estimé que les risques dextension à la métropole étaient limités, les populations susceptibles de revendiquer de telles innovations nayant pas la même histoire et donc pas la même légitimité. Elle a ajouté que le statut coutumier ne sappliquait quau peuple dorigine sur son propre territoire. Elle a en revanche considéré que laccord de Nouméa constituerait sans doute une référence pour lévolution de loutre-mer dans les années à venir, soulignant que la situation de ces territoires au regard de lemploi, notamment en termes démographiques, navait rien de comparable avec celle qui existe en métropole. Elle a rappelé que la limitation du corps électoral figurait déjà dans les accords de 1988, et insisté sur la nécessité de maintenir le contrat de confiance entre les différentes communautés qui ont fait, de part et dautre, des concessions. Après avoir indiqué que la loi statutaire et les lois du pays devront tenir compte de lenvironnement international sur la question de laccès à lemploi, elle a considéré que les réalités du territoire justifiaient les restrictions envisagées : elle a notamment cité la tradition dimmigration massive, qui a suscité la méfiance des populations kanakes, ainsi que le retard historique dans la formation des cadres et rappelé que lobjet de laccord était le rééquilibrage économique et humain du territoire. Elle a conclu en observant que lintégration du dispositif proposé dans la Constitution écarterait toute contestation sur sa valeur juridique et ferait tomber les objections présentées par certains juristes qui sinterrogeaient sur la nature exacte dune loi constitutionnelle sui generis. D. LEXAMEN DU DISPOSITIF DU PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE PAR LA COMMISSION Le Gouvernement a pris le parti de présenter au Parlement un projet de loi constitutionnelle qui ne sinsère pas dans le corps de la Constitution du 4 octobre 1958. Cette démarche est pour le moins originale, puisquelle na jamais été employée sous la Ve République. Des précédents existent cependant dans notre histoire constitutionnelle. Ainsi la IIIe République a été fondée juridiquement par ladoption de trois lois constitutionnelles distinctes les unes des autres. Plus récemment, la loi du 3 juin 1958 a révisé la procédure de révision prévue à larticle 90 de la Constitution du 27 octobre 1946 et a posé les principes qui devaient présider à la création de la Ve République. Cette loi constitutionnelle, elle non plus, na pas trouvé formellement sa place dans le corps même de la Constitution de 1946. On peut sinterroger sur les raisons qui ont conduit le Gouvernement à emprunter cette voie inédite. Lexposé des motifs apporte une réponse à cette question. Le caractère circonscrit de ce texte constitutionnel, tant dans le temps que dans lespace, serait de nature à justifier sa place singulière dans lédifice constitutionnel. Un texte aussi spécifique, applicable à une partie seulement du territoire de la République et pour une période transitoire, naurait pas sa place dans le corps de la Constitution de 1958. Le projet de loi constitutionnel relatif à la Nouvelle-Calédonie, sil était adopté, côtoierait donc la Constitution du 4 octobre 1958. Cette place, que lon peut qualifier de marginale par rapport à la norme constitutionnelle générale, ne pose pas a priori de difficulté particulière. Pourtant, on peut estimer plus judicieux de ne pas disloquer le bloc de constitutionnalité en faisant coexister des textes de valeur normative égale. Lintégration du projet de loi constitutionnelle dans lun des titres de la Constitution du 4 octobre 1958 est possible. Il semble même quune place naturelle soit préservée au sein de la norme suprême pour accueillir le texte relatif à la Nouvelle-Calédonie. En effet, le titre XIII, relatif à la Communauté, qui était devenu sans objet, a été abrogé par la loi constitutionnelle n° 95-880 du 4 août 1995. Il suivait le titre XII relatif aux collectivités territoriales où sont notamment mentionnés les territoires doutre-mer. Il précédait le titre XIV relatif aux accords dassociation entre la République et les Etats qui désirent sassocier avec elle pour développer leurs civilisations. Le rétablissement du titre XIII, pour accueillir le dispositif du projet de loi constitutionnelle, peut apparaître comme une solution formelle, certes moins novatrice, mais plus conforme à la procédure de larticle 89 de la loi fondamentale, utilisée en lespèce, qui parle de révision de la Constitution . Insérer le texte relatif à la Nouvelle-Calédonie dans le titre XIII est, au sens propre, une révision, ce qui nest pas précisément le cas dans lhypothèse où lon vote une loi constitutionnelle qui côtoie simplement le texte du 4 octobre 1958 sans y prendre place. Cette mise en forme naffecterait pas le fond du projet de loi constitutionnelle dont ladoption par lAssemblée nationale, le Sénat puis le Congrès sera de nature à maintenir et à renforcer lesprit de concorde que les acteurs locaux semblent, depuis dix ans, souhaiter voir régner en Nouvelle-Calédonie. Lors de lexamen des articles du projet de loi constitutionnelle, la Commission a adopté plusieurs amendements présentés par le rapporteur visant à rétablir le titre XIII qui serait intitulé Dispositions transitoires relatives à la Nouvelle-Calédonie et à y intégrer le dispositif du projet de loi (amendements nos 5, 6, 8, 9, 10, 11 et 12) · Larticle premier présente lobjet du projet de loi constitutionnelle. Il doit assurer lévolution de la Nouvelle-Calédonie selon les orientations définies par laccord signé à Nouméa le 5 mai 1998 et publié au Journal officiel le 27 mai dernier. Cet accord nest pas de nature juridique même sil savère fort précis sur certains points. Sa traduction dans le domaine normatif passe par la présente loi constitutionnelle ainsi que par la loi organique et la loi simple qui suivront. De plus, faire référence à cet accord dans un texte constitutionnel permet de lui conférer une assise solide et une forme de pérennité. La Commission a tout dabord rejeté lamendement n° 4 de M. Lionnel Luca tendant à la suppression de cet article. Elle a ensuite été saisie dun amendement du rapporteur visant à rétablir le titre XIII de la Constitution et à lintituler : Dispositions transitoires relatives à la Nouvelle-Calédonie . M. Dominique Bussereau sest interrogé sur la notion de rétablissement du titre et sest demandé sil ne serait pas plus approprié dutiliser le terme de création . Mme Nicole Catala a, quant à elle, exprimé ses doutes sur la possibilité dintroduire dans la Constitution des dispositions dordre transitoire. Elle sest ensuite demandé si les dispositions du titre XII de la Constitution, relatives à ladministration des collectivités territoriales, continueraient à sappliquer à la Nouvelle-Calédonie, jugeant quil serait regrettable quil en aille autrement. M. Pierre Frogier sest également inquiété de la référence au caractère transitoire des dispositions introduites dans la Constitution, soulignant quau terme de la période de quinze à vingt ans qui souvre aujourdhui, si la consultation prévue ne débouchait pas sur lindépendance du territoire, le statut actuel deviendrait de ce fait même définitif. Il a par ailleurs souhaité que soit précisée la nature juridique du territoire de Nouvelle-Calédonie à lissue de la révision constitutionnelle, se demandant notamment sil demeurerait un territoire doutre-mer, au sens de larticle 74 de la Constitution. M. Pierre Albertini a estimé que la nature de laccord de Nouméa, et donc des dispositions constitutionnelles qui en découlent, était évidemment transitoire puisquà lissue de la période considérée un vote interviendrait dont le résultat ne peut être présagé aujourdhui. Il a ajouté que toutes les constitutions contenaient des dispositions transitoires, soulignant que, dans sa rédaction initiale, le titre XIII de la Constitution concernant la Communauté, était de fait très rapidement devenu sans objet mais était néanmoins resté dans le corps de la Constitution jusquen 1995. Il a par ailleurs souligné que, dès que la révision constitutionnelle aurait été adoptée par le Congrès, la Nouvelle-Calédonie ne serait plus un territoire doutre-mer mais une collectivité répondant à sa propre logique juridique. M. Jacques Brunhes a estimé, pour sa part, que lutilisation du terme transitoire dans le titre XIII ne changeait rien au texte négocié entre les principales forces politiques néo-calédoniennes, observant que ce terme était dailleurs repris dans lexposé des motifs. En réponse à ces interrogations, Mme le rapporteur a dabord indiqué que laccord de Nouméa prévoyait, au cas où la consultation sur lindépendance aboutirait à un rejet, à lissue de la période de quinze à vingt ans, que les acteurs politiques néo-calédoniens auraient à se réunir pour examiner la situation ainsi créée. Elle a donc considéré que le statut dont la Nouvelle-Calédonie allait être dotée pour cette période nétait pas définitif. Elle a ajouté quen tout état de cause, le texte introduit dans la Constitution était transitoire dans la mesure où il mentionnait, par exemple, le principe de la consultation référendaire locale qui doit être organisée à la fin de 1998. Elle a également rappelé que, dans sa rédaction initiale, la Constitution du 4 octobre 1958 comportait un titre XV regroupant des dispositions transitoires, qui navait été abrogé quen 1995. Elle a, par ailleurs, indiqué quaprès le vote de la loi constitutionnelle, la Nouvelle-Calédonie ne serait plus un territoire doutre-mer, sa nature juridique étant tout à fait particulière, précisant cependant que, si les dispositions constitutionnelles propres à la Nouvelle-Calédonie sappliquaient en priorité, les autres dispositions contenues dans la loi fondamentale, lorsquelles nétaient pas contradictoires avec le nouveau titre XIII, sappliqueraient également. La Commission a adopté lamendement du rapporteur (amendement n° 5) et larticle premier ainsi modifié. · Larticle 2 porte sur lorganisation du référendum local, qui devra se tenir avant le 31 décembre 1998 et à loccasion duquel la population de Nouvelle-Calédonie se prononcera sur laccord de Nouméa. Le référendum se substitue ainsi à la consultation prévue par les accords de Matignon de 1988 et larticle 2 de la loi référendaire du 9 novembre 1988. Comme on la souligné précédemment, ce type de référendum organisé sur une seule partie du territoire de la République et en dehors des hypothèses définies à larticle 53 de la Constitution nest pas prévu par la norme suprême. Larticle 2 comble donc cette lacune pour le cas ponctuel de la Nouvelle-Calédonie en 1998. Le deuxième alinéa de cet article restreint le corps électoral, comme le prévoit laccord du 5 mai dernier. Ainsi, seules les personnes remplissant les conditions fixées à larticle 2 de la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 pourront voter lors de cette consultation. Cette restriction du corps électoral avait été lun des points-clés des négociations de 1988. Les indépendantistes craignaient quune politique dimmigration de grande ampleur ne vienne modifier substantiellement les rapports de force démographiques. Il faut dire quau début des années 70, lEtat avait tenté de conduire une politique de cette nature. En conséquence, larticle 2 de la loi référendaire du 9 novembre 1988 nadmettait à participer au scrutin de 1998 que les électeurs inscrits sur les listes électorales du territoire à la date de cette consultation [celle de 1998] et qui y ont leur domicile depuis la date du référendum approuvant la loi du 9 novembre 1988 . De la sorte, sur 112.000 électeurs, environ 8.000 personnes se voient retirer le droit de participer au scrutin qui portera non plus sur lindépendance ou non du territoire, ce qui était le sens du texte de 1988 mais sur lapprobation de laccord de Nouméa. Les modalités pratiques pour lorganisation de ce scrutin sont renvoyées, aux termes du dernier alinéa de larticle 2, à un décret en Conseil dEtat délibéré en Conseil des ministres. La Commission a adopté trois amendements de Mme le rapporteur : le premier faisant de larticle 2 du projet de loi constitutionnelle un nouvel article 76 de la Constitution ouvrant le titre XIII nouveau (amendement n° 6) ; le deuxième apportant à cet article une amélioration dordre rédactionnel (amendement n° 7) ; le troisième, conséquence de la modification apportée à larticle premier, introduisant dans larticle 76 nouveau de la Constitution la référence à laccord de Nouméa signé le 5 mai 1998 et publié le 27 mai 1998 au Journal officiel de la République française (amendement n° 8). La Commission a ensuite adopté larticle 2 ainsi modifié. · Larticle 3 du projet de loi prévoit quune loi organique déterminera : les compétences de lEtat, qui seront transférées aux institutions de la Nouvelle-Calédonie de façon définitive ainsi que léchelonnement, les modalités de ces transferts et la répartition des charges résultant de ceux-ci ; les règles dorganisation et de fonctionnement des institutions de Nouvelle-Calédonie, et en particulier les conditions dexamen par le Conseil constitutionnel de certaines catégories dactes de lassemblée délibérante ; les règles relatives à la citoyenneté, au régime électoral, à lemploi et au statut civil coutumier ; les conditions et les délais dans lesquels les populations intéressées de la Nouvelle-Calédonie seront amenées à se prononcer sur laccession à la pleine souveraineté. Enfin, le dernier alinéa de larticle 3 renvoie à la loi simple pour ladoption des autres mesures nécessaires à la mise en uvre de laccord de Nouméa. Cet article a, en réalité, deux objets. Tout dabord, il détermine le champ dune loi organique ce que seule la Constitution peut faire. En premier lieu, cette loi organique va fixer le statut de la Nouvelle-Calédonie pour la période de vingt ans qui souvre, celle-ci pouvant être réduite en vertu du cinquième point de laccord de Nouméa. Par statut, on entend les compétences des institutions locales, leur mode dorganisation ainsi que la nature des actes pris par ces institutions. A cet égard, larticle 3 évoque les conditions dexamen par le Conseil constitutionnel de certains de ces actes. Il sagit là dune innovation importante dans notre ordre juridique. Il existera désormais deux hiérarchies des normes en France. Lune concernera la France métropolitaine et ultra-marine à lexception de la Nouvelle-Calédonie. Lautre sera propre à la Nouvelle-Calédonie ; pour les domaines échappant à la compétence de lEtat, les actes administratifs pris par les autorités locales seront soumis aux lois du pays, elles-mêmes soumises à la Constitution de 1958 dans ses dispositions générales, sous réserve cependant de ses dispositions spécifiques relatives à la Nouvelle-Calédonie. Il appartiendra au Conseil constitutionnel de préciser, par sa jurisprudence, la manière exacte dont cette double hiérarchie parallèle des normes sajustera. Le deuxième objet de la loi organique sera de fixer les modalités selon lesquelles les populations intéressées de la Nouvelle-Calédonie se prononceront sur laccession à la souveraineté. Le texte de laccord de Nouméa est, à ce titre, tout à fait précis sur les principes qui régiront cette consultation. Elle sera organisée au cours du quatrième mandat de cinq ans du Congrès, celui-ci déterminant la date exacte de ce scrutin à la majorité des trois cinquièmes. La consultation, qui interviendra donc dici quinze à vingt ans, portera sur le transfert à la Nouvelle-Calédonie des compétences régaliennes, laccès à un statut international de pleine responsabilité et lorganisation de la citoyenneté à la nationalité. Laccord de Nouméa prévoit également quen cas de vote négatif une nouvelle consultation pourra être organisée dans la deuxième année suivant le premier scrutin. De la même manière, si le vote est à nouveau négatif, une troisième consultation aura lieu selon la même procédure et les mêmes délais. Le texte du 5 mai 1998 précise aussi quune partie de la Nouvelle-Calédonie ne pourra accéder seule à la souveraineté. De la sorte, la position qui avait été adoptée en 1974 pour les Comores et qui a permis à Mayotte de rester un territoire français est écartée. La loi organique fixera aussi les règles relatives à la citoyenneté, au régime électoral, à lemploi et au statut civil coutumier. On observera enfin que larticle 3 fixe pour partie le calendrier et la forme présidant à ladoption de la loi organique. Celle-ci ninterviendra quaprès la consultation mentionnée à larticle 2 et lapprobation de laccord de Nouméa. Il appartiendra alors à lassemblée délibérante de Nouvelle-Calédonie de faire connaître son avis sur le projet de loi organique. Le Secrétaire dEtat à loutre-mer, entendu par la commission des Lois, a indiqué que la loi organique pourrait être adoptée en février ou mars 1999. Dans un deuxième temps, larticle 3 introduit la possibilité pour le législateur de déroger à un certain nombre de principes constitutionnels. La simple lecture de ce texte ne permet pas, à première vue, den prendre très nettement conscience. Cest le premier alinéa de larticle qui donne à ces dispositions tout leur sens. Ladoption de la loi organique par le Parlement sinscrit dans une perspective : la mise en uvre des orientations de laccord de Nouméa. Celui-ci na pas de contenu formellement juridique. Cest avant tout un texte politique. Néanmoins il est suffisamment précis pour que lon puisse juger du caractère dérogatoire de son contenu par rapport à la Constitution. La mise en oeuvre de laccord du 5 mai par la loi organique implique que cette dernière contienne nécessairement des dispositions contraires à la Constitution de 1958. Comme on la vu, ces dérogations touchent la notion de citoyenneté, la composition du corps électoral, la possibilité de revenir au statut civil particulier que lon appelle désormais statut coutumier, le principe dégalité en matière demploi. En France, il nexiste pas de normes à valeur supra-constitutionnelle. Le pouvoir constituant, même dérivé, est donc souverain et il lui est loisible dintroduire dans la Constitution des dispositions contradictoires avec dautres principes à valeur constitutionnelle. Ces dérogations peuvent être expresses ou implicites. Cest alors la disposition constitutionnelle spéciale qui doit être appliquée face à la règle constitutionnelle générale. Le Conseil constitutionnel qui aura à examiner une loi du pays, comme larticle 3 du présent projet de loi le prévoit, devra en apprécier la constitutionnalité au regard, en priorité, des dispositions constitutionnelles spécifiques à la Nouvelle-Calédonie. La Constitution peut donc ainsi connaître une forme de dualité. Il appartient au juge constitutionnel de concilier au mieux les éléments antagoniques de notre loi fondamentale en recherchant la volonté du constituant. Elle est ici clairement établie : faire en sorte que laccord de Nouméa, aboutissement de longues négociations, puisse être appliqué sans entrave afin que toutes les parties en présence puissent continuer, en confiance, à forger ensemble lavenir du territoire. La Commission a adopté trois amendements présentés par Mme le rapporteur : le premier rétablissant un article 77 de la Constitution (amendement n° 9) ; le deuxième de conséquence (amendement n° 10) ; le troisième visant à préciser de manière plus explicite le fait que laccord de Nouméa est à la fois le cadre dans lequel la loi organique sappliquera et lobjectif vers lequel elle doit tendre (amendement n° 11). Soulignant que les signataires de laccord de Nouméa avaient exprimé leur souci que le texte de loi organique prise en application de la Constitution respecte les dispositions de laccord, le rapporteur a indiqué que lobjet de son amendement était de garantir que la loi organique puisse effectivement comporter les dérogations à certains principes de valeur constitutionnelle exigées pour lapplication de laccord. Puis la Commission a rejeté trois amendements nos 1, 2 et 3 présentés par M. Lionnel Luca. Enfin, elle a adopté un amendement de conséquence présenté par le rapporteur (amendement n° 12). M. Pierre Frogier sest interrogé sur ce quil a considéré comme une incertitude du texte constitutionnel pour ce qui est de la compensation financière des transferts de compétences à la Nouvelle-Calédonie. Il a observé que la rédaction de larticle 3 du projet de loi constitutionnelle sécartait sur ce point du texte même de laccord de Nouméa. En réponse à cette inquiétude, Mme Catherine Tasca a indiqué que lamendement quelle avait proposé à la Commission et que celle-ci venait dadopter, visant à préciser le lien entre la loi organique et laccord de Nouméa, devait être de nature à répondre à linterrogation exprimée par M. Pierre Frogier. Elle a ajouté que la discussion en séance publique serait loccasion dinsister sur limportance de laccord de Nouméa y compris dans ses aspects financiers. La Commission a adopté larticle 3 ainsi modifié. Elle a ensuite adopté lensemble du projet de loi constitutionnelle ainsi modifié. * * * En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de ladministration générale de la République vous demande dadopter le projet de loi constitutionnelle (n° 937) modifié par les amendements figurant au tableau comparatif ci-après. ___
AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION Article premier Amendement n° 4 présenté par M. Lionnel Luca : Supprimer cet article. Article 3 Amendements nos 1, 3 et 2 présentés par M. Lionnel Luca : Dans le deuxième alinéa de cet article, supprimer les mots : , de façon définitive, . Dans le quatrième alinéa de cet article, supprimer les mots : à la citoyenneté . A la fin du quatrième alinéa de cet article, substituer au mot : coutumier , le mot : particulier . ANNEXE 1
signé à Nouméa le 5 mai 1998 PRÉAMBULE 1. LORSQUE LA FRANCE PREND POSSESSION DE LA GRANDE TERRE, QUE JAMES COOK AVAIT DÉNOMMÉE NOUVELLE-CALÉDONIE , LE 24 SEPTEMBRE 1853, ELLE S'APPROPRIE UN TERRITOIRE SELON LES CONDITIONS DU DROIT INTERNATIONAL ALORS RECONNU PAR LES NATIONS D'EUROPE ET DAMÉRIQUE, ELLE N'ÉTABLIT PAS DES RELATIONS DE DROIT AVEC LA POPULATION AUTOCHTONE. LES TRAITÉS PASSÉS, AU COURS DE L'ANNÉE 1854 ET LES ANNÉES SUIVANTES, AVEC LES AUTORITÉS COUTUMIÈRES, NE CONSTITUENT PAS DES ACCORDS ÉQUILIBRÉS MAIS, DE FAIT, DES ACTES UNILATÉRAUX. OR, CE TERRITOIRE N'ÉTAIT PAS VIDE. LA GRANDE TERRE ET LES ILES ÉTAIENT HABITÉES PAR DES HOMMES ET DES FEMMES QUI ONT ÉTÉ DÉNOMMÉS KANAKS. ILS AVAIENT DÉVELOPPÉ UNE CIVILISATION PROPRE, AVEC SES TRADITIONS, SES LANGUES, LA COUTUME QUI ORGANISAIT LE CHAMP SOCIAL ET POLITIQUE. LEUR CULTURE ET LEUR IMAGINAIRE S'EXPRIMAIENT DANS DIVERSES FORMES DE CRÉATION. L'IDENTITÉ KANAK ÉTAIT FONDÉE SUR UN LIEN PARTICULIER À LA TERRE. CHAQUE INDIVIDU, CHAQUE CLAN SE DÉFINISSAIT PAR UN RAPPORT SPÉCIFIQUE AVEC UNE VALLÉE, UNE COLLINE, LA MER, UNE EMBOUCHURE DE RIVIÈRE, ET GARDAIT LA MÉMOIRE DE L'ACCUEIL D'AUTRES FAMILLES. LES NOMS QUE LA TRADITION DONNAIT À CHAQUE ÉLÉMENT DU PAYSAGE, LES TABOUS MARQUANT CERTAINS D'ENTRE EUX, LES CHEMINS COUTUMIERS STRUCTURAIENT L'ESPACE ET LES ÉCHANGES. 2. LA COLONISATION DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE S'EST INSCRITE DANS UN VASTE MOUVEMENT HISTORIQUE OU LES PAYS D'EUROPE ONT IMPOSÉ LEURS DOMINATIONS AU RESTE DU MONDE. DES HOMMES ET DES FEMMES SONT VENUS EN GRAND NOMBRE, AUX XIXE ET XXE SIÈCLES, CONVAINCUS D'APPORTER LE PROGRÈS, ANIMÉS PAR LEUR FOI RELIGIEUSE, VENU CONTRE LEUR GRÉ OU CHERCHANT UNE SECONDE CHANCE EN NOUVELLE-CALÉDONIE. IL SE SONT INSTALLÉS ET Y ONT FAIT SOUCHE. IL ONT APPORTÉ AVEC EUX LEURS IDÉAUX, LEURS CONNAISSANCES, LEURS ESPOIRS, LEURS AMBITIONS, LEURS ILLUSIONS ET LEURS CONTRADICTIONS. PARMI EUX CERTAINS, NOTAMMENT DES HOMMES DE CULTURE, DES PRÊTRES OU DES PASTEURS, DES MÉDECINS ET DES INGÉNIEURS, DES ADMINISTRATEURS, DES MILITAIRES, DES RESPONSABLES POLITIQUES ONT PORTÉ SUR LE PEUPLE D'ORIGINE UN REGARD DIFFÉRENT, MARQUÉ PAR UNE PLUS GRANDE COMPRÉHENSION OU UNE RÉELLE COMPASSION. LES NOUVELLES POPULATIONS SUR LE TERRITOIRE ONT PARTICIPÉ, DANS DES CONDITIONS SOUVENT DIFFICILES, EN APPORTANT DES CONNAISSANCES SCIENTIFIQUES ET TECHNIQUES, À LA MISE EN VALEUR MINIÈRE OU AGRICOLE ET, AVEC L'AIDE DE L'ETAT, À L'AMÉNAGEMENT DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE. LEUR DÉTERMINATION ET LEUR INVENTIVITÉ ONT PERMIS UNE MISE EN VALEUR ET JETÉ LES BASES DU DÉVELOPPEMENT. LA RELATION DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE AVEC LA MÉTROPOLE LOINTAINE EST DEMEURÉE LONGTEMPS MARQUÉE PAR LA DÉPENDANCE COLONIALE, UN LIEN UNIVOQUE, UN REFUS DE RECONNAÎTRE LES SPÉCIFICITÉS, DONT LES POPULATIONS NOUVELLES ONT AUSSI SOUFFERT DANS LEURS ASPIRATIONS. 3. LE MOMENT EST VENU DE RECONNAÎTRE LES OMBRES DE LA PÉRIODE COLONIALE, MÊME SI ELLE NE FUT PAS DÉPOURVUE DE LUMIÈRE. LE CHOC DE LA COLONISATION A CONSTITUÉ UN TRAUMATISME DURABLE POUR LA POPULATION D'ORIGINE. DES CLANS ONT ÉTÉ PRIVÉS DE LEUR NOM EN MÊME QUE DE LEUR TERRE. UNE IMPORTANTE COLONISATION FONCIÈRE A ENTRAÎNÉ DES DÉPLACEMENTS CONSIDÉRABLES DE POPULATION, DANS LEQUEL DES CLANS KANAK ONT VU LEURS MOYENS DE SUBSISTANCE RÉDUITS ET LEURS LIEUX DE MÉMOIRE PERDUS. CETTE DÉPOSSESSION A CONDUIT À UNE PERTE DES MOYENS IDENTITAIRES. L'ORGANISATION SOCIALE KANAK, MÊME SI ELLE A ÉTÉ RECONNUE DANS SES PRINCIPES, S'EN EST TROUVÉE BOULEVERSÉE. LES MOUVEMENTS DE POPULATION L'ONT DÉSTRUCTURÉE, LA MÉCONNAISSANCE, OU DES STRATÉGIES DE POUVOIR, ONT CONDUIT TROP SOUVENT À NIER LES AUTORITÉS LÉGITIMES ET À METTRE EN PLACE DES AUTORITÉS DÉPOURVUES DE LÉGITIMITÉ SELON LA COUTUME, CE QUI A ACCENTUÉ LE TRAUMATISME IDENTITAIRE. SIMULTANÉMENT, LE PATRIMOINE ARTISTIQUE KANAK ÉTAIT NIÉ OU PILLÉ. A CETTE NÉGATION DES ÉLÉMENTS FONDAMENTAUX DE L'IDENTITÉ KANAK SE SONT AJOUTÉES DES LIMITATIONS AUX LIBERTÉS PUBLIQUES ET UNE ABSENCE DE DROITS POLITIQUES, ALORS MÊME QUE LES KANAK AVAIENT PAYÉ UN LOURD TRIBUT À LA DÉFENSE DE LA FRANCE, NOTAMMENT LORS DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE. LES KANAK ONT ÉTÉ REPOUSSÉS AUX MARGES GÉOGRAPHIQUES, ÉCONOMIQUES ET POLITIQUE DE LEUR PROPRE PAYS, CE QUI NE POUVAIT, CHEZ UN PEUPLE FIER ET NON DÉPOURVU DE TRADITIONS GUERRIÈRES, QUE PROVOQUER DES RÉVOLTES, LESQUELLES ONT SUSCITÉ DES RÉPRESSIONS VIOLENTES, AGGRAVANT LES RESSENTIMENTS ET LES INCOMPRÉHENSIONS. LA COLONISATION A PORTÉ ATTEINTE À LA DIGNITÉ DU PEUPLE KANAK QU'ELLE A PRIVÉ DE SON IDENTITÉ . DES HOMMES ET DES FEMMES ONT PERDU DANS CETTE CONFRONTATION LEUR VIE OU LEURS RAISONS DE VIVRE. DE GRANDES SOUFFRANCES EN SONT RÉSULTÉES. IL CONVIENT DE FAIRE MÉMOIRE DE CES MOMENTS DIFFICILES, DE RECONNAÎTRE LES FAUTES, DE RESTITUER AU PEUPLE KANAK SON IDENTITÉ CONFISQUÉE, CE QUI ÉQUIVAUT POUR LUI À UNE RECONNAISSANCE DE SA SOUVERAINETÉ, PRÉALABLE À LA FONDATION D'UNE NOUVELLE SOUVERAINETÉ, PARTAGÉE DANS UN DESTIN COMMUN. 4. LA DÉCOLONISATION EST LE MOYEN DE REFONDER UN LIEN SOCIAL DURABLE ENTRE LES COMMUNAUTÉS QUI VIVENT AUJOURD'HUI EN NOUVELLE-CALÉDONIE, EN PERMETTANT AU PEUPLE KANAK D'ÉTABLIR AVEC LA FRANCE DES RELATIONS NOUVELLES CORRESPONDANT AUX RÉALITÉS DE NOTRE TEMPS. LES COMMUNAUTÉS QUI VIVENT SUR LE TERRITOIRE ONT ACQUIS PAR LEUR PARTICIPATION À L'ÉDIFICATION DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE UNE LÉGITIMITÉ À Y VIVRE ET À CONTRIBUER À SON DÉVELOPPEMENT. ELLES SONT INDISPENSABLE À SON ÉQUILIBRE SOCIAL ET AU FONCTIONNEMENT DE SON ÉCONOMIE ET DE SES INSTITUTIONS SOCIALES. SI L'ACCESSION DES KANAK AUX RESPONSABILITÉS DEMEURE INSUFFISANTE ET DOIT ÊTRE ACCRUE PAR DES MESURES VOLONTARISTES, IL N'EN RESTE PAS MOINS QUE LA PARTICIPATION DES AUTRES COMMUNAUTÉS À LA VIE DU TERRITOIRE LUI EST ESSENTIELLE. IL EST AUJOURD'HUI NÉCESSAIRE DE POSER LES BASES D'UNE CITOYENNETÉ DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE, PERMETTANT AU PEUPLE D'ORIGINE DE CONSTITUER AVEC LES HOMMES ET LES FEMMES QUI Y VIVENT UNE COMMUNAUTÉ HUMAINE AFFIRMANT SON DESTIN COMMUN. LA TAILLE DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE ET SES ÉQUILIBRES ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX NE PERMETTENT PAS D'OUVRIR LARGEMENT LE MARCHÉ DU TRAVAIL ET JUSTIFIENT DES MESURES DE PROTECTION DE L'EMPLOI LOCAL. LES ACCORDS DE MATIGNON SIGNÉS EN JUIN 1988 ONT MANIFESTÉ LA VOLONTÉ DES HABITANTS DE NOUVELLE-CALÉDONIE DE TOURNER LA PAGE DE LA VIOLENCE ET DU MÉPRIS POUR ÉCRIRE ENSEMBLE DES PAGES DE PAIX, DE SOLIDARITÉ ET DE PROSPÉRITÉ. DIX ANS PLUS TARD, IL CONVIENT D'OUVRIR UNE NOUVELLE ÉTAPE, MARQUÉE PARLA PLEINE RECONNAISSANCE DE L'IDENTITÉ KANAK, PRÉALABLE À LA REFONDATION D'UN CONTRAT SOCIAL ENTRE TOUTES LES COMMUNAUTÉS QUI VIVENT EN NOUVELLE-CALÉDONIE, ET PAR UN PARTAGE DE SOUVERAINETÉ AVEC LA FRANCE, SUR LA VOIE DE LA PLEINE SOUVERAINETÉ. LE PASSÉ A ÉTÉ LE TEMPS DE LA COLONISATION. LE PRÉSENT EST LE TEMPS DU PARTAGE, PAR LE RÉÉQUILIBRAGE. L'AVENIR DOIT ÊTRE LE TEMPS DE L'IDENTITÉ, DANS UN DESTIN COMMUN. LA FRANCE EST PRÊTE À ACCOMPAGNER LA NOUVELLE-CALÉDONIE DANS CETTE VOIE. 5. LES SIGNATAIRES DES ACCORDS DE MATIGNON ONT DONC DÉCIDÉ D'ARRÊTER ENSEMBLE UNE SOLUTION NÉGOCIÉ, DE NATURE CONSENSUELLE, POUR LAQUELLE ILS APPELLERONT L'ENSEMBLE LES HABITANTS DE NOUVELLE-CALÉDONIE À SE PRONONCER. CETTE SOLUTION DÉFINIT POUR VINGT ANNÉES L'ORGANISATION POLITIQUE DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE ET LES MODALITÉS DE SON ÉMANCIPATION. SA MISE EN UVRE SUPPOSE UNE LOI CONSTITUTIONNELLE QUE LE GOUVERNEMENT S'ENGAGE À PRÉPARER EN VUE DE SON ADOPTION PAR LE PARLEMENT. LA PLEINE RECONNAISSANCE DE L'IDENTITÉ KANAK CONDUIT À PRÉCISER LE STATUT COUTUMIER ET SES LIENS AVEC LE STATUT CIVIL DES PERSONNES DE DROIT COMMUN, À PRÉVOIR LA PLACE DES STRUCTURES COUTUMIÈRES DANS LES INSTITUTIONS, NOTAMMENT PAR L'ÉTABLISSEMENT D'UN SÉNAT COUTUMIER, À PROTÉGER ET VALORISER LE PATRIMOINE KANAK, À METTRE EN PLACE DE NOUVEAUX MÉCANISMES JURIDIQUES ET FINANCIERS POUR RÉPONDRE AUX DEMANDES EXPRIMÉES AU TITRE DU LIEN AVEC LA TERRE, TOUT EN VALORISANT SA MISE EN VALEUR, ET À ADOPTER DES SYMBOLES IDENTITAIRES EXPRIMANT LA PLACE ESSENTIELLE DE L'IDENTITÉ KANAK DU PAYS DANS LA COMMUNAUTÉ DE DESTIN ACCEPTÉE. LES INSTITUTIONS DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE TRADUIRONT LA NOUVELLE ÉTAPE VERS LA SOUVERAINETÉ : CERTAINES DES DÉLIBÉRATIONS DU CONGRÈS DU TERRITOIRE AURONT VALEUR LÉGISLATIVES ET UN EXÉCUTIF ÉLU LES PRÉPARERA ET LES METTRA EN UVRE. AU COURS DE CETTE PÉRIODE, DES SIGNES SERONT DONNÉ DE LA RECONNAISSANCE PROGRESSIVE D'UNE CITOYENNETÉ DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE, CELLE-CI DEVANT TRADUIRE LA COMMUNAUTÉ DE DESTIN CHOISIE ET POUVANT SE TRANSFORMER, APRÈS LA FIN DE LA PÉRIODE, EN NATIONALITÉ, S'IL EN ÉTAIT DÉCIDÉ AINSI. LE CORPS ÉLECTORAL POUR LES ÉLECTIONS AUX ASSEMBLÉES LOCALES PROPRES À LA NOUVELLE-CALÉDONIE SERA RESTREINTS AUX PERSONNES ÉTABLIES DEPUIS UNE CERTAINE DURÉE. AFIN DE TENIR COMPTE DE L'ÉTROITESSE DU MARCHÉ DU TRAVAIL, DES DISPOSITIONS SERONT DÉFINIES POUR FAVORISER L'ACCÈS À L'EMPLOI LOCAL DES PERSONNES DURABLEMENT ÉTABLIES EN NOUVELLE-CALÉDONIE. LE PARTAGE DES COMPÉTENCES ENTRE L'ETAT ET LA NOUVELLE-CALÉDONIE SIGNIFIERA LA SOUVERAINETÉ PARTAGÉE. IL SERA PROGRESSIF. DES COMPÉTENCES SERONT TRANSFÉRÉS DÈS LA MISE EN UVRE DE LA NOUVELLE ORGANISATION. D'AUTRES LE SERONT SELON UN CALENDRIER DÉFINI, MODULABLE PAR LE CONGRÈS, SELON LE PRINCIPE D'AUTO-ORGANISATION. LES COMPÉTENCES TRANSFÉRÉES NE POURRONT REVENIR À L'ETAT, CE QUI TRADUIRA LE PRINCIPE D'IRRÉVERSIBILITÉ DE CETTE ORGANISATION. LA NOUVELLE-CALÉDONIE BÉNÉFICIERA PENDANT TOUTE LA DURÉE DE MISE EN UVRE DE LA NOUVELLE ORGANISATION DE L'AIDE DE L'ETAT, EN TERMES D'ASSISTANCE TECHNIQUE ET DE FORMATION ET DES FINANCEMENTS NÉCESSAIRES, POUR L'EXERCICE DES COMPÉTENCES TRANSFÉRÉES ET POUR LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET SOCIAL. LES ENGAGEMENTS SERONT INSCRITS DANS DES PROGRAMMES PLURIANNUELS. LA NOUVELLE-CALÉDONIE PRENDRA PART AU CAPITAL ET AU FONCTIONNEMENT DES PRINCIPAUX OUTILS DU DÉVELOPPEMENT DANS LEQUEL L'ETAT EST PARTI PRENANTE. AU TERME D'UNE PÉRIODE DE VINGT ANNÉES, LE TRANSFERT À LA NOUVELLE-CALÉDONIE DES COMPÉTENCES RÉGALIENNES, L'ACCÈS À UN STATUT INTERNATIONAL DE PLEINE RESPONSABILITÉ ET L'ORGANISATION DE LA CITOYENNETÉ EN NATIONALITÉ SERONT PROPOSÉES AU VOTE DES POPULATIONS INTÉRESSÉES. LEUR APPROBATION ÉQUIVAUDRAIT À LA PLEINE SOUVERAINETÉ DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE. DOCUMENT D'ORIENTATION 1. LIDENTITÉ KANAK L'ORGANISATION POLITIQUE ET SOCIALE DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE DOIT MIEUX PRENDRE EN COMPTE L'IDENTITÉ KANAK. 1.1. LE STATUT CIVIL PARTICULIER CERTAINS KANAK ONT LE STATUT CIVIL DE DROIT COMMUN S'EN L'AVOIR SOUHAITÉ. LE STATUT CIVIL PARTICULIER EST SOURCE D'INSÉCURITÉ JURIDIQUE ET NE PERMETS PAS DE RÉPONDRE DE MANIÈRE SATISFAISANTE À CERTAINES SITUATIONS DE LA VIE MODERNE. EN CONSÉQUENCE, LES ORIENTATIONS SUIVANTES SONT RETENUES : LE STATUT CIVIL PARTICULIER S'APPELLERA DÉSORMAIS STATUT COUTUMIER ; TOUTE PERSONNE POUVANT RELEVER DU STATUT COUTUMIER ET QUI Y AURAI RENONCÉ, OU QUI S'EN SERAI TROUVÉE PRIVÉ À LA SUITE D'UNE RENONCIATION PAR SES ANCÊTRES OU PAR MARIAGE OU PAR TOUT AUTRE CAUSE (CAS DES ENFANTS INSCRIS EN MÉTROPOLE SUR L'ÉTAT CIVIL) POURRA LE RETROUVER. LA LOI DE RÉVISION CONSTITUTIONNELLE AUTORISERA CETTE DÉROGATION À L'ARTICLE 75 DE LA CONSTITUTION ; LES RÈGLES RELATIVES AU STATUT COUTUMIER SERONT FIXÉE PAR LES INSTITUTIONS DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE, DANS LES CONDITIONS INDIQUÉES PLUS LOIN ; LE STATUT COUTUMIER DISTINGUERA LES BIENS SITUÉS DANS LES TERRES COUTUMIÈRES (NOUVEAU NOM DE LA RÉSERVE), QUI SERONT APPROPRIÉS ET DÉVOLUS EN CAS DE SUCCESSION SELON LES RÈGLES DE LA COUTUME ET CEUX SITUÉS EN DEHORS DES TERRES COUTUMIÈRES QUI OBÉIRONT À DES RÈGLES DE DROIT COMMUN. 1.2. DROIT ET STRUCTURES COUTUMIÈRES 1.2.1. LE STATUT JURIDIQUE DU PROCÈS-VERBAL DE PALABRE (DONT LE NOM POURRAIT ÊTRE MODIFIÉ) DOIT ÊTRE REDÉFINI POUR LUI DONNER UNE PLEINE FORCE JURIDIQUE, EN FIXANT SA FORME ET EN ORGANISANT UNE PROCÉDURE D'APPEL PERMETTANT D'ÉVITER TOUTE CONTESTATION ULTÉRIEURE. LE RÔLE DE SYNDIC DES AFFAIRES COUTUMIÈRES, ACTUELLEMENT TENU PAR LES GENDARMES, SERA EXERCÉ PAR UN AUTRE AGENT, PAR EXEMPLE DE LA COMMUNE OU DE L'AIRE COUTUMIÈRE. LA FORME DU PROCÈS-VERBAL DE PALABRE SERA DÉFINIE PAR LE CONGRÈS EN ACCORD AVEC LES INSTANCES COUTUMIÈRES (VOIR PLUS BAS). L'APPEL AURA LIEU DEVANT LE CONSEIL D'AIRE ET L'ENREGISTREMENT SE FERA PAR LE CONSEIL D'AIRE OU LA MAIRIE. 1.2.2. LE RÔLE DES AIRES COUTUMIÈRES SERA VALORISÉ, NOTAMMENT EN CONFIANT AUX CONSEILS D'AIRES UN RÔLE DANS LA CLARIFICATION ET L'INTERPRÉTATION DES RÈGLES COUTUMIÈRES. PLUS GÉNÉRALEMENT, L'ORGANISATION SPATIALE DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE DEVRA MIEUX TENIR COMPTE DE LEUR EXISTENCE. EN PARTICULIER LES LIMITES COMMUNALES DEVRAIENT POUVOIR TENIR COMPTE DE LA LIMITE DES AIRES. 1.2.3. LE MODE DE RECONNAISSANCE DES AUTORITÉS COUTUMIÈRES SERA PRÉCISÉ POUR GARANTIR LEUR LÉGITIMITÉ. IL SERA DÉFINI PAR L'INSTANCE COUTUMIÈRE DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE (VOIR PLUS BAS) NOTIFICATION EN SERA FAITE AU REPRÉSENTANT DE L'ETAT ET À L'EXÉCUTIF DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE QUI NE POURRONT QUE L'ENREGISTRER. LEUR STATUT SERA PRÉCISÉ. 1.2.4. LE RÔLE DES AUTORITÉS COUTUMIÈRES DANS LA PRÉVENTION SOCIALE ET LA MÉDIATION PÉNALE SERA RECONNU. CE DERNIER RÔLE SERA PRÉVU DANS LES TEXTES APPLICABLES EN NOUVELLE-CALÉDONIE EN MATIÈRE DE PROCÉDURE PÉNALE. LES AUTORITÉS COUTUMIÈRES POURRONT ÊTRE ASSOCIÉES À L'ÉLABORATION DES DÉCISIONS DES ASSEMBLÉES LOCALES, À L'INITIATIVE DES ASSEMBLÉES DE PROVINCE OU DES COMMUNE. 1.2.5. LE CONSEIL COUTUMIER DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE DEVIENDRA UN "SÉNAT COUTUMIER", COMPOSÉ DE SEIZE MEMBRES (DEUX PAR AIRE COUTUMIÈRE), OBLIGATOIREMENT CONSULTÉ SUR DES SUJETS INTÉRESSANT L'IDENTITÉ KANAK. 1.3. LE PATRIMOINE CULTUREL 1.3.1. LES NOMS DE LIEUX LES NOMS KANAK DES LIEUX SERONT RECENSÉS ET RÉTABLIS. LES SITES SACRÉES SELON LA TRADITION KANAK SERONT IDENTIFIÉS ET JURIDIQUEMENT PROTÉGÉS, SELON LES RÈGLES APPLICABLES EN MATIÈRE DE MONUMENTS HISTORIQUES. 1.3.2. LES OBJETS CULTURELS L'ETAT FAVORISERA LE RETOUR EN NOUVELLE-CALÉDONIE D'OBJETS CULTURELS KANAKS QUI SE TROUVENT DANS DES MUSÉES OU DES COLLECTIONS, EN FRANCE MÉTROPOLITAINE OU DANS D'AUTRES PAYS. LES MOYENS JURIDIQUES DONT DISPOSE L'ETAT POUR LA PROTECTION DU PATRIMOINE NATIONAL SERONT MISE EN UVRE À CETTE FIN. DES CONVENTIONS SERONT PASSÉES AVEC CES INSTITUTIONS POUR LE RETOUR DE CES OBJETS OU LEUR MISE EN VALEUR. 1.3.3. LES LANGUES LES LANGUES KANAK SONT, AVEC LE FRANÇAIS, DES LANGUES D'ENSEIGNEMENT ET DE CULTURE EN NOUVELLE-CALÉDONIE. LEUR PLACE DANS L'ENSEIGNEMENT ET LES MÉDIAS DOIT DONC ÊTRE ACCRUE ET FAIRE L'OBJET D'UNE RÉFLEXION APPROFONDIE. UNE RECHERCHE SCIENTIFIQUE ET UN ENSEIGNEMENT UNIVERSITAIRE SUR LES LANGUES KANAK DOIVENT ÊTRE ORGANISÉS EN NOUVELLE-CALÉDONIE. L'INSTITUT NATIONAL DES LANGUES ET CIVILISATIONS ORIENTALES Y JOUERA UN RÔLE ESSENTIEL. POUR QUE CES LANGUES TROUVENT LA PLACE QUI DOIT LEUR REVENIR DANS LENSEIGNEMENT PRIMAIRE ET SECONDAIRE, UN EFFORT IMPORTANT SERA FAIT SUR LA FORMATION DES FORMATEURS. UNE ACADÉMIE DES LANGUES KANAK, ÉTABLISSEMENT LOCAL DONT LE CONSEIL D'ADMINISTRATION SERA COMPOSÉ DE LOCUTEURS DÉSIGNÉS EN ACCORD AVEC LES AUTORITÉS COUTUMIÈRES, SERA MISE EN PLACE. ELLE FIXERA LEURS RÈGLES D'USAGE ET LEUR ÉVOLUTION. 1.3.4. LE DÉVELOPPEMENT CULTUREL LA CULTURE KANAK DOIT ÊTRE VALORISÉE DANS LES FORMATIONS ARTISTIQUES ET DANS LES MÉDIAS. LES DROITS DES AUTEURS DOIVENT ÊTRE EFFECTIVEMENT PROTÉGÉS. 1.3.5. LE CENTRE CULTUREL TJIBAOU L'ETAT S'ENGAGE À APPORTER DURABLEMENT L'ASSISTANCE TECHNIQUE ET LES FINANCEMENTS NÉCESSAIRES AU CENTRE CULTUREL TJIBAOU POUR LUI PERMETTRE DE TENIR PLEINEMENT SON RÔLE DE PÔLE DE RAYONNEMENT DE LA CULTURE KANAK. SUR L'ENSEMBLE DE CES QUESTIONS RELATIVES AU PATRIMOINE CULTUREL, L'ETAT PROPOSERA À LA NOUVELLE-CALÉDONIE DE CONCLURE UN ACCORD PARTICULIER. 1.4. LA TERRE L'IDENTITÉ DE CHAQUE KANAK SE DÉFINIT D'ABORD EN RÉFÉRENCE À UNE TERRE. LE RÔLE ET LES CONDITIONS DE FONCTIONNEMENT DE L'AGENCE DE DÉVELOPPEMENT FONCIER (ADRAF) DEVRONT FAIRE L'OBJET D'UN BILAN APPROFONDI. ELLE DEVRA DISPOSER DE MOYENS SUFFISANTS POUR INTERVENIR DANS DES ZONES SUBURBAINES. L'ACCOMPAGNEMENT DES ATTRIBUTIONS DE TERRE DEVRA ÊTRE ACCENTUÉ POUR FAVORISER L'INSTALLATION DES ATTRIBUTAIRES ET LA MISE EN VALEUR. LES TERRES COUTUMIÈRES DOIVENT ÊTRE CADASTRÉES POUR QUE LES DROITS COUTUMIERS SUR UNE PARCELLE SOIENT CLAIREMENT IDENTIFIÉS. DE NOUVEAUX OUTILS JURIDIQUES ET FINANCIERS SERONT MIS EN PLACE POUR FAVORISER LE DÉVELOPPEMENT SUR LES TERRES COUTUMIÈRES, DONT LE STATUT NE DOIT PAS ÊTRE UN OBSTACLE À LA MISE EN VALEUR. LA RÉFORME FONCIÈRE SERA POURSUIVIE. LES TERRES COUTUMIÈRES SERONT CONSTITUÉES DES RÉSERVES, DES TERRES ATTRIBUÉES AUX GROUPEMENTS DE DROIT PARTICULIER LOCAL ET DES TERRES QUI SERONT ATTRIBUÉES PAR L'ADRAF POUR RÉPONDRE AUX DEMANDES EXPRIMÉES AU TITRE DU LIEN À LA TERRE. IL N'Y AURA PLUS AINSI QUE LES TERRES COUTUMIÈRES ET LES TERRES DE DROIT COMMUN. DES BAUX SERONT DÉFINIS PAR LE CONGRÈS, EN ACCORD AVEC LE SÉNAT COUTUMIER, POUR PRÉCISER LES RELATIONS ENTRE LE PROPRIÉTAIRE COUTUMIER ET L'EXPLOITANT SUR LES TERRES COUTUMIÈRES. LES JURIDICTIONS STATUANT SUR LES LITIGES SERONT LES JURIDICTIONS DE DROIT COMMUN AVEC DES ASSESSEURS COUTUMIERS. LES DOMAINES DE L'ETAT ET DU TERRITOIRE DOIVENT FAIRE L'OBJET D'UN EXAMEN DANS LA PERSPECTIVE D'ATTRIBUER CES ESPACES À D'AUTRES COLLECTIVITÉS OU À DES PROPRIÉTAIRES COUTUMIERS OU PRIVÉS, EN VUE DE RÉTABLIR DES DROITS OU DE RÉALISER DES AMÉNAGEMENTS D'INTÉRÊT GÉNÉRAL. LA QUESTION DE LA ZONE MARITIME SERA ÉGALEMENT EXAMINÉE DANS LE MÊME ESPRIT. 1.5. LES SYMBOLES DES SIGNES IDENTITAIRES DU PAYS, NOM, DRAPEAU, HYMNE, DEVISE, GRAPHISME DES BILLETS DE BANQUE DEVRONT ÊTRE RECHERCHÉS EN COMMUN POUR EXPRIMER L'IDENTITÉ KANAK ET LE FUTUR PARTAGÉ ENTRE TOUS. LA LOI CONSTITUTIONNELLE SUR LA NOUVELLE-CALÉDONIE PRÉVOIRA LA POSSIBILITÉ DE CHANGER CE NOM, PAR LOI DU PAYS ADOPTÉE À LA MAJORITÉ QUALIFIÉE (VOIR PLUS BAS). UNE MENTION DU NOM DU PAYS POURRA ÊTRE APPOSÉE SUR LES DOCUMENTS D'IDENTITÉ, COMME SIGNE DE CITOYENNETÉ. 2. LES INSTITUTIONS L'UN DES PRINCIPES DE L'ACCORD POLITIQUE EST LA RECONNAISSANCE D'UNE CITOYENNETÉ DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE. CELUI-CI TRADUIT LA COMMUNAUTÉ DE DESTIN CHOISIE ET S'ORGANISERAIT, APRÈS LA FIN DE LA PÉRIODE D'APPLICATION DE L'ACCORD, EN NATIONALITÉ, S'IL EN ÉTAIT DÉCIDÉ AINSI. POUR CETTE PÉRIODE, LA NOTION DE CITOYENNETÉ FONDE LES RESTRICTIONS APPORTÉES AU CORPS ÉLECTORAL POUR LES ÉLECTIONS AUX INSTITUTIONS DU PAYS ET POUR LA CONSULTATION FINALE. ELLE SERA AUSSI UNE RÉFÉRENCE POUR LA MISE AU POINT DES DISPOSITIONS QUI SERONT DÉFINIES POUR PRÉSERVER L'EMPLOI LOCAL. LA LOI CONSTITUTIONNELLE LE PERMETTRA. 2.1. LES ASSEMBLÉES 2.1.1. LES ASSEMBLÉES DE PROVINCES SERONT COMPOSÉES, RESPECTIVEMENT POUR LES ÎLES LOYAUTÉ, LE NORD ET LE SUD, DE SEPT, QUINZE ET TRENTE-DEUX MEMBRES, ÉGALEMENT MEMBRES DU CONGRÈS, AINSI QUE SEPT, SEPT ET HUIT MEMBRES SUPPLÉMENTAIRES, NON MEMBRES DU CONGRÈS LORS DE LA MISE EN PLACE DES INSTITUTIONS. LES ASSEMBLÉES DE PROVINCE POURRONT RÉDUIRE, POUR LES MANDATS SUIVANTS, L'EFFECTIF DES CONSEILLERS NON-MEMBRES DU CONGRÈS. 2.1.2. LE MANDAT DES MEMBRES DU CONGRÈS ET DES ASSEMBLÉES DE PROVINCE SERA DE CINQ ANS. 2.1.3. CERTAINES DÉLIBÉRATIONS DU CONGRÈS AURONT LE CARACTÈRE DE LOI DU PAYS ET DE CE FAIT NE POURRONT ÊTRE CONTESTÉES QUE DEVANT LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL AVANT LEUR PUBLICATION, SUR SAISINE DU REPRÉSENTANT DE L'ETAT, DE L'EXECUTIF DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE, D'UN PRÉSIDENT DU CONGRÈS OU D'UN TIERS DES MEMBRES DU CONGRÈS. 2.1.4. A) LE SÉNAT COUTUMIER SERA OBLIGATOIREMENT SAISI DES PROJETS DE LOI DU PAYS ET DE DÉLIBÉRATION LORSQU'ILS CONCERNERONT L'IDENTITÉ KANAK AU SENS DU PRÉSENT DOCUMENT. LORSQUE LE TEXTE QUI LUI SERA SOUMIS, AURA LE CARACTÈRE DE LOI DU PAYS ET CONCERNERA L'IDENTITÉ KANAK, LE CONGRÈS DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE DEVRA À NOUVEAU DÉLIBÉRER SI LE VOTE DU SÉNAT COUTUMIER N'EST PAS CONFORME. LE VOTE DU CONGRÈS S'IMPOSERA ALORS. B) UN CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL REPRÉSENTERA LES PRINCIPALES INSTITUTIONS ÉCONOMIQUES ET SOCIALES DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE. IL SERA OBLIGATOIREMENT CONSULTÉ SUR LES DÉLIBÉRATIONS À CARACTÈRE ÉCONOMIQUE ET SOCIAL DU CONGRÈS. IL COMPRENDRA DES REPRÉSENTANTS DU SÉNAT COUTUMIER. 2.1.5. LES LIMITES DES PROVINCES ET DES COMMUNES DEVRAIENT COÏNCIDER, DE MANIÈRE QU'UNE COMMUNE N'APPARTIENNE QU'À UNE PROVINCE. 2.2. LE CORPS ÉLECTORAL ET LE MODE DE SCRUTIN 2.2.1. LE CORPS ÉLECTORAL LE CORPS ÉLECTORAL POUR LES CONSULTATIONS RELATIVES À L'ORGANISATION POLITIQUE DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE INTERVENANT À L'ISSUE DU DÉLAI D'APPLICATION DU PRÉSENT ACCORD (POINT 5) COMPRENDRA EXCLUSIVEMENT : LES ÉLECTEURS INSCRITS SUR LES LISTES ÉLECTORALES AUX DATES DES CONSULTATIONS ÉLECTORALES PRÉVUES AU 5 ET QUI ONT ÉTÉ ADMIS À PARTICIPER AU SCRUTIN PRÉVUE À L'ARTICLE 2 DE LA LOI RÉFÉRENDAIRE, OU QUI REMPLISSAIENT LES CONDITIONS POUR Y PARTICIPER, AINSI QUE CEUX QUI POURRONT JUSTIFIER QUE LES INTERRUPTIONS DANS LA CONTINUITÉ DE LEUR DOMICILE EN NOUVELLE-CALÉDONIE ÉTAIENT DUES À DES RAISONS PROFESSIONNELLEMENT OU FAMILIALES, CEUX QUI, DE STATUT COUTUMIER OU NÉS EN NOUVELLE-CALÉDONIE, Y ONT EU LE CENTRE DE LEURS INTÉRÊTS MATÉRIELS ET MORAUX ET CEUX QUI NE SONT PAS NÉS EN NOUVELLE-CALÉDONIE MAIS DONT L'UN DES PARENTS Y EST NÉ ET QUI ONT LE CENTRE DE LEURS INTÉRÊTS MATÉRIELS ET MORAUX. POURRONT ÉGALEMENT VOTER POUR CES CONSULTATIONS LES JEUNES ATTEIGNANT LA MAJORITÉ ÉLECTORALE, INSCRITS SUR LES LISTES ÉLECTORALES, ET QUI, S'ILS SONT NÉS AVANT 1988 AURONT EU LEUR DOMICILE EN NOUVELLE-CALÉDONIE DE 1988 À 1998 OU, S'ILS SONT NÉS APRÈS 1988, ONT EU UN DE LEURS PARENTS QUI REMPLISSAIT OU AURAIT PU REMPLIR LES CONDITIONS POUR VOTER AU SCRUTIN DE LA FIN DE 1998. POURRONT ÉGALEMENT VOTER À CES CONSULTATIONS LES PERSONNES QUI POURRONT JUSTIFIER, EN 2013, DE VINGT ANS DE DOMICILE CONTINU EN NOUVELLE-CALÉDONIE. COMME IL AVAIT ÉTÉ PRÉVU DANS LE TEXTE SIGNÉ DES ACCORDS DE MATIGNON, LE CORPS ÉLECTORAL AUX ASSEMBLÉES DES PROVINCES ET AU CONGRÈS SERA RESTREINT : IL SERA RÉSERVÉ AUX ÉLECTEURS QUI REMPLISSAIENT LES CONDITIONS POUR VOTER AU SCRUTIN DE 1998, À CEUX QUI, INSCRITS AU TABLEAU ANNEXE, REMPLIRONT UNE CONDITION DE DOMICILE DE DIX ANS À LA DATE DE L'ÉLECTION, AINSI QU'AUX ÉLECTEURS ATTEIGNANT L'ÂGE DE LA MAJORITÉ POUR LA PREMIÈRE FOIS APRÈS 1998 ET QUI, SOIT JUSTIFIERONT DE DIX ANS DE DOMICILE EN 1998, SOIT AURONT EU UN PARENT REMPLISSANT LES CONDITIONS POUR ÊTRE ÉLECTEUR AU SCRUTIN DE LA FIN DE 1998, SOIT AYANT EU UN PARENT INSCRIT SUR UN TABLEAU ANNEXE, JUSTIFIERONT D'UNE DURÉE DE DOMICILE DE DIX ANS EN NOUVELLE-CALÉDONIE À LA DATE DE L'ÉLECTION. LA NOTION DE DOMICILE S'ENTENDRA AU SEN DE L'ARTICLE 2 DE LA LOI RÉFÉRENDAIRE. LA LISTE DES ÉLECTEURS ADMIS À PARTICIPER AU SCRUTIN SERA ARRÊTÉE AVANT LA FIN DE L'ANNÉE PRÉCÉDANT LE SCRUTIN. LE CORPS ÉLECTORAL RESTREINT S'APPLIQUERAIT AUX ÉLECTIONS COMMUNALES SI LES COMMUNES AVAIENT UNE ORGANISATION PROPRE À LA NOUVELLE-CALÉDONIE. 2.2.2. POUR FAVORISER L'EFFICACITÉ DU FONCTIONNEMENT DES ASSEMBLÉES LOCALES, EN ÉVITANT LES CONSÉQUENCES D'UNE DISPERSION DES SUFFRAGES, LE SEUIL DE 5 % S'APPLIQUERA AUX INSCRITS ET NON AUX EXPRIMÉS. 2.3. L'EXÉCUTIF L'EXÉCUTIF DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE DEVIENDRA UN GOUVERNEMENT COLLÉGIAL, ÉLU PAR LE CONGRÈS, RESPONSABLE DEVANT LUI. L'EXÉCUTIF SERA DÉSIGNÉ À LA PROPORTIONNELLE PAR LE CONGRÈS, SUR PROPOSITION PAR LES GROUPES POLITIQUES DE LISTES DE CANDIDATS, MEMBRES OU NON DU CONGRÈS. L'APPARTENANCE AU GOUVERNEMENT SERA INCOMPATIBLE AVEC LA QUALITÉ DE MEMBRE DU CONGRÈS OU DES ASSEMBLÉES DE PROVINCE. LE MEMBRE DU CONGRÈS OU DE L'ASSEMBLÉE DE PROVINCE ÉLU MEMBRE DU GOUVERNEMENT EST REMPLACÉ À L'ASSEMBLÉE PAR LE SUIVANT DE LA LISTE. EN CAS DE CESSATION DE FONCTION, IL RETROUVERA SON SIÈGE. LA COMPOSITION DE L'EXÉCUTIF SERA FIXÉE PAR LE CONGRÈS. LE REPRÉSENTANT DE L'ETAT SERA INFORMÉ DE L'ORDRE DU JOUR DES RÉUNIONS DU GOUVERNEMENT ET ASSISTERA À SES DÉLIBÉRATIONS. IL RECEVRA LES PROJETS DE DÉCISIONS AVANT LEUR PUBLICATION ET POURRA DEMANDER UNE SECONDE DÉLIBÉRATION DE L'EXÉCUTIF. 2.4. LES COMMUNES LES COMPÉTENCES DES COMMUNES POURRONT ÊTRE ÉLARGIES EN MATIÈRE D'URBANISME, DE DÉVELOPPEMENT LOCAL, DE CONCESSIONS DE DISTRIBUTION D'ÉLECTRICITÉ ET DE FISCALITÉ LOCALE. ELLES POURRONT BÉNÉFICIER DE TRANSFERTS DOMANIAUX. 3. LES COMPÉTENCES LES COMPÉTENCES DÉTENUES PAR L'ETAT SERONT TRANSFÉRÉES À LA NOUVELLE-CALÉDONIE DANS LES CONDITIONS SUIVANTES : CERTAINES SERONT TRANSFÉRÉES DÈS LA MISE EN UVRE DE LA NOUVELLE ORGANISATION POLITIQUE ; D'AUTRES LE SERONT DANS DES ÉTAPES INTERMÉDIAIRES ; D'AUTRES SERONT PARTAGÉES ENTRE L'ETAT ET LA NOUVELLE-CALÉDONIE ; LES DERNIÈRES, DE CARACTÈRE RÉGALIEN, NE POURRONT ÊTRE TRANSFÉRÉES QU'À L'ISSUE DE LA CONSULTATION MENTIONNÉE AU 5. LE CONGRÈS, À LA MAJORITÉ QUALIFIÉE DES TROIS CINQUIÈMES, POURRA DEMANDER À MODIFIER L'ÉCHÉANCIER PRÉVU DES TRANSFERTS DE COMPÉTENCES, À L'EXCLUSION DES COMPÉTENCES DE CARACTÈRE RÉGALIEN. L'ETAT PARTICIPERA PENDANT CETTE PÉRIODE À LA PRISE EN CHARGE FINANCIÈRE DES COMPÉTENCES TRANSFÉRÉES. CETTE COMPENSATION FINANCIÈRE SERA GARANTIE PAR LA LOI CONSTITUTIONNELLE. 3.1. LES COMPÉTENCES NOUVELLES CONFÉRÉES 3.1.1. LES COMPÉTENCES IMMÉDIATEMENT TRANSFÉRÉES LE PRINCIPE DU TRANSFERT EST ACQUIS DÈS L'INSTALLATION DES INSTITUTIONS ISSUES DU PRÉSENT ACCORD : LA MISE EN PLACE S'EFFECTUERA AU COURS DU PREMIER MANDAT DU CONGRÈS : LE DROIT À L'EMPLOI : LA NOUVELLE-CALÉDONIE METTRA EN PLACE, EN LIAISON AVEC L'ETAT, DES MESURES DESTINÉES À OFFRIR DES GARANTIES PARTICULIÈRES POUR LE DROIT À L'EMPLOI DE SES HABITANTS. LA RÉGLEMENTATION SUR L'ENTRÉE DES PERSONNES, NON ÉTABLIES EN NOUVELLE-CALÉDONIE, SERA CONFORTÉE. POUR LES PROFESSIONS INDÉPENDANTES, LE DROIT D'ÉTABLISSEMENT POURRA ÊTRE RESTREINT POUR LES PERSONNES NON ÉTABLIES EN NOUVELLE-CALÉDONIE. POUR LES SALARIÉS DU SECTEUR PRIVÉ ET POUR LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE, UNE RÉGLEMENTATION LOCALE SERA DÉFINIE POUR PRIVILÉGIER L'ACCÈS À L'EMPLOI DES HABITANTS. LE DROIT AU TRAVAIL DES RESSORTISSANTS ÉTRANGERS ; LE COMMERCE EXTÉRIEUR, DONT LA RÉGLEMENTATION DES IMPORTATIONS ET L'AUTORISATION DES INVESTISSEMENTS ÉTRANGERS ; LES COMMUNICATIONS EXTÉRIEURES EN MATIÈRE DE POSTE ET DE TÉLÉCOMMUNICATIONS, À L'EXCLUSION DES COMMUNICATIONS GOUVERNEMENTALES ET DE LA RÉGLEMENTATION DES FRÉQUENCES RADIOÉLECTRIQUES ; LA NAVIGATION ET LES DESSERTES MARITIMES INTERNATIONALES ; LES COMMUNICATIONS EXTÉRIEURES EN MATIÈRE DE DESSERTE AÉRIENNE LORSQU'ELLES N'ONT POUR ESCALE EN FRANCE QUE LA NOUVELLE-CALÉDONIE ET DANS LE RESPECT DES ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX DE LA FRANCE ; L'EXPLORATION, L'EXPLOITATION, LA GESTION ET LA CONSERVATION DES RESSOURCES NATURELLES, BIOLOGIQUES ET NON BIOLOGIQUES DE LA ZONE ÉCONOMIQUE ; LES PRINCIPES DIRECTEURS DU DROIT DU TRAVAIL ; LES PRINCIPES DIRECTEURS DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ; LA MÉDIATION PÉNALE COUTUMIÈRE ; LA DÉFINITION DE PEINES CONTRAVENTIONNELLES POUR LES INFRACTIONS AUX LOIS DU PAYS ; LES RÈGLES RELATIVES À L'ADMINISTRATION PROVINCIALE ; LES PROGRAMMES DE L'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE, LA FORMATION DES MAÎTRES ET LE CONTRÔLE PÉDAGOGIQUE ; LE DOMAINE PUBLIC MARITIME, TRANSFÉRÉ AUX PROVINCES. 3.1.2. LES COMPÉTENCES TRANSFÉRÉES DANS UNE SECONDE ÉTAPE DANS UNE ÉTAPE INTERMÉDIAIRE, AU COURS DU SECOND ET TROISIÈME MANDAT DU CONGRÈS, LES COMPÉTENCES SUIVANTES SERONT TRANSFÉRÉES À LA NOUVELLE-CALÉDONIE : LES RÈGLES CONCERNANT L'ÉTAT CIVIL, DANS LE CADRE DES LOIS EXISTANTES ; LES RÈGLES DE POLICE ET DE SÉCURITÉ EN MATIÈRE DE CIRCULATION AÉRIENNE ET MARITIME INTÉRIEURE ; L'ÉLABORATION DES RÈGLES ET LA MISE EN UVRE DES MESURES INTÉRESSANT LA SÉCURITÉ CIVILE. TOUTEFOIS, UN DISPOSITIF PERMETTRA AU REPRÉSENTANT DE L'ETAT DE PRENDRE LES MESURES NÉCESSAIRES EN CAS DE CARENCE. LE RÉGIME COMPTABLE ET FINANCIER DES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES ET DE LEURS ÉTABLISSEMENTS PUBLICS ; LE DROIT CIVIL ET LE DROIT COMMERCIAL ; LES PRINCIPES DIRECTEURS DE LA PROPRIÉTÉ FONCIÈRE ET DES DROITS RÉELS ; LA LÉGISLATION RELATIVE À L'ENFANCE DÉLINQUANTE ET À L'ENFANCE EN DANGER ; LES RÈGLES RELATIVES À L'ADMINISTRATION COMMUNALE ; LE CONTRÔLE ADMINISTRATIF DES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES ET DE LEURS ÉTABLISSEMENTS PUBLICS ; L'ENSEIGNEMENT DU SECOND DEGRÉ ; LES RÈGLES APPLICABLES AUX MAÎTRES DE L'ENSEIGNEMENT PRIVÉ SOUS CONTRAT. 3.2. LES COMPÉTENCES PARTAGÉES 3.2.1. LES RELATIONS INTERNATIONALES ET RÉGIONALES LES RELATIONS INTERNATIONALES SONT DE LA COMPÉTENCE DE L'ETAT. CELUI-CI PRENDRA EN COMPTE LES INTÉRÊTS PROPRES DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE DANS LES NÉGOCIATIONS INTERNATIONALES CONDUITES PAR LA FRANCE ET LASSOCIERA À CES DISCUSSIONS. LA NOUVELLE-CALÉDONIE POURRA ÊTRE MEMBRE DE CERTAINES ORGANISATIONS INTERNATIONALES OU ASSOCIÉ À ELLES, EN FONCTION DE LEURS STATUTS (ORGANISATIONS INTERNATIONALES DU PACIFIQUE, ONU, UNESCO, OIT, ETC.). LE CHEMINEMENT VERS L'ÉMANCIPATION SERA PORTÉ À LA CONNAISSANCE DE L'ONU. LA NOUVELLE-CALÉDONIE POURRA AVOIR DES REPRÉSENTATIONS DANS DES PAYS DE LA ZONE PACIFIQUE ET AUPRÈS DE CES ORGANISATIONS ET DE L'UNION EUROPÉENNE. ELLE POURRA CONCLURE DES ACCORDS AVEC CES PAYS DANS SES DOMAINES DE COMPÉTENCE. ELLE SERA ASSOCIÉE À LA RENÉGOCIATION DE LA DÉCISION D'ASSOCIATION EUROPE-PTOM. UNE FORMATION SERA MISE EN PLACE POUR PRÉPARER DES NÉO-CALÉDONIENS À L'EXERCICE DE RESPONSABILITÉS DANS LE DOMAINE DES RELATIONS INTERNATIONALES. LES RELATIONS DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE AVEC LE TERRITOIRE DES ÎLES WALLIS-ET-FUTUNA SERONT PRÉCISÉES PAR UN ACCORD PARTICULIER. L'ORGANISATION DES SERVICES DE L'ETAT SERA DISTINCTE POUR LA NOUVELLE-CALÉDONIE ET CE TERRITOIRE. 3.2.2. LES ÉTRANGERS L'EXÉCUTIF DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE SERA ASSOCIÉ À LA MISE EN UVRE DE LA RÉGLEMENTATION RELATIVE À L'ENTRÉE ET AU SÉJOUR DES ÉTRANGERS. 3.2.3. L'AUDIOVISUEL L'EXÉCUTIF EST CONSULTÉ PAR LE CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'AUDIOVISUEL AVANT TOUTE DÉCISION PROPRE À LA NOUVELLE-CALÉDONIE. UNE CONVENTION POURRA ÊTRE CONCLUE ENTRE LE C.S.A. ET LA NOUVELLE-CALÉDONIE POUR ASSOCIER CELLE-CI À LA POLITIQUE DE COMMUNICATION AUDIOVISUELLE. 3.2.4. LE MAINTIEN DE L'ORDRE L'EXÉCUTIF SERA INFORMÉ PAR LE REPRÉSENTANT DE L'ETAT DES MESURES PRISES. 3.2.5. LA RÉGLEMENTATION MINIÈRE LES COMPÉTENCES RÉSERVÉES À L'ETAT POUR LES HYDROCARBURES, LES SELS DE POTASSE, LE NICKEL, LE CHROME ET LE COBALT SERONT TRANSFÉRÉES. LA RESPONSABILITÉ DE L'ÉLABORATION DES RÈGLES SERA CONFÉRÉE À LA NOUVELLE-CALÉDONIE, CELLE DE LA MISE EN UVRE DES PROVINCES. UN CONSEIL DES MINES, COMPOSÉ DE REPRÉSENTANTS DES PROVINCES ET AUQUEL ASSISTE LE REPRÉSENTANT DE L'ETAT, SERA CONSULTÉ SUR LES PROJETS DE DÉLIBÉRATION DU CONGRÈS OU DES PROVINCES EN MATIÈRE MINIÈRE. SI SON AVIS N'EST PAS CONFORME OU SI LE REPRÉSENTANT DE L'ETAT EXPRIME UN AVIS DÉFAVORABLE, L'EXÉCUTIF DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE SE PRONONCERA. 3.2.6. LES DESSERTES AÉRIENNES INTERNATIONALES L'EXÉCUTIF SERA ASSOCIÉ AUX NÉGOCIATIONS LORSQUE LA COMPÉTENCE N'EST PAS ENTIÈREMENT CONFIÉE À LA NOUVELLE-CALÉDONIE. 3.2.7. L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE L'ETAT ASSOCIERA L'EXÉCUTIF À LA PRÉPARATION DES CONTRATS QUI LE LIENT AUX ORGANISMES DE RECHERCHE IMPLANTÉS EN NOUVELLE-CALÉDONIE ET À L'UNIVERSITÉ, AFIN DE PERMETTRE UNE MEILLEURE PRISE EN COMPTE DES BESOINS SPÉCIFIQUES DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE EN MATIÈRE DE FORMATION SUPÉRIEURE ET DE RECHERCHE. LA NOUVELLE-CALÉDONIE POURRA CONCLURE DES CONVENTIONS D'OBJECTIFS ET D'ORIENTATION AVEC CES INSTITUTIONS. 3.3. LES COMPÉTENCES RÉGALIENNES LA JUSTICE, L'ORDRE PUBLIC, LA DÉFENSE ET LA MONNAIE ( AINSI QUE LE CRÉDIT ET LES CHANGES ), ET LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (SOUS RÉSERVE DE DISPOSITION DU 3.2.1) RESTERONT DE LA COMPÉTENCE DE L'ETAT JUSQU'À LA NOUVELLE ORGANISATION POLITIQUE RÉSULTANT DE LA CONSULTATION DES POPULATIONS INTÉRESSÉES PRÉVUE AU 5. PENDANT CETTE PÉRIODE, DES NÉO-CALÉDONIENS SERONT FORMÉS ET ASSOCIÉS À L'EXERCICE DE RESPONSABILITÉS DANS CES DOMAINES, DANS UN SOUCI DE RÉÉQUILIBRAGE ET DE PRÉPARATION DE CETTE NOUVELLE ÉTAPE. 4. LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET SOCIAL 4.1. LA FORMATION DES HOMMES 4.1.1. LES FORMATIONS DEVRONT, DANS LEUR CONTENU ET LEUR MÉTHODE, MIEUX PRENDRE EN COMPTE LES RÉALITÉS LOCALES, L'ENVIRONNEMENT RÉGIONAL ET LES IMPÉRATIFS DE RÉÉQUILIBRAGE. DES DISCUSSIONS S'ENGAGERONT POUR LA RECONNAISSANCE MUTUELLE DES DIPLÔMES ET DES FORMATIONS AVEC LES ETATS DU PACIFIQUE. LE NOUVEAU PARTAGE DES COMPÉTENCES DEVRA PERMETTRE AUX HABITANTS DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE D'OCCUPER DAVANTAGE LES EMPLOIS DE FORMATEUR. L'UNIVERSITÉ DEVRA RÉPONDRE AUX BESOINS DE FORMATION ET DE RECHERCHE PROPRE À LA NOUVELLE-CALÉDONIE. L'INSTITUT DE FORMATION DES PERSONNELS ADMINISTRATIFS SERA RATTACHÉ À LA NOUVELLE-CALÉDONIE. 4.1.2. UN PROGRAMME DE FORMATION DE CADRES MOYENS ET SUPÉRIEURS, NOTAMMENT TECHNIQUES ET FINANCIERS, SERA SOUTENU PAR L'ETAT À TRAVERS LES CONTRATS DE DÉVELOPPEMENT POUR ACCOMPAGNER LES TRANSFERTS DE COMPÉTENCES RÉALISÉS ET À VENIR. UN PROGRAMME SPÉCIFIQUE, QUI PRENDRA EN COMPTE LA SUITE DU PROGRAMME 400 CADRES ET CONCERNERA LES ENSEIGNEMENTS SECONDAIRES, SUPÉRIEUR, ET PROFESSIONNEL TENDRA À LA POURSUITE DU RÉÉQUILIBRAGE ET À L'ACCESSION DES KANAK AUX RESPONSABILITÉS DANS TOUS LES SECTEURS D'ACTIVITÉS. 4.2. LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE 4.2.1. DES CONTRATS DE DÉVELOPPEMENT PLURIANNUELS SERONT CONCLUS AVEC L'ETAT. ILS POURRONT CONCERNER LA NOUVELLE-CALÉDONIE, LES PROVINCES ET LES COMMUNES ET TENDRONT À ACCROÎTRE L'AUTONOMIE ET LA DIVERSIFICATION ÉCONOMIQUES. 4.2.2. LES MINES UN SCHÉMA DE MISE EN VALEUR DES RICHESSES MINIÈRES DU TERRITOIRE SERA ÉLABORÉ. SA MISE EN UVRE SERA CONTRÔLÉE PAR LA NOUVELLE-CALÉDONIE GRÂCE AU TRANSFERT PROGRESSIF DE L'ÉLABORATION ET DE L'APPLICATION DU DROIT MINIER. 4.2.3. LA POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE CONTRIBUERA À L'OBJECTIF D'AUTONOMIE ET DE RÉÉQUILIBRAGE : RECHERCHE DE SITES HYDROÉLECTRIQUES, PROGRAMMATION DE L'ÉLECTRIFICATION RURALE TENANT COMPTE DES COÛTS DIFFÉRENCIÉS LIÉS À LA GÉOGRAPHIE DU TERRITOIRE. LES OPÉRATEURS DU SECTEUR SERONT ASSOCIES À LA MISE EN UVRE DE CETTE POLITIQUE. 4.2.4. LE FINANCEMENT DE L'ÉCONOMIE DEVRA ÊTRE MODERNISÉ : L'EXÉCUTIF SERA CONSULTÉ SUR LES DÉCISIONS DE POLITIQUE MONÉTAIRE. LA NOUVELLE-CALÉDONIE SERA REPRÉSENTÉE DANS LES INSTANCES COMPÉTENTES DE L'INSTITUT D'ÉMISSION. POUR FINANCER LE DÉVELOPPEMENT, L'INSTITUT CALÉDONIEN DE PARTICIPATION SERA MAINTENU DANS SON RÔLE ET SES ATTRIBUTIONS. IL SERA CRÉÉ UN FOND DE GARANTIE POUR FACILITER LE FINANCEMENT DES PROJETS DE DÉVELOPPEMENT SUR LES TERRES COUTUMIÈRES. DES OBJECTIFS DINTÉRÊT PUBLIC EN FAVEUR DU DÉVELOPPEMENT SERONT FIXÉS POUR LA BANQUE CALÉDONIENNE D'INVESTISSEMENT. LES COLLECTIVITÉS, DANS LA LIMITE DE LEURS COMPÉTENCES, POURRONT SOUTENIR LE DÉVELOPPEMENT DES ENTREPRISES EN COLLABORATION AVEC LE SECTEUR BANCAIRE. UN DISPOSITIF SPÉCIFIQUE SERA MIS EN PLACE POUR FACILITER LE RESTRUCTURATION ET LE REDRESSEMENT DES ENTREPRISES. 4.3. LA POLITIQUE SOCIALE 4.3.1. L'EFFORT EN FAVEUR DU LOGEMENT SOCIAL SERA POURSUIVI AVEC LE CONCOURS DE L'ETAT. L'ATTRIBUTION DES FINANCEMENTS ET LES CHOIX DES OPÉRATEURS DEVRONT CONTRIBUER À UN ÉQUILIBRE GÉOGRAPHIQUE. UNE DISTINCTION SERA EFFECTUÉE ENTRE LES RÔLES DE COLLECTEUR, DE PROMOTEUR ET DE GESTIONNAIRE DU PARC SOCIAL. 4.3.2. UNE COUVERTURE SOCIALE GÉNÉRALISÉE SERA MISE EN PLACE. 4.4. LE CONTRÔLE DES OUTILS DE DÉVELOPPEMENT LA NOUVELLE-CALÉDONIE SERA MISE À MÊME, AU COURS DE LA NOUVELLE PÉRIODE QUI S'OUVRE, DE DISPOSER D'UNE MAÎTRISE SUFFISANTE DES PRINCIPAUX OUTILS DE SON DÉVELOPPEMENT. LORSQUE L'ETAT DÉTIENT DIRECTEMENT OU INDIRECTEMENT LA MAÎTRISE PARTIELLE OU TOTAL DE CES OUTILS, LA NOUVELLE-CALÉDONIE LES REMPLACERA SELON DES MODALITÉS ET DES CALENDRIERS À DÉTERMINER. LORSQUE LA NOUVELLE-CALÉDONIE LE SOUHAITERA, LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX INTERVENANT SEULEMENT EN NOUVELLE-CALÉDONIE DEVIENDRONT DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE. SONT NOTAMMENT CONCERNÉS : OFFICE DES POSTES ET TÉLÉCOMMUNICATIONS, INSTITUT DE FORMATION DES PERSONNELS ADMINISTRATIFS, SOCIÉTÉ NÉO-CALÉDONIENNE DE L'ÉNERGIE ENERCAL, INSTITUT CALÉDONIEN DE PARTICIPATION, AGENCE DE DÉVELOPPEMENT RURAL ET D'AMÉNAGEMENT FONCIER, AGENCE DE DÉVELOPPEMENT DE LA CULTURE KANAK... LORSQUE LES ORGANISMES N'INTERVIENNENT PAS SEULEMENT EN NOUVELLE-CALÉDONIE, CELLE CI DEVRA DISPOSER DES MOYENS DE FAIRE VALOIR SES ORIENTATIONS STRATÉGIQUES EN CE QUI CONCERNE LA NOUVELLE-CALÉDONIE PAR UNE PARTICIPATION DANS LE CAPITAL OU LES INSTANCES DIRIGEANTES. 5. LÉVOLUTION DE LORGANISATION POLITIQUE AU COURS DU QUATRIÈME MANDAT (DE CINQ ANS) DU CONGRÈS, UNE CONSULTATION ÉLECTORALE SERA ORGANISÉE. LA DATE DE CETTE CONSULTATION SERA DÉTERMINÉE PAR LE CONGRÈS, AU COURS DE CE MANDAT, À LA MAJORITÉ QUALIFIÉE DES TROIS CINQUIÈMES. SI LE CONGRÈS N'A PAS FIXÉ CETTE DATE AVANT LA FIN DE LA L'AVANT DERNIÈRE ANNÉE DE CE QUATRIÈME MANDAT, LA CONSULTATION SERA ORGANISÉE, À UNE DATE FIXÉE PAR L'ETAT, DANS LA DERNIÈRE ANNÉE DU MANDAT. LA CONSULTATION PORTERA SUR LE TRANSFERT À LA NOUVELLE-CALÉDONIE DES COMPÉTENCES RÉGALIENNES, L'ACCÈS A UN STATUT INTERNATIONAL DE PLEINE RESPONSABILITÉ ET L'ORGANISATION DE LA CITOYENNETÉ EN NATIONALITÉ. SI LA RÉPONSE DES ÉLECTEURS À CES DISPOSITIONS EST NÉGATIVE, LE TIERS DES MEMBRES DU CONGRÈS POURRA PROVOQUER L'ORGANISATION D'UNE NOUVELLE CONSULTATION QUI INTERVIENDRA DANS LA DEUXIÈME ANNÉE SUIVANT LA PREMIÈRE CONSULTATION. SI LA RÉPONSE EST À NOUVEAU NÉGATIVE, UNE NOUVELLE CONSULTATION POURRA ÊTRE ORGANISÉE SELON LA MÊME PROCÉDURE ET DANS LES MÊMES DÉLAIS. SI LA RÉPONSE EST ENCORE NÉGATIVE, LES PARTENAIRES POLITIQUES SE RÉUNIRONT POUR EXAMINER LA SITUATION AINSI CRÉÉE. TANT QUE LES CONSULTATIONS N'AURONT PAS ABOUTI À LA NOUVELLE ORGANISATION POLITIQUE PROPOSÉE, L'ORGANISATION POLITIQUE MISE EN PLACE PAR L'ACCORD DE 1998 RESTERA EN VIGUEUR, À SON DERNIER STADE D'ÉVOLUTION, SANS POSSIBILITÉ DE RETOUR EN ARRIÈRE, CETTE IRRÉVERSIBILITÉ ÉTANT CONSTITUTIONNELLEMENT GARANTIE. LE RÉSULTAT DE CETTE CONSULTATION S'APPLIQUERA GLOBALEMENT POUR L'ENSEMBLE DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE. UNE PARTIE DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE NE POURRA ACCÉDER SEULE À LA PLEINE SOUVERAINETÉ OU CONSERVER SEULE DES LIENS DIFFÉRENTS AVEC LA FRANCE, AU MOTIF QUE LES RÉSULTATS DE LA CONSULTATION ÉLECTORALE Y AURAIENT ÉTÉ DIFFÉRENTS DU RÉSULTAT GLOBAL. L'ETAT RECONNAÎT LA VOCATION DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE À BÉNÉFICIER, À LA FIN DE CETTE PÉRIODE, D'UNE COMPLÈTE ÉMANCIPATION. 6. LAPPLICATION DE LACCORD 6.1. TEXTES LE GOUVERNEMENT ENGAGERA LA PRÉPARATION DES TEXTES NÉCESSAIRES À LA MISE EN UVRE DE L'ACCORD ET NOTAMMENT DU PROJET DE LOI DE RÉVISION CONSTITUTIONNELLE EN VUE DE SON ADOPTION AU PARLEMENT. SI CETTE RÉVISION NE POUVAIT ÊTRE MENÉE À BIEN ET SI LES MODIFICATIONS CONSTITUTIONNELLES NÉCESSAIRES À LA MISE EN APPLICATION DES DISPOSITIONS DE L'ACCORD NE POUVAIENT ÊTRE PRISES, LES PARTENAIRES SE RÉUNIRAIENT POUR EN EXAMINER LES CONSÉQUENCES SUR L'ÉQUILIBRE GÉNÉRAL DU PRÉSENT ACCORD. 6.2. CONSULTATIONS DES CONSULTATIONS SERONT ORGANISÉES EN NOUVELLE-CALÉDONIE AUPRÈS DES ORGANISATIONS POLITIQUES, COUTUMIÈRES, ÉCONOMIQUES ET SOCIALES SUR L'ACCORD CONCLU, À L'INITIATIVE DES SIGNATAIRES. 6.3. SCRUTIN DE 1998 UN SCRUTIN SERA ORGANISÉ AVANT LA FIN DE L'ANNÉE 1998 SUR L'ORGANISATION POLITIQUE DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE OBJET DU PRÉSENT ACCORD. LA LOI CONSTITUTIONNELLE POUR LA NOUVELLE-CALÉDONIE PERMETTRA QUE NE CE PRONONCENT QUE LES ÉLECTEURS ADMIS À PARTICIPER AU SCRUTIN PRÉVU À L'ARTICLE 2 DE LA LOI DU 9 NOVEMBRE 1998. 6.4. ELECTIONS AUX ASSEMBLÉES DE PROVINCE ET AU CONGRÈS DES ÉLECTIONS AUX ASSEMBLÉES DE PROVINCE ET AU CONGRÈS AURONT LIEU DANS LES SIX MOIS SUIVANT L'ADOPTION DES TEXTES RELATIFS À L'ORGANISATION POLITIQUE DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE. LES MANDATS DES MEMBRES DES ASSEMBLÉES DE PROVINCE PRENDRONT FIN À LA DATE DES ÉLECTIONS. 6.5. COMITÉ DES SIGNATAIRES UN COMITÉ DES SIGNATAIRES SERA MIS EN PLACE POUR: PRENDRE EN COMPTE LES AVIS QUI SERONT FORMULÉS PAR LES ORGANISMES LOCAUX CONSULTÉS SUR L'ACCORD ; PARTICIPER À LA PRÉPARATION DES TEXTES NÉCESSAIRES POUR LA MISE EN UVRE DE L'ACCORD ; VEILLER AU SUIVI DE L'APPLICATION DE L'ACCORD. LES DOCUMENTS CI-DESSUS, PRÉAMBULE ET DOCUMENT D'ORIENTATION ONT RECUEILLI L'APPROBATION DES PARTENAIRES DES ACCORDS DE MATIGNON, TRADUISANT LA FIN DE LA NÉGOCIATION QUI S'EST DÉROULÉE EN PRÉSENCE DE M. DOMINIQUE BUR, DÉLÉGUÉ DU GOUVERNEMENT, HAUT-COMMISSAIRE DE LA RÉPUBLIQUE. A NOUMÉA, LE MARDI 5 MAI 1998. LE PREMIER MINISTRE, LIONEL JOSPIN LE SECRÉTAIRE DETAT À LOUTRE-MER JEAN-JACK QUEYRANNE POUR LE FLNKS : POUR LE RPCR : ROCH WAMYTAN JACQUES LAFLEUR PAUL NÉAOUTYINE PIERRE FROGIER CHARLES PIDJOT SIMON LOUECKHOTE VICTOR TUTUGORO HAROLD MARTIN JEAN LÈQUES BERNARD DELADRIÈRE ANNEXE 2
_________________ N° 972. Rapport de Mme Catherine Tasca (au nom de la commission des lois), sur le projet de loi constitutionnelle (n° 937) relatif à la Nouvelle-Calédonie. ) 196.836 habitants lors du recensement du 16 avril 1996 et 164.173 en 1989. ) Source : Secrétariat dEtat à loutre-mer. ) Michel Miaille, Lévolution politique de la Nouvelle-Calédonie sous la souveraineté française in Jean-Yves Faberon, lavenir statutaire de la Nouvelle-Calédonie, la Documentation française, Notes et études documentaires , 16 juin 1997, p. 37. 4 ) Claude Deslhiat, Nouvelle-Calédonie : 40 ans dhistoire politique , Regards sur lactualité, 1988, p. 10. 5 ) Claude Desthiat, Nouvelle-Calédonie : 40 ans dhistoire politique , Regards sur lactualité, 1988, p. 33 ) La délégation, conduite par Mme Catherine Tasca, présidente de la Commission et rapporteur du présent projet de loi constitutionnelle, était, en outre, constituée de MM. Jacques Brunhes, Dominique Bussereau, François Colcombet, Michel Crépeau, René Dosière et Didier Quentin. Elle était accompagnée par Mme Corinne Luquiens, conseillère à la Commission des lois. |