Accueil > Archives de la XIème législature |
Document mis en distribution le 7 mai 1999 ![]() N° 1546 ______ ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 ONZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 avril 1999. RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR LE PROJET DE LOI , ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation du protocole additionnel à la convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales (ensemble trois déclarations), PAR M. HENRI SICRE, Député (1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page. Voir les numéros : Sénat : 371, 420 (1996-1997) et T.A. 14 (1998-1999) Assemblée nationale : 321 Traités et conventions La Commission des Affaires étrangères est composée de : M. Jack Lang, président ; MM. Georges Hage, Jean-Bernard Raimond, Roger-Gérard Schwartzenberg, vice-présidents ; M. Roland Blum, Mme Monique Collange, M. René Rouquet, secrétaires ; Mmes Michèle Alliot-Marie, Nicole Ameline, M. René André, Mmes Marie-Hélène Aubert, Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Raymond Barre, Dominique Baudis, François Bayrou, Henri Bertholet, Jean-Louis Bianco, André Billardon, André Borel, Bernard Bosson, Pierre Brana, Jean-Christophe Cambadélis, Hervé de Charette, Yves Dauge, Jean-Claude Decagny, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Xavier Deniau, Paul Dhaille, Mme Laurence Dumont, MM. Jean-Paul Dupré, Charles Ehrmann, Laurent Fabius, Jean-Michel Ferrand, Georges Frêche, Jean-Yves Gateaud, Jean Gaubert, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Godfrain, Pierre Goldberg, François Guillaume, Jean-Jacques Guillet, Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, MM. Didier Julia, Alain Juppé, André Labarrère, Gilbert Le Bris, Jean-Claude Lefort, Guy Lengagne, François Léotard, Pierre Lequiller, François Loncle, Bernard Madrelle, René Mangin, Jean-Paul Mariot, Gilbert Maurer, Charles Millon, Mme Louise Moreau, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, MM. Etienne Pinte, Marc Reymann, Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, MM. Georges Sarre, Henri Sicre, Mme Christiane Taubira-Delannon, MM. Michel Terrot, Joseph Tyrode, Michel Vauzelle, Aloyse Warhouver. Mesdames, Messieurs, Le présent projet de loi a pour objet dautoriser la ratification du Protocole additionnel à la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales. Votre Rapporteur se propose, dans une première partie, de rappeler brièvement lobjectif de la Convention-cadre, dite de Madrid, dont la mise en uvre a conduit la France à la fois à modifier son droit interne, mais également à conclure des accords bilatéraux ou multilatéraux de coopération transfrontalière. Tirant les leçons des limites actuelles de la Convention de Madrid, le Conseil de lEurope a élaboré le présent Protocole additionnel dont la présentation fera lobjet de la seconde partie. * * * La Convention-cadre rédigée sous légide du Conseil de lEurope et signée le 21 mai 1982 est entrée en vigueur pour la France le 14 mai 1984. Au 30 mars 1999, létat des signatures et des ratifications était le suivant :
Lobjectif poursuivi par la Convention-cadre est dencourager et de faciliter la conclusion daccords entre régions et communes, de part et dautre dune frontière, dans les limites de leurs compétences. Ces accords peuvent être étendus au développement régional, à la protection de lenvironnement, à laménagement des infrastructures et des services publics, etc., voire à la création de syndicats ou dassociations de collectivités transfrontalières. Les Parties prennent lengagement déliminer les difficultés de tous ordres susceptibles dentraver la coopération transfrontalière et daccorder aux collectivités locales engagées dans une coopération internationale les mêmes avantages dont elles auraient disposé dans un environnement strictement national. Dans un souci de prise en compte des systèmes juridiques et constitutionnels des Etats membres du Conseil de lEurope, une annexe propose différents modèles daccords, sans valeur conventionnelle , répartis en deux catégories : modèles daccords interétatiques et schémas daccords, de statuts et de contrats à conclure entre autorités locales . * La Convention-cadre fait preuve dune grande souplesse due en particulier à son caractère faiblement contraignant mais cette qualité est peu à peu devenue un handicap majeur si bien que lon parle aujourdhui dinsuffisances et de limites. · Les Etats signataires sont simplement invités à faciliter les initiatives des collectivités ou autorités territoriales. · Les actes conclus par les collectivités territoriales dans le contexte de la Convention-cadre nont pas de valeur juridique dans lordre interne des Etats. · Aucune disposition ne prévoit dinstrument juridique tel quun maître douvrage tansfrontalier pour prendre en main les problèmes dinvestissement et de gestion posés par laction des associations transfrontalières. · Enfin, sous la forme dune déclaration jointe à la Convention-cadre, certains Etats signataires peuvent en quelque sorte conditionner lapplication de celle-ci à la conclusion préalable daccords inter-étatiques. Cependant, le 26 janvier 1994, la France a retiré cette déclaration devenue contradictoire avec les deux lois du 6 janvier 1992 et du 4 février 1995. * Ces deux lois constituent dailleurs lune des deux solutions envisagées par la France pour pallier les handicaps que présente la Convention-cadre. Alors que la première solution consiste à modifier le droit interne, la seconde vise à conclure des conventions bilatérales ou plurilatérales. · La modification du droit interne La loi du 6 février 1992 relative à ladministration territoriale de la République contient des dispositions sur la coopération décentralisée qui permettent aux collectivités territoriales de conclure des convention avec des collectivités territoriales étrangères dans la limite de leurs compétences et dans le respect des engagements internationaux de la France. Ainsi son titre IV autorise toutes les formes de laction extérieure des collectivités locales. La conclusion préalable daccords inter-étatiques nest plus exigée puisque le contrôle de lEtat sexerce a posteriori. La loi dorientation du 4 février 1995 pour laménagement et le développement du territoire précise que, dans le cadre de la coopération transfrontalière, les collectivités territoriales peuvent adhérer à un organisme public de droit étranger ou participer au capital dune personne morale de droit étranger dans le but exclusif dexploiter un service public ou de réaliser un équipement local intéressant toutes les personnes publiques participantes. Cette adhésion ou participation doit faire lobjet dune convention avec lensemble des collectivités territoriales étrangères concernées ; lorganisme créé, si organisme il y a, devra être autorisé par décret en Conseil dEtat. · La conclusion daccords de coopération transfrontalière Le 26 novembre 1993, la France a conclu avec lItalie un accord de coopération transfrontalière entré en vigueur le 6 octobre 1995. Sa portée est assez limitée puisquil porte sur une zone géographique réduite et dresse une liste limitative des domaines réservés à la coopération transfrontalière. Le 10 mars 1995, le Traité de Bayonne a été signé avec lEspagne. Son entrée en vigueur date du 24 février 1997. Outre le fait quil précise les conditions de la participation des collectivités espagnoles aux organismes de coopération français et réciproquement, il met en place une Commission de coopération transfrontalière. Enfin, le 3 mai 1995, un accord bilatéral a été conclu avec lAllemagne, auquel sest rallié le Luxembourg en octobre, puis la Suisse en décembre. Il est devenu, le 23 janvier 1996, lAccord de Karlsruhe, entré en vigueur le 1er septembre 1997. Cet accord couvre un large territoire puisquil concerne quatre Etats et fait preuve dune grande souplesse puisque la coopération sapplique aux besoins dintérêt local commun dans les limites du respect du droit interne et des engagements internationaux des Parties. Différentes modalités dintervention permettent aux collectivités de collaborer. On peut citer la possibilité de recourir à des structures de travail en commun ou de coordination sans personnalité juridique. Il est également possible de créer ou de participer à des organismes dotés de la personnalité juridique. Mais la grande nouveauté réside dans la possibilité de créer une structure commune de maître douvrage : le Groupement local de coopération transfrontalière, doté de la capacité juridique et de lautonomie budgétaire. * * * Cependant, la multiplication depuis quelques années de ces accords bilatéraux a peu à peu été perçue comme un facteur déclatement que le Protocole additionnel à la Convention-cadre de Madrid se propose de réduire. Le Protocole, signé le 9 novembre 1995, est entré en vigueur pour la France le 1er décembre 1998 et est largement inspiré par la conception française de la coopération décentralisée. * Dune part, il clarifie le régime juridique de la coopération transfrontalière en réaffirmant de manière plus nette le droit des collectivités territoriales de faire de la coopération transfrontalière et en interdisant la formulation de réserves. · Larticle 1 du Protocole additionnel stipule que la coopération transfrontalière reste soumise au respect de certaines conditions : - celle-ci doit sexercer dans les domaines communs de compétence . Ce nest pas une nouvelle compétence des collectivités mais un mode dexercice des compétences locales ; - mais également dans le respect des engagements internationaux . La coopération transfrontalière ne relève pas du droit international public puisque les rapports internationaux sont le fait des Etats ; - un accord de coopération transfrontalière engage la seule responsabilité des collectivités ou autorités qui lont conclu . La responsabilité de lEtat est dégagée vis-à-vis des autres Parties au Protocole additionnel mais pas vis-à-vis des tiers en raison de leffet relatif des traités. Les collectivités peuvent bénéficier du programme communautaire INTERREG qui vise à encourager financièrement la coopération transfrontalière et qui prévoit une responsabilité subsidiaire de lEtat. · Aucune réserve nest admise aux dispositions du présent Protocole (article 9). Cet article résulte de lutilisation détournée de larticle 3 alinéa 2 de la Convention-cadre qui, par lintermédiaire de la déclaration jointe, permettait aux Parties contractantes de subordonner lapplication de celle-ci à la conclusion daccords inter-étatiques. * Dautre part, le Protocole additionnel offre aux collectivités territoriales de nouveaux instruments de coopération en sassurant de la valeur juridique des engagements conclus dans le cadre de la coopération transfrontalière et en permettant la création dorganismes transfrontaliers. · Larticle 2 stipule que, pour quils aient valeur juridique en droit interne, les actes pris par les collectivités locales dans le cadre des accords de coopération transfrontalière doivent être transposés en droit interne. · Sagissant des instruments de coopération offerts aux collectivités, trois possibilités existent. 1. Créer un organisme sans personnalité juridique (article 3). 2. Créer un organisme qui possède la personnalité juridique et qui relève dun seul Etat (article 4). Cet organisme peut être doté de la personnalité morale de droit privé ou de droit public. Il relève exclusivement de lEtat sur le territoire duquel il est situé. En clair, des collectivités publiques peuvent faire partie dun groupement étranger et des collectivités étrangères peuvent participer à des structures nationales. Toutefois, les Etats signataires ne sont nullement obligés par le Protocole additionnel douvrir aux collectivités étrangères la totalité de leurs organismes dotés de la personnalité juridique mais les laissent libres de déterminer ceux qui peuvent accueillir des collectivités étrangères. Dans le cas dun organisme public, il nest pas habilité à prendre des actes de portée générale ou susceptibles daffecter les droits et libertés des personnes (article 4 alinéa 2) et na pas la capacité à décider des prélèvements de nature fiscale. Il devra prendre des décisions qui devront être obligatoirement transposées dans lordre interne par les collectivités membres (procédure définie à larticle 2). 3. Créer un organisme qui possède la personnalité juridique et qui relève de plusieurs Etats (article 5). Cet article répond à un obstacle majeur au développement de la coopération transfrontalière : certaines collectivités membres relèvent dun autre ordre juridique et pour elles lorganisme est une personne morale de droit étranger dont les actes sont régis par un droit étranger. Inversement, lorganisme compte des membres des collectivités relevant dun autre ordre juridique qui lui sont étrangères. Il apparaît donc nécessaire que lorganisme soit doté de la personnalité publique et quelle soit reconnue par tous les Etats concernés. Cest pourquoi le Protocole additionnel offre la possibilité de constituer des organismes publics plurinationaux dont les actes juridiques relèvent des deux ordres juridiques concernés. Cest le système cumulatif : les actes de lorganisme ont la même valeur juridique quel que soit lendroit où ils sappliquent. En conséquence, chaque Etat doit assurer le contrôle des actes pris par lorganisme (article 6 alinéa 3). Enfin, le choix entre ces deux dernières dispositions (organisme mononational ou plurinational selon la formule retenue par M. Bernard Dolez1) est laissé aux Parties contractantes qui optent pour lun ou lautre au moment du dépôt des instruments de ratification (article 8). * * * CONCLUSION Votre Rapporteur ne peut que se féliciter du développement considérable que la coopération transfrontalière a vécu ces dernières années. Après être pour ainsi dire passée par différentes étapes synonymes daméliorations, elle semble même faire des émules aujourdhui. Ainsi a été conclu, le 5 mai 1998, un Protocole n°2 à la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales et relatif à la coopération inter-territoriale. Il a été signé par la France le 20 mai 1998, par le Luxembourg le 5 mai 1998, par les Pays-Bas le 4 mars 1999, par le Portugal le 5 mai 1998, par la Roumanie le 5 mai 1998, par la Slovénie le 20 octobre 1998, par la Suède le 5 mai 1998 et par lUkraine le 3 novembre 1998. Ce Protocole n° 2 concerne la collaboration entre collectivités étrangères non contiguës qui présentent une communauté dintérêts (coopération inter-territoriale), dans le cadre dorganismes de coopération transfrontalière et dassociations de collectivités ou autorités territoriales mais aussi sur le plan bilatéral, puisquen matière de coopération inter-territoriale, il ny a pas dinstrument comparable à la Convention-cadre. Son article 1 stipule quil vise à établir des rapports entre collectivités ou autorités territoriales de deux ou plusieurs Parties contractantes, autres que les rapports de coopération transfrontalière des collectivités voisines, y inclus la conclusion daccords avec les collectivités ou autorités territoriales dautres Etats . On peut cependant regretter que lUnion européenne ne se soit toujours pas dotée doutils juridiques susceptibles de faciliter la coopération transfrontalière et la coopération inter-régionale en général. Elle a certes pris acte des besoins spécifiques des zones frontalières en mettant en place des crédits particuliers dans le cadre des programmes INTERREG. Dune certaine façon, elle favorise le développement de cette forme de coopération puisque certains programmes communautaires privilégient de plus en plus souvent la participation dau moins trois collectivités locales de plusieurs Etats membres. * Au bénéfice de ces observations, votre Rapporteur vous propose d'adopter le présent projet de loi. EXAMEN EN COMMISSION La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 28 avril 1999. Après l'exposé du Rapporteur, M. Patrick Delnatte a souhaité témoigner de son expérience dans la région franco-belge qui na pas signé de traité de coopération transfrontalière. Les collectivités locales sont regroupées au sein de la communauté urbaine de Lille et les intercommunales belges, wallones et flamandes, sont réunies dans une conférence permanente des intercommunales transfrontalières. Ces collectivités voudraient disposer dun outil juridique propre à linstar du Groupement local de coopération transfrontalière créé par lAccord de Karlsruhe. Existe-t-il des applications de ce groupement dans les zones transfrontalières de la France ? Ce type de structure juridique est-il véritablement adapté au développement de la coopération transfrontalière ? M. Henri Sicre a confirmé que lAccord de Karslruhe avait créé une personnalité juridique nouvelle avec le Groupement local de coopération transfrontalière qui est soumis "au droit interne applicable aux établissements publics de coopération intercommunale de la partie où il a son siège" (article 11 du Traité de Karlsruhe). Il est en outre ouvert aux collectivités territoriales et à leurs groupements mais aussi à leurs établissements publics. Or il ny a pas en droit français détablissements publics de coopération intercommunale souvrant aux établissements publics locaux. Il conviendrait donc dinsérer une nouvelle disposition dans le code général des collectivités territoriales relatif à la coopération décentralisée dès que possible. M. Patrick Delnatte a fait remarquer que la France avait choisi dadhérer à larticle 4 du Protocole additionnel signifiant ainsi quelle nacceptait pas dorganisme de droit public. M. Henri Sicre a confirmé que, conformément aux dispositions de larticle 8 qui laisse le choix aux Parties contractantes dappliquer soit larticle 4 soit larticle 5, la France avait opté pour larticle 4. Il permet de créer des organismes de coopération qui, sils ont la personnalité juridique, nauront pas un caractère de droit public pour toutes les Parties contractantes. En effet, la France na pas souhaité appliquer les dispositions de larticle 5 permettant de créer un organisme de coopération doté de pouvoirs très importants qui ne saccordent pas avec le régime juridique français. Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 321). La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.
NB : Le texte de l'accord figure en annexe au projet de loi (n° 321). N°1546. - RAPPORT de M. Henri SICRE (au nom de la commission des affaires étrangères) sur le projet de loi, adopté par le Sénat (n° 321), autorisant lapprobation du protocole additionnel à la convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales (ensemble trois déclarations) 1 Le Procotole additionnel à la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales , Revue générale de droit international public, 1996-4. |