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N° 1521

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 1er avril 1999.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Moldavie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements ,

PAR M. PIERRE BRANA,

Député

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 230, 328 et T.A. 102 (1997-1998)

Assemblée nationale : 782

Traités et conventions

La Commission des Affaires étrangères est composée de : M. Jack Lang, président ; MM. Georges Hage, Jean-Bernard Raimond, Roger-Gérard Schwartzenberg, vice-présidents ; M. Roland Blum, Mme Monique Collange, M. René Rouquet, secrétaires ; Mmes Michèle Alliot-Marie, Nicole Ameline, M. René André, Mmes Marie-Hélène Aubert, Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Raymond Barre, Dominique Baudis, François Bayrou, Henri Bertholet, Jean-Louis Bianco, André Billardon, André Borel, Bernard Bosson, Pierre Brana, Jean-Christophe Cambadélis, Hervé de Charette, Yves Dauge, Jean-Claude Decagny, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Xavier Deniau, Paul Dhaille, Mme Laurence Dumont, MM. Jean-Paul Dupré, Charles Ehrmann, Laurent Fabius, Jean-Michel Ferrand, Georges Frêche, Jean-Yves Gateaud, Jean Gaubert, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Godfrain, Pierre Goldberg, François Guillaume, Jean-Jacques Guillet, Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, MM. Didier Julia, Alain Juppé, André Labarrère, Gilbert Le Bris, Jean-Claude Lefort, Guy Lengagne, François Léotard, Pierre Lequiller, François Loncle, Bernard Madrelle, René Mangin, Jean-Paul Mariot, Gilbert Maurer, Charles Millon, Mme Louise Moreau, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, MM. Etienne Pinte, Marc Reymann, Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, MM. Georges Sarre, Henri Sicre, Mme Christiane Taubira-Delannon, MM. Michel Terrot, Joseph Tyrode, Michel Vauzelle, Aloyse Warhouver.

Mesdames, Messieurs,

La Moldavie est une petite république indépendante depuis le 27 août 1991, issue de l'URSS, (34 000 km², soit la superficie de la Belgique), située entre la Roumanie et l'Ukraine. Elle est majoritairement peuplée de Roumains mais elle compte de fortes minorités nationales : Ukrainiens, Russes et Turcs.

L'accord sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, conclu à Paris le 8 septembre 1997, entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Moldavie, présente des caractéristiques générales classiques qui n'appellent aucun commentaire particulier :

traitement juste et équitable des investissements (article 3) ;

- plus précisément, traitement national et traitement de la nation la plus favorisée (article 4) ;

indemnisation prompte et adéquate (article 5) ;

liberté des transferts (article 6) ;

possibilité de recourir à une procédure d'arbitrage international en cas de différend entre un investisseur et une Partie contractante (article 7) ou entre les Parties contractantes (article 10).

Votre Rapporteur a estimé que ce nouvel Etat méritait quelques développements. La vie politique de la Moldavie est en effet surtout rythmée par des contraintes géopolitiques régionales -refus de la dilution par la réunification des deux Etats roumains mais également refus de l'éclatement provoqué par les revendications sécessionnistes des minorités nationales (russes et ukrainiennes en Transdniestrie et turques en Gagaouzie)-, plus que par la transition vers l'économie de marché. Surtout, c'est avec l'Arménie le plus francophone des pays de la CEI.

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La Moldavie est une terre roumanophone, sa langue officielle est le moldave, c'est-à-dire le roumain. Elle apparaît donc comme une avancée roumaine dans le monde slave. Sur 4,3 millions d'habitants, les Moldaves représentent 64 %, les Ukrainiens 14 %, les Russes 13 % et les Gagaouzes 3,5 %.

· Les 150 000 Gagaouzes, population de langue turque mais de confession chrétienne orthodoxe vivant sur un territoire réduit (1 500 km²) au sud-ouest, représentent l'une des deux minorités qui posent problème en Moldavie. Craignant d'être isolés en tant que minorité nationale après l'adoption par la Moldavie, le 23 juin 1990, de sa Déclaration de souveraineté, ils ont fondé, le 19 août 1990, une République Socialiste Soviétique de Gagaouzie autour de la ville de Komrat.

Aujourd'hui, le problème de la sécession gagaouze est considéré comme réglé grâce aux concessions de Chisinau (la capitale moldave) : accord dans la Constitution moldave du 28 juillet 1994 de droits spécifiques aux Gagaouzes (trois langues officielles -gagaouze, russe et roumain-), possibilité d'élire le président de leur communauté au suffrage universel direct avec octroi du rang de ministre au sein du gouvernement central, élection d'une assemblée régionale législative de 35 députés aux pouvoirs étendus.

Cependant la tentation séparatiste n'a pas totalement disparu : en 1998, un projet de constitution gagaouze a été soumis aux experts du Conseil de l'Europe par le président de l'assemblée régionale.

· Il en va tout autrement de la Transdniestrie, dossier qualifié de très sensible. Cette région (5 000 km²) située à l'est du Dniestr est majoritairement peuplée de slaves (60 % de russophones : 28,9 % de Russes, et 28,3 % d'Ukrainiens sur 750 000 habitants, contre 40 % de roumanophones). En 1990, la Transdniestrie a fait sécession de facto autoproclamant la République Moldave de Dniestr. En 1992, un violent conflit armé a fait 500 morts et 2 000 blessés. Le 8 mai 1997, un mémorandum a été signé, avec le parrainage de l'OSCE, de la Russie et de l'Ukraine, affirmant l'intégrité territoriale de la Moldavie dans ses frontières de 1990. En 1998 le conflit n'était toujours pas réglé, les autorités de la République autoproclamée donnant une interprétation pro domo du mémorandum de 1997.

Cependant, après une longue période de statu quo, les négociations politiques ont repris pour trouver une solution de compromis concernant le statut futur de la région. Les médiateurs, dont le Président ukrainien M. Koutcham, avaient invité les parties en présence à une réunion au sommet à Kiev fin novembre 1998 mais elle a été reportée. Récemment, les efforts se sont intensifiés pour relancer le dialogue.

· Outre les minorités, un problème important subsiste : malgré l'accord conclu en 1994 prévoyant un retrait total sur trois ans (la Douma n'a pas ratifié cet accord), le maintien de troupes russes stationnées en Transdniestrie (XIVème armée russe, 2 800 soldats) et surtout l'existence de stocks d'armements et de munitions constituent le principal sujet de contentieux entre Chisinau et Moscou et une source de déstabilisation régionale. Seul un retrait partiel est intervenu.

Dans le cadre de l'OSCE, la France a proposé une aide bilatérale à la destruction des armes légères. La Suisse, les Pays-Bas, la Suède et la Roumanie ont fait des offres similaires.

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Souvent citée en exemple pour les résultats spectaculaires qu'elle a obtenus grâce aux réformes économiques engagées depuis 1993 avec le soutien des institutions financières internationales (stabilisation monétaire, maîtrise de l'inflation, vaste programme de privatisation et réformes structurelles), la Moldavie se trouve dans une situation économique préoccupante que la crise financière russe a brutalement aggravée au deuxième semestre 1998.

· Depuis 1989, le PIB a chuté de 65 % atteignant 2,144 milliards de dollars en 1998, année de la reprise de l'inflation (18,3 %).

Le déficit budgétaire a toutefois pu être ramené à 3,4 % du PIB alors que la dette extérieure est restée très pénalisante puisqu'elle représente 65 % du PIB (1,3 milliard de dollars sur les onze premiers mois de 1998). La dette intérieure atteint 209,57 millions de dollars.

La population vit d'expédients car les salaires sont faibles (43 dollars par mois) et sont souvent versés avec retard. Le taux de chômage officiel était de 1,8 % de la population active pour 1997 mais en réalité se rapproche probablement de 15 %.

· Cette mauvaise situation économique est essentiellement due à des handicaps structurels. D'une part, la Moldavie souffre d'une absence quasi totale de ressources énergétiques, ce qui la place dans une très forte dépendance vis-à-vis de la Russie (pétrole, gaz). Le pays est relativement peu industrialisé : un peu d'industrie légère (micro-électronique, informatique, audiovisuel) et surtout 35 % du potentiel industriel est concentré en Transdniestrie. D'autre part, le secteur agricole est étroitement spécialisé. L'agriculture représente les deux tiers du revenu national. Cette république rurale (53 % de ruraux) a longtemps été considérée comme le "jardin" de la partie européenne de l'Union soviétique (production viti-vinicole, agrumes, primeurs : 19 % du raisin, 11 % des fruits et 30 % du tabac de l'ex-URSS).

Actuellement, la Russie est l'un de ses principaux partenaires (62 % des exportations moldaves, soit 533 millions de dollars, 29 % des importations moldaves, soit 336 millions de dollars) avec l'Ukraine (fournisseur d'électricité et de produits pétroliers raffinés), la Roumanie, l'Allemagne, la Biélorussie, la Bulgarie. La Russie, l'Ukraine et la Biélorussie absorbent 80 % du total des exportations moldaves. Or ce sont les principaux pays touchés par la crise financière, ce qui contribue à une contraction des débouchés moldaves et donc à une forte dégradation de la balance commerciale (déficit de 365 millions de dollars en 1998).

· Concernant les échanges commerciaux avec la France, cette dernière occupait, en 1997, la quatorzième position dans le commerce extérieur moldave, loin derrière l'Allemagne, l'Italie et les Pays-Bas. Toutefois nos échanges sont en forte croissance : 113 millions de francs pour les exportations françaises (+ 76 %) et 61 millions de francs pour les importations (+ 177 %) en 1997 et cette croissance s'est poursuivie en 1998.

S'agissant des investissements français en Moldavie, plusieurs contrats importants ont été signés récemment ou sont en cours de négociation qui pourraient placer la France au premier rang des investisseurs étrangers en Moldavie en 1999. Parmi les succès, on peut citer France Telecom (60 millions de dollars d'investissements), GEC Alstom & SIFF Energies, Carnaud Metal Box (15 millions de dollars d'investissements en équipements), Alcatel (contrat de 12,2 millions de dollars), Ciment SA (Lafarge) (10 millions de dollars + 12 millions de dollars d'engagement), Schneider, EDF, SEITA, Bargues-industries, Inpal (filiale de Touvay-Chauvin). Parmi les négociations en cours : Alcatel, Thomson, Schlumberger.

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Enfin, la coopération culturelle bilatérale bénéficie du fort caractère francophone de ce pays. Le 24 novembre 1994 a été signé un accord de coopération culturelle franco-moldave, renouvelé tous les trois ans. En novembre 1997, la Moldavie a adhéré en qualité de membre plein à l'Agence de la Francophonie. L'enveloppe globale consacrée par la France à cette coopération pour 1999 est identique à celles de 1997 et 1998 avec 2,53 millions de francs, alors que la plupart des pays de la région ont vu leurs crédits en ce domaine affectés par les coupes budgétaires.

· Trois points forts de notre coopération méritent d'être soulignés.

Tout d'abord, l'agrandissement à l'automne 1998 des locaux de l'Alliance française ouverte à Chisinau en 1992. Depuis l'automne 1994 un Directeur de l'Alliance y est présent faisant fonction d'Attaché culturel et linguistique. L'Alliance constitue un des éléments les plus dynamiques de la coopération culturelle avec la France (6 500 livres, 150 vidéos, cent visiteurs par jour). La Moldavie a mis à disposition un espace de 300 m² jouxtant l'Alliance en centre ville, ce qui a permis la création d'un centre d'information sur la France contemporaine. Ce centre sera doté de ressources importantes et modernes (médiathèque musicale et cinématographique, Internet et lecteurs de CD-Roms, livres et catalogues, collections pour jeunes, salle de lecture, etc.).

Ensuite, les crédits que la France affecte aux bourses (linguistiques, scientifiques et techniques) devraient être sensiblement augmentés en 1999 afin de tenir compte du souhait exprimé par la partie moldave, lors de la visite officielle du Président Jacques Chirac, en septembre 1998 (28 bourses).

Enfin, la politique française de promotion du français se développe. La Moldavie a hérité d'une forte tradition d'enseignement du français, première langue étrangère enseignée en Moldavie puisque plus de 248 000 élèves du secondaire sur un total d'environ 513 000 l'étudient contre 120 000 pour l'anglais. On compte 2 000 enseignants de français pour 900 d'anglais. Dans le supérieur, les filières d'enseignement francophone fonctionnent bien et devraient se multiplier (sept filières francophones au niveau universitaire dans cinq établissements à Chisinau). En juin 1998 l'AUPELF-UREF (Association francophone d'enseignement supérieur) a ouvert un bureau. En septembre 1998, une convention a été passée entre l'AUPELF-UREF et le Ministère de l'Education moldave pour créer douze classes bilingues expérimentales. Il s'agit d'un projet pilote dans deux écoles touchant 360 élèves. Par ailleurs, 3 000 élèves suivent les cours de français dispensés par l'Alliance Française.

· Pour finir, on peut citer quelques exemples de manifestations culturelles classiques : semaines du cinéma français à Chisinau, festival moldave de Die (1996). La coopération audiovisuelle se développe avec la présence de TV5 et de RFI. En matière de livres, une opération globale, soutenue par Le Monde, la Bibliothèque du Centre Pompidou, diverses formations et autres associations, permettra à l'avenir, non seulement l'ouverture de la Médiathèque du Centre d'information de l'Alliance Française mais aussi la diffusion de collections françaises (notamment par dons de livres en français dans les écoles et les bibliothèques) et la souscription d'abonnements presse dans les grandes bibliothèques du pays. Un bibliobus assurera une diffusion sur l'ensemble du territoire, au-delà de la capitale.

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Au bénéfice de ces observations, votre Rapporteur vous propose d'adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 31 mars 1999.

Après l’exposé du Rapporteur, Mme Bernadette Isaac-Sibille a souhaité aborder la question de l'Ukraine. Il est notoire que le gouvernement de ce pays vend sa réserve d'armes à la Serbie. Elle a demandé s'il serait possible d'obtenir des renseignements à ce sujet.

M. François Loncle, président, a répondu que la question serait transmise au Ministre des Affaires étrangères.

M. Guy Lengagne a demandé à M. Pierre Brana qu'elle était la nature des importations françaises en provenance de Moldavie.

M. Pierre Brana a répondu qu'il s'agissait essentiellement de produits viti-vinicoles.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 782 ).

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NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 782 ).

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N° 1521.- Rapport de M. Pierre Brana (au nom de la commission des affaires étrangères) sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Moldavie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements .