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le 15 mars 1999

N° 1458

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 mars 1999.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES(1) SUR LA PROPOSITION DE LOI (n° 1404) visant à protéger les droits des usagers, à améliorer le dialogue social et à assurer la continuité dans les services publics

PAR M. François GOULARD,

Député.

——

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Travail.

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales est composée de : M. Jean Le Garrec, président ; MM. René Couanau, Jean-Michel Dubernard, Jean-Paul Durieux, Maxime Gremetz, vice-présidents ; Mme Odette Grzegrzulka, MM. Denis Jacquat, Noël Mamère, Patrice Martin-Lalande, secrétaires ; MM. Yvon Abiven, Bernard Accoyer, Mme Sylvie Andrieux, MM. André Aschieri, Gautier Audinot, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, MM. Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Baeumler, Pierre-Christophe Baguet, Jean Bardet, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Mmes Huguette Bello, Yvette Benayoun-Nakache, MM. Patrick Bloche, Alain Bocquet, Mme Marie-Thérèse Boisseau, MM. Jean-Claude Boulard, Bruno Bourg-Broc, Mme Christine Boutin, MM. Jean-Paul Bret, Victor Brial, Yves Bur, Vincent Burroni, Alain Calmat, Pierre Carassus, Roland Carraz, Mmes Véronique Carrion-Bastok, Odette Casanova, MM. Jean-Charles Cavaillé, Bernard Charles, Jean-Marc Chavanne, Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Georges Colombier, François Cornut-Gentille, Mme Martine David, MM. Bernard Davoine, Lucien Degauchy, Marcel Dehoux, Jean Delobel, Jean-Jacques Denis, Dominique Dord, Mme Brigitte Douay, MM. Guy Drut, Nicolas Dupont-Aignan, Yves Durand, René Dutin, Christian Estrosi, Claude Evin, Jean Falala, Jean-Pierre Foucher, Jean-Louis Fousseret, Michel Françaix, Mme Jacqueline Fraysse, MM. Germain Gengenwin, Mmes Catherine Génisson, Dominique Gillot, MM. Jean-Pierre Giran, Michel Giraud, Gaëtan Gorce, François Goulard, Jean-Claude Guibal, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M.  Francis Hammel, Mme Cécile Helle, MM. Pierre Hellier, Michel Herbillon, Guy Hermier, Mmes Françoise Imbert, Muguette Jacquaint, MM. Maurice Janetti, Serge Janquin, Armand Jung, Bertrand Kern, Christian Kert, Jacques Kossowski, Mme Conchita Lacuey, MM. Jacques Lafleur, Robert Lamy, Edouard Landrain, Pierre Lasbordes, Mme Jacqueline Lazard, MM. Michel Lefait, Maurice Leroy, Patrick Leroy, Maurice Ligot, Gérard Lindeperg, Patrick Malavieille, Mmes Gilberte Marin-Moskovitz, Jacqueline Mathieu-Obadia, MM. Didier Mathus, Jean-François Mattei, Mme Hélène Mignon, MM. Jean-Claude Mignon, Pierre Morange, Hervé Morin, Renaud Muselier, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Yves Nicolin, Bernard Outin, Dominique Paillé, Michel Pajon, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Bernard Perrut, Pierre Petit, Mme Catherine Picard, MM. Jean Pontier, Jean-Luc Préel, Alfred Recours, Gilles de Robien, Mme Chantal Robin-Rodrigo, MM. François Rochebloine, Marcel Rogemont, Yves Rome, José Rossi, Jean Rouger, Rudy Salles, André Schneider, Bernard Schreiner, Patrick Sève, Michel Tamaya, Pascal Terrasse, Gérard Terrier, Mmes Marisol Touraine, Odette Trupin, MM. Anicet Turinay, Jean Ueberschlag, Jean Valleix, Philippe Vuilque, Jean-Jacques Weber, Mme Marie-Jo Zimmermann.

SOMMAIRE

Pages

INTRODUCTION 5

1. Les conflits du travail dans le secteur public 5

2. Les carences du dialogue social dans le secteur public 7

3. La nécessaire continuité du service public 8

I.- ENCOURAGER LE DIALOGUE SOCIAL ET LA PRÉVENTION NÉGOCIÉE DES CONFLITS 11

II.- PRÉSERVER LES DROITS DES PERSONNES ET DES USAGERS EN CAS D’ÉCHEC DES SOLUTIONS NÉGOCIÉES 15

1. La consultation des personnels sur la cessation concertée du travail 15

2. L’instauration d’un service minimum 15

TRAVAUX DE LA COMMISSION 17

INTRODUCTION

« …Il n’est pas acceptable, dans une démocratie moderne, que les services publics aient le triste monopole de grèves qui paralysent en quelques heures toute l’activité d’une agglomération, quand elles n’affectent pas la France tout entière. C’est le symptôme des défaillances de notre dialogue social. C’est aussi, bien souvent, l’aveu d’une démission de l’Etat. La grève est un droit, mais il est essentiel que les entreprises de service public s’accordent avec leur personnel sur les procédures efficaces de prévention des grèves et sur l’organisation concertée d’un service minimum. A défaut d’entente, des règles communes à tous les services publics devraient pouvoir s’appliquer »

(Extrait du discours de M. le Président de la République devant le Conseil régional de Bretagne, vendredi 4 décembre 1998).

La proposition de loi présentée par M. Dominique Bussereau a pour objet d’appeler les partenaires sociaux à créer les conditions d’un dialogue social qui permette de prévenir la multiplication des arrêts de travail dans le secteur public, arrêts de travail qui pénalisent en premier les usagers alors que ceux-ci sont en droit d’attendre un service continu et de qualité.

Restaurer le dialogue social, notamment en s’accordant sur des procédures préventives permettant d’éviter le dépôt de préavis de grève à répétition serait le garant de la continuité du service public, principe de valeur constitutionnelle qui doit pouvoir être concilié avec l’exercice du droit de grève.

1. Les conflits du travail dans le secteur public

La multiplication des arrêts de travail dans le secteur public porte atteinte au principe de continuité du service public en pénalisant gravement les usagers, que ces arrêts de travail interviennent au cours de conflits généralisés (comme en 1977, 1986-1987, 1995) dans lesquels les entreprises du secteur public ont généralement joué un rôle de premier plan ou bien dans des conflits sectoriels qui peuvent cependant avoir un impact considérable sur la vie de la Nation.

Cerner la conflictualité dans les services publics se heurte à d’importantes difficultés, souligne M. Guy Naulin dans son rapport au Conseil économique et social sur la prévention et la résolution des conflits du travail1 : en effet, le ministère de la fonction publique ne recueille ni l’ensemble des données relatives à la fonction publique ni celles de tous les établissements publics et, de son côté, le ministère du travail réunit les statistiques relatives aux grèves de l’ensemble du secteur privé et des entreprises publiques sans qu’il soit possible ni de faire une distinction entre ces dernières selon qu’elles gèrent ou non un service public, ni d’isoler les conflits des entreprises et organismes assurant une mission de service public.

Il n’en reste pas moins que l’examen du nombre de journées individuelles non travaillées (JINT) fait apparaître que le nombre de celles relevant du secteur privé (qui, on le rappelle, comprend les entreprises publiques) s’établit, de 1992 à 19961, entre 36 % du total des JINT au minimum (en 1995) et 69,7 % au maximum. En 1997, ce taux s’est élevé à 54 % Cela signifie que pratiquement la moitié des JINT en 1997, et respectivement 64 % en 1995, et 61 % en 1996 émanent d’agents de la fonction publique.

En outre, une étude de la DARES de 19972. met en évidence que les jours de grève dans le secteur des transports sont de façon prépondérante le fait du secteur public. Ils représentent 62 % du total des JINT, répartis essentiellement entre la SNCF (18 %) et la RATP (43 %).

Devant la commission des affaires sociales du Sénat, M. Pierre Vieu, directeur des ressources humaines à la SNCF, a apporté les précisions suivantes : la SNCF a connu l’équivalent de 180 000 jours de grève en 1998, c’est-à-dire qu’environ 1 % de la population française (174 000 agents) a produit 20 à 30 % des grèves du pays.

Il ne s’agit ici nullement d’accuser telle ou telle catégorie de salariés mais plutôt d’insister une nouvelle fois sur la nécessité impérieuse de trouver les solutions permettant d’éviter la multiplication des arrêts de travail dans le service public.

M. Jean-Paul Bailly, président-directeur-général de la RATP a fait part à la commission des affaires sociales du Sénat de sa certitude « que dans un service public des grèves trop fréquentes portent atteinte à la confiance des clients, à la crédibilité de l’entreprise et du management, mais aussi à la possibilité de le transformer et de le moderniser. »

2. Les carences du dialogue social dans le secteur public

Le rapport au Conseil économique et social de M. Guy Naulin se conclut en ces termes :

« Dans les entreprises publiques, la capacité des parties à négocier se trouve trop souvent obérée par la centralisation de la plupart des décisions au niveau politique. La ligne de partage entre les orientations qui relèvent de la légitimité politique et les actes de gestion susceptibles d’être discutés au sein de l’entreprise n’est pas clairement fixée. Il en résulte, malgré une syndicalisation plus forte que dans un secteur privé et un cadre réglementaire favorisant en principe les relations entre partenaires sociaux (notamment des règles spécifiques de représentation des salariés aux organes de décision économique), une faible aptitude à la concertation et au compromis. Ce déficit de dialogue social prend un relief particulier au moment où ces entreprises sont engagées dans des mutations fondamentales dans un contexte d’ouverture à la concurrence. La dégradation des relations sociales qui en résulte peut déboucher sur des mouvements sociaux de grande ampleur. »

Manque de concertation, centralisation excessive des décisions, poids excessif de la tutelle, autant d’obstacles à une gestion efficiente des ressources humaines dans le secteur public qui aboutissent à la mauvaise prise en compte de revendications liées, par exemple, à l’organisation ou à la sécurité, particulièrement dans le domaine des transports. Leur solution passe alors inévitablement par un arrêt de travail.

S’y ajoute la quasi-désuétude dans laquelle sont tombées les procédures légales de prévention des conflits prévues par le Code du travail, que ce soit la conciliation, la médiation ou encore l’arbitrage.

La première loi relative aux procédures de conciliation et d’arbitrage dans les conflits collectifs du travail date du 31 décembre 1936. Elle rendit le recours à ces procédures obligatoires dans le commerce et l’industrie. Ce texte fut complété par la loi du 4 mars 1938 qui distinguait, notamment, la procédure conventionnelle, issue des négociations collectives de la procédure réglementaire applicable en l’absence de ces négociations. Suspendue en 1939, cette réglementation fut reprise par la loi n° 50-205 du 11 février 1950 qui se caractérisait pour le règlement des conflits collectifs par la mise en place d’une conciliation obligatoire et l’instauration facultative de l’arbitrage. La loi du 26 juillet 1957 devant le bilan positif des dispositions précédentes étendit l’application de la procédure de conciliation comme étape obligatoire, notamment aux entreprises publiques et généralisa la procédure de médiation.

Par la loi du 13 novembre 1982, l’obligation de négocier pendant la durée du préavis fut inscrite dans le code du travail. Par contre, la conciliation fut rendue facultative afin de rendre possible le recours direct à la médiation.

Le recours à ces modes de règlement des conflits s’est fait progressivement de plus en plus rare et aujourd’hui ils ne sont pratiquement plus utilisés. Aucun conflit n’a été soumis à la commission nationale de conciliation de 1984 à nos jours et le nombre de conciliations opérées par les commissions régionales varie de 0 à 8 par an sur cette même période, alors que le nombre annuel des conflits s’étage entre 2 612 au maximum et 1 345 au minimum. De fait, les conciliations ou les médiations opérées aujourd’hui relèvent de pratiques non prévues par les textes et ne sont que rarement le fruit de la négociation collective.

Or, les initiatives prises dans certains services publics montrent que des solutions négociées reposant sur l’engagement des partenaires sociaux et de la direction peuvent, au contraire, être efficaces. Le protocole d’accord du 11 juin 1996 relatif au droit syndical et à l’amélioration du dialogue social à la RATP a permis de réduire de 800 à 200 le nombre annuel de préavis, sachant que, sur ces 200 préavis, 170 sont des préavis locaux. En 1998, comme en 1997, une centaine « d’alarmes sociales » ont été déposées et ont donné lieu à la recherche d’accords qui ont abouti dans les deux tiers des cas. Seules 6 ou 7 des alarmes s’étant conclues par un désaccord ont donné lieu à un préavis effectif.3

La part de la négociation apparaît donc comme essentielle dans la mise en place de procédures préconflictuelles et le législateur a un rôle positif à jouer pour initier ces mécanismes.

3. La nécessaire continuité du service public

Selon le Conseil constitutionnel, et en particulier dans sa décision n° 79-105 du 25 juillet 1979, en édictant que le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent, « les constituants ont entendu marquer que le droit de grève est un principe de valeur constitutionnelle, mais qu’il a des limites et ont habilité le législateur à tracer celles-ci en opérant la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels dont la grève est un moyen, et la sauvegarde de l’intérêt général auquel la grève peut être de nature à porter atteinte. »

En l’absence d’une réglementation générale du droit de grève, la jurisprudence, tout en protégeant son exercice, s’est efforcée de le concilier avec d’autres principes de valeur constitutionnelle et tout particulièrement avec le principe de continuité du service public.

C’est ainsi que, sous réserve de n’y apporter que les « restrictions nécessaires », le législateur est fondé à instituer un « service minimum » dans certains secteurs, ce qui a été fait en 1979 dans l’audiovisuel et en 1984 dans les services de la navigation aérienne.

Il est même loisible au législateur « de définir les conditions d’exercice du droit de grève et de tracer la limite séparant les actes et les comportements qui constituent un exercice licite de ce droit des actes et comportements qui en constitueraient un usage abusif » (DC n° 82-144 du 22 octobre 1982 et DC n° 87-230 du 28 juillet 1987).

Par contre, en l’absence de règles de valeur législative, le juge administratif considère qu’il appartient à l’autorité compétente, responsable d’un service ou à la direction d’un établissement public sous tutelle de prendre sous son contrôle les mesures qui s’imposent : « Il appartient au Gouvernement responsable du bon fonctionnement des services publics de fixer lui-même, sous le contrôle du juge, la nature et l’étendue desdites limitations » (Conseil d’Etat, Arrêt Dehaene, 7 juillet 1950).

Moins que les arguments juridiques, ce sont les obstacles techniques qui sont le plus souvent avancés à l’encontre de l’instauration d’un service minimum dans le secteur envisagé par la proposition de loi, c’est-à-dire le secteur des transports.

Une étude menée par le service des Affaires européennes du Sénat sur l’organisation d’un service minimum dans les services publics en cas de grève montre que les six pays étudiés (Royaume-Uni, Allemagne, Italie, Espagne, Portugal et Québec) ont tous, à l’exception du Royaume-Uni, établi des règles sur l’instauration d’un service minimum en cas de grève dans les services essentiels.

De plus, l’organisation du service minimum a été négociée avec les partenaires sociaux en Allemagne, en Italie et au Québec.

I.- ENCOURAGER LE DIALOGUE SOCIAL ET LA PRÉVENTION NÉGOCIÉE DES CONFLITS

L’objectif de cette proposition de loi est de redonner toute sa place au dialogue social dans le service public afin que le recours à la grève n’y soit plus utilisé comme un moyen de la gestion des conflits mais redevienne le droit ultime des salariés à cesser le travail parce que les tentatives de discussion ont échouées.

Cette proposition de loi s’inscrit dans une préoccupation à peu près constante du législateur depuis les premières réglementations relatives aux procédures de conciliation qui consiste à lier les procédures de règlement des conflits au développement de la négociation collective.

Tel a d’ailleurs été l’objet de la proposition de loi de M. Philippe Arnaud, adoptée par le Sénat le 11 février dernier qui a invité les personnels en charge du service public à mettre en oeuvre des procédures destinées à améliorer le dialogue social et à prévenir le déclenchement des grèves.

Le champ de la présente proposition de loi est défini, de façon générale, dans son article premier par référence à l’article L. 521-2 du Code du travail. Cet article, qui définit les personnels soumis à l’obligation du dépôt d’un préavis de grève parce que participant au service public, vise les personnels de l’Etat, des collectivités territoriales à l’exception des communes de moins de 10 000 habitants et les personnels des entreprises, des organismes et établissements publics ou privés lorsqu’ils gèrent un service public.

A cette fin, l’article 2 de la proposition de loi tend, à la lumière des expériences déjà menées dans certains services publics, à donner une impulsion nouvelle aux procédures permettant l’amélioration du dialogue dans les entreprises, organismes et établissement visés par son article premier.

L’obligation de la négociation ne vise, naturellement, que les organismes de droit privé chargés d’un service public et des établissements publics industriels et commerciaux. Cet article ne concerne pas les agents sous statut qui échappent au champ de la négociation collective mais seulement ceux soumis au droit privé travaillant dans un organisme chargé d’un service public.

Les responsables et les syndicats sont donc encouragés à mettre en place les conditions d’un dialogue qui sera la clef d’un meilleur fonctionnement du service public et un gage de sa qualité. Pour que ce dialogue social soit efficace, il est essentiel qu’au travers d’une « procédure d’anticipation des conflits » les salariés, comme d’ailleurs la direction, aient l’opportunité de susciter la discussion en amont de toute procédure d’arrêt de travail collectif.

Il conviendrait cependant d’en modifier la rédaction pour inviter les partenaires sociaux à procéder à ces négociations.

L’article 3 fait donc obligation aux dirigeants et aux salariés de négocier des conventions visant à améliorer le dialogue social et d’y faire figurer une « procédure d’anticipation des conflits » à laquelle il serait obligatoire de recourir avant le déclenchement d’un arrêt de travail.

Le soin de définir les modalités de ces procédures est confié par le législateur aux partenaires sociaux ceux-ci étant les mieux à mêmes de trouver celles qui seront les plus appropriés à la situation de leur établissement. 

Le Code du travail, aux articles L. 523-7 à L. 723-11, envisage le recours à des procédures de conciliation pour le règlement des conflits dans les entreprises publiques et les établissements publics industriels et commerciaux à statut. Cette conciliation peut avoir lieu selon des modalités définies par voie d’accord ou, à défaut, devant les commissions de conciliation prévue à l’article L. 523-2 du Code du travail. La comparution devant ces commissions est toutefois toujours facultative et ces procédures n’ont été que très peu utilisées.

Il faut souligner que la procédure d’anticipation des conflits, qui intervient en amont, en phase « préconflictuelle », va plus loin que la simple obligation de négocier faite aux partenaires sociaux pendant la durée du préavis. Tout d’abord parce qu’elle oblige à la formulation d’un accord ou d’un désaccord à l’issue des discussions, au-delà du seul engagement de celles-ci. Ensuite parce qu’elle sous-entend qu’il soit procédé à une réflexion plus globale sur l’organisation de l’entreprise. En effet, comme le montre le protocole d’accord du 11 juin 1996 relatif au droit syndical et à l’amélioration du dialogue social à la RATP, l’efficacité de la procédure d’alarme suppose la définition préalable des différents niveaux de responsabilité ainsi que des thèmes devant être traité à ces différents niveaux. C’est à dire que la prévention des conflits ne peut fonctionner que si une marge de manœuvre suffisante est laissée à des niveaux déconcentrés de décision. Il s’agit donc bien là d’un élément de rénovation de la gestion du secteur public trop souvent affectée par les pesanteurs de la hiérarchie et les rigidités qui en découlent.

Il serait toutefois souhaitable de procéder à une nouvelle rédaction de cet article notamment pour prévoir une limite à la durée de la phase pendant laquelle se déroule la procédure d’anticipation des conflits. En effet, celle-ci s’analysant comme un allongement de la durée du préavis, il convient de ne pas empêcher trop longtemps le dépôt de celui-ci. On rejoint ici la préoccupation exprimée par le Sénat lors du vote de la proposition de loi précitée.

Ce n’est qu’en cas de carence de la négociation collective à l’issue d’un délai d’un an, que le recours à une procédure de conciliation pourra être imposée aux partenaires. L’article 4, en l’absence d’accord prévoyant une procédure conventionnelle d’anticipation des conflits, rend obligatoire la comparution des parties devant les commissions de conciliation prévues par l’article L. 523-2 du Code du travail, préalablement au dépôt d’un préavis de grève. Ces commissions, nationales ou régionales, sont tripartites. Elles comprennent en nombre égal des représentants des organisations représentatives des employeurs et des salariés ainsi que des représentants des pouvoirs publics dont le nombre ne peut dépasser le tiers des membres de la commission.

Le recours obligatoire aux commissions de conciliation en cas d’absence de procédure conventionnelle dans l’entreprise ou l’établissement doit évidemment constituer une puissante incitation à trouver une solution négociée qui sera, par hypothèse, toujours la plus efficiente. Il conviendrait de modifier la rédaction de cet article pour la clarifier et en harmoniser les dispositions avec le texte proposé pour l’article 3.

II. - PRÉSERVER LES DROITS DES PERSONNELS ET DES USAGERS EN CAS D’ÉCHEC DES SOLUTIONS NÉGOCIÉES

Lorsque les procédures de concertation ont échoué et lorsque le recours à la cessation concertée du travail apparaît inévitable, la présente proposition de loi vise à mettre en place des règles qui ont pour but de préserver les droits des personnels et des usagers.

1. La consultation des personnels sur la cessation concertée du travail

L’article 5 de la proposition de loi rend obligatoire la consultation des salariés concernés, par un vote, au scrutin secret, sur le déclenchement ou la poursuite de la grève. La décision doit alors être prise à la majorité des voix.

Cet article s’applique à l’ensemble des agents visés par l’article L. 521-2 du code du travail, c’est-à-dire au-delà des agents des services visés aux articles précédents, mais également aux personnels de l’Etat, des régions, des départements et des communes de plus de 10 000 habitants.

La solution adoptée par le Sénat sur cette question semble toutefois plus proche des pratiques des partenaires sociaux et devrait être retenue ici. L’article 3 de la proposition de loi votée par le Sénat ne rend pas la consultation des salariés obligatoire ne requiert pas que la décision soit prise à la majorité, mais simplement dispose dans un souci de transparence, que s’il y a recours à un vote pour initier ou poursuivre une grève, ce vote doit avoir lieu au scrutin secret.

2. L’instauration d’un service minimum

En cas d’échec de la négociation collective et de surgissement d’un conflit, des mesures propres à sauvegarder les droits des usagers et à éviter tout abus du droit de grève doivent pouvoir être prises.

Cette proposition de loi, dont l’objectif principal est de prévenir les arrêts collectifs de travail, n’envisage l’instauration d’un service minimum que comme une solution palliative, dans un secteur où la grève est extrêmement pénalisante pour l’usager, celui des transports publics, et aux heures de grande affluence.

Les articles 6 et 7 disposent que la mise en place du service minimum doit d’abord se faire de façon contractuelle, afin d’en définir au mieux les modalités. Toujours selon le même mécanisme, dans le délai d’un an suivant la promulgation de la loi, si aucun service minimum n’a été établi par voie d’accord, celui-ci sera instauré par décret, après consultation des partenaires sociaux.

Toutefois, plutôt que d’exiger, comme à l’article 6 que « l’ensemble des moyens de transports » soit assuré pendant les heures d’affluence, il serait souhaitable que ce texte fasse référence « à des moyens de transport suffisants ».

TRAVAUX DE LA COMMISSION

DISCUSSION GÉNÉRALE

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné la présente proposition de loi au cours de sa séance du mercredi 10 mars 1999.

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.

Après avoir rappelé que le droit de grève faisait partie du bloc de constitutionnalité, tout comme la continuité du service public, le président Jean Le Garrec a souligné que la loi ne devait pas remettre en cause l’équilibre entre ces deux principes. Il a noté la divergence entre les auteurs de cette proposition et le rapporteur sur la question du déclenchement de la grève par une décision majoritaire prise par un vote à bulletin secret, ainsi que la grande prudence du Sénat sur l’instauration d’un service minimum dans les transports publics.

Mme Muguette Jacquaint a insisté sur le fait que cette proposition de loi était une nouvelle tentative, suivant des précédents fort nombreux, de remise en cause du droit de grève dans le secteur public. Il est donc provocateur de voir ce texte s’assigner l’objectif d’amélioration du dialogue social alors qu’il porte atteinte à un droit fondamental des travailleurs. La grève est bien souvent dans les services publics un moyen de poser la question de l’amélioration du service, notamment dans les transports en commun. Comme l’ont montré les mouvements sociaux de 1995, la manoeuvre consistant à opposer les salariés du secteur public et les usagers est vouée à l’échec. Il n’y a donc pas lieu de débattre des articles d’une telle proposition de loi.

M. Pierre Hellier a rappelé que ce texte visait à mieux respecter les usagers du service public, sans pour autant nier l’exercice du droit de grève. Sur la question du vote, il a déclaré préférer le texte initial à la suggestion du rapporteur.

M. Jean Rouger a rappelé que ce texte s’inscrivait dans une longue tradition tentant de concilier des principes contraires : la continuité des services publics, les droits des usagers et le droit de grève. Mais en réalité, son dispositif porte de nombreuses atteintes à ce dernier. La proposition de loi revoit le contenu du dialogue social en exigeant la mise en place d’une conciliation préalable, en encadrant le préavis et en réservant le déclenchement de la grève à la décision d’une majorité, prise par un scrutin secret, ce qui nie l’existence d’un droit individuel reconnu par le Préambule de la Constitution de 1946.

Par ailleurs le service minimum en matière de transports aux heures de pointe aboutit, en fait, à exiger un fonctionnement normal de l’ensemble des moyens de transports publics pendant ces périodes. Si le service minimum fonctionne dans certains secteurs, comme à l’hôpital, son application aux transports publics ne donne pas satisfaction à personne, et cette proposition n’améliorerait pas les choses. En vigueur à la SNCF, par exemple, il n’a pas permis aux usagers de bénéficier d’un fonctionnement normal. Le texte se traduirait, enfin, par un allongement de la durée des procédures et par une détérioration de la qualité du service public.

Si l’on prend l’exemple du protocole signé à la RATP, et longuement négocié, on s’aperçoit que le respect du droit syndical, de la liberté des partenaires sociaux et des mécanismes contractuels sont les seuls instruments permettant la diminution du nombre des conflits. Ce protocole démontre à l’évidence que le recours à des processus de négociation et de contractualisation est bien meilleur que ce qui est préconisé par la proposition de loi. Dans la mesure où celle-ci porte atteinte au droit de grève sans pour autant parvenir à résoudre les problèmes rencontrés, il ne paraît pas utile de l’examiner.

M. Alfred Recours a tenu, tout d’abord, à rendre hommage aux efforts du rapporteur pour donner une allure plus respectable à cette proposition de loi. Il s’agit incontestablement d’un texte important pour l’opposition puisque ses trois présidents de groupe l’ont cosigné. Sous couvert de respecter le droit de grève il aboutit en fait à le dénier. Il convient donc de ne pas en examiner les articles, d’autant que les membres de l’opposition ne semblent pas avoir réussi pour l’instant à se mettre d’accord sur la procédure de vote de la grève.

M. Bernard Perrut a indiqué que la volonté des auteurs de cette proposition de loi n’était pas de porter atteinte au principe du droit de grève mais, au contraire, de restaurer le dialogue social et de permettre de régler les conflits par anticipation, en ayant recours à une procédure de prévention. Engager le dialogue plus en amont devrait permettre d’éviter le déclenchement des conflits et donc de préserver d’autres droits fondamentaux tels que celui de circuler librement ou celui de produire. Ce texte réaliste aboutit à un équilibre entre ces diverses préoccupations.

En réponse aux intervenants, M. François Goulard, rapporteur, a rappelé que les services publics, notamment ceux de transport, concentrent un nombre important de conflits du travail, ce qui n’est pas en soi le signe d’un dialogue social de qualité et que ce constat est dressé, à leur détriment, par les usagers eux-mêmes.

La nécessité de réglementer le droit de grève dans les services publics n’a été contestée par aucun des orateurs et le système mis en place à la RATP a bien entendu inspiré les auteurs de la proposition de loi, qui vise justement à ce que ce type d’accord puisse se multiplier.

En ce qui concerne la procédure prévue à l’article 5 de la proposition qui requiert un vote majoritaire pour le déclenchement d’une grève, il paraît préférable de s’inspirer du dispositif retenu par le Sénat qui propose, pour plus de transparence, que les votes consultatifs sur le recours à la grève aient lieu par un scrutin secret, sans empêcher son déclenchement par une minorité. Il n’est pas inutile de rappeler, à ce sujet, qu’une proposition de loi signée par Jules Guesde et Jean Jaurès préconisait que la grève soit décidée dans les entreprises au scrutin majoritaire.

En conclusion, M. Jean-Paul Durieux, président, après avoir mis en garde le rapporteur sur l’utilisation de références historiques sorties de leur contexte, a soumis à la commission la demande présentée par Mme Muguette Jacquaint, M. Jean Rouger et M. Alfred Recours de ne pas engager la discussion des articles de la proposition de loi et donc de suspendre les travaux de la commission.

La commission a décidé de suspendre l’examen de la proposition de loi et de ne pas présenter de conclusions.

N°1458. - RAPPORT de M. François GOULARD (au nom de la commission des affaires culturelles) sur la proposition de loi (n° 1404) visant à protéger les droits des usagers, à améliorer le dialogue social et à assurer la continuité dans les services publics.

1 Avis du Conseil économique et social sur le rapport de M. Guy Naulin sur la prévention et la résolution des conflits du travail, séances des 10 et 11 février 1998, n° 2.

2 Rapport Sénat n° 194, 1998/1999 au nom de la commission des affaires sociales.

3 Audition de M. Jean-Paul Bailly par la commission des affaires sociales du Sénat – Rapport précité.