Document mis

en distribution

le 2 juin 2000

N° 2428

ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

 

N° 365

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale

le 30 mai 2000.

 

Annexe au procès-verbal de la séance

du 30 mai 2000.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE (1) CHARGÉE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION DU PROJET DE LOI relatif à la chasse,

PAR M. FRANÇOIS PATRIAT,

Député.

--

PAR Mme ANNE HEINIS,

Sénateur.

--

(1) Cette commission est composée de : MM. Pierre Ducout, député, président ; Jean François-Poncet, sénateur, vice-président ; François Patriat, député, Mme Anne Heinis, sénateur, rapporteurs.

Membres titulaires : MM. Christian Bataille, Jean-Claude Lemoine, Charles de Courson, François Liberti et Jacques Desallangre, députés ; MM. Philippe François, Gérard Larcher, Michel Souplet, Jean-Marc Pastor et Gérard Le Cam, sénateurs.

Membres suppléants : M. André Vauchez, Mme Monique Denise, MM. Jean-Paul Chanteguet, Christian Jacob, Didier Quentin, Antoine Carré et Jean Proriol, députés ; MM. Georges Berchet, Jean-Louis Carrère, Gérard César, Hilaire Flandre, Pierre Hérisson, Pierre Lefebvre et Ladislas Poniatowski, sénateurs.

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 1ère  lecture : 2182, 2273 et T.A. 481.

2427

Sénat : 1ère  lecture : 298, 335 et T.A 126 (1999-2000).

Chasse et pêche.

MESDAMES, MESSIEURS,

La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la chasse s'est réunie à l'Assemblée nationale le lundi 29 mai 2000.

Elle a procédé à la désignation de son bureau qui a été ainsi constitué :

- M. Pierre Ducout, député, président,

- M. Jean François-Poncet, sénateur, vice-président.

La commission a ensuite désigné :

- M. François Patriat, député,

- Mme Anne Heinis, sénateur

comme rapporteurs, respectivement pour l'Assemblée nationale et le Sénat.

Mme Anne Heinis, rapporteur pour le Sénat, a souhaité affirmer d'emblée la volonté de la majorité sénatoriale de rechercher un accord sur les dispositions du projet de loi restant en discussion. Elle a souligné la convergence de points de vue qui s'était manifestée lors de l'examen du texte par la Haute Assemblée, rappelant que la quasi-totalité des amendements avaient été adoptés, sans manifestation d'opposition.

Elle a relevé comme principaux points de désaccord entre l'Assemblée nationale et le Sénat l'inscription ou non dans la loi des périodes de chasse des oiseaux migrateurs, la définition de ces périodes, les modalités de fixation d'un jour de non-chasse, la liste des départements dans lesquels la chasse de nuit devait être autorisée, le gel du nombre des installations autorisées pour cette pratique, la composition du conseil d'administration de l'Office national de la chasse et le problème de l'assermentation des agents de développement cynégétique.

M. François Patriat, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a estimé que le vote maximaliste du Sénat sur le projet de loi ne plaidait pas en faveur d'une solution de compromis au sein de la commission mixte paritaire. Une chasse apaisée ne peut en effet se concilier avec une position extrême comme celle du Sénat dont les votes ont été au-delà de ce que demandait Chasse-pêche-nature et traditions (CPNT).

Il a fait valoir que le Parlement devait adopter une loi pour tous les Français compatible avec le droit communautaire. Le projet de loi voté par l'Assemblée nationale ne satisfaisait ni les partisans de l'extrême chasse, ni ceux de l'extrême environnement ; pour cette raison, la position médiane de l'Assemblée nationale est acceptée par la majorité des Français.

Il a indiqué que la position adoptée par l'Assemblée nationale reposait sur la conciliation de plusieurs points de vue opposés. Aux partisans de la chasse le texte de compromis voté par l'Assemblée nationale accordait la légitimation de l'acte de chasse, la fixation d'une durée du temps de chasse à six mois par an et à six jours par semaine, la légalisation de la chasse de nuit et l'autorisation de la chasse à la passée jusqu'à deux heures avant le lever du soleil et deux heures après son coucher. Vis-à-vis des utilisateurs de la nature, dont les besoins doivent être pris en compte, le compromis imposait que la loi respecte complètement le droit communautaire et l'interprétation qui en a été faite par la Cour de justice des Communautés européennes. En outre, un geste en faveur de la société devait être fait par l'instauration d'un jour complet sans chasse ; cette mesure traduit, en fait, une volonté citoyenne permettant à chacun d'aller dans la nature sans se sentir entouré d'une chasse dont la pratique provoque des craintes ou des réprobations.

De ce point de vue, il a rappelé que le Sénat avait complètement modifié la rédaction de l'article 10 en y inscrivant notamment des dates de clôture de la chasse condamnées par le Conseil d'Etat.

En revanche, il a indiqué que sur plusieurs points techniques le Sénat avait adopté des propositions tout à fait acceptables. Il a cité l'utilisation des armes dans le cadre de la formation, l'adoption du principe du guichet unique et des mesures destinées à simplifier les procédures de validation, l'interdiction du broyage des jachères, le rejet de nombreuses demandes abusives émanant d'éleveurs ou de propriétaires d'enclos et l'adoption d'une mesure de sagesse en faveur du transport du gibier en période de fermeture de la chasse. Il a en outre indiqué qu'à plusieurs endroits le Sénat avait amélioré la rédaction du projet de loi.

Cependant, il a fait valoir qu'une quinzaine de points durs rendaient difficile un accord avec les sénateurs. Il en a ainsi dressé la liste :

- le Sénat a modifié complètement l'article 10 sur les périodes de chasse au gibier d'eau en fixant des dates de clôture et d'ouverture de la chasse dans la loi ;

- il a autorisé le tir de la tourterelle des bois, jusqu'alors interdit en application de la directive européenne parce qu'elle est chassée sur son trajet de retour ;

- il a ajouté onze départements à la liste des départements où la chasse de nuit est autorisée et a supprimé le gel des installations de chasse de nuit ;

- il a refusé de reconnaître que la faune sauvage est un patrimoine commun ;

- il a rejeté la fixation par la loi d'un jour sans chasse ;

- il a supprimé les règles de sécurité pour la battue votées par l'Assemblée nationale ;

- il a refusé de considérer que la chasse ne pouvait plus se dérouler dans l'ignorance des autres pratiques et utilisations de l'espace rural ;

- il a maintenu le nom actuel de l'Office national de la chasse et refusé d'étendre ses compétences à la faune sauvage ;

- il a rétabli une garderie fédérale dotée d'attributions de police de la chasse ;

- il a rejeté des procédures normales de contrôle en matière d'exercice de missions de service public que l'Assemblée nationale avait décidé d'appliquer aux fédérations départementales des chasseurs ;

- il a renforcé les contraintes imposées aux opposants, par conviction personnelle, à la chasse ;

- il a rejeté une proposition de M. Gérard Larcher de transformer l'Office national de la chasse en établissement public industriel et commercial ;

- il a imposé la transmission d'une copie des procès-verbaux d'infraction au droit de la chasse aux présidents des fédérations départementales des chasseurs ;

- il a supprimé le fichier unique des titulaires de permis de chasser ;

- il a rejeté l'amendement autorisant la détention d'un fusil à pompe ;

- il a relancé la question de la chasse au lévrier sans qu'elle n'ait jamais été soumise au Conseil national de la chasse et de la faune sauvage.

Il a pour conclure ajouté que toute compromission ne serait pas comprise par l'opinion publique et qu'il n'acceptera pas de renoncer aux positions de l'Assemblée nationale sur ces points durs. Dans ces conditions, un compromis lui paraît impossible.

M. Jean François-Poncet, vice-président, s'est déclaré choqué par les propos de M. François Patriat, comme il l'avait été par ceux tenus devant les médias immédiatement après le vote du Sénat. Il a fait valoir que si la position adoptée par la Haute Assemblée avait été réellement marquée par l'extrémisme, il se serait trouvé des sénateurs pour voter contre. Il a considéré que si certains des amendements adoptés, tel celui autorisant la chasse à la tourterelle, allaient au-delà des positions adoptées par la commission des affaires économiques, cela était largement dû au refus du dialogue manifesté par la ministre de l'environnement durant l'examen du projet de loi. Il a relevé, à titre d'exemple, l'avis défavorable opposé par Mme Dominique Voynet, à un amendement du groupe communiste proposant, dans la définition de l'acte de chasse, de substituer à l'expression « mise à mort » celle de « mort » de l'animal, modification qui semblait pourtant parfaitement acceptable. Estimant que le ton ainsi donné aux débats avait favorisé certains excès, M. Jean François-Poncet, vice-président, a déclaré, au nom de la majorité sénatoriale, être prêt à examiner dans l'optique d'un compromis les dispositions encore en discussion. Relevant que l'inscription des dates de chasse dans la loi était au c_ur du débat, il a considéré que cette inscription devait demeurer comme une garantie essentielle pour les chasseurs, le choix des dates elles-mêmes pouvant ensuite, en revanche, faire l'objet d'une discussion.

Après avoir confirmé que le groupe socialiste ne s'était opposé qu'à très peu des amendements adoptés au cours de l'examen du projet de loi par le Sénat, M. Jean-Louis Carrère a considéré qu'il était possible de débattre des articles restant en discussion, si le rapporteur de l'Assemblée nationale en avait la volonté, qu'il s'agisse du jour de non-chasse, des dates de chasse, ou de la liste des départements supplémentaires dans lesquels la chasse de nuit devait être légalisée. A propos de l'amendement sur la tourterelle, il a déclaré assumer la responsabilité de son vote favorable, tout en soulignant que le dispositif adopté à l'article 10 sur le mécanisme des dérogations permettait de ne pas le conserver en l'état. Il s'est interrogé, enfin, sur le devenir de l'article 1er bis du projet de loi traitant du problème de l'ours, qui a été adopté sans modification par le Sénat.

M. Jean-Claude Lemoine a indiqué que les députés de l'opposition étaient venus, comme les sénateurs, à la réunion de la commission mixte paritaire dans un esprit de conciliation et avec l'espoir de trouver un compromis acceptable. Il s'est étonné à cette occasion des propos exprimés par M. François Patriat, rapporteur pour l'Assemblée nationale, et a considéré au contraire qu'il conviendrait d'examiner un par un les points restant en discussion. Il a conclu en se demandant s'il était utile de poursuivre la réunion de la commission si le dialogue était impossible.

M. Gérard Le Cam, après avoir rappelé l'état d'esprit dans lequel son groupe avait abordé le débat à l'Assemblée nationale, puis au Sénat, a souligné les améliorations apportées au texte par la Haute Assemblée, tout en faisant part de son désaccord sur certains points.  Il a donc souhaité que soit trouvée une juste « moyenne » entre les deux textes.

En ce qui concerne le problème des dates, il a estimé que l'essentiel était le résultat quel que soit le support, loi ou décret, mais il a relevé que le contenu de l'avant-projet de décret sur les périodes de chasse aux oiseaux migrateurs était inacceptable. Il s'est déclaré en faveur du gel des installations existantes au 1er janvier 2000 dans les vingt-huit départements où la chasse de nuit devait être légalisée. En revanche, M. Gérard Le Cam a regretté la suppression par le Sénat de l'article 9 bis relatif aux règles de sécurité et s'est déclaré opposé à la reconnaissance d'un pouvoir de police aux agents des fédérations départementales des chasseurs. Enfin, il a désapprouvé la formule de la double tutelle des ministères de l'environnement et de l'agriculture sur l'organisation de la chasse.

M. François Liberti a rappelé que, lors de la lecture devant l'Assemblée nationale, les députés du groupe communiste avaient cherché à amender le projet de loi et a rappelé à ce propos que l'abstention finale du groupe communiste sur l'ensemble du projet de loi lors du vote solennel de l'Assemblée nationale traduisait l'existence d'avancées mais que celles-ci étaient insuffisantes. Toutefois, plusieurs problèmes restent en suspens. Il a donc souhaité que la commission mixte paritaire se consacre à la recherche d'un accord et a considéré que ceux qui prenaient le parti de l'échec avant même que le dialogue ne s'engage ne choisissaient pas la bonne solution.

Il a estimé que les principaux points litigieux portaient sur les dates d'ouverture et de fermeture, sur le principe d'un jour hebdomadaire de non-chasse et sur la mention dans la loi de la liste des départements où la chasse est autorisée. Sur le premier de ces points, il a estimé que l'amendement qui avait été présenté à l'Assemblée nationale par M. Henri Sicre, proposant de définir dans la loi des dates butoir pour la chasse des oiseaux migrateurs, constituait une bonne base de discussion.

Il s'est en revanche opposé à une solution qui consisterait à adopter un texte qui, en matière de dates d'ouverture et de fermeture, renverrait entièrement au décret et ne serait que la simple transposition en droit interne de la directive européenne. Soumettant de surcroît la responsabilité de la décision à l'avis d'un comité scientifique sans qualification particulière, une telle solution favoriserait d'éventuels recours devant la juridiction administrative, intentés par des associations prétendant défendre la nature.

Rappelant que la ministre chargée de défendre et soutenir le projet de loi devant les assemblées parlementaires s'était engagée à ce que la publication du décret fixant les dates de chasse et la promulgation de la loi soient simultanées, il a insisté sur la nécessité de définir au moins dans celle-ci le cadre dans lequel pourra s'exercer le pouvoir réglementaire. Considérant qu'une telle solution pourrait être la base de la recherche d'un compromis, il a estimé qu'une régulation reposant sur la limitation des prélèvements serait préférable à une régulation par les périodes de chasse.

M. Charles de Courson s'est déclaré, au nom de son groupe, favorable à un accord en commission mixte paritaire. Il convient de mettre dans la loi les dates de chasse pour éviter la multiplication des contentieux. Les propositions contenues dans l'amendement de M. Henri Sicre méritent d'être approfondies. Il a jugé inacceptable de ne pas permettre une modulation des dates par espèces et par zones géographiques. Il a rappelé que la directive ne fixait pas de dates mais exigeait de respecter des principes. L'article 10, tel que voté par le Sénat, est conforme à cet esprit. Il existe par ailleurs deux versions d'avant-projet de décret. La ministre a déclaré ne pas se reconnaître dans ces deux textes, mais quel que soit le contenu du décret, il y aura des contentieux. Il a donc invité à rédiger la loi conformément à l'esprit de l'amendement déposé par M. Henri Sicre, ce qui permettrait d'aboutir à un accord. Il a en conclusion estimé possible des concessions y compris pour parvenir à une version « intelligente » du jour de non-chasse.

M. Jacques Desallangre a souligné que négocier était un devoir. En effet, les différents acteurs de ce secteur attendent la poursuite du débat. Il convient donc de saisir cette chance.

M. Christian Bataille a rappelé que le texte voté par l'Assemblée nationale constituait déjà un compromis avec le projet du Gouvernement. Ce texte traduit un équilibre satisfaisant qui permet de prendre en compte les préoccupations des chasseurs et des autres utilisateurs de la nature. Il correspond à une demande profonde de la population.

Concernant la directive européenne, la France se doit d'être exemplaire compte tenu notamment du fait qu'elle présidera l'Union européenne à compter de juillet prochain.

Il s'est déclaré sensible à l'argument de M. François Liberti selon lequel le travail parlementaire devait se poursuivre. Il a rappelé les « points durs » de la négociation relevés par le rapporteur pour le Sénat : la question des dates de chasse, celle du jour de non-chasse et celle du nombre de départements où la chasse de nuit sera légalisée. En ce qui concerne les dates de chasse, il a jugé que la remise en cause par le Sénat du texte voté par l'Assemblée nationale n'était pas acceptable et que le problème du jour de non-chasse était fondamental. Dès lors un accord paraît difficile si l'équilibre du texte est ainsi détruit.

M. Ladislas Poniatowski a d'abord souligné que pour faire aboutir une commission mixte paritaire, il fallait travailler dans un esprit de concessions mutuelles. A cet égard, il a fait observer qu'à retenir une liste de « points-clefs » trop importante - comme l'avait fait le rapporteur de l'Assemblée nationale -, on s'engageait sur la voie de l'échec alors même que les chasseurs avaient envie que les parlementaires trouvent ensemble une solution. Il a considéré qu'un rapprochement entre les deux assemblées était possible sur la quasi totalité des points de divergence existant entre elles, en particulier les dispositions relatives à la liste des départements où se pratique la chasse de nuit, 8 départements supplémentaires au lieu de 11 aurait en effet été acceptable, le gel des installations où cette chasse se pratique, les modalités d'instauration d'un jour de non chasse, les règles de sécurité, les compétences des agents des fédérations ou encore l'instauration d'un fichier unique.

Il a fait valoir que les propositions du Sénat n'étaient pas déraisonnables s'agissant du partage de l'usage des espaces naturels, de la double tutelle et de l'inscription des périodes de chasse dans la loi, souhaitant que la commission se prononce sur ce dernier point
- fondamental - avant d'aborder les autres positions restant en discussion.

M. Christian Jacob exprimant son accord avec les propos de M. Ladislas Poniatowski, a indiqué que si l'on souhaitait que la commission mixte paritaire échoue il fallait, comme le faisait le rapporteur pour l'Assemblée nationale, dresser une longue liste de points non négociables, mais si l'on souhaitait qu'elle aboutisse, ce qui est son cas, il convenait de traiter les points les plus délicats en premier lieu et ensuite les points posant moins de difficultés.

M. Michel Souplet a regretté l'attitude de M. François Patriat, consistant à refuser le dialogue au sein de la commission mixte paritaire, alors que la majorité des sénateurs recherchait une position de consensus sur ce texte.

M. Pierre Ducout, président, a proposé aux membres de la commission de discuter en premier des « points durs », et donc d'examiner les dispositions relatives aux dates de chasse et au jour de non-chasse avant de discuter les autres aspects du texte.

Evoquant les propos de M. Jean François-Poncet, vice-président, sur ses interventions radiophoniques, M. François Patriat, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a fait observer que les Français avaient d'abord été surpris par les votes intervenus au Sénat et que lui-même avait été modéré dans ses déclarations par rapport aux propos que certaines personnes lui avaient tenus.

Il a rappelé que si les relations entre les sénateurs et la ministre avaient été tendues dès l'article 1er et les amendements sur la définition de l'acte de chasse, cela s'expliquait également par le fait que pendant les quatre heures de discussion générale elle avait dû entendre continuellement qu'elle était opposée à la chasse et que les sénateurs n'avaient pas confiance en elle.

Il a ajouté que si les sénateurs avaient voulu un accord en commission mixte paritaire, ils auraient dû voter un texte plus modéré.

Il a conclu en se demandant si les sénateurs étaient bien en phase avec la société française et a maintenu ses exigences sur la quinzaine de points durs dont il a dressé la liste.

M. Gérard Larcher s'est demandé, s'agissant de la fixation par la loi des périodes de chasse aux oiseaux migrateurs, si l'on ne pouvait pas envisager une solution de compromis tendant à légaliser la période allant du 10 août au 10 février, en laissant à l'autorité administrative compétence pour autoriser la chasse de certaines espèces entre le 10 et le 28 février et en instaurant des plans de gestion pour des espèces à surveiller pendant toute la saison de chasse.

M. François Patriat, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a indiqué que sa volonté était de mettre fin aux contentieux. Il a rappelé que les dates votées par le Parlement en 1998 avaient fait l'objet de décisions d'annulation devant les juridictions administratives. Comme l'a indiqué le Conseil d'Etat, la fixation des dates d'ouverture et de fermeture de la chasse relève du pouvoir réglementaire. L'inscription dans la loi de dates échelonnées et extrêmes provoquera systématiquement des contentieux.

Il a souligné le fait que les chasseurs s'appuyaient sur le politique et les opposants à la chasse sur le droit ; et ce sont ces derniers qui ont gagné les contentieux. Il a donc invité les parlementaires à respecter scrupuleusement la décision de la Cour de justice des Communautés européennes du 19 janvier 1994 qui impose d'adopter des dates de clôture de la chasse au gibier d'eau garantissant une protection complète des oiseaux pendant leur migration prénuptiale.

Il a regretté que le Sénat ait décidé de changer la tutelle ministérielle sur la chasse afin de résoudre les problèmes. Il a rappelé que les chasseurs avaient été invités aujourd'hui même au ministère de l'environnement pour discuter, espèce par espèce, des dérogations relatives au temps de chasse ; or, ils ne s'y sont pas rendus.

Il a conclu que sa position consistant à ne pas inscrire de date de chasse dans la loi était intangible et a averti que les partisans de l'absence de vote d'une nouvelle loi s'exposaient à la pérennisation des litiges, au maintien des règles actuelles de chasse à la passée, à l'interdiction absolue de la chasse de nuit et à la fixation d'une période de chasse courant du 1er septembre au 31 janvier.

Mme Anne Heinis, rapporteur pour le Sénat, a rappelé, à propos des dates de chasse aux oiseaux migrateurs, que le contentieux en cours au niveau européen imposait de négocier avec la Commission européenne pour justifier les propositions avancées sur le plan scientifique. Elle a considéré comme très insuffisantes les démarches effectuées jusqu'à présent par le gouvernement français. Evoquant par ailleurs la multiplication des recours intentés contre les arrêtés préfectoraux d'ouverture ou de fermeture de la chasse, elle a considéré qu'au-delà du débat relatif à la compétence du pouvoir réglementaire, les nouvelles dates proposées devaient avant tout être conformes à la directive 79/409 Oiseaux, telle qu'interprétée par l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 19 janvier 1994, pour que cessent les contentieux.

M. Charles de Courson a d'abord tenu à préciser que si l'Union nationale des fédérations départementales des chasseurs et l'association nationale des chasseurs de gibier d'eau ne s'étaient pas rendues à l'invitation de la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, c'est parce qu'elles désavouaient une méthode consistant à ouvrir la concertation avec les chasseurs le matin même de la réunion de la commission mixte paritaire alors que le débat est engagé depuis plusieurs mois. Elles ont d'ailleurs indiqué publiquement les raisons qui les avaient conduites à décliner cette invitation.

Que veulent les parlementaires sur le fond ? Personne ne souhaite adopter un texte contraire à la directive européenne. Or celle-ci fixe des principes et non des dates de chasse. Les termes de la condamnation que notre pays a subi, qui résulte entre autres du fait que la France ne s'est pas défendue, sont pris en compte dans le texte adopté par le Sénat.

On peut discuter des dates de chasse mais on ne peut nier que les dates de migration ou de nidification varient d'un département à l'autre, ce qui signifie que, contrairement à ce que pense la ministre, une modulation des dates de chasse est nécessaire. Que les dates figurent dans la loi ou dans un décret n'a pas de conséquences du point de vue des contentieux communautaires. En revanche, une loi, définissant des dates qui prennent en compte la jurisprudence européenne nous prémunirait contre des contentieux nationaux. Il faut donc s'accorder d'abord sur les dates puis décider dans quel texte celles-ci doivent être inscrites. C'est sur ces deux points qu'il convient de voter.

M. Jean-Claude Lemoine a déclaré rejoindre l'analyse de Mme Anne Heinis, rapporteur pour le Sénat, et a estimé que si les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse étaient renvoyées à un décret, elles feraient systématiquement l'objet de recours, ce qui ne ferait qu'accentuer le caractère conflictuel de la situation. Il s'est donc prononcé en faveur de la formule proposée par M. Charles de Courson et a proposé de procéder à un vote sur le principe d'une inscription des dates dans la loi.

M. Jean-Louis Carrère, évoquant l'amendement déposé par le groupe socialiste à l'article 10, a rappelé les dispositions des articles 34 et 37 de la Constitution, qui ne permettaient de fixer dans la loi que les principes fondamentaux relatifs aux dates de chasse, pour laisser à l'autorité administrative le soin de déterminer ces dernières dans le cadre ainsi fixé.

M. Charles de Courson a signalé que la position de M. Jean-Louis Carrère nécessitait de la part de Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, une déclaration sur les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse. Il a indiqué qu'elle s'y était toujours refusée, quels qu'aient été les groupes politiques qui lui avaient demandé des éclaircissements sur ce point. Il a ajouté que l'article 10 du projet de loi, tel qu'adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, pouvait tout aussi bien être supprimé puisqu'il n'ajoutait rien par rapport aux dispositions de la directive européenne. Il a enfin rappelé que Mme Dominique Voynet avait déclaré qu'elle ne se sentait nullement engagée par l'avant-projet de décret communiqué à la presse.

M. François Patriat, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a précisé que le Conseil d'Etat n'annulait pas la loi mais qu'il la déclarait inapplicable. Il appartient à la Cour de justice des Communautés européennes d'interpréter les directives. Il a ajouté que si le Conseil d'Etat avait contesté la loi votée en 1998, c'était à cause du choix des dates, et que si les dates étaient inscrites dans la loi, le Gouvernement ne serait plus en mesure de négocier à Bruxelles. Il a conclu qu'un compromis sur l'inscription de dates de chasse dans la loi ne serait pas accepté par la majorité de l'Assemblée nationale.

Puis, M. Christian Bataille a demandé une suspension de séance.

M. Jean François-Poncet, vice-président, a souligné la nécessité d'une compatibilité du dispositif adopté, qu'il soit législatif ou réglementaire, avec la directive européenne, tout en rappelant qu'il n'appartenait pas au Conseil d'Etat, lorsqu'il était saisi d'un recours, d'écarter l'application d'une loi au motif qu'elle interviendrait dans le domaine réglementaire. Il a considéré que l'inscription des dates de chasse dans la loi - même si l'on était, dans ce domaine, « sur le fil du rasoir » - était la meilleure formule pour aboutir à une solution satisfaisante.

M. Gérard Larcher a attiré l'attention de la commission mixte paritaire sur le fait qu'au niveau communautaire, les textes intervenant en matière d'environnement relevaient désormais de la procédure de codécision avec le Parlement. Il a considéré que les propositions contenues dans le rapport Van Putten étaient désormais dépassées. Sur le fond, il a souligné tout l'intérêt de l'instauration de plans de gestion, ou d'une clause de sauvegarde pour certaines espèces d'oiseaux migrateurs nécessitant une surveillance particulière.

M. Pierre Ducout, président, a suspendu la séance.

A la reprise de la réunion, M. Pierre Ducout, président, a noté qu'une divergence majeure opposait les membres de la commission mixte paritaire sur le point d'inclure ou non les dates de chasse dans la loi. Il a relevé que l'esprit des commissions mixtes paritaires était de parvenir à un texte qui puisse ensuite être adopté dans les mêmes termes par chacune des deux assemblées.

M. Jean François-Poncet, vice-président, a demandé que la commission se prononce par un vote sur la question de l'inscription des dates de chasse dans la loi, considérant que le refus du président de procéder à un tel vote sous prétexte que les deux assemblées ne seraient pas d'accord constituerait un précédent d'une particulière gravité.

M. Pierre Ducout, président, a réitéré ses propos précédents.

M. Charles de Courson a rappelé que la finalité d'une commission mixte paritaire était de proposer un texte commun aux deux assemblées mais qu'elle ne votait pas elle-même la loi. Dès lors, rappelant que le problème central était d'inclure ou non dans la loi tout ou partie des dates d'ouverture et de fermeture de la chasse, il a demandé que le président fasse procéder au vote de la commission mixte paritaire sur cette question.

M. Pierre Ducout, président, a réaffirmé que le texte issu d'un accord au sein d'une commission mixte paritaire devait pouvoir être par la suite adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées et nécessite donc, outre une majorité en son sein, une majorité dans chacune d'elle.

M. Jean-Claude Lemoine a estimé que, s'il existe une commission mixte paritaire, c'est pour qu'elle s'exprime et se décide dans son ensemble.

M. Christian Jacob a considéré que la position du président sur l'appréciation des votes était arbitraire et constituait une interprétation fallacieuse des textes. Il a indiqué qu'à sa connaissance jamais une commission mixte paritaire n'avait été conduite dans de telles conditions. Si, en effet, les voix au sein de la commission mixte paritaire devaient être décomptées par délégations, il ne voyait pas quelle serait alors l'utilité d'une telle institution.

M. Christian Bataille a souhaité qu'il soit fait droit à la demande de vote exprimée par M. Charles de Courson.

A l'issue du débat, M. Pierre Ducout, président, a soumis au vote la question de savoir si le texte de la commission mixte paritaire devait fixer tout ou partie des dates d'ouverture et de fermeture de la chasse.

La commission mixte paritaire a rejeté cette proposition, les voix ayant été également partagées (sept voix contre sept). En conséquence, le président a constaté l'échec de la commission mixte paritaire.


© Assemblée nationale