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le 26 octobre 1998

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N° 1148

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 22 octobre 1998

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES(1) SUR LE PROJET DE LOI de financement de la sécurité sociale pour 1999 (n° 1106)

TOME IV

FAMILLE

PAR Mme Dominique GILLOT,
Députée.

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Sécurité sociale.

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales est composée de : M. Jean Le Garrec, président ; MM. René Couanau, Jean-Michel Dubernard, Jean-Paul Durieux, Maxime Gremetz, vice-présidents ; Mme Odette Grzegrzulka, MM. Denis Jacquat, Noël Mamère, Patrice Martin-Lalande, secrétaires ; MM. Yvon Abiven, Bernard Accoyer, Mme Sylvie Andrieux, MM. André Aschieri, Gautier Audinot, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, MM. Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Baeumler, Pierre-Christophe Baguet, Jean Bardet, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Mmes Huguette Bello, Yvette Benayoun-Nakache, MM. Patrick Bloche, Alain Bocquet, Mme Marie-Thérèse Boisseau, MM. Jean-Claude Boulard, Bruno Bourg-Broc, Mme Christine Boutin, MM. Jean-Paul Bret, Victor Brial, Yves Bur, Alain Calmat, Pierre Carassus, Pierre Cardo, Roland Carraz, Mmes Véronique Carrion-Bastok, Odette Casanova, MM. Jean-Charles Cavaillé, Bernard Charles, Jean-Marc Chavanne, Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Georges Colombier, François Cornut-Gentille, Mme Martine David, MM. Bernard Davoine, Lucien Degauchy, Marcel Dehoux, Jean Delobel, Jean-Jacques Denis, Mme Monique Denise, MM. Franck Dhersin, Dominique Dord, Mme Brigitte Douay, MM. Guy Drut, Nicolas Dupont-Aignan, Yves Durand, René Dutin, Christian Estrosi, Claude Evin, Jean Falala, Jean-Pierre Foucher, Jean-Louis Fousseret, Michel Françaix, Mme Jacqueline Fraysse, MM. Yves Fromion, Germain Gengenwin, Mmes Catherine Génisson, Dominique Gillot, MM. Jean-Pierre Giran, Michel Giraud, Jean Glavany, Gaëtan Gorce, François Goulard, Jean-Claude Guibal, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M.  Francis Hammel, Mme Cécile Helle, MM. Pierre Hellier, Michel Herbillon, Guy Hermier, Mmes Françoise Imbert, Muguette Jacquaint, MM. Maurice Janetti, Serge Janquin, Armand Jung, Bertrand Kern, Christian Kert, Jacques Kossowski, Mme Conchita Lacuey, MM. Jacques Lafleur, Robert Lamy, Edouard Landrain, Pierre Lasbordes, Mme Jacqueline Lazard, MM. Maurice Leroy, Patrick Leroy, Maurice Ligot, Gérard Lindeperg, Patrick Malavieille, Mme Gilberte Marin-Moskovitz, MM. Didier Mathus, Jean-François Mattei, Mme Hélène Mignon, MM. Jean-Claude Mignon, Renaud Muselier, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Yves Nicolin, Bernard Outin, Dominique Paillé, Michel Pajon, Michel Péricard, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Bernard Perrut, Pierre Petit, Mme Catherine Picard, MM. Jean Pontier, Jean-Luc Préel, Alfred Recours, Gilles de Robien, François Rochebloine, Marcel Rogemont, Yves Rome, Jean Rouger, Rudy Salles, André Schneider, Patrick Sève, Michel Tamaya, Pascal Terrasse, Gérard Terrier, Mmes Marisol Touraine, Odette Trupin, MM. Anicet Turinay, Jean Ueberschlag, Jean Valleix, Emile Vernaudon, Philippe Vuilque, Jean-Jacques Weber, Mme Marie-Jo Zimmermann.

INTRODUCTION 5

I.- LES COMPTES DE LA BRANCHE FAMILLE 7

A. L’ÉVOLUTION DU DÉFICIT DE LA BRANCHE FAMILLE 7

1. Le déficit prévisionnel pour 1998 : un quasi retour à l’équilibre 8

2. Le dépassement de l’objectif de dépenses pour 1998 8

3. Les prévisions pour 1999 : un excédent de près de 3 milliards 9

B. L’ÉVOLUTION DES RECETTES ET DES DÉPENSES 10

1. Les recettes 10

2. La prise en charge par l’Etat de l’allocation de parent isolé 13

3. Les dépenses 14

C. LE BILAN DE L’APPLICATION DE LA LOI DU 25 JUILLET 1994 RELATIVE A LA FAMILLE 22

1. La loi famille du 25 juillet 1994 22

2. 1998, l’année du bilan 23

II.- UNE POLITIQUE FAMILIALE AMBITIEUSE 29

A. LA RÉCONCILIATION DES PARTENAIRES 29

1. Le réexamen d’ensemble de la politique familiale, un engagement tenu 29

2. La démarche initiale du Gouvernement, approfondie et l’objectif d’équité, respecté 30

3. L’évolution des prestations 31

4. Une méthode durable 31

B. UNE POLITIQUE FAMILIALE PLUS JUSTE 32

1. Les mesures relatives à la famille prises dans la loi de lutte contre les exclusions 32

2. Les mesures relevant du projet de loi de financement de la sécurité sociale en faveur des familles modestes 35

3. L’utilisation de l’impôt comme outil de redistribution 38

C. UNE POLITIQUE FAMILIALE ADAPTÉE AUX MUTATIONS DE LA SOCIÉTÉ 44

1. Conforter les parents dans leur rôle éducatif 44

2. Concilier vie familiale et vie professionnelle 48

3. Diriger la politique familiale vers les publics prioritaires 52

EXAMEN DU RAPPORT PAR LA COMMISSION 55

ANALYSE DES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI RELATIVES A LA FAMILLE 57

Article 13 (articles L. 521-1 et L. 755-11 du code de la sécurité sociale) : Rétablissement de l’universalité des allocations familiales 57

Article 14 (article L. 543-1 et L. 543-2 du code de la sécurité sociale) : Extension de l’allocation de rentrée scolaire aux familles de un enfant 59

AUDITION DE LA COMMISSION 62

INTRODUCTION

La branche famille de la sécurité sociale est la part la plus visible de la politique familiale dont les principes remontent à une période, la Libération, où la situation était très éloignée de celle à laquelle nous devons faire face aujourd’hui : les familles étaient nombreuses, voire très nombreuses, l’activité professionnelle des femmes était peu répandue, le chômage et les difficultés d’insertion ne sévissaient pas.

Initialement conçue pour favoriser le renouvellement des générations et assurer l’équité entre les familles et les personnes sans enfants, au travers des prestations familiales puis de l’action sociale, la branche famille aujourd’hui contribue aussi à lutter contre les inégalités sociales et la pauvreté.

Cependant, s’adressant à toutes les familles, parce que toutes les familles sont utiles à notre société, elle trouve sa globalité dans la mise en cohérence des politiques publiques qui ont à connaître du fait familial (logement, santé, ville, culture, éducation, justice).

Le 12 juin 1998, lors de la Conférence nationale de la famille, après une large concertation menée avec l’ensemble des associations familiales, des organisations syndicales et des acteurs de terrain, le Gouvernement a marqué sa volonté de mener une politique rénovée et ambitieuse à l’égard des familles.

Cette politique s’appuie sur deux convictions :

- la reconnaissance du rôle des familles dans la cohésion sociale, comme lieu de solidarité et de construction de repères pour l’enfant ;

- l’importance d’une politique d’appui aux parents dans leur fonction éducative fondée sur la volonté de répondre à leurs besoins.

Le dialogue renoué, les décisions prises constituent la première étape de cette nouvelle politique qui tend d’abord à répondre aux attentes concrètes des familles et des enfants.

I.- LES COMPTES DE LA BRANCHE FAMILLE

Depuis le 1er janvier 1978, les prestations familiales sont attribuées, sans condition d’activité professionnelle, à toute personne française ou étrangère résidant en France métropolitaine.

La branche famille de la sécurité sociale représente environ un cinquième des recettes et des dépenses de l’ensemble du régime général.

Les comptes de la branche famille sont pour l’essentiel ceux de la Caisse nationale des allocations familiales dans la mesure où celle-ci retrace les recettes et les dépenses de tous les régimes servant des prestations familiales : régime général, régimes agricoles, régime minier et régimes “ spécifiques ” d’employeurs (administrations de l’Etat, SNCF, EDF-GDF...).

A. L’ÉVOLUTION DU DÉFICIT DE LA BRANCHE FAMILLE

Longtemps et traditionnellement excédentaire, la branche famille connaît depuis 1994 des déficits préoccupants : 10,4 milliards de francs en 1994, 16,6 milliards en 1995, 9,7 milliards en 1996 et 14 milliards en 1997.

L’Etat s’était habitué à mettre au compte de la branche un certain nombre de charges mal ou insuffisamment compensées : gestion du RMI, de l’allocation adulte handicapé (AAH), de l’aide personnalisée au logement (APL) et de l’allocation de logement à caractère social (ALS).

A cela se sont ajoutés les effets de la crise économique qui, en ralentissant le rendu des cotisations, augmentait le volume des enveloppes consacrées aux prestations familiales sous condition de ressources et l’impact des décisions, non financées, de la loi famille de 1994.

Cependant, les comptes prévisionnels 1998 et 1999 font apparaître une très nette amélioration du solde, soit un déficit de 947 millions de francs en 1998 et un excédent de près de 4 milliards en 1999, hors mesures nouvelles annoncées par le Premier ministre à la Conférence nationale de la famille en juin dernier.

1. Le déficit prévisionnel pour 1998 : un quasi retour à l’équilibre

Selon les travaux de la commission des comptes de la sécurité sociale, le déficit prévisionnel pour 1998 s’élèverait à 947 millions de francs.

L’amélioration du solde prévisionnel pour l’exercice 1998 correspond à une croissance des recettes plus rapide que celle des dépenses.

Les recettes ont progressé à un rythme soutenu (+ 6 %) du fait essentiellement de la poursuite de la croissance des cotisations employeurs liée à l’amélioration de la situation de l’emploi, de l’extension du 1 % sur les revenus des valeurs mobilières qui représente environ 3,7 milliards de francs et du déplafonnement total de la cotisation des employeurs et travailleurs indépendants (ETI) qui représente 400 millions de francs.

En revanche, les dépenses sont en diminution de 0,9 % par rapport à 1997. La baisse des dépenses au titre de l’allocation de garde d’enfant à domicile(AGED), l’effet de la mise sous condition de ressources des allocations familiales et la baisse des transferts versés au titre des cotisations de l’assurance vieillesse des parents au foyers (AVPF) expliquent l’essentiel de ce ralentissement.

2. Le dépassement de l’objectif de dépenses pour 1998

L’objectif de dépenses de la branche famille fixé à 246,9 milliards de francs par le projet de loi de financement de la sécurité sociale adopté le 19 décembre 1997 devrait être dépassé de 6,1 milliards de francs, le montant prévisionnel s’élevant à 253 milliards.

Ce dépassement de l’objectif de dépenses provient :

- à hauteur de 6,7 milliards de la majoration de l’allocation de rentrée scolaire. Cette majoration est intégralement compensée par le budget de l’Etat.

- à hauteur de 0,8 milliards d’une croissance des prestations extralégales et des dépenses diverses.

En revanche, les frais de gestion (- 0,3 milliard) et les dépenses des DOM (- 0,4 milliard) ont moins augmenté que prévu.

3. Les prévisions pour 1999 : un excédent de près de 3 milliards

La Commission des comptes de la sécurité sociale fait état, dans son rapport de septembre dernier, d’un solde prévisionnel de 4 052 millions de francs. Cette prévision doit être corrigée par l’effet des mesures proposées par le Gouvernement, figurant dans le présent projet de loi de financement et dont le chiffrage figure à l’annexe c :

- le retour à l’universalité des allocations familiales par la suppression de la mise sous condition de ressources des allocations familiales (- 4 680 millions de francs) ;

- la dotation au Fonds action sociale de la CNAF (- 660 millions de francs) pour développer des actions sociales collectives visant à améliorer la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle, ainsi qu’à conforter la responsabilité parentale ;

- le relèvement de l’âge limite d’ouverture du droit aux prestations familiales pour les jeunes de 19 à 20 ans à charge de leur famille (- 530 millions de francs) ;

- le rapprochement des loyers plafonds ALF/APL (- 220 millions de francs) pour favoriser l’aide au logement familiale ;

- l’extension du bénéfice de l’allocation de rentrée scolaire à toutes les familles d’un enfant qui remplissent les conditions de ressources (- 180 millions de francs) ;

- la prise en charge de l’allocation de parent isolé par le budget de l’Etat (+ 4 200 millions de francs) ;

- l’étalement des majorations pour âge des allocations familiales (+ 870 millions de francs) correspondant mieux à la réalité scolaire des enfants.

Les recettes évolueraient de 4,1 % (soit 10 milliards de francs de recettes supplémentaires). Quant aux dépenses, elles progresseraient d’environ 2 %, soit près de 6 milliards de dépenses supplémentaires en raison essentiellement des décisions nouvelles, des transferts versés et de l’accroissement de l’action sociale.

Ces prévisions n’incluent pas la reconduction de la revalorisation de l’allocation de rentrée scolaire qui pourrait majorer la part des subventions. Cette prestation perturbe fortement la structure du compte tant en recettes qu’en dépenses : son montant est connu en juillet, elle est versée en septembre et remboursée en fin d’année. Il serait souhaitable qu’elle soit institutionnalisée et qu’elle figure à ce titre dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

L’objectif de dépenses pour 1999 tel qu’il figure à l’article 32 du présent projet de loi est fixé à 257 milliards de francs.

L’excédent du régime général pour la branche famille, compte tenu des mesures proposées, devrait atteindre 2,9 milliards de francs en termes de fonds de roulement.

B. L’ÉVOLUTION DES RECETTES ET DES DÉPENSES

1. Les recettes

a) Les garanties de ressources de la branche famille

La loi n° 94–637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale a posé le principe de l’obligation de l’équilibre financier de chacune des branches du régime général et de l’individualisation de leur trésorerie pour mettre fin, notamment, au financement des déficits des autres branches de la sécurité sociale par la branche famille.

S’y ajoute le principe posé de façon permanente par la même loi selon lequel toute nouvelle mesure d’exonération de cotisations de sécurité sociale doit donner lieu à une compensation intégrale par l’Etat.

La branche famille voit, en outre, plus spécifiquement, ses ressources garanties par l’article 34 de cette même loi. Celui-ci assure en effet à la Caisse nationale des allocations familiales, pour la période 1994-1999, des ressources au moins égales, chaque année, au montant qui aurait résulté de la législation et de la réglementation applicable à la date du 1er janvier 1993.

b) La structure des recettes

La structure des recettes de la branche famille a évolué conformément au tableau suivant depuis 1995 :

(en milliards de francs)

 

1995

1996

1997

1998

1999

Recettes

224,8

100,0%

228,5

100,0%

243,5

100,0%

254,1

100,0%

257,6

100,0%

Cotisations

148,3

66,0 %

153,3

67,1 %

158,4

65,0 %

165,5

65,1 %

171,3

66,5 %

Impôts et taxes affectés

43,1

19,2 %

45,1

19,7 %

50,6

20,8 %

53,9

21,2 %

57,2

22,2 %

Transferts reçus

1,4

0,6 %

1,5

0,6 %

1,5

0,6 %

1,5

0,6 %

1,6

0,6 %

Subventions de l’Etat

25,1

11,2 %

25,0

11,0 %

29,0

11,9 %

29,2

11,5 %

23,6

9,2 %

Produits financiers

           

0,2

0,1 %

0,2

0,1 %

Recettes diverses

4,0

1,8 %

0,7

0,3 %

0,7

0,3 %

0,3

0,1 %

0,3

0,1 %

Recettes DOM

2,8

1,3 %

3,0

1,3 %

3,4

1,4 %

3,6

1,4 %

3,4

1,3 %

Source : direction de la sécurité sociale (DEEF)

·  Les cotisations

Les recettes de la branche famille proviennent essentiellement des cotisations (65,1 % en 1998) qui ont la particularité d’être entièrement à la charge des employeurs.

Le déplafonnement des cotisations affectées à la branche famille a été achevé en 1990 pour les cotisations d’allocations familiales dues par les salariés.

Pour les employeurs et travailleurs indépendants (ETI), les cotisations personnelles étaient partiellement plafonnées pour une part qui concernait 0,5 point de cotisation, à compter de la mise en place de la CSG, le 1er février 1991. La loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 prévoyait, dans son article 4, le déplafonnement total. Aussi, aujourd’hui, le taux de cotisations des ETI est aligné sur celui des salariés, soit 5,4 % de leur revenu professionnel. On observe d’ailleurs une remontée du montant des cotisations des ETI en 1998, directement liée au déplafonnement (+ 2,5 %), après une baisse de 4,6 % en 1997. Cette légère remontée devrait se poursuivre en 1999 (+ 1,3 %), selon le rapport de la Commission des comptes de septembre dernier.

La part des cotisations dans les recettes de la branche famille reste stable : 65,0 % en 1997 et 65,1 % en 1998. Les cotisations prises en charge par l’Etat, après une forte chute en 1997, continuent de régresser en 1998 de façon beaucoup plus modérée. Leurs montants passent de 12,9 milliards en 1997 à 12,7 milliards en 1998. La baisse importante observée en 1997 était exceptionnelle. Elle s’expliquait par la ventilation des mesures d’exonérations sur les bas salaires entre les différentes branches à compter de cet exercice, alors qu’en 1996, ces montants étaient affectés à la seule branche famille.

·  Les impôts et taxes affectés

Le montant total des impôts et taxes affectés s’élèvent pour 1998 à 53,9 milliards (contre 50,6 milliards en 1997) dont 50,2 milliards au titre de la seule CSG.

Le produit de la CSG, dont le taux est fixé à 1,7 % pour la branche famille, a beaucoup augmenté en 1997 en raison de l’élargissement de l’assiette décidé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997. En revanche, en 1998, le produit de la CSG a légèrement diminué de 0,6 %. L’augmentation du montant des impôts et taxes affectés en 1998 par rapport à 1997 est essentiellement dû à l’extension du 1 % sur les revenus mobiliers. En effet, suite aux dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, l’assiette des prélèvements sociaux sur les revenus liés à la détention d’un capital (1 % sur les revenus des valeurs mobilières) a été alignée sur celle de la CSG. Cette mesure avait été évaluée à 3,2 milliards de francs dans le projet de loi et a été estimée pour 1998 par la commission des comptes à 4,5 milliards de francs.

·  Les subventions

Le montant des subventions de l’Etat reste stable : 29 milliards de francs en 1997, 29,2 milliards en 1998 et représente pour cette année 11,5 % des recettes totales de la branche famille.

Les subventions de l’Etat correspondent à la prise en charge de prestations servies par la branche famille pour le compte de celui-ci. Il s’agit de l’allocation adulte handicapée (AAH), du revenu minimum d’insertion (RMI), des aides à la scolarité, du solde des cotisations d’allocations familiales dues par l’Etat et des prestations effectivement servies aux fonctionnaires. Les subventions remboursent également la majoration de l’allocation de rentrée scolaire (ARS).

2. La prise en charge par l’Etat de l’allocation de parent isolé

L’allocation de parent isolé (API)

Instituée par la loi du 9 juillet 1976, cette prestation a pour but d’apporter une aide temporaire aux personnes veuves, divorcées, séparées de droit ou de fait, abandonnées ou célibataires qui se retrouvent seules pour assumer la charge d’au moins un enfant.

Le parent isolé doit vivre seul ou dans sa famille et assumer la charge d’au moins un enfant. Le droit est également ouvert pour la femme seule enceinte qui n’a pas d’autre enfant à charge.

L’allocation est versée pendant douze mois consécutifs ou jusqu’à ce que le plus jeune enfant ait atteint trois ans. Elle est égale à la différence entre le montant du revenu garanti (3 198 F + 1 066F/enfant par mois) et l’ensemble des ressources dont dispose le parent isolé.

En 1998, le coût de l’API était de 4,2 milliards de francs pour environ 163 000 bénéficiaires, soit un peu moins de 2 % des prestations de la branche famille pour 1,5 % de ses bénéficiaires.

De prestation familiale, l’API est devenue un minimum social qui présente des difficultés renforcées par les modifications du contexte économique et familial. La situation des bénéficiaires de l’API se caractérise fréquemment par une précarité tant économique que sociale et affective.

L’imprécision du critère d’isolement et la difficulté de le contrôler fragilisent la prestation, entraînent des inégalités dans les critères d’attribution et alimentent des contentieux. Cette prestation demeure peu évaluée au regard des effets sur l’insertion des bénéficiaires, les quelques études disponibles montrant la persistance d’une grande vulnérabilité des familles concernées et leur risque d’enfermement dans l’assistance.

Si la mise en cohérence avec le RMI, prévue lors de la mise en place de ce dernier, ne paraît pas souhaitable aujourd’hui pour ne pas priver les bénéficiaires de l’API du caractère valorisant d’un droit ouvert par une situation parentale reconnue, la nécessité d’accompagner toute API d’un processus d’insertion est avérée.

Il serait illogique que l’Etat prenne en charge, au nom de la solidarité nationale, les minima sociaux tels que le RMI ou l’AAH et non l’API. Ainsi, le budget de la solidarité comprend désormais, par transposition du dispositif en vigueur pour le RMI et pour l’AAH, un nouveau chapitre 46-20 intitulé “ Contribution de l’Etat au financement de l’allocation de parent isolé ”, doté de 4,233 millions de francs en 1999.

Ceci permettra à la branche famille de financer le rétablissement de l’universalité des allocations familiales, évalué à 4,6 milliards de francs. La politique familiale pourra ainsi bénéficier, ce qui paraît équitable, des sommes dégagées par la fiscalité.

Coût de l’allocation de parent isolé (1993-1999)

(en millions de francs)

1993

4 279

1994

4 487

1995

4 528

1996

4 409

1997

4 411

1998

4 285

1999

4 060

Source : commission des comptes de la sécurité sociale

3. Les dépenses

Le montant total des dépenses de la Caisse nationale des allocations familiales passerait de 257,4 milliards de francs en 1997 à 255 milliards de francs en 1998, soit une diminution de 0,9 %.

a) Les prestations familiales

En 1998, les prestations familiales versées en métropole atteignent 156,4 milliards de francs et représentent 61,3 % des dépenses totales de la branche.

· Les différents types de prestations familiales

Ce montant de 156,4 milliards se répartit entre les différentes prestations familiales conformément au tableau ci-dessous.

(en milliards de francs)

Année

1996

%

1997

%

1998

%

Prestations familiales métropole

149 269

1,0

157 662

5,6

156 486

- 0,7

Famille

138 805

- 0,5

146 157

5,3

144 372

- 1,2

allocations familiales

68 723

- 0,3

69 823

1,6

67 067

- 3,9

complément familial

9 685

- 1,7

9 550

- 1,4

9 728

1,9

allocation jeune enfant

18 017

- 9,5

16 655

- 7,6

16 421

- 1,4

allocation de logement familiale

14 620

1,0

14 761

1,0

15 285

3,6

primes de déménagement ALF

23

 

23

 

23

 

allocation de soutien familial

4 496

1,3

4 709

4,7

4 893

3,9

allocation de parent isolé

4 409

- 2,6

4 411

0,0

4 285

- 2,9

allocation de rentrée scolaire

5 412

- 34,4

8 627

59,4

8 591

- 0,4

allocation parentale d’éducation

12 538

53,6

16 681

33,0

17 896

7,3

allocation différentielle

158

- 8,1

132

14,9

184

1,1

Aides à la scolarité

720

 

737

     

Maternité

8 717

32,5

9 706

11,3

10 209

5,2

allocation de garde d’enfant à domicile

1 697

81,3

1 890

11,4

1 467

- 22,4

AFEAMA

6 999

24,1

7 790

11,3

8 716

11,9

allocation d’adoption

21

 

26

 

26

 

Invalidité

1 747

2,5

1 799

3,0

1 904

5,8

allocation d’éducation spéciale

1 747

2,5

1 799

3,0

1 904

5,8

Commission des comptes - septembre 1998

Poursuivant la recherche d’une plus grande justice sociale dans l’aide aux familles, confrontée à la nécessité de faire face à un déficit dangereux pour la pérennité des prestations et à défaut d’avoir pu procéder par la concertation et dans le temps imparti à un rééquilibrage de la politique familiale, la loi de financement de la sécurité sociale a décidé pour 1998 de soumettre l’attribution des allocations familiales à un critère de ressources. Le caractère temporaire de cette mesure a été lié au réexamen d’ensemble de la politique familiale.

Cette mesure a transformé la répartition entre les prestations servies avec condition de ressources et celles versées sans condition de ressources. Ainsi, alors qu’en 1997 les prestations familiales versées sans condition de ressources représentaient 65,3 % du total des prestations familiales, en 1998 leur part est passée à seulement 22,4 %.

Plafond de ressources à compter du 1er juillet 1998 (revenus nets catégoriels de 1997)

Nature de l’allocation

Nombre d’enfants

Par enfant supplémentaire

 

1

2

3

4

 

Allocations familiales (métropole et DOM)

- Ménage avec un revenu

174 701 F

218 376 F

262 051 F

305 726 F

+ 43 675 F

Allocation d’adoption, complément familial, APJE (métropole)

108 840 F

130 619 F

156 743 F

182 867 F

+ 26 124 F

ARS (métropole et DOM), APJE, allocation d’adoption, complément familial (DOM)

101 440 F

124 349 F

148 258 F

171 667 F

+ 23 409 F

Les principales prestations familiales

Les allocations familiales (AF) 1 sont versées sous conditions de ressources aux familles assumant la charge de deux enfants ou plus. Ces allocations sont majorées selon l’âge des enfants.

L’allocation pour jeune enfant (APJE) est en fait deux allocations : l’APJE “ longue ” versée sous conditions de ressources jusqu’aux trois ans de l’enfant et l’APJE “ courte ” versée sous conditions de ressources depuis janvier 1996, du cinquième mois de grossesse au troisième de l’enfant.

L’allocation d’adoption est versée sous conditions de ressources à partir d’août 1996.

Le complément familial (CF) est versé sous conditions de ressources aux familles ayant trois enfants à charge (tous âgés de plus de trois ans).

L’allocation de rentrée scolaire (ARS) est versée sous conditions de ressources aux familles ayant un ou plusieurs enfants scolarisés âgés de 6 à 18 ans. Elle fait l’objet de majorations exceptionnelles depuis 1993.

L’aide à la scolarité est instituée pour la rentrée scolaire 94-95. Elle se substitue aux bourses des collèges servies par l’Education nationale. Elle concerne les enfants de 11 à 16 ans et est versée sous conditions de ressources.

L’allocation de parent isolé (API) est une allocation différentielle versée sous conditions de ressources aux personnes seules qui assument la charge d’un ou plusieurs enfants. Elle est servie pendant une période d’un an maximum mais peut être prolongée jusqu’au troisième anniversaire du dernier enfant.

·  Les facteurs d’évolution des dépenses

De nombreux facteurs peuvent affecter dans un sens ou dans un autre l’évolution des dépenses de la branche famille.

- L’environnement économique influe sur le versement des minima sociaux et sur celui des prestations versées sous condition de ressources.

- Le facteur démographique aussi est déterminant. Le remplacement des générations à effectifs importants nées jusqu’en 1974, par des générations à effectifs plus faibles dans lesquelles les familles nombreuses se raréfient, fait diminuer le volume des allocations familiales de 0,2 % à 0,4 % par an. Cependant, cet effet est contrebalancé par des facteurs sociologiques comme l’allongement de la scolarité et de la dépendance des jeunes, et l’augmentation du nombre de familles monoparentales.

- Les dépenses de la branche famille sont également affectées par les décisions prises en matière de fixation des montants des prestations familiales. Celles-ci sont calculées en fonction d’un pourcentage de la base mensuelle de calcul des allocations familiales (BMAF). Seules les aides au logement, l’AGED et l’AFEAMA hors ses majorations, ne sont pas calculées en fonction d’un pourcentage de la BMAF.

La loi famille du 25 juillet 1994 prévoit à l’article 36, pour la période allant du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1999 : “ une ou plusieurs revalorisations de la BMAF par an ” conformément à l’évolution des prix à la consommation hors tabac prévue dans le rapport économique et financier annexé à la loi de finances pour l’année à venir, avec un ajustement a posteriori si l’évolution des prix constatée est différente.

Le Conseil d’Etat a condamné l’Etat à deux reprises dans le cadre de deux contentieux relatifs à la base mensuelle de calcul des allocations familiales (BMAF), l’un pour l’année 1993, l’autre pour l’année 1995.

En 1993, le Gouvernement précédent n’avait en effet revalorisé la BMAF qu’une seule fois alors que la loi en vigueur prévoyait la revalorisation de la base au moins deux fois par an. Il est précisé qu’en 1993, la BMAF a été revalorisée de 2 % au 1er janvier. La revalorisation intervenue au titre de l’année 1993 a donc été supérieure à l’augmentation des prix en moyenne annuelle hors tabac qui a été de 1,8 % pour cette même année.

En 1995, selon la loi du 25 juillet 1994 relative à la famille, votée durant la précédente législature, la BMAF devait être revalorisée conformément à l’évolution des prix à la consommation hors tabac, ce qui représentait pour l’année visée 1,7 %. Or, le Gouvernement précédent n’avait revalorisé la BMAF au 1er janvier que de 1,2 %.

Le Gouvernement actuel a appliqué les deux décisions du Conseil d’Etat dans le décret n° 97-1138 du 12 décembre 1997 et a versé aux familles une revalorisation s’élevant à 650 millions de francs.

Pour 1998, conformément aux règles définies dans la loi famille du 25 juillet 1994, la revalorisation s’est élevée à 1,1 % au 1er janvier 1998, soit une évolution en moyenne annuelle de 1,13 %.

Une revalorisation de la BMAF d’un point en moyenne annuelle induit une augmentation de dépenses pour la branche famille de 1,36 milliard de francs.

Evolution indiciaire des prix, du salaire moyen, du SMIC horaire

et de la BMAF depuis 1990

année

prix hors tabac

(1)

salaire moyen brut (2)

salaire moyen net

SMIC brut horaire

SMIC net horaire

BMAF

1990

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

1991

103,2

104,6

104,1

104,9

105,3

102,9

1992

105,6

108,8

107,2

109,0

108,6

105,2

1993

107,5

111,8

108,7

111,8

110,0

108,4

1994

109,0

114,6

110,0

114,3

111,2

110,5

1995

110,8

117,1

112,4

117,8

114,2

111,9

1996

112,9

120,1

114,5

122,0

116,5

112,0

1997

114,2

123,3

118,2

125,6

120,4

113,5

1998

115,1

126,0

121,8

129,3

124,4

113,0

(1) les prix sont les prix hors tabac, l’année 1998 est provisoire (source : PLF 1999)

(2) Il s’agit du salaire moyen des entreprises non financières non agricoles hors GEN ; les évolutions en 1997 et 1998 sont tirées du PLF 1999.

(3) l’évolution du salaire moyen net est calculée en reprenant l’évolution des taux de cotisations sociales au plafond y compris CSG et CRDS et hors remise 42 F vieillesse. Le taux ARRCO retenu est le taux moyen.

- Le dernier facteur d’évolution des dépenses de la branche famille, et non des moindres, est la montée en charge des prestations de la loi du 25 juillet 1994 relative à la famille. Dès 1995, a été constaté un surcoût important aux dépenses prévues qui a révélé une absence de financement et un déficit d’appréciation projective.

b) Les transferts

·  L’assurance vieillesse des parents au foyer

La CNAF versera en 1998 20,9 milliards à la Caisse nationale d’assurance vieillesse et 2,2 milliards de francs à la Caisse nationale d’assurance maladie au titre de la prise en charge des cotisations vieillesse ou maladie de certaines catégories d’allocataires.

Les cotisations versées au titre de l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) représentent près de 10 % des dépenses totales de la branche famille.

Le dispositif de l’AVPF

L’AVPF est un droit ouvert aux mères et pères ayant élevé des enfants et qui sont restés inactifs pendant les périodes d’affiliation. Ce droit est assorti de cotisations annuelles pour environ 200 000 affiliés. Elles sont imputées en charges du Fonds national des prestations familiales et en produit du Fonds national de l’assurance vieillesse.

L’AVPF est le seul des avantages vieillesse accordés aux familles, qui fasse l’objet d’une cotisation spécifique. Les deux autres dispositifs sont la majoration de 10 % des pensions de retraite pour les personnes ayant eu au moins trois enfants et la majoration de la durée d’assurance accordée aux mères de famille. Actuellement, les cotisations sont très supérieures aux avantages vieillesse distribués au titre de l’AVPF.

L’effet de l’AVPF est double : elle allonge la durée des cotisations et elle augmente le salaire de référence lorsque l’assiette totale est inférieure au plafond de la sécurité sociale.

L’AVPF procure donc normalement un supplément de retraite et contribue ainsi à assurer une retraite convenable aux personnes qui se sont consacrées à leurs enfants.

·  Les aides au logement

Au 1er juillet 1997, après quatre années de non-revalorisation à une exception près et de façon partielle en 1994, le Gouvernement a procédé à la revalorisation significative des allocations logement : 2,5 milliards de francs ont été consacrés à cette mesure, aidant les foyers modestes (5,8 millions d’allocataires) à mieux faire face à leurs charges de loyers ou d’accession à la propriété.

L’allocation de logement à caractère familial (ALF) est une prestation familiale entièrement financée par la branche famille sur le fonds national des prestations familiales (FNPF), à hauteur de 15,2 milliards de francs en 1998 soit une augmentation de 3,6 % par rapport à 1997. Il ne s’agit donc pas d’un transfert.

En revanche, la CNAF contribue au financement du fonds national de l’habitat (FNH) au titre de l’aide personnalisée au logement (APL) pour un montant en 1998 de 26,6 milliards de francs et au fonds national d’aide au logement (FNAL) au titre de l’aide aux organismes logeant à titre temporaire des personnes défavorisées pour un montant de 111 millions de francs.

La contribution financière de la CNAF à ces deux fonds représente en 1998 une dépense de 20,7 milliards, en augmentation de 5,2 % par rapport à 1997 marquant l’effort des pouvoirs publics conscients que le logement est essentiel pour permettre une vie familiale épanouie.

c) L’action sociale

·  Les moyens

L’action sociale de la CNAF s’inscrit dans une logique de complémentarité aux prestations familiales. Cependant ce sont les prestations qui prévalent encore aujourd’hui puisque 95 % du budget de la CNAF est consacré aux prestations légales et seulement 5 % aux actions sociales.

125 Caisses d’allocations familiales mènent une action sociale en développant d’une part des “ prestations de service ” et, d’autre part leur dotation d’action sociale à destination des familles les plus défavorisées.

Les prestations de service sont définies au plan national par le conseil d’administration de la CNAF, avec l’accord de ses tutelles, et sont versées par les caisses d’allocations familiales. Ces prestations sont attribuées pour la plupart aux modes d’accueil des jeunes enfants (crèches, halte-garderies, relais assistantes maternelles, lieux d’accueil enfants-parents), aux centres de loisirs, aux centres sociaux, aux services de travailleuses familiales et d’aides ménagères, aux foyers de jeunes travailleurs et aux services d’accompagnement scolaire dans les zones urbaines sensibles. Au plan national sont définies les modalités des contrats enfance que les CAF négocient et financent avec les communes.

Les caisses disposent parallèlement d’une grande latitude d’action grâce à leur budget d’action sociale, alimenté par la dotation de la CNAF dont elles déterminent l’affectation en fonction de la politique définie par leurs propres conseils d’administration. Elles peuvent ainsi majorer les prestations de service ou développer leurs interventions dans d’autres directions. Ce dispositif permet ainsi aux CAF d’adapter leur politique à la diversité des contextes locaux et de dynamiser des partenariats locaux.

Les dépenses du Fonds national d’action sociale (FNAS) se sont élevées à 12,472 milliards de francs en 1998, soit une augmentation de 6,42 % par rapport à 1997.

Cette augmentation notable devrait s’amplifier pour permettre un véritable rééquilibrage de la politique familiale. La qualité d’une politique familiale ambitieuse ne repose pas seulement sur un volume de prestations légales mais commande aussi le développement d’une action sociale collective porteuse de mixité sociale et de progrès pour les enfants.

En 1997, de nombreux partenaires de l’action sociale s’étaient émus du montant retenu pour le FNAS qui leur paraissait insuffisant pour assurer la poursuite des engagements pris au travers des contrats enfance et leur développement. Non seulement cette part du budget global aura augmenté en 1998 mais elle devrait connaître une forte progression en 1999.

·  Les orientations

En 1998, les orientations du FNAS incluent la poursuite du plan famille de 1994 en faveur de l’accueil des jeunes enfants de 1994, la mise en place d’un nouveau dispositif : le contrat temps libres pour les 6-16 ans, la création d’une nouvelle prestation de service pour des actions collectives menées par les centres sociaux, l’expérimentation d’une nouvelle prestation de service “ petite structure de proximité ”, et la poursuite de l’expérimentation des contrats locaux d’accompagnement scolaire.

Répartition des dépenses d’action sociale des CAF en 1997 (France entière)

 

1997

 

MF

%

1. Accueil des jeunes enfants

4 402

34,1

2. Temps libre des enfants et des familles

2 215

17,1

3 Accompagnement social des familles

2 572

19,9

4. Logement et habitat

998

7,7

5. Animation et vie sociale

1 171

9

6. Prestations supplémentaires

232

1,8

7. Réalisations diverses

145

1,1

8. Pilotage et gestion

1 198

9,3

Total

12 933

100

·

 Des mesures nouvelles importantes pour 1999

L’action sociale familiale des caisses d’allocations familiales sera privilégiée pour entraîner une politique de soutien à la vie familiale au-delà du seul système de prestations financières : faciliter la vie quotidienne des familles et l’articulation entre vie familiale et professionnelle, améliorer les dispositifs de garde des jeunes enfants et conforter les parents dans leur rôle éducatif qui est difficilement remplaçable.

A cette fin, le FNAS verra ses crédits augmenter de 1 milliard de francs en 1999.

Cette croissance sans précédent permettra de commencer la mise en œuvre de mesures décidées lors de la Conférence de la famille : le réseau de soutien aux parents estimé à 450 millions de francs pour 1999, la réforme du financement des crèches évaluée à 400 millions de francs, l’amélioration de la prestation de services “ crèches parentales ” et le développement des contrats “ temps libre ” pour la prise en charge des enfants de 6 à 15 ans.

La délégation interministérielle à la famille est chargée de suivre, avec les partenaires et acteurs de la politique familiale, cette mise en œuvre.

C. LE BILAN DE L’APPLICATION DE LA LOI DU 25 JUILLET 1994 RELATIVE À LA FAMILLE

1. La loi famille du 25 juillet 1994

Un des objectifs de cette loi était d’améliorer les conditions d’accueil des jeunes enfants et de faciliter la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle. A cet effet, trois types de mesures ont été mis en œuvre :

- extension de l’allocation parentale d’éducation (APE) aux familles de deux enfants et aux non salariés ; possibilité de versement en cas de travail à temps partiel ;

- revalorisation du montant de l’allocation de garde d’enfant à domicile (AGED) et extension à la garde d’un enfant de 3 à 6 ans ; majoration de l’aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée (AFEAMA) et extension de ces deux dispositions aux territoires d’outre-mer ;

- effort financier en direction de l’accueil collectif des jeunes enfants.

Le second objectif, l’extension des limites d’âge du versement des prestations, ayant été conditionné à ce que les ressources de la branche famille le permettent (rétablissement de l’équilibre de la branche) n’a été mis en œuvre qu’à partir du 1er janvier 1998 à l’initiative du Gouvernement actuel.

L’âge limite de versement des prestations familiales pour les enfants à charge concernés (inactifs ou dont la rémunération n’excède pas 55 % du SMIC) est passé de 18 à 19 ans amorçant la réponse à la préoccupation lourde de nombreuses familles qui aident leurs enfants devenus adultes de plus en plus longtemps, l’âge de l’autonomie par l’insertion professionnelle étant de nos jours repoussé bien au-delà de 20 ans.

2. 1998, l’année du bilan

Le coût de la loi famille du 25 juillet 1994

Prestations (métropole)

1994

1995

1996

1997

1998

APE 2 enfants

APE 2 enfants y compris éco APJE longue

estim économique sur APJE longue

APJE (naissances multiples)

AGED

AFEAMA

FNAS (petite enfance)

allocation d’adoption

AVPF

117

86

154

260

1 491

260

463

650

12

23

2 360

2 102

258

0

290

603

380

9

32

3 196

44

261

463

1 302

12

215

6 492

5 798

694

44

833

749

802

21

385

4 786

132

254

459

1 978

12

446

10 323

9 330

993

132

842

759

1 146

26

845

5 094

179

257

475

2 667

12

648

11 310

10 500

810

179

849

757

1 606

26

1 287

Total

367

260

2 899

3 090

5 492

8 632

8 088

13 082

9 342

15 215

Source : direction de la sécurité sociale (DEEF)

L’année 1998 est importante car elle est l’année de la fin de la montée en charge du dispositif de 1994, une première estimation du surcoût final est donc possible. Le coût total est de 15,2 milliards, alors que la prévision initiale s’élevait à 9,3 milliards, soit une dépense supplémentaire non provisionnée pour la branche famille de près de 6 milliards.

Les décalages les plus importants ont été constatés sur trois prestations : l’APE, l’AGED et l’AFEAMA pour lesquelles les dispositions de la loi famille ont constitué une incitation certaine et entraîné un important accroissement du nombre de bénéficiaires.

Effectifs des bénéficiaires - Tous régimes en métropole

Effectifs en fin d’année (en milliers), évolutions en %

 

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

APE

AGED

AFEAMA

181

- 3,2 %

13

+ 18,2 %

174

- 3,9 %

12

- 7,7 %

110

164-

5,7 %

15

+ 25,0 %

159

+ 44,5 %

154

- 6 %

21

+ 40,0 %

218

+ 42,5 %

175

+ 13,6 %

25

+ 19,0 %

273

+ 25,2 %

303

+ 73,1 %

47

+ 88 %

326

+ 19,4 %

447

+ 47,5 %

67

+ 42,5 %

384

+ 17,8 %

525

+ 17,4 %

82

+ 22,4 %

436

+ 13,5 %

Source : CNAF

a) L’allocation parentale d’éducation

Pour l’APE, le coût prévisionnel 1998 s’élève à plus du double du montant prévu initialement.

En trois ans, le nombre de bénéficiaires de l’APE (des femmes, à 99 %) a explosé, passant de 154 000 fin 1993 à plus de 525 000 en 1997. La progression de l’APE, depuis sa mise en place en juillet 1994, est essentiellement celle de l’APE servie pour les enfants de rang 2 (+ 175 % en 1996, 55 % en 1997 et encore près de 10 % en 1998).

Selon une étude de la CNAF2, l’APE a incité 200 000 à 250 000 mères ayant donné naissance à un deuxième enfant à se retirer du marché du travail. Ces femmes seraient probablement restées actives (actives occupées ou à la recherche d’un emploi) si l’APE ne leur avait pas été proposée. Ainsi, le taux d’activité des mères de deux enfants dont le plus jeune a moins de 3 ans est passé de 69 % à 53 % après plusieurs années d’une lente augmentation.

En 1998, l’APE de rang 2 n’évoluerait que de 9,6 % du fait de la fin de la montée en charge de cette prestation en juillet 1997. L’APE de rang 2 a été mise en place au 1er juillet 1994, son régime de croisière a donc été atteint au 30 juin 1997.

b) L’allocation de garde d’enfant à domicile

L’allocation de garde d’enfant à domicile (AGED)

Cette allocation a été créée par la loi n° 86-1307 du 29 décembre 1986. D’un montant maximal initial de 6 000 F par trimestre, cette allocation est destinée à alléger le coût salarial de la personne employée par les parents pour assurer la garde à leur domicile d’au moins un enfant de moins de trois ans.

La loi du 25 juillet 1994 relative à la famille et les décrets pris en application de cette loi ont revalorisé, à compter du 1er janvier 1995, le montant de cette aide et étendu son bénéfice à un taux réduit par la garde d’un enfant âgé de 3 à 6 ans. Le montant maximal de l’aide a été porté, à compter de cette date, à 11 838 F par trimestre pour la garde d’un enfant de moins de 3 ans et 5 919 F pour celle d’un enfant âgé de 3 à 6 ans.

Au 31 décembre 1997, 82 500 familles (tous régimes de métropole et DOM) bénéficiaient de cette allocation (dont 40 % pour la garde d’un enfant âgé de 3 à 6 ans).

Depuis le 1er janvier 1998, suite à la loi du 19 décembre 1997 de financement de la sécurité sociale pour 1998 et à son décret d’application n° 98-156 du 10 mars 1998 pour les enfants de moins de 3 ans, l’AGED prend en charge 50 % du montant des cotisations patronales et salariales et de la participation au développement de la formation professionnelle continue dues pour l’emploi dans la limite d’un montant maximal trimestriel fixé à 6 418 francs.

Cependant, lorsque les ressources de la famille, quelle que soit sa composition, sont inférieures à un plafond annuel fixé à 216 000 francs (revenus nets catégoriels) l’AGED prend en charge 75 % des cotisations patronales et salariales dues pour l’emploi dans la limite d’un montant maximal fixé à 9 627 francs par trimestre.

Pour les enfants de 3 à 6 ans l’AGED prend en charge 50 % des cotisations sociales dues pour l’emploi dans la limite de 3 209 francs par trimestre

Cette modulation de l’AGED effectuée en 1998 afin de rééquilibrer, au vu des écarts constatés, l’aide apportée aux différents modes de garde, a alimenté de nombreuses discussions contradictoires.

Aboutissant, dans son taux initial, à une prise en charge importante par la collectivité du coût total de la garde, l’AGED procurait, en outre, par la réduction d’impôt ouverte parallèlement, un avantage croissant avec la capacité contributive de la famille bénéficiaire : la prise en charge par la collectivité du coût de l’emploi de la garde à domicile pouvait aller jusqu’à 72 % pour un enfant de moins de 3 ans et jusqu’à 61 % pour un enfant de 3 à 6 ans.

Cependant, les parlementaires ont été conscients que ce mode de garde peut être une réponse mieux adaptée aux besoins de certains parents (famille biactive) que l’accueil collectif, notamment parce qu’il offre plus de souplesse horaire, une aide précieuse en cas de naissances multiples, ou qu’il est quelquefois la seule solution possible dans certaines zones géographiques où les structures sont insuffisantes sinon inexistantes (notamment à Paris). Ils ont donc souhaité garantir l’accessibilité à ce dispositif pour des familles aux revenus considérés comme moyens (216 000 F annuels).

Cette attention n’a pas abouti à rendre le dispositif accessible à tous les parents ayant des contraintes professionnelles, la modestie de leur revenu et l’aide forfaitaire plafonnée ne leur permettent pas à certains d’entre eux d’assurer le coût de revient résiduel.

En 1998, l’allocation de garde d’enfant à domicile (AGED) entre en régime de croisière. On constate une décélération de la croissance des effectifs depuis 1996. Cependant, l’évolution des bénéficiaires est restée encore très forte pour cette prestation découlant des avantages fiscaux importants accordés jusqu’à fin 1997 (prise en charge à 100 % des cotisations sociales dues pour l’emploi à temps plein d’une garde d’enfant).

En 1998, cette prestation est affectée par des mesures d’économies découlant de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998. L’économie due aux diminutions de prise en charge initialement évaluée à 900 millions en 1998 s’élèverait plutôt à 810 millions pour cet exercice en 1998 et 1 080 millions de francs en année pleine. L’étude la plus récente sur l’impact des mesures décidées en 1998 est une étude de la CNAF sur 54 CAF qui montre que le nombre de bénéficiaires est resté le même jusqu’à la fin décembre 1997.

Les deux tableaux suivants présentent l’évolution du nombre de bénéficiaires et des coûts depuis 1993.

ANNEE

1993

1994

1995

1996

1997

Nombre de familles bénéficiaires de l’AGED (en milliers)

Evolutions en %

21

+ 40,0 %

25

+ 19,0 %

+ 47

+ 88 %

67

+ 42,5 %

82

+ 22,4 %

Source : CNAF, données tous régimes en métropole

ANNEE

1993

1994

1995

1996

1997

1998

AGED (en millions de francs)

Evolutions en %

440

46,7

522

18,5

936

78,3

1 697

81,3

1 890

11,4

1 467

- 22,4

Source : DEEF (métropole)

Les pronostics alarmants selon lesquels des dizaines de milliers de femmes allaient être condamnées à rester à la maison, jetant par là même, leur garde d’enfant dans la précarité du chômage ou du travail non déclaré ne semblent pas vérifiés par ces chiffres.

Tout au plus, peut-on constater une utilisation du dispositif plus resserrée sur son objet, la garde d’enfant en temps modulé en fonction des besoins réels de la famille.

c) L’aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée

En 1998, la dépense pour l’AFEAMA est estimée à 8,7 milliards de francs, soit une progression de plus de 11,9 % par rapport à 1997, augmentation qui reste soutenue malgré la fin de la montée en charge de cette prestation intervenue courant 1996.

La France compte 2 200 000 enfants de moins de 3 ans.

- la moitié sont gardés au foyer par un de leurs parents ;

- 220 000 sont accueillis en crèche, subventionnée par les CAF ;

- 250 000 enfants de 2 à 3 ans fréquentent l’école maternelle ;

- 82 500 familles bénéficient de l’aide pour la garde à domicile - AGED - dont environ 40 % pour la garde d’enfants âgés de plus de 3 ans.

- 436 000 familles bénéficient de l’aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle - AFEAMA ;

Le recours à une nourrice, agréée ou non, est donc le mode de garde le plus répandu quand la mère travaille.

Si on compare les chiffres de l’INSEE à ceux des statistiques de bénéficiaires de l’AFEAMA, on observe que plus de la moitié des familles qui confient leurs enfants à une assistante maternelle choisissent une assistante maternelle agréée et bénéficient ainsi de la prestation et de ses majorations.

d) L’accueil de la petite enfance en collectivité

Les mesures d’accueil de la petite enfance en collectivité financées par le Fonds national d’action sociale de la CNAF ont atteint en 1997 un montant de 1,14 milliard de francs contre les 1,9 milliard prévus au moment du vote de la loi du 25 juillet 1994. Les montants prévisionnels devraient atteindre 1,60 milliards de francs en 1998 et 2 milliards de francs en 1999. Ce sont les seules mesures décidées dans le premier volet de la loi famille du 25 juillet 1994 dont le montant des réalisations se situe à un niveau inférieur aux prévisions initiales.

Cet écart entre les prévisions et les faits prouve que les responsables de la politique familiale ont privilégié les modes de garde individuels. En effet, les aides publiques décidées dans la loi du 25 juillet 1994 les ont rendues plus attractives financièrement.

Cependant, elles n’offrent pas toujours les mêmes garanties professionnelles aux parents ni les mêmes protections pour les gardes d’enfant, surtout dans les contrats de gré à gré. C’est pourquoi dès cette année les CAF vont développer une autre approche de l’organisation et de la solvabilisation des modes de garde en vue d’en assurer la plus grande diversité, la meilleure souplesse et la garantie de la professionnalisation du service. Le partenariat sera recherché avec les collectivités locales, les prestataires gestionnaires d’équipements, mais aussi les associations qui entraînent une plus grande implication des parents.

II.- UNE POLITIQUE FAMILIALE AMBITIEUSE

A. LA RÉCONCILIATION DES PARTENAIRES

1. Le réexamen d’ensemble de la politique familiale, un engagement tenu

Devant la nécessité de rétablir l’équilibre des différentes branches de la sécurité sociale, et en particulier de la branche famille dont le déficit atteignait 14 milliards de francs et suivant la volonté de renforcer la solidarité envers les personnes les plus démunies, la loi de financement de la sécurité sociale a institué pour 1998 la mise sous condition de ressources des allocations familiales. Cette mesure a été décidée faute d’avoir pu procéder, par concertation et dans le temps imparti, au rééquilibrage attendu de la politique familiale.

Pendant les débats, Mme Martine Aubry, ministre de l’emploi et de la solidarité a donc fait introduire dans le texte de la loi (article 23) le caractère transitoire de la mise en œuvre d’un plafond de ressources pour le versement des allocations familiales, lié à la décision “ d’une réforme d’ensemble des prestations et des aides fiscales aux familles que le Gouvernement mettra en œuvre dans un objectif de justice et de solidarité, après avoir réorienté le système existant ”.

En application de la loi organique du 22 juillet 1996 qui prévoit chaque année la définition des orientations de la politique de santé et de sécurité sociale et les conditions générales de l’équilibre de la sécurité sociale, le texte du rapport annexé à la loi de financement promulguée en décembre 1997, indiquait : “ le gouvernement réunira la conférence de la famille et présentera devant le Parlement, avant la fin de l’année prochaine, les lignes d’actions d’une politique familiale ambitieuse adaptée aux réalités de notre temps ”.

Ainsi, le Premier ministre a confié au rapporteur une mission visant à lui faire des propositions pour la rénovation de la politique familiale. Ce rapport s’est appuyé sur trois missions d’étude :

- le rapport de Mme Irène Théry intitulé “ Couple, filiation, parenté maintenant : le droit face aux mutations de la famille et de la vie privée ”  ;

- le rapport de M. Claude Thélot intitulé “ La politique familiale : bilan et perspectives ” sur les prestations financières ;

- le rapport de Mme Michèle André intitulé “ La vie quotidienne des familles ”

A suivi une très large concertation avec toutes les parties prenantes de la politique familiale : représentants nationaux des organisations familiales, syndicales et patronales, représentants du monde associatif, des collectivités locales, des groupes politiques parlementaires et des personnalités reconnues pour leur connaissance du fait familial.

La plupart des acteurs de la politique familiale ont affirmé leur attachement au principe d’universalité des allocations familiales à tous les enfants et ont argumenté qu’il appartenait à la fiscalité de remplir le rôle de redistribution verticale.

Il est ressorti de la consultation que les acteurs et bénéficiaires de la politique famille restaient très critiques sur la mesure de plafonnement du versement des allocations familiales alors qu’ils adhéraient au principe de recherche d’une meilleure efficacité de la politique familiale et qu’ils admettaient la nécessité de poursuivre la maîtrise et l’équilibre financier de la branche famille.

2. La démarche initiale du Gouvernement, approfondie et l’objectif d’équité, respecté

Une très grande majorité du mouvement familial et des partenaires sociaux ont accepté l’abaissement du plafond du quotient familial pour autant qu’il ne touche que les contribuables ayant des revenus dans le dernier décile et s’accompagne :

- de l’abandon de la mise sous condition de ressources des allocations familiales ;

- de l’annonce d’une réforme à moyen terme de la fiscalité globale et du financement de la branche famille “ afin de montrer que les mesures fiscales ne sont pas dirigées contre les seules familles ”.

Lors de la conférence de la famille du 12 juin dernier, le Premier ministre, M. Lionel Jospin, a donc annoncé le rétablissement des allocations familiales pour tous en 1999, en contrepartie d’une baisse du plafond du quotient familial.

Cette mesure amplifie la redistributivité mise en œuvre l’année précédente et touche des foyers à des niveaux de revenus bien supérieurs au seuil de mise sous condition de ressources des allocations familiales.

3. L’évolution des prestations

En 1999, trois mesures qui forment une “ triangulaire ” sont prévues pour mettre en œuvre les décisions de la Conférence de la famille : le retour à l’universalité des allocations familiales, l’abaissement du plafond du quotient familial et la prise en charge de l’allocation de parent isolé par le budget de l’Etat.

Par le biais de la réforme fiscale, l’Etat récupérera environ 3,9 milliards de francs, soit presque autant que l’économie qui devait résulter, en année pleine, de la mise sous condition de ressources des allocations familiales. Cette somme dégagée par la fiscalité est nécessairement “ recyclée ” dans la branche famille. En effet, afin de permettre à la branche famille de financer le rétablissement du versement des allocations familiales sans condition de ressources, l’Etat prendra à sa charge le coût de l’API, pour un montant total de 4,2 milliards de francs.

Ce principe de compensation par l’Etat doit être inscrit dans la loi afin d’éviter qu’il ne soit remis en cause dans le cadre d’une discussion budgétaire annuelle.

4. Une méthode durable

Le Gouvernement entend mettre en place une politique familiale qui réponde réellement aux besoins des familles, s’inscrivant dans la durée, institutionnalisée et surtout largement concertée.

a) La conférence nationale de la famille

La loi famille de 1994 prévoyait une conférence nationale de la famille annuelle. En fait, cette conférence a été réunie le 6 mai 1996 et le 12 juin 1998. Le principe est repris mais il ne s’agira pas d’une simple réunion formelle. La conférence devra être, comme cette année, précédée d’un travail important d’analyse et de concertation sur des axes et orientations préalablement établis.

b) La délégation interministérielle à la famille

Afin de maintenir et d’approfondir le dialogue avec le mouvement familial, d’inscrire la politique familiale dans la durée et de l’intégrer à l’ensemble des politiques publiques, le Gouvernement a créé une délégation interministérielle à la famille par un décret du 28 juillet 1998. M. Pierre-Louis Rémy a été nommé délégué interministériel par le Conseil des ministres du 29 juillet 1998.

Placé auprès de la ministre de l’emploi et de la solidarité, le délégué contribue à la définition d’une politique familiale globale. En effet, la dimension familiale doit être présente dans l’ensemble des politiques publiques (logement, transports, éducation, temps de travail). A cette fin, le délégué est chargé d’animer et de coordonner l’action des pouvoirs publics et de préparer les travaux de la conférence de la famille. Il est l’interlocuteur privilégié des associations familiales, des partenaires sociaux, des collectivités locales et des associations.

En 1999, la délégation a pour première mission de suivre les décisions de la conférence du 12 juin 1998, en particulier l’appui à la fonction éducative des parents et de faire des propositions au Gouvernement après concertation avec les associations familiales et les partenaires sociaux sur les aides à la garde (en s’appuyant sur les travaux de la mission confiée à Mme Hespel et à M. Thierry), la situation des jeunes adultes, l’articulation de la vie familiale et de la vie professionnelle et la simplification administrative des prestations familiales.

B. UNE POLITIQUE FAMILIALE PLUS JUSTE

1. Les mesures relatives à la famille prises dans la loi de lutte contre les exclusions

Lors de l’élaboration de la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, la dimension familiale notamment au regard de la situation des enfants et du droit à la vie de famille a été une préoccupation majeure qui a abouti à plusieurs mesures significatives.

a) L’extension du principe d’intéressement à la reprise d’activité aux bénéficiaires de l’allocation de parent isolé

En application de l’article L. 524-1 du code de la sécurité sociale il est attribué à toute personne isolée assumant seule la charge d’un enfant, pour une période limitée et sous condition de ressources, une allocation de parent isolé. L’API étant une allocation différentielle du même type que le RMI, le montant de la prestation est égal à la différence entre le montant du revenu familial garanti (variable selon le nombre d’enfants) et les ressources du bénéficiaire “ à l’exception de celles définies par décret en Conseil d’Etat ”.

En l’état actuel de la réglementation sont pris en compte pour l’appréciation des ressources l’ensemble des salaires, les revenus tirés d’une activité indépendante et les avantages en nature dans le cadre d’une activité professionnelle (nourriture et logement uniquement). Tout revenu tiré d’une activité professionnelle s’impute donc au premier franc sur le montant de l’allocation versée, alors que la reprise d’une activité génère des charges nouvelles en termes de transport, de garde d’enfant ou de frais professionnels.

Ceci constitue un frein à la reprise d’activité, même s’il n’en est pas l’unique facteur. C’est l’une des causes qui conduisent à ce que l’API débouche pour la très grande majorité des allocataires arrivant en fin de droits à un passage au RMI, passage qui est très mal vécu comme le souligne une étude récente de la CNAF : “ Le RMI est considéré comme le dernier maillon avant l’entrée dans la pauvreté. Alors que l’API représentait une reconnaissance de la fonction parentale, le RMI génère un sentiment de honte et de culpabilité. ”

Pour éviter la persistance d’une grande vulnérabilité des familles concernées ainsi que le risque d’enfermement dans l’assistance pour les bénéficiaires de longue durée, la loi de lutte contre les exclusions a donc exclu, en tout ou en partie, des ressources prises en compte pour le calcul de l’API celles tirées d’activités professionnelles ou de stages de formation ayant commencé au cours de sa période de versement. Les conditions dans lesquelles les ressources seront neutralisées seront les mêmes que pour le RMI et l’ASS.

Selon les indications fournies par le Gouvernement, les nouvelles règles seraient les suivantes : pendant les 90 premiers jours, cumul total avec le revenu d’activité si celui est inférieur ou égal à un demi SMIC ; pendant les 180 jours suivants, premier abattement ; pendant les 90 derniers jours, second abattement, d’un montant réduit.

Le coût sur trois ans est évalué à 73 millions de francs.

De plus, les parents isolés ont été inclus dans les publics auxquels sont réservées différentes aides à l’emploi telles que les CES (contrats emploi-solidarité), les CEC (contrats emploi consolidés), les SIFE (stage d’insertion et de formation à l’emploi) et l’ACCRE (aide à la création d’entreprise).

b) Une mesure en faveur des bénéficiaires du RMI qui attendent un enfant

Actuellement les futurs parents bénéficiaires du RMI sont les seuls à ce niveau de ressources à ne pas bénéficier de l’allocation pour jeune enfant (APJE) pendant la période de grossesse. En effet, pendant la période de grossesse, lorsque à partir du quatrième mois l’APJE peut être versée sous condition de ressources, cette allocation vient en complète diminution du montant du RMI puisque, faute de charge effective d’enfant, les majorations de RMI ne peuvent être attribuées.

Après la naissance de l’enfant les règles relatives à toutes les prestations familiales sont applicables : l’allocation est prise en compte dans les ressources pour le calcul du RMI mais en contrepartie celui-ci est majoré en fonction des charges de famille.

Dans le programme triennal de prévention et de lutte contre les exclusions, le gouvernement s’est engagé à mettre fin à cette situation. Cette mesure ne nécessite que des modifications d’ordre réglementaire par l’exclusion de l’APJE du montant des ressources prises en compte pour le calcul du RMI pendant la grossesse.

Le coût sur 3 ans est évalué à 333 millions de francs.

c) La limitation du montant des saisies effectuées sur les prestations familiales

L’article 129 de la loi prévoit qu’un pourcentage minimal du montant mensuel des prestations familiales ne pourra être saisi, même dans les cas où la loi l’autorise.

L’article L. 553-4 du code de la sécurité sociale permet, en effet, la saisie des prestations familiales dans deux cas seulement : si les prestations ont été indûment versées à la suite de manœuvre frauduleuses ou de fausses déclarations ou si elles font partie de la liste des prestations qui peuvent être saisies pour le recouvrement des dettes alimentaires liées à la nourriture, l’entretien et à l’éducation des enfants.

Dans le cas de récupération d’indus par les caisses d’allocations familiales, les retenues sur prestations ne peuvent s’effectuer, chaque mois, que dans une limite fixée, par l’article R 553-2 du code de la sécurité sociale, égale à 20 % du montant des prestations à venir.

Dans la seconde hypothèse, aucun seuil n’est prévu en cas de saisie pour les dépenses concernant l’entretien de l’enfant. Ainsi le montant total des prestations peut être saisi pendant le nombre de mois nécessaires à l’extinction de la dette (mécanisme de la saisie-attribution). C’est pourquoi, la loi du 29 juillet 1998 dispose que la saisie peut s’opérer dans la limite d’un montant mensuel déterminé selon des critères prévus en matière de recouvrement d’indus par les caisses d’allocations familiales (composition de la famille, de ses ressources, de ses charges de logement...).

Selon les indications du Gouvernement, le pourcentage des prestations familiales pouvant être saisi devrait être fixé à 50 % par décret.

d) Droit à la vie familiale des personnes hébergées dans les centres d’accueil

La loi introduit, dans l’article 3 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales le droit à la vie familiale des personnes accueillies dans des établissements de secours, que ce soit les établissements relevant de l’aide sociale à l’enfance, les centres de placements familiaux ou les centres d’hébergement et de réadaptation sociale (CHRS). Ces établissements ou services doivent rechercher une solution évitant la séparation des membres de la famille hébergée ou à défaut doivent établir, de concert avec les personnes accueillies, un projet propre à permettre leur réunion dans les plus brefs délais.

Il faut préciser que la moitié des personnes adultes hébergées en CHRS sont en famille et que près du tiers est constitué de personnes accompagnées d’enfant, neuf fois sur dix la mère se présentant seule avec ceux-ci. Il importe d’autant plus d’éviter la séparation des parents et des enfants — hors le cas où leur protection le nécessiterait — que ces familles en situation de crise et les enfants sortis de leur univers familier sont déjà gravement fragilisés.

2. Les mesures relevant du projet de loi de financement de la sécurité sociale en faveur des familles modestes

Ces mesures ont été annoncées lors de la Conférence de la famille du 12 juin 1998 et relèvent du projet de loi de financement de la sécurité sociale, soit en tant qu’articles, soit parce qu’elles sont prises en compte dans l’objectif de dépenses de la branche famille pour 1999.

a) L’extension du bénéfice de l’allocation de rentrée scolaire à toutes les familles de un enfant qui respectent les conditions de ressources

L’allocation de rentrée scolaire (ARS) est attribuée sous condition de ressources, pour chaque enfant âgé entre 6 et 18 ans, aux familles qui bénéficient d’une prestation familiale ou sociale (aide personnalisée au logement, allocation aux adultes handicapés ou revenu minimum d’insertion).

Son montant tel que prévu dans le code de la sécurité sociale s’élève à 426 F en 1998. Elle est versée à plus de 3,1 millions de familles et 6 millions d’enfants.

Le Gouvernement a décidé de porter cette année, comme en 1997, l’ARS à 1 600 F, soit un quasi quadruplement du montant de base. Cette majoration, qui sera financée par le budget de l’Etat, est un élément important de soutien à la consommation et témoigne de l’attention portée aux conditions de vie des familles. Elle est supérieure à celle décidée par le Gouvernement précédent pour 1996 qui avait limité le montant de l’ARS à 1 000 F pour 1996.

Environ 350 000 familles modestes, n’ayant qu’un seul enfant à charge et dont les ressources sont inférieures au plafond sont exclues actuellement du bénéfice de l’ARS. Au regard de l’objectif de la prestation qui est d’aider les familles modestes à couvrir une partie des frais engagés à l’occasion de la rentrée scolaire, la condition de bénéficier d’une autre prestation n’apparaît pas fondée pour justifier de l’exclusion du droit à l’allocation de rentrée scolaire.

L’article 14 du présent projet de loi étend donc le droit l’allocation de rentrée scolaire à toutes les familles n’ayant qu’un seul enfant à charge qui remplissent la condition de ressources à la rentrée 1999. Cette mesure permettant le versement de l’ARS et de sa majoration à environ 350 000 familles de un enfant est un pas vers la reconnaissance des besoins de la famille dès le premier enfant dans notre système de prestations.

Le coût de cette mesure est évalué à environ 180 millions de francs à la charge de la branche famille.

b) L’augmentation de l’aide au logement familiale

Le logement est indéniablement le point clé de la politique en direction des familles. Il faut s’orienter vers une adaptation du système aux fragilités des familles actuelles.

L’allocation de logement familiale n’atteint pas ses objectifs : 65 % des allocataires de l’ALF ont des loyers supérieurs aux loyers qui sont retenus pour le calcul de l’aide (loyers plafonds) et l’ampleur de la majorité des dépassements se situe au-delà de 30 % de la valeur du loyer plafond. La part du loyer supérieure au loyer plafond est entièrement à la charge du locataire.

L’ALF s’adresse à des familles modestes. En effet, l’allocation de logement familiale compte un million de bénéficiaires. Parmi eux, seuls 1 % des allocataires ont un revenu annuel net supérieur à 146 000 F et 25 % d’entre eux ont un revenu inférieur à 28 000 F net ou bénéficient d’un minimum social. On compte parmi les allocataires environ 170 000 chômeurs et 100 000 titulaires du RMI.

Par décret, la limite dans laquelle le loyer réel est pris en compte pour le calcul de l’aide sera augmentée sur trois ans à partir du 1er juillet 1999 pour être alignée sur celle de l’aide personnalisée au logement (APL). Cette mesure se traduira concrètement pour 530 000 familles par une augmentation de l’aide au logement, pouvant aller jusqu’à 450 francs par mois pour les familles de trois enfants, de 600 francs pour les familles de quatre enfants et plus.

Le coût est évalué à 220 millions de francs en 1999 et 1,3 milliard de francs en année pleine.

Se pose également le problème de l’extraordinaire complexité des règles concernant les allocations logement. L’absence de lisibilité, la multiplicité des faits générateurs de droits, le nombre d’imprimés pour gérer et de pièces pour justifier empêchent souvent le citoyen de s’y retrouver mais aussi, malheureusement, le technicien (au guichet ou dans un service d’accompagnement).

Se donner pour objectif que chacun comprenne les règles pour prévoir ce dont il pourra disposer pendant une période définie paraît une ambition raisonnable que les pouvoirs publics devraient se donner.

c) Le bénéfice des majorations pour âge aux titulaires du RMI

Le RMI est une prestation différentielle : son montant est égal à la différence entre les ressources de la personne et le revenu minimum. Les allocations familiales sont comptées dans les ressources de la personne. Ainsi, lorsqu’elles s’accroissent du fait de la majoration pour âge, les ressources des titulaires du RMI n’augmentent pas pour autant : c’est le montant de la prestation différentielle qui se réduit. Cette exclusion du bénéfice des majorations pour âge des enfants qui ouvrent le droit est d’autant plus choquante qu’elle concerne des personnes à faibles ressources. Au-delà de l’incohérence qui relève de l’injustice pour les enfants, le bénéficiaire n’y comprend rien.

A partir du 1er janvier 1999, les majorations pour âge des allocations familiales seront cumulables avec le RMI. 110 000 familles sont concernées, pour un coût de 300 millions à la charge du budget de l’Etat. Ces nouvelles aides aux familles modestes trouveront une partie de leur financement dans la mesure visant à verser des majorations pour âge à des allocations familiales à 11 et 16 ans au lieu de 10 et 15 ans au 1er janvier 1999. Ces reports décidés s’ajustent à l’évolution des coûts effectifs de l’enfant selon son âge et sa scolarité.

Cette mesure qui porte sur un très grand nombre de familles, malgré une incidence individuelle très faible, représentera une économie de 870 millions de francs en 1999 dont 526 millions pour le report de 10 à 11 ans et 344 millions pour celui de 15 à 16 ans.

3. L’utilisation de l’impôt comme outil de redistribution

a) En 1998, la mise sous condition de ressources des allocations familiales

L’attribution des allocations familiales, rappelons-le, a été soumise à un critère de ressources dans la loi n° 97-1164 du 19 décembre 1997 de financement de la sécurité sociale pour 1998. Cette mesure a été effective en avril 1998 (décret n° 98-108 du 26 février 1998). Les plafonds de ressources ont été fixés à 25 000 francs nets mensuels, majorés de 7 000 francs quand les deux parents travaillent ou s’il s’agit d’un parent isolé et de 5 000 francs par enfant à charge à partir du troisième.

Cette mesure a concerné environ 310 000 foyers (hors DOM), selon les estimations de la direction de la prévision. Ils sont presque tous situés dans le dernier décile de revenu disponible (le revenu disponible est ici celui qui reste après l’impôt sur le revenu). Ils ont perdu en moyenne 13 000 F de revenu disponible pour l’année, soit environ 2,4 %.

b) En 1999, l’abaissement du plafond du quotient familial et le rétablissement de l’universalité des allocations familiales

Recommandée par le rapporteur, la réduction du plafond du quotient familial a été décidée à la Conférence de la famille, en contrepartie du rétablissement de l’universalité des allocations familiales. Un consensus s’est dégagé sur le fait que le rôle de redistribution verticale appartient à la fiscalité.

Cette réforme saluée par l’ensemble des partenaires représente une dépense nette en faveur des familles de 780 millions de francs. L’économie résultant de l’abaissement du plafond du quotient familial, soit 3,9 milliards de francs doit être comparée à la dépense supplémentaire engendrée par la suppression de la condition de ressources, soit 4,680 milliards de francs pour 1999.

·  L’abaissement du plafond du quotient familial

L’abaissement moyen en impôt procuré par le quotient familial est de 9 200 F par an et bénéficie à 6,8 millions de familles.

Dans le projet de loi de finances pour 1999 (article 2), le Gouvernement a proposé d’abaisser le plafond du quotient familial, actuellement fixé à 16 380 francs, à 11 000 francs.

La réduction de 16 380 francs à 11 000 francs par an de l’avantage maximum en impôt résultant d’une demi-part additionnelle de quotient entraîne l’augmentation de l’impôt sur le revenu pour deux catégories de contribuables ayant un ou plusieurs enfants :

- d’une part, ceux qui relèvent de l’actuel plafond de 16 380 francs ;

- d’autre part, ceux qui entrent dans le champ du plafonnement, puisque le plafonnement diminuant, le niveau de revenu à partir duquel il est mis en jeu est également diminué, à situation familiale inchangée.

Le plafonnement à 11 000 francs entrera en vigueur pour l’impôt payé en 1999 sur les revenus 1998. Il s’appliquera à partir de  :

   

Revenu déclaré

- célibataire

1 enfant

243 000 F

- célibataire

2 enfants

338 000 F

- mariés

1 enfant

664 000 F

- mariés

2 enfants

672 000 F

- mariés

3 enfants

767 000 F

Le quotient familial

·  Le système du quotient familial, prévu aux articles 194 et suivants du code général des impôts, vise à adapter le montant de l’impôt aux facultés contributives de chaque foyer fiscal en prenant en compte le nombre des personnes vivant des ressources du foyer fiscal.

·  Il consiste à diviser le revenu imposable en un certain nombre de parts déterminé en fonction de la situation de famille, d’une part, et du nombre de personnes fiscalement considérées comme à la charge du contribuable, d’autre part.

La prise en considération de la situation de famille conduit à identifier les catégories suivantes : célibataire, marié, veuf, divorcé, séparé. Un enfant compte pour une demi-part ou une part s’il s’agit au moins du troisième. Dans le cas des célibataires ou des divorcés ne vivant pas en concubinage, le premier enfant est compté pour une part. Les veufs ou les veuves élevant des enfants issus du mariage avec le conjoint décédé conservent le nombre de parts dont ils bénéficiaient du vivant de leur conjoint. Lorsqu’ils n’ont pas plus d’enfants à charge, ils conservent uniquement une demi part supplémentaire.

Par ailleurs, une demi-part supplémentaire est accordée à toute personne à charge titulaire de la carte d’invalidité ou d’ancien combattant.

·  La réduction d’impôt qui résulte du quotient familial est actuellement plafonnée selon les règles suivantes (impôt payé en 1998) :

- elle ne peut excéder 16 380 francs pour chaque demi-part ;

- mais ce plafond est relevé à 20 270 francs pour la part accordée pour le premier enfant des personnes célibataires, divorcées ou séparées élevant seules leur(s) enfant(s).

Le quotient “ enfants ” qui ne tient pas compte du quotient conjugal s’élève en 1996 à environ 64 milliards de francs (estimations convergentes de la direction de la prévision et du service de la législation fiscale) répartis de la façon suivante :

- 46 milliards pour les enfants mineurs à charge ;

- 18 milliards pour les enfants invalides ;

- 9,8 milliards pour les enfants majeurs rattachés, étudiants ou non ;

- 7,9 milliards en faveur des personnes seules qui ont un ou des enfants majeurs imposés distinctement.

L’avantage moyen en impôt procuré par le quotient familial est de 9 200 francs et bénéficie à 6,8 millions de familles.

·  Le rétablissement de l’universalité des allocations familiales

Le versement des allocations familiales sera rétabli pour les 386 000 familles pour lesquelles elles avaient été réduites ou supprimées.

Cette mesure se traduira par le versement d’une allocation moyenne de 12 435 francs par an et par famille concernée.

Son annonce attendue a permis de renouer un dialogue fructueux avec tous les partenaires pour le plus grand intérêt des bénéficiaires. C’est la garantie d’une politique rénovée et ambitieuse dont ce budget constitue la première étape.

Les allocations familiales

Historique :

Elles sont nées au XIXème siècle à l’initiative de personnes privées, notamment des patrons qui s’attachaient ainsi une main d’œuvre stable.

Elles sont ensuite confortées par la création de caisses de compensation, instaurant une certaine solidarité dans la répartition des charges des entreprises dans leur effort en faveur de leurs salariés chargés de famille.

La loi vint légaliser ces caisses en 1932.

Ce sont les ordonnances de 1945 qui intégrèrent les prestations familiales dans la sécurité sociale.

Les ordonnances de 1967 donneront leur autonomie à la branche famille ainsi qu’aux autres branches.

Objectif :

Il s’agissait, à l’origine, de compenser les charges des familles des travailleurs par le versement d’allocations en fonction du nombre d’enfants dont le chef de famille avait la charge, sur la base du principe qu’à revenu égal, plus le foyer avait d’enfants, moins son pouvoir d’achat était grand : d’où la nécessité d’une redistribution horizontale.

Évolution :

Sans renier l’objectif premier, le versement des allocations familiales a été progressivement élargi à d’autres catégories que les travailleurs salariés pour aboutir dans les années 1970 à une généralisation des droits sans condition d’activité professionnelle. De plus, les prestations sous condition de ressources se sont généralisées pour atteindre 40 % de l’ensemble.

La qualité de salarié ou de travailleur indépendant n’est plus indispensable pour ouvrir droit aux allocations familiales (1978).

La redistribution toujours horizontale est élargie.

Avec la loi n° 97-1164 du 19 décembre 1997, la redistribution a été renforcée par l’introduction d’une condition de ressources au versement des allocations familiales.

Cette mesure est annulée par l’article 13 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 et lui est substitué l’abaissement du quotient familial.

Attribution :

Les allocations familiales sont versées aux ménages ayant au moins deux enfants à charge qui remplissent les conditions d’âge prévues.

Ouvre droit aux allocations familiales tout enfant âgé de moins de seize ans, jusqu’à la fin de l’obligation scolaire. Au-delà, les allocations familiales sont servies jusqu’à dix-neuf ans pour les enfants à charge non salariés et jusqu’à vingt ans pour les enfants poursuivant des études, les apprentis, les stagiaires de la formation professionnelle, ainsi que pour les enfants infirmes ou ouvrant droit à l’allocation d’éducation spéciale attribuée à certains enfants handicapés. Dans le cadre de l’actuelle rénovation de la politique familiale, il a été décidé de porter de dix-neuf à vingt ans, à compter du 1er janvier prochain, l’âge auquel les prestations seraient servies pour les enfants à charge de leurs parents.

Le montant des allocations familiales dépend de la base mensuelle des allocations familiales (BMAF). La BMAF est revalorisée deux fois par an, au 1er janvier et au 1er juillet conformément à l’évolution des prix à la consommation hors tabac.

Le deuxième enfant ouvre droit à une allocation représentant 32 % de la BMAF. Chaque enfant, à compter du troisième, donne droit au versement d’une prestation égale à 41 % de la base mensuelle.

Par ailleurs, des majorations sont attribuées, sauf pour l’aîné des familles de moins de trois enfants. Elles sont de 9 % de la base mensuelle entre dix et quinze ans et de 16 % pour les enfants âgés de plus de quinze ans. Elles seront attribuées à partir de onze et seize ans, dorénavant, à partir du 1er janvier 1999, dans un souci d’adaptation au temps scolaire et au réel coût de l’enfant.

c) Les effets redistributifs des deux mesures conjuguées

L’objectif de cette double mesure est la recherche d’une plus grande justice dans l’aide aux familles et d’une meilleure redistributivité des principes de solidarité.

·  En premier lieu, ces mesures permettront aux familles de percevoir à nouveau les allocations familiales tout en ne payant pas plus d’impôt jusqu’à des niveaux de revenus bien supérieurs au seuil de ressources retenu pour le versement des allocations familiales en 1998. Jusqu’à 38 600 francs, les familles de deux enfants récupéreront l’intégralité des allocations familiales, alors qu’elles perdaient auparavant 675 francs par mois à partir de 25 000 francs pour les familles monoactives et de 30 000 pour les familles biactives.

Jusqu’à 43 700 francs par mois les familles de trois enfants retrouveront l’intégralité des allocations familiales, elles perdaient auparavant 1 500 francs par mois à partir de 37 000 francs.

Pour les parents isolés, le plafond des deux demi-parts attribuées au titre du premier enfant n’a pas été modifié, restant fixé à 20 270 francs.

Impact financier de l’abaissement du plafond et rétablissement des allocations familiales pour toutes les familles

Couples de un enfant

Revenu annuel net perçu

Revenu mensuel net perçu

Impôt annuel

Impôt mensuel

Allocations familiales

Gain (+) ou perte (-) net

420 000

35 000

0

0

0

0

480 000

40 000

3 359

280

0

- 280

540 000

45 000

5 089

425

0

- 425

600 000

50 000

5 089

425

0

- 425

660 000 et au-delà

55 000

5 230

440

0

- 440

Couples de deux enfants

Revenu annuel net perçu

Revenu mensuel net perçu

Impôt annuel

Impôt mensuel

Allocations familiales

Gain (+) ou perte (-) net

460 000

38 300

0

0

682

682

500 000

41 700

2 631

220

682

462

540 000

45 000

5 511

460

682

222

600 000

50 000

9 831

820

682

- 138

660 000

55 000

10 320

860

682

- 178

680 000 et au-delà

56 700

10 760

900

682

- 218

Couples de trois enfants

Revenu annuel net perçu

Revenu mensuel net perçu

Impôt annuel

Impôt mensuel

Allocations familiales

Gain (+) ou perte (-) net

520 000

43 300

0

0

1 556

1 556

560 000

45 000

2 613

220

1 556

1 336

600 000

50 000

5 493

460

1 556

1 096

660 000

55 000

9 954

630

1 556

726

720 000

60 000

16 434

1 370

1 556

186

780 000 et au-delà

65 000

21 520

1 790

1 556

- 234

Source : ministère de l’emploi et de la solidarité

·  En deuxième lieu, l’abaissement du plafond permet de faire jouer pleinement à l’impôt sur le revenu son rôle redistributif. En effet, parce qu’il repose sur la division du revenu imposable en fonction du nombre de parts du foyer fiscal, le quotient familial tend à atténuer assez nettement la progressivité de l’impôt en fonction du revenu. Le bénéfice retiré par la famille est d’autant plus important que son revenu est élevé. Par exemple, une famille de trois enfants dont le revenu annuel est de 100 000 francs ne tire aucun bénéfice du quotient familial alors que pour une famille disposant d’un revenu de 700 000 francs, l’avantage lié au quotient s’élève à 58 400 francs.

·  En troisième lieu, la croissance de l’aide publique avec les revenus de la famille sera limitée et mieux adaptée à ses capacités contributives.

L’aide financière de la collectivité ne doit pas augmenter, même proportionnellement avec le revenu des familles. Si les dépenses d’une famille pour ses enfants augmentent avec son revenu, cette augmentation n’est pas proportionnelle : l’enfant augmente les dépenses des ménages modestes et moyens de 10 à 15 % et de 20 % celles des ménages aisés.

L’écart dans le montant de l’aide publique qui était du simple au quadruple avant la réforme de 1997, entre un couple avec deux enfants disposant de 100 000 francs de revenus et un couple avec deux enfants disposant de 700 000 francs de revenus, est passé du simple au triple en 1998, après la mise sous condition de ressources des allocations. Il restera à ce niveau, en 1999, après le rétablissement de l’universalité des allocations familiales et la réduction du plafond du quotient familial.

En conclusion, le retour à l’universalité et la réduction du plafond bénéficient d’abord aux ménages les moins aisés affectés par la mise sous condition de ressources, c’est à dire des ménages d’au moins deux enfants dont le revenu est proche de celui retenu en 1998 pour le plafond de ressources des allocations familiales. Ces ménages sont les “ gagnants ” de la réforme introduite car ils bénéficient de nouveau des allocations familiales et n’ont pas des revenus suffisamment élevés pour être touchés par la réduction du plafond du quotient familial.

Les autres “ gagnants ” de la réforme sont les parents isolés. En effet, la situation fiscale d’un parent isolé est restée inchangée puisque leur plafond de quotient familial est maintenu à 20 270 francs pour la part accordée au titre du premier enfant à charge.

Le principe de redistribution et d’équité poursuivi dès 1997 est non seulement maintenu mais renforcé par ces nouvelles mesures, fruits d’une concertation efficace et positive qui augure bien des étapes ultérieures de rénovation de la politique familiale.

C. UNE POLITIQUE FAMILIALE ADAPTÉE AUX MUTATIONS DE LA SOCIÉTÉ

1. Conforter les parents dans leur rôle éducatif

a) La famille a changé

Les indicateurs démographiques attestent de la diffusion de modes de vie qui, il y a trente ans, passaient pour des singularités.

·  Le concubinage est aujourd’hui un phénomène massif. En 1997, 284 000 mariages ont été célébrés contre 320 000 en 1960. Aujourd’hui, le mariage n’est plus le seul acte fondateur du couple : 87 % des couples vivent ensemble avant de se marier, ils n’étaient que 15 % dans ce cas en 1960. La vie en couple non marié n’est plus seulement une étape transitoire précédant le mariage mais devient un mode de vie durable en famille autour de l’enfant.

·  Le divorce a beaucoup augmenté avant de se stabiliser. Le taux de 22,5 % en 1980 est passé à 38,3 % en 1996. En 1996, 118 400 divorces ont été prononcés, dont 36 % concernent des couples sans enfants mineurs.

·  Les enfants nés hors mariage représentent aujourd’hui un tiers des naissances. En 1995, 35,6 % des enfants sont nés de parents non mariés, contre 11,4 % en 1980. Plus de la moitié des premiers enfants naissent hors mariage.

Ces constats, témoins de l’évolution des comportements ont conduit le rapporteur à stipuler que ce qui fait famille aujourd’hui, c’est l’enfant.

Un couple, un ménage qui se constitue, participe de la décision privée des deux protagonistes. Les formes du partage et du contrat qui président à cette décision leur appartiennent totalement et la législation leur donne un éventail de choix qui peut encore évoluer. En revanche, dès lors qu’un enfant intervient dans ce partage (par procréation, adoption ou recueil) le contrat perd son caractère privé et devient public.

Il devient alors du devoir des pouvoirs publics de veiller à ce que le devenir de cette troisième personne soit garanti dans les meilleures conditions de justice sociale et de protection juridique. Ce qui n’exclue pas des choix individuels reposant sur des convictions morales ou religieuses que les pouvoirs publics n’ont pas à sanctionner.

b) la crise de la parentalité

La parentalité est aujourd’hui en crise. Elle l’est dans les familles où les mécanismes d’exclusion sociale, culturelle, économique dévaluent le statut des parents et les empêchent de jouer leur rôle intégrateur.

Le rôle classique du père en tant qu’initiateur socioculturel a été mis à mal par la généralisation de l’instruction publique et l’aggravation du chômage. De surcroît, la transmission des valeurs par le père fonctionne mal dans une société qui valorise le changement, l’adaptabilité, la mobilité. Elle est concurrencée par la virtualité des modèles. Les pères ressentent pleinement les effets de la dislocation des structures familiales classiques : familles monoparentales dont ils sont exclues, familles naturelles où leur statut reste précaire, familles recomposées où le positionnement vis-à-vis des enfants du premier mariage et du conjoint “ absent ” est souvent difficile.

Plusieurs autres facteurs socio-économiques rendent l’exercice de la parentalité de plus en plus difficile : le développement du travail à horaires atypiques, l’éloignement du foyer familial, la précarité de l’emploi, les difficultés de logement, l’évolution des comportements et des représentations.

Ceux qui deviennent parents ne peuvent s’exonérer de cette responsabilité qui les qualifie et les désigne pour transmettre les valeurs individuelles et collectives nécessaires à la structuration de l’être en devenir dont ils ont désormais la charge. A partir de ce moment, l’enfant occupe une place première, porteur d’une histoire de sa famille quelquefois entachée de rupture et de souffrance. Il est celui pour qui les parents se disent capables “ d’abattre des montagnes ” mais il est aussi celui qui interroge les projets parentaux, celui par lequel s’entrechoquent passé, présent et avenir, celui qui décuple les problèmes.

Certains parents deviennent parents sans avoir eux-mêmes reçu un héritage culturel, social, affectif, sans avoir acquis les moyens, les capacités dont une famille a besoin pour élever ses enfants. Il est manifeste que certains de ces parents ont besoin de soutien et d’accompagnement dans l’éducation de leurs enfants.

c) La nécessité de soutenir la responsabilité éducative des parents

Certaines familles sont plus fragilisées que d’autres : les jeunes couples peu préparés culturellement, les familles monoparentales, les familles recomposées et les familles issues de l’immigration. Comme l’a souligné le rapporteur dans son rapport remis au Premier ministre en juin dernier, ces familles, lorsque des problèmes surgissent, ne doivent pas être culpabilisées ou condamnées, par exemple par la suppression des prestations familiales. Il faut au contraire tout mettre en œuvre pour que ces parents soient capables d’assumer leurs obligations.

D’ailleurs, les pouvoirs publics ne doivent pas uniquement se concentrer sur les familles dites “ à risque ”. Personne n’est à l’abri de difficultés passagères dans l’éducation de ses enfants, et ce qui est bon pour les familles en difficulté vaut pour toutes les familles. Aujourd’hui, les jeunes réclament des adultes responsables, ainsi que l’a prouvé la consultation nationale organisée par M. Philippe Meirieu sur l’avenir du lycée.

Le Gouvernement a donc la volonté de soutenir toutes les familles dans leur fonction éducative par la création d’un réseau d’appui, d’écoute et de soutien aux parents. Les parents en difficultés (manque d’autorité, fatigue, échec scolaire, délinquance, drogue, fugue...) doivent pouvoir échanger avec d’autres parents qui se posent les mêmes questions, vivent les mêmes réalités et s’appuyer sur l’écoute et le conseil des professionnels.

Dans un esprit proche de ce qui peut être envisagé avec une maison de la famille, la mise en place des réseaux vise à coordonner, renforcer et développer l’ensemble des initiatives et des actions qui concourent au soutien de la fonction parentale.

Sont ainsi prévus :

- la création et le renforcement de 1000 “ points d’informations ” parents gérés par des centres sociaux ou d’autres associations intervenant déjà dans ce secteur,

- le développement d’un ensemble d’initiatives, de services et de structures concourant au soutien de la parentalité : lieux d’accueil parents-enfants type maison verte, établissements d’information, de consultation et de conseil familial (EICCF), médiation familiale, médiation socio-culturelle, associations de travailleuses familiales...

L’Etat et les CAF engageront sous forme contractuelle un partenariat avec les communes et les conseils généraux compétents en matière de protection de la famille et de l’enfant. Le réseau sera animé par des agents de développement, chargés de la mise en oeuvre et de la coordination.

La CNAF contribuera au financement de ce réseau à hauteur de 450 millions de francs à terme. Les crédits nécessaires seront chaque année dégagés au sein de son Fond national d’action sociale (FNAS). L’Etat participera également en 1999 à hauteur de 63 millions de francs qui ont été inscrits au budget du ministère de l’emploi et de la solidarité (chapitre 47-21).

Le développement de ces réseaux s’inscrit dans la politique d’accompagnement des familles fragilisées engagée par les caisses d’allocations familiales depuis plusieurs années. Il s’agit donc de valoriser des structures déjà existantes pour la plupart en leur donnant plus de moyens.

Les CAF ont mis en place quatre dispositifs pour les familles en difficultés :

- les services des travailleurs sociaux remplissent un rôle essentiel soit par un accompagnement social individuel, soit par des actions collectives ;

- les aides financières directes aux familles (prêts, secours, aides aux vacances familiales) ;

- l’aide au foyer permet à la famille de traverser certaines périodes difficiles en maintenant son autonomie (naissance, famille nombreuse, surmenage des parents, séparation, décès, etc...) par l’intervention d’une travailleuse sociale ou d’une aide ménagère ;

- la médiation familiale est un processus dans lequel les membres d’une famille demandent ou acceptent l’intervention confidentielle d’une tierce personne neutre et qualifiée en cas de conflit.

Il est essentiel que les pouvoirs publics développent une attention précoce et généreuse, (génératrice d’immenses profits tant sur le plan humain et social que sur le plan financier) pour qualifier et maintenir les parents dans leur rôle de parents. A l’heure où l’on entend souvent dire qu’il faut enseigner aux enfants leurs droits et leurs devoirs, réaffirmer que l’enfant a des droits qui confèrent des obligations aux adultes peut mobiliser utilement les énergies.

2. Concilier vie familiale et vie professionnelle

a) Des mères “ pénalisées ” dans leur activité professionnelle

Il y a cent ans, 45 % des femmes en âge de travailler avaient une activité professionnelle ;, aujourd’hui elles sont 64 %. 85 % des femmes de 25 à 49 ans avec un enfant sont actives, 75 % avec deux enfants et 50 % avec trois enfants. L’activité professionnelle des femmes est l’aboutissement de l’éducation des filles, de leur besoin d’autonomie et de leur quête de sens mais aussi une nécessité économique.

La contribution des hommes au travail domestique et à l’éducation des enfants ayant peu évolué, la difficile conciliation entre vie professionnelle et vie familiale repose toujours sur les femmes. On observe une forte augmentation du temps partiel chez les femmes dans des secteurs d’activité où la flexibilité est particulièrement forte (nettoyage, grande distribution...) et où la grande imprévisibilité des rythmes et des horaires est totalement incompatible avec une vie familiale équilibrée.

Une étude récente de la CNAF montre que le taux d’activité professionnelle des jeunes mères (25 à 29 ans) a brutalement régressé entre 1994 et 1997, passant de 63,5 % à 52 % en raison d’un marché du travail hostile. La baisse touche aussi les mères de 30 à 34 ans ayant un enfant de moins de trois ans : 70,5 % étaient actives en 1990, elles ne sont plus que 59 % en 1997.

Les mères de famille qui ont le plus de difficultés à se plier aux règles de flexibilité du temps de travail renoncent à chercher un emploi. Dès lors, l’allocation parentale d’éducation (APE), une aide de 2 900 francs par mois représente une alternative attractive. Ainsi, sur 10 femmes ayant demandé l’APE, 6 ont modifié leur comportement d’activité (effet incitatif) pour la percevoir et 4 étaient déjà inactives (effet d’aubaine).

Si on peut considérer que pour certaines l’APE peut représenter une alternative satisfaisante à une activité professionnelle contraignante et peu valorisée, on est en droit de s’interroger sur les conséquences à terme pour le retour à l’emploi de ces mères de famille. En plus du coût humain et professionnel, c’est une mesure qui pèse lourd pour la branche famille. Ainsi, malgré l’attachement fort à cette allocation, il convient de la recibler et d’en atténuer les effets néfastes sur l’employabilité des mères de famille.

b) Les mesures prévues pour mieux articuler vie professionnelle et vie familiale

·  La réduction du temps de travail

Le mouvement enclenché par la loi d’orientation et d’incitation à la réduction du temps de travail permet de repenser l’organisation du travail, tant du point de vue des entreprises que des salariés, notamment en prenant en compte leurs aspirations à une vie familiale. En outre, le temps libéré, qui peut représenter une demi-journée par semaine, une journée toutes les deux semaines et de 20 jours par an offre un potentiel très important de renforcement de la vie familiale. L’impact sur la vie familiale de cette réduction sera évalué par un observatoire de la réduction du temps de travail qui va être mis en place dans le cadre du suivi de la loi des 35 heures.

A cette occasion, le Gouvernement entend également, le cas échéant, encourager et soutenir les pratiques d’organisation du travail susceptibles de favoriser le temps familial : horaires variables, jours de congés hors du temps scolaire, compte-épargne-temps pour congés parentaux ou familiaux, temps partiel familial choisi.

Les dispositions du congé parental d’éducation seront complétées après concertation avec les partenaires sociaux, par un congé parental d’accompagnement scolaire, un congé parent dépendant. Les conditions de retour dans l’entreprise feront l’objet d’une information plus importante.

Enfin, le retour à l’emploi des parents ayant interrompu leur activité professionnelle pour élever un enfant sera amélioré par la réactivation du fonds d’incitation à la formation des femmes (FIFF).

Le développement de l’accueil en crèches, pour les familles modestes : la réforme du financement

Depuis la création des prestations de service (qui constituent l’aide forfaitaire versée par les CAF aux gestionnaires des crèches), la CNAF a établi le principe d’une modulation des tarifs crèches en contrepartie de sa participation. Elle a depuis 1983 introduit dans les contrats crèche puis enfance l’obligation d’appliquer un barème défini au niveau national.

Le tarif acquitté par les parents décroît avec leur revenu. Les ressources dont dispose le gestionnaire de la crèche sont d’autant moins élevées qu’ils accueillent un nombre important d’enfants de familles modestes. En effet, la prestation de service versée par la CNAF étant quasiment forfaitaire, c’est le gestionnaire (collectivité locale ou l’association qui couvre “ le déficit ”, différence entre la participation financière des parents augmentée de l’aide forfaitaire de la CAF et le coût réel. La participation des communes est d’autant plus grande que les ressources des familles sont faibles. Les communes qui supportent donc les charges les plus élevées sont celles où les familles modestes sont les plus nombreuses.

En liaison avec la CNAF, le système actuel sera inversé : les caisses apporteront une contribution d’autant plus importante que celle des familles est faible. Les caisses, et non plus les communes, supporteront les effets de la modulation familiale.

Cette mesure qui relève d’un accord conventionnel avec la CNAF est portée par le présent projet de loi dans le cadre de l’objectif de dépense de la branche famille. Elle vise à garantir l’égal accès aux crèches pour les familles ayant des revenus modestes. Le financement supplémentaire apporté aux crèches s’élèvera à terme à 400 millions de francs.

c) Des mesures pour l’avenir

·  redéfinir les conditions d’attribution de l’APE

Comme on l’a vu précédemment, les mères qui connaissent des difficultés d’insertion sur le marché du travail et à qui il était difficile de faire garder leurs enfants ont succombé à la forte incitation de demander l’APE.

Plusieurs dispositions pourraient être prises pour mieux recibler cette allocation et en atténuer les effets néfastes sur l’employabilité des mères de famille :

- réserver l’APE à taux plein à la cessation effective de travail pour le troisième enfant,

- maintenir un lien structurel avec l’emploi (possibilité de plusieurs jours d’activité mensuels) pour permettre à la mère de garder le contact et préserver les condition du retour,

- garantir les droits à la formation continue et à la reconversion professionnelle avant la fin du congé parental et du versement de l’APE,

- garantir l’accès de la mère bénéficiant de l’APE à un mode de garde temporaire pour reprendre une activité à temps partiel,

- privilégier l’APE à taux partiel pour le deuxième enfant,

·  rendre cohérent et équitable le système des aides à la garde d’enfants

Sur les 2,1 millions d’enfants de moins de trois ans :

- la moitié est gardée par un parent au foyer (le plus souvent la mère). Dans 40 % des cas, le parent bénéficie de l’allocation parentale d’éducation versée à partir du deuxième enfant sous condition d’activité professionnelle antérieure ;

- 13 % sont accueillis au domicile d’assistantes maternelles agréées, les parents bénéficiant à ce titre de l’AFEAMA (Aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle) versée par les CAF ;

- 9 % des enfants sont accueillis en crèche, subventionnée par les CAF ;

- 26 % sont gardés sans aide publique en dehors du foyer familial (solidarité familiale ou de voisinage, etc...)

- environ 250 000 enfants de moins de trois ans sont scolarisés chaque année soit environ 1/3 de la classe d’âge deux-trois ans.

Plusieurs études récentes (CNAF, Cour des comptes en 1996) ont montré que le taux d’effort des familles (part dépendante du revenu restant à la charge des familles) varie considérablement selon le mode d’accueil et le revenu des familles.

En règle générale le taux d’effort est d’autant plus élevé que les ressources de la famille sont modestes et cela quel que soit le mode d’accueil. Cela est toujours le cas pour les modes de garde individuels. Pour les crèches, cette règle s’applique aux deux extrémités de l’échelle des revenus et le taux d’effort est toujours le plus important pour les revenus les plus faibles.

On observe par ailleurs une forte croissance des aides publiques (- CNAF, collectivités territoriales, prestations à la famille, déductions fiscales -) en fonction de revenus croissants de la famille.

Revenu annuel de la famille

Crèches collectives

Crèches familiales

AFEAMA

AGED

Coût pour la famille

1- 10 660 F

1- 8 880 F

1- 15 560 F

1- 74 170 F

 

2- 24 850 F

2- 13 660 F

2- 11 610 F

2- 38 290 F

Taux d’effort des familles (coût résiduel/ revenu

1- 9.2

2- 7.1

1- 7.6

2- 3.9

1- 13.2

2- 3.3

1- 63.8

2- 11.0

Source : CNAF “ Le coût de l’accueil des jeunes enfants pour les familles et les diverses collectivités publiques ” juin 1996.

1- revenu d’une famille de 2 enfants avec 1 enfant de moins de 3 ans dont la mère travaille à temps plein = 120 000 F/an (2 Smic net)

2- revenu d’une famille de 2 enfants avec 1 enfant de moins de 3 ans dont la mère travaille à temps plein = 360 000 F/an (6 Smic net)

Les aides apportées à la garde de l’enfant

- La garde à domicile : les familles bénéficient de l’AGED qui prend en charge dans la limite d’un plafond 50 % à 75 % des cotisations sociales patronale et salariale et d’une réduction d’impôt plafonnée à 22 500 F.

- La garde par assistante maternelle : les familles bénéficient de l’AFEAMA constituée d’une prise en charge à 100 % des cotisations sociales patronale et salariale et d’une aide forfaitaire de 820 F par mois (ou 410 F par mois si l’enfant a plus de trois ans), et d’une réduction d’impôt plafonnée à 3 750  par enfant.

- La garde en crèche : les familles bénéficient d’une réduction d’impôt plafonnée à 3 750 F par enfant et indirectement d’une aide de la CNAF et des collectivités locales visant à limiter l’importance de leurs frais de garde par rapport à leur revenu.

A l’avenir, la remise à plat des aides apportées à la garde de l’enfant doit remédier au déséquilibre entre la garde collective (crèches, haltes-garderies) utilisée par les familles modestes et financée par les CAF et la garde individuelle, choisie par les plus aisés et soutenue par l’Etat (AGED, AFEAMA). Le taux d’effort des familles devrait être inversement proportionnel à leurs capacités contributives et l’aide publique devrait être proportionnelle au temps réel d’utilisation.

3. Diriger la politique familiale vers les publics prioritaires

a) La prise en charge des 6/16 ans

Les 6/16 ans longtemps considérés comme protégés par le double contrôle de l’école et de la famille posent aujourd’hui les plus gros problèmes. En effet, selon Mme Michèle André, le temps libre des enfants et des adolescents peut devenir “ le temps de l’ennui, de l’exclusion, de la violence urbaine et de la toxicomanie. ”

Cette tranche d’âge doit donc être prise en charge avec autant d’attention que la petite enfance. Il faut développer des activités de temps libre encadrées, professionnalisées et contrôlées. Aujourd’hui, les centres de loisirs et d’accueil correspondent de moins en moins aux aspirations de cette tranche d’âge et les dispositifs ateliers ouverts n’offrent pas un encadrement suffisant.

En 1998, dans la continuité des contrats enfance qui existent depuis 1994 a été lancé au niveau des CAF un contrat destiné à aider les communes à mettre en oeuvre une politique globale en faveur des temps libres des enfants de 6 à 16 ans. Cette politique devra rencontrer celle de l’éducation nationale et des contrats locaux d’éducation au bénéfice des familles et des enfants.

b) l’accompagnement vers l’autonomie des jeunes adultes dépendants

La prolongation de la scolarité d’abord et la difficulté à trouver un emploi stable ensuite ne permettent pas aux jeunes adultes d’avoir l’indépendance financière. A 22 ans, un jeune sur deux habite chez ses parents. Les parents assument la charge de leurs enfants de plus en plus longtemps, alors même que ces derniers n’ouvrent plus droit aux prestations familiales et que leur entretien coûte plus cher.

Le Gouvernement a décidé, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, de relever la limite d’âge de 18 ans pour la fixer à 19 ans au bénéfice des jeunes atteignant leur dix-huitième anniversaire à compter du 1er janvier 1998.

Le présent projet de loi reporte à 20 ans l’âge ouvrant droit aux prestations familiales. Les prestations familiales seront donc versées, à compter du 1er janvier 1999, jusqu’au vingtième anniversaire de l’enfant inactif à charge de sa famille ou ne justifiant pas d’une rémunération au moins égale à 55 % du SMIC.

Sous réserve des dispositions propres à chacune des prestations familiales, seront visés par cette extension : les allocations familiales, le complément familial, l’allocation de logement familiale, l’allocation de soutien familial. Par extension, cette mesure s’appliquera également au titre de l’aide personnalisée au logement. Le coût du financement de la prolongation est estimé à 530 millions de francs, environ 60 000 familles pouvant continuer à percevoir des prestations familiales.

Dans la continuité d’une telle politique, le rapporteur avait préconisé dans son rapport remis au Premier ministre la prise en compte dans le calcul de l’allocation logement du jeune à charge jusqu’à 22 ans, mesure qui n’a pas été reprise dans le présent projet de loi.

c) Une aide plus grande aux familles démunies

Le rapporteur dans son rapport remis au Premier ministre en juin dernier déclarait que la politique familiale devait d’abord avoir comme objectif de “ casser la fatalité qui fait que quand on est pauvre on a peu de chances de pouvoir élever ses enfants avec un sérieux espoir de progrès social, ni l’angoisse de se les voir retirer ”.

Les sommes dégagées en excédent dans la branche famille - ce qui est le cas en 1999 - devraient être redistribuées sur les familles en grande difficulté, à savoir les familles monoparentales et les familles pauvres et nombreuses.

Les familles monoparentales ont été prises en compte avec le maintien du plafond du quotient familial à 20 700 francs.

Ces familles sont très touchées par la perte d’un salaire puisque avec le même nombre d’enfants les charges restent celles d’un couple biactif. Dans la majorité des cas, l’isolement se traduit donc par un appauvrissement important. De la même façon, les familles nombreuses (trois enfants et plus) disposent d’un niveau de vie bien inférieur à un couple sans enfant.

Après transferts opérés par la politique familiale (prélèvement socio-fiscal et prestations), les familles monoparentales, notamment celles ayant deux enfants et plus et les familles de trois, mais surtout de quatre enfants et plus sont particulièrement défavorisées : la moitié des familles monoparentales ayant deux enfants et plus ainsi que la moitié des familles de quatre enfants et plus font partie, après transferts, des 20 % de ménages les moins aisés. En bref, il y a deux fois et demi plus de familles pauvres ou très modestes dans ces deux catégories de familles que dans l’ensemble des ménages.

Les réponses dans le soutien aux familles en grande difficulté doivent également être améliorées. La prévention doit être développée de manière prioritaire et de manière très précoce (PMI, crèches, écoles maternelles). La formation des travailleurs sociaux doit être particulièrement adaptée, afin que mieux préparés à la rencontre avec la grande pauvreté, leur travail d’accompagnement et de soutien des familles ne soit plus redouté par celles-ci comme un contrôle social.

EXAMEN DU RAPPORT PAR LA COMMISSION

La commission a examiné le rapport de Mme Dominique Gillot sur la branche famille au cours de sa réunion du mardi 20 octobre 1998.

Après l’exposé du rapporteur, Mme Hélène Mignon s’est félicitée de la mise en œuvre par le Gouvernement d’une politique familiale ambitieuse. Le rôle éducatif des familles doit être soutenu, tout particulièrement lorsqu’elles sont en situation de difficultés sociales. On ne peut donc qu’être opposé à la suppression du versement des allocations familiales pour les familles ayant un mineur délinquant. En revanche, le versement des prestations familiales dès le premier enfant est une nécessité.

M. Pascal Terrasse a salué l’effort de concertation mené par le rapporteur dans le cadre de la mission qui lui avait été confiée par le Gouvernement avec les associations et les élus pour mettre en place un mécanisme de redistribution tenant compte des ressources des familles.

M. Denis Jacquat a rappelé qu’il avait déjà été proposé d’accorder des allocations familiales jusqu’à l’âge de vingt ans lorsque Mme Simone Veil était ministre des affaires sociales et s’est réjoui de voir cette demande enfin abouti. En ce qui concerne les mineurs délinquants, il faut trouver de véritables solutions alternatives à la suppression des allocations familiales et surtout éviter la marginalisation de certains groupes, petits mais bien identifiés, qui sèment le trouble dans les banlieues.

Après avoir rappelé les difficultés que connaissent actuellement les jeunes couples pour s’installer, M. Germain Gengenwin a souhaité connaître l’impact financier pour les familles du rétablissement des allocations familiales sans condition de ressources et de la baisse du quotient familial.

En réponse aux intervenants, Mme Dominique Gillot, rapporteur pour la famille, a apporté les précisions suivantes :

- En 1999, l’excédent de la branche famille de près de 3 milliards de francs permettra de financer les actions nouvelles en direction de la famille, notamment l’extension de l’allocation de rentrée scolaire aux familles ayant un seul enfant à charge.

- La lutte contre la petite délinquance doit d’abord s’effectuer par des actions d’éducation et de prévention, avec l’aide de travailleurs sociaux et sur des lieux de médiation non judiciaire. La famille est irremplaçable dans son rôle d’éducation. Il faut donc accompagner les parents pour les aider à assumer leurs responsabilités éducatives.

- Les deux mesures décidées par le Gouvernement permettront aux familles de percevoir à nouveau les allocations familiales tout en ne payant pas plus d’impôt jusqu’à des niveaux de revenu bien supérieurs au seuil de ressources retenu pour le versement des allocations familiales en 1998. Jusqu’à 38 600 francs, les familles de deux enfants récupéreront l’intégralité des allocations familiales, alors qu’elles perdaient auparavant 675 francs par mois à partir de 25 000 francs pour les familles monoactives et de 30 000 francs pour les familles biactives.

Le solde de ce double mouvement est positif pour les familles, à hauteur de 780 millions de francs.

- La diminution de l’AGED réalisée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 avait pour but de rééquilibrer le montant de l’aide publique accordée aux modes de garde. Il s’agissait de ne pas trop favoriser financièrement le mode de garde à domicile. Cette mesure est inchangée. Il convient toutefois de prendre en considération les difficultés qu’éprouvent les jeunes parents à faire garder leurs enfants, compte tenu de la flexibilité accrue des heures de travail.

ANALYSE DES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI RELATIVES À LA FAMILLE

Article 13

(articles L. 521-1 et L. 755-11 du code de la sécurité sociale)

Rétablissement de l’universalité des allocations familiales

Cet article a pour objet de supprimer le critère de ressources pour l’attribution des allocations familiales.

1. Dispositions applicables en métropole

Le paragraphe I propose la nouvelle rédaction suivante de l’article L. 521-1 : “ Les allocations familiales sont dues à partir du deuxième enfant à charge ”. La rédaction actuelle est issue de l’article 23-1 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 qui posait le principe de la condition de ressources, sous forme d’un plafond de ressources variable en fonction du nombre d’enfants et majoré pour les couples dont les deux membres travaillent et pour les familles monoparentale.

Les plafonds des ressources en deçà desquels les familles peuvent percevoir les allocations familiales ont été fixés par le décret n° 98-708 du 26 février 1998, un complément différentiel étant toutefois versé lorsque les ressources du ménage excèdent légèrement ces plafonds.

Pour ouvrir droit aux allocations familiales, le bénéficiaire doit disposer de revenus nets catégoriels annuels ne dépassant pas un plafond fixé à 167,915% du plafond de base de l’allocation de rentrée scolaire, soit 129 600 francs au 1er mars 1998.

Les plafonds de ressources ont donc été fixés à 25 000 francs nets mensuels, majorés de 7 000 francs lorsque les deux parents travaillent ou s’il s’agit d’un parent isolé et de 5 000 francs par enfant à charge à partir du troisième. La mise en application de ce critère de ressources a concerné 386 000 familles pour lesquelles les allocations familiales ont été réduites ou supprimées.Ces familles sont presque toutes situées dans le dernier décile de revenu disponible. Elles ont perdu en moyenne 13 000 francs de revenu disponible pour l’année, soit environ 2,4 %.

Les autres conditions d’attribution des allocations familiales sont demeurées inchangées. Les allocations familiales sont servies à compter du deuxième enfant, en métropole (et dans les mêmes conditions dès le premier enfant dans les départements d’outre-mer), leur montant s’accroissant en fonction du nombre d’enfants à charge et de leur âge.

Le principe de mise sous condition de ressources est donc abandonné. On notera que la nouvelle rédaction de l’article L. 521-1 n’est pas la reprise intégrale de la version antérieure à 1997 qui était la suivante : “ Les allocations familiales sont dues à partir du deuxième enfant à charge résidant en France ”. La référence à la résidence en France a été supprimée car celle-ci figure déjà à l’article L. 512-1 du même code qui fixe les règles d’attribution de l’ensemble des prestations familiales.

2. Dispositions applicables dans les départements d’outre-mer

L’article 23-1 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 avait prévu une application particulière du principe de critère de ressources dans les départements d’outre-mer.

En effet, le régime des prestations familiales servies dans les départements d’outre-mer présente quelques spécificités. Les allocations familiales sont versées dès le premier enfant. Les plafonds de ressources sont différents afin de tenir compte de la situation économique et sociale. Il n’existe pas de majoration des plafonds visant à prendre en compte la présence d’un deuxième revenu dans la famille.

Le paragraphe II de cet article vise donc à supprimer le critère de ressources pour l’attribution des allocations familiales dans les départements d’outre-mer.

Le II propose d’abroger le deuxième alinéa de l’article L. 755-11 qui pose le principe du plafond de ressources pour l’attribution des allocations familiales et des majorations pour âge. Le II propose également d’abroger le troisième alinéa de l’article L. 755-11 qui étend aux départements d’outre-mer les dispositions de l’article L. 521-1 définissant la détermination du plafond de ressources (selon la taille de la famille et la structure du revenu familial).

3. Entrée en vigueur des nouvelles dispositions

Le paragraphe III prévoit que le rétablissement de l’universalité des allocations familiales en métropole et dans les départements d’outre-mer entrera en vigueur le 1er janvier 1999. La mise sous condition de ressources des allocations familiales n’aura donc été appliquée que de mars à décembre 1998.

L’entrée en vigueur au 1er janvier 1999 du rétablissement de l’universalité s’explique par le fait que l’abaissement du plafond du quotient familial prévu dans le projet de loi de finances pour 1999 prendra également effet à cette date. En effet, le retour à l’universalité des allocations familiales est à lier avec la réforme du quotient familial.

Ces deux mesures combinées permettent aux familles de percevoir à nouveau les allocations familiales tout en ne payant pas plus d’impôt jusqu’à des niveaux de revenus sensiblement supérieurs au plafond de ressources retenu en 1998, par exemple, jusqu’à 38 600 francs, l’intégralité des allocations familiales, alors qu’elles perdaient auparavant 675 francs par mois à partir de 25 000 francs pour les familles monoactives et de 30 000 francs pour les familles biactives.

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Article 14

(article L. 543-1 et L. 543-2 du code de la sécurité sociale)

Extension de l’allocation de rentrée scolaire aux familles de un enfant

Cet article a pour objet d’étendre l’allocation de rentrée scolaire (ARS) aux familles n’ayant qu’un seul enfant à charge qui remplissent la condition de ressources. A cette fin, il propose une nouvelle rédaction de l’article L. 543-1 du code de la sécurité sociale décrivant les conditions d’attribution de l’allocation de rentrée scolaire et l’abrogation de l’article L 543-2 du code de la sécurité sociale.

L’allocation de rentrée scolaire définie aux articles L. 543-1 et L. 543-2 du code de la sécurité sociale est une aide ponctuelle aux familles modestes, versée à la rentrée scolaire afin qu’elles puissent faire face aux dépenses engagées à cette occasion.

Créée en 1974, l’allocation de rentrée scolaire a été étendue par la loi n° 50-590 du 6 juillet 1990. aux enfants de 16 à 18 ans et aux bénéficiaires, outre des prestations familiales, de certaines prestations sociales. Depuis 1993, une majoration exceptionnelle financée par le budget de l’Etat et reconduite chaque année accompagne cette allocation.

Le décret n° 98-718 du 19 août 1998 et la circulaire DSS/4A/98/520 du 11 août 1998 ont porté l’allocation de rentrée scolaire comme en 1997, pour la rentrée 1998 à 1 600 francs par enfant ouvrant droit à prestation. Le montant net de l’ARS s’établit à 423,87 francs après application de la CRDS (contribution pour le remboursement de la dette sociale). Le montant de la majoration exceptionnelle, financée en totalité par l’Etat, est fixé à 1 176,13 francs. Plus de 5,7 millions d’enfants de 6 à 18 ans ont bénéficié fin août de l’ARS.

·  Le paragraphe I a pour objet la suppression de la condition selon laquelle il est nécessaire de bénéficier d’une autre prestation familiale ou sociale pour se voir attribuer l’allocation de rentrée scolaire.

Actuellement, l’attribution de l’allocation de rentrée scolaire est subordonnée à la condition de bénéficier d’une autre prestation familiale figurant dans la liste des prestations familiales de l’article L. 511-1 du code de la sécurité sociale ou d’une autre prestation sociale (aide personnalisée au logement, allocation aux adultes handicapés ou revenu minimum d’insertion) tel que le prévoit l’article L. 543-1 du code de la sécurité sociale. L’allocataire doit donc avoir perçu, au titre du mois de juillet, une des prestations gérées par la caisse d’allocations familiales au titre du mois de juillet 1998.

En conséquence environ 350 000 familles n’ayant qu’un seul enfant à charge et dont les ressources sont inférieures au plafond sont exclues actuellement du bénéfice de l’allocation de rentrée scolaire.

Au regard de l’objectif de la prestation qui est d’aider les familles modestes à couvrir une partie des frais engagés à l’occasion de la rentrée scolaire, la condition de bénéficier d’une autre prestation n’apparaît donc pas fondée pour justifier de l’exclusion du droit à l’allocation de rentrée scolaire.

Cette condition est donc supprimée par le présent article qui permet le versement de l’allocation de rentrée scolaire aux familles dès lors qu’elles remplissent les seules conditions de ressources, d’âge de l’enfant et de scolarité décrites dans le décret n° 90-526 du 28 juin 1990 et le décret n° 90-776 du 3 septembre 1990. Ces conditions sont les suivantes :

- avoir à charge un enfant âgé de 6 à 18 ans inscrit dans un établissement ou organisme d’enseignement, ou de plus de 18 ans dès lors que l’enfant poursuit ses études ou est placé en apprentissage et que sa rémunération éventuelle n’excède pas 55 % du SMIC ;

- avoir disposé de ressources, au cours de l’année civile précédant celle de la rentrée scolaire, inférieures à un plafond. Ce plafond de ressources s’élève au 1er juillet 1998 à 101 440 francs annuels avec un enfant, 124 349 francs avec deux enfants et 156 743 francs (revenus nets catégoriels de 1997).

·  Le paragraphe II abroge l’article L. 543-2 essentiellement pour des raisons de concision. Cet article renvoyait, dans son premier alinéa, à un décret en Conseil d’Etat fixant la date de versement et le plafond de ressources. Ce renvoi à un décret du Conseil d’Etat n’avait pas son utilité dans la loi.

Le deuxième alinéa de l’article L. 543-2 concernant le montant et la revalorisation du plafond est repris et complété par le nouvel article L 543-1 dans son troisième alinéa. Le montant du plafond est fixé par décret et revalorisé par arrêté selon des conditions prévues par le décret n° 96-553 du 20 juin 1996. Le plafond est majoré, à partir du premier enfant, de 30 % par enfant à charge et il est revalorisé au 1er juillet de chaque année conformément à l’évolution en moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac de l’année civile précédente.

· Le paragraphe III prévoit que cette extension de l’allocation de rentrée scolaire entrera en vigueur à la rentrée 1999. En effet, l’allocation de rentrée scolaire est une aide immédiatement consommée par les familles qui doivent faire face à des dépenses importantes. Elle est versée automatiquement, en une seule fois pour toute l’année, juste avant la rentrée.

AUDITION DE LA COMMISSION

La commission a entendu M. Hubert Brin, président de l’Union nationale des associations familiales (UNAF), sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

Le président Jean Le Garrec a tout d’abord rappelé qu’un important débat sur la politique familiale avait eu lieu à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 à l’Assemblée nationale. Le débat de cette année devrait être de moindre ampleur compte tenu des dispositions du projet relatives aux allocations familiales. Pour autant, les divers points abordés au cours des discussions n’ont pas tous trouvé une solution. Le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, éclairé par les travaux de la conférence nationale sur la famille, fournit donc l’occasion de revenir sur certains points essentiels et d’aborder les problèmes de fond.

M. Hubert Brin, après avoir indiqué que le débat sur la politique familiale devait être relancé à travers les discussions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, a noté que deux angles d’attaque étaient possibles pour aborder cette question : une approche “ technocratique ” consistant à reprendre les diverses mesures du projet les unes après les autres, en indiquant à chaque fois la position de l’UNAF, et l’angle politique qu’il convient de privilégier.

En préambule, on peut affirmer que la pire des choses qui pourrait arriver à la famille serait d’être prise en otage lors des débats parlementaires sur le pacte civil de solidarité (PACS).

Trois décisions essentielles - formant une “ triangulaire ” - sont prévues dans le projet : le retour à l’universalité des allocations familiales, l’abaissement du plafond du quotient familial et la prise en charge de l’allocation de parent isolé (API) par le budget de l’Etat. Le conseil d’administration de l’UNAF en a accepté le principe, même si en son sein certaines voix divergentes se font entendre. Il n’est aujourd’hui nullement question de revenir sur cet accord.

Le fait de placer les allocations familiales sous condition de ressources revient à obérer la nature même de la politique de prestations familiales. Celle-ci n’a pas vocation à être une politique sociale, ce qui serait le cas si elle ne concernait plus que les seules familles défavorisées.

En 1999, la question de la faculté contributive des familles va se poser tant dans le domaine des impôts directs qu’indirects, qu’ils soient locaux ou nationaux. Le dossier de la fiscalité devra être impérativement à nouveau ouvert. Mais si le point de vue de l’UNAF est en général pris en compte sur les questions touchant aux aspects familiaux et au financement de la sécurité sociale, elle n’est en revanche pas entendue pour ce qui concerne les projets de loi de finances.

Il n’est pas opportun d’organiser la solidarité entre les différentes catégories de citoyens par le biais des prestations familiales. Par définition, la solidarité relève de l’ensemble de la Nation et ne peut s’organiser en opposant des catégories sociales les unes aux autres.

Il convient de prévoir au mieux la révision prochaine de la loi sur la famille de 1994. Celle-ci a d’ailleurs fixé l’année 1999 comme échéance. A cet égard, plusieurs problèmes se posent. En ce qui concerne le mode de revalorisation de la base mensuelle des allocations familiales (BMAF), les familles sont globalement perdantes, contrairement à ce qui se passe pour les pensions de retraite, même s’il faut bien convenir que les grands parents fournissent souvent une aide aux familles et qu’ils font partie de celles-ci.

S’agissant de l’âge limite de versement des allocations familiales, l’UNAF ne peut que se réjouir du passage de 18 à 19 ans en 1998 et du passage de 19 à 20 ans en 1999. Cependant, la loi de 1994 avait prévu qu’en 1999, cette extension irait jusqu’à l’âge de 22 ans. Le calendrier en la matière faisait figurer, en premier lieu, les prestations logement, en second lieu, le complément familial et, en troisième position, les allocations familiales. Une négociation doit donc avoir lieu dans ce domaine.

Pour ce qui est des garanties de ressources de la branche famille, il faut rappeler que la loi de 1994 avait prévu que lorsque le Parlement déciderait certaines exonérations de cotisations sociales, une compensation interviendrait automatiquement. A cet égard, il convient de s’interroger sur les incidences de la réduction du temps du travail. L’UNAF accepte le principe de la démarche qui vise in fine à la création de nouveaux emplois ; elle ne peut que souhaiter le succès de cette initiative, car le chômage a des répercussions parfois dramatiques sur les familles. Cependant, malgré un accord sur le principe, l’UNAF reste inquiète quant aux garanties réelles de financement futur de la branche famille.

Il convient d’insister sur le nécessaire respect par l’Etat de ses engagements financiers. Lorsque celui-ci décide de prendre en charge le paiement d’une prestation, il devrait assumer les dispositifs connexes s’y rattachant. Cette démarche n’a pas été respectée en ce qui concerne l’API, aujourd’hui prise en charge par le budget de l’Etat en tant que prestation et non pour le volet des cotisations d’assurance-maladie qui s’attachent à son versement. La même question se pose pour l’allocation aux adultes handicapés (AAH), les frais de tutelle étant toujours à la charge du Fonds national des prestations familiales.

Le déficit de la branche famille est une question complexe qu’il n’est pas possible de considérer comme un tout homogène, tant ses composantes sont diverses.

S’agissant par exemple de l’aide personnalisée au logement (APL), un décret de 1985 a fixé le taux de la participation de la branche famille à 46 % des dépenses totales, alors que les études réalisées à l’époque montraient qu’il aurait été plus équitable de fixer ce taux à 39 %. De la même façon, la contribution de la CNAF au financement de l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) se situe entre 20 et 22 milliards de francs, alors que le rapport Chadelat a montré que les dépenses qui pèsent en contrepartie sur la CNAV étaient de l’ordre de 3 à 4 milliards de francs. On comprendra que de tels exemples suscitent des interrogations au sein du mouvement familial.

Sur la question des retraites, l’UNAF estime devoir prendre position, notamment sur les avantages familiaux incorporés dans les pensions et l’AVPF. Elle ne demande pas de mesures immédiates, mais souhaite, à tout le moins, un moratoire pour examiner au fond les questions qui se posent. Dans cet esprit, elle ne peut qu’être réservée sur le texte relatif à la prestation compensatoire et totalement opposée à l’idée, parfois répandue, selon laquelle l’acquisition par les femmes de droits à retraite propres rendrait inutiles les pensions de réversion. On peut également s’interroger, rétrospectivement, sur la baisse du quotient familial applicable aux veuves ayant élevé un enfant, cette mesure ayant suscité beaucoup d’amertume.

La question de la prestation spécifique dépendance (P.S.D.) est extérieure au champ du projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais elle s’y trouve en quelque sorte en filigrane. Il est frappant de constater que 25 à 30 % des bénéficiaires potentiels de la PSD refusent cette prestation par peur des conséquences de la récupération sur succession. De manière plus générale, beaucoup de personnes âgées redoutent que le patrimoine qu’elles souhaitent transmettre à leurs descendants ne soit absorbé par les dépenses de santé et de dépendance. Si, compte tenu de la fixation à 300 000 francs du plafond de non-récupération sur succession, cette crainte est sans doute dépourvue de fondement dans de nombreux cas, il faut cependant prendre en compte le facteur psychologique. On a l’impression qu’aujourd’hui la PSD est une sorte de “ mistigri ” que chacun se renvoie, alors que les auditions menées dans le cadre du Conseil économique et social sur le projet de création d’une prestation d’autonomie avaient montré que la CNAV, la CNAM et l’Assemblée des présidents des conseils généraux revendiquaient chacune la gestion exclusive de cette prestation. La situation actuelle est, d’abord et avant tout, la conséquence d’un échec du partenariat dans ce domaine.

En ce qui concerne l’assurance maladie, l’UNAF, favorable à la revalorisation du rôle du généraliste, n’est en conséquence pas opposée à la création d’un médecin référent. Elle estime par ailleurs que, dès lors qu’existe une convention conclue entre les partenaires intéressés, celle-ci doit comporter des mécanismes de régulation et de sanction. De manière générale, il faut s’efforcer de concilier, d’une part, l’évolution des technologies, éléments positifs mais qui, fatalement, ont une répercussion en termes de coûts, et la demande sociale en faveur du recul des limites de la maladie et de la mort, et, d’autre part, les contraintes économiques. Il n’est, en conséquence, pas anormal d’élargir l’assiette de ce financement à des revenus autres que les revenus d’activités, et notamment aux revenus de transferts. Dans cette optique, on peut se demander si la mise en place d’une couverture maladie universelle, qui revient à remplacer une condition d’activité par une condition de résidence, comme cela avait déjà été fait en 1978 pour les prestations familiales, ne devrait pas être financée par un prélèvement assis sur tous les revenus. L’UNAF est très favorable à la mise en place de l’assurance-maladie universelle. Quant aux mesures relatives au secteur médico-social contenues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, elles ne seront sans doute pas sans incidence sur la nécessaire réforme de la loi du 30 juin 1975 régissant ce secteur.

Le président Jean Le Garrec a formulé les observations suivantes :

- Il doit être clair que le projet de loi relatif au pacte civil de solidarité ne concerne pas la famille, qui ne saurait être “ l’otage ” du débat.

- Le principe de la compensation par l’Etat des dépenses nouvelles résultant de la suppression du plafond de ressources pour l’attribution des allocations familiales doit être inscrit de manière durable dans la loi afin d’éviter qu’il ne puisse être remis en cause dans le cadre d’une discussion budgétaire annuelle.

- Si le projet de loi créant l’assurance maladie universelle ne doit être présenté au Parlement qu’à la fin de l’année, ses grandes orientations pourront être débattues dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de sécurité sociale.

- En dépit de sa complexité, le débat sur une éventuelle réforme de l’assiette des cotisations sociales doit avoir lieu.

- La nécessaire maîtrise des dépenses de l’assurance maladie n’est pas contradictoire avec l’amélioration de la qualité des soins.

- Le retard pris par la France dans la prise en charge de la douleur est patent et doit être rattrapé.

- S’agissant de la PSD, si des dispositions d’urgence ont été prises dans le cadre du projet de loi de lutte contre les exclusions pour corriger certains déséquilibres, il convient, en toute hypothèse, de réexaminer l’ensemble de ce dossier.

- La suppression des pensions de réversion n’est absolument pas à l’ordre du jour, même si ces prestations ne sauraient être exclues du débat sur la protection sociale.

- Si le principe d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale annuel constitue une avancée très importante, les conditions de son examen doivent être améliorées. En particulier, les parlementaires ne disposent pas d’une maîtrise suffisamment détaillée des montants des enveloppes issues du vote de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM).

Mme Dominique Gillot, rapporteur, s’est tout d’abord félicitée des habitudes de travail en commun prises avec l’UNAF, qui a toujours fait preuve d’une grande capacité de réflexion et d’expertise sur les questions touchant à la famille, ce qui fait de cette association bien plus un partenaire et un acteur du débat public qu’un simple groupe de pression.

L’ensemble des participants à la conférence de la famille s’est accordé à considérer que la première préoccupation des pouvoirs publics en matière de politique familiale devait être la protection de l’enfant et de ses droits. A ce sujet, il convient de réaffirmer avec force que le PACS ne concerne en rien le statut de l’enfant, puisqu’il ne touche ni aux questions de filiation, ni à l’autorité parentale. Une réflexion approfondie doit être menée afin d’assurer l’adaptation de ces éléments aux évolutions des comportements familiaux.

La prise en compte globale de la politique familiale, souhaitée par l’UNAF, ne peut trouver de traduction concrète qu’à travers une mobilisation cohérente de l’ensemble des pouvoirs publics concernés. Dans cette logique, le budget de la branche famille pour 1999 a été préparé en fonction des annonces faites par le Gouvernement à la conférence de la famille en juin dernier. Le retour à l’équilibre de la branche en 1998 et l’excédent des comptes, prévisible pour 1999, permettront d’assurer le financement d’une certain nombre de dispositions répondant à ces engagements.

Tout d’abord, le retour à l’universalité du système d’allocations, combiné à l’abaissement du plafond du quotient familial, permettra de rendre le système plus redistributif et plus solidaire. Cette logique de solidarité se retrouve également dans le prolongement du versement des allocations familiales pour les enfants à charge jusqu’à l’âge de vingt ans. Une telle mesure devrait d’ailleurs être l’occasion pour l’UNAF, comme pour les pouvoirs publics, de réfléchir à la situation des jeunes adultes encore à la charge de leur famille. L’extension de l’allocation de rentrée scolaire aux familles à enfant unique est également un progrès. Enfin, la loi de financement assurera la mise en œuvre de mesures en direction des plus démunis, prévues par la loi relative à la lutte contre les exclusions, tout particulièrement en ce qui concerne les aides au logement et les soutiens pour les familles ayant le RMI pour seul revenu.

Cependant, la qualité d’une politique familiale ne se mesure pas uniquement à l’aune des prestations versées. Le président de l’UNAF ayant orienté son propos vers des éléments comptables, il serait intéressant d’avoir son avis et d’entendre ses propositions sur différentes questions, qui constituent aujourd’hui des axes importants de la politique familiale globale qu’il appelle de ses vœux, qu’il s’agisse de conforter les parents dans leur rôle éducatif en améliorant les rapports entre l’école et la famille ou en organisant l’accueil des enfants hors du temps scolaire, d’améliorer la nécessaire conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale, ou encore de rénover les modalités de dévolution et d’exercice de l’autorité parentale, dans le cadre d’un code de la famille mieux adapté aux réalités actuelles de la vie familiale.

M. Jean-Luc Préel a estimé qu’il était anormal que les députés ne puissent aborder des questions aussi essentielles que de façon aussi limitée dans le temps. Il a ensuite formulé les observations suivantes :

- Aucune mesure fondamentale en faveur de la famille n’est prévue pour 1999, alors que la période de croissance économique actuelle pourrait permettre d’envisager des avancées significatives en ce domaine.

- Il apparaît que les retraités ont été mieux traités que les familles dans la période récente.

- Le système des prestations familiales se caractérise aujourd’hui par sa grande complexité et doit être impérativement simplifié, ce qui implique une réflexion sur le nombre des prestations familiales.

- Au niveau local, les caisses familiales connaissent parfois des difficultés de fonctionnement liées à leur manque d’autonomie.

- S’agissant de la garde des enfants, qu’elle soit collective ou privée, il est clair que les mesures prises en 1998 concernant l’AGED et les emplois de proximité ont des conséquences financières, qui ne sont d’ailleurs pas chiffrées avec précision.

- La question des pensions de réversion se pose notamment au regard des règles de cumul et des majorations pour enfant.

- En ce qui concerne la PSD, une vision simple de la société consiste à partir du principe que les parents doivent élever les enfants afin de leur donner le plus d’atouts possibles ; ensuite ce sont les enfants auxquels incombe la tâche de venir en aide à leurs parents lorsque ceux-ci, devenus âgés, se trouvent en difficulté. Selon cette conception, la société ne devrait pas être mise à contribution lorsque une personne âgée dépendante peut bénéficier, de par son entourage, du soutien financier qui s’impose. Dans le cas des familles dotées de moyens financiers importants, la prise en charge des personnes âgées dépendantes ne saurait être de la responsabilité de la société, qui ne doit intervenir que pour assister les familles défavorisées.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler a fait deux remarques :

- La PSD se situe au confluent de diverses problématiques morale, psychologique, sociale, et financière. Une des difficultés est que la vision comptable du phénomène a souvent prévalu sur les autres approches. Il s’agit en réalité de déterminer quel est le besoin réel de la personne âgée dépendante et de son entourage. Les deux aspects - financier et humain - doivent être pris en considération simultanément afin d’apporter une réponse satisfaisante au problème crucial de la dépendance des personnes âgées.

- La question de l’inégalité des moyens financiers des personnes âgées dépendantes se pose avec une grande acuité. Bien souvent, les familles défavorisées sont celles qui éprouvent le plus de difficultés à assumer la prise en charge de la personne âgée dépendante.

M. Bernard Accoyer a posé des questions sur :

- La position de l’UNAF vis-à-vis du PACS, qui touche à la question de la famille puisqu’il légalise une forme de couple qui pourra avoir des enfants et a des incidences sur les finances publiques, les familles contribuant d’ailleurs par leurs impôts au financement de ce type de mesures. Le PACS ne protège ni les enfants ni les femmes. Or les commentaires de certains groupes actifs dans la société tendent à accréditer l’idée selon laquelle le PACS ne constituerait qu’une étape, avant que soit envisagée la possibilité de l’adoption et de la procréation artificielle pour les couples composés de deux personnes de même sexe.

- la suppression de la mise sous condition de ressources des allocations qui est la contrepartie d’un alourdissement de la fiscalité pour les familles. Une nouvelle fois, l’enfant est la cause d’une taxation.

- la création éventuelle d’une cinquième branche “ dépendance ”, qui pourrait être financée grâce aux cotisations des retraités.

- les perspectives de financement de l’assurance-vieillesse.

- la couverture maladie universelle, laquelle ne constitue pas un outil d’harmonisation des différents régimes, ce qui aurait dû être le cas de l’assurance maladie universelle, mais une simple couverture complémentaire systématisée.

- le coût pour la CNAF du versement de l’allocation de rentrée scolaire.

M. Marcel Rogemont a souhaité connaître la position de l’UNAF sur la proposition, parfois avancée, de suspendre le versement des allocations familiales pour les parents d’enfants délinquants, ainsi que la place de l’action sociale collective menée par les CAF.

En réponse aux intervenants, M. Hubert Brin a apporté les éléments d’information suivants :

- Le président de l’UNAF est bien entendu d’accord pour ne pas seulement débattre d’aspects financiers et donc réfléchir à la politique familiale dans sa globalité, mais son rôle de représentant d’associations le conduit nécessairement à présenter des revendications chiffrées.

- L’UNAF se réjouit de l’extension de l’allocation de rentrée scolaire (ARS) aux familles d’un enfant. Cela va effectivement dans le sens d’une reconnaissance de l’enfant seul. Une telle reconnaissance passe également par la suppression de la condition de ressources de l’Allocation Parentale au Jeune Enfant (APJE).

- En ce qui concerne le RMI, la position de l’UNAF consistant à affirmer qu’il ne peut y avoir de confusion entre ce revenu de remplacement et les allocations familiales n’a pas varié depuis 1988.

- La loi sur l’aménagement et la réduction de la durée du travail constitue un moyen important de mieux articuler vie professionnelle et vie familiale. Dans ce domaine, le prochain rendez-vous est en l’an 2000 et des négociations sont ouvertes.

- S’agissant du PACS, l’UNAF y est hostile par principe car ce système revient à prendre en otage la famille. Il faut, certes, constater que des efforts ont été réalisés dans les rédactions successives du texte proposé, le texte actuel ne renvoyant plus aux articles du code civil sur le mariage, mais la symbolique du droit est très forte et le texte ne permet pas de différencier suffisamment la filiation. Il nie la différence entre un contrat et un constat. En tout état de cause, ce débat est prématuré au vu de l’évolution de la société française et donne l’impression d’un passage en force.

- Concernant l’échange entre quotient familial et allocations familiales, il faut bien reconnaître que la mise sous condition de ressources des allocations familiales était une mesure envisagée par tous les gouvernements depuis quinze ans, quels qu’ils soient. L’UNAF a toujours plaidé pour défendre l’avenir de l’ensemble des familles, ce qui passe par le maintien du régime de l’universalité. Elle est donc satisfaite par l’évolution de l’actuel Gouvernement sur cette question. Toute condition de ressources aurait incité à abaisser le seuil du versement des prestations familiales. Il est préférable de jouer sur le niveau du quotient familial, qu’il sera possible aux députés de relever. Pour autant, un examen attentif des facultés contributives des familles en matière de fiscalité doit être envisagé, car on ne peut pas raisonner en opposant des catégories de Français entre elles. La redistribution doit être à la fois horizontale et verticale.

- Au sujet de la BMAF, il faut raisonner de manière globale en envisageant, au plan politique, une sortie du dispositif de la loi famille de 1994. La négociation sera sans doute difficile, mais on ne peut accepter que le mode de calcul soit défavorable aux familles par rapport aux retraités.

- La simplification des différentes prestations familiales doit être envisagée sans faire d’incantation sur ce thème. L’idéal à atteindre serait d’instituer trois prestations, pour l’entretien de la famille, pour le temps d’éducation et pour le logement. Mais la modification des situations existantes n’est pas simple et il y aura immanquablement des perdants et des gagnants. Il faut toutefois engager la négociation sur ce point, car la politique des prestations familiales n’est actuellement plus lisible.

- L’action sociale des CAF s’adresse à toute les familles. Il est nécessaire que soit menée une action collective, complément indispensable des prestations familiales individuelles.

- L’UNAF est opposée par principe à la suppression des allocations familiales pour les familles ayant des enfants délinquants. Le problème de la délinquance est complexe. Il nécessite une appréciation concrète de la gravité de l’acte délictuel commis. Il convient à cet égard de permettre aux parents démissionnaires de prendre leurs responsabilités, alors que la mise sous tutelle ou la suppression d’allocations ne feraient qu’aggraver la situation. Il convient qu’un travail de “ reparentalisation ” soit mené à bien.

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N 1148.– Rapport de Mme Dominique Gillot (au nom de la commission des affaires culturelles), sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 (n° 1106).– Tome IV : famille.

1 Depuis mars 1998

2 Source : INSEE n° 569 de février 1998 : l’allocation parentale d’éducation : entre politique familiale et politique de l’emploi.