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le 3 février 2000

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N° 2125

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 2 février 2000.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LES PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION :

1. (n° 2078) DE M. CLAUDE GOASGUEN ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES, tendant à créer une commission d'enquête sur les conditions sanitaires dans les prisons françaises et plus particulièrement sur celles de la prison de la Santé ;

2. (n° 2079) DE MME CHRISTINE BOUTIN ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES, tendant à créer une commission d'enquête sur les conditions de vie des détenus ;

3. (n° 2106) DE M. GUY HASCOËT ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES, tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'état des établissements pénitentiaires en France, sur les conditions de vie des détenus et sur le respect des normes d'hygiène et de sécurité dans les prisons ;

4. (n° 2118) DE M. LAURENT FABIUS ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES, tendant à créer une commission d'enquête sur la situation dans les prisons françaises,

PAR M. RAYMOND FORNI,

Député.

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Système pénitentiaire.

La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : Mme Catherine Tasca, présidente ; MM. Pierre Albertini, Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gerin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; MM. Léo Andy, Léon Bertrand, Emile Blessig, Jean-Louis Borloo, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Dominique Bussereau, Christophe Caresche, Patrice Carvalho, Jean-Yves Caullet, Mme Nicole Catala, MM. Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, Jean Codognès, François Colcombet, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Jean-Claude Decagny, Bernard Derosier, Franck Dhersin, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Renaud Dutreil, Jean Espilondo, Mme Nicole Feidt, MM. Jacques Floch, Raymond Forni, Roger Franzoni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Guy Hascoët, Philippe Houillon, Michel Hunault, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Limouzy, Thierry Mariani, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Mme Véronique Neiertz, MM. Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Henri Plagnol, Didier Quentin, Bernard Roman, Jean-Pierre Soisson, Frantz Taittinger, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann.

MESDAMES, MESSIEURS,

La dénonciation des conditions de vie dans les prisons françaises n'est pas nouvelle ; la publication du livre de Mme Véronique Vasseur, médecin-chef à la prison de la Santé (1) semble donc avoir surtout joué, en la matière, le rôle d'un catalyseur. L'émotion suscitée par la parution de cet ouvrage s'est traduite à l'Assemblée nationale par le dépôt de quatre propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête parlementaire.

La proposition de résolution présentée par MM. Claude Goasguen, José Rossi, Jean-François Mattéi et Philippe Houillon, enregistrée le 18 janvier dernier sous le n° 2078, a pour objet de créer une commission d'enquête « sur les conditions sanitaires dans les prisons françaises et plus particulièrement sur celles de la prison de la Santé » ; celle de Mme Christine Boutin et plusieurs de ses collègues, enregistrée à la même date sous le n° 2079, tend à créer une commission d'enquête « sur les conditions de vie des détenus ». La proposition de résolution de M. Guy Hascoët et plusieurs de ses collègues, enregistrée le 21 janvier 2000 sous le n° 2106, propose de créer une commission d'enquête « sur l'état des établissements pénitentiaires en France, sur les conditions de vie des détenus et sur le respect des normes d'hygiène et de sécurité dans les prisons ». Enfin, déposée le 27 janvier, sous le n° 2118, la proposition de résolution du Président Laurent Fabius et de l'ensemble des membres du groupe socialiste, tend à créer une commission d'enquête « sur la situation des prisons françaises ».

Ayant un objet très proche, ces quatre propositions de résolution feront l'objet d'un examen commun par votre rapporteur, qui s'attachera en premier lieu à étudier leur recevabilité, puis à se prononcer sur leur opportunité.

Il ressort des dispositions combinées de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1110 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 140 et 141 du Règlement de l'Assemblée nationale que la recevabilité des propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête est soumise aux deux conditions suivantes :

-  la proposition doit déterminer avec précision, soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services publics ou les entreprises nationales dont la commission doit examiner la gestion.

Le fonctionnement des prisons relève, à cet égard, de façon incontestable, d'une mission de contrôle d'un service public ;

-  les faits ayant motivé le dépôt de la proposition de résolution ne doivent pas faire l'objet de poursuites judiciaires.

Interrogé par le Président de l'Assemblée nationale, en application de l'article 141, alinéa premier, du Règlement, Mme la Garde des Sceaux, ministre de la Justice, a, par lettre du 1er février, indiqué qu'un certain nombre de procédures judiciaires sont en cours pour une partie des faits qui ont motivé le dépôt des propositions de résolution ; en premier lieu, des procédures sont diligentées dans tous les cas de survenance de décès de détenus dans les établissements pénitentiaires, et notamment les cas de suicide. La Ministre ajoute qu'un certain nombre d'informations judiciaires, basées sur des chefs d'homicide involontaire et de non-assistance à personnes en danger, sont également en cours, qui concernent les conditions dans lesquelles des soins médicaux ont pu être administrés à des détenus.

S'agissant plus spécifiquement de la proposition de résolution du Président Laurent Fabius, qui fait mention dans son dispositif d'éventuelles atteintes aux personnes, la Ministre fait également état de procédures judiciaires menées aussi bien à l'encontre de détenus que de membres du personnel pénitentiaire pour des faits tels que coups volontaires, agressions sexuelles ou viols.

Comme votre rapporteur le rappelle régulièrement, la commission des Lois adopte traditionnellement une interprétation souple des critères de recevabilité des propositions de résolution ; en l'occurrence, la commission d'enquête qui sera éventuellement créée aura pour objectif, de manière très générale, de mener une réflexion sur le système pénitentiaire français. Ses travaux ne pourront, bien évidemment, en aucun cas, interférer avec les enquêtes en cours.

Dès lors, sous ces réserves, la recevabilité des propositions de résolution ne fait aucun doute.

Il s'agit maintenant de s'arrêter sur la question de l'opportunité de la création d'une telle commission d'enquête : force est de constater, à ce sujet, que la situation des établissements pénitentiaires apparaît réellement préoccupante.

Au-delà de l'émotion suscitée par le livre de Mme Véronique Vasseur, il convient de citer, à cet effet, les chiffres et statistiques publiés par notre collègue André Gerin dans son dernier avis budgétaire relatif aux services pénitentiaires et à la protection judiciaire de la jeunesse : sur une quinzaine d'années, le nombre de détenus a connu une progression très importante, passant de 36 934 en 1980 à 55 062 en 1996, même si, depuis cette date, on observe une légère décroissance. Au 1er janvier 1999, le nombre de détenus s'élève à 52 961.

Les chiffres de la surpopulation carcérale ont, de façon logique, suivi cette progression, le taux d'occupation des établissements au 1er janvier 1999 s'élevant à 107 %. Il convient cependant de distinguer ce taux d'occupation selon les types d'établissements : ce sont les maisons d'arrêt, qui reçoivent les prévenus et les condamnés dont le reliquat de peine est inférieur ou égal à un an, ainsi que les centres de semi-liberté qui connaissent des taux de surpopulation inquiétants, avec une densité de 115,7 %. La surpopulation dans les maisons d'arrêt est d'autant plus alarmante que ces établissements accueillent, à hauteur de 40 %, des prévenus bénéficiant de la présomption d'innocence. En revanche, les maisons centrales, destinées à accueillir les condamnés les plus sensibles, connaissent, avec un taux moyen de 89,2 %, des taux d'occupation satisfaisants. C'est outre-mer que le constat paraît le plus accablant, le taux d'occupation, tous types d'établissements confondus, atteignant 127 % et 203,9 % pour les seules maisons d'arrêt.

La situation sanitaire, dans ce contexte de surpopulation carcérale, apparaît particulièrement préoccupante : les pathologies liées à l'abus de drogue et d'alcool, ainsi que les attitudes traumatiques et autodestructrices, reviennent constamment dans les témoignages sur la prison. En 1994, l'administration pénitentiaire estimait que le nombre de toxicomanes incarcérés représentait plus de 15 % de la population pénale et pouvait atteindre 30 à 40 % dans les régions comme l'Ile-de-France, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ou le Nord. Une enquête menée la même année révélait qu'un entrant masculin sur quatre en maison d'arrêt avait une maladie liée à l'alcool. En juin 1995, l'infection par le VIH touchait 2,3 % des détenus, soit un taux environ dix fois supérieur à celui de la population générale. Les statistiques concernant les suicides révèlent également une évolution inquiétante : depuis une dizaine d'années, le nombre de suicides dans les établissements pénitentiaires a pratiquement doublé, passant de 59 en 1990 à 118 en 1998.

Le cadre pénitentiaire paraît particulièrement mal adapté face à cette surpopulation carcérale qui génère des situations de détresse : sur les 187 établissements pénitentiaires que compte notre pays, 146 sont caractérisés, selon le ministère de la justice, par leur vétusté, leur situation dégradée et sont inadaptés fonctionnellement. 92 établissements sont installés dans des immeubles construits depuis un siècle ou plus, dont certains sont des anciens biens d'église, transformés en prison pendant la période révolutionnaire.

Il est incontestable que les choix budgétaires de l'actuel gouvernement traduisent une volonté forte d'améliorer la situation actuelle ; les grandes orientations gouvernementales, définies lors du Conseil des ministres du 8 avril 1998, consistent à attacher une importance particulière à l'amélioration de la prise en charge des détenus, la revalorisation des conditions de travail des personnels, le développement des alternatives à l'incarcération et la mise en _uvre d'un programme de rénovation et de construction d'établissements.

En termes budgétaires, ces orientations se sont traduites par une forte progression, depuis deux ans, des crédits consacrés aux services pénitentiaires. Le projet de loi de finances 2000 a ainsi prévu, notamment, la création de 386 emplois de personnels de surveillance, de 152 emplois dans le cadre d'une amélioration de la sécurité, de l'hygiène et de l'action sanitaires, 55 emplois destinés à améliorer les mesures alternatives à la détention et à la réinsertion. Un vaste programme de rénovation du parc pénitentiaire classique a été engagé, avec un effort particulier pour les cinq grands établissements que sont Fresnes, Fleury-Mérogis, la Santé, les Baumettes et Loos. Par ailleurs, un programme de construction de six nouveaux établissements a été lancé en 1997.

Parallèlement à ces engagements budgétaires, des réflexions ont été conduites concernant la réforme de la libération conditionnelle, le contrôle externe des établissements pénitentiaires ou la prévention des suicides en prison. Des expériences ont également été menées pour permettre aux détenus, par la mise en place d'unités de vie familiales, de maintenir en prison des liens familiaux, essentiels à la réinsertion ultérieure.

Le projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence, actuellement en deuxième lecture devant notre Assemblée, devrait également permettre de limiter les détentions provisoires, et donc l'encombrement des maisons d'arrêt.

Malgré ces efforts, la situation dans les prisons reste préoccupante ; la garde des sceaux l'a récemment qualifiée d'indigne d'un pays comme le nôtre. Les conditions de détention ont également été dénoncées par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), organisme dépendant du Conseil de l'Europe.

L'opportunité de la création d'une commission d'enquête paraît dès lors établie ; il s'agit, en l'occurrence, de procéder à une réflexion approfondie sur le système pénitentiaire français, qui permettrait notamment d'étudier le développement des mesures alternatives à l'incarcération, ou la réinsertion des détenus.

Les quatre propositions de résolution déposées ont toutes pour objet de proposer cette réflexion par la création d'une commission d'enquête ; les optiques retenues sont toutefois quelque peu différentes. La proposition de résolution de M. Claude Goasguen et plusieurs de ses collègues ne permettrait à la commission d'enquête de n'aborder qu'un aspect particulier du système pénitentiaire, en l'occurrence, l'étude des conditions sanitaires, notamment à la prison de la Santé. Celle présentée par M. Guy Hascoët ainsi que celle de Mme Christine Boutin, bien qu'ayant un thème plus large, les conditions de vie des détenus et le respect des normes d'hygiène et de sécurité dans les prisons pour la première, les conditions de vie des détenus pour la seconde, paraissent également encore trop restrictives.

La rédaction de la proposition de résolution présentée par le Président de l'Assemblée nationale et l'ensemble des membres du groupe socialiste, permet à la fois d'aborder les aspects sanitaires et les conditions de vie des détenus, évoqués par les propositions de résolution de MM. Claude Goasguen, Guy Hascoët et Mme Christine Boutin et également d'étudier plus largement l'avenir du système pénitentiaire français. Le dispositif retenu dans l'article unique énumère, à cet effet, plusieurs aspects sur lesquels devra se pencher la commission d'enquête, tels que la limitation de l'usage de la détention provisoire, ou l'organisation du respect du droit à l'intimité et des liens familiaux en milieu carcéral.

Votre rapporteur suggère de compléter cette énumération en évoquant deux questions fondamentales : la réinsertion des détenus et le développement des alternatives à l'incarcération.

*

* *

Après l'exposé du rapporteur, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.

Rappelant que le problème de la situation des prisons n'était pas nouveau, et qu'il avait lui-même eu l'occasion, quelques années auparavant, alerté déjà par Mme Véronique Vasseur, de déposer une proposition de résolution similaire à celle qu'il venait de déposer, M. Claude Goasguen a dénoncé l'absence de transparence du système pénitentiaire, qui conduit à ce que l'opinion publique découvre aujourd'hui, avec l'ouvrage du médecin chef de la prison de la Santé, une situation déjà ancienne. Il s'est élevé, au sujet de cet ouvrage, contre les propos de l'ancien directeur de l'administration pénitentiaire, parus dans la presse, reprochant au docteur Vasseur de n'avoir pas fait en temps utile des propositions à l'administration pénitentiaire. S'agissant plus largement de la procédure de la création de la commission d'enquête, il a souhaité en premier lieu prendre acte du fait que des poursuites judiciaires en cours n'étaient pas considérées par le rapporteur comme interdisant la création d'une commission d'enquête. Il a regretté également que les expériences précédentes des commissions d'enquête n'aient pas permis de mieux associer l'opposition, particulièrement dans la composition du Bureau de ces commissions, et a constaté qu'une telle attitude, de la part de la majorité, conduisait à atténuer sensiblement la portée des conclusions des commissions d'enquête. Estimant que le travail législatif gagnerait à rechercher, pour les commissions d'enquête, l'unanimité, il a estimé qu'il faudrait étudier la possibilité d'accorder de manière plus générale à l'opposition les fonctions de président ou de rapporteur des commissions d'enquête. Il a conclu en approuvant l'extension du domaine d'investigation proposé par le rapporteur.

Soulignant que l'existence de poursuites judiciaires sur des faits précis n'interdisait pas la création d'une commission d'enquête ayant pour objet de procéder à une réflexion globale sur l'ensemble du système pénitentiaire, M. Jacques Floch s'est félicité de la création d'une commission d'enquête sur un sujet qui préoccupe un certain nombre de parlementaires, sans que cette préoccupation ne soit vraiment relayée jusqu'à présent dans l'opinion publique. Il a rappelé que le Président Pierre Mazeaud, lors de la précédente législature, avait souhaité que les parlementaires puissent procéder plus fréquemment à des visites de prisons et indiqué qu'il avait donc eu l'occasion à cette époque, en tant que rapporteur spécial du budget des services pénitentiaires, de constater sur place la situation déplorable des prisons françaises. Il s'est réjoui que, grâce au livre de Mme Vasseur, ces préoccupations aient enfin trouvé un écho dans l'opinion publique.

Après avoir rappelé, à propos des alternatives à l'incarcération, les propositions de M. Guy Cabanel sur la surveillance par bracelet électronique, M. Richard Cazenave a observé que le plan de 1987 visant à accroître le parc pénitentiaire n'avait pas été exécuté dans sa totalité, la majorité élue lors des élections de 1997 n'ayant visiblement pas souhaité le poursuivre.

Regrettant la pratique qui conduit la majorité à s'arroger l'ensemble des postes des Bureaux des commissions d'enquête, M. Robert Pandraud a souligné qu'elle obligeait les groupes, lors de la présentation des conclusions des commissions d'enquête, à formuler des observations sur un constat qui faisait pourtant l'unanimité pendant ses travaux. S'agissant de la situation dans les prisons françaises, il a fait valoir que, bien souvent dans ce débat, l'ignorance supposée de l'opinion publique justifiait l'inaction des politiques. Faisant état de son expérience personnelle, il a pu constater qu'il avait suscité en 1986 un certain consensus lorsqu'il avait proposé et obtenu dans sa circonscription la construction d'un établissement pénitentiaire. Il a conclu en regrettant l'attitude de la direction de l'administration pénitentiaire, la jugeant responsable de la situation déplorable dans laquelle se trouvent les prisons actuellement.

Se félicitant de la rédaction retenue pour la proposition de résolution qui devrait permettre de procéder à une réflexion globale sur le système pénitentiaire, M. Louis Mermaz a constaté que, bien que la peine de mort ait été abolie, et que les quartiers de haute sécurité aient été supprimés, les peines infligées dans les prisons françaises, par la surpopulation et la promiscuité, se traduisaient par des situations presque aussi scandaleuses. Après avoir jugé qu'il fallait qu'un effort réel d'explication soit fourni en direction de l'opinion publique, il a souhaité qu'une réflexion plus globale soit menée, au sein de la commission des Lois, qui pourrait, notamment, se traduire par une actualisation et une modernisation de la législation pénale et du code pénal.

Jugeant que la création d'une commission d'enquête sur les prisons serait effectivement utile, M. Renaud Donnedieu de Vabres s'est toutefois déclaré un peu réservé sur le fait que des procédures parlementaires soient déclenchées à la suite de faits divers ou de faits extérieurs, en l'occurrence, la publication du livre de Mme Vasseur. Il a regretté que les parlementaires membres de la commission des Lois, n'effectuent pas par eux-mêmes des opérations ponctuelles de contrôle. Il a souhaité que la présidente de la commission des Lois prenne l'initiative de telles missions, accompagnée d'un nombre restreint de députés, de la majorité comme de l'opposition.

Confirmant que ce renforcement du contrôle parlementaire était une de ses préoccupations permanentes, Mme Catherine Tasca a souhaité effectivement que ce travail d'information soit davantage développé au sein de la Commission. Evoquant la dernière mission effectuée à la Réunion et à Mayotte, elle a rappelé qu'elle veillait toujours, lors des déplacements qu'elle effectuait dans le cadre de la Commission, à inscrire au programme de travail, une visite des établissements pénitentiaires. Tout en rejoignant ainsi les propos tenus par M. Renaud Donnedieu de Vabres, elle a indiqué qu'une telle démarche impliquait nécessairement de la part des parlementaires une communication des informations recueillies lors de ces missions auprès de leurs collègues.

Rejoignant les propos de M. Robert Pandraud sur le rôle de la direction de l'administration pénitentiaire et son éventuelle responsabilité dans la situation actuelle des prisons, Mme Frédérique Bredin s'est interrogée, compte tenu du champ d'investigation très vaste de cette commission d'enquête, sur les moyens dont elle pourrait bénéficier.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes.

-  La stricte interprétation du Règlement en matière de recevabilité des commissions d'enquête, notamment dans le cas de l'existence de poursuites judiciaires, conduirait à interdire les parlementaires à s'intéresser à un sujet aussi sensible que les prisons et contribuerait à accréditer l'idée qu'elles sont des zones de non-droit ; le choix d'un intitulé très large pour la création d'une telle commission d'enquête permet de garantir qu'il n'y aura pas d'empiétement du pouvoir législatif sur le pouvoir judiciaire, la commission d'enquête n'ayant bien évidemment pas pour objectif d'enquêter sur telle ou telle affaire. L'appréciation souple des critères de recevabilité correspond d'ailleurs à une jurisprudence suivie depuis le début de la législature par le rapporteur chargé de rapporter sur les propositions de résolution.

-  Le fait que cette commission d'enquête soit, selon toute attente, présidée par le Président de l'Assemblée nationale, démontre toute l'importance que les parlementaires souhaitent attacher au problème. Il n'y aura vraisemblablement pas d'obstacle matériel majeur, les expériences précédentes de commissions d'enquête ayant démontré que les parlementaires disposaient de moyens matériels et humains leur permettant d'assurer avec efficacité leur mission.

La Commission a ensuite adopté la proposition de résolution dans la rédaction proposée par le rapporteur.

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* *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République vous demande d'adopter la proposition de résolution dans la rédaction proposée par le rapporteur et dont le texte suit.

CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à créer une commission d'enquête
sur la situation dans les prisons françaises

Article unique

Il est créé, en application de l'article 140 du Règlement, une commission parlementaire de trente membres chargée d'enquêter sur la situation dans les prisons françaises.

Cette commission devra notamment :

-  Dresser un état des lieux rigoureux et objectif de la situation des prisons françaises.

-  Examiner les conditions de détention, les éventuelles atteintes aux personnes et les suites données par l'administration.

-  Etablir un bilan du suivi médical en milieu carcéral, en particulier des pathologies les plus graves.

-  Etudier l'application du droit du travail en milieu carcéral.

-  Réfléchir à la limitation de l'usage abusif de la détention provisoire.

-  Analyser la situation du personnel pénitentiaire et proposer des solutions permettant le renforcement de ses moyens de travail.

-  Etablir les moyens d'organiser le respect du droit à l'intimité et des liens familiaux en milieu carcéral.

-  Etudier les conditions de réinsertion sociale et professionnelle des détenus après leur remise en liberté.

-  Réfléchir aux solutions alternatives à l'incarcération.

- Formuler plus généralement les propositions de nature à améliorer rapidement la situation dans les prisons françaises.

() « Médecin-chef à la prison de la Santé » de Mme Véronique Vasseur. Edition le Cherche-Midi.


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