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le 20 décembre 2000

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N° 2762

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 29 novembre 2000.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR LES PROJET DE LOI, ADOPTÉS PAR LE SÉNAT,

- autorisant l'approbation des amendements à la Convention pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution,

- autorisant l'approbation des amendements au Protocole relatif à la protection de la mer Méditerranée contre la pollution d'origine tellurique,

- autorisant l'approbation du Protocole relatif aux aires spécialement protégées et à la diversité biologique en Méditerranée (ensemble trois annexes adoptées à Monaco le 24 novembre 1996),

- autorisant l'approbation des amendements au Protocole relatif à la prévention de la pollution de la mer Méditerranée par les opérations d'immersion effectuées par les navires et aéronefs,

PAR M. CHARLES EHRMANN,

Député

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 15, 16, 17, 18, 266 et T.A. 122, 123, 124, 125 (1999-2000)

Assemblée nationale : 2419, 2420, 2421, 2422

Traités et conventions

La Commission des affaires étrangères est composée de : M. François Loncle, président ; M. Gérard Charasse, M. Georges Hage, M. Jean-Bernard Raimond, vice-présidents ; M. Roland Blum, M. Pierre Brana, Mme Monique Collange, secrétaires ; Mme Michèle Alliot-Marie, Mme Nicole Ameline, M. René André, Mme Marie-Hélène Aubert, Mme Martine Aurillac, M. Édouard Balladur, M. Raymond Barre, M. Dominique Baudis, M. Henri Bertholet, M. Jean-Louis Bianco, M. André Billardon, M. André Borel, M. Bernard Bosson, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Hervé de Charette, M. Yves Dauge, M. Jean-Marie Demange, M. Xavier Deniau, M. Paul Dhaille, Mme Laurence Dumont, M. Jean-Paul Dupré, M. Charles Ehrmann, M. Jean-Michel Ferrand, M. Raymond Forni, M. Georges Frêche, M. Michel Fromet, M. Jean-Yves Gateaud, M. Jean Gaubert, M. Valéry Giscard d'Estaing, M. Jacques Godfrain, M. Pierre Goldberg, M. François Guillaume, M. Jean-Jacques Guillet, M. Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, M. Didier Julia, M. Alain Juppé, M. André Labarrère, M. Gilbert Le Bris, M. Jean-Claude Lefort, M. Guy Lengagne, M. François Léotard, M. Pierre Lequiller, M. Alain Le Vern, M. Bernard Madrelle, M. René Mangin, M. Jean-Paul Mariot, M. Gilbert Maurer, M. Jean-Claude Mignon, Mme Louise Moreau, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, M. Étienne Pinte, M. Marc Reymann, M. François Rochebloine, M. Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, M. René Rouquet, M. Georges Sarre, M. Henri Sicre, M. Frantz Taittinger, Mme Christiane Taubira-Delannon, M. Michel Terrot, Mme Odette Trupin, M. Joseph Tyrode, M. Michel Vauzelle.

SOMMAIRE

___

INTRODUCTION 5

I - LA POLLUTION EN MÉDITERRANÉE : UN RÉEL SUJET D'INQUIÉTUDE 7

A - LA MÉDITERRANÉE, UN MILIEU FRAGILE 7

1) Une mer vulnérable 7

2) Etat des lieux de la pollution en Méditerranée 8

B - UNE COOPÉRATION INTERNATIONALE NÉCESSAIRE 9

1) Le dispositif de Barcelone 9

2) Des réalisations dans le cadre du Plan d'actions pour la Méditerranée     (PAM) 10

II - LE NOUVEAU DISPOSITIF CONVENTIONNEL DE PROTECTION
     DE LA MÉDITERRANÉE
11

A - LA PRISE EN COMPTE DES AVANCÉES DU DROIT INTERNATIONAL DE       L'ENVIRONNEMENT : UN EFFET PLUS DÉCLARATIF QUE NORMATIF
      POUR LA FRANCE
11

1) Un dispositif juridique plus ambitieux 11

2) Pour la France, une ratification plus importante politiquement
    que juridiquement 12

B - LES INCIDENCES CONCRÈTES POUR LA FRANCE 14

1) L'interdiction de l'immersion des navires 14

2) La création des aires spécialement protégées en Méditerranée 14

CONCLUSION 16

EXAMEN EN COMMISSION 17

Mesdames, Messieurs,

Alors que les accidents récents de l'Erika dans l'Atlantique ou du Ievoli sun dans la Manche nous ont fait prendre conscience une fois de plus de la fragilité des milieux marins face aux activités humaines, il faut s'imaginer les conséquences qu'auraient de telles catastrophes en Méditerranée, mer semi-fermée et où les marées sont pratiquement absentes. Le naufrage en décembre dernier, quelques jours après celui de l'Erika, du pétrolier russe Volgoneft 248 dans le Bosphore a d'ailleurs rappelé que le trafic des pétroliers en Méditerranée est intense. En effet la Méditerranée, bijou du patrimoine de notre planète, est aussi une voie de passage et un « déversoir » de toutes les activités humaines de ses riverains. Elle est donc une mer particulièrement vulnérable.

Cette évidence a conduit les pays riverains de la Mer Méditerranée à mettre en place un dispositif juridique de protection de l'environnement par l'adoption d'une convention pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution en 1976 et de protocoles plus spécialisés. Ces textes ont été modifiés en 1995 et 96 afin de les rendre plus efficaces. Ce sont donc les projets de loi autorisant l'approbation des amendements à ces conventions que nous devons examiner.

I - LA POLLUTION EN MÉDITERRANÉE :
UN RÉEL SUJET D'INQUIÉTUDE

A - La Méditerranée, un milieu fragile

1) Une mer vulnérable

La Mer Méditerranée est unique, elle n'est pas la seule « mer au milieu des terres », mais elle a des caractéristiques particulières qui expliquent sa vulnérabilité. Elle est fragile tout d'abord pour des raisons qui tiennent à sa géographie. Située entre l'Europe, le Proche-Orient et l'Afrique, la Méditerranée est une mer semi-fermée de 2,5 millions de kilomètres carrés, qui communique avec l'Océan Atlantique par l'étroit détroit de Gibraltar, 14 kilomètres de large, et avec la Mer Rouge depuis l'ouverture du canal de Suez en 1869. Il résulte de ces données une absence presque totale des marées, donc un faible brassage des eaux et une relative pauvreté du milieu marin qui rendent la Méditerranée très sensible à la pollution. En outre parfois qualifiée de « gigantesque machine évaporatoire » la Méditerranée voit son déficit hydrologique comblé par des courants venant de l'Atlantique, il y a donc peu de courants « évacuant » les eaux de la Méditerranée vers l'extérieur. De par sa disposition géographique, la Méditerranée est fortement tributaire de l'action humaine.

En effet, sa fragilité tient aussi à des raisons humaines. Ce corridor maritime est un lieu de carrefour, de rencontres parfois, mais aussi souvent de confrontations. Mer de l'Antiquité, la Méditerranée, mare nostrum de l'empire romain, a perdu depuis lors son unité. Elle cesse même d'être le centre du monde suite aux grandes découvertes des XVème et XVIème siècle, même si l'ouverture du canal de Suez lui redonne une certaine importance. En fait, la Méditerranée est le lieu de jonction de plusieurs civilisations, de différentes religions, et plus particulièrement aujourd'hui du « Nord » industriel et prospère et du « Sud » en retard de développement et en croissance démographique accélérée. La population des pays méditerranéens devrait en effet passer de 200 à 600 millions d'habitants entre 1950 et 2050, dont 400 millions dans les pays du sud, contre moins de 100 millions un siècle plus tôt. Ces disparités économiques entre les pays du Nord et du Sud - de 1 à 15 en ce qui concerne le revenu par habitant - menacent la stabilité de la région et soumettent la Méditerranée à une pression croissante des activités humaines.

De plus, la Méditerranée est la première région touristique du monde avec 200 millions de touristes, soit un tiers du nombre de touristes annuel. Or, on sait les dégâts que le développement du tourisme peut faire à l'environnement. Ainsi, au total, la Méditerranée, qui occupe seulement 0,6 % de la superficie totale des mers, joue un rôle sans commune mesure avec sa taille, elle concentre par exemple le tiers du trafic pétrolier mondial.

2) Etat des lieux de la pollution en Méditerranée

Confrontée donc à de nombreux périls, la Méditerranée est effectivement une mer polluée, mais il convient de distinguer la situation du large de celle du littoral.

Au large, d'après le réseau de surveillance continue de la pollution MED-POL, « les eaux et les sédiments sont d'une qualité relativement acceptable, que l'on peut comparer à celle de la haute mer dans les océans ». Contrairement à la mer du Nord ou à la Baltique, la Méditerranée est d'une grande profondeur - 1500 mètres en moyenne avec un maximum de 5150 mètres en mer de Crète - , ce qui compense en partie son enclavement dans les terres. Il est vrai que la ressource halieutique se raréfie et que certaines espèces disparaissent (phoque moine, tortues marines...), mais cela s'explique par une pêche à outrance.

En revanche, les littoraux sont victimes d'une pollution importante. A plus de 80 %, la pollution en Méditerranée est d'origine tellurique, c'est-à-dire constituée de rejets en provenance du littoral et des cours d'eau. Eaux usées, déchets industriels, domestiques et agricoles se retrouvent chaque année en Méditerranée avec des conséquences désastreuses : prolifération d'algues, fragilisation des zones deltaïques, des étangs et des lagunes, mauvaise qualité des eaux de baignade à proximité des zones les plus touchées... Il faut savoir en outre que seules 50 à 60 % des villes côtières de la Méditerranée sont desservies par une station d'épuration. Enfin, le risque le plus grand pour l'environnement des littoraux, et pour lequel les conventions internationales ne pourront rien, tient à l'aménagement souvent anarchique des côtes, bétonnées pour l'accueil des touristes ou pour faire face à une urbanisation croissante au Sud. Outre des conséquences paysagères évidentes, un tel phénomène a pour effet de détruire des écosystèmes.

La pollution provoquée par les navires ne représente que 20 % des rejets polluants en Méditerranée, soit environ 800 000 tonnes chaque année pour les hydrocarbures. Cependant, le quart des rejets d'hydrocarbures dans le monde concerne la Méditerranée ; de plus il s'agit d'un genre de pollution variable dans le temps, mais susceptible de causer de façon localisée des dégâts considérables. En effet les quantités de pétrole issues de marées noires sont très irrégulières, comme le montre le tableau ci-après. Mais lorsqu'une marée noire survient, l'impact sur la faune et la flore est immense, la Méditerranée a d'ailleurs connu dans la dernière décennie quelques marées noires de première importance, ainsi le naufrage du pétrolier Haven en avril 1991 dans le golfe de Gênes a durablement pollué la côte ligure.

Quantité de pétrole répandue en Méditerranée à la suite d'accidents

Année

Pétrole déversé (en tonnes)

1990

1357

1991

12895

1992

2527

1993

2288

1994

424

1995

12

1996

41

1997

1270

1998

1279

1999

7

Source : REMPEC

B - Une coopération internationale nécessaire

1) Le dispositif de Barcelone

La vulnérabilité connue de la Méditerranée explique largement que le Plan des Nations Unies pour l'environnement, créé en 1972, ait choisi cette mer comme l'un de ses premiers terrains d'intervention. En effet, le PNUE convoque en 1975 à Barcelone une conférence intergouvernementale sur la protection de la Méditerranée qui débouche sur l'adoption du Plan d'actions pour la Méditerranée (PAM), ce qui révèle un début de prise de conscience par les 18 Etats signataires que la Méditerranée est leur bien commun et que sa protection ne peut que passer par l'adoption de règles communes et par une coopération entre les riverains, particulièrement entre ceux du Sud et du Nord, d'où la présence dans le PAM d'un volet socio-économique.

Dès 1976, cette initiative trouve une application concrète avec la signature de la convention de Barcelone sur la protection de la Méditerranée. Certes cette dernière est très générale mais elle est accompagnée par six protocoles, notamment le protocole contre la pollution d'origine tellurique adopté en 1980 et le protocole relatif à la prévention de la pollution par les opérations d'immersion effectuées par les navires et aéronefs adopté en même temps que la convention de Barcelone.

2) Des réalisations dans le cadre du Plan d'actions pour la Méditerranée (PAM)

L'intérêt principal du PAM est de ne pas se contenter d'être une structure pour l'adoption de conventions internationales plus ou moins bien respectées, mais aussi d'avoir prévu la mise en place d'un dispositif permanent. En effet le PAM dispose d'un secrétariat à Athènes et de sept centres d'activités régionales spécialisés1. Ainsi, le PAM ne se contente pas d'une approche sectorielle de lutte contre la pollution mais cherche à mettre en _uvre une planification et une gestion intégrées des régions côtières, en appliquant le principe du développement durable.

Le Plan Bleu basé à Sophia-Antipolis par exemple apporte une assistance technique aux pays méditerranéens pour la mise en place d'observatoires de l'environnement et il assure une mission de prospective sur le thème « environnement et développement durable » en Méditerranée. Cependant, ses réalisations concrètes restent modestes, son budget global s'élève à 10 millions de francs, financés par la France. D'ailleurs plus globalement, l'ensemble des fonds destinés au PAM ne se monte qu'à 35 millions de francs, dont 33 % fournis par la France.

II - LE NOUVEAU DISPOSITIF CONVENTIONNEL
DE PROTECTION DE LA MÉDITERRANÉE

A - La prise en compte des avancées du droit international de l'environnement : un effet plus déclaratif que normatif pour la France

1) Un dispositif juridique plus ambitieux

Afin de tenir compte des avancées intervenues dans le droit international de l'environnement depuis 1976, les Parties à la convention pour la protection de la Méditerranée contre la pollution se sont réunies en 1995 et 1996 pour modifier ladite convention et trois de ses protocoles.

La convention pour la protection de la Méditerranée contre la pollution a été modifiée par des amendements adoptés à Barcelone le 10 juin 1995. Ils ont donc pour principal objet d'introduire les nouveaux principes issus notamment de la Conférence de Rio sur l'environnement de 1992, comme le principe de précaution, le principe pollueur-payeur... Si la convention révisée étend les obligations des signataires dans un certain nombre de domaines en terme d'élimination de la pollution, et non plus simplement de réduction, la mise en _uvre concrète de ce nouveau principe continue de relever des protocoles spécialisés.

Le protocole relatif à la protection de la mer Méditerranée contre la pollution d'origine tellurique a ainsi été modifié à Syracuse le 7 mars 1996. Les amendements reprennent tout d'abord les modifications de la convention-cadre. Ils prévoient également l'interdiction progressive, et non plus simplement la réduction, de 12 substances (dérivés du chlore, métaux lourds...) ainsi que l'élimination des polluants dans les principaux secteurs industriels. Une autre grande innovation est la prise en compte pour l'élimination des polluants de l'ensemble du bassin hydrologique de la Méditerranée, et non plus simplement de la bande côtière. Il s'agit d'un grand progrès car certains fleuves qui se jettent dans la Méditerranée, comme le Rhône ou le Pô, traversent des régions particulièrement industrialisées. Enfin un autre point intéressant réside dans l'engagement qu'ont pris les pays développés de mettre à disposition des pays plus pauvres les technologies ultramodernes d'élimination des déchets polluants et leurs connaissances sur les procédés de production dits « propres ».

Le protocole relatif à la prévention et à l'élimination de la pollution de la mer Méditerranée par les opérations d'immersion effectuées par les navires et aéronefs a été modifié à Barcelone le 10 décembre 1995. Il pose là aussi un principe général d'interdiction des immersions. Les exceptions sont les navires jusqu'au 31 décembre 2000, les matériaux de dragage, les plates-formes, en l'absence d'objets polluants. On peut regretter cette dernière exception, qui n'a pas été acceptée dans le cadre de la convention sur la protection de l'Atlantique du Nord-Est. Certes, en mer du Nord, les activités offshore sont bien plus développées qu'en Méditerranée et la profondeur moyenne y est moins élevée.

Le protocole relatif aux aires spécialement protégées et à la diversité biologique en Méditerranée est venu compléter le dispositif juridique de Barcelone ; il a été adopté le 10 juin 1995 et complété le 24 novembre 1996 à Monaco. Il remplace un protocole de 1982 qui ne concernait que les eaux territoriales des Etats signataires. Les aires spécialement protégées de protection du patrimoine méditerranéen (ASPIM) gagneront ainsi une véritable cohérence. En effet, favoriser la coordination entre Etats pour la création de telles aires en s'arrêtant à la limite des eaux territoriales, 12 milles, avait un intérêt limité. Le protocole a également pour objet de protéger la biodiversité, des listes d'espèces menacées ont ainsi été établies.

L'ensemble du dispositif ainsi rénové est plus exigeant, cependant il reste soumis à la bonne volonté des Etats signataires. C'est là la limite d'un système qui a privilégié une approche globale et donc réduite dans ses résultats : la règle du consensus rend les avancées particulièrement difficiles dans un cadre comprenant 20 pays aux niveaux de développement très différents et parfois politiquement antagonistes, des pays aussi opposés que la Libye et Israël sont par exemple signataires de la convention de Barcelone.

2) Pour la France, une ratification plus importante politiquement que juridiquement

Nécessairement limitées dans leurs ambitions, les différentes conventions dont nous devons autoriser la ratification auront peu d'incidence sur notre ordre juridique interne. En effet, la prise de conscience de la nécessaire protection de notre environnement, et plus particulièrement de la mer Méditerranée, est déjà assez ancienne, elle s'est traduite par un renforcement considérable de notre législation.

En ce qui concerne la pollution tellurique, les premières grandes lois de protection de l'environnement intervenues au milieu des années 1970 - par exemple la loi du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets ou la loi du 15 juillet 1976 relative aux installations classées - ont mis en place un dispositif rigoureux de lutte contre ce type de pollution comprenant un volet pénal, renforcé encore par la loi sur l'eau du 3 janvier 1992. De plus, la France est également soumise aux nombreuses directives communautaires qui traitent de ce sujet.

En matière de pollution résultant d'opérations d'immersion en mer, la France possède un texte qui réprime les infractions en la matière, la loi du 7 juillet 1976 relative à la prévention et à la répression de la pollution de la mer par les opérations d'immersion et à la lutte contre la pollution marine accidentelle. Le dispositif prévu par cette loi devra néanmoins être légèrement modifié (Cf. II B-1.).

Enfin, dans le domaine de la protection des aires d'intérêt écologique, la France possède depuis déjà longtemps des instruments variés, parcs nationaux, parcs naturels régionaux, espaces du Conservatoire du littoral, sites classés... Certes, le statut d'aires spécialement protégées d'importance méditerranéenne concerne plus spécialement les zones les plus exceptionnelles d'un point de vue écologique, mais il ne semble pas apporter un degré de protection supplémentaire par rapport aux statuts existants. En revanche, il est particulièrement bien adapté pour les zones écologiques relevant de plusieurs souverainetés ou s'étendant au-delà des eaux territoriales (Cf. II B-2).

Pour autant, la ratification de ces conventions est importante pour la France. En effet, si elles ne modifient pas notre ordonnancement juridique, elles renforcent les règles applicables pour de nombreux pays qui n'ont pas une législation aussi avancée en matière d'environnement. Ces pays restent moins polluants que les pays industrialisés du Nord mais leur développement industriel est encore à faire, ce qui constitue à terme un risque d'accroissement de la pollution. D'ores et déjà, les pays de la rive sud de la Méditerranée sont à l'origine de 30 % de la pollution tellurique alors qu'ils ne produisent que 15 % de la production industrielle méditerranéenne. La France fournit des efforts importants pour protéger l'environnement comme le montre donc son arsenal législatif en la matière, mais si ses efforts ne sont pas relayés par les autres riverains de cette mer semi-fermée, ils perdront beaucoup de leur utilité. De plus il est souhaitable que la politique exigeante de planification de l'espace menée par la France ne constitue pas un handicap par rapport à des pays plus laxistes, notamment en ce qui concerne le tourisme.

Il est important que ces conventions entrent en _uvre rapidement afin de permettre un développement durable en Méditerranée. En tant que principal financeur du Plan d'actions pour la Méditerranée, la France doit être exemplaire et donc procéder rapidement à la ratification de ces conventions qui n'entreront en vigueur que lorsque trois quarts des Parties auront déposé leurs instruments de ratification 2.

B - Les incidences concrètes pour la France

1) L'interdiction de l'immersion des navires

L'entrée en vigueur en France des amendements apportés au protocole immersion obligera néanmoins à une adaptation de la loi du 7 juillet 1976 relative aux immersions. En effet, cette loi prévoit un régime d'autorisation préalable alors que le protocole définit un principe général d'interdiction, comportant cependant quelques exceptions. Sur le fond, notre système de prévention contre la pollution par immersion ne sera donc pas modifié, même si le passage d'un régime d'autorisation à un régime d'interdiction générale constitue un signal politique réel.

2) La création des aires spécialement protégées en Méditerranée

Comme nous l'avons dit, la France n'a pas attendu la signature du protocole sur les aires spécialement protégées d'importance méditerranéenne (ASPIM) pour protéger plus particulièrement certaines zones d'intérêt écologique remarquable. Mais l'avantage important des ASPIM est de permettre la mise en place de zones protégées entre plusieurs pays s'imposant en outre aux autres pays signataires. Cette dernière précision est d'autant plus importante que dans le protocole de 1995, contrairement à celui de 1982, les aires de protection ne sont pas cantonnées aux eaux territoriales.

Ainsi, le cadre juridique de l'ASPIM semble tout à fait adéquat par exemple pour le projet de création d'un sanctuaire pour les mammifères marins en Méditerranée dans le bassin corso-liguro-provençal. En effet, ce projet déjà ancien dont les prémices datent de 1992, a débouché sur la signature d'un accord entre la France, l'Italie et Monaco en novembre 1999. Il a été approuvé en mai 2000 par Monaco et en juin par la France. La région concernée par l'accord est délimitée par Toulon, la Sardaigne et le sud de la Toscane ; elle abriterait environ 1 000 baleines, 125 000 dauphins. Malheureusement ces espèces déjà très fragiles se concentrent dans une zone particulièrement perturbée de la Méditerranée où sévissent pollution marine, trafic maritime intense, pêche industrielle et filets dérivants pirates. Ces populations constituent une richesse biologique exceptionnelle qu'il convient de protéger au-delà des frontières. L'accord témoigne d'une démarche novatrice visant à concilier évolution des espèces, maintien des usages traditionnels de la mer et exploitation de ses ressources. Pour atteindre cet objectif le statut d'ASPIM donnerait beaucoup plus de poids au futur sanctuaire des crustacés qu'un simple accord tripartite.

En ce qui concerne la France d'autres projets pourraient utilement bénéficier du statut d'ASPIM, notamment le projet de Parc international marin des bouches de Bonifacio. Ce projet montre cependant les limites de la méthode : d'ores et déjà la France et l'Italie interdisent le passage dans la zone de tankers battant l'un de leurs pavillons, mais les bouches de Bonifacio sont un détroit international, et à ce titre libres à la navigation de tous les autres navires, notamment ceux battant pavillon de complaisance. Dans le domaine de la pollution marine, la coopération régionale ne peut seule régler les problèmes qui se posent dans la mesure où la Méditerranée est une mer ouverte.

CONCLUSION

Dans les débats européens, la nécessité d'aider les pays d'Europe centrale et orientale conduit malheureusement trop souvent à oublier le monde méditerranéen. Pourtant cette région connaît une fracture inquiétante et croissante entre un Nord prospère et vieillissant et un Sud pauvre et en croissance démographique accélérée. Ce phénomène est porteur de risques, notamment pour l'environnement. Ainsi la coopération entre les Etats riverains de la Méditerranée est une absolue nécessité dans ce domaine. Mêmes insuffisantes, des conventions de protection contre la pollution comme celles qui nous sont soumises peuvent y contribuer.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 29 novembre 2000.

Après l'exposé du Rapporteur, le Président François Loncle a regretté que, si la France et l'Italie sont en pointe, malheureusement les autres pays soient en retard sur ce sujet.

M. Charles Ehrmann a regretté que bien souvent au Conseil de l'Europe les problèmes de la Méditerranée ne soient pas abordés et que toute l'attention soit réservée à l'Europe centrale et aux Balkans. Pourtant la Méditerranée vit une évolution démographique majeure très inquiétante pour l'avenir. On peut d'ailleurs craindre que les pays du Sud n'aient pas les moyens d'appliquer strictement les conventions de protection de la Méditerranée contre la pollution.

Le Président François Loncle a insisté sur la nécessité d'une coopération internationale forte vis-à-vis des pays du Sud de la Méditerranée et a fait référence au programme MEDA. Il a cité l'exemple d'Alexandrie qui n'a pas de station d'épuration et où la baignade n'est pas possible à moins de 50 kilomètres.

M. Pierre Brana a fait remarquer que, hormis l'Italie, Monaco et la France, d'autres pays faisaient également des efforts.

M. Charles Ehrmann a insisté sur l'avance de la France en matière de protection de l'environnement méditerranéen. Il a notamment rappelé le travail remarquable du Conservatoire national du littoral, dont il a longtemps fait partie, pour préserver les paysages.

Le Président François Loncle a cependant regretté que ce ne soit pas le cas de tous hélas.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté les projets de loi (nos 2419, 2420, 2421 et 2422).

* *

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, les présents projets de loi.

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NB : Les textes des amendements et protocoles figurent en annexe aux projets de loi (nos 2419,2420,2421 et 2422).

1 Le Plan Bleu est installé à Sophia-Antipolis, le programme d'actions prioritaires à Split, le centre d'activités pour les aires spécialement protégées à Tunis, le centre régional méditerranéen pour l'intervention d'urgence contre la pollution maritime accidentelle (REMPEC) à Malte, le centre d'activités pour la production propre à Barcelone, le centre d'activités de télédétection de l'environnement à Palerme et le secrétariat des 100 sites historiques à Marseille.

2 Au 2 octobre 2000, 8 Parties ont ratifié les amendements à la convention sur la protection de la mer Méditerranée contre la pollution (Communauté européenne, Croatie, Egypte, Espagne, Italie, Malte, Monaco, Tunisie), 9 les amendements au protocole immersion (les mêmes plus le Maroc), 7 les amendements au protocole tellurique (les mêmes moins la Croatie et l'Egypte), 8 ceux au protocole ASPIM (les mêmes plus l'Egypte).


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