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le 27 juillet 1998

N° 1058

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 juillet 1998.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES (1) SUR LE PROJET DE LOI d’orientation agricole (n° 977),

PAR M. FRANÇOIS PATRIAT,

Député.

——

TOME I

DISCUSSION GÉNÉRALE

EXAMEN DES ARTICLES

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Agriculture.

La commission de la production et des échanges est composée de : M. André Lajoinie, président ; MM. Jean-Paul Charié, Jean-Pierre Defontaine, Pierre Ducout, Jean Proriol, vice-présidents ; MM. Léonce Deprez, Patrick Ollier, Daniel Paul, Patrick Rimbert, secrétaires ; MM. Jean-Pierre Abelin, Jean-Claude Abrioux, Stéphane Alaize, Damien Alary, André Angot, François Asensi, Henri d'Attilio, Jean-Marie Aubron, Pierre Aubry, Jean Auclair, Jean-Pierre Balduyck, Jacques Bascou, Mme Sylvia Bassot, MM. Christian Bataille, Jean Besson, Gilbert Biessy, Claude Billard, Claude Birraux, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Franck Borotra, Christian Bourquin, Mme Danièle Bousquet, MM. François Brottes, Marcel Cabiddu, Alain Cacheux, Dominique Caillaud, André Capet, Laurent Cathala, Jean-Paul Chanteguet, Jean Charroppin, Philippe Chaulet, Jean-Claude Chazal, Daniel Chevallier, Pierre Cohen, Alain Cousin, Yves Coussain, Jean-Michel Couve, Jean-Claude Daniel, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Decaudin, Eric Doligé, François Dosé, Jean-Pierre Dufau, Marc Dumoulin, Dominique Dupilet, Philippe Duron, Jean-Claude Etienne, Laurent Fabius, Alain Fabre-Pujol, Albert Facon, Alain Ferry, Jean-Jacques Filleul, Jacques Fleury, Nicolas Forissier, Roland Francisci, Claude Gaillard, Robert Galley, Claude Gatignol, André Godin, Alain Gouriou, Joël Goyheneix, Michel Grégoire, Gérard Grignon, Hubert Grimault, Lucien Guichon, Gérard Hamel, Patrick Herr, Claude Hoarau, Elie Hoarau, Robert Honde, Christian Jacob, Claude Jacquot, Mme Janine Jambu, MM. Aimé Kergueris, Jean Launay, Thierry Lazaro, Patrick Lemasle, Jean-Claude Lemoine, Jacques Le Nay, Jean-Claude Lenoir, Arnaud Lepercq, René Leroux, Roger Lestas, Alain Le Vern, Félix Leyzour, Michel Liebgott, Lionnel Luca, Jean-Michel Marchand, Daniel Marcovitch, Alain Marleix, Daniel Marsin, Philippe Martin, Jacques Masdeu-Arus, Roger Meï, Roland Metzinger, Pierre Micaux, Yvon Montané, Gabriel Montcharmont, Jean-Marie Morisset, Bernard Nayral, Jean-Paul Nunzi, Joseph Parrenin, Paul Patriarche, François Patriat, Germinal Peiro, Jacques Pélissard, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Annette Peulvast-Bergeal, MM. Serge Poignant, Ladislas Poniatowski, Bernard Pons, Jacques Rebillard, Jean-Luc Reitzer, Gérard Revol, Mme Marie-Line Reynaud, M. Jean Rigaud, Mme Michèle Rivasi, MM. Jean Roatta, André Santini, Joël Sarlot, Georges Sarre, Mme Odile Saugues, MM. François Sauvadet, Bernard Schreiner, Jean-Claude Thomas, Léon Vachet, Daniel Vachez, François Vannson, Michel Vaxès, Michel Vergnier, Alain Veyret, Gérard Voisin, Roland Vuillaume.

INTRODUCTION 11

TRAVAUX DE LA COMMISSION 19

I.— AUDITIONS 19

A.— AUDITION DE M. LOUIS LE PENSEC, MINISTRE DE L’AGRICULTURE ET DE LA PÊCHE 19

B.— AUDITION DE M. JEAN PINCHON, PRÉSIDENT DE L’INSTITUT NATIONAL DES APPELLATIONS

D’ORIGINE (INAO) 34

C.— AUDITION DE M. JEAN-FRANÇOIS HERVIEU, PRÉSIDENT DE L’ASSEMBLÉE PERMANENTE

DES CHAMBRES D’AGRICULTURE (APCA) 42

D.— AUDITION DE M. MARC BUÉ, PRÉSIDENT DE LA CONFÉDÉRATION NATIONALE

DE LA MUTUALITÉ, DE LA COOPÉRATION ET DU CRÉDIT AGRICOLE (CNMCCA) ET DE

M. JOSEPH BALLÉ, PRÉSIDENT DE LA CONFÉDÉRATION FRANÇAISE DE LA COOPÉRATION

AGRICOLE (CFCA) 49

E.— AUDITION DE M. FRANÇOIS DUFOUR, PORTE-PAROLE DE LA CONFÉDÉRATION PAYSANNE 61

F.— AUDITION DE M. RAYMOND GIRARDI, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA CONFÉDÉRATION

NATIONALE DES SYNDICATS D’EXPLOITANTS FAMILIAUX (MODEF) 67

G.— AUDITION DE M. DOMINIQUE CHARDON, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA FÉDÉRATION

NATIONALE DES SYNDICATS D’EXPLOITANTS AGRICOLES (FNSEA) 73

H.— AUDITION DE M. PASCAL COSTE, PRÉSIDENT DU CENTRE NATIONAL DES JEUNES

AGRICULTEURS (CNJA) 80

I.— AUDITION DE M. JACQUES LAIGNEAU, PRÉSIDENT DE LA COORDINATION RURALE 86

J.— AUDITION DE M. ROGER PERRET, SECRÉTAIRE DE LA FÉDÉRATION NATIONALE AGRO-

ALIMENTAIRE ET FORESTIÈRE (FNAF-CGT) 90

K.— AUDITION DE M. GILBERT CAPP, SECRÉTAIRE NATIONAL DE LA FÉDÉRATION GÉNÉRALE

AGRO-ALIMENTAIRE (FGA-CFDT) 95

L.— AUDITION DE MME MARIE-JOSÉ NICOLI, PRÉSIDENTE DE L’UNION FÉDÉRALE DES

CONSOMMATEURS (UFC) 98

II.— DISCUSSION GÉNÉRALE 107

III.— EXAMEN DES ARTICLES 115

Article premier : Objectifs de la politique agricole 115

Article additionnel après l’article 1er : Rapport sur la revalorisation

des retraites agricoles 123

Après l’article 1er  124

TITRE I – LES CONTRATS TERRITORIAUX D’EXPLOITATION 125

Article 2 (article L. 331-3 du code rural) : Création du contrat territorial

d’exploitation 147

a) le contenu de l’article 2 147

b) les travaux de la commission sur l’article 2 150

Article 3 (article L. 331-4 du code rural) : Création d’un fonds de financement

des contrats territoriaux d’exploitation 157

Article 4 (article L. 341-1 du code rural) : Articulation des aides publiques avec les

contrats territoriaux d’exploitation 159

Article additionnel après l’article 4 (article L. 341-2 du code rural) : Aide financière

de l’Etat aux agriculteurs pluriactifs s’installant en société 161

Article additionnel après l’article 4 (article L. 341-4 du code rural) : Dispense d’une

condition d’agrandissement de l’exploitation en cas d’installation des jeunes 161

Article 5  (article L. 313-1 du code rural) : Reconnaissance d’un pouvoir d’avis aux

commissions départementales d’orientation de l’agriculture 162

TITRE II – EXPLOITATIONS ET PERSONNES 165

CHAPITRE IER : L’EXPLOITATION AGRICOLE 165

Article 6 (article L. 311-1 du code rural) : Définition des activités agricoles 166

Article 7 (article L. 311-2 du code rural) : Registre de l’agriculture 170

Article additionnel après l’article 7 (article L. 311-5 du code rural) : Définition

de l’exploitant agricole 172

Article 8 (article L. 411-1 du code rural) : Champ d’application du statut du fermage 172

Article 9 (article L. 411-27 du code rural) : Protection du preneur appliquant des

méthodes culturales favorables à l’environnement 173

Article 10 (article L. 411-33 du code rural) : Articulation entre la résiliation du bail

et le contrôle des structures 175

Article additionnel après l’article 10 (article L. 411-37 du code rural) : Mise à

disposition de biens loués au profit d’une société 175

Article additionnel après l’article 10 (article L. 411-57 du code rural) : Reprise

d’une parcelle par le bailleur pour la construction d’une maison d’habitation 176

Article 11 : Travaux de mise aux normes des exploitations en fermage 177

Après l’article 11 179

Article 12  : Rapport sur l’assurance-récolte 179

Article additionnel après l’article 12 : Insaisissabilité du logement d’un agriculteur 181

Article additionnel après l’article 12 : Insaisissabilité partielle des revenus provenant

de l’activité agricole 182

CHAPITRE II : L’ORIENTATION DES STRUCTURES DES EXPLOITATIONS AGRICOLES 183

Section 1 : Les éléments de référence et la politique d’installation 184

Article 13 : Création de l’unité de référence 184

Article 14 (article L. 330-1 du code rural) : Dispositions relatives à la politique

d’installation 186

Article 15 (article L. 330-2 du code rural) : Notification préalable des départs à la

retraite 188

Section 2 : Le contrôle des structures des exploitations agricoles 190

Article 16 : Réforme du contrôle des structures 192

Article L. 331-1 du code rural : Portée et objectifs du contrôle 193

Article L. 331-2 du code rural : Opérations soumises à autorisation préalable 194

Article L. 331-3 du code rural : Critères d’examen des demandes 201

Article L. 331-4 du code rural : Péremption de l’autorisation d’exploiter 203

Article L. 331-5 du code rural : Communication des informations nécessaires au contrôle des structures 204

Article L. 331-6 du code rural : Nullité du bail en cas d’exploitation irrégulière 204

Article L. 331-7 du code rural : Sanction administrative en cas de non-respect de la

réglementation du contrôle des structures 205

Article L. 331-8 du code rural : Contestation de la sanction 207

Article L. 331-9 du code rural : Suppression des aides publiques à caractère

économique 208

Article L. 331-10 du code rural : Poursuite de la mise en valeur du fonds 208

Article L. 331-11 du code rural : Décret en Conseil d’Etat 209

Après l’article 16 210

Article 17 : Révision du schéma directeur départemental des structures 210

CHAPITRE III : STATUT DES CONJOINTS TRAVAILLANT DANS LES EXPLOITATIONS

ET LES ENTREPRISES 212

Article 18 (article L. 321-5 du code rural) : Création du statut de conjoint

collaborateur 212

Article 19 (article 1122-1 du code rural) : Suppression progressive de la qualité

de conjoint participant aux travaux 214

Article 20 (article 1122-1-1 du code rural) : Retraite proportionnelle des conjoints

collaborateurs 215

Article 21 (article 1123 du code rural) : Paiement par le chef d’exploitation
de la cotisation d’assurance vieillesse du conjoint collaborateur 216

Article 22 (article 1121-5 du code rural) : Revalorisation des retraites 216

Article 23 (article 1106-3-1 du code rural) : Prise en charge des frais de

remplacement en cas de maternité 217

Article 24 (article 1003-12 du code rural) : Cotisations des nouveaux installés 218

Après l’article 24 219

Article 25 (article L. 321-21-1 du code rural) : Institution d’un salaire différé

au profit du conjoint survivant du chef d’exploitation 220

Article 26 (articles 2101 et 2104 du code civil) : Coordination 221

Après l’article 26 221

CHAPITRE IV : DE L’EMPLOI SALARIÉ 222

Article 27 (article 1000-6 du code rural) : Création du titre emploi simplifié agricole 222

Après additionnel après l’article 27 (article L. 127-10 du code du travail) :

Limitation des déplacements des salariés agricoles dans le cadre de travaux effectués

pour des groupements d’employeurs 224

Article 28 (article 1000-7 du code rural) : Création au niveau des départements

de comités d’oeuvres sociales et culturelles 225

Article 29 (article L. 231-2-1 du code du travail) : Création au niveau des

départements de commissions paritaires d’hygiène, de sécurité et des conditions

de travail en agriculture 227

Article additionnel après l’article 29 : Affiliation au régime social agricole des

mandataires des sociétés ou des caisses locales d’assurances mutuelles agricoles 228

TITRE III – ORGANISATION ÉCONOMIQUE 229

AVANT L’ARTICLE 30  229

Article additionnel avant l’article 30 (article L. 551-1 du code rural) : Organisations

de producteurs reconnues 229

CHAPITRE Ier : COOPÉRATION AGRICOLE 230

Article 30 (articles L. 522-1 et L. 522-2 du code rural) : Associés coopérateurs

des zones frontalières 235

Article 31 (article L. 524-6 du code rural) : Comptes consolidés des sociétés

coopératives agricoles 236

Article 32 (article L. 528-1 du code rural) : Conseil supérieur d’orientation

de la coopération agricole 238

CHAPITRE I erbis (nouveau) : OFFICES D’INTERVENTION 238

Article additionnel après l’article 32 : Offices d’intervention 239

CHAPITRE II : ORGANISATION INTERPROFESSIONNELLE 239

Article 33 (article premier de la loi n° 75-600 du 10 juillet 1975 relative

à l’organisation interprofessionnelle agricole) : Statut et prérogatives des

organisations interprofessionnelles 245

a) L’extension des interprofessions aux secteurs de la sylviculture,

de la pêche et de l’aquaculture 248

b) L’inclusion des organisations de la distribution dans les interprofessions 250

c) Les objectifs poursuivis par les interprofessions reconnues 252

d) La reconnaissance d’interprofessions spécifiques à un signe d’identification

de la qualité ou de l’origine 254

e) Les attributions consultatives des interprofessions reconnues 257

f) Le retrait de reconnaissance 258

g) Les dérogations à l’interdiction des ententes anticoncurrentielles

accordées aux interprofessions spécifiques 258

Article 34 (article 2 de la loi n° 75-600 du 10 juillet 1975 relative à l’organisation

interprofessionnelle agricole) : Extension des accords interprofessionnels 266

a) Les accords interprofessionnels 266

b) L’extension des accords interprofessionnels 268

Article 35 (article 3 de la loi n° 75-600 du 10 juillet 1975 relative à l’organisation

interprofessionnelle agricole) : Assiette des cotisations interprofessionnelles 270

Article 36 (article 4 ter de la loi n° 75-600 du 10 juillet 1975 relative à l’organisation

interprofessionnelle agricole) : Rapport d’activité et comptes des interprofessions -

Bilan d’application des accords étendus 271

Article 37 : Contrats de lutte contre les crises conjoncturelles 272

CHAPITRE III : COMPOSITION DU CONSEIL SUPÉRIEUR D’ORIENTATION 279

Article 38 (article 4 de la loi n° 80-502 du 4 juillet 1980 d’orientation agricole) :

Modification de la composition du Conseil supérieur d’orientation 279

TITRE IV – QUALITÉ ET IDENTIFICATION DES PRODUITS 281

1. LES SIGNES D’IDENTIFICATION DE LA QUALITÉ ET DE L’ORIGINE 282

a) Les appellations d’origine et indications de provenance 282

b) Les marques collectives et la certification 285

2. L’identification des animaux et des produits alimentaires et agricoles 288

a) L’identification des animaux domestiques de ferme 288

b) L’identification des denrées alimentaires et produits agricoles 289

Article additionnel avant l’article 39 (article L. 640-1 (nouveau) du code rural) :

Politique de la qualité et de l’origine des produits agricoles ou alimentaires ........291

Article 39 : Signes d’identification et emploi des termes “ fermier ”

et “ produit pays ” 291

a) Les signes d’identification de la qualité et de l’origine 292

b) La protection des appellations “ fermier ” et “ produit pays ” 296

Article 40 (articles L. 115-19, L. 115-20, L. 115-26-1 et L. 115-26-2 du code

de la consommation) : Organisation de l’INAO, extension des compétences de

l’INAO aux indications géographiques protégées 298

Article L. 115-19 du code de la consommation : Création du comité national compétent

pour les indications géographiques protégées 298

Article L. 115-20 du code de la consommation : Extension des compétences de l’INAO

aux indications géographiques protégées (IGP) 301

Article L. 641-6 du code rural : Contingents de production des appellations d’origine

viticoles 302

Article L. 115-26-1 du code de la consommation : Procédure d’enregistrement

des indications géographiques protégées et des attestations de

spécificité 303

Article L. 115-26-2 du code de la consommation : Contrôle du respect des cahiers des

charges des indications géographiques protégées 304

Article additionnel après l’article 40 (section 6 (nouvelle) du chapitre I du titre IV

du livre VI (nouveau) du code rural) : Statut des syndicats de producteurs

de produits d’appellation d’origine contrôlée 304

Article additionnel après l’article 40 (article L. 112-1 (nouveau) du code de la

consommation : Etiquetage des produits bénéficiant d’une appellation d’origine

contrôlée 305

Article additionnel après l’article 40 (chapitre VI (nouveau) du titre IV du livre VI

(nouveau) du code rural) : Commission nationale des labels et des certifications

de produits agricoles et alimentaires 306

Article 41 (articles L. 115-16, L. 115-18 et L. 115-26-3 du code de la

consommation) : Présentation trompeuse d’une appellation d’origine contrôlée

et poursuite des infractions 306

Article L. 115-16 du code de la consommation : Présentation trompeuse d’une appellation

d’origine contrôlée 306

Article L. 115-18 du code de la consommation : Poursuite des infractions en matière

d’appellation d’origine 307

Article L. 115-26-3 du code de la consommation : Poursuite des infractions en matière

d’appellation d’origine protégée, d’indication géographique protégée et

d’attestation de spécificité 308

Article 42 (articles 33, 34 et 35 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au

développement et à la protection de la montagne) : Appellation “ montagne ” 308

Article 33 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection

de la montagne : Protection de l’appellation “ montagne ” 310

Article 34 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection

de la montagne : Décret en Conseil d’Etat et provenance des matières

premières 310

Article 35 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection

de la montagne : Articulation avec les AOC, IGP et attestations de spécificité 311

Article 43 : Cotisations à l’INAO et aux organismes de contrôle agréés pour les

produits autres que le vin 311

a) Les droits perçus par l’INAO 311

b) Les cotisations perçues par les organismes de contrôle agréés 313

c) Les modifications proposées par le projet de loi 314

Article additionnel après l’article 43 : Mise en bouteille des vins de Bourgogne 317

Article 44 (article 276-4 du code rural) : Identification des équidés 319

Après l’article 44 320

TITRE V – GESTION DE L’ESPACE AGRICOLE ET FORESTIER 322

ARTICLE 45 (ARTICLES L. 111-1 ET L. 111-2 DU CODE RURAL) : PRISE EN COMPTE DES FONCTIONS

économique, environnementale et sociale de l’espace agricole et forestier 322

Article additionnel après l’article 45 (article L. 111-3 (nouveau) du code rural) : 

Conditions de distance entre une habitation et un bâtiment agricole 324

Article 46 (article L. 112-1 du code rural) : Document départemental de gestion de

l’espace agricole et forestier 325

Article 47 (article L. 112-2 du code rural) : Zones agricoles protégées 326

Article 48 (article L. 112-3 du code rural) : Réduction des espaces agricoles et

forestiers 328

Article 49 (article L. 123-2 du code rural) : Droit de préemption des sociétés

d’aménagement foncier et d’établissement rural 330

Article additionnel avant l’article 50 (article L. 143-6 du code rural) : Droit de

préemption des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural 330

Avant l’article 50 331

Article 50 (article L. 253-1 du code rural) : Attribution des droits reconnus à la

partie civile aux chambres d’agriculture et centres régionaux de la propriété

forestière 331

Article additionnel après l’article 50 (article L. 2411-10 du code général des

collectivités territoriales) : Attribution des biens sectionnaux 332

Article additionnel après l’article 50 : Affectation à l’usage du public

des chemins ruraux 332

TITRE VI – FORMATION DES PERSONNES, DÉVELOPPEMENT AGRICOLE,

RECHERCHE AGRONOMIQUE ET VÉTÉRINAIRE 333

ARTICLE 51 (ARTICLE L. 811-1 DU CODE RURAL) : PRINCIPES ET MISSIONS DE L’ENSEIGNEMENT
et de la formation professionnelle agricoles publics 335

Article 52 (article L. 811-2 du code rural) : Architecture générale de l’enseignement
et de la formation professionnelle agricoles publics 337

Article 53 (article L. 811-8 du code rural) : Création des établissements

publics locaux d’enseignement et de formation professionnelle agricoles 339

Article 54 (article L. 811-10 du code rural) : Identification du directeur régional
de l’agriculture et de la forêt comme autorité académique 341

Article 55 (article L. 812-1 du code rural) : Principes, missions et architecture générale

de l’enseignement supérieur agricole public 342

Article 56 (article L. 812-3 du code rural) : Administration des établissements
d’enseignement supérieur agricole public 344

Article 57 (article L. 812-5 (nouveau) du code rural) : Création de groupements

d’intérêt public par les établissements publics d’enseignement supérieur agricole 346

Après l’article 57 347

Article 58 : Principes et missions de l’enseignement et de la formation

professionnelle agricoles privés 347

Article 59 (article L. 813-2 du code rural) : Architecture générale de l’enseignement

technique agricole privé 349

Après l’article 59  351

Article 60 : Schéma prévisionnel national des formations de l’enseignement

agricole 352

Article 61 : Coordination 352

Article 62 : Abrogation du 1er alinéa de l’article L. 815-2 du code rural 353

Article additionnel après l’article 62 : Création de l’inspection de

l’enseignement agricole 354

Après l’article 62 354

Article 63 : Développement agricole 354

Article L. 820-1 du code rural : Principes et missions du développement

agricole 355

Article L. 820-2 du code rural : Financement de la politique de développement

agricole 356

Article L. 820-3 du code rural : Gestion du fonds national de développement

agricole 356

Article L. 820-4 du code rural : Enumération des acteurs du développement

agricole 357

Article L. 820-5 du code rural : Liaison entre développement et recherche

agricoles 357

Article 64 (article L. 830-1 du code rural)  : Principes et missions de la

recherche agronomique et vétérinaire 357

Article additionnel après l’article 64 : Présentation d’un rapport sur l’adaptation

de la fiscalité agricole 360

Après l’article 64 361

Amendements réservés :

Après l’article 11 361

Après l’article 12 362

Avant l’article 6  362

MESDAMES, MESSIEURS,

Ce projet de loi “ d’orientation agricole ”, dont le dépôt a été annoncé par le Président de la République il y a deux ans et que le Premier ministre avait affirmé sa volonté de présenter lors de sa déclaration de politique générale de juin 1997, répond à une demande ancienne et pressante du monde agricole et, au delà, de la société tout entière.

L’intervention du législateur est aujourd’hui très largement réclamée pour conforter les succès obtenus (l’essor de la production, les performances à l’exportation), mais aussi pour assurer plus de sécurité (en matière de consommation) et de justice (entre nos secteurs de production, entre nos régions), pour donner à la politique agricole de nouveaux objectifs, de nouveaux moyens d’action.

A la manière des précédentes lois “ d’orientation ” ou de “ modernisation ” de l’agriculture (les lois du 5 août 1960, du 4 juillet 1980, du 1er février 1995), le présent texte a l’ambition précisément de fixer le cadre d’ensemble de cette politique pour la décennie à venir. Il se trouve que celle-ci est celle de l’entrée dans un nouveau millénaire inscrit d’ores et déjà sous le signe d’une mondialisation accrue des activités agricoles. Il se trouve aussi que la discussion de ce projet de loi s’opère parallèlement à une nouvelle réforme de la politique agricole commune, probablement axée sur une modification du régime des aides publiques et qui devrait intervenir en 1999 et préalablement aux nouvelles négociations multilatérales de l’Organisation mondiale du commerce, qui pourraient quant à elles débuter en l’An 2000.

Il est bon que l’élaboration de ce projet national prenne place avant ces grandes échéances communautaires et internationales, que puissent être d’abord réaffirmés ainsi clairement l’identité de notre agriculture et les principes auxquels nous tenons.

Le présent projet de loi d’orientation agricole a donné lieu depuis septembre 1997 à une intense concertation entre toutes les parties prenantes aux questions agricoles. Soumis au Conseil économique et social, qui a rendu son avis le 27 mai dernier sur rapport de Mme Christiane Lambert, il a fait l’objet d’un examen approfondi de la commission de la production et des échanges, qui a procédé sur ce point à de nombreuses auditions, dont le compte rendu figure dans ce rapport.

Votre rapporteur souhaite profondément, qu’à l’occasion de la discussion de ce projet de loi, chacun ait d’abord à l’esprit le labeur des hommes et des femmes qui vivent de l’agriculture, que chacun pense d’abord à leur créativité, à leur courage, à leur savoir faire, qui nous ont valu notamment tant de succès sur les marchés étrangers, qu’en somme, les débats sur les finalités, les voies et moyens, les instruments d’action ne dissimulent pas le fait que nous légiférons d’abord pour des hommes.

Votre rapporteur veut faire justice également d’une conception trop largement répandue, qui verrait avant tout dans l’agriculture une activité en déclin ; ceux qui défendent une telle vision vont s’appuyant sur le fait que la production agricole ne représente plus que 2 % du produit intérieur brut, qu’elle ne mobilise plus que 4,9 % de la population active, que la consommation alimentaire ne représente plus que 17,8 % du budget des ménages. Et ils demandent que l’intervention publique en faveur de ce secteur se fasse moins vigoureuse.

C’est oublier l’apport considérable des activités agricoles à nos équilibres économiques et sociaux, oublier leur contribution à l’excédent de notre balance commerciale (65 milliards de francs en 1997), à l’occupation du territoire (l’agriculture et la forêt couvrent 80 % de la superficie française), au maintien de l’emploi (l’agriculture occupe 680 000 chefs d’exploitation, 350 000 conjoints, près de 300 000 aides familiaux, près de 140 000 salariés permanents ; un emploi en agriculture correspond à quatre emplois induits). Le secteur de la transformation, celui des industries agro-alimentaires, avec un chiffre d’affaires de 792 milliards de francs en 1997, est depuis plusieurs années, le premier secteur industriel français.

C’est oublier aussi que toutes les grandes puissances sont aujourd’hui des puissances agricoles et que les futures concurrences planétaires seront aussi agro-alimentaires, les cartes mondiales étant à cet égard rapidement redistribuées.

Qu’on songe ainsi, qu’en quelques années, la Chine et l’Inde sont devenues d’incontournables producteurs de céréales et que la Chine est désormais le premier producteur mondial de viande porcine.

C’est oublier encore que le monde agricole a souvent servi de précurseur, d’innovateur, qu’il a fréquemment montré la voie à toute la société, que les agriculteurs ont su mettre en place ainsi de nombreuses formules de solidarité et d’entraide (les coopératives, les organisations professionnelles, plus récemment, les groupements d’employeurs et les services de remplacement) comme ils ont su incarner, avec les mécanismes de la politique agricole commune, les avancées de la construction européenne.

C’est oublier enfin que les agriculteurs contribuent de manière décisive à la défense de certaines valeurs permanentes de la société : l’attachement à la terre, la soumission au réel, le respect du vivant.

Si l’importance de l’agriculture et la nécessité de la soutenir ne peuvent donc être contestées, l’évolution récente de ce secteur présente de nombreux éléments d’insatisfaction, qui fondent l’intervention d’une nouvelle loi d’orientation agricole.

Ces éléments peuvent être regroupés autour de deux grands thèmes : le développement de l’agriculture, chacun le mesure désormais, a un coût jugé trop élevé ; il se fait, par ailleurs, fréquemment dans l’inégalité et l’injustice.

Le prix payé pour le développement de l’agriculture s’avère parfois excessif. La standardisation des productions, la concentration continue des exploitations et jusqu’à l’ouverture constante des frontières ont entraîné la mise sur le marché de produits alimentaires aux caractéristiques gustatives et surtout à la qualité sanitaire de plus en plus incertaines. La crise de “ l’encéphalopathie spongiforme bovine ” (ESB), la trop fameuse “ vache folle ” a servi à cet égard de révélateur pour tous de la fragilité de nos productions. La date du 30 mars 1996, celle de l’annonce par le Gouvernement britannique d’une transmissibilité possible de l’ESB à l’homme marquera sans doute une césure importante dans l’histoire de l’alimentation des pays développés de cette fin de siècle, d’autant que deux autres crises, plus récentes, moins frappantes mais elles aussi significatives, la peste aviaire, puis la peste porcine aux Pays-Bas, sont venues confirmer ce diagnostic de fragilité sanitaire de nos sociétés.

L’arrivée possible sur les marchés de nouveaux produits, les organismes génétiquement modifiés (OGM) suscite de la même façon bien des perplexités, comme l’a montré la “ Conférence des citoyens ” tenue sur ce thème les 20 et 21 juin derniers à l’initiative de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Plus anciennement ressentie, mais pas moins importante, l’image d’une agriculture facteur de nuisances de toutes sortes s’est insinuée dans les esprits. L’on sait que le recours massif aux engrais et aux produits phytosanitaires dans les cultures est source de pollution des sols et des eaux, que le développement des lisiers de porcs et des fientes de volailles dégrade les eaux de rivières comme les nappes phréatiques, que certains aménagements agricoles enfin dénaturent parfois profondément les paysages. Mais l’agriculture peut être victime aussi de la pollution d’autres secteurs d’activité : ainsi, risque-t-on de trouver des métaux lourds dans les boues urbaines et industrielles qui font l’objet d’épandages sur les terres agricoles, ainsi, risque-t-on de trouver des taux excessifs de dioxine dans le lait ou la viande produits à proximité d’installations d’incinération.

L’évolution du secteur agricole est marquée par ailleurs du signe de l’inégalité et de l’injustice. 20 % des agriculteurs seulement bénéficient de 80 % des aides, 15 % des exploitations rassemblent 30 % de la surface agricole utile. Fait plus grave, la diminution du nombre des exploitants (de près de 4 % par an) entraîne une course à l’agrandissement, qui prive chaque année le pays d’un millier d’installations, fragilise les productions et crée des exploitations difficilement transmissibles. Et la concentration des exploitations et des entreprises agricoles empêche une occupation rationnelle du territoire, suscitant l’abandon de certaines de nos régions et les inégalités de revenus (l’exposé des motifs rappelle à cet égard justement, mais d’autres exemples pourraient être cités, que le revenu d’un agriculteur de la Creuse est dix fois inférieur à celui d’un agriculteur de la Marne).

Le projet de loi qui nous est soumis s’efforce d’apporter des réponses à ces problèmes. Ces réponses s’articulent autour de plusieurs maîtres-mots : multifonctionnalité, agriculture durable, territoire, qualité, contractualisation et s’ordonnent autour d’une préoccupation essentielle : répondre au mieux aux attentes de la société. C’est à ces conditions que l’intervention publique en faveur du secteur agricole pourra trouver une légitimité, qu’elle a parfois perdue.

Alors que les précédentes lois d’orientation consacraient la vision d’une agriculture exclusivement axée sur les activités de production et sur la performance, ce projet de loi dégage une analyse plus complexe, multiforme du rôle de l’agriculture. Celle-ci doit être désormais multifonctionnelle, assumant des fonctions économiques (pour l’essentiel, produire) mais aussi sociales (aider à gagner “ la bataille de l’emploi ”, à animer l’espace rural) et environnementales (contribuer à la protection et au renouvellement des ressources naturelles, à la préservation des paysages).

Le concept “ d’agriculture durable ” semble très voisin de cette première préoccupation. Apparu avec la Conférence de Rio sur le développement en 1992, il vise à la mise en place d’une agriculture s’attachant à préserver l’avenir et le sort des générations futures, évitant de fonder ses progrès sur la recherche d’une rentabilité immédiate, qui pourrait porter atteinte à l’environnement, à la solidité des exploitations et des emplois agricoles.

Le souci de mettre le territoire au coeur de la politique agricole est un autre axe majeur du projet de loi. Il signifie tout à la fois que le développement de l’agriculture ne peut être fondé sur de grandes unités dépourvues de lien véritable avec le sol, qu’il suppose au contraire une valorisation des ressources des différents terroirs, qu’il ne peut se traduire par une désertification de pans entiers de l’espace rural, que les zones défavorisées et de montagne qui couvrent la moitié du territoire national doivent faire l’objet d’une attention particulière.

La qualité est par ailleurs la nouvelle notion clé et doit se décliner de deux façons : qualité organoleptique, mais aussi sanitaire des produits. Les produits et denrées alimentaires de qualité apparaissent comme les meilleurs garants de l’ancrage de la production au territoire, de nos positions à l’exportation, (comme le prouve l’exemple du secteur viticole, fleuron de l’exportation agro-alimentaire et où 50 % des superficies sont sous appellation d’origine contrôlée), du maintien enfin de l’activité, parce qu’ils sont plus riches en emplois. La réponse de la qualité apparaît ainsi comme la meilleure pour satisfaire à ces nouveaux défis, que sont le maintien de nos positions sur des marchés internationaux de plus en plus concurrentiels, la satisfaction de consommateurs de plus en plus exigeants, l’occupation du territoire de plus en plus nécessaire.

Enfin, la contractualisation est le dernier maître-mot du projet de loi ; il s’incarne dans le contrat territorial d’exploitation, innovation majeure du texte, qui apparaît comme un moyen original de répondre aux besoins de la société, de remédier à l’opacité des soutiens publics, de responsabiliser les agriculteurs, de réduire surtout les injustices.

Le texte du projet de loi, qui s’inspire de ces grands objectifs s’articule en six titres, que l’on examinera successivement.

Le titre premier est relatif à la création du contrat territorial d’exploitation. Il s’agit là d’un mode de soutien à l’agriculture, déjà pratiqué de manière limitée (la “ prime à l’herbe ”, les mesures “ agri environnementales ”), qui subordonne le versement des aides publiques au respect d’engagements librement souscrits par les exploitants dans les domaines économique, social et environnemental. Traduction ainsi de la nouvelle vision, “ multifonctionnelle ” de l’agriculture, le contrat territorial d’exploitation, le “ CTE ” devrait aider à mieux répondre à la demande sociale d’une production de qualité, d’une protection renforcée de l’environnement, d’une meilleure répartition des aides. L’écho favorable rencontré par les contrats territoriaux d’exploitation auprès de la profession est déjà de bon augure pour ce nouvel instrument, dont le projet de loi ne présente que les principes de base, renvoyant pour sa mise en œuvre à l’intervention de plusieurs décrets dont le contenu doit être défini en concertation avec la profession.

Le titre II consacré aux exploitations et aux personnes comporte pour l’essentiel une réorganisation de la politique de contrôle des structures, de façon à favoriser l’installation des jeunes agriculteurs sur des exploitations viables et à limiter les agrandissements en trop grand nombre des unités existantes. Deux améliorations significatives sont apportées ainsi aux règles applicables : l’identité de traitement entre exploitations individuelles et sociétaires et la substitution d’un système d’amendes administratives à celui existant d’amendes pénales, largement inefficace.

Des mesures importantes de progrès social sont retenues par ailleurs au profit des conjoints d’exploitants avec la mise en place du statut de “ conjoint collaborateur ”, depuis longtemps réclamée et promise, qui assurera aux intéressés des droits renforcés en matière d’assurance vieillesse. Les règles, qui prévalent pour les cotisations sociales des nouveaux installés sont par ailleurs modifiées, de façon à ne pas handicaper les installations les plus modestes. Les salariés agricoles enfin ne sont pas oubliés avec la pérennisation et l’extension de la formule du “ titre emploi simplifié agricole ”, variante du “ chèque emploi service ” pour l’agriculture où elle connaît déjà un important succès, avec aussi l’institution possible dans les entreprises agricoles de comités départementaux d’activités sociales et culturelles comme de commissions paritaires d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

Le titre III s’attelle quant à lui à l’organisation économique prévoyant de moderniser certains aspects du droit de la coopération agricole (l’ouverture à de nouveaux associés coopérateurs, la gestion des comptes des coopératives) et de revivifier le conseil supérieur d’orientation de la coopération agricole. Tenant compte des résultats positifs obtenus par les interprofessions mais aussi de la nécessité de rassembler tous les acteurs des filières, le projet de loi prévoit de faciliter la présence au sein des organisations interprofessionnelles de représentants de la distribution comme l’association de ceux des consommateurs et des salariés ; il prévoit également la mise en place d’organisations interprofessionnelles pour les produits placés sous un même signe de qualité ou d’identification (AOC, labels, certification de conformité, produits issus de l’agriculture biologique).

La reconnaissance ainsi renouvelée et le renforcement de la formule de l’interprofession, véritable spécificité française, va de pair avec l’encouragement donné aux diverses composantes d’une filière de production, pour qu’elles concluent des accords visant à résorber les crises conjoncturelles et à éviter les faillites en chaîne.

Le titre IV traite quant à lui de la qualité des produits. Il vise à encadrer l’utilisation du terme “ fermier ”, tire les conséquences d’une position adoptée par les instances européennes, qui ont vu dans certaines dispositions de la “ loi montagne ” du 9 juillet 1985, la source d’entraves potentielles aux échanges et étend aux produits d’appellation d’origine contrôlée autres que les vins la possibilité du prélèvement d’une cotisation destinée à financer le coût des contrôles. Il crée surtout un accès direct à la formule de l’indication géographique protégée (IGP), qu’il confie à l’Institut national des appellations d’origine (INAO), lequel voit ainsi sa compétence élargie à toutes les réservations de noms géographiques.

Le titre V relatif à la gestion de l’espace agricole et forestier comporte peu de dispositions, prévoyant toutefois la création de “ zones agricoles protégées ” dans les espaces périurbains.

Le titre VI enfin concerne la formation des personnes, la recherche et le développement agricoles. Le projet de loi en reconnaît l’importance, tout en s’adossant aux grandes réformes intervenues en 1984 pour l’enseignement technique agricole public comme pour l’enseignement technique agricole privé ; il prévoit quelques règles nouvelles pour l’enseignement supérieur agronomique et vétérinaire et donne une existence législative à la recherche et au développement agricoles. Ainsi, se trouve confortée l’existence de cette “ filière du progrès ”.

Le projet de loi qui nous est soumis, il faut le noter, s’est trouvé allégé de plusieurs dispositions retenues dans le texte d’un avant-projet et adressées à des fins d’examen aux instances communautaires ; ces dispositions concernent tout particulièrement le dispositif de la qualité des produits alimentaires.

D’une façon générale, ce texte apparaît comme un ensemble cohérent de mesures de nature à hâter l’évolution vers l’agriculture multifonctionnelle et durable, ayant pour cadre le territoire, pour objectif la qualité, pour méthode la contractualisation, dont la société a grandement besoin.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.— AUDITIONS

A.— Audition de M. Louis Le Pensec, ministre de l’agriculture
et de la pêche

La commission a entendu M. Louis Le Pensec, ministre de l’agriculture et de la pêche, au cours de ses réunions des 10 et 16 juin 1998.

Le président André Lajoinie a remercié le ministre de venir exposer devant la commission les grandes lignes du projet de loi d’orientation agricole, quelques heures à peine après son adoption par le Conseil des ministres.

M. Louis Le Pensec a indiqué que ce projet de loi avait été annoncé par le Président de la République il y a déjà deux ans lors du cinquantenaire de la FNSEA et que le Premier ministre avait également affirmé sa volonté de le présenter il y a un an, à l’occasion de sa déclaration de politique générale.

Le texte présenté n’a pas négligé ce travail de réflexion préalable. Il a de plus été élaboré d’une manière assez originale, puisque c’est en amont du débat interministériel qu’une consultation a eu lieu avec les organisations professionnelles et syndicales, avec les syndicats d’enseignants et de salariés ainsi qu’avec les représentants de l’agro-alimentaire, des consommateurs et des associations de protection de l’environnement.

Le projet arrêté par le Premier ministre est la dixième version de ce texte, ce qui montre bien le souci d’échanges et de débats qui a été celui du ministre tout au long de sa préparation.

Les raisons de la rédaction d’un tel projet de loi tiennent au fait que la politique agricole fait actuellement l’objet d’une profonde remise en cause :

– par les agriculteurs eux-mêmes qui souhaitent une politique agricole plus équitable et qui permette un développement harmonieux de toutes les productions et de toutes les régions ;

– par nos concitoyens qui contestent les excès du “ productivisme ”, dont la crise de “ la vache folle ” a été le révélateur, s’inquiètent des conséquences négatives d’une certaine forme d’agriculture sur l’environnement, et s’interrogent sur le coût de cette politique au regard des avantages qu’elle procure ;

– par certains pays du Sud de l’Union européenne, qui remettent en cause une politique qu’ils jugent trop favorable aux grandes productions des pays du Nord (lait, céréales, viandes), et par certains de ceux-ci qui prônent l’abandon de la PAC ;

– par les partenaires de l’Union européenne, qui attendent les prochaines négociations au sein de l’Organisation mondiale du commerce pour reprendre les hostilités.

Les propositions de la Commission européenne pour la réforme de la PAC qui prévoient de compenser la baisse des prix garantis par une augmentation des aides directes aux agriculteurs sont à cet égard dangereuses. Il convient plutôt de s’engager dans la voie d’un découplage partiel entre les aides et la production. Il faut en fait tirer les conséquences du succès de la PAC et l’adapter à la situation nouvelle de l’agriculture. Deux axes de réformes sont possibles : celui du renoncement et du démantèlement de toute politique agricole commune ou celui de sa refondation sur des bases renouvelées et modernisées.

Le projet de loi d’orientation agricole entend contribuer à cette seconde voie, celle de la refondation d’une politique agricole durable de l’Union européenne. Cette refondation consiste d’abord à expliquer et justifier le maintien d’une politique publique en faveur des agriculteurs autour de trois idées principales :

– la multifonctionnalité de l’agriculture ;

– la nécessité d’agir en faveur de l’équilibre territorial et social ;

– la contractualisation de la politique agricole.

En effet, la politique agricole doit contribuer à l’accomplissement des trois fonctions essentielles de l’agriculteur : la fonction économique de régulation de marchés extrêmement spéculatifs, la fonction environnementale de développement de pratiques agronomiques plus respectueuses de l’environnement et la fonction sociale de création d’emplois.

La politique agricole doit également assurer un équilibre de la répartition de l’activité agricole sur le territoire et l’équité de la distribution des concours publics entre les agriculteurs.

C’est à ce prix qu’elle sera légitime et acceptée durablement.

Enfin, la contractualisation de la politique agricole par la mise en place d’un contrat territorial d’exploitation permettra de moderniser la gestion de la politique agricole. Ce contrat permettra de proportionner l’attribution des moyens publics à l’intérêt des projets présentés par les agriculteurs pour le développement de richesses sur leur exploitation, aussi bien que pour l’accomplissement des objectifs publics fixés par l’Etat. Il sera l’outil de gestion et de répartition d’une partie des aides aux agriculteurs. Il permettra la confrontation de deux volontés, celle des agriculteurs désirant développer leurs projets, celle des pouvoirs publics soucieux de faire prévaloir les objectifs collectifs d’intérêt général, dont ils ont la charge.

Le texte du projet de loi comporte un article premier qui fixe les objectifs de la politique agricole et reconnaît la multifonctionnalité de l’agriculture, ainsi que six titres consacrés respectivement aux contrats territoriaux d’exploitation (CTE), aux exploitations et aux personnes, à l’organisation économique, à la qualité des produits, à la gestion de l’espace agricole et forestier, ainsi qu’à l’enseignement, à la recherche et au développement.

S’agissant du titre premier consacré au contrat territorial d’exploitation, il est prévu que ce dernier sera signé avec l’agriculteur pour une durée qui devrait être de cinq ans et qu’il s’intégrera dans un dispositif à la fois national, régional et départemental. Pour contractualiser, l’agriculteur devra présenter un projet s’inscrivant dans le cadre de deux orientations : création de valeur ajoutée et gestion du territoire ; en contrepartie, il recevra une rémunération destinée à couvrir les prestations qui lui seront demandées. Il s’agira là d’un engagement personnel de l’agriculteur, qui ne changera pas les obligations à l’égard des tiers, notamment dans les rapports preneurs-bailleurs.

En ce qui concerne le titre II consacré aux exploitations et aux personnes, le texte prévoit une réorientation du contrôle des structures en vue de favoriser systématiquement l’installation des jeunes agriculteurs sur des exploitations viables. L’objectif est ainsi d’éviter le démantèlement des structures et de limiter les agrandissements abusifs d’unités déjà existantes.

Le texte prévoit donc :

– un élargissement du champ d’application du contrôle des structures, en s’appuyant sur un critère plus économique, l’unité de référence, fixée par rapport à la surface moyenne des installations aidées dans le département au cours des cinq dernières années, l’ancienne superficie minimum d’installation (SMI) étant maintenue, notamment dans le domaine de la protection sociale ;

– la mise en oeuvre du principe d’égalité de traitement entre exploitations individuelles et sociétaires, grâce au choix d’un seuil unique de contrôle, indépendant de la forme juridique de l’exploitation ;

– une unification de la procédure, qui sera désormais celle d’un régime d’autorisation, qui restera déconcentrée au niveau du département et sera améliorée par l’organisation d’une publicité sur les terres libérées, par une gestion organisée de toutes les informations disponibles et par une meilleure motivation des décisions préfectorales ainsi que des avis de la commission départementale d’orientation de l’agriculture ;

– une modification du régime des sanctions en cas d’infraction à la réglementation, par la substitution d’amendes administratives aux amendes pénales existantes peu utilisées et inefficaces.

Le projet de loi s’intéresse également au statut des personnes vivant sur l’exploitation, notamment les femmes, les jeunes et les salariés. Pour les conjoints d’agriculteurs qui ne souhaitent pas devenir coexploitants ou associés de société, un nouveau statut de “ conjoint collaborateur ”, statut choisi et non subi, se substituera progressivement au statut actuel de “ conjoint participant aux travaux ”, qui disparaîtra progressivement. Le conjoint qui optera pour ce nouveau statut pourra ainsi acquérir des droits non plus seulement pour la retraite forfaitaire mais également pour la retraite proportionnelle, à concurrence de 16 points par an.

L’allocation de remplacement en cas de maternité qui n’est actuellement sollicitée que par une femme sur trois en agriculture, sera améliorée par la suppression du ticket modérateur (actuellement de 10 %) et une créance de salaire différé du conjoint sera instituée comme pour les artisans et les commerçants au bénéfice du conjoint survivant ayant participé aux travaux pendant au moins 10 ans sans être associé aux bénéfices ; elle aura une valeur de trois fois le SMIC annuel, dans la limite de 25 % de l’actif successoral.

Pour encourager toutes les installations viables, les cotisations sociales des nouveaux installés seront réaménagées, pour qu’elles ne soient pas un handicap pour les installations modestes. Ainsi, l’assiette forfaitaire qui s’applique aux cotisations des nouveaux installés sera désormais provisoire pour les chefs d’exploitation qui débutent leur activité, et on lui substituera, dès qu’ils seront connus, les revenus professionnels correspondant aux premières années. De même, les conjoints qui ont participé aux travaux avant de s’installer en qualité de chefs d’exploitation avec leur époux verront leurs cotisations assises sur la part correspondant à leur participation aux bénéfices dans les revenus du foyer fiscal.

Enfin, pour aider au développement de l’emploi salarié en agriculture, trois mesures nouvelles sont proposées :

– le titre emploi salarié agricole, disposition déjà expérimentée avec succès depuis deux ans pour les emplois saisonniers et qui a permis notamment une croissance de l’emploi déclaré, fera l’objet d’une pérennisation et d’une extension à l’ensemble des contrats à durée déterminée ;

– des comités départementaux des activités sociales et culturelles des salariés du secteur de la production agricole seront créés ;

– des commissions paritaires d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, au plan départemental ou interdépartemental seront instituées ; elles contribueront au développement de la prévention dans les petites exploitations.

En ce qui concerne le titre III consacré à l’organisation économique, acquis important de la politique agricole qu’il convient de préserver et de renforcer, le texte du projet prévoit :

– la modernisation de certains aspects du droit de la coopération agricole : pour adapter celui-ci à la suppression des frontières au sein de l’Union européenne, les coopératives françaises auront la possibilité d’accueillir en qualité d’associés coopérateurs des agriculteurs installés en zones frontalières dans d’autres Etats membres ; pour adapter le droit de la coopération agricole à la réalité des grands groupes mixtes constitués par les coopératives et leurs filiales, il y aura une obligation de consolidation des comptes dans les mêmes conditions que pour les sociétés de droit commun ; enfin, la coopération agricole sera dotée d’une instance de réflexion et de concertation rénovée avec le renforcement de l’actuel conseil supérieur d’orientation de la coopération agricole, désormais doté d’une assise législative et bénéficiant de missions renforcées ;

– l’adaptation de certaines dispositions concernant les organisations interprofessionnelles agricoles, en favorisant la présence de la distribution en leur sein ainsi que l’association des consommateurs et des salariés des entreprises des secteurs concernés et l’extension de leur champ d’application en permettant la création d’interprofessions spécifiques pour les produits sous signes officiels de qualité (AOC, labels, certification de conformité, produits de l’agriculture biologique), tout en régissant les relations avec les interprofessions de portée plus générale ;

– l’encouragement des partenaires d’une filière à s’entendre sur les meilleurs moyens de résorber une crise et d’adapter l’appareil de production, pour éviter les faillites en chaîne et la mise à mal du potentiel de production ;

– l’élargissement de la composition du conseil supérieur d’orientation agricole (CSO) aux consommateurs et aux associations agréées pour la protection de l’environnement, afin de mieux prendre en compte les diverses fonctions de l’agriculture.

En ce qui concerne le titre IV relatif à la qualité des produits, le texte du projet prévoit quatre mesures allant dans le sens de la politique de qualité construite progressivement depuis 1935 avec la mise en place de signes d’identification de la qualité et de l’origine des produits, les labels agricoles étant apparus en 1960, l’agriculture biologique en 1980, la certification de conformité en 1988 :

– l’examen par un comité particulier de l’Institut national des appellations d’origine (INAO) des demandes d’indications géographiques protégées (IGP), l’INAO disposant ainsi d’une compétence élargie à toutes les réservations de noms géographiques ;

– l’extension à tous les produits d’une appellation d’origine contrôlée d’une disposition déjà prévue pour les vins qui institue le prélèvement d’une cotisation destinée à financer le coût des contrôles ;

– la réactivation d’un dispositif essentiel de la loi montagne, estimé source d’entraves potentielles aux échanges par la Cour de justice des communautés européennes, en précisant dans le texte du projet que le dispositif d’autorisation ne s’appliquera qu’aux produits fabriqués en France ;

– l’encadrement strict du terme “ fermier ” devenu très valorisant.

En ce qui concerne le titre V relatif à la gestion de l’espace agricole et forestier, le texte prévoit sa meilleure prise en compte par la réaffirmation de dispositions figurant déjà dans le nouveau code rural.

En ce qui concerne le titre VI relatif à l’enseignement, à la recherche et au développement, le texte actualise et précise la définition des quatre missions de l’enseignement agricole : formation initiale et continue, développement et expérimentation, participation à l’animation rurale et coopération internationale.

Il redéfinit les missions de l’enseignement supérieur agronomique et vétérinaire, associe le ministre chargé de l’enseignement supérieur à la tutelle pédagogique des établissements, ouvre aux établissements la possibilité de délivrer des diplômes de 3ème cycle, et de coopérer entre eux ou avec d’autres établissements d’enseignement et de recherche, au sein de groupements d’intérêt public.

Le texte ne modifie par ailleurs en rien les relations entre l’Etat et les établissements de l’enseignement agricole privé telles qu’elles ont été fixées par la loi de 1984.

Enfin, l’article consacré à la recherche agronomique et vétérinaire est un simple article d’orientation, puisque le régime juridique et l’organisation de ce segment de recherche sont fixés par les textes généraux relatifs à la recherche publique.

Enfin, le projet de loi donne pour la première fois une définition législative du développement agricole, qui correspond à l’ensemble des actions concourant à la diffusion du progrès technique en agriculture.

Le projet de loi, a conclu le ministre de l’agriculture, ne traite pas de l’ensemble de la politique agricole, car il n’est pas nécessaire de légiférer sur ce qui fonctionne bien ; c’est un texte d’orientation qui pourra être enrichi grâce aux travaux de la commission de la production et des échanges.

M. François Patriat a noté que, dans le contexte national, européen et international que connaît aujourd’hui notre agriculture, le projet de loi d’orientation apparaissait comme un véritable texte fondateur dont il partage la philosophie. Si l’on ne peut ignorer le mouvement de mondialisation, l’identité agricole française, a-t-il précisé, doit être sauvegardée et ce texte y contribue.

M. François Patriat a estimé qu’il fallait éviter d’être exagérément préoccupé par les exigences de la compétitivité, ce qui conduit à une concentration critiquable des exploitations et que l’agriculture ne devait pas être perçue comme devant avant tout fournir des matières premières à bas prix sur les marchés mondiaux. De la même façon, il est indispensable d’éviter toute vision de la politique agricole qui risquerait d’alimenter les inégalités entre producteurs, distinguant des “ agri-managers ” et une agriculture à base territoriale. Le territoire précisément doit être mis au coeur de la politique agricole. Dans le rapport qu’elle a présenté devant le Conseil économique et social, Mme Christiane Lambert, présidente du Centre national des jeunes agriculteurs (CNJA) a utilisé à cet égard deux formules très positives, indiquant qu’elle préférait “ avoir des voisins plutôt que des hectares ” et que, par ailleurs, il était essentiel, pour la politique agricole, de passer d’une “ logique de guichet à une logique de projet ”.

M. François Patriat a fait part de son accord avec le ministre de l’agriculture sur la nécessité d’assigner à la politique agricole trois types de missions, touchant à la production, aux données sociales et environnementales. Il a exprimé également son accord avec les objectifs retenus : l’encouragement à l’installation des jeunes, l’action en faveur de la pérennité des exploitations, le développement de l’emploi salarié, la parité des garanties avec les autres catégories professionnelles, l’amélioration des revenus, la production de biens alimentaires diversifiés et de qualité, la valorisation des terroirs, la préservation des ressources naturelles, la production par les agriculteurs de services collectifs. Il a noté notamment que l’espace rural appartient à tous et qu’il est essentiel de créer un effet de synergie entre les divers intervenants du milieu rural. S’agissant des outils proposés dans le projet de loi d’orientation, il a observé que le contrat territorial d’exploitation était un mécanisme de plus en plus connu de tous et que la concertation menée à ce sujet permettait de mieux en cerner les contours.

M. François Patriat a ensuite posé deux questions :

– quelles règles présideront au financement du contrat territorial d’exploitation ?

– comment celui-ci s’articulera-t-il avec les contrats de plan Etat-régions et en particulier, les collectivités locales seront-elles appelées à y participer ?

Il a noté enfin que le projet de loi d’orientation mettait en avant pour la première fois une véritable politique de la qualité des produits alimentaires en affichant des objectifs ambitieux et en prévoyant un bon usage des mentions géographiques.

Il a enfin fait part d’une inquiétude relative à la constitution d’interprofessions spécifiques pour les produits sous signe de qualité, notant que, si ce mécanisme peut être imaginé pour les produits laitiers, de nombreux producteurs dans le secteur vitivinicole sont déjà organisés en interprofessions régionales.

M. Christian Jacob a demandé que soient précisées les parts contributives respectives de la France et de la Communauté européenne dans le financement des contrats territoriaux d’exploitation.

Estimant qu’une réforme de l’assiette et du mode de calcul des cotisations sociales était urgente, il a souhaité connaître les propositions du Gouvernement en faveur de la baisse des charges sociales et fiscales des entreprises agricoles. Il a de même demandé si une revalorisation des retraites des agriculteurs était envisagée, rappelant que cette question avait précisément été renvoyée à l’examen du présent projet de loi lors du dernier débat budgétaire.

Il a regretté l’importance des coûts de transmission lors de l’installation des jeunes agriculteurs, qui pèsent sur les fonds de roulement disponibles, au moment même où ceux-ci sont particulièrement requis pour débuter l’activité.

Il s’est enfin étonné que le projet de loi ne contienne pas de réel volet économique et n’indique pas d’orientations dans ce domaine.

M. Félix Leyzour a souligné que le projet de loi d’orientation se fondait sur les principes de développement durable et de maîtrise de l’impact de l’agriculture sur l’environnement. Il a relevé que le contrat territorial d’exploitation constituait l’instrument principal de cette orientation, remplaçant ainsi un système d’aide à la surface par un dispositif contractuel prenant en compte les activités agricoles liées aux attentes de la société.

Indiquant qu’il existait une convergence entre les propositions de son groupe et les dispositions du projet, il a rappelé que la portée de la loi d’orientation serait liée à la réforme de la politique agricole commune. Il a estimé que cette loi constituerait un point d’appui pour défendre, au sein de la Communauté, le potentiel agricole européen et français, le droit à une juste rémunération des agriculteurs, pour corriger les injustices dans l’attribution des aides, tant nationales qu’européennes, pour renforcer l’emploi et préserver la qualité des produits. Il a considéré qu’à défaut d’une réforme de la PAC qui remette en cause les principes du libéralisme, l’agriculture française poursuivrait sa concentration, ce qui irait à l’encontre des objectifs du projet de loi.

Il a enfin interrogé le ministre sur les conditions de financement des contrats territoriaux d’exploitation, l’installation des jeunes et les retraites.

M. François Sauvadet, soulignant la place essentielle de la production agro-alimentaire française dans le monde, a rappelé que le projet de loi s’inscrivait dans un contexte international en profonde évolution : perspectives à moyen terme de l’Organisation mondiale du commerce, entrée des pays d’Europe centrale dans l’Union européenne, réforme de la PAC. Des réponses doivent également être apportées à des problèmes importants, tels l’avenir de la transgénèse ou la sécurité alimentaire. C’est pourquoi il a regretté que, face à ces enjeux, le projet de loi apporte une réponse inadaptée, parce que trop hexagonale.

Il a souhaité que soient précisés les objectifs et les moyens du contrat territorial d’exploitation (CTE). Rappelant que le programme de maîtrise des pollutions d’origine agricole (PMPOA) n’avait pas disposé de dotations spécifiques supplémentaires lors de l’adoption de la loi de finances pour l’année en cours, il a craint qu’il en aille de même pour les contrats territoriaux d’exploitation, ceux-ci risquant ainsi de constituer un piège pour les agriculteurs.

Il a également souhaité connaître le lien qui serait établi entre ces contrats et le fonds de gestion de l’espace rural et demandé des précisions sur l’évolution des conditions de transmission des entreprises agricoles, notamment dans un cadre familial.

Il a souligné la faiblesse du texte dans le domaine économique. Il conviendrait de réaffirmer l’importance de la production, d’améliorer la capacité exportatrice de la France dans le secteur agro-alimentaire et de permettre aux producteurs, notamment par des aides fiscales aux PME, de renforcer leur activité de transformation.

M. Jean-Michel Marchand s’est réjoui que le projet de loi d’orientation soit fondé sur les principes de soutien à l’emploi, d’aide à l’installation, de contrôle de l’agrandissement des exploitations et de développement durable.

Il a souligné à ce sujet l’incohérence qui existe entre le projet de loi et le dispositif communautaire contenu dans l’“ Agenda 2000 ”, par exemple pour le maintien de la prime à l’ensilage de maïs, alors que les effets de celui-ci sont dévastateurs sur l’environnement.

Il a ensuite interrogé le ministre sur trois points :

– quelle est l’articulation entre le contrat territorial d’exploitation et le plan de développement de l’agriculture biologique, branche particulièrement pourvoyeuse d’emplois ?

– quelle sera la responsabilité des directions départementales de l’agriculture et de la forêt dans la tenue du registre de l’agriculture ?

– comment sera assurée la nécessaire transparence des transmissions d’exploitations pour favoriser l’implantation des jeunes agriculteurs ?

M. Joseph Parrenin a fait observer, à la lumière de trente cinq années d’exercice de la profession d’agriculteur, que la loi d’orientation agricole était attendue, car, a-t-il estimé, depuis 1962, il n’y a pas eu de grand débat au sein du monde agricole sur l’orientation de l’agriculture française. La mise au point du projet de loi d’orientation agricole a déjà permis d’organiser d’intéressantes discussions. Son examen au Parlement permettra encore de l’approfondir et d’apporter des amendements au projet de loi.

Il a fait valoir que le projet de loi d’orientation agricole faisait plutôt l’unanimité parmi les acteurs du monde agricole, car il était apparu nécessaire de recadrer les objectifs de la politique agricole. Au travers de la nouvelle définition de ces objectifs, la loi d’orientation agricole traduira une reconnaissance du rôle fondamental des agriculteurs dans notre pays.

Il a, en conclusion, souhaité savoir quelle était l’articulation entre le contrat territorial d’exploitation et la vocation économique de l’agriculture, quel message le ministre entendait adresser à la Commission européenne et aux partenaires européens au travers du projet de loi et comment le contrat territorial d’exploitation s’appliquerait dans les zones à handicap naturel comme les zones de montagne.

M. Léonce Deprez a jugé que le projet de loi d’orientation agricole répondait aux besoins de rééquilibrage et de revalorisation du territoire. Mais, au-delà de cette préoccupation première, le projet de loi manque d’ambition. Il a souhaité notamment savoir dans quelle mesure le projet de loi constituait une adaptation de l’agriculture française aux besoins mondiaux, aux exigences de la réforme de la politique agricole commune et à la nécessité d’organisation économique des producteurs face aux marchés qui se concentrent et se mondialisent. Il a conclu en s’interrogeant sur la cohérence du projet de loi avec le projet d’Agenda 2000 tel qu’il avait été exposé par M. Franz Fischler, commissaire européen chargé de l’agriculture, entendu par la commission de la production et des échanges le 14 mai 1998.

M. André Lajoinie, président, a indiqué aux membres de la commission que le ministre de l’agriculture se trouvait contraint de quitter la réunion ; il a proposé au ministre de poursuivre cette audition à une date ultérieure, ce que M. Le Pensec a accepté.

Le 16 juin 1998 la commission a poursuivi l’audition de M. Louis Le Pensec, ministre de l’agriculture et de la pêche.

Usant de la faculté offerte par le premier alinéa de l’article 38 du Règlement, M. Marcel Rogemont a relevé les aspects novateurs du projet de loi d’orientation agricole et notamment les contrats territoriaux d’exploitation (CTE) qui, marqués par un souci de cohérence des interventions, font intervenir les différents acteurs territoriaux à leur conception et à leur financement. Il s’est demandé s’il ne convenait pas d’associer également ces collectivités au contrôle et à la gestion de ces contrats, et, dans cette perspective, il s’est interrogé sur leur place dans les commissions départementales d’orientation de l’agriculture (CDOA).

Il s’est également demandé si, en plus des départements pilotes qui expérimenteraient ces nouveaux contrats, il serait possible d’envisager une telle expérimentation dans d’autres départements, notamment sur les bassins versants, comme en Ille-et-Vilaine.

M. Jacques Rebillard a souhaité savoir qui serait chargé de la mise en place des contrats territoriaux d’exploitation et s’il serait fait appel à des moyens humains nouveaux ou à un redéploiement des moyens existants.

M. Yvon Montané a souhaité qu’il soit fait mention des retraités agricoles dans le projet de loi et qu’un échéancier de la revalorisation de leurs retraites soit prévu. Il s’est interrogé également sur l’utilité du registre de l’agriculture, créé par la loi pourtant depuis longtemps et jamais mis en place.

M. Patrick Ollier a estimé que le projet de loi d’orientation ne prenait pas en compte la spécificité des zones de montagne, notamment au plan des aides compensatoires des handicaps auxquels sont confrontés les agriculteurs qui souhaitent s’y installer. Il faut avoir à l’esprit que, dans ces régions, le maintien de l’agriculture est le seul rempart contre la désertification. C’est pourquoi il a demandé si le Gouvernement était disposé à accepter des améliorations à son projet de loi sur ce point.

Le président André Lajoinie a observé qu’il serait utile de connaître la date approximative à laquelle seraient prêts les décrets d’application du projet de loi d’orientation agricole et souhaité que le Parlement puisse avoir ces éléments en sa possession avant d’examiner ce texte.

M. Louis Le Pensec a déclaré comprendre le souci du président Lajoinie de disposer des textes précis d’application, car s’agissant d’un projet de loi d’orientation, comme l’a confirmé le Conseil d’Etat, il est important de connaître de telles mesures. Un groupe de travail associant les organisations professionnelles a été mis en place et travaille intensément sur les textes d’application. Tous ne seront malheureusement pas prêts au mois d’octobre, mais les textes déjà disponibles et les grandes lignes des textes en préparation seront transmis à l’Assemblée nationale.

En réponse aux différents intervenants, qui ont pratiquement tous abordé la question des contrats territoriaux d’exploitation, le ministre n’est pas revenu sur les objectifs ni sur les besoins auxquels entendent répondre ces contrats, points évoqués lors de l’audition précédente, mais il a apporté des précisions sur cette nouvelle procédure qui, de manière contractuelle permettra de réorienter les concours publics et de prendre en compte la multifonctionnalité de l’agriculture.

S’agissant de la mise en oeuvre des CTE, un contrat sera signé par l’agriculteur, en principe pour cinq ans, qui s’intégrera dans un dispositif qui est à la fois descendant et ascendant. Au plan national, des directives seront établies pour déterminer les objectifs opérationnels et constituer, en quelque sorte, des guides pour l’élaboration des CTE. Au plan régional, des orientations seront arrêtées en concertation avec les régions notamment dans le cadre de la préparation des contrats de Plan Etat-régions. Au plan départemental, sera élaborée la liste des contrats territoriaux d’exploitation types pouvant être proposés aux agriculteurs, et définis après avis de la commission départementale d’orientation de l’agriculture (CDOA).

A ce sujet, se pose effectivement la question de la composition de ces commissions, et notamment de la participation des collectivités territoriales. C’est pourquoi, il a été demandé aux préfets de prolonger d’un an le mandat des membres des CDOA, de manière à se donner le temps de revoir leur composition.

S’agissant du contenu des contrats territoriaux d’exploitation, ceux-ci s’organisent autour de deux grandes orientations, dans le cadre desquelles devra s’inscrire le projet présenté par l’agriculteur :

– la création de valeur ajoutée qui peut se décliner selon des objectifs socio-économiques, tels que la valorisation qualitative des produits, la diversification des activités agricoles, les préoccupations d’aménagement du territoire ou de maintien d’emploi ; l’agriculture biologique s’inscrit dans ce cadre ;

– la gestion du territoire dans lequel s’insère l’exploitation agricole ; les actions éligibles dans le cadre des CTE peuvent ainsi concerner la qualité de l’eau, les surfaces en herbe, la biodiversité, le paysage ou la prévention des risques naturels.

S’agissant du financement des contrats territoriaux d’exploitation, les aides seront regroupées sur une même ligne budgétaire pour assurer une meilleure information. Le fonds de financement des contrats territoriaux d’exploitation sera l’instrument financier qui accueillera en 1999 les crédits nationaux transférés. En l’an 2000, après la réforme de la PAC, ce fonds pourra recevoir une partie des aides versées dans le cadre des organisations communes de marché. Il ne s’agira pas d’une novation, mais simplement d’un élargissement des modulations nationales, puisqu’actuellement ces aides ne peuvent être affectées qu’à des mesures environnementales ou à l’emploi. Cette nouvelle affectation sera mise en oeuvre dans le cadre de la subsidiarité et ne servira pas de prétexte à une renationalisation de la PAC.

Un groupe de travail a été mis en place au sein du conseil supérieur d’orientation agricole, afin d’examiner le problème précis des mesures réglementaires nécessitées par les contrats territoriaux d’exploitation : il doit faire des propositions le 1er juillet prochain et définir exactement les responsabilités de chacun, chambres d’agriculture, coopératives ou agriculteurs organisés sur les bassins versants. Des expérimentations seront conduites dans certains départements, ceux-ci ayant été nombreux à faire des propositions.

Le ministre a également apporté les réponses suivantes :

– le projet de loi ne tourne pas le dos à la compétitivité de l’agriculture française ; bien au contraire, il vise à développer le savoir-faire, la maîtrise technologique et les capacités d’innovation afin d’encourager la mise sur le marché de produits transformés à haute valeur ajoutée, qui représentent d’ores et déjà 70 % des exportations françaises et permettent de dégager d’importants excédents commerciaux, sans aides à l’exportation, comme pour les vins et spiritueux ;

– de nombreuses dispositions du projet de loi concernent l’organisation économique du secteur en vue de la moderniser. Dans le domaine de la coopération, il est ainsi prévu de donner aux coopératives agricoles la possibilité d’accueillir en qualité d’associés des agriculteurs installés en zone frontalière dans d’autres Etats membres de l’Union européenne ; le projet de loi propose également de favoriser le fonctionnement des grands groupes coopératifs et d’accroître le rôle du conseil supérieur de la coopération agricole. Par ailleurs, les organisations interprofessionnelles de caractère général seront renforcées et des interprofessions spécifiques pourront être créées pour les produits bénéficiant d’un même signe de qualité, comme les AOC fromagères par exemple. Il n’est en revanche pas question de modifier les systèmes fonctionnant actuellement, comme en viticulture par exemple. En outre, le projet de loi prévoit la possibilité de conclure des accords entre producteurs, transformateurs et distributeurs en cas de crise conjoncturelle, de façon à éviter les faillites en chaîne dans certains secteurs sensibles comme celui des fruits et légumes.

– le contrôle des structures agricoles est un instrument complémentaire de la réorientation des aides publiques. Les mesures proposées en ce domaine bénéficient du soutien de l’ensemble des organisations professionnelles. Elles ont pour objectif de privilégier l’installation des jeunes agriculteurs sur des exploitations viables en limitant les agrandissements excessifs des unités existantes. A cet effet, le projet de loi instaure un seuil unique de contrôle, quelle que soit la forme juridique de l’exploitation, assurant l’égalité de traitement entre les agriculteurs individuels et ceux qui sont regroupés dans des sociétés ; en outre, toutes les exploitations seront soumises au régime d’autorisation préalable, selon une procédure déconcentrée dont la transparence sera améliorée ; enfin, les sanctions pénales, qui se sont révélées peu efficaces en pratique, seront remplacées par des sanctions administratives ;

– s’agissant de la transmission des entreprises dans le cadre familial, toutes les exonérations fiscales, telles que la suppression des droits de mutation en ligne directe, seront inefficaces si l’on continue à laisser les surfaces d’exploitation s’agrandir. Le meilleur moyen de favoriser cette transmission est de développer des modèles d’exploitation dont l’intensité capitalistique n’est pas trop forte et de s’opposer à la patrimonialisation des droits à prime et des droits à produire. Il faut, en outre, encourager l’installation progressive de jeunes agriculteurs, hors du cadre familial ; un groupe de travail sera mis en place prochainement dans ce but ;

– le projet de loi ne crée pas de statut de l’exploitant car il faut éviter d’inscrire les activités agricoles dans un cadre trop rigide. La nouvelle définition de ces activités est assez large pour ne pas empêcher les adaptations qui seront nécessaires en raison de l’évolution rapide des métiers et du caractère de plus en plus multifonctionnel de l’agriculture ; une définition plus restrictive pourrait, au contraire, constituer un frein à la politique d’installation ;

– quant à l’allégement des coûts de production pour les “ nouveaux installés ”, deux voies sont ouvertes : la meilleure valorisation de la production que le projet de loi encourage ou la réduction des charges, effective depuis 1992 du fait de la baisse des prix. L’adoption de mesures spécifiques trouve ses limites dans l’obligation de respecter le principe de l’égalité de traitement entre l’agriculture et les autres secteurs d’activité. La mise en commun du matériel et des salariés et le développement d’une gestion plus rationnelle par le biais des contrats territoriaux d’exploitation participent à la réduction des coûts de production ; les dispositions sur les coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA) seront réintroduites dans le projet de loi dès que la Commission européenne les aura examinées ;

– l’installation de nouveaux agriculteurs, y compris en pluriactivité, doit être favorisée pour maintenir le nombre des exploitations. Dans ce but, l’assiette de leurs cotisations sociales sera déterminée au début de leur activité sur une base provisoire, à laquelle seront ensuite substitués les revenus professionnels des premières années de plein exercice. Dans le même esprit, le calcul des cotisations des conjoints sera assis sur leur quote-part dans l’activité de l’exploitation ;

– le ministre de l’économie et des finances s’est engagé l’année dernière à revaloriser, sur la durée de la législature, les retraites agricoles les plus faibles. Cet objectif pourra être réaffirmé dans la loi mais ne pourra être chiffré car il ne s’agit pas d’une loi de programmation. Les lois de finances successives pourront en revanche préciser le niveau de chaque revalorisation. Sur ce point, une deuxième mesure significative est en cours d’élaboration ;

– le projet de loi d’orientation vise à encourager le développement de la production de qualité et favorise un partage équitable de ses revenus entre les différents acteurs, du producteur au distributeur final. Afin de simplifier et rendre plus cohérentes les questions des différentes dénominations (appellation d’origine contrôlée et identification géographique protégée), la responsabilité de l’ensemble sera désormais confiée à l’INAO ;

– les organisations agricoles réclament la mise en place d’un registre agricole, instrument de connaissance générale du secteur agricole dans les départements et de connaissance de la consistance des exploitations. La tenue de ces registres sera confiée aux chambres d’agriculture ;

– le projet de loi d’orientation agricole ne tend pas à remettre en cause les orientations intangibles de la “ loi montagne ”. Le ministère de l’agriculture est très attaché à la défense d’une politique adaptée pour les zones à handicap et il oeuvrera à la revalorisation des indemnités compensatoires de handicaps naturels. En même temps, les contrats territoriaux d’exploitation paraissent être un instrument adapté à la revitalisation des zones de montagne.

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B.—  Audition de M. Jean Pinchon, président de l’Institut national des appellations d’origine (INAO)

La commission a entendu M. Jean Pinchon, président de l’Institut national des appellations d’origine (INAO), au cours de sa réunion du 17 juin 1998 à 9 heures.

M. Pierre Ducout a indiqué qu’après l’audition de M. Louis Le Pensec, ministre de l’agriculture et de la pêche, sur le projet de loi d’orientation agricole, la commission entamait une série d’auditions pour approfondir sa réflexion sur ce texte. Il a rappelé que le ministre avait insisté sur le principe de qualité qui devrait régir l’ensemble des produits agricoles et pas seulement les produits bénéficiant des premières appellations d’origine contrôlées. Il a souhaité avoir des informations sur le rôle de l’INAO et connaître sa position sur le projet de loi.

M. Jean Pinchon a rappelé que l’INAO, établissement public fondé en 1935, et chargé jusqu’en 1990 des seuls secteurs du vin et des eaux-de-vie, s’était révélé un outil particulièrement efficace.

Alors qu’en 1970, au moment de la signature du premier règlement communautaire sur le vin, 15 % de la superficie du vignoble français étaient constitués d’appellations d’origine contrôlées, cette superficie est aujourd’hui de 55 %, sans qu’il y ait eu accroissement des appellations, mais par le seul fait du développement des superficies à l’intérieur des aires d’appellation. La situation économique des aires d’appellations contrôlées est très bonne, l’année 1997 ayant été particulièrement remarquable.

Ce système extrêmement performant permet à 100 000 vignerons français de continuer à faire leur vin, alors que dans les autres pays producteurs comme l’Italie et l’Espagne, les vendanges sont transférées à des opérateurs. Cette spécificité française de production vinicole individuelle est une chance pour l’équilibre du territoire français et pour l’environnement.

En 1990, l’INAO a été chargé de s’occuper d’autres produits que le vin.

S’agissant des produits laitiers qui bénéficiaient déjà d’appellations d’origine contrôlées (AOC) gérées par le ministère de l’agriculture, une dérive s’est peu à peu instaurée qui a conduit à transformer l’appellation en marque et, de ce fait, à oublier le producteur au profit de l’industriel. L’INAO mène donc un combat pour déterminer quelles sont les vraies appellations fromagères et a entamé des discussions pour une réduction des aires de production. Cela n’est évidemment pas facile à réaliser car l’on se heurte aux habitudes et aux organisations interprofessionnelles agricoles. Néanmoins, une ou deux appellations laitières devraient se transformer en indications géographiques de provenance.

S’agissant des autres produits qui bénéficiaient d’appellations d’origine contrôlées (foin de la Crau, poularde de Bresse...), ceux-ci ont dû repasser en 1990 un examen pour déterminer si c’est à juste titre qu’ils étaient des AOC ; ils l’ont réussi, ce qui a conforté leur appellation. La procédure d’homologation est assez longue car elle prend la forme d’une commission d’enquête avec des professionnels pour s’assurer qu’il y a bien une véritable demande et un consensus de la part des producteurs en faveur d’une appellation. En effet, la demande d’appellation doit venir de la base et celle-ci doit déterminer les contraintes qu’elle est en mesure d’accepter. La dernière AOC homologuée concerne les pommes de terre de l’Ile-de-Ré.

L’INAO fonctionne bien dans un cadre de droit public. C’est en effet par décret contresigné par cinq ministres qu’un produit obtient la reconnaissance officielle. N’importe quel citoyen et non seulement un syndicat peut d’ailleurs y prétendre. Quant aux contrôles, ils sont exercés par l’INAO, par la direction générale de l’alimentation du ministère de l’agriculture et de la pêche, par les services vétérinaires et par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Ce système de surveillance par l’Etat des appellations d’origine surprend le monde anglo-saxon qui est habitué à un mode de contrôle par des organismes privés, système qui s’applique également en France en matière de labels et de certifications de conformité.

En ce qui concerne le projet de loi d’orientation agricole, il convient en premier lieu de rappeler qu’il ne doit pas y avoir d’interventions économiques à l’intérieur des aires d’appellation, car celles-ci ont leur marché, permettant à l’agriculteur de réaliser une plus-value. Le système fonctionne bien grâce à la protection des appellations par les services de contrôle de l’Etat et grâce à la définition des délimitations d’aires et de modes de production par l’INAO. Sur les 35 recours introduits par les producteurs devant le Conseil d’Etat, en matière de délimitation, l’INAO n’en a perdu que trois, ce qui prouve la qualité du travail réalisé.

Est-il possible de faire plus pour protéger les appellations ?

En raison de l’évolution économique, certaines appellations ont besoin d’une protection complémentaire. Ainsi, certaines appellations demandent-elles que toutes les manipulations sur les produits bénéficiant d’une appellation se fassent dans l’aire de production, à l’exemple de l’appellation Roquefort qui a obtenu que ce fromage ne soit découpé qu’à Roquefort. Il ne peut y avoir de règle absolue, mais cette protection doit être obtenue par les appellations qui le demandent, quitte à permettre des dérogations, car il s’agit d’une protection utile. Ainsi, les Portugais ont-il décidé que le porto ne pourrait pas quitter le Portugal sans être mis en bouteille, ce qui est contraire au droit européen actuel et aux décisions de la Cour de Justice des Communautés européennes. Il semble cependant que la Commission ait changé d’avis et qu’elle serait prête à admettre qu’il y a des raisons qui justifient que des manipulations sur les appellations ne puissent avoir lieu que dans les aires de production.

Une autre demande de l’INAO porte sur les marques de distributeurs qui comportent aujourd’hui de plus en plus souvent des noms géographiques. On a en effet noté que cette indication géographique avait tendance à attirer ou rassurer le consommateur. L’idéal pour l’INAO serait de réserver l’emploi des noms de lieux géographiques aux appellations d’origine et aux indications géographiques de provenance, sous réserve de l’exception des dénominations génériques. En tous les cas, lorsqu’un nom géographique serait utilisé pour identifier un produit, il conviendrait de préciser la raison pour laquelle le lieu géographique est mentionné. Par exemple, le “ poulet de Paris ” devrait plutôt s’appeler le “ poulet plumé à Paris ”, ou le “ cidre du Mont-Saint-Michel ” devrait être dénommé “ cidre pressé au Mont–Saint–Michel ”, si tel est le cas.

La grande distribution mêle de plus en plus souvent les noms d’AOC à ses marques propres. M. Jean Pinchon a cité le cas du “ Roquefort Casino ”. En raison de la réglementation de l’AOC Roquefort, il n’est pas possible à une chaîne de distribution de s’approprier la production du Roquefort puisqu’il doit être découpé dans la zone d’appellation de la ville de Roquefort. En fait, dans le cas du “ Roquefort Casino ”, l’enseigne Casino a fait appel à un petit fabricant de Roquefort agissant pour son compte.

Pour lutter contre cette dérive, M. Jean Pinchon a proposé trois solutions :

– ou bien interdire de manière absolue l’usage de noms d’AOC dans les marques ;

– ou bien permettre de faire figurer dans les cahiers des charges des AOC qui le souhaitent l’interdiction d’utiliser leur nom dans une marque de distributeur ;

M. Jean Pinchon a fait observer que ces deux propositions n’étaient pas sans poser des difficultés au regard du droit européen et du droit de la concurrence ; elles ne doivent pas, en outre, être comprises comme une manifestation d’hostilité à l’égard de la grande distribution qui rend de nombreux services aux producteurs d’AOC, comme dans le cas des foires au vin ;

– ou bien obliger les marques de distributeurs utilisant le nom d’une AOC à mentionner sur leurs produits le nom du fabricant.

En dernier lieu, afin de mieux défendre les AOC, un sigle spécifique devrait être imposé afin de permettre aux consommateurs de mieux les repérer. Un tel dispositif a été proposé au ministre de l’agriculture, qui en a accepté le principe, mais a dû soumettre le projet à la Commission européenne. Si ce sigle n’était pas mis en place par le biais de la loi, il devrait être déposé en tant que marque collective, ce qui poserait problème du fait que les AOC ne sont pas des marques collectives.

M. François Patriat a fait part à M. Jean Pinchon du grand intérêt qu’avait pour les membres de la commission l’audition du Président de l’Institut national des appellations d’origine. Il a estimé que les dispositions retenues en matière de qualité et d’identification des produits par le projet de loi d’orientation, qui doit aider à clarifier et harmoniser les règles applicables donneraient très probablement lieu à de nombreux débats. Il a estimé également que la Commission européenne aurait peut être aimé “ faire l’économie ” du système des appellations d’origine contrôlées, mais que le droit français avait été constitué sur ce point en temps utile, notamment au travers de la loi n° 90-558 du 2 juillet 1990 relative aux appellations d’origine contrôlées des produits agricoles ou alimentaires, bruts ou transformés, dont il fut rapporteur, M. Jean Pinchon en étant un des inspirateurs. M. François Patriat a noté également qu’il était aujourd’hui particulièrement difficile de promouvoir les productions ne bénéficiant pas de signes de qualité en dehors des pays de la Communauté européenne.

Il a ensuite interrogé M. Jean Pinchon sur le contenu même du projet de loi d’orientation agricole : le fait que l’Institut national des appellations d’origine soit appelé à traiter des demandes d’appellations d’origine protégées comme de celles qui visent les indications géographiques protégées devrait contribuer à améliorer la lisibilité de notre système de signes de qualité et d’identification. Il a souhaité savoir néanmoins quelle hiérarchie M. Jean Pinchon établissait entre appellations d’origine protégées (AOP) et indications géographiques protégées (IGP), sachant que les IGP subissent parfois peu de contraintes.

M. François Patriat tout en admettant l’intérêt de constituer, comme le prévoit le projet de loi, des interprofessions spécifiques pour les produits sous signe de qualité dans le secteur des fromages, a estimé que ce dispositif ne devait pas s’appliquer à la viticulture, étant donné qu’on risque de voir s’y développer des interprofessions à caractère régional, modifiant les équilibres existants.

Il a souhaité avoir des précisions également sur le suivi de la qualité des produits en aval, observant que l’existence d’une appellation d’origine contrôlée n’était pas une garantie de qualité en bout de chaîne et qu’il était nécessaire qu’existe également une auto-discipline des intervenants.

Répondant à M. François Patriat, M. Jean Pinchon, a donné les précisions suivantes :

– la demande de constitution d’interprofessions spécifiques à un produit est essentiellement motivée par la situation des interprofessions laitières dont la création est antérieure à 1975 et dont le fonctionnement n’est pas satisfaisant. Les trois quarts du lait produit en France sont travaillés par les industriels, or, l’INAO, dont les interlocuteurs traditionnels sont les producteurs, a besoin de partenaires en mesure de contrôler la production, à l’instar des syndicats de viticulteurs. La création d’interprofessions spécifiques à des produits laitiers – proposition qui peut être également appliquée à l’huile d’olive – permettrait de répondre à ce besoin ;

– les interprofessions spécifiques à un produit ne doivent pas toucher le secteur du vin. Il n’existe plus un besoin d’interprofessions spécifiques nouvelles en matière viticole ;

– les producteurs détiennent la majorité au sein des comités de l’INAO ; leur présidence leur est toujours confiée. Le cas du lait pose problème du fait que l’INAO a hérité d’une situation caractérisée par l’absence des producteurs dans de nombreux syndicats de fabricants de produits laitiers, comme le syndicat des fabricants de camembert de Normandie au sein duquel les producteurs ne sont présents que depuis quelques mois ;

– le mot qualité est employé de façon anormale par le projet de loi car celui-ci se réfère plutôt à l’identification des produits et non à leur qualité. D’un côté, il existe des règlements sanitaires et des corps de fonctionnaires chargés du contrôle de leur respect. Cette réglementation de la qualité est réclamée par les consommateurs ; pour répondre à leurs inquiétudes justifiées face à l’accroissement des accidents sanitaires, il convient de renforcer les contrôles. En tous les cas, il faut s’attendre à des accidents de ce type en raison de l’industrialisation de la production des denrées alimentaires. D’un autre côté, l’INAO ne garantit pas la bonne qualité ou la qualité supérieure d’un produit, mais le respect d’une origine reconnue et de règles de fabrication figurant dans un cahier des charges définissant la spécificité du produit ;

– une fois le produit identifié par une AOC, l’INAO n’intervient pas dans le contrôle de sa filière de commercialisation. Les interprofessions réfléchissent actuellement aux modalités possibles d’un tel contrôle. Si, par exemple,le comité interprofessionnel des vins de Bordeaux repérait des bouteilles bénéficiant d’une AOC chez un détaillant étranger qui, pour des raisons diverses comme une exposition prolongée au soleil pendant le transport ou le stockage en magasin, seraient d’une qualité douteuse, il devrait lui être possible de les racheter et d’adresser au négociant chargé de la commercialisation de ces bouteilles un avertissement. En effet, le consommateur est en droit d’attendre d’une AOC un produit conforme à son image et si les modalités de sa commercialisation le dénaturent et ne permettent plus de répondre aux attentes légitimes du consommateur, on pourrait envisager d’infliger des sanctions au distributeur. L’INAO approuve cette démarche des interprofessions. Il ne réclame pas, pour lui, cette fonction de contrôle car dès lors qu’il a délivré son agrément, c’est à l’utilisateur de la marque d’assumer la responsabilité de la mise sur le marché. En Bourgogne, les négociants se sont d’ailleurs mis d’accord sur les modalités de contrôle des exportations des vins AOC et leur mise en vente.

M. Jean-Claude Lemoine, observant que M. Jean Pinchon avait souhaité que certaines manipulations ne puissent intervenir que dans les zones d’appellation contrôlée et que, par ailleurs, il était nécessaire d’éviter une utilisation abusive des noms géographiques, a interrogé M. Jean Pinchon sur la production de camembert réalisée de plus en plus souvent en dehors de la Normandie.

M. Yves Coussain a abordé la question de la maîtrise des quantités produites ; observant qu’il y avait parfois de nombreux intervenants dans le secteur des appellations d’origine contrôlée, en particulier pour les fromages, il a insisté sur les risques de voir se produire alors des déséquilibres de marché, entraînant des baisses de prix nuisant à la logique même de qualité.

M. Joseph Parrenin a demandé à M. Jean Pinchon quelle image il avait de l’ensemble des produits de qualité et comment il fallait, selon lui, situer ces produits par rapport à la politique d’orientation de l’agriculture.

En réponse aux différents intervenants, M. Jean Pinchon a apporté les précisions suivantes :

– l’appellation “ camembert ” est tombée aujourd’hui dans le domaine commun, ce fromage étant produit aujourd’hui sous cette appellation même au Danemark et aux Etats-Unis ; cette situation ne peut d’ailleurs plus être modifiée. A l’heure actuelle, sont commercialisés en France le “ camembert de Normandie ”, qui, bénéficiant d’une appellation d’origine contrôlée, est fabriqué à partir de lait cru et sur une aire de production qui correspond à l’ensemble de la Normandie et le “ camembert fabriqué en Normandie ”, qui n’est pas une AOC mais un produit dont on atteste seulement qu’il est fabriqué en Normandie ;

– il est essentiel de noter que la fabrication du véritable et du bon camembert nécessite un lait spécifique ; la difficulté pour ce produit, à la différence du “ livarot ” dont l’aire de production est très réduite, vient du fait que la zone de production délimitée correspond à l’ensemble de la Normandie. Un autre type de camembert est aujourd’hui commercialisé, sous la marque “ Reflet de France ” sans aucune autre indication d’origine, mais avec l’indication “ Promodès ” ;

– une évolution profonde s’est produite au cours des dernières décennies en agriculture, conduisant à distinguer de plus en plus deux grands secteurs ; le premier vise avant tout à nourrir la population aux prix les plus bas. Une véritable révolution de la productivité s’est produite ainsi touchant particulièrement les activités céréalières et laitières dont les prix sont de moins en moins élevés ; la contrepartie de cette évolution des prix a été l’uniformisation et la banalisation des produits commercialisés. Un nouveau marché agricole s’est dès lors développé, qui insiste sur la convivialité et la qualité de la nourriture. Celle-ci ne peut toutefois être commercialisée aux mêmes prix, étant donné qu’elle repose sur des efforts accomplis par les producteurs, qui doivent en être récompensés. D’une certaine façon, ce type de produits, comme dans le secteur industriel du luxe, est destiné, par son originalité et ses caractéristiques gustatives, à “ vendre du rêve ” ;

– il est vrai que les quantités produites doivent être contrôlées pour les produits de qualité. Le premier moyen utilisable est la délimitation des zones de production, sachant que des différences sensibles existent entre le secteur des vins, où la totalité de la production sous AOC provient de la zone concernée et celui des produits laitiers où la proportion n’est souvent que de 40 à 50 % parfois même beaucoup moins (3 % dans la zone de la fourme d’Ambert par exemple). Il est possible également de limiter les rendements annuels, comme cela a été fait récemment pour les vins de Champagne ; mais, cette solution semble mal convenir aux produits de qualité. S’agissant des produits laitiers, il est possible aussi de n’attribuer les appellations d’origine qu’au lait produit par certaines races de vaches ou bénéficiant d’un certain type d’alimentation. En toute hypothèse, les produits viticoles ou laitiers de qualité ne peuvent qu’être payés plus cher que les produits banalisés ;

– l’évolution de l’agriculture, qui conduit à distinguer un secteur qui cherche à nourrir le moins cher possible et à gagner des parts de marché à l’international grâce à des progrès techniques, génétiques et à l’augmentation des surfaces cultivées est appelée à se poursuivre. Elle se traduira par une concentration croissante des exploitations, dont le nombre à l’horizon 2010 pourrait s’élever à 250 000 ou 300 000. Face à cette agriculture, il existe des marges de progrès pour une production visant l’originalité et la qualité et évitant la banalisation des productions et donc de l’alimentation. Ces marges de progrès sont d’autant plus importantes, que les consommateurs sont de plus en plus désireux de connaître l’origine des produits alimentaires et que va se développer un mouvement déjà existant de retour des populations en zone rurale, susceptible de recréer une demande de produits de qualité. Les appellations d’origine peuvent précisément répondre à cette demande. La consommation de vin offre à cet égard un bon exemple, car elle s’est profondément modifiée depuis 1965 où étaient principalement commercialisés des vins de consommation courante souvent issus d’assemblages. Actuellement, 100 000 producteurs répondent à une partie très importante de la demande, éprouvant d’ailleurs une réelle fierté à voir figurer leur nom sur leur produit, phénomène qui se produira sans doute demain aussi pour les fromages. La technique des appellations d’origine pourrait permettre de sauvegarder 250 000 à 300 000 exploitations, de maintenir demain à 2 000 le nombre des producteurs de Roquefort actuellement de 3 000, de conserver largement les fruitières dans le secteur du fromage de comté.

Plutôt que d’une production “ de qualité ”, il vaudrait mieux parler d’une production “ personnalisée ”, “ originale ”, “ identifiée ” ou encore “ qui a du goût ”, la “ qualité ” étant une notion en définitive très subjective. Il importe d’ailleurs de ne pas confondre les notions de qualité et de sécurité alimentaire. En tout état de cause, la notoriété des produits est construite par les consommateurs, contrairement à ce qu’affirment parfois les dirigeants de la grande distribution, qui, observant que leurs marges ont diminué de 50 % entre 1980 et 1995 sur le secteur alimentaire, s’érigent parfois abusivement pour mieux commercialiser leurs produits, en “ porte paroles des consommateurs ”. La loi d’orientation agricole aura le mérite de préciser que l’agriculture remplit deux grandes fonctions, l’une d’entre elles étant la production de qualité, au sein de laquelle les appellations d’origine contrôlées représentent les produits les plus nobles.

M. Pierre Ducout a remercié M. Jean Pinchon pour ses propos, notant que l’ampleur des dispositions consacrées par la loi d’orientation agricole à “ la qualité et à l’identification ” qui font l’objet dans ce texte d’un titre entier, en révélait clairement l’importance.

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C.— Audition de M. Jean-François Hervieu, président de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA) 

La commission a entendu M. Jean-François Hervieu, président de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA), au cours de sa réunion de l’après-midi du 17 juin 1998.

M. Jean-François Hervieu a estimé que le projet de loi était un véritable texte d’orientation s’appuyant sur les premières orientations proposées par le ministre de l’agriculture dès octobre 1997, qui visaient à mettre le territoire au coeur du projet de loi. Il aurait pourtant souhaité que le texte prenne en compte deux dimensions indissociables : une meilleure insertion de l’agriculture dans l’économie, car la situation a bien changé depuis la loi d’orientation agricole du 5 juillet 1960 et une meilleure réponse de l’agriculture aux attentes de la société.

Il a estimé que le texte était déséquilibré entre deux logiques qui coexistent, celle du marché et de la compétitivité des exploitations qu’il est absolument indispensable de respecter, mais qui est absente, et celle du territoire qui devient prioritaire dans le projet de loi. Tout en étant d’accord pour que la notion de territoire soit prise en compte, il a observé que le projet de loi d’orientation penchait trop en ce sens.

Parmi les points d’accord avec le texte du projet de loi, il a relevé :

– une approche multifonctionnelle de l’agriculture ;

– les diverses missions assignées à l’agriculture ; il a toutefois exprimé le souhait que la priorité soit accordée à la fonction de production, car même si les préoccupations d’occupation du territoire ou environnementales sont importantes, elles ne doivent pas reléguer au second plan la fonction économique de l’agriculture. Or le projet a une approche plus patrimoniale de l’agriculture, il ne faudrait pas réduire l’activité agricole à un état, alors que c’est un métier. Il convient donc de respecter un équilibre entre la fonction économique et les autres fonctions de l’agriculture.

Les objectifs du projet de loi d’orientation et des propositions “ Agenda 2000 ” de la Commission européenne peuvent paraître a priori différents, mais ils ont en fait de nombreux points communs. On note ainsi une orientation de plus en plus affirmée vers une politique de revenus en agriculture, c’est-à-dire une politique qui n’est plus fondée sur une approche de régulation du marché. On peut donc craindre que l’activité de production agricole ne devienne secondaire. Or, c’est une évolution dangereuse.

D’autres points d’accord avec le texte du projet de loi peuvent être relevés :

– le principe de contractualisation ;

– l’équilibre entre les formes d’exploitations individuelles et sociétaires au regard du contrôle des structures ;

– l’engagement de mettre en place une assurance récolte ;

– le nouveau statut de conjoint collaborateur ;

– certaines dispositions concernant les interprofessions ;

– la création de zones agricoles protégées ;

– les missions de l’enseignement agricole ;

– les dispositions concernant la recherche et le développement.

Parmi les points du projet de loi qui mériteraient d’être complétés, figurent :

– l’absence d’orientations claires en matière économique ;

– l’absence de prise en compte de l’évolution de l’entreprise agricole, alors qu’il serait souhaitable que celle-ci soit reconnue et que soient adoptées des dispositions fiscales tendant à faciliter les transmissions et la gestion des exploitations. Une définition de l’exploitant agricole est également attendue ainsi qu’une réforme du statut du fermage ;

– la certification des exploitations ;

– le caractère trop contraignant du contrôle des structures ;

– l’inadaptation du dispositif de qualité relatif à l’indication géographique protégée (IGP) ;

– l’insuffisance des dispositions dérogatoires au droit de la concurrence ;

– le rôle de l’Etat dans le développement agricole.

M. Jean-François Hervieu a estimé souhaitable qu’une bonne contractualisation respecte l’initiative des agriculteurs car leurs projets doivent avoir une base économique forte pour avoir toute leur valeur.

Le contrat territorial d’exploitation est un outil intéressant qui ne peut pas se substituer à certaines politiques (politiques des marchés ou politiques structurelles notamment) ; c’est un outil complémentaire pour le développement de l’agriculture qui doit s’insérer dans une approche partagée entre l’administration et les organisations professionnelles ainsi que dans une approche collective. Il faut mettre l’accent sur des orientations fortes, déterminées en tenant compte des besoins au niveau des départements et des territoires et dans une cohérence régionale. Les contrats territoriaux d’exploitation doivent être fondés sur une stratégie ascendante, partant de l’exploitant.

Les modifications proposées par l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture au titre I du texte du projet de loi sont relatives aux objectifs à donner aux contrats territoriaux d’exploitation car le projet de loi n’en parle pas et ne prévoit que leurs conditions de mise en place ; ils tendent également à préciser l’approche économique de ces contrats et le rôle des commissions départementales d’orientation agricole.

Les améliorations proposées au titre II portent sur la définition de l’activité agricole. La rédaction du texte du projet est jugée trop restrictive car elle relègue au titre d’activités accessoires les activités développées par les agriculteurs en complément de leur activité de production. C’est le problème des activités touristiques (restauration) qui se trouve posé. Il serait souhaitable que le terme “ d’activité accessoire ” ne soit pas appliqué aux activités de restauration.

Il est également proposé que, dans un délai d’un an, un rapport soit réalisé comportant des propositions sur l’entreprise agricole. Si le texte traite effectivement de l’assurance récolte, il conviendrait également que soient pris en compte le mode de transmission, la fiscalité, l’équilibre fermier-bailleur et qu’une définition de l’exploitant agricole soit donnée.

Les modifications proposées au titre III relatif à l’organisation économique portent sur le rôle de l’organisation collective des producteurs, qui doit être adapté à la concentration de la distribution, sur la participation de la distribution aux interprofessions, qui ne doit pas être systématique, mais effectuée à la demande, et sur l’obligation de mise en place d’une instance de concertation.

S’agissant du titre IV, l’APCA propose de préciser les objectifs de la politique de qualité et de supprimer l’identification géographique protégée (IGP) en tant que signe d’identification autonome.

Les modifications proposées au titre V relatif à la gestion de l’espace agricole et forestier ont pour objet de coordonner la future loi d’orientation et d’aménagement du territoire et le texte du projet de loi d’orientation agricole, de manière qu’un lien soit établi entre espace forestier et agricole et espace rural.

Il serait également souhaitable de réintroduire des dispositions sur la réciprocité dans le domaine péri-urbain telles qu’initialement prévu.

Au titre VI devrait être précisé le rôle de la recherche pour que l’approche économique soit mieux prise en compte, il faudrait également insérer les chambres d’agriculture parmi les organismes effectuant de la recherche appliquée.

En conclusion, le projet de loi a un caractère novateur mais l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture souhaite que soient apportés quelques compléments pour assurer un meilleur équilibre entre économie et territoires.

M. François Patriat, rapporteur, relevant les nombreux points d’accord de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA) avec le projet de loi d’orientation, a souligné que le schéma des structures qu’il proposait, visait à assurer une plus grande transparence lors des mutations, afin de favoriser l’installation des jeunes et de réorienter l’attribution des terres dans une logique d’aménagement du territoire, en empêchant une concentration à outrance des propriétés. Il a en outre relevé que l’APCA n’avait pas formulé de proposition sur ce point malgré les critiques exprimées.

Il a indiqué qu’il était courant d’entendre des critiques sur une éventuelle faiblesse du volet économique du projet de loi et a estimé que les propositions de l’APCA à ce sujet conduiraient à renforcer les regroupements de producteurs et les coopératives, ce qui pourrait être envisagé mais à condition d’admettre qu’il ne faut pas augmenter les subventions accordées à des filières qui auraient démontré leur inefficacité.

Il a estimé qu’il convenait d’opérer une hiérarchisation entre les indications géographiques protégées (IGP) et les appellations d’origine contrôlées (AOC). Si la Commission européenne a admis que l’AOC a fait la preuve en France de ses résultats, l’IGP correspond aussi à une réalité, 432 indications ayant été retenues, tandis que 700 autres étaient rejetées. Il ne serait pas souhaitable que la France se retrouve isolée sur ce dossier et il faut considérer de façon positive les démarches communautaires qui confortent le succès des AOC, d’autant que les pays du sud s’inspirent de notre exemple dans ce domaine.

M. Christian Jacob a déclaré partager au nom de son groupe le regret exprimé par l’APCA à propos de l’absence d’un volet économique dans le projet de loi d’orientation. Celui-ci se trouve ainsi déséquilibré, alors qu’il aurait dû prendre en compte la fonction de production et les évolutions de l’entreprise agricole.

Relevant que l’APCA considérait que les contrats territoriaux d’exploitation manquaient à la fois d’objectifs et de moyens de financement, il a demandé des éclaircissements sur le fait que l’APCA jugeait pourtant favorablement cette technique.

M. Joseph Parrenin, relevant que la fonction économique de l’agriculture n’avait jamais été remise en cause, a estimé que cette notion était dès lors sous-jacente dans le projet de loi, l’exposé des motifs reconnaissant par ailleurs sa plurifonctionnalité.

Il a également estimé que la position de l’APCA vis-à-vis des indications géographiques protégées risquait de pénaliser l’agriculture française.

M. Léonce Deprez s’est déclaré convaincu que le projet de loi d’orientation constituait un progrès, dès lors qu’il confie aux agriculteurs le soin d’entretenir cette matière précieuse qu’est le territoire. Il a par ailleurs souhaité que l’APCA exprime ses critiques, de manière plus claire et plus directe s’agissant notamment de la faiblesse du volet économique du projet.

Il a également demandé que soient précisées les propositions de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture pour assurer une meilleure organisation des producteurs face à des marchés qui se concentrent et se mondialisent.

M. Jean Auclair, rappelant que le ministre de l’agriculture avait annoncé devant la commission que les contrats territoriaux d’exploitation seraient financés en partie sur la part nationale de la politique agricole commune, a considéré que cette affectation amputerait ces crédits au profit de quelques “ écologistes de l’agriculture ” et favoriserait la mise en herbe au détriment de la mission de production du secteur.

Estimant que les commissions départementales d’orientation de l’agriculture s’érigeaient de fait aujourd’hui en censeurs des installations et des agrandissements d’exploitation, il a craint que cette tendance ne s’aggrave du fait de la représentation en leur sein des consommateurs et des associations de défense de l’environnement.

Il a conclu en déclarant son opposition à un projet qui manquait de sérieux en favorisant les petites exploitations de 20 ou 30 hectares, confiées à des “ baba-cools ” assistés.

M. Jacques Rebillard a souligné que les chambres d’agriculture accompagnent depuis longtemps les exploitants en leur fournissant l’assistance de techniciens expérimentés. L’action des chambres d’agriculture a évolué au cours des ans, en fonction des nouvelles attentes de la société et des consommateurs, en faveur d’une agriculture plus durable et mieux soucieuse de la préservation de son environnement. Elles ont par exemple fourni des expertises en matière de gestion des émissions d’azote et de protection des nappes phréatiques.

Il a demandé si les chambres d’agriculture étaient candidates à la mise en place des contrats territoriaux d’exploitation, indiquant que les techniciens de celles-ci étaient pleinement en mesure d’assumer cette responsabilité.

En réponse aux intervenants, M. Jean-François Hervieu a apporté les précisions suivantes :

– les critiques de l’APCA vis-à-vis du projet de loi d’orientation sont émises avec le même esprit constructif que celui qui avait présidé à l’analyse du projet de loi présenté par le précédent ministre de l’agriculture, M. Philippe Vasseur ;

– les contrats territoriaux d’exploitation visent à rééquilibrer l’agriculture par l’intermédiaire des aides publiques. Cependant, si les objectifs sont clairement définis, les modalités de leur application restent à préciser. Des expérimentations sont prévues avant la généralisation du dispositif. Il faut en tout état de cause ne pas perdre de vue que les contrats territoriaux d’exploitation ne peuvent régler seuls l’ensemble des problèmes de l’agriculture. En outre, les modalités de leur financement ne relèvent pas de la loi d’orientation. Les commissions départementales d’orientation agricole peuvent jouer un rôle important, au niveau des départements, pour harmoniser les objectifs fixés dans les contrats territoriaux d’exploitation ;

– l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture a souhaité, s’agissant des schémas de structures, que les entreprises sous forme sociétaire soient contrôlées de la même façon que les entreprises individuelles. Sur ce point, la situation ne peut pas être comparée entre les départements. L’APCA propose d’élever les limites des unités de référence, actuellement fixées entre 0,8 et 1,5 pour les élargir de 0,8 à 2 ;

– l’APCA propose que le délai de préavis de 3 ans fixé dans le projet de loi pour le départ en retraite soit réduit à 2 ans ;

– il est souhaitable que le statut de l’exploitant soit mentionné dans le registre des exploitations agricoles ;

– les problèmes auxquels viennent d’être récemment confrontés les producteurs de fruits et légumes proviennent, pour une part, de leur faible organisation. Ces productions sont peu aidées au plan européen ; les agriculteurs concernés devraient se doter d’instruments plus efficaces pour réguler la production et s’organiser pour un meilleur accès au marché. Une meilleure responsabilisation, un système adapté d’assurance récolte, serait préférable à l’expression d’actes de désespoir. C’est pourquoi les pouvoirs publics devraient réorienter leurs interventions et leurs aides dans le but de favoriser une meilleure organisation de la mise en marché.

L’interprofession devrait, en liaison avec la filière de transformation et la distribution, permettre également aux agriculteurs de mieux s’organiser pour faire face aux problèmes qu’ils rencontrent ;

– la position de l’APCA vis-à-vis des indications géographiques protégées (IGP) a peut-être été mal comprise, parce que mal exprimée. L’objectif des chambres d’agriculture est de ne pas banaliser un signe de qualité, source de plus-value pour le producteur. C’est pourquoi, afin que l’indication géographique protégée ne puisse pas troubler la lisibilité de la référence pour le consommateur, elle ne peut pas être un signe de qualité en tant que tel mais doit être adossée à un label ou à une certification de conformité ;

– s’il est vrai que nul n’a remis en cause le caractère économique de l’activité agricole, la référence à cette donnée n’en a pas moins sa place de manière explicite dans la loi d’orientation. Le maintien d’un territoire vivant ne se réalisera qu’en conservant des bassins de production également vivants. En conséquence, les hommes, les produits et les territoires sont intimement associés. Cette globalité ne se définit pas par opposition à d’autres objectifs. C’est pourquoi l’APCA insiste pour qu’il soit fait référence, dans le projet de loi, à la notion d’activité économique ;

– on ne peut pas responsabiliser les agriculteurs si l’approche entrepreneuriale est négligée. Celle-ci inclut notamment la connaissance des marchés, des techniques et de la gestion. Dans cette optique, l’Etat doit mettre en place des structures pour favoriser cette orientation, mais ne doit pas se substituer à la responsabilité de l’entrepreneur. Ainsi, le statut actuel du fermage ne répond plus à l’exercice d’une multifonctionnalité de l’agriculture.

En conclusion, le président André Lajoinie a indiqué que le message de l’APCA avait été entendu par la commission, notamment sur la place de la production agricole. D’autres missions, aujourd’hui assignées par la société aux agriculteurs, doivent aussi être compensées par une rémunération.

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D.— Audition de M. Marc Bué, président de la Confédération nationale de la mutualité, de la coopération et du crédit agricole (CNMCCA) et de M. Joseph Ballé, président de la Confédération française de la coopération agricole (CFCA)

La commission a ensuite entendu lors de la même réunion du 17 juin 1998, M. Marc Bué, président de la confédération nationale de la mutualité, de la coopération et du crédit agricole (CNMCCA) et M. Joseph Ballé président de la confédération française de la coopération agricole (CFCA).

M. Marc Bué a estimé tout d’abord que le projet de loi d’orientation agricole adopté par le conseil des ministres le 10 juin dernier procède d’objectifs précis :

– la reconnaissance du rôle et de la contribution de l’agriculture dans l’activité économique et l’emploi en milieu rural et dans l’occupation équilibrée du territoire ;

– la prise en compte des préoccupations environnementales et la promotion de formes d’agriculture plus soucieuses de la préservation des ressources naturelles et des espaces naturels ;

– la réappropriation du produit par le producteur au travers des politiques de qualité et de rattachement des produits aux terroirs ;

– la volonté d’établir plus d’équité entre productions, entre régions et entre producteurs.

M. Marc Bué a indiqué que ces objectifs suscitaient l’accord de son organisation. Mais il a regretté qu’ils ne permettent pas de répondre à l’ensemble des problèmes susceptibles de se poser à notre agriculture dans les prochaines années. Le projet de loi, en se limitant à ces objectifs, apparaît en fait comme un peu réducteur.

L’agriculture française est devenue une puissance exportatrice en Europe et dans le monde pour ses matières premières comme pour ses produits transformés ; cette réussite a permis la création d’une industrie agro-alimentaire compétitive et créatrice d’emplois, notamment en milieu rural. Or, a poursuivi M. Marc Bué, ces acquis ne sont pas définitifs et les prochaines négociations internationales seront rudes. Le démantèlement des barrières tarifaires et non tarifaires va en effet se poursuivre, facilitant l’accès tant en France que sur nos marchés habituels de produits agricoles concurrents. Quant à la politique de qualité préconisée par le projet de loi et à laquelle la CNMCCA adhère, elle ne nous évitera pas d’avoir à affronter la compétition internationale.

Sauf à accepter son déclin ou à mettre en place une agriculture assistée ne trouvant sa rémunération que dans les concours publics – combien de temps le corps social pourrait-il accepter cela ? – il convient de s’interroger sur les mesures à mettre en œuvre pour permettre à notre agriculture de rester compétitive. Or, cette notion de maintien de la compétitivité n’apparaît pas, a indiqué M. Marc Bué, dans les priorités définies à l’article premier du projet de loi. Ce mot n’apparaît en fait qu’à l’article 64 du texte s’agissant du rôle de la recherche agronomique et vétérinaire. L’insuffisante prise en compte de la dimension économique de l’agriculture apparaît tout à fait regrettable et il faudrait qu’il en soit explicitement question dans le dispositif même du contrat territorial d’exploitation.

M. Marc Bué a jugé au moins prématuré que la loi prévoie dans un premier temps que l’adaptation du système d’exploitation aux exigences économiques, environnementales et sociales se fasse principalement dans le cadre des contrats territoriaux d’exploitation. L’adverbe “ notamment ” finalement retenu lui paraît mieux adapté. Tout d’abord, parce que le financement de ces derniers n’est en effet pas encore clairement établi, le ministre de l’agriculture et de la pêche ayant lui-même admis que sa montée en puissance serait progressive. En outre, parce que cela est plus cohérent avec l’affirmation du caractère volontaire de l’adhésion au contrat territorial d’exploitation. Enfin, parce que nombre de productions ne bénéficient d’aucun système d’aides européennes et qu’elles développent leurs activités sur des marchés banalisés. Cette insuffisante prise en considération de l’efficacité économique se retrouve également dans l’absence de mesures fiscales, alors même que beaucoup reste à faire dans ce domaine, notamment en matière de transmission, y compris dans le cadre familial. Faciliter le maintien dans les exploitations des fonds familiaux permettrait assurément d’éviter à de nombreux jeunes qui s’installent l’obligation de payer des soultes. Etant donné l’importance du capital que mobilise aujourd’hui l’exploitation, il s’agit là d’une question au moins aussi importante que celle de la transmission des PME du secteur industriel. M. Marc Bué a estimé ensuite que le projet de loi ne tenait pas suffisamment compte de la nécessité d’organiser économiquement la production. Il a indiqué que la CNMCCA et la CFCA avaient plusieurs propositions à présenter en matière d’organisation des producteurs, d’équité entre coopérateurs et non coopérateurs, d’interprofession, de gestion des crises conjoncturelles et de politique des signes de qualité. Il a signalé qu’il laisserait à M. Joseph Ballé le soin de les détailler.

Le souci d’efficacité économique impose également de prévoir des outils nécessaires à l’agriculture française de demain. M. Marc Bué s’est félicité qu’un article du projet de loi prévoie la présentation au Parlement d’un rapport relatif à l’assurance récolte, mais il a estimé que le délai envisagé d’une année à compter de la promulgation de la loi était trop long. Un délai de six mois constituerait à cet égard un maximum, d’autant que ceci n’est qu’un début et qu’il sera nécessaire de s’interroger dans l’avenir sur la mise en œuvre de formules généralement qualifiées d’assurance revenu, comme il en existe déjà chez certains de nos concurrents. S’agissant du volet social du projet de loi, M. Marc Bué a approuvé la mise en place d’un statut du conjoint collaborateur, mesure satisfaisante. Il a estimé toutefois que la définition de ce statut méritait encore de nombreuses réflexions.

M. Marc Bué a considéré ensuite que la loi ne réglait pas tout et que de nombreuses mesures devraient être prévues dans les décrets d’application. Ainsi de la procédure de mise en oeuvre des contrats territoriaux d’exploitation, pour laquelle il est toutefois prévu un groupe de travail associant la profession.

S’agissant du registre de l’agriculture, il s’est demandé quel sens les textes d’application donneraient à la notion de “ consistance de l’exploitation agricole ” et s’il serait nécessaire de modifier sa déclaration à chaque vente de petites parcelles et à chaque opération d’échange. Il paraît souhaitable, par ailleurs, que pour la mise en œuvre de ce registre, ne soit pas refait ce qui existe déjà dans les caisses de mutualité sociale agricole et dans les directions départementales de l’agriculture et de la forêt.

Enfin, M. Marc Bué a fait part de sa perplexité sur l’extension des attributions des commissions départementales d’orientation de l’agriculture, étant donné que ces organismes ont déjà de multiples tâches à remplir.

M. Joseph Ballé a fait remarquer en préambule qu’à sa connaissance la présente audition était la première de la CFCA devant la commission de la production et des échanges. Il a indiqué, pour présenter la coopération agricole, qu’elle regroupait 3 800 entreprises coopératives et 13 000 coopératives d’utilisation de matériel agricole, qu’elle représentait un chiffre d’affaires annuel supérieur à 400 milliards de francs et qu’elle employait 120 000 salariés. Puis, il s’est félicité de ce que le Parlement ait prochainement à débattre d’un projet de loi d’orientation agricole. Il a jugé qu’une loi d’orientation était aujourd’hui nécessaire pour promouvoir l’identité de l’agriculture française et pour affirmer clairement son projet dans la construction européenne ; une identité et un projet associant étroitement l’efficacité économique et la capacité concurrentielle de l’agriculture avec sa contribution à l’emploi, l’occupation du territoire et le respect de l’environnement.

Le projet de loi fait le choix d’une orientation déterminante, le territoire, et s’appuie sur une démarche contractuelle, novatrice, le contrat territorial d’exploitation. Les coopératives agricoles, qui privilégient l’engagement et la responsabilité des hommes et qui s’affirment au coeur des marchés et au coeur des territoires, saluent cette initiative.

Mais, selon M. Joseph Ballé, l’agriculture française comme l’agriculture européenne est confrontée, comme l’ensemble de l’économie, au défi de la mondialisation, de l’exportation, de la compétitivité qu’il s’agisse de produits de masse ou de produits à forte valeur ajoutée. Il a estimé que la politique agricole ne pouvait se contenter de compenser les conséquences négatives que pouvaient avoir de telles évolutions sur le tissu agricole et rural ; elle doit au contraire impulser les nécessaires mutations et inciter les exploitations agricoles et les filières à s’adapter aux contraintes des marchés et en même temps à répondre aux attentes nouvelles de la société.

Pour M. Joseph Ballé, le défi d’une loi d’orientation est d’imaginer de nouveaux modes de régulation et d’intervention des pouvoirs publics afin de croiser de façon pertinente et d’articuler harmonieusement les logiques de marché et de filière avec les logiques territoriale et environnementale.

A cet égard, M. Joseph Ballé a estimé que certaines dispositions du projet de loi méritaient d’être améliorées afin de lever des interrogations subsistant :

– sur la capacité des contrats territoriaux d’exploitation à prendre en compte la dimension économique du projet de l’exploitant, à intégrer les nécessaires politiques de filières, à s’insérer dans une politique agricole et alimentaire globale et cohérente ;

– sur la volonté d’inciter les agriculteurs à s’organiser afin de relever ensemble le défi des marchés et de renforcer leur pouvoir économique face aux distributeurs et aux acteurs du marché qui se concentrent ;

– sur la détermination à mettre en oeuvre un développement organisé de l’ensemble des produits de qualité (appellations d’origine contrôlées, labels, certifications de conformité, agriculture biologique) dans le double objectif de répondre à la demande du marché et de valoriser les productions agricoles.

Il a jugé que c’était à ces conditions que les territoires connaîtraient un développement économique durable, porteur de valeur ajoutée et d’emploi, porteur aussi d’avenir pour l’agriculture française.

Commentant le dispositif relatif aux contrats territoriaux d’exploitation, il a estimé qu’ils constituaient une démarche intéressante et novatrice :

– intéressante parce qu’elle s’inscrit dans une perspective probablement inéluctable de découplage des aides et anticipe les négociations au sein de l’Organisation mondiale du commerce et l’adhésion des pays d’Europe centrale et orientale,

– novatrice parce qu’elle s’appuie sur une contractualisation responsabilisante de l’agriculteur et est susceptible de conforter son rôle dans la société.

Le projet de loi pose le principe du contrat territorial d’exploitation et de son financement. La définition des orientations nationales et régionales, celle des contrats-types, la nature des instances qui en seront chargées ainsi que leur articulation sont renvoyées à un décret qui sera donc fondamental. Par conséquent, de nombreuses incertitudes subsistent (contenu des contrats territoriaux d’exploitation, moyens financiers, procédure) qui ne permettent pas encore d’apprécier réellement la portée et l’impact de ce nouvel instrument, ni sa capacité à initier un développement économique durable du territoire.

La CFCA souhaite donc que le projet de loi soit amendé afin d’associer plus étroitement l’objectif socio-économique et l’objectif environnemental et territorial sur lesquels reposera le contrat territorial d’exploitation.

M. Joseph Ballé s’est ensuite félicité que le projet de loi propose d’améliorer l’organisation économique grâce à des mesures qui consolident les entreprises coopératives agricoles, renforcent le rôle des interprofessions et favorisent les accords en cas de crise (titre III du projet de loi). Il a cependant constaté que ce titre III comportait une lacune majeure puisqu’il restait muet sur l’organisation économique des producteurs eux-mêmes. Corollaire du choix en faveur de l’entreprise agricole à responsabilité personnelle et à taille humaine, l’organisation des producteurs apparaît indispensable pour assurer le pouvoir économique des agriculteurs et leur place dans la chaîne alimentaire.

Il a cité un extrait de l’avis du Conseil économique et social sur l’avant-projet de loi d’orientation agricole affirmant qu’il était souhaitable que la loi d’orientation agricole “ redéfinisse précisément au regard des enjeux actuels, les missions des organisations de producteurs en les adaptant aux objectifs qualitatifs et territoriaux qu’elle met en place et qu’elle prévoit une priorité dans l’attribution des soutiens publics aux producteurs faisant le choix d’intégrer une organisation ayant une réelle fonction commerciale et une taille critique sur les marchés. ”

La prise en compte de ces préoccupations par le projet de loi est indispensable.

Puis il a fait valoir que les dispositions relatives à la coopération agricole (articles 30 à 32) s’inscrivaient pleinement dans les objectifs que poursuit la CFCA.

En particulier, la rénovation des missions du conseil supérieur de la coopération agricole est souhaitée afin d’inciter, soutenir et reconnaître l’action des entreprises coopératives agricoles dans l’élaboration de leur projet stratégique.

Il s’est ensuite félicité de l’ouverture du statut de sociétaire des entreprises coopératives aux agriculteurs des autres pays de l’Union européenne. Cette mesure doit cependant être neutre sur le plan fiscal. La CFCA attend un engagement clair et sans équivoque des pouvoirs publics sur ce point.

Enfin, la consolidation des comptes est de nature à accroître la transparence des groupes coopératifs et la qualité de l’information transmise aux sociétaires. Selon M. Joseph Ballé, ce dispositif devrait être complété par une incitation au renforcement des capacités d’investissement des agriculteurs dans les outils de transformation de la production agricole. Ceci leur permettrait de garantir une certaine stabilité des débouchés de leurs produits et de s’impliquer d’avantage dans les outils de transformation et de commercialisation. De plus, l’existence d’outils industriels et commerciaux durablement implantés dans les territoires pérennise les bassins de production et l’activité économique. C’est pourquoi des mesures incitant les agriculteurs à mobiliser collectivement des capitaux dans les outils qu’ils contrôlent devraient être insérées dans le projet de loi. Le ministère des finances a toujours cependant été réticent.

Le projet de loi propose, par ailleurs, de nouvelles dispositions positives concernant les interprofessions. Elles répondent aux attentes de la CFCA mais peuvent encore être améliorées :

– l’ouverture des interprofessions à la distribution est de nature à renforcer le nécessaire dialogue au sein des filières. Mais cette ouverture ne peut que correspondre aux vœux des interprofessions existantes et ne doit en aucun cas être imposé ;

– la création d’interprofessions spécifiques à un produit sous signe officiel de qualité, agréées par l’interprofession générale du secteur, est une mesure positive qui doit permettre d’accroître la responsabilité et la légitimité des agriculteurs en renforçant leur rôle dans la gestion et le développement de leur patrimoine collectif sous signes de qualité, de développer le marché en ajustant l’offre des produits sous signes de qualité à la demande finale et de restaurer une plus grande équité dans la répartition de la valeur ajoutée au sein de la filière agro-alimentaire.

– la réintégration dans le projet de loi des dispositions du décret n° 96-499 du 7 juin 1996 pris en application de l’article 10 de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relatif aux accords entre producteurs bénéficiant de signes de qualité dans le domaine agricole, est à cet égard un progrès significatif pour offrir une base juridique plus sécurisante aux restrictions de concurrence qu’une interprofession “ qualité ” peut être amenée à mettre en oeuvre pour ajuster son offre et préserver le positionnement de son produit. Mais le texte du projet de loi ne reprend que partiellement les mesures du décret. Il conviendrait donc d’y ajouter la possibilité de restreindre temporairement l’accès à de nouveaux opérateurs ainsi que de fixer des prix de cession ou de reprise des matières premières.

M. Joseph Ballé a ensuite estimé que les accords de crise introduits par l’article 37 du projet de loi constituaient une avancée réelle pour offrir une base législative sécurisante aux “ bonnes ententes ” que peuvent être amenés à conclure les opérateurs d’une filière en vertu de l’article 10 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence. Néanmoins, pour contribuer efficacement à résoudre des situations de crise conjoncturelle il a proposé trois améliorations :

– la référence à la moyenne des prix des deux dernières campagnes, au lieu des trois dernières, paraît suffisante pour caractériser la crise ;

– les restrictions de concurrence autorisées doivent inclure la fixation de prix ;

– ces accords doivent pouvoir être homologués par les pouvoirs publics afin de leur conférer une portée plus grande. Ils doivent pouvoir également, le cas échéant, être conclus dans le cadre interprofessionnel et bénéficier d’une extension.

Concernant les dispositions sur la qualité et l’identification, la CFCA avait formulé des propositions qui avaient pour objectif d’inscrire la politique de qualité dans un cadre organisé, maîtrisé et obéissant à une cohérence globale, condition nécessaire au développement des productions agricoles sous signes de qualité, à leur bonne valorisation et à leur lien durable au territoire. Les dispositions du titre IV du projet de loi ne répondent que partiellement à cet objectif. En particulier, la création d’un cinquième signe officiel de qualité, l’indication géographique protégée, désormais accessible sans avoir obtenu préalablement un label ou une certification de conformité, suscite des réserves de la CFCA, ainsi d’ailleurs que de l’ensemble de la profession agricole. Cette démarche fait courir des risques importants d’accroître la complexité d’un système dans lequel les consommateurs ont déjà beaucoup de mal à se retrouver.

A l’heure actuelle, il n’y a pas de différence très nette pour le consommateur entre un produit sous signe officiel de qualité et un produit bénéficiant d’une indication de provenance. De simples mentions géographiques peuvent conduire l’acheteur à attribuer au produit concerné des qualités organoleptiques qu’il n’a pas forcément.

La loi de 1994 a créé le lien entre indication géographique protégée et signes de qualité en faisant de la première une protection communautaire des secondes. M. Joseph Ballé a estimé qu’il ne fallait pas privilégier exclusivement la dimension territoriale au détriment de la qualité qui reste une demande prioritaire des consommateurs et de ne pas remettre en cause les efforts réalisés par les producteurs et les filières.

Il a donc proposé de ne valoriser les mentions géographiques que lorsqu’elles sont articulées avec les démarches de qualité, qu’il s’agisse des labels ou des certificats de conformité et de bien différencier l’appellation d’origine protégée de l’indication géographique protégée, celle-ci devant seulement garantir le lien entre les bassins de production et les produits, ce qui passe par des procédures spécifiques et un lien institutionnel entre le comité créé au sein de l’INAO et la commission nationale des labels et des certifications.

M. François Patriat, rapporteur, s’est félicité d’observer que cette audition concernait aussi bien le Président de la CNMCCA que celui de la CFCA. Il s’est déclaré cependant très surpris par les propos de M. Marc Bué, qu’il a considérés inutilement critiques à l’égard du projet de loi. Il a fait remarquer que les fonctions économiques de l’agriculture étaient, contrairement aux propos de M. Marc Bué, mentionnés dès l’article 1er du projet de loi, qui traite de l’encouragement à l’installation et de l’amélioration des conditions de production. Il a fait valoir qu’il avait exercé pendant 25 ans des fonctions de responsable professionnel agricole, ce qui le conduisait à estimer que, comme le fait ressortir le projet de loi d’orientation, les agriculteurs sont avant tout des gestionnaires de l’espace rural, qui jouent un rôle majeur pour entretenir le paysage.

Il convient, a-t-il poursuivi, de prendre en compte la “ multifonctionnalité ” de l’agriculture, d’encourager l’installation des jeunes et d’éviter d’enfermer l’agriculture dans un statut de l’exploitant.

Il faut bien comprendre, par ailleurs, que le projet de loi vise à redistribuer profondément les aides dans un sens de justice et non pas à en diminuer le volume ; le découplage des aides et de la production prévu n’a pour but que d’aider les agriculteurs. Il faut mettre un terme au système actuel, dans lequel 20 % des agriculteurs bénéficient de 80 % des aides.

M. François Patriat a manifesté son accord avec M. Joseph Ballé sur plusieurs points : la constitution de groupements de producteurs efficaces, la nécessité d’encadrer les indications de provenance, de renforcer les signes de qualité et les interprofessions.

M. Marc Bué a indiqué qu’il ne défendait aucunement les agri-managers, étant lui-même le représentant d’un département, le Pas-de-Calais, où la taille moyenne des exploitations est de 45 ha et où la production laitière dégage le chiffre d’affaires le plus important. Il a fait remarquer également, qu’il n’avait pas voulu parler d’absence de référence du projet de loi à l’économie, mais à la compétitivité.

M. Christian Jacob, notant que le Crédit agricole finançait près de 80 % des installations en agriculture a demandé à M. Marc Bué si la politique des structures, le coût des transmissions et même l’élargissement du champ de compétences des commissions départementales de l’agriculture ne jouaient pas simultanément comme un frein à l’installation. Il a demandé également si, dans l’hypothèse de situations de crise dans le secteur des productions spécialisées, la technique des coefficients multiplicateurs ne pourrait être utilisée.

M. Joseph Parrenin a abordé les problèmes de l’installation, jugeant que le principal frein qui y est opposé réside aujourd’hui dans les agrandissements d’exploitations non maîtrisés, ce qui rend nécessaire un véritable contrôle des structures.

M. Léonce Deprez a soutenu M. Marc Bué et attesté qu’il était un défenseur des petits exploitants. Il a jugé que le caractère prioritaire de la fonction économique des agriculteurs était insuffisamment pris en compte par le projet de loi. La croissance des besoins alimentaires mondiaux devrait inciter à reconsidérer le projet de loi sur ce point. Il a en effet fait valoir que le monde aura besoin d’exploitations agricoles performantes pour approvisionner en quantités suffisantes les populations. Cette question est primordiale et le projet de loi traduit sans doute une vue trop courte de la situation.

Il a ensuite demandé comment les pouvoirs publics et les parlementaires en particulier pouvaient aider les exploitations agricoles à s’organiser pour relever le défi de la mondialisation. Il conviendrait à ce sujet de distinguer les mesures relevant de la loi et celles relevant d’un accord entre les partenaires économiques. Il a enfin conclu qu’il était indispensable de rechercher une cohérence entre les dispositions du projet de loi d’orientation agricole et le projet d’Agenda 2000 et les règles de l’organisation mondiale du commerce.

M. Jean Auclair a félicité M. Marc Bué pour avoir su lire entre les lignes d’un projet de loi qui entraîne la France vers une agriculture environnementale. Il s’est demandé si les contrats territoriaux d’exploitation n’allaient pas casser l’acte de production des agriculteurs français, alors qu’il conviendrait de les inciter à développer leur productivité. En outre, il a souligné l’importance des décrets d’application dont le contenu est ignoré des parlementaires.

Le président André Lajoinie a rappelé que M. Louis Le Pensec s’était engagé devant la commission à remettre aux députés les projets de décrets au moment de la discussion du projet de loi en séance publique, et pour ceux qui ne seraient pas prêts à cette date, d’en exposer les grandes lignes.

M. Jacques Rebillard a estimé indispensable la tenue d’un débat avec les organisations agricoles pour définir la notion de compétitivité en matière agricole. Il a fait observer que les trois principales productions exportatrices françaises, à savoir les céréales, le lait et la viande, ne pouvaient être considérées à proprement parler comme compétitives car elles étaient le résultat d’une agriculture assistée. Il s’est interrogé sur la pertinence d’une agriculture compétititive dégradant l’environnement et créant des stocks croissants, pour souligner le caractère relatif de la notion de compétitivité. Il a en revanche estimé que le vin, la volaille et les oeufs représentaient une agriculture compétitive puisque leurs productions et leurs exportations n’étaient pas aidées et qu’ils étaient achetés par des pays solvables.

Selon M. Jacques Rebillard, aujourd’hui, on ne peut pas faire à la fois de la quantité et de la qualité à partir d’un certain niveau de production. La loi d’orientation agricole doit aider à trouver le point d’équilibre entre quantité et qualité. En tout état de cause, si on souhaite produire de la qualité, il faut s’en donner les moyens, à savoir réduire la production et investir, notamment pour conquérir les marchés solvables.

M. Félix Leyzour a relevé que M. Marc Bué s’était félicité du dépôt d’un projet de loi d’orientation agricole, même s’il en avait critiqué beaucoup de dispositions, et qu’il avait admis que l’agriculture française était confrontée au défi de la mondialisation et devait répondre aux attentes de la société.

Il a ensuite souhaité savoir quelle serait l’articulation entre la loi d’orientation, la réforme de la politique agricole commune et les nouvelles règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Il a également demandé comment un revenu suffisant pouvait être garanti aux agriculteurs et dans quelle mesure une meilleure répartition de la valeur ajoutée de la filière agro-alimentaire pouvait être effectuée entre les producteurs et les distributeurs. Enfin, il a souhaité avoir des précisions sur les propositions en matière de meilleure répartition des aides publiques.

En réponse aux différents intervenants, M. Joseph Ballé a indiqué que :

– la CFCA souhaite que les dispositions du projet de loi sur les situations de crise soient enrichies. En cas de crise, il devrait être permis d’interdire l’arrivée de nouveaux opérateurs sur le marché. De préférence à l’imposition d’un coefficient multiplicateur minimal des prix en cas de situation de crise il serait plus acceptable de la part des autorités chargées de la concurrence de permettre l’encadrement des prix de cession ou de reprise des matières premières ; mais en ce cas un amendement législatif est indispensable ;

– il appartient aux producteurs de s’organiser. Avant qu’elle soit modifiée en 1996, l’ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence les a empêchés de s’organiser alors qu’elle a permis aux petites ou moyennes entreprises de la distribution de s’organiser. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a ainsi engagé une procédure pour infraction à l’interdiction des ententes contre les mesures d’organisation des “ poulets label rouge ” tandis que des PME de la distribution n’ont pas été poursuivies pour l’organisation de leurs magasins ;

– les offices existants sont en mesure de mettre en place une politique cohérente par produit pour faire face aux besoins alimentaires mondiaux croissants ;

– il est indispensable de concilier les logiques de marché et de filière et les logiques territoriale et environnementale. Le contrat territorial d’exploitation ne saurait donc être exclusivement économique ou exclusivement territorial ; il devra tenir compte, à la fois du marché, de l’environnement, du territoire et des objectifs d’emplois ;

– afin de parvenir à transférer aux producteurs une part accrue de la valeur ajoutée dégagée par la filière agro-alimentaire, il conviendrait que les producteurs s’organisent économiquement. Le poids de la grande distribution et des multinationales en matière agricole et alimentaire est considérable. L’effort de concentration et d’organisation n’a pas été réalisé par les agriculteurs, qui sont de ce fait placés dans une position de faiblesse croissante ;

– il y a dix ans le secteur du vin était encore en crise. Il a su s’adapter en réduisant les quantités produites et en adaptant la qualité de ses produits aux demandes du marché. Les autres secteurs n’ont peut-être pas effectué les mêmes efforts ; or, seule une telle organisation permettra aux agriculteurs de répondre aux besoins du marché et de pérenniser leur activité dans le territoire. Des efforts peuvent notamment être accomplis en matière de productions sous signes de qualité, car celles-ci représentent déjà, en valeur, 13 % de la production agricole française, soit 100 milliards de francs ; cette proportion peut être portée à 15 %, et pourquoi pas, à terme, à 20 %.

M. Marc Bué, en réponse aux questions, a apporté les précisions suivantes :

– l’installation des jeunes en agriculture est aujourd’hui entravée par la multiplication des contraintes, en sorte que 30 % des installations s’effectuent à l’heure actuelle sans le recours aux aides prévues ; il est, à cet égard, essentiel de ne pas aggraver la situation en imposant de nouvelles contraintes à l’installation ;

– l’installation des jeunes suppose des exploitations viables ainsi que le révèle l’exemple du Pas-de-Calais où s’effectuent 200 installations par an ; les problèmes souvent rencontrés proviennent du fait que les exploitations libérées manquent de droits à produire (quotas laitiers, betteraviers) ;

Le président André Lajoinie est intervenu pour dire que les banques étaient attentives à la nature des prêts qu’elles accordent, cette obligation étant d’ailleurs prévue dans les dispositions législatives sur le surendettement.

M. Marc Bué a ensuite précisé que :

– S’agissant de la lutte contre la faim dans le monde, il est essentiel que la France soit présente sur les marchés à l’exportation ; elle dispose pour cela d’industries agro-alimentaires puissantes, qui posent cependant problème par les pressions qu’elles exercent sur les revenus des agriculteurs ;

– deux questions se posent en ce qui concerne les contrats territoriaux d’exploitation, celle de leur contenu et celle de leur financement, la possibilité de financer les contrats territoriaux d’exploitation par une modulation des aides communautaires restant incertaine ;

– les négociations internationales se télescopent, en sorte que la réforme de la politique agricole commune qui devrait préciser ce point prendra place avant les négociations de l’Organisation mondiale du commerce ;

– le mouvement d’intensification de l’agriculture a eu certains avantages, notamment la réduction considérable des coûts de la production qui a bénéficié en définitive aux consommateurs.

Le président André Lajoinie a fait remarquer que ce mouvement de baisse des coûts de production n’avait pas un caractère durable.

M. Léonce Deprez a demandé à qui profitait la diminution des coûts de production.

M. Marc Bué a indiqué que ce mouvement de diminution avait profité beaucoup aux consommateurs, mais aussi à d’autres acteurs économiques.

M. François Patriat, rapporteur, a observé que si la grande distribution pratiquait un système de double étiquetage pour ses produits, (prix d’achat, prix de vente, ristournes) bien des problèmes seraient résolus. Il a estimé qu’un mouvement d’organisation des producteurs soutenu par les pouvoirs publics serait salutaire.

M. Marc Bué a fait remarquer que tous les pays aident actuellement leur agriculture et qu’il est inexact d’estimer que certains produits particulièrement performants ne bénéficient pas d’aide publique ; le secteur viticole a bénéficié ainsi des plans d’arrachage ; le secteur des volailles a tiré parti de la baisse du prix des céréales.

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E.— Audition de M. François Dufour, porte-parole de la Confédération paysanne

La commission a ensuite entendu lors de la même réunion du 17 juin 1998, M. François Dufour, porte parole de la Confédération paysanne, accompagné par MM. Paul Bonhommeau et Pierre-André Deplaude.

M. François Dufour a tout d’abord indiqué que la confédération paysanne souhaitait une réorientation profonde de la politique agricole française et européenne. Il est, en effet, nécessaire de porter un coup d’arrêt à la politique menée depuis la fin des années cinquante qui s’est traduite par la disparition de nombreux emplois, la concentration des productions dans certaines régions tandis que d’autres sont en voie de désertification et le développement d’un productivisme mettant en péril la préservation des milieux naturels en maints endroits de notre territoire.

Pour mieux répondre aux besoins de la société, il faut que la politique agricole s’oriente vers :

– la création d’emplois et la réduction des inégalités entre agriculteurs selon les régions et les productions ;

– le maintien d’un tissu rural vivant dans un souci d’équilibre du territoire et de protection des ressources naturelles ;

– la fourniture de produits de qualité, diversifiés et identifiés selon leur origine.

Le projet de loi d’orientation agricole affirme nettement les trois fonctions économique, sociale et environnementale de l’agriculture mais il n’offre pas les outils nécessaires pour les exercer. En outre, la Confédération paysanne considère que ce projet de loi doit éviter le développement d’une agriculture duale et qu’il n’aurait pas d’intérêt si, par ailleurs, les propositions de réforme de la PAC contenues dans le “ paquet Santer ” étaient adoptées en l’état. Elle souhaite également que le projet de loi soit complété dans les domaines suivants : la politique d’installation, l’encadrement des pratiques sociétaires, le plein exercice de la représentativité syndicale, le développement de l’emploi salarié, la moralisation des relations contractuelles et la gestion de l’espace rural, agricole et forestier.

M. Paul Bonhommeau a ensuite présenté les principales modifications au projet de loi que proposait la Confédération paysanne.

S’agissant des objectifs de la politique agricole, qu’il a déclaré partager, il a souligné qu’il faudrait y ajouter celui d’une protection sociale renforcée pour que les agriculteurs bénéficient de l’égalité de traitement avec les autres secteurs d’activités.

Puis il a regretté que la définition des activités agricoles n’affirme pas clairement le lien entre celles-ci et le territoire avec celui du lien au marché et que le projet de loi ne propose pas de définition de l’actif agricole non salarié, pourtant indispensable pour lutter contre certaines pratiques de prête-nom ou d’accaparement des aides et moyens de production. Il a également souhaité que le registre de l’agriculture soit géré par les services de l’État et placé sous la responsabilité des commissions départementales d’orientation de l’agriculture (CDOA), alors que le projet de loi en confie la tenue aux chambres d’agriculture.

Abordant ensuite le contrôle des structures, il a indiqué que le projet de loi prévoyait de le renforcer et de le simplifier, tout en soulignant que le passage de la surface minimale d’installation à l’unité de référence, comme unité de mesure, ne devait pas s’accompagner d’un relèvement significatif des seuils. Il a donc suggéré que l’on s’oriente soit vers une modification des critères retenus pour calculer l’unité de référence, soit vers l’adoption de coefficients plus faibles pour le déclenchement de la procédure d’autorisation préalable. Il a également souhaité que la transparence de la procédure soit améliorée par une information préalable diffusée dans le département par les services de l’État, selon des modalités semblables à celles des rétrocessions des SAFER. Il a enfin estimé que les candidats à la reprise de tout ou partie d’exploitations devaient être soumis au contrôle des structures dans le cadre de la législation relative aux procédures collectives.

Concernant le contrat territorial d’exploitation (CTE), il a observé que le projet de loi ne contenait que des orientations, dont la mise en œuvre relèvera pour une large part de mesures réglementaires ; c’est donc au niveau de l’application que l’on pourra juger de la pertinence de ce nouvel instrument. Il a cependant considéré que le projet de loi devait affirmer clairement l’objectif prioritaire de l’emploi et que le CTE devait être ouvert à tous les agriculteurs.

Enfin, il a souhaité que le projet de loi définisse le “ produit fermier ” par référence à son origine et à l’identification de son producteur.

Puis M. Paul Bonhommeau a mis l’accent sur les lacunes du projet de loi en ce qui concerne la politique d’installation, estimant que cette question fondamentale n’était abordée que sous l’angle du contrôle des structures. Il a proposé que le dispositif actuel soit adapté pour :

– relever la limite d’âge pour l’accès aux aides,

– abaisser le seuil d’accès aux aides afin de tenir compte de la pluriactivité et des processus d’installations progressives,

– permettre la cession d’un bail en faveur d’une première installation sans lien de parenté avec le cédant,

– supprimer les dispositions à vocation restructurante, notamment celles relatives à l’obligation de “ modification de consistance ” de l’exploitation lorsque l’installation ne s’effectue pas dans le cadre d’une succession.

Il a également estimé que le projet de loi ne permettait pas d’encadrer suffisamment les pratiques sociétaires et suggéré deux ajouts :

– l’interdiction d’exercer la même activité agricole sous plusieurs formes juridiques d’exploitation,

– l’extension du régime d’autorisation préalable à la réalisation de certaines opérations de regroupements d’activités, destinées à contourner la réglementation sur les droits à produire (production laitière en particulier).

Il a enfin souhaité que le projet de loi soit complété par un article posant le principe de la participation des organisations syndicales reconnues comme représentatives dans tous les organismes exerçant une mission de service public ou gérant des fonds publics, ainsi que dans les organisations interprofessionnelles.

M. François Patriat, rapporteur, a noté que les représentants de la Confédération paysanne partageaient l’objectif du projet de loi relatif à la multifonctionnalité de l’agriculture, qui vise à préserver, employer et produire. Il n’en demeure pas moins que les revendications présentées par les intervenants posent des questions de fond, qui traitent par exemple de l’absence d’un volet fiscal dans le projet de loi, du renforcement du schéma des structures ou des droits syndicaux.

S’agissant du problème spécifique relatif à la restructuration des exploitations laitières, son particularisme constitue un obstacle à sa prise en compte dans la loi d’orientation.

M. Jean-Claude Lemoine a estimé que la configuration géographique de la France permettait de concilier productivisme agricole, objectifs de qualité et respect de la nature.

Évoquant les revendications de la Confédération paysanne relatives aux droits syndicaux, il a demandé à ses représentants s’ils considéraient que ces requêtes pouvaient également être étendues aux syndicats ouvriers.

Il a demandé aux représentants de l’organisation si leurs demandes relatives à l’amélioration de la protection sociale des agriculteurs les conduisaient à envisager la disparition de la mutualité sociale agricole.

Il s’est enfin interrogé sur l’efficacité réelle des propositions de la Confédération visant à contrôler les structures des exploitations.

M. Jean Auclair a relevé l’importance des projets de la Confédération paysanne tendant à renforcer les compétences du CDOA et s’est interrogé sur la compatibilité de cette revendication avec les principes du droit de propriété.

M. Léonce Deprez a estimé que la création des contrats territoriaux d’exploitation constituait un élément de réponse aux préoccupations de la Confédération paysanne. Il a cependant déclaré partager les interrogations de l’organisation relatives à leur contenu.

Il a enfin demandé quelle était la représentativité de l’organisation syndicale dans le monde agricole, notamment par rapport au nombre total d’exploitants.

En réponse aux intervenants, les représentants de la Confédération paysanne ont apporté les précisions suivantes :

– les propositions relatives au contrôle des rapprochements entre entreprises laitières visent à mettre fin à des regroupements dissimulés d’exploitation, qui maintiennent fictivement les structures existantes pour échapper aux procédures de contrôle des structures et contourner les règles des droits à produire liés au foncier ;

– s’agissant de la compatibilité entre productivisme, prise en compte des attentes de la société et préservation de l’environnement, les problèmes des produits de base (viande, lait, céréales...) sont fondamentalement différents de ceux des productions à forte valeur ajoutée, comme les vins de qualité.

Pour les produits de base, la dérive constatée dans la filière bovine, avec la crise de l’encéphalite spongiforme bovine, ou la chute des prix du porc, démontrent la nocivité des conséquences d’une recherche de prix toujours plus bas, qui ne correspondent qu’à des tarifs normalement applicables à des excédents, niant les réalités économiques et sociales et négligeant le respect des territoires. Cette politique conduit à recourir aux organismes génétiquement modifiés pour la culture ou aux hormones pour l’élevage.

De surcroît, elle est fondée sur des prévisions à moyen terme de l’OCDE qui se sont révélées erronées, surévaluant considérablement la demande mondiale d’exportation de céréales, puisqu’elles n’avaient pas prévu notamment que l’Inde ou la Chine pourraient parvenir à l’autosuffisance.

Une telle poursuite productiviste conduit à reporter sur la collectivité, et donc sur les contribuables, des coûts normalement intégrés dans la formation des prix, incluant la multifonctionnalité de l’agriculture. La solution de ce problème passe par le respect de la préférence communautaire et, au plan extracommunautaire, par la réorganisation des marchés dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce.

En outre, la poursuite d’une politique de baisse des coûts a conduit à une régression annuelle de 4,5 % de la population agricole depuis 25 ans, aux conséquences financières et sociales très graves.

S’agissant des productions agricoles à forte valeur ajoutée, les questions sont fondamentalement différentes, puisque leur exportation génère pour la France un excédent annuel de 41 milliards de francs pour notre balance commerciale, fruit d’une valorisation des terroirs, des savoir-faire et d’un encadrement de la production ;

– il convient par ailleurs de redéfinir les conditions du financement de la formation et du fonctionnement des organisations syndicales, dans un esprit de respect du pluralisme et de transparence, en tenant compte de la réalité actuelle du monde syndical agricole.

– la constitution d’exploitations agricoles sous forme sociétaire doit être encouragée, afin notamment de favoriser la distinction entre le patrimoine de l’entreprise et celui de l’exploitant. Cette forme facilite en outre les transferts d’exploitation dans leur intégralité, facilitant ainsi l’installation.

En revanche, il est nécessaire de lutter contre les dérives et les détournements, qui visent à éviter les contrôles de structures, l’application des règles de quotas de production ou permettent de violer les dispositions en matière de plafonnement des aides ou d’établissements classés.

Si la Confédération a renoncé à diverses options de contrôle trop rigides, elle considère cependant qu’il conviendrait d’interdire à une même personne physique d’exercer la même activité sous plusieurs formes juridiques. En même temps, il serait possible de mettre en place un système d’autorisation administrative lors de la constitution d’une société dans le but de veiller à la sincérité des objectifs poursuivis ;

– la position de la Confédération vis-à-vis du contrôle des structures est fondée sur la spécificité de l’activité agricole, qui s’exerce sur un sol, dont l’offre n’est pas extensible, à la différence des structures de production des secteurs industriels ou des services.

Cette particularité oblige, dans le respect du droit de propriété, l’exploitant à utiliser la terre dans le respect du bien commun. L’exigence de contrôle est ainsi fondamentalement différente d’une idée de collectivisation. Il s’agit d’associer les différents partenaires pour garantir une transparence dans l’application de la politique des structures des exploitations ;

– la prise en compte des objectifs globaux de protection sociale des agriculteurs (assurance maladie, accident, retraite et invalidité) peut être réalisée en préservant la structure de la MSA.

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F.— Audition de M. Raymond Girardi, secrétaire général de la Confédération nationale des syndicats d’exploitants familiaux (MODEF) 

La commission a entendu une délégation de la Confédération nationale des syndicats d’exploitants familiaux (MODEF), composée de MM. Raymond Girardi, secrétaire général, Alain Gaignerot, directeur, Xavier Compain, responsable des jeunes et René Calamel, trésorier, au cours de sa réunion du 24 juin 1998.

M. Xavier Compain a tout d’abord souligné que cette loi d’orientation agricole doit véritablement orienter autrement l’agriculture. En effet, aujourd’hui de lourdes menaces pèsent sur l’agriculture française, car l’“ Agenda 2000 ” présenté par la Commission européenne s’inscrit dans une perspective ultralibérale et de concurrence, fondée sur le seul élément des prix.

Le projet de loi d’orientation agricole doit ouvrir de réelles perspectives pour l’agriculture française, prenant en compte ses fonctions économiques, environnementales et sociales. Il a souhaité que cette loi constitue un acte novateur pour notre agriculture et, en aucun cas, une adaptation à la réforme de la politique agricole commune, afin de favoriser l’emploi à travers l’installation de jeunes exploitants et améliorer la rémunération du travail paysan.

Il a relevé par ailleurs que l’intégration au sein de l’Union européenne des pays d’Europe centrale et orientale risquait d’entraîner une baisse des cours des denrées agricoles.

L’agriculture française est à la croisée des chemins. Elle peut, soit poursuivre une dérive industrielle et capitalistique, soit évoluer vers le renforcement d’une agriculture de type familial à dimension humaine, soucieuse de la qualité des produits, procurant des revenus décents, respectueuse de l’environnement, favorable à l’emploi et dynamisant la vie rurale et préservée de la suprématie de l’industrie agro-alimentaire, des centrales de distribution et des banques.

Il a ensuite abordé les objectifs prioritaires assignés à la politique agricole par le projet de loi. Rappelant qu’un jeune agriculteur sur deux s’installait aujourd’hui sans aide et qu’un agriculteur sur quatre seulement trouvait un repreneur à l’âge de la retraite, il a considéré que la loi devrait permettre de reconquérir les 2,5 millions d’emplois perdus en 25 ans, garantir la pérennité des exploitations, assurer leur transmission et développer l’emploi en milieu rural.

Le MODEF demande une amélioration du revenu des agriculteurs afin de les mettre à parité avec les autres catégories sociales. En effet, 54 % des exploitants dégagent un revenu par actif inférieur au SMIC et, parmi ceux-ci, un tiers un revenu inférieur au RMI. La parité et l’augmentation des revenus agricoles doivent être d’abord assurées par des prix rémunérateurs. L’augmentation des prix pourrait être supportée par l’aval et les centrales de distribution.

S’agissant des moyens financiers à engager pour favoriser la réalisation des objectifs du projet de loi d’orientation, une simple redistribution des aides nationales existantes serait insuffisante, il faut en effet favoriser des choix budgétaires nouveaux. La volonté politique du Gouvernement se traduira par les sommes qu’il entend mettre à la disposition des agriculteurs. Ces dotations doivent être réorientées en faveur de l’agriculture de type familial, au détriment des aides aux grandes exploitations de type industriel.

M. Xavier Compain s’est déclaré favorable à la mise en place des contrats territoriaux d’exploitation, contrat passé entre l’agriculteur et la Nation et reconnaissant l’ensemble des fonctions qu’assurent les exploitants familiaux. Les cahiers des charges, qui devront être définis en consultation avec l’ensemble des organisations agricoles, auront pour but de rompre tant avec les objectifs productivistes aveugles qu’avec l’intégrisme anti-producteur, pour favoriser une agriculture raisonnée, humaine, économe et rémunératrice. Sans être obligatoire le contrat territorial d’exploitation devra être suffisamment attrayant pour que les jeunes exploitants s’y engagent. Ceci devrait permettre de prendre en considération les installations “ hors dotation aux jeunes agriculteurs ” qui bénéficieraient à titre incitatif de la part de l’Etat de subventions exceptionnelles de 50 000 francs et de prêts superbonifiés plafonnés à 150 000 francs par exploitant.

S’agissant de la reconnaissance des différentes fonctions de l’agriculteur, le MODEF demande que la notion d’exploitant soit mieux définie. Les pseudo-exploitants qui, au travers de sociétés ou d’entreprises agricoles, détournent des primes et des aides européennes, ne devraient pas pouvoir prétendre au statut d’exploitant agricole. Au contraire, une personne qui cultive une petite exploitation par ailleurs pluriactive, agricole ou non, doit être exploitant agricole selon son choix, par déclaration volontaire au registre de l’agriculture. Ce registre devrait d’ailleurs être tenu par les directions départementales de l’agriculture et de la forêt plutôt que par les chambres d’agriculture.

Il a précisé que la politique d’installation souhaitée par le MODEF visait à une large ouverture de la profession d’agriculteur aux jeunes d’origine agricole, mais aussi rurale ou citadine. Les critères d’unité de référence devraient être davantage déterminés en fonction des hommes et des projets d’installation. L’unité de référence devrait être plus souple, afin d’aider à s’installer tous ceux qui le souhaitent, même en-dessous du seuil (jeunes hors dotation aux jeunes agriculteurs). En même temps, l’unité de référence devrait être plafonnée au-dessus de certains seuils.

Le MODEF se réjouit du renforcement du contrôle des structures, qui permettra de limiter les agrandissements. L’action conjuguée du contrôle des structures, l’obligation de demande d’autorisation d’exploiter au-delà du seuil de référence, ainsi que le plafonnement des aides, sont essentiels pour freiner la politique de concentration qui a pénalisé les exploitants familiaux jusqu’à aujourd’hui. Pour être cohérente, cette politique de limitation des agrandissements doit être complétée par une revalorisation des retraites, afin de faciliter la transmission. Par ailleurs, une publicité des surfaces libérées supérieures à un hectare est souhaitable.

Abordant la question du statut des conjoints, M. Xavier Compain a estimé nécessaire que la loi d’orientation permette une avancée sociale, non seulement pour ceux-ci, mais aussi pour les aides-familiaux. La loi devrait offrir aux agricultrices un véritable statut leur accordant des droits identiques à ceux des autres catégories sociales, notamment pour le congé de maternité, les allocations à 100 %, ou encore la couverture des frais de remplacement. Elle doit en outre contribuer au développement de l’emploi salarié et à la revitalisation du milieu rural.

Il a ensuite rappelé l’attachement du MODEF au système coopératif, dont les atouts doivent être renforcés. De nouvelles règles de gestion et de fonctionnement doivent être mises en place afin d’y parvenir, les coopératives pouvant alors devenir les partenaires fondant le nouveau type de développement agricole que la loi d’orientation doit impulser.

Il a estimé qu’il était nécessaire d’instaurer la représentation des organisations par des élections à la proportionnelle dans les interprofessions, afin que celles-ci jouent un rôle moteur au sein des filières. Il a souhaité que soit introduite dans le projet de loi la possibilité pour une interprofession de fixer les prix d’un produit sous label officiel de qualité. Il a également souhaité que la loi d’orientation encadre les relations entre la distribution et les producteurs, en réduisant les marges des centrales d’achat dans l’intérêt commun des producteurs et des consommateurs. Il a enfin demandé que les exploitants familiaux soient représentés au sein du Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire.

Abordant la question de la qualité et de l’identification, il a regretté la prévalence d’une stricte logique financière au détriment des éleveurs et des consommateurs, dont la crise de l’encéphalite spongiforme bovine constitue un exemple. Produire et garantir des produits de qualité identifiables, en assurant une transparence et une traçabilité pour chaque produit et chaque filière constitue aujourd’hui la seule solution. Cette qualité minimale doit devenir pour l’agriculteur une source de revenu.

Il faut également adapter la formation initiale aux attentes d’une agriculture raisonnée et durable et mener une plus large information sur les nouvelles pratiques agricoles en direction des exploitants. La recherche doit s’abstraire de la logique de compétitivité et de rentabilité que les choix financiers ont jusqu’ici guidée.

En conclusion, M. Xavier Compain a souhaité que la représentativité de toutes les organisations syndicales soit reconnue, le respect du pluralisme syndical nécessitant l’instauration d’un scrutin proportionnel dans tous les organismes professionnels. Il a également rappelé que l’agriculture a souvent servi d’exemple dans le domaine de la politique européenne ; elle peut aujourd’hui être le précurseur de nouveaux rapports entre les hommes.

M. François Patriat, rapporteur du projet de loi d’orientation agricole, a d’abord observé qu’il partageait l’analyse du MODEF selon laquelle le projet de loi ne doit pas être un projet de loi d’adaptation agricole, mais bien un projet de loi d’orientation agricole, ce terme d’orientation étant le mot clé du texte.

Relevant que le MODEF dans son désir de rupture avec la logique productiviste qui a caractérisé le développement agricole souhaitait aller au delà des dispositions du projet de loi, il a estimé que le texte ouvrait pourtant de réelles perspectives en tentant de mettre fin à une concurrence sans limites.

Considérant que l’objectif de reconquête des emplois dans l’agriculture était unanimement partagé car il est noble et ambitieux, il s’est interrogé sur la manière de le mettre en œuvre dans la pratique.

S’agissant de la définition de l’exploitant qui, selon les critères retenus par le MODEF, conduirait à exclure certains agriculteurs de ce statut, il a indiqué sa préférence pour une définition qui s’applique au maximum d’agriculteurs, ceux-ci pouvant alors bénéficier de certaines primes. Concernant le plafonnement des aides par actif, il a relevé la difficulté de définir aujourd’hui la notion d’actif agricole, très différente suivant les pays de l’Union européenne. Il a observé que l’on pourrait être tenté de demander plus de subsidiarité en la matière, mais il a alors mis en garde contre une renationalisation de la PAC.

S’agissant des coopératives agricoles pour lesquelles le MODEF souhaite la relance d’une coopération à taille humaine, M. François Patriat a considéré qu’on ne pouvait ignorer la mondialisation et qu’il fallait donc que ces coopératives aient une taille critique.

Il a estimé nécessaire de trouver une voie qui permette de maintenir une structure proche des producteurs de façon à ce que leurs voix soient entendues et justement représentées.

En ce qui concerne les structures, il a souhaité qu’il soit mis fin “ aux délits d’initiés ”, et a déclaré ne pas partager l’avis du MODEF sur la taille des exploitations. Il a observé que le projet de loi devrait permettre l’ouverture des commissions départementales d’orientation de l’agriculture (CDOA) et donc une plus juste représentativité. Enfin, il s’est déclaré d’accord pour qu’en cas de faillite, une part du capital soit déclarée insaisissable et il a indiqué qu’il déposerait en ce sens un amendement au projet de loi de manière à ce que le logement et une quote-part de la récolte de l’agriculteur ne soit pas saisie.

M. Jacques Rebillard a observé que le projet de loi d’orientation agricole ne faisait pas l’apologie de l’“ agriculture de papa ” mais au contraire essayait d’adapter l’agriculture à un contexte nouveau. Il a estimé nécessaire une formation plus poussée des agriculteurs de manière à ce qu’ils soient conscients des effets positifs de leurs actions sur leur production mais aussi de leurs effets négatifs dans le domaine de l’environnement. Considérant que l’agriculture doit être tournée vers la production de produits de qualité, mais qu’il fallait également qu’elle s’ouvre à d’autres débouchés (produits pharmaceutiques et industriels) dans le respect de l’environnement, il a insisté sur l’apport l’essentiel de la recherche en ce domaine.

M. Félix Leyzour a déclaré partager l’idée selon laquelle l’augmentation des revenus agricoles pourrait être supportée par l’aval et la distribution ; considérant que les aides accordées aux agriculteurs dans le cadre des contrats territoriaux d’exploitation ne sont qu’une compensation des contraintes qu’ils acceptent mais qu’elles ne sont pas une garantie de revenu, il a observé que l’idée développée par le MODEF pourrait les faire bénéficier de prix rémunérateurs.

En réponse aux intervenants :

M. Raymond Girardi, secrétaire général, a relevé que les contrats territoriaux d’exploitation étaient un élément essentiel du projet, mais qu’ils pouvaient être soit une très bonne soit une très mauvaise chose. Etant fondés sur la rémunération des fonctions de l’agriculteur autres qu’économiques, ils n’assurent pas des prix rémunérateurs aux agriculteurs ; or la fonction économique des agriculteurs doit être préservée, sinon le risque est grand de les voir disparaître. L’activité économique de l’agriculture doit être viable pour que le nombre d’agriculteurs puisse être maintenu ou même développé. Le contrat territorial d’exploitation pourra avoir cet objectif, à condition que des moyens financiers suffisants lui soient affectés.

S’agissant de la distribution des revenus, le MODEF a soutenu depuis 1986 l’idée d’un coefficient multiplicateur qui permettrait des prix supérieurs pour les agriculteurs et qui freinerait les prix pour les consommateurs. L’essentiel des plus-values créées par l’agriculture est en effet ponctionné ; or les centrales d’achat pourraient réduire substantiellement leurs marges.

M. Alain Gaignerot, directeur, a estimé qu’il ne fallait pas caricaturer leur vision de l’agriculture familiale qui n’est en rien une “ agriculture de papa ”. L’exploitation familiale peut être un concept moderne tout en ayant une taille raisonnable et sans pratiquer le productivisme à outrance ; elle constitue une structure d’avenir en termes d’emploi et de qualité de produit.

M. François Patriat, rapporteur, a estimé que ce type d’exploitation menait un combat contre la course à l’agrandissement.

M. Xavier Compain, responsable des jeunes, a également souligné qu’elle permettait de freiner un productivisme irraisonné.

Le président André Lajoinie a estimé que les deux notions de l’agrandissement et du productivisme étaient liées.

M. Alain Gaignerot a observé que le critère traditionnel d’une demi SMI était seulement un critère d’accès à la protection sociale. Il a estimé nécessaire de différencier la coopération à grande échelle et les petites coopératives qu’il faut aider à évoluer.

M. Félix Leyzour a estimé que productivisme et agrandissement étaient deux notions liées, puisque le développement d’une agriculture productiviste amène à rechercher des terres supplémentaires destinées aux épandages et qu’il fallait donc réfléchir aux limites à apporter à un tel développement.

M. Jean Proriol a posé le problème de la difficulté des épandages pour les élus locaux, ceux-ci ne pouvant se faire qu’avec l’accord des agriculteurs.

M. Raymond Girardi a estimé que c’était effectivement un problème à régler, qui n’avait pas de solution à l’heure actuelle, car les épandages doivent nécessairement se faire sur les terres agricoles, mais qu’il serait peut être résolu par la recherche.

M. René Calamel, trésorier, a souligné l’intérêt du coefficient multiplicateur et exposé le scandale que constitue selon lui la différence de prix observée entre le prix payé à l’agriculteur dans la région de production et celui payé par le consommateur.

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G.— Audition de M. Dominique Chardon, secrétaire général de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA)

La commission a ensuite entendu lors de la même réunion du 24 juin 1998, M. Dominique Chardon, secrétaire général de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA).

M. Dominique Chardon a indiqué en préambule que le projet de loi d’orientation ne manquait pas d’ambition : il propose de redonner un sens et une cohérence au métier d’agriculteur en replaçant le territoire au coeur de la politique agricole, en resserrant les liens entre l’agriculteur et ses produits et en favorisant le développement durable des exploitations.

Sous la double poussée de la concentration et de la spécialisation, l’agriculture a trop privilégié la filière contre le territoire. Les conséquences en sont connues : friches d’un côté, pollutions de l’autre, déséquilibres économiques, atteintes au paysage... C’est du reste parce que la FNSEA partage l’ambition du projet de loi qu’elle regrette que le texte ne soit pas toujours à la hauteur de ses objectifs. Si le projet de loi comporte des aspects positifs qu’il ne faut pas sous-estimer, il est souhaitable cependant que les travaux parlementaires permettent de combler des lacunes et de lever des ambiguïtés, afin que le texte puisse vraiment constituer l’acte fondateur d’une nouvelle politique agricole.

Puis, M. Dominique Chardon a fait observer que le contrat territorial d’exploitation (CTE) constituait l’épine dorsale du projet de loi. Il devrait être l’outil privilégié de la nécessaire mutation de l’agriculture, en favorisant la conquête de la valeur ajoutée, l’adaptation aux marchés, la préservation des ressources naturelles, le maintien ou la création d’emplois, la production de services collectifs.

Le contrat territorial d’exploitation peut être un bon outil, s’il repose sur une vision dynamique de l’agriculture, si sa finalité est de mettre en cohérence un projet d’entreprise avec son environnement économique, écologique et territorial. Son objectif prioritaire ne doit pas être de parvenir à un rééquilibrage des soutiens, qui ressort en premier lieu de la politique communautaire. Toutefois, il doit contribuer au maintien d’exploitations viables sur tout le territoire, ce qui implique un certain volontarisme dans l’orientation des crédits qui lui seront affectés. Il doit s’inscrire dans une démarche ascendante, fondée sur les capacités d’initiative et de créativité des agriculteurs comme des autres acteurs du milieu rural et intégrer la dimension économique de l’activité productive. Constituant un outil de synthèse, il doit favoriser la synergie d’un certain nombre d’aides existantes.

Enfin, le contrat territorial d’exploitation ne doit pas s’ajouter aux autres politiques contractuelles, ni enfermer les agriculteurs dans un carcan bureaucratique. Sa mise en œuvre doit être simple, souple, respectueuse de la diversité des situations locales. A cet égard, la FNSEA estime que la diffusion des contrats territoriaux d’exploitation auprès des agriculteurs procédera plus d’une démarche militante que d’une démarche administrative. Le choix du ou des organismes chargés de leur instruction et de leur suivi sera donc une des conditions de leur succès.

Abordant ensuite la réforme du contrôle des structures, M. Dominique Chardon a souligné qu’elle était nécessaire, en raison des dérives constatées ces dernières années qui justifient que l’on veuille appréhender de façon plus équitable toutes les exploitations, qu’elles soient individuelles ou sociétaires, et que l’on vise à améliorer l’efficacité des sanctions. Pour autant, le contrôle des structures ne rencontrera, sur le terrain, une adhésion active des professionnels que dans la mesure où il s’inscrira dans le cadre plus général d’une politique des structures complétant les mesures coercitives par des mesures incitatives. A cet égard, il convient au moins de proroger la préretraite sociale et l’aide à la libération des terres qui viennent à expiration fin 1998.

M. Dominique Chardon a également relevé, parmi les mesures positives du projet de loi, l’instauration d’un nouveau statut pour les conjoints, la reconnaissance d’interprofessions spécifiques pour les produits sous signe de qualité et l’engagement d’une réflexion sur un système d’assurance récolte. Il a, entre outre, mis l’accent sur la nécessité d’introduire dans le texte par voie d’amendements certaines dispositions transmises à la Commission européenne, en particulier celles relatives au fonds de promotion et de valorisation des produits alimentaires.

Puis, M. Dominique Chardon a insisté sur les lacunes du projet de loi. Soulignant qu’une réforme des prélèvements fiscaux relevait d’un projet de loi de finances, il a cependant estimé que la loi d’orientation pourrait fixer le cadre général d’une modernisation de la fiscalité agricole, en vue de mettre en place une véritable fiscalité d’entreprise et de faciliter la transmission progressive des exploitations. Sur ce plan, l’exposé des motifs du projet de loi est un peu plus précis que les versions précédentes, en particulier lorsqu’il indique que “ la fiscalité et le régime social des exploitations agricoles devront prendre en compte la nouvelle définition de l’activité agricole ” ; il a toutefois jugé que cette précision était insuffisante pour définir une véritable orientation.

S’agissant des droits à produire, il a reconnu que la définition de règles claires de gestion était un exercice difficile, du fait qu’il s’agissait d’une réglementation communautaire, tout en considérant qu’une loi d’orientation ne pourrait pas éluder ce problème, sous peine d’être taxée de “ velléitaire ”. Il faudrait au moins fixer un cadre général servant de base à la position que la France essaiera de faire prévaloir au plan européen.

M. Dominique Chardon a également regretté l’absence de définition de l’exploitant agricole dans le projet de loi. Outre son intérêt pour l’établissement du registre de l’agriculture, une telle définition semble indispensable en matière de politique des structures : dans l’état actuel du texte, sur quels critères faudra-t-il se fonder pour distinguer, au sein d’une société, les associés exploitants  – dont le départ peut déclencher un contrôle – et les apporteurs de capitaux – dont le départ, de ce point de vue, n’emporte pas de conséquence ? La FNSEA propose une définition fondée sur trois critères : l’exercice d’une activité agricole, la participation aux actes nécessaires à l’exploitation et le fait d’assumer le risque économique. Cette définition large prend en compte la pluriactivité et reflète une conception ouverte du métier d’agriculteur.

Abordant ensuite la question des retraites, M. Dominique Chardon a indiqué que l’exposé des motifs du projet de loi marquait un certain progrès en précisant que “ les mesures législatives nécessaires à la revalorisation par étapes progressives des pensions de retraites les plus faibles seront proposées d’ici la fin de la législature ”. Il a souligné que, sans sous-estimer la portée de cet engagement, un calendrier plus précis et plus contraignant serait cependant le bienvenu.

Quant à l’organisation économique, il a fait observer que le chapitre du projet de loi relatif à ce sujet manquait encore de consistance, même si la possibilité d’affecter le contrat territorial d’exploitation au “ développement de projets collectifs de production ou d’aménagement ” ouvre une piste intéressante, dans la mesure où elle pourrait permettre de croiser une démarche de développement et un effort d’organisation.

La FNSEA considère cependant qu’il faut avancer sur d’autres points essentiels :

– le développement de l’intégration transforme un nombre croissant d’agriculteurs en de simples exécutants qui n’ont pas les prérogatives d’un chef d’entreprise, ni les garanties d’un salarié. Il faudrait donc revoir le champ d’application de la loi sur l’intégration et les conditions d’élaboration des contrats types qui devraient être soumis à l’agrément du Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire (CSO) ;

– il convient également de définir une politique de soutien aux entreprises coopératives, qui serait modulée selon leur degré de multifonctionnalité (création d’emplois locaux, bien sûr, mais aussi valorisation des productions de leurs adhérents, promotion de spécificités territoriales de produits) et selon les démarches participatives proposées à leurs adhérents ;

– il est enfin souhaitable de pérenniser les outils coopératifs, notamment par la constitution d’un fonds pour la restructuration des coopératives, afin d’assurer leur ancrage sur l’ensemble du territoire et d’éviter leur délocalisation ou leur prise de contrôle par des capitaux internationaux.

M. François Patriat, rapporteur, a salué l’analyse du projet de loi d’orientation agricole faite par la FNSEA et estimé fondées la plupart des demandes formulées. Cependant, il a déclaré ne pas partager la vision selon laquelle le contrat territorial d’exploitation peut constituer un facteur d’entrave. Jugeant que ce nouveau contrat devait contribuer à l’aménagement du territoire, il a souhaité savoir si la FNSEA faisait, comme lui, le constat que l’agriculture française n’occupait plus aujourd’hui systématiquement le territoire.

Concernant les remarques de M. Dominique Chardon sur l’absence de dispositions fiscales dans le projet de loi, il a fait remarquer que personne ne pouvait être hostile à une réforme fiscale de grande ampleur, mais il a constaté qu’une telle réforme créait toujours beaucoup de déçus. Cependant, les assiettes actuelles de calcul des charges sociales conduisent à des situations économiquement difficilement supportables par de nombreuses exploitations. Par ailleurs, l’inclusion d’une réforme du statut des droits à produire dans le projet de loi, en plus d’une réforme fiscale, n’aurait pas permis de déposer un texte avant longtemps.

M. François Patriat s’est ensuite déclaré intéressé par la proposition d’autoriser la création de groupements agricoles d’exploitation en commun entre un père et son fils sans imposer son agrandissement.

En matière de retraite, il a fait valoir que le projet de loi entendait seulement réparer une injustice criante vis-à-vis des conjoints d’exploitants. Un autre projet de loi de grande ampleur serait nécessaire pour éliminer toutes les injustices en matière de retraite.

Il a ensuite souligné l’approche positive de la FNSEA faisant ressortir le caractère primordial de la fonction de production de l’agriculture. Il a estimé que si les Français attendent de leurs exploitants agricoles qu’ils soient compétitifs, ils ne cherchent pas à avoir une agriculture axée sur les quantités mais plutôt sur la qualité, la sécurité sanitaire et la traçabilité des produits.

M. Léonce Deprez a tout d’abord demandé comment pourrait être garantie la primauté de la fonction économique au sein des contrats territoriaux d’exploitation. Il a ensuite fait remarquer que les différentes auditions réalisées par la commission montraient la nécessité d’une meilleure organisation de la production et de producteurs agricoles plus forts face à la distribution. Au delà des contraintes juridiques du droit de la concurrence, il a demandé quelles étaient les propositions de la FNSEA en la matière et comment elles s’articulaient avec l’interdiction des ententes anticoncurrentielles.

Il s’est enfin interrogé sur la portée de la proposition de la FNSEA consistant à demander de procéder à une réforme d’ensemble de la politique des filières et de l’organisation économique des producteurs dans les douze mois suivant la publication de la loi d’orientation agricole.

M. Christian Jacob a souhaité savoir, en premier lieu, si la FNSEA était favorable aux contrats territoriaux d’exploitation dans la mesure où ils seraient financés par une modulation de la part nationale des aides communautaires et qu’ils n’auraient donc pas de financement national propre.

En second lieu, il a fait observer que le contrat territorial d’exploitation s’ajouterait à d’autres formes de contractualisation et a demandé quels contrats existants devraient être supprimés si l’on voulait éviter une superposition des interventions contractualisées. Il a ensuite demandé si la FNSEA était favorable à l’institution d’une autorisation provisoire d’exploiter destinée aux jeunes. Il a estimé que cette proposition posait en fait un problème de pérennité de l’exploitation bénéficiant de l’autorisation provisoire.

En dernier lieu, il a souhaité savoir si la FNSEA était favorable à la création d’un fonds d’entreprise qui comprendrait les biens fonciers, le capital d’exploitation et les droits à produire. Cette proposition permettrait d’éviter de donner une valeur aux droits à produire car leur transformation en valeur marchande pourrait menacer la survie d’une exploitation qui en aurait acheté beaucoup au cas où ces droits seraient supprimés à l’avenir.

M. Jacques Rebillard a fait remarquer que chacun se plaisait à affirmer en commentant le contrat territorial d’exploitation que la fonction première de l’agriculture était la production, mais il a fait observer que la notion de travail était fortement ancrée dans l’esprit des agriculteurs et qu’elle était même poussée à l’extrême par certains. Il s’est donc déclaré assuré que la fonction de production ne sera jamais oubliée par l’agriculteur titulaire d’un contrat territorial d’exploitation, même si certains abus pourront être commis. En conclusion, il a souhaité savoir comment la FNSEA envisageait la mise en œuvre sur le terrain des contrats territoriaux d’exploitation.

En réponse aux différents intervenants, M. Joseph Giroud, secrétaire général adjoint de la FNSEA, a apporté les éléments d’information suivants :

– la FNSEA attend du Gouvernement un engagement clair sur la fiscalité agricole. Les gouvernements successifs ont tous déclaré partager les souhaits de la FNSEA en matière de réforme fiscale, mais ces souhaits ne se sont jamais traduits par des mesures. La FNSEA souhaite un aménagement des régimes d’imposition, une réforme de la transmission d’entreprises et une réforme inspirée par le souci de disjoindre au regard de leur taxation le revenu disponible et le revenu réinvesti, qui supportent les mêmes charges sociales et fiscales ;

– les exploitants agricoles ont tenté de se grouper par le biais de coopératives, de groupements de producteurs et de relations contractualisées. Cependant, depuis la libération totale des prix en 1986, la grande distribution a pu continuer son mouvement de concentration, ce qui a conduit à placer les producteurs agricoles dans la situation du “ pot de terre contre le pot de fer ”. La loi empêche les agriculteurs de s’entendre alors qu’elle tolère la concentration des distributeurs. Il faut cependant reconnaître que des accords ont pu être conclus dans un sens favorable, notamment celui sur les fruits en 1996 et sur le lait en 1997, qui ont été mis au point sous les patronages respectifs de MM. Philippe Vasseur et Louis Le Pensec, ministres de l’agriculture ;

– le contrat territorial d’exploitation permettra d’assurer un équilibre entre les dimensions humaine, territoriale et de production de l’agriculture française. La fonction économique de production doit rester primordiale si l’on souhaite maintenir la motivation des agriculteurs ;

– le contrat territorial d’exploitation devra être coordonné avec les autres contractualisations existantes. La cohérence de la politique contractuelle devra toutefois être renforcée, en regroupant certaines formules contractuelles comme les opérations groupées d’aménagement foncier (OGAF) et celles utilisées pour mettre en œuvre des politiques régionales, lorsqu’un contrat territorial d’exploitation trouvera à s’appliquer ;

– l’instruction des demandes de contrat territorial d’exploitation doit être confiée aux organisations professionnelles qui ont l’habitude de négocier des opérations analogues, telles les dotations d’installation et les opérations groupées d’aménagement foncier (OGAF).

M. Pierre Degregori, directeur général adjoint de la FNSEA, a ensuite fourni les éléments d’information suivants :

– l’institution d’un fonds d’entreprise permettrait de donner une réalité juridique à l’entreprise agricole, mais elle risque aussi de se traduire par une valeur supplémentaire que le jeune exploitant devra acquitter au moment de son installation. Elle risque donc de constituer une barrière financière supplémentaire à l’installation. Mais ce débat reste ouvert au sein de la FNSEA ;

– le contrôle des structures constitue une réglementation coercitive nécessaire. L’institution d’autorisations conditionnelles d’exploiter doit permettre de contrôler un certain nombre de montages visant à contourner la réglementation.

M. Dominique Chardon, secrétaire général de la FNSEA, a en dernier lieu fourni les éléments d’information suivants :

– si on n’est pas en mesure d’apporter une réponse immédiate à un problème fondamental, une loi complémentaire à la loi d’orientation peut s’avérer indispensable. Cette méthode a déjà été utilisée ; elle pourrait s’appliquer à la réforme de la politique des filières. Tel est le sens de la proposition présentée par la FNSEA ;

– les services fournis par les exploitants agricoles relèvent de la production. Mais il est indispensable de faire ressortir le sens du métier d’agriculteur, à savoir nourrir les hommes et occuper le territoire. La fonction économique de l’agriculture est essentielle mais elle n’est pas unique, c’est ce que le contrat territorial d’exploitation met en valeur ;

– les entreprises de distribution ne doivent pas avoir pour premier objectif de vendre au plus bas prix ; elles doivent prendre en compte la dimension qualitative des denrées alimentaires. Cette approche doit conduire à segmenter les marchés considérés jusqu’à présent comme uniques. L’exemple des farines peut illustrer cette idée car, en fait, il existe plusieurs variétés de farines de qualités différentes selon les céréales dont elles sont issues, ce qui doit conduire à rémunérer de manière différente les producteurs de céréales selon les qualités de ces dernières. Le contrat territorial d’exploitation peut être un outil permettant à l’agriculteur de s’adapter à une démarche de qualité. Il doit avoir un caractère dynamique pour l’exploitant ;

– le financement du contrat territorial d’exploitation doit laisser une place à une part de financement communautaire, correspondant aux fonds sociaux structurels et à l’application du principe de subsidiarité.

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H.— Audition de M. Pascal Coste, président du Centre national des jeunes agriculteurs (CNJA)

La commission a ensuite entendu lors de la même réunion du 24 juin 1998, M. Pascal Coste, président du Centre national des jeunes agriculteurs (CNJA).

Le président André Lajoinie a félicité le président Pascal Coste pour sa récente élection à la tête du CNJA et lui a demandé d’exposer l’opinion de son organisation sur le projet de loi d’orientation agricole.

M. Pascal Coste a souligné que la nouvelle équipe à la tête du CNJA entendait inscrire son action dans la continuité de celle de Mme Christiane Lambert.

S’agissant du projet de loi d’orientation agricole, il a relevé que ce texte était la première réforme globale depuis les lois d’orientation de 1960 et 1962 qui avaient permis à l’agriculture de sortir de son ghetto et qui l’avaient amené aux performances que l’on constate aujourd’hui. Il s’est félicité que le Président Jacques Chirac ait initié cette réforme qui est souhaitée par le CNJA pour permettre à l’agriculture d’accompagner l’évolution du monde actuel.

Il a indiqué que plusieurs échéances importantes avaient été à l’origine de la préparation de ce projet de loi d’orientation : la prochaine réunion de l’OMC, la mondialisation de l’économie, le renouvellement de la PAC et les propositions de la Commission européenne “ Agenda 2000 ” qui s’inscrivent dans le cadre de l’élargissement de l’Union européenne aux pays d’Europe centrale et orientale, pays producteurs de matières premières à bas prix, qui risquent de bouleverser l’ordre établi. Il a observé que ce texte entendait cerner le nouveau contexte de notre société et répondre à ses attentes qualitatives, à ses préoccupations d’emploi, d’aménagement du territoire et d’environnement ainsi qu’à ses préoccupations de bien être des hommes et des animaux. Il a relevé que le Gouvernement souhaitait faire de ce texte un contrat entre la Nation et son agriculture et il a exposé les trois objectifs qui fondent ce texte : le renforcement de la compétitivité des exploitations, l’augmentation de leur nombre et leur multifonctionnalité.

S’agissant du renforcement de la compétitivité des exploitations, il s’est félicité de la baisse des charges et de l’adaptation des politiques de marchés mais a estimé que le problème de la répartition des marges constituait une des faiblesses du projet de loi.

S’agissant de l’évolution du nombre des exploitations, il a relevé que l’installation des jeunes agriculteurs était devenue une priorité et a souligné la nécessité d’une réforme de la transmission des exploitations qui mettra fin à un système particulièrement archaïque et de celle de la politique des structures.

En ce qui concerne la multifonctionnalité de l’agriculture qui est véritablement prise en compte par le texte, il a souligné que cette approche permettait de croiser les logiques verticales avec des approches horizontales (environnementales, sociales, territoriales) et de faire des hommes la préoccupation majeure de la politique agricole.

Il a observé que l’agriculture était confrontée à une diminution de sa valeur ajoutée en raison de la politique internationale et de la politique de guichet qui a prévalu ces dernières années ainsi qu’à une diminution régulière de ses actifs. Cela a certes permis de préserver le revenu des agriculteurs, mais ce n’est pas une solution satisfaisante. Il faut arriver à recréer de la richesse en mettant les agriculteurs en situation de projet par des politiques incitatives comme les contrats territoriaux d’exploitation.

Il est extrêmement difficile de faire reconnaître le caractère multifonctionnel de l’agriculture, au delà de sa fonction première qui est nourricière, car la société composée à 80 % de citoyens habitant les villes et à 70 % de personnes ayant des activités de service ne le comprend plus. Il faut procéder à des explications et à un rapprochement entre ces deux mondes. Deux manières de faire sont possibles : soit associer de façon équilibrée les dimensions économiques, sociales et territoriales, soit, ce que propose le projet de loi, parvenir à un équilibre en mettant plus fortement l’accent sur les aspects territoriaux et sociaux.

M. Pascal Coste a estimé pour sa part que cette vision n’était pas durable et qu’elle manquait d’harmonie.

Il a souligné son accord avec le principe du contrat territorial d’exploitation mais a regretté que le texte se limite au seul concept sans aborder les missions de ce contrat, laissant ce soin à des décrets ultérieurs. Il a exprimé son accord sur le volet du texte concernant le contrôle des structures, même si son organisation est favorable à quelques modifications.

En priorité, il faut compléter trois axes majeurs :

– le caractère incitatif de la politique des structures : il faut une politique plus large qu’une politique de contrôle. La définition de l’exploitant et un volet juridique et fiscal de la transmission d’exploitations agricoles devront être introduits ;

– la compétitivité des exploitations : une distinction entre le revenu du capital et le revenu du travail doit permettre de parvenir à un allégement des charges sociales. Les cessions de parts de sociétés sont trop lourdement taxées. Il n’y a pas de dispositions réelles sur la politique d’aide à l’investissement.

– permettre aux agriculteurs de s’organiser : il faut redéfinir le cadre des groupements de production, de manière à ce que les groupements d’une taille critique reçoivent les aides en priorité ; il faut étendre les déductions fiscales pour investissements aux parts sociales pour les coopératives.

En ce qui concerne la politique de qualité, alors qu’il faut faire en sorte que cette politique soit mieux comprise par le consommateur, M. Pascal Coste a estimé que le texte allait la complexifier, voire même la rendre inopérante alors que, pour le moment, elle fonctionne correctement.

En conclusion, il a observé que le texte comportait de bonnes orientations s’agissant des politiques territoriales et sociales, des contrats territoriaux d’exploitation et du contrôle des structures, mais qu’il serait à compléter sur le problème de la compétitivité des exploitations et sur la politique des structures.

M. François Patriat, rapporteur, déclarant partager certaines des remarques exposées par le CNJA à propos du projet de loi, a néanmoins rappelé que la loi d’orientation ne pouvait avoir pour ambition de contenir la solution à toutes les demandes formulées par les différentes représentations d’agriculteurs.

Soulignant que plusieurs suggestions du CNJA étaient semblables à celles d’autres organisations, s’agissant notamment du volet économique du projet ou du statut de l’exploitant, il a remarqué qu’elles aboutissaient à remettre en cause le concept d’installation progressive.

Il a relevé que, si les dispositions du projet relatives aux identifications géographiques protégées faisaient presque l’unanimité contre elles parmi les organisations professionnelles, le retrait de l’indication géographique protégée du projet de loi n’était pas fondé. Ce signe vise à clarifier les règles applicables pour le consommateur, aujourd’hui mal informé. Le fait de confier à l’Institut national des appellations d’origine le contrôle des indications géographiques protégées permettra de reprendre une procédure qui a déjà fait ses preuves.

M. Joseph Parrenin s’est réjoui du caractère constructif des propositions du CNJA relatives au projet de loi d’orientation. Il a relevé que, si une majorité s’élevait contre le système des indications géographiques protégées, il n’en allait pas de même des producteurs concernés par ce signe d’identification. Il a rappelé qu’il ne s’agissait nullement d’une certification au rabais, certaines indications géographiques protégées étant même plus strictes que des AOC ; dès lors il convient de clarifier cette identification et non la rejeter.

Rappelant le contenu et les objectifs des contrats territoriaux d’exploitation, il a indiqué que le Gouvernement entendait assurer leur financement en revendiquant le principe de subsidiarité dans l’attribution de dotations communautaires. Il a estimé qu’il s’agit d’un choix politique important visant à rééquilibrer les attributions d’aides publiques.

Il a ensuite demandé des précisions quant à la position du CNJA vis-à-vis de l’installation progressive.

M. Léonce Deprez a demandé si la loi d’orientation agricole pouvait influer sur la réforme de la politique agricole commune et s’il était en même temps possible de concilier les objectifs de deux projets, l’un national et l’autre communautaire.

Il s’est ensuite interrogé sur la possibilité d’insérer dans le projet de loi un dispositif encourageant les organisations économiques de producteurs.

M. Christian Jacob, abordant la question de la patrimonialisation des droits de production, a estimé que le prix d’une entreprise agricole valait par sa capacité à obtenir des résultats et non par les droits à produire qui lui étaient attachés. Estimant qu’il convenait en conséquence d’avoir une approche globale de la valeur d’une exploitation, il a demandé si le CNJA avait des propositions à présenter sur ce point.

Il a ensuite indiqué que le financement du contrat territorial d’exploitation dans le cadre communautaire pourrait se faire de deux manières, soit par la modulation des aides compensatoires, soit par les fonds structurels dont la réforme est en cours mais dont les aides ont jusqu’à présent peu bénéficié aux agriculteurs français. Il a réaffirmé son opposition à la modulation des aides qui pourrait aboutir à ce que, par exemple, un producteur de céréales cultivant 100 hectares en Marne voie ses revenus chuter et que le différentiel soit reversé à un producteur de champagne qui planterait des rosiers devant ses vignes pour attirer les insectes.

Le président André Lajoinie a indiqué qu’une démarche analogue à celle du contrat territorial d’exploitation était entreprise aux Etats-Unis en vue des négociations sur l’Organisation mondiale du commerce (OMC), ainsi qu’il avait pu le constater lors d’une rencontre récente avec une délégation parlementaire américaine.

En réponse aux intervenants, M. Pascal Coste, président du CNJA, a apporté les précisions suivantes :

– la possibilité d’intégrer un dispositif économique et financier complet dans le projet de loi dépend de la vigueur de la volonté politique. Une ambition modérée sur un volet fiscal devrait tout de même conduire au minimum à afficher les ambitions, renvoyant la définition des mesures techniques pour les atteindre à une loi de finances ultérieure ;

– l’identité de vue entre de nombreuses organisations agricoles sur les améliorations à apporter au texte du projet de loi, découle naturellement de leur objectif commun de défendre les agriculteurs ;

– la possibilité de recourir à la procédure de l’installation progressive constitue une priorité pour le CNJA. Il convient toutefois de clarifier les définitions de l’exploitant et de modifier la consistance du dispositif ;

– le CNJA est favorable à la tutelle de l’INAO sur les indications géographiques protégées dès lors que celles-ci ne constituent pas un nouveau signe de qualité, comme tend à le disposer le projet de loi. Il faut que l’octroi d’une indication géographique protégée reste lié à la détention d’un label agricole ou d’une certification de conformité. La multiplication des signes de qualité finit par créer une confusion dans l’esprit des consommateurs, d’autant plus que tous les producteurs agricoles cherchent à obtenir un signe de qualité. Il existe ainsi une tendance à la banalisation du label agricole et de la certification de conformité, qui, en raison de leur multiplication, finissent par apparaître au consommateur comme un signe de qualité de produits de base. Il faut donc à tout prix éviter de créer un cinquième signe de qualité et maintenir, à titre exclusif, la procédure de reconnaissance des indications géographiques protégées, qui doivent rester un moyen de protection des véritables signes de qualité que sont les labels agricoles et les certifications de conformité ;

– le financement du contrat territorial d’exploitation est une question essentielle qui dépasse cependant le cadre du projet de loi. Pour le CNJA, le contrat territorial d’exploitation ne doit pas être un outil de redistribution et de rééquilibrage des aides. Ce rééquilibrage doit se faire dans un cadre économique. Le contrat territorial d’exploitation rémunérera des missions assurées par les agriculteurs. Cela doit se faire dans le cadre communautaire ; la multifonctionnalité de l’agriculture doit être reconnue au niveau européen, autrement qu’au travers des seules aides au développement rural et encore faudrait-il que les exploitants en bénéficient. Il faut, bien sûr, rester très vigilants sur les critères de redistribution qui seront proposés afin qu’ils ne se limitent pas à l’aspect agri-environnemental et veiller en particulier à ce qu’il n’aboutissent pas à la remise en cause de l’équilibre des exploitations ;

– le projet de loi d’orientation agricole devrait être adopté avant la réforme de la PAC qui pourrait aboutir en mars 1999. Il est préférable d’anticiper sur les propositions contenues dans l’“ Agenda 2000 ” en choisissant une stratégie offensive, quitte à compléter les dispositions législatives par la suite. Il est important de faire de la multifonctionnalité un objectif régional, inclus dans les futurs contrats de plan Etat-régions, mais aussi européen et international dans le cadre des négociations de l’OMC, notamment sur les clauses de sauvegarde environnementales et sociales ;

– il est souhaitable que le projet de loi d’orientation agricole redéfinisse précisément les missions des organisations de producteurs et qu’il prévoie une priorité dans l’attribution des soutiens publics à ceux qui ont choisi d’intégrer de telles organisations. Le CNJA a fait des propositions en ce sens pour mieux adapter la production à la demande des marchés, en établissant des relations contractuelles entre les producteurs et leurs partenaires de la filière, instaurer une transparence des transactions et régulariser les cours ;

– la création d’un fonds d’entreprise nécessite une approche globale de l’exploitation agricole ; elle pose le problème du statut juridique des droits à produire et du fermage. Le CNJA est ouvert à la discussion sur cette question mais n’a pas encore de réponse claire à y apporter.

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I.— Audition de M. Jacques Laigneau, président de la Coordination rurale

La commission a ensuite entendu lors de la même réunion du 24 juin 1998, M. Jacques Laigneau, Président de la Coordination rurale.

M. Jacques Laigneau a tout d’abord remercié le président André Lajoinie et les membres de la commission pour leur accueil. Il a estimé que le fait d’élaborer une loi d’orientation agricole avant la fixation des orientations de la nouvelle politique agricole commune représentait sans doute une erreur stratégique, dans la mesure où l’essentiel des orientations de la politique agricole était dès lors déterminée à Bruxelles et que la politique d’orientation nationale ne pouvait être que de rattrapage. Il s’est ensuite demandé quelles pouvaient être les finalités de la loi d’orientation agricole tout en soulignant d’emblée les méfaits de la politique agricole commune mise en place en 1992 qui a introduit trois facteurs d’agrandissement : la baisse des prix, les primes et les jachères qui ont entraîné la disparition de 50 000 agriculteurs par an. A l’heure actuelle, l’on compte de moins en moins d’installations de jeunes, mais on constate une pollution due à l’industrialisation de la production et une diminution sensible de la qualité des produits. La situation de notre agriculture est ainsi dégradée, la politique agricole conduite entraînant un processus de désertification très grave pour l’équilibre de la Nation. Une loi visant à contrecarrer cette évolution et à mettre en place une agriculture durable est, dès lors, indispensable. L’Etat a la possibilité de sauver nos agriculteurs, de mettre un terme à l’hémorragie des paysans et de favoriser la mise en place d’une agriculture préservant l’environnement et reposant sur des produits de qualité.

Le Gouvernement français peut exercer une influence sur les instances communautaires, étant observé que notre marché est, pour l’essentiel, européen ; il a la possibilité également d’accorder des primes supplémentaires, d’alléger les charges, d’aider davantage les jeunes à s’installer en agriculture et les agriculteurs en difficulté à réduire leur endettement.

Il doit également améliorer le niveau des retraites tout à fait insuffisant.

M. Jacques Laigneau a jugé que le projet de loi d’orientation agricole comportait certaines orientations positives. L’on ne met plus en avant, pour la première fois depuis plus de trente ans, le productivisme et la volonté exportatrice qui sont les causes de la situation actuelle. La politique en faveur des produits de qualité et l’amélioration du statut du conjoint peuvent être considérées également comme des mesures positives. En revanche, il apparaît que le contrat territorial d’exploitation n’est pas encore suffisamment précis ; les agriculteurs veulent bien être “ des jardiniers ” rémunérés pour la qualité de leur production, mais non “ des cantonniers ” fonctionnarisés. En outre, les mesures relatives au contrôle des structures sont perçues par la Coordination rurale comme portant atteinte au droit de propriété et ne semblent pas de nature à résoudre l’équation insoluble entre les départs (40 000) et les installations (de 10 000 à 18 000). Il faudrait par ailleurs mener une politique d’installation des jeunes beaucoup plus forte et prévoir un abaissement significatif des charges.

La Coordination rurale suggère, à cet égard, cinq grands types de mesures représentant 31 propositions afin de sauver les agriculteurs français.

Le premier groupe de mesures vise à améliorer la rentabilité des exploitations agricoles. L’agriculture souffre, en effet, beaucoup plus d’un manque de revenus que d’un excès de charges. Il est indispensable, à cet égard, de réfléchir aux conséquences négatives qu’ont eues les accords du GATT qui menacent encore aujourd’hui toutes nos productions. Cinq mesures pourraient être utilement prises : la promotion des produits français et l’identification des pays de provenance, afin de préserver l’emploi, le développement de la traçabilité des produits, le contrôle des marges de la distribution par la mise en place, sur chaque catégorie de produit, d’un coefficient multiplicateur maximum que les distributeurs n’auraient pas le droit de dépasser, la promotion d’une agriculture durable, encourageant notamment la protection de l’environnement et la promotion de la qualité et enfin la liberté donnée à l’insémination artificielle actuellement entravée par la situation de monopole prévue par la loi sur l’élevage.

L’amélioration de la rentabilité des exploitations agricoles passe également par l’allégement des charges, tout d’abord fiscales : M. Jacques Laigneau a souhaité sur ce point une suppression de l’impôt foncier, l’allégement des droits de succession, l’harmonisation de la TVA, la constitution de provisions pour risques, la distinction entre les revenus du travail et celui du capital et enfin la suppression des plus-values en cas de cessation d’activité.

Quant aux mesures sociales, elles doivent avoir pour objectif la parité avec les autres catégories socioprofessionnelles, ce qui suppose l’égalité des conjoints et la réversion intégrale pour l’épouse d’un conjoint décédé, la protection du patrimoine privé, la maison de l’exploitant et quatre hectares de terre attenants devant être déclarés insaisissables. La mutualité sociale agricole doit par ailleurs être supprimée et remplacée par un système social unique pour tous les Français.

En matière de désendettement, plusieurs mesures doivent être retenues, telles que notamment la baisse substantielle des taux d’intérêt, la suppression des indemnités de remboursement anticipé et la modification des assurances décès invalidité qui doivent couvrir toute la durée du prêt. Il convient également de retenir l’ouverture d’un compte bancaire insaisissable permettant d’assurer le minimum vital de l’agriculteur et de sa famille.

M. Jacques Laigneau a ensuite souligné l’intérêt du versement d’aides aux agriculteurs des régions défavorisées et visant à compenser les handicaps et le maintien des services dans les zones rurales afin d’empêcher la désertification du territoire. Il a enfin estimé que les agriculteurs avaient droit à un véritable pluralisme syndical, souhaité la mise en place d’un financement des syndicats par analogie avec le fonctionnement des partis politiques et demandé une modification des conditions de la représentativité syndicale et des règles applicables en matière d’élection aux chambres d’agriculture.

M. Jacques Laigneau a conclu son intervention en souhaitant que l’on parvienne à un objectif de 20 000 installations de jeunes par an, ce qui suppose un allégement des conditions de formation pour les jeunes issus du milieu agricole, un effort de parrainage pour ceux qui n’en sont pas issus et une fixation de la dotation aux jeunes agriculteurs à un niveau de 120 000 francs, accordée pour tous au moment de l’installation et versée en une seule fois.

M. François Patriat, rapporteur, tout en manifestant son accord avec M. Jacques Laigneau sur plusieurs points de son intervention, a souligné tout particulièrement le coût très élevé des mesures suggérées par la Coordination rurale. Il a insisté sur le fait que les progrès de la productivité en agriculture et que le développement d’une production à haute valeur ajoutée sont à l’origine de succès pour notre agriculture, comme le prouve l’exemple du secteur viticole. S’agissant des exigences de formation imposées aux candidats à l’installation, elles sont la contrepartie inévitable des aides accordées. En toute hypothèse, il est aujourd’hui nécessaire que les agriculteurs disposent d’un minimum de connaissances biologiques, comptables et économiques pour faire face aux défis du temps. M. François Patriat a exprimé, par ailleurs, son accord avec M. Jacques Laigneau sur le souhait de la Coordination rurale de prévoir l’insaisissabilité du logement de l’agriculteur.

M. Léonce Deprez a demandé à M. Jacques Laigneau combien d’exploitants rassemblait son organisation. Il a souhaité savoir également si le fait que la loi d’orientation agricole était discutée avant que ne soit fixée la nouvelle politique agricole commune pouvait poser problème.

M. Jacques Laigneau, président de la coordination rurale, a fait remarquer que le coût financier des mesures qu’il préconise, effectivement élevé, doit être mis en parallèle avec le coût social considérable de la politique agricole aujourd’hui menée. Il a fait remarquer également qu’une réorientation de la politique agricole commune qui préserverait efficacement les intérêts nationaux, aurait un coût pratiquement nul. Dans la situation actuelle, les consommateurs sont profondément lésés par l’évolution des prix alimentaires et, il faut le noter, paient deux fois, devant supporter en outre la charge des aides accordées aux paysans en tant que contribuables.

M. François Patriat, rapporteur, a indiqué que la France recevait 37 milliards de francs chaque année de crédits communautaires, alors que sa contribution à l’Europe s’élève à 28 milliards de francs. Observant lui aussi que chaque année 40 000 agriculteurs quittent la terre, il a estimé que cette évolution était due avant tout aux caractéristiques de la pyramide des âges et aux effets de la mécanisation. Il a jugé enfin que les conditions de la production agricole n’étaient pas neutres à l’égard de l’environnement.

M. François Lucas, vice-président de la Coordination rurale, a estimé que les stages imposés aux candidats à l’installation étaient souvent une formule trop lourde et qu’il importait, dans le contexte actuel, de ne pas exclure des aides prévues de nombreux jeunes désirant s’installer en agriculture.

M. Jacques Laigneau, répondant sur le nombre des exploitants adhérents à son organisation, a indiqué que, lors des dernières élections aux chambres d’agriculture, celle-ci avait présenté des candidats dans 54 départements et obtenu 22,6 % des voix, ce qui correspond à 12 % des voix sur l’ensemble du territoire.

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J.— Audition de M. Roger Perret, secrétaire de la Fédération nationale agro-alimentaire et forestière (FNAF-CGT)

La commission a entendu M. Roger Perret, secrétaire de la Fédération nationale agro-alimentaire et forestière (FNAF-CGT), au cours de sa réunion du 25 juin 1998.

M. Roger Perret a tout d’abord remercié le président de la commission pour son invitation, initiative qui permet pour la première fois aux organisations syndicales de salariés de l’agriculture de s’exprimer sur un projet de loi relatif au secteur. Il n’en demeure cependant pas moins que la partie du projet relatif à l’emploi salarié devrait être largement modifiée pour permettre aux travailleurs d’obtenir des avancées sociales réelles.

Il a rappelé que, si la production agricole occupait plus de 800 000 salariés, seuls 150 000 d’entre eux bénéficiaient d’un emploi permanent, les autres, saisonniers ou travailleurs à temps partiel, travaillant sous divers régimes précaires. En outre, les qualifications professionnelles importantes qu’ils mettent en œuvre ne sont pas reconnues, ce qui est néfaste tant pour les salariés eux-mêmes que pour le développement économique du secteur.

Il a estimé que l’emploi permanent, qualifié et mieux rémunéré était une exigence de la lutte contre le chômage et pour la revalorisation des métiers des salariés agricoles. Dans cet objectif, il a proposé que le maintien et le développement de l’emploi, salarié ou non, soit pris en compte dans le cadre des aides financières au contrat territorial d’exploitation.

De même, la FNAF-CGT propose que le projet de loi fixe les contours et les aspects sociaux des groupements d’employeurs. L’organisation syndicale demande également la suppression du dispositif instituant le titre emploi simplifié agricole (TESA). En effet, sous couvert de simplification administrative, le TESA généralisé à tous les types de contrats à durée déterminée institutionnalise et aggrave encore la précarisation de l’emploi en agriculture. Il représente ainsi un recul social de plusieurs décennies et rétablit l’utilisation des journaliers agricoles.

Parallèlement aux exigences d’amélioration sociale, la FNAF-CGT estime que les salariés de l’agriculture doivent se voir reconnaître toute leur place dans les diverses instances où sont abordées les questions qui les concernent. Il en va ainsi des conditions de participation des salariés aux activités des commissions départementales d’orientation de l’agriculture. Il faut prévoir sur ce point l’attribution de moyens en temps et la prise en charge des frais de transport. Il est également proposé que les organisations syndicales de salariés soient pleinement associées aux interprofessions.

Par ailleurs, les propositions du projet de loi concernant l’élargissement du conseil supérieur d’orientation (CSO) paraissent inadmissibles et provocatrices. Si la volonté d’intégrer les associations de consommateurs et de protection de l’environnement est justifiée, elle n’en rend que plus intolérable l’absence des salariés. Ne pas donner de droit toute leur place à ces derniers au sein du CSO, au travers de leurs organisations syndicales représentatives au plan national, traduirait un ostracisme d’un autre âge, alors que le patronat, représenté par l’ANIA, est appelé à siéger.

M. Roger Perret a ensuite abordé les dimensions sociales du projet de loi, estimant que cet aspect était loin d’être suffisamment développé, notamment en ce qui concerne la formation professionnelle ou la protection sociale. Cependant, l’obligation de créer, dans les entreprises de moins de 50 salariés, des comités départementaux des activités sociales et culturelles, constitue une avancée significative. Il est normal d’apporter, même si c’est avec un retard d’un demi-siècle par rapport aux autres salariés, aux salariés agricoles dispersés cet acquis leur permettant de bénéficier d’avantages collectifs. Les conditions de l’obligation légale de constituer de tels comités devront être précisées dans la loi, afin de garantir leur mise en place effective.

S’agissant de la constitution et du fonctionnement de commissions d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, celles-ci sont loin de correspondre encore aux institutions existant dans d’autres secteurs. Si cette disposition représente néanmoins un premier pas, il est proposé de l’améliorer, notamment quant aux conditions de désignation des représentants des salariés par organisation syndicale représentative au niveau national dans les branches professionnelles concernées. Il conviendra en outre de donner à ces représentants des moyens supplémentaires leur permettant d’assumer leurs missions dans de bonnes conditions.

M. François Patriat, rapporteur, a déclaré partager l’analyse relative au déficit de représentation des salariés au sein de la filière de l’agriculture et de la forêt.

Il a demandé des précisions sur la position de la FNAF-CGT à l’égard des aspects sociaux liés au régime des groupements d’employeurs.

Prenant l’exemple des emplois saisonniers liés aux vendanges, il a estimé, au contraire de l’opinion émise, que le titre emploi simplifié agricole (TESA), en facilitant les formalités d’embauche de salariés agricoles, favoriserait la réduction du recours au travail dissimulé.

Soulignant que la composition professionnelle du Conseil supérieur d’orientation donnait beaucoup d’importance à la filière de la transformation, il a déclaré ne pas avoir d’objection à la représentation en son sein des salariés de l’agriculture.

M. Joseph Parrenin, rappelant l’importance du travail saisonnier en agriculture, a demandé s’il ne serait pas préférable de contenir le dispositif du titre emploi simplifié agricole (TESA), plutôt que de vouloir le supprimer, protégeant ainsi mieux les emplois permanents.

En réponse aux intervenants, M. Roger Perret, secrétaire, a apporté les précisions suivantes :

– il est appréciable que l’analyse des organisations syndicales de salariés agricoles soit étudiée par l’Assemblée nationale ;

– le meilleur moyen de résoudre les problèmes des salariés agricoles est d’assurer le rattrapage de leurs conditions d’emploi et de travail par rapport aux autres secteurs ;

– l’objectif premier de la FNAF-CGT est d’aboutir à un régime d’emploi permanent pour les salariés de l’agriculture, à l’opposé des emplois précaires.

S’agissant des groupements d’employeurs, il est, dans cette perspective, nécessaire que leurs conditions de fonctionnement soient clairement circonscrites, notamment du point de vue de la proximité géographique entre les employeurs, afin d’éviter au salarié des déplacements aux extrémités du département. Par ailleurs, l’accroissement des qualifications requises des salariés rend difficilement concevable des cas où le salarié est partagé entre plus de trois employeurs. Dans le but de mieux définir les aspects juridiques et sociaux de l’emploi, la FNAF-CGT avait émis l’idée de mise en place de groupements de salariés ;

– s’agissant du titre emploi simplifié agricole, dont la finalité porte atteinte aux contrats de travail à durée indéterminée, il serait inconcevable que l’on en revienne au système où le salarié allait proposer ses services de ferme en ferme. Refusant le principe de la généralisation du titre emploi simplifié agricole, la FNAF-CGT demande le retrait de cet article du projet de loi ;

– la représentation des salariés au sein du CSO, nécessite une modification du texte du projet de loi.

Mme Jocelyne Hacquemand a ensuite précisé qu’alors que jusqu’ici le titre emploi s’appliquait aux seuls saisonniers, le projet de loi vise à l’étendre à l’ensemble des salariés agricoles sous contrat de travail à durée déterminée ; c’est à cette extension que s’oppose la FNAF-CGT car elle ne peut qu’aboutir à renforcer la précarisation de l’emploi. Ainsi, un agriculteur pourrait être incité à recourir sur l’année, plutôt qu’à un emploi de contrat à durée indéterminée à l’accumulation de contrats à durée déterminée successifs.

Le président André Lajoinie a remercié les différents intervenants de leurs propositions de modification du projet de loi d’orientation agricole. Il a relevé le caractère constructif de la discussion relative au Conseil supérieur d’orientation (CSO), et la nécessité d’approfondir la réflexion relative au titre emploi simplifié agricole (TESA), la suppression de l’article 27 du projet de loi proposant ce mécanisme ne lui semblant pas une solution satisfaisante car elle impliquerait le retour à l’application de la législation existante qui est notoirement insuffisante en matière de lutte contre la précarité de l’emploi.

MM. Joseph Parrenin et François Patriat, rapporteur, ont alors indiqué que le groupe socialiste réfléchirait à un amendement à l’article 27 du projet de loi sur ce point.

M. Roger Perret s’est déclaré favorable à la création de comités départementaux des activités sociales et culturelles, mais il a exprimé sa crainte que ceux-ci ne demeurent qu’un voeu pieux. Il a déclaré partager l’objectif qui sera celui de ces comités, mais il a souhaité que la représentation nationale amende le texte du projet de manière à rendre obligatoire la création de ces comités. Cette obligation permettrait d’éviter d’assujettir leur création au bon vouloir d’une seule partie.

M. François Patriat, rapporteur, s’est étonné de la proposition de la FNAF-CGT visant à ce que la représentativité des salariés au sein des commissions paritaires d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail en agriculture soit assurée par les organisations syndicales “ reconnues représentatives ” et non par les organisations “ les plus représentatives ”. Cette proposition lui aurait paru plus compréhensible si elle avait émané d’un syndicat minoritaire.

Mme Jocelyne Hacquemand a indiqué que l’avant-projet de loi, dans la version transmise au Conseil d’Etat, prévoyait pour les commissions paritaires un collège salarié où étaient représentées les cinq organisations syndicales représentées nationalement. Le texte du projet de loi ne fixant pas le nombre d’organisations syndicales qui seront représentées, le terme d’organisations “ reconnues représentatives ” leur a paru plus adapté car il permet d’éviter le problème qui pourrait se poser si le nombre d’organisations syndicales représentées était inférieur à cinq.

M. François Patriat, rapporteur, a apporté son soutien à la proposition de la CGT relative aux groupements d’employeurs, mais il a émis des doutes sur l’opportunité de limiter le nombre d’employeurs à trois, en revanche il lui a paru souhaitable de délimiter géographiquement l’aire de ces groupements.

M. Joseph Parrenin a évoqué à ce sujet les régions d’élevage et la pratique fréquente pour les salariés agricoles de travailler chez plus de trois employeurs, voire même bien plus pendant une année. Il a estimé qu’il serait plus intéressant d’introduire une limitation géographique.

M. Roger Perret a indiqué que le salarié agricole qui travaillait chez une quinzaine d’employeurs n’effectuait pas le même genre de travail et qu’il y avait là un manque de cohérence. Il ne s’est pas déclaré opposé à une limitation géographique, l’essentiel étant de permettre au salarié agricole d’avoir un emploi permanent et donc une rémunération tout au long de l’année.

M. Roger Lestas s’est demandé si le travail des salariés agricoles dans le cadre des groupements d’employeurs ne permettait pas une sorte de rattrapage de leur formation, dans les régions d’élevage notamment.

Le président André Lajoinie a souligné l’intérêt d’offrir aux salariés agricoles ayant plusieurs emplois une structure solide, de manière à leur permettre d’acquérir un véritable métier.

M. Jean-Michel Marchand, au vu des différences entre les conventions collectives des viticulteurs et celles des arboriculteurs, s’est interrogé sur la convention applicable en cas de groupements d’employeurs.

M. Roger Perret a rappelé qu’il existait environ 230 conventions collectives, généralement départementales et distinctes suivant les professions. Il convient de prendre en compte cette situation historique qui n’est pas forcément idéale, l’essentiel étant bien entendu les contenus de ces conventions qui posent certains problèmes et peuvent aboutir à de graves distorsions en termes de garanties sociales.

Il a insisté sur l’obligation de créer des comités départementaux des activités sociales et culturelles, de manière à éviter que des situations différenciées n’apparaissent selon les départements.

M. Jean-Luc Bindel a observé qu’il existait des dérives fortes dans la pratique des groupements d’employeurs, certaines coopératives pouvant utiliser jusqu’à 50 ou 70 salariés de ce type, notamment dans les Landes et le Gers. Il lui paraît donc nécessaire de limiter et de mieux préciser quels employeurs peuvent être adhérents à ce type de groupement.

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K.— Audition de M. Gilbert Capp, secrétaire national de la Fédération générale agro-alimentaire (FGA-CFDT)

La commission a ensuite entendu lors de la même réunion du 25 juin 1998, M. Gilbert Capp, secrétaire national de la Fédération générale agro-alimentaire (FGA-CFDT.

M. Gilbert Capp, après avoir rappelé qu’il avait participé aux travaux du Conseil économique et social sur l’avant-projet de loi d’orientation agricole, a regretté que le texte se cantonne au secteur agricole sans traiter des autres aspects de l’activité en milieu rural. Indiquant ensuite que les grandes orientations proposées étaient positives, notamment la multifonctionnalité de l’agriculture, il a fait observer que le contrat territorial d’exploitation marquait un changement important : depuis 1992, l’évolution du soutien accordé aux prix à un soutien aux facteurs de production a entraîné une concentration des exploitations ; le projet de loi s’inscrit au contraire dans une logique de contractualisation. Cependant, il reste modeste et flou quant au financement du système ; de plus, l’emploi n’est pas affiché comme objectif prioritaire du contrat territorial d’exploitation. La Fédération générale agro-alimentaire-CFDT avait proposé que la plupart des soutiens aux agriculteurs soient contractualisés, mais cette proposition n’a pas été retenue dans l’avis du Conseil économique et social présenté par Mme Christiane Lambert.

Puis, M. Gilbert Capp a indiqué que le renforcement du rôle des commissions départementales d’orientation de l’agriculture, prévu par le projet de loi, risquait d’aggraver le problème de la participation des représentants des salariés agricoles qui peuvent difficilement quitter leurs exploitations pour assister aux réunions.

Abordant ensuite le volet du projet de loi concernant l’emploi salarié, il a estimé que la création du titre emploi simplifié agricole constituait un progrès pour les travailleurs saisonniers, mais que les expérimentations réalisées montraient également les défauts du dispositif. Si son efficacité est avérée pour lutter contre le travail clandestin, certains exemples attestent qu’une application quelque peu laxiste peut se retourner contre les salariés ; ainsi, la transformation d’un contrat à durée déterminée en titre emploi simplifié agricole entraîne la suppression de la prime de précarité de sortie du contrat. Il est donc souhaitable d’encadrer le recours à cette formule en limitant sa durée à un (ou deux) mois maximum et en organisant un contrôle paritaire par les commissions mixtes chargées de négocier les conventions collectives dans les départements. La notion de travail saisonnier devrait, en outre, être définie de façon plus stricte, comme le prévoit d’ailleurs un accord tripartite signé en 1993 par la FNSEA, le ministre de l’agriculture et les organisations de salariés agricoles. En outre, il serait utile de supprimer l’exonération des cotisations sociales pour les contrats de moins de 100 jours.

M. Gilbert Capp a également souligné que, si la pluriactivité était prise en compte dans le projet de loi, elle ne l’était que pour les exploitants et non pour les salariés agricoles. Or de nombreux salariés travaillent à la fois sur une exploitation et dans une autre entreprise, de même que certains exploitants agricoles exercent par ailleurs une activité salariée. Ces situations posent des problèmes, notamment en matière de protection sociale ; la Mutualité sociale agricole devrait être la caisse-pivot de règlement de ces difficultés.

M. François Patriat, rapporteur, a tout d’abord indiqué que le projet de loi d’orientation agricole était à l’évidence centré sur ce secteur d’activité dans la mesure où un autre projet de loi, sur lequel le Conseil économique et social travaille actuellement, traitera de l’aménagement et du développement du territoire dans sa globalité. Il a également fait observer que la contractualisation ne pouvait être élargie aux droits à produire, car il s’agit d’aides compensatoires, non pérennes, relevant de la réglementation communautaire. Après qu’il eût souligné que le travail saisonnier devait être mieux encadré et regretté le développement de la précarité pour les salariés, il a estimé que le titre emploi simplifié agricole était un bon instrument pour lutter contre le travail clandestin et faciliter la création d’emplois. Puis, il a demandé des précisions sur la contradiction relevée par M. Gilbert Capp entre la pluriactivité des exploitants et celle des salariés.

M. Léonce Deprez a estimé que les salariés agricoles étaient, à certains égards, les “ parents pauvres ” des salariés français et il a indiqué qu’il était très souvent heurté par le peu de considération qui est témoignée aux ouvriers agricoles. Il a demandé également à M. Gilbert Capp de quels moyens humains et matériels disposait son organisation et fait part de sa réticence à l’égard du vocable “ saisonnier ”. Il a rappelé qu’il était l’initiateur de l’“ économie plurisaisonnière ” et jugé que la plurifonctionnalité de l’agriculture, objectif du projet de loi, pourrait sans doute contribuer à approfondir ce projet, le but ultime étant en définitive la permanence des emplois. M. Léonce Deprez a demandé enfin à M. Gilbert Capp si les nouvelles générations d’agriculteurs ne lui semblaient pas témoigner de mentalités plus modernes et plus désireuses que les précédentes de créer des emplois permanents indispensables au bon fonctionnement de leurs entreprises.

M. Joseph Parrenin a demandé si les caisses de mutualité sociale agricole ne pourraient pas jouer un rôle utile de “ caisses pivots ”, de manière à aider au développement de la pluriactivité.

En réponse aux intervenants, M. Gilbert Capp, secrétaire national, a apporté les précisions suivantes :

– le Conseil économique et social est, en effet, saisi de l’avant-projet de loi d’orientation pour l’aménagement durable du territoire, mais celui-ci n’est pas examiné par la section de l’agriculture et de l’alimentation et l’on peut craindre que le monde rural ne soit véritablement pris en considération ni dans la loi d’orientation agricole, ni dans ce texte ;

– l’élargissement des contrats territoriaux d’exploitation aux droits à produire n’est pas possible aujourd’hui, mais le Gouvernement pourrait proposer à nos partenaires européens d’engager une démarche de contractualisation des soutiens dans le cadre de la réforme de la PAC ;

– le titre emploi simplifié agricole n’est qu’un outil de lutte contre le travail clandestin et non un moyen de créer des emplois ; selon la Fédération générale agro-alimentaire-CFDT, il faut absolument assurer le respect par les employeurs des obligations nées du contrat de travail et éviter les dérives ;

– le projet de loi définit les activités de diversification de l’exploitant, reconnaissant ainsi la multifonctionnalité de l’agriculture ; à cet égard, il faut veiller à ce que ces activités ne créent pas de distorsions de concurrence, avec le secteur artisanal notamment. Il est également nécessaire de rechercher des solutions aux problèmes posés par la pluriactivité des salariés ; l’on pourrait, par exemple, s’inspirer de la situation des ouvriers sous statut privé de l’Office national des forêts travaillant comme perchistes dans les stations de sport d’hiver qui bénéficient, dans certains cas, de la continuité de leur contrat de travail ;

– l’image traditionnelle du salarié agricole ne correspond plus à la réalité agricole d’aujourd’hui ; les salariés agricoles sont aujourd’hui souvent très qualifiés, notamment parce que la formation professionnelle initiée par les syndicats de salariés aussi bien que patronaux s’est beaucoup développée ; les salariés agricoles sont aujourd’hui sortis de leur ghetto, même si l’emploi agricole s’est beaucoup précarisé au cours des dernières années ;

– les groupements d’employeurs ont créé une dynamique importante, comme le montre notamment l’exemple de la région Poitou-Charentes ; il est positif à cet égard que la loi d’orientation améliore les conditions de leur création ;

– la Fédération générale agro-alimentaire-CFDT n’a pas demandé que la loi d’orientation agricole traite en particulier du salariat et aurait sans doute préféré que les dispositions en cause figurent dans un projet de loi portant diverses dispositions d’ordre social ;

– les caisses de mutualité sociale agricole pourraient effectivement jouer un rôle utile de “ caisses pivots ” en milieu rural ; il s’agit là d’une revendication souvent exprimée, s’appuyant notamment sur le fait que ces caisses constituent un “ guichet unique ” en matière de risques maladie, vieillesse et famille ; de plus, elles jouissent d’une implantation sur l’ensemble du milieu rural ;

– le concept de plurisaisonnalité semble très positif ; quant à l’attitude des jeunes générations d’exploitants, elle est effectivement sensiblement différente de celle de leurs prédécesseurs, les jeunes agriculteurs étant souvent plus favorables à des emplois permanents et considérant les salariés comme des assistants de production ; en toute hypothèse, la situation des salariés agricoles diffère selon les secteurs ainsi que leur degré de qualification, plus élevé dans le secteur des grandes cultures ou animales que dans celui des fruits par exemple.

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L.— Audition de Mme Marie-José Nicoli, présidente de l’Union fédérale des consommateurs (UFC)

La commission a enfin entendu, lors de la même réunion du 25 juin 1998, Mme Marie-José Nicoli, Présidente de l’Union fédérale des consommateurs (UFC).

Mme Marie-José Nicoli a fait observer que le but des précédentes lois d’orientation agricole était de produire pour nourrir tous les Français, mais cette démarche a généré de multiples points noirs : champs en jachère et élevages en batterie ; concentration de la production, d’où une désertification de certains espaces ; hyperdéveloppement des filières céréalières et recherche agricole consacrée uniquement à l’industrie agro-alimentaire ; diminution dramatique du nombre des petites et moyennes exploitations au profit des grandes entreprises seules capables de tenir des rendements élevés et des prix compétitifs ; aides à la production préférées aux aides à la personne, ce qui a créé des excédents coûteux à résorber ; emploi de produits fertilisants et de procédés de culture et d’élevage désastreux pour la santé du consommateur et l’environnement ; technocratie agricole de plus en plus envahissante qui nous éloigne de la culture et de l’animal ; manque important d’information sur les produits pour le consommateur. La prochaine loi doit favoriser le développement d’une agriculture diversifiée, qui tout en consolidant sa place

sur les marchés internationaux, puisse convenir, en termes de sécurité, de qualité et de diversité, à l’ensemble des Français.

Elle a ensuite fait valoir que le projet de loi d’orientation agricole devait prendre en compte explicitement les fonctions économiques mais aussi territoriales et consuméristes de l’agriculture moderne. Les exploitations agricoles ne produiront durablement que si elles prennent en compte les exigences de protection et de renouvellement des ressources naturelles ainsi que les préoccupations des consommateurs. Si elles ne le font pas, c’est leur capacité à produire et à commercialiser qui sera remise en cause. En clair, le respect de l’environnement et l’écoute des préoccupations des consommateurs constituent deux conditions à la pérennité des exploitations agricoles.

Les principes auxquels l’UFC-Que Choisir est attachée en matière d’agriculture peuvent se décliner ainsi : durabilité, sécurité sanitaire, diversité et qualité. Ils doivent faire partie des objectifs majeurs de la politique agricole.

La durabilité signifie que l’agriculture doit être respectueuse de l’environnement et de la préservation des ressources. Elle maintiendra ainsi son potentiel de production pour les générations futures en ne détruisant pas la biodiversité.

La sécurité sanitaire est un droit pour tous et le préalable nécessaire pour préserver la confiance des consommateurs ; elle doit être garantie pour toutes les catégories de population et pour tous les produits alimentaires. En particulier, l’interdiction des hormones doit être maintenue, l’utilisation des antibiotiques doit devenir l’exception et l’usage des pesticides doit être fortement limité. La sécurité sanitaire ne doit pas relever d’une démarche de qualité.

La diversité, dans le domaine des espèces rustiques, tant animales que végétales, est nécessaire aux goûts, aux modes d’alimentation et aux besoins différents des consommateurs, afin qu’ils puissent trouver tous les types de produits agricoles (standards, biologiques, issus de l’agriculture raisonnée, organismes génétiquement modifiés – pourquoi pas – sous réserve qu’ils apportent une amélioration aux consommateurs, etc.).

La qualité doit être multiple car les consommateurs ont des besoins, des goûts, des budgets différents et parce que le mode de consommation d’un produit conditionne la qualité du produit qu’on achète.

Mme Marie-José Nicoli a ensuite indiqué que les titres I, IV et VI du projet de loi intéressaient plus particulièrement l’UFC-Que Choisir.

Concernant le contrat territorial d’exploitation, elle a constaté que les politiques agricoles avaient jusque là tenu compte de critères économiques sans se soucier des critères sociaux et environnementaux et encore moins des attentes des consommateurs. En particulier, elle a rappelé que le monde agricole devait demeurer autant le garant de la qualité des matières alimentaires que le gestionnaire de notre environnement rural.

A la lecture du projet de loi, elle s’est demandée si ces futurs contrats territoriaux d’exploitation n’omettaient pas trop les questions de sécurité et de qualité des productions. En particulier, les assurances en matière de sécurité sanitaire devraient être un des éléments de la contractualisation. Or les termes de conditions de production utilisés par le projet de loi sont vagues.

Par ailleurs, les contrats territoriaux d’exploitation devraient permettre la viabilité des entreprises agricoles (quelles que soient leur taille, leurs spécificités, leur localisation), la transmissibilité et la reprise de ces entreprises, l’installation de jeunes agriculteurs, etc. De même, une réflexion sur les aides devrait être engagée afin de les réévaluer et remettre à plat les mécanismes. En effet, les choix faits en France et en Europe en matière de soutien des prix ont des défauts majeurs : ils encouragent trop la production et donc favorisent les surplus ; ils sont profondément inégaux puisque les primes sont captées en majorité par les grandes exploitations (80 % des aides vont vers 20 % des exploitations) ; d’une façon générale, elles sont distribuées quasiment proportionnellement à la taille des exploitations.

Elle a conclu que le contrat territorial devra intégrer l’ensemble des critères économiques et sociaux, environnementaux et sanitaires et avoir comme objectifs le maintien de la profession et une rédéfinition des soutiens à l’agriculture, la suffisance alimentaire, la sécurité et la qualité des productions, la préservation de l’environnement et le respect des ressources.

En matière de qualité et d’identification (titre IV du projet de loi), elle a fait observer que les consommateurs avaient des besoins, des vies et des budgets différents et qu’il était donc naturel qu’ils puissent trouver plusieurs niveaux de qualité pour un même produit. A cet égard, elle a souligné que quel que soit le niveau de qualité, et a fortiori pour les produits bas de gamme, la sécurité sanitaire était indispensable. La sécurité sanitaire ne doit pas rentrer dans les critères de qualité car elle est due aux consommateurs.

Aujourd’hui en France il existe cinq signes officiels dits de qualité : le label, la certification, les appellations d’origine contrôlées (AOC), l’agriculture biologique et l’appellation “ montagne ”, sans prendre en compte les signes européens (indications géographiques protégées et appellations d’origine protégées).

Or, au-delà des signes officiels de qualité, elle a noté que les producteurs et les distributeurs eux-mêmes mettent en place leurs propres signes de qualité qui, forcément, viennent brouiller la perception qu’ont les consommateurs de ces signes. Quel que soit l’intérêt réel pour le consommateur de ces démarches (certaines sont d’ailleurs tout à fait positives), cette pléthore de signes entraîne la confusion. De fait, nous assistons à une telle banalisation des signes de qualité que les consommateurs en viennent à demander : “ Quel est le meilleur label ? ”.

L’UFC-Que Choisir considère donc que les signes de qualité actuels (qu’ils soient officiels ou d’initiative individuelle) sont trop nombreux et qu’ils relèvent plus de la publicité ou du marketing que de la véritable information (les tests comparatifs publiés par Que Choisir sur les signes qui ont cours en France le prouvent). Elle a donc demandé la réduction de leur nombre.

Pour l’UFC-Que Choisir, il n’y a en réalité que deux signes de qualité : le label et le signe “ agriculture biologique ”. Les autres signes étant des signes d’identification.

Certes, la méthode de production n’est pas toujours garante de la qualité des produits. C’est le cas des productions biologiques. La démarche biologique est cependant une démarche intéressante. Pour autant, si l’agriculture biologique doit être encouragée parce que respectueuse de l’environnement, les produits qui en sont issus, souvent, ne répondent pas aux espérances. En effet, dans les tests comparatifs de Que Choisir, nous avons montré que les différences de prix (liées normalement à des différences de qualité) entre les produits biologiques et les autres étaient loin d’être toujours justifiées.

C’est pourquoi l’UFC-Que Choisir fait la différence entre l’agriculture biologique, qui respecte et ménage l’environnement et qui à ce titre doit être encouragée et les produits biologiques eux-mêmes qui ne sont pas toujours aussi différents des produits issus des productions traditionnelles (Que Choisir a analysé des salades et montré qu’elles contenaient autant de nitrates, les salades issues de l’agriculture biologique se distinguant seulement par leur différence en teneur en pesticides). Il est par conséquent important de définir les caractéristiques d’un signe de qualité tel que celui d’“ agriculture biologique ”, d’autant plus qu’un nombre croissant d’agriculteurs se lancent dans l’agriculture biologique et que la France a des critères d’agriculture biologique plus stricts que les autres pays européens. Dès lors, si le signe “ agriculture biologique ” passe d’une obligation de moyens à une obligation de résultat, il a tout a fait sa place dans les signes de qualité. Cela rassurerait les consommateurs.

Mme Marie-José Nicoli s’est ensuite déclarée étonnée par la lecture de la partie du projet de loi sur la politique de la qualité car elle est loin de souscrire à l’ensemble du mécanisme mis en place et car le projet de loi ne résout pas toutes les difficultés indiquées précédemment.

La crise de l’encéphalopathie spongiforme bovine a suscité un immense besoin d’informations sur l’origine et les caractéristiques des produits alimentaires. En particulier, elle a ravivé l’intérêt des consommateurs pour les repères qui aident à faire leur choix. Cependant, cette information n’a de sens que si elle est fiable, loyale et contrôlable. Or, on constate que les solutions préconisées par le projet de loi ne tendent pas à clarifier les choses. En premier lieu, le projet de loi ne propose pas de cadre pour organiser les démarches de qualité individuelles des producteurs et distributeurs. Ces démarches se multiplient et viennent entretenir la confusion avec les signes officiels. La volonté de la grande distribution de vouloir communiquer à tout prix sur l’origine et la composition des produits, au titre de la qualité, n’est pas bonne. Cette communication doit seulement accompagner une communication sur une véritable qualité.

En second lieu, le système proposé tend à faire l’amalgame entre l’information sur la provenance, qui est une précision utile pour faire son choix et que l’ensemble des consommateurs demande, et le signe de qualité, qui est un élément de différenciation du produit et qui met en exergue une certaine “ valeur ajoutée ”. Il ne devrait y avoir que deux signes de qualité, le reste étant des signes d’identification. Les pouvoirs publics devraient réorganiser ces signes de qualité. En effet, pour que la qualité soit parfaitement identifiable, il faut que les signes mettent réellement en valeur le travail des professionnels et les caractéristiques des produits finis. Or, ce n’est pas le cas. Le projet de loi aurait donc dû distinguer les signes d’identification des véritables signes de qualité.

En troisième lieu, il est nécessaire d’organiser les signes officiels de qualité en liaison avec la réglementation européenne en la matière. En effet, il serait dommageable qu’il n’y ait pas harmonisation car le manque de transparence est toujours un élément préjudiciable au consommateur.

Elle a déclaré ne pas souhaiter que l’indication de la provenance soit un élément de communication exclusivement réservé aux produits bénéficiant d’une AOC, d’une appellation d’origine protégée ou d’une indication géographique protégée. Limiter la communication sur les produits aux seules indications géographiques protégées et appellations d’origine protégées revient à soutenir le développement des marques individuelles (communale, régionale, etc.). Or, le développement de ces marques ne peut que venir perturber la perception des consommateurs à l’égard des marques et des signes. D’autre part, réserver la communication sur les produits aux seules indications géographiques protégées et appellations d’origine protégées protège des dénominations et fait l’amalgame entre provenance et qualité. Or, les consommateurs savent que l’indication de provenance n’est pas synonyme de qualité. Enfin, limiter la communication sur la provenance aux seules indications géographiques protégées et appellations d’origine protégées traduit un engagement vers une segmentation du marché en défaveur des consommateurs modestes.

Elle a fait part de la faible confiance que lui inspiraient les procédures de protection communautaire en raison des multiples dévoiements, à l’extérieur de la Communauté européenne, du marquage CE. Les efforts en faveur de la qualité réalisés par la France ne doivent donc pas être dilués dans un système communautaire mal contrôlé.

D’une façon générale, elle a fait part de son interrogation sur les signes de qualité, parce que si leur absence est souvent synonyme d’un produit “ bas de gamme ”, leur présence est loin de constituer une garantie et leur multiplication va à l’encontre des objectifs poursuivis. Elle a cité l’exemple de la multiplication des vins de table devenus des vins de pays et des vins de pays devenus des AOC.

Abordant les questions liées à la formation des agriculteurs (titre VI du projet de loi), Mme Marie-José Nicoli a estimé que les agriculteurs devaient être formés pour apprécier les apports des innovations technologiques et biologiques à leurs productions. Cela rend donc nécessaire la mise en place de processus de formation continue car les innovations d’aujourd’hui ne sont pas celles de demain. Leur formation devrait également les conduire à adopter une démarche soucieuse de l’environnement et les sensibiliser aux critères de qualité et à la nécessité de valoriser les produits agricoles et alimentaires.

Il est également important que dans le cadre des formations dispensées aux agriculteurs, il y ait une mise en évidence des possibles conséquences de l’utilisation des techniques médicales, phytosanitaires et de sécurité alimentaire d’une manière générale. Il faut rappeler aux producteurs que si des techniques d’aides à la production sont autorisées à un instant donné, elle le sont au vu des connaissances scientifiques du moment, et donc susceptibles d’être interdites si des conséquences néfastes apparaissent. D’une façon générale, l’agriculteur étant le maillon de la filière le plus visible pour le consommateur, tout problème de sécurité appréhendé par le consommateur est porté au débit du producteur.

Elle a jugé nécessaire que les agriculteurs réfléchissent à des types de production plus respectueux de l’environnement et surtout qu’ils prennent conscience que le devenir de l’équilibre écologique de nos espaces conditionne largement le devenir de leur profession. Il ne s’agit pas forcément de recommander pour tous les créneaux agricoles le recours aux pratiques aujourd’hui appelées biologiques, mais les efforts faits par certains (l’agriculture “ raisonnée ” par exemple) doivent pouvoir être connus de tous.

Elle a conclu sur l’importance d’une formation en matière de lecture et de décryptage des informations fournies aux agriculteurs, notamment par les industriels. La sophistication des techniques industrielles de production et de transformation des aliments rend souvent incompréhensibles les documents d’information fournis aux exploitants, y compris les étiquettes des sacs d’aliments pour animaux de ferme. Or ceux-ci contiennent aujourd’hui, le plus souvent, des sojas transgéniques, après avoir été le véhicule de l’encéphalopathie spongiforme bovine.

M. François Patriat, rapporteur, a exprimé son accord sur un grand nombre des points développés, notamment la prise en compte du mode de production durable et la définition claire des signes de qualité des produits.

Mme Marie-José Nicoli a souhaité, qu’à côté des critères environnementaux qui sont prévus pour les contrats territoriaux d’exploitation, soient également pris en compte des critères plus précis relatifs à la production et plus précisément à la qualité des produits. Ce souci d’une production de qualité peut être complémentaire à une production agricole intensive ; si les cultures de céréales continueront à être produites de manière intensive, il convient de protéger et de permettre un développement de qualité pour certaines productions (élevage, produits à forte valeur ajoutée) pour répondre à la demande forte des consommateurs. Il serait souhaitable que le projet de loi d’orientation agricole soit plus précis sur ce point et que soit prochainement voté un projet de loi sur la qualité des produits.

M. François Patriat, rapporteur, a déclaré partager ce souci. S’agissant du problème de l’identification de la provenance d’un produit, il a relevé l’ambiguïté entre le désir d’information du consommateur et l’assimilation de cette indication de provenance à un signe de qualité. Or il est exact que les AOC ne sont pas toujours synonymes de qualité. Le rôle de l’Institut national des appellations d’origine (INAO) étant d’empêcher que soit dévoyée l’indication géographique de provenance d’un produit, il ne lui apparaît pas que ce serait faire des indications géographiques protégées au rabais que de les mettre sous contrôle de l’INAO. Celui-ci a établi une procédure d’agrément pour les appellations d’origine contrôlées et il est en train de mettre en place un suivi de la qualité sur l’aval de la filière.

Mme Marie-José Nicoli a rappelé que la Commission européenne était défavorable à l’indication de l’origine des produits et elle a indiqué qu’elle ne souhaitait pas que ne figure cette origine que dans le cas où un dossier est déposé (pour les indications géographiques protégées).

M. François Patriat, rapporteur, a regretté que l’indication “ viande de France ” n’ait pas été retenue, et que ne figurent pas, au stade de la grande distribution, d’indications sur le prix d’achat, le prix de vente, et la ristourne dont bénéficie le distributeur.

Mme Marie-José Nicoli a indiqué que cette indication intéressait plutôt les agriculteurs, mais que le souhait de l’Union fédérale des consommateurs portait sur la transparence d’une filière au niveau des marges.

Le président André Lajoinie a évoqué à cet égard, à titre d’exemple, le problème des pêches dont le prix de vente peut être 5 à 6 fois plus élevé que le prix payé à l’agriculteur.

M. François Patriat, rapporteur, a estimé que si l’on payait plus cher le producteur, le produit serait alors meilleur ; il a cité à cet égard l’exemple des vins de table transformés avec le temps en vins de pays, puis en vins de qualité. Il a souhaité cependant qu’il n’y ait pas un trop grand nombre d’AOC, sinon le marché se trouverait “ ligoté ”.

Mme Marie-José Nicoli a observé que les problèmes posés à l’INAO portaient sur le contrôle a posteriori et elle a insisté pour qu’un contrôle de qualité s’effectue à tous les stades de la filière. S’agissant des AOC, elle a relevé que souvent le but poursuivi lors de leur création était de venir en aide à une filière en difficulté et de l’aider à se restructurer, mais que ce n’est qu’ultérieurement, qu’a été pris en compte un souci de qualité.

M. François Patriat, rapporteur, a relevé que le mot de qualité devenait le mot clé des organisations professionnelles et qu’ils faisaient de grands efforts en ce sens.

Mme Marie-José Nicoli a observé que dans certains secteurs existaient des produits de qualité dont le consommateur ne pouvait pas avoir connaissance, et qu’en conséquence l’obligation d’étiquetage le conduirait à pouvoir faire la différence entre les produits.

M. François Patriat, rapporteur, a fait part d’une différence qui le sépare de Mme Marie-José Nicoli : il ne considère pas que le producteur doit s’adapter au goût du consommateur ; c’est au producteur qu’il revient d’éduquer celui-ci.

Mme Marie-José Nicoli a estimé que cela a pour conséquence de détourner le consommateur de certains produits. Elle a rappelé qu’il y a 20 ans, les fruits et légumes s’étaient adaptés aux contraintes de la filière (stockage et transport) et, qu’en conséquence, ils avaient été sélectionnés à cette fin puis calibrés et ramassés encore verts et fermes. Jamais les consommateurs n’avaient demandé des fruits de tel qualibre et de telle dureté. C’est la filière dans son ensemble qui l’a imposé aux consommateurs et c’est peut-être aussi la raison pour laquelle les consommateurs se détournent aujourd’hui de ces produits frais.

M. François Patriat, rapporteur, a observé que la grande distribution avait une part de responsabilité sur ce point.

M. Jean-Michel Marchand a abordé le problème de l’agriculture biologique dont le développement est demandé par les consommateurs et s’est déclaré en accord avec Mme Marie-José Nicoli sur sa préoccupation concernant la réorientation de cette agriculture. Il a insisté sur la nécessité d’une obligation de résultat, la réglementation existante ne prévoyant qu’une obligation de moyens. Il s’est déclaré inquiet sur les organismes génétiquement modifiés, car, sans les condamner a priori, il faut être très prudent et contrôler l’évolution. Il a indiqué qu’il soutenait personnellement une expérience sur les conséquences du maïs transgénique sur le lait et la viande menée en Maine-et-Loire. Il a souhaité qu’un temps d’arrêt soit observé de manière à ne pas découvrir ultérieurement des aspects préoccupants que l’on ne connaît pas actuellement.

Mme Marie-José Nicoli a rappelé l’importance de la formation des agriculteurs pour la connaissance concrète de produits qui, inéluctablement, apparaîtront sur le marché français, car nous ne sommes pas à l’écart du marché mondial. Elle a fait remarquer que le moratoire récemment préconisé par certaines organisations en matière d’organismes génétiquement modifiés ne réglerait pas les problèmes des consommateurs, du fait que le soja transgénique par exemple arrive déjà sur le marché français en grande quantité.

Le président André Lajoinie a insisté sur l’importance du principe de précaution et souligné également les risques que présenterait l’ouverture du marché européen aux exportation de viandes hormonées.

II.— DISCUSSION GÉNÉRALE

Au cours des séances des 7 et 8 juillet 1998, la commission a examiné, sur le rapport de M. François Patriat, le projet de loi d’orientation agricole (n° 977).

M. François Patriat, rapporteur, a fait remarquer tout d’abord que le grand nombre d’amendements déposés sur le projet de loi d’orientation agricole en révélait l’importance. Il a souligné également que la discussion au Parlement avait été précédée d’une longue concertation avec toutes les parties prenantes. Le texte d’équilibre qui en est résulté prévoit que la politique agricole doit satisfaire à huit grands objectifs et qu’elle doit assumer une triple fonction, sociale (la création d’activités et d’emplois), économique (la production de biens et de services et l’occupation du territoire) et enfin environnementale (la préservation des ressources naturelles).

M. François Patriat a fait valoir que l’espace rural représentait toujours un réservoir économique important et, qu’en toute hypothèse, l’agriculture devait marquer sa spécificité et se diversifier. Il a indiqué que la mise en place du contrat territorial d’exploitation, qui repose sur un contrat entre l’État et l’agriculteur constitue une innovation essentielle et, par ailleurs, que ce n’est pas le nombre des agriculteurs, qui, dans ce secteur, “ fait ” le nombre d’emplois, car le nombre des emplois induits en agriculture est quatre fois plus important que celui des emplois directs.

Le rapporteur a signalé que le projet de loi comportait un important volet relatif à la politique des structures, s’efforçant de parvenir en la matière à une plus grande transparence et à une plus grande justice. Il s’agit de lutter contre les effets néfastes d’agrandissements inconsidérés des exploitations. Un important ensemble de mesures relatives au statut des personnes est également prévu, tout particulièrement la constitution d’un statut de conjoint collaborateur ouvrant aux intéressés des avantages significatifs en matière d’assurance vieillesse. S’agissant de la politique de la qualité, les auteurs du projet de loi se sont efforcés de distinguer ce qui relève du domaine de la protection géographique de ce qui relève de la fabrication des produits alimentaires. Enfin, il est prévu un renforcement important du rôle des interprofessions ainsi que de nombreuses règles sur les appellations d’origine contrôlées.

M. François Patriat a regretté l’opinion émise par certains qui estiment que le projet de loi manquerait d’un souffle économique, alors même que le souci d’une démarche avant tout économique figure dès l’article premier et qu’un très grand nombre de mesures retenues dans le projet de loi poursuivent précisément cet objectif. La multifonctionnalité de l’agriculture fait elle aussi l’objet d’importantes critiques s’appuyant notamment sur la concurrence qui serait faite à certains métiers, tout particulièrement ceux de l’artisanat. Le rapporteur a estimé qu’en réalité seules les entreprises de travaux agricoles risquaient d’être véritablement soumises à une concurrence des agriculteurs.

Enfin, en ce qui concerne la fiscalité, M. François Patriat a indiqué que tous souhaitaient une modification profonde des règles existantes, et que l’investissement notamment puisse être favorisé, mais il a fait remarquer qu’une réforme mal conduite risquait de susciter surtout des problèmes et des insatisfactions, qu’il valait donc mieux procéder en la matière par étapes successives dans les différentes lois de finances.

Après l’exposé du rapporteur, la commission a rejeté l’exception d’irrecevabilité et la question préalable.

Intervenant dans la discussion générale, M. Félix Leyzour a noté que le projet était bien un texte d’orientation qui a pour objet de reconnaître la multifonctionnalité de l’agriculture, c’est-à-dire ses fonctions économique, sociale et environnementale et donc de modifier les tendances actuelles de la politique agricole, caractérisées par des soutiens publics proportionnels à la taille des exploitations, ce qui a favorisé la concentration des activités, la diminution des emplois agricoles et la destruction des équilibres naturels. Le projet de loi envisage un certain nombre de moyens pour parvenir à cet objectif, au premier rang desquels se situe le contrat territorial d’exploitation (CTE), contrat non obligatoire et incitatif. Il prévoit une meilleure répartition des aides européennes et nationales, une lutte contre les concentrations excessives, la mise en oeuvre d’un plan social par l’intermédiaire de la création d’un nouveau statut de conjoint collaborateur. Il pose également les problèmes des salariés et traite de celui des retraites. Il contient enfin des dispositions concernant les organisations interprofessionnelles, la recherche et l’enseignement agricole.

M. Félix Leyzour a souligné que nombre de dispositions du projet de loi avaient été proposées depuis longtemps par le groupe communiste, ce qui explique son préjugé favorable vis à vis de ce texte, qui ne manquera pas d’être amélioré au cours du débat. Il a souhaité insister sur deux aspects du texte qui seront à préciser et à améliorer. Il a d’abord fait remarquer que le projet de loi ne pouvait pas être dissocié de son contexte européen et qu’il fallait en faire un point d’appui pour les discussions à venir sur la réorientation de la PAC. Or le système de rémunération des agriculteurs est de moins en moins fondé sur des prix garantis à la production ; se pose donc le problème du niveau des crédits à distribuer et du revenu final des agriculteurs. Il a estimé à ce sujet nécessaire un outil de régularisation qui doit être fondé sur la préférence communautaire et des organisations communes de marché rénovées.

Il a ensuite souligné l’importance du volet social de ce texte. Il a estimé que le problème des retraites des agriculteurs était particulièrement important et observé que, lorsque le départ des agriculteurs se fait dans de bonnes conditions, il y a moins de problèmes d’installation pour les jeunes. M. Félix Leyzour a ensuite relevé que deux millions de retraités agricoles (soit 16 % de l’ensemble des retraités) avaient de faibles retraites (4,9 % de l’ensemble des pensions servies aux retraités). Il a donc insisté sur le problème posé par la réduction du nombre des exploitants et le déséquilibre croissant qui existe entre actifs et retraités puis souligné l’importance d’un plan de rattrapage des retraites agricoles.

En conséquence, il a indiqué que des amendements avaient été déposés par le groupe communiste pour conforter, préciser ou améliorer le texte.

M. Christian Jacob a indiqué que l’opposition du groupe RPR à ce texte portait sur le contrat territorial d’exploitation qui vise à une “ suradministration ”, voire à une “ fonctionnarisation ” de l’agriculture, ainsi que sur le volet social et fiscal du texte qui ne contient pas de propositions concrètes pour les retraites et qui ne favorise pas l’installation des jeunes en agriculture.

Il a relevé certains points d’accord de son groupe avec le projet de loi, notamment sur l’organisation économique de l’agriculture, le texte proposé reprenant de nombreuses propositions des organisations professionnelles.

Il a souligné que son groupe partageait l’objectif du texte quant à une meilleure identification des produits et à une relance de la production de qualité.

Il a estimé que la composition du conseil supérieur d’orientation (CSO) serait à débattre et qu’il faudrait renforcer certaines dispositions sur l’espace agricole et forestier. Soulignant l’importance et l’originalité de l’enseignement agricole il lui a semblé enfin que le texte présentait un risque de déviation en ce qui concerne les formations agricoles.

M. François Sauvadet a trouvé que le texte du projet de loi manquait d’ambition, alors que la France est une grande puissance en matière de production et d’exportation de produits agricoles. Il a estimé qu’on avait l’opportunité d’adresser un message fort et que cette occasion avait été manquée.

A propos des contrats territoriaux d’exploitation dont les contours sont un peu flous, il a évoqué le risque d’une agriculture “ administrée ”. Il a relevé l’ambiguïté qui existe entre la proposition préalable qui porte sur tous les aspects de la vie de l’exploitation et la phase d’élaboration du contrat qui en exclut les dépenses liées aux organisations communes de marché. Il lui a semblé nécessaire de clarifier les moyens pour éviter un piège semblable à celui qu’a constitué pour les agriculteurs le programme de maîtrise des pollutions d’origine agricole (PMPOA).

Il a ensuite regretté l’absence de tout volet fiscal et a estimé que le Gouvernement aurait pu être plus imaginatif. A ce propos, il a relevé l’absence d’une politique volontariste en matière agricole, comme l’a montré le vote du dernier budget où les crédits de la SOPEXA ont été amputés de 20 %.

S’agissant de la multifonctionnalité, il a souhaité plus de clarté pour mieux préciser les contours de l’agriculture qui est un des acteurs du monde rural mais pas le seul. Il faut donc rechercher une complémentarité et non pas une opposition entre agriculteurs et artisans.

En ce qui concerne la formation, il s’est félicité qu’elle reste de la compétence du monde agricole. Il s’est étonné de l’absence de débats sur l’avenir de l’agriculture, notamment sur l’utilisation ou non des produits transgéniques, car le texte aurait pu permettre de préciser la volonté française en la matière. Enfin, il a souligné que le texte ne donnait pas un signe fort au moment où l’on discute de la nouvelle PAC, regrettant que le projet soit trop “ franco-français ”.

M. Joseph Parrenin a estimé que la dernière loi d’orientation agricole de 1962 ne concernait qu’une partie de l’agriculture et qu’elle avait eu pour conséquence la désertification du territoire, ce que l’opposition n’a pas dénoncé. Il s’est félicité que le nouveau texte s’attaque aux causes de cette désertification et qu’il concerne l’ensemble du monde agricole. S’agissant des protestations devant le développement des chambres d’hôtes émises par le monde hôtelier, il a souligné que celui-ci n’était guère présent en milieu rural, et donc qu’il convenait d’aider les agriculteurs qui investissent dans ce secteur en s’efforçant d’éviter toute distorsion de concurrence.

Il a relevé l’absence de cohérence des reproches de l’opposition sur le caractère trop économique ou pas assez économique du texte.

Il a estimé qu’il faudrait ultérieurement faire des propositions notamment sur les retraites des agriculteurs, soulignant que des efforts ont déjà été faits l’année dernière et doivent se poursuivre cette année.

Il a indiqué que ce texte avait le caractère d’un contrat entre les pouvoirs publics et le monde agricole pour le développement de l’agriculture sur l’ensemble du territoire, à la différence du texte déposé sous la précédente législature. L’adoption d’un certain nombre d’amendements permettra d’améliorer le projet de loi et d’en faire le texte attendu par le monde paysan.

M. Jean Proriol a estimé que le projet de loi d’orientation était loin d’atteindre l’objectif affiché d’élargissement des fonctions de l’agriculture. Constatant que le contrat territorial d’exploitation était contesté par certaines organisations agricoles, il a en outre observé que ce système ne disposait pas des financements correspondants. La mise en place de contrats d’initiative et de développement aurait été préférable à l’instauration de ce régime, qui risque de conduire les agriculteurs à devenir des fonctionnaires de la nature, ce qu’ils refusent.

Il a souligné que ce projet de loi, qui ne définissait pas les notions d’agriculteur et d’exploitant, qui ne comportait pas de volet sur la fiscalité ou sur les retraites, qui négligeait les activités forestières, ne pouvait dès lors pas être un texte fondateur.

Rappelant que son groupe considérait que l’activité agricole était avant tout fondée sur le socle de la production, il a regretté que le projet de loi ne contienne pas de dispositions concrètes en faveur de l’installation des agriculteurs. En outre, le projet ne règle pas les problèmes liés aux interférences entre des domaines qui relèvent d’activités différentes, entre les professions agricoles et certaines activités artisanales ou commerciales.

Soulignant enfin que la différence de conception entre le présent projet de loi d’orientation agricole et celui déposé l’année dernière par le précédent gouvernement justifiait le dépôt d’une question préalable, il a considéré que le nombre élevé d’amendements déposés démontrait les faiblesses de ce texte.

M. Léonce Deprez a considéré qu’à l’inverse de ce qu’il annonçait, ce projet de loi conduisait à restreindre la fonction des agriculteurs. Comme dans d’autres secteurs tels que l’industrie, il ne convient pas de placer sur le même plan la fonction économique et les autres, comme les rôles sociaux ou environnementaux de l’activité agricole. L’objectif principal d’une loi d’orientation agricole aurait dû être de placer la production agricole française dans les meilleures conditions face au marché mondial.

Il s’est étonné que la fonction énergétique de la production agricole ait été négligée et a considéré que le contrat territorial d’exploitation devait constituer une étape, aussi brève que possible, pour permettre à l’agriculture française de s’adapter au marché.

Mme Marie-Hélène Aubert, usant de la faculté offerte par le premier alinéa de l’article 38 du Règlement, a constaté que, même si notre agriculture se portait bien, la situation du secteur se dégradait : la production se concentre sur un nombre d’exploitations en diminution et sur des territoires de plus en plus étroits, des milliers d’emplois agricoles disparaissent chaque année et les conditions environnementales, ainsi que la biodiversité, se dégradent.

C’est pourquoi, tout en se réjouissant des orientations nouvelles contenues dans le projet de loi, elle a regretté que ce texte ne soit pas venu plus tôt en discussion devant le Parlement.

Rappelant que notre agriculture s’insérait dans la politique agricole commune, elle a considéré qu’il serait essentiel, dans le débat qui va s’engager sur la future PAC, de veiller à concilier les nouveaux objectifs communautaires avec ceux de la loi d’orientation. Le Parlement doit être pleinement associé à ce débat.

Elle s’est déclarée favorable à la prise en compte de la multifonctionnalité de l’agriculture qui, au-delà de la production, a des incidences sociales, ainsi que sur l’environnement et l’aménagement du territoire. Elle a rappelé que le contrat territorial d’exploitation induisait une notion de projet, d’engagement mutuel, qui conditionne le versement d’aides à la réalisation d’objectifs autres que productifs. Il convient cependant d’en définir clairement le contenu, afin d’éviter des dérives et de plafonner certaines aides pour ne pas recréer des inégalités.

Elle a considéré que, dans le domaine social, il était important de définir un statut du conjoint d’exploitant, les épouses ayant droit à l’égalité de traitement par rapport à leur mari. Il est également nécessaire que les débats des commissions départementales d’orientation agricole (CDOA) soient transparents et que l’accès au registre agricole soit public, afin de garantir les meilleures conditions de transmission des terres et de donner les moyens de réussir les nouvelles installations.

M. Patrick Ollier a regretté que le projet de loi, hormis une déclaration sans portée à l’article premier, néglige la spécificité de l’agriculture de montagne. Celle-ci, qui contribue à la production globale, mérite de légitimes compensations pour les handicaps naturels qu’elle supporte. Or, le projet de loi laisse craindre qu’à l’avenir ces aides, notamment les indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN), soient englobées dans les contrats territoriaux d’exploitation, ce qui soumettrait leur attribution à des conditions négligeant les surcoûts observés et mettrait en cause leur existence spécifique. Il a souhaité obtenir des éclaircissements sur cette question.

Abordant la question des biens sectionnaux, il a considéré que la loi d’orientation pourrait contribuer à clarifier un régime aujourd’hui peu satisfaisant, qui ne prend pas suffisamment en compte la préférence locale lors de l’examen des preneurs.

M. François Patriat, rapporteur, a ensuite répondu aux différents intervenants.

Il s’est déclaré en plein accord avec les propos de M. Félix Leyzour et a estimé que les observations qui ont été présentées devraient rencontrer une large approbation au sein de l’Assemblée, s’agissant notamment des problèmes des retraites ou de la préférence communautaire.

Il s’est interrogé, à propos de l’intervention de M. Christian Jacob sur le sentiment général qui prévaut au sein du RPR, son opposition lui paraissant trancher avec les contacts nombreux qu’il a pu avoir avec des responsables locaux de ce mouvement, dont les positions sur le contrat territorial d’exploitation lui ont semblé plus nuancées. Il a estimé de même que parler de “ fonctionnarisation ” ou de “ suradministration ” à propos de l’agriculture paraît assez surprenant : quelle autre profession que celle des agriculteurs se trouve, en effet, plus conduite à solliciter des aides de toute nature lorsqu’elle se heurte à des difficultés économiques ou climatiques récurrentes ? Si la complexification des relations entre l’Etat et les agriculteurs n’est pas contestable, elle n’autorise néanmoins pas à parler de suradministration de ce secteur.

En réponse à M. François Sauvadet, il s’est dit surpris de l’avoir entendu qualifier le contrat territorial d’exploitation de “ mauvais outil ”. Il a fait remarquer que le Conseil d’Etat avait considéré que ce texte était une “ vraie ” loi d’orientation – terme qui n’avait pas été employé à propos du projet de loi déposé sous la précédente législature. Il existe certes des imperfections ou des compléments à apporter, mais ce projet de loi a été salué par le Conseil économique et social comme un texte majeur en faveur de l’agriculture.

S’agissant de la multifonctionnalité, les manifestations à Paris sur les Champs-Elysées ou dans les circonscriptions rappellent la volonté des agriculteurs de jouer un rôle essentiel dans la structuration de l’espace rural, qu’il s’agisse par exemple de l’entretien des chemins et des sentiers ou de la préservation de l’environnement. Dès lors, la reconnaissance et la rémunération de cette multifonctionnalité introduites par ce texte ne font que prendre en considération des attentes souvent exprimées.

M. François Patriat a remarqué que M. Jean Proriol avait évoqué un “ pari qui serait loin d’être gagné ”: il a jugé que, dans le domaine agricole, les évolutions ne peuvent être que très progressives et que les éléments qui structurent le projet de loi (contrat territorial d’exploitation, aides de l’Etat, statut des conjoints, syndicats de producteurs, etc.) constituent une première avancée. Il faut saluer également la contribution du texte à la mise en place d’un système d’aides mieux défini, celles-ci représentant jusqu’à 115 % du revenu d’un exploitant laitier et 210 % de celui d’un éleveur.

En réponse à Mme Marie-Hélène Aubert, M. François Patriat a signalé qu’il ne fallait pas craindre de voir le contrat territorial d’exploitation transformer les exploitations en “ fermes-auberges espagnoles ”, il a fait observer que Mme Christiane Lambert, rapporteur devant le Conseil économique et social, s’était au contraire félicitée de la flexibilité du cadre tracé pour le contrat territorial d’exploitation. Les négociations en cours entre l’Etat et les organisations professionnelles et au sein du CSO devraient aboutir, sur ce point à un équilibre satisfaisant. Enfin, il s’est déclaré d’accord avec M. Patrick Ollier sur les biens de section et a souligné les apports du projet de loi en ce qui concerne l’appellation montagne.

Le président André Lajoinie a conclu la discussion générale en rappelant que les mutations traversées par le monde agricole sont sources de progrès mais aussi d’effets pervers comme la concentration économique, la pollution ou la désertification rurale et que l’effort de cette loi pour maîtriser ces mutations doit être salué.

Alors que le jeu des forces économiques et financières et le contexte européen et international représentent une force de pression considérable sur les Etats, c’est moins le défaut d’interventionnisme qu’une présence plus marquée des pouvoirs publics qu’il faut appeler de ses voeux : il s’est donc dit en accord avec l’orientation d’un texte qui, au-delà des déclarations d’intentions, sait au contraire exprimer un volontarisme réel.

III .— EXAMEN DES ARTICLES

Article premier

Objectifs de la politique agricole

Comme les précédentes lois “ d’orientation ” ou de “ modernisation ” de l’agriculture (lois n° 60-808 du 5 août 1960, n° 80-502 du 4 juillet 1980, n° 95-95 du 1er février 1995), le présent projet de loi comporte un article premier, qui définit de manière très générale les objectifs assignés à la politique agricole. Il s’agit là d’un article déclaratif, sans véritable valeur normative ; il n’en est pas moins essentiel, dans la mesure où il permet de préciser à un moment donné, en fonction d’un certain état de l’économie, des marchés, en fonction aussi des attentes de la société, ce que peuvent être les finalités de la politique agricole. Souhaité par les organisations professionnelles, cet article offre l’avantage de fixer les termes de l’accord existant entre elles et les pouvoirs publics.

L’article premier du projet de loi présente les objectifs de la politique agricole en plusieurs temps. Il est indiqué tout d’abord que “ la politique agricole prend en compte les fonctions économique, environnementale et sociale de l’agriculture ”. Cette formulation, qui ouvre le projet de loi, met d’emblée l’accent sur le caractère multifonctionnel de l’agriculture, thème qui traverse l’ensemble du texte (il est présent par exemple dès le Titre Ier, qui traite des contrats territoriaux d’exploitation, mais aussi à l’article 45 relatif à la mise en valeur de l’espace agricole et forestier).

La fonction de base de l’agriculture, celle de production de biens et de services, se complète ainsi de nouveaux devoirs : la préservation de l’eau, des sols, des paysages et de la biodiversité, le maintien, voire la création d’emplois, l’animation du milieu rural.

Il faut observer d’ailleurs que cette “ trifonctionnalité ” (économique, environnementale et sociale) de l’agriculture est mentionnée dans de nombreux textes issus de la Conférence de Rio de 1992 sur le développement comme d’ailleurs à l’article L. 101 du code forestier qui indique que “ la politique de mise en valeur économique, écologique et sociale de la forêt relève de la compétence de l’Etat ”. Elle reflète donc bien la vision du moment.

Lors de ses travaux sur l’article premier du projet de loi, après un débat dans lequel sont intervenus MM. Jean Proriol, François Sauvadet et François Brottes qui a rappelé sa fonction de président du groupe d’études sur la forêt, la commission a rejeté un amendement de M. Jean Proriol faisant référence à la politique forestière. Le rapporteur a en effet estimé que la référence à la politique forestière n’était pas opportune du fait du prochain dépôt d’un projet de loi spécifique actuellement en cours de préparation.

Elle a ensuite adopté un amendement de M. Jean-Michel Marchand soulignant le rôle de l’agriculture en matière d’aménagement du territoire et affirmant l’objectif d’un développement durable (amendement n° 58).

Puis la commission a examiné un amendement de M. François Sauvadet précisant que les objectifs de notre politique agricole s’inscrivaient dans le cadre de la politique agricole commune. M. Félix Leyzour faisant valoir que la politique agricole commune avait aujourd’hui besoin d’être réformée s’est inquiété de la rédaction de l’amendement. A l’issue d’un débat dans lequel sont intervenus MM. Germain Gengenwin, François Patriat, rapporteur, André Lajoinie, président et François Sauvadet, la commission a adopté l’amendement de M. François Sauvadet, modifié sur proposition de M. François Dosé, substituant la formule “ en liaison avec la politique agricole commune ” à l’expression “ dans le cadre de celle-ci ” (amendement n° 59 cor.).

Le projet de loi d’orientation agricole mentionne également à l’article premier les grands objectifs que doit poursuivre la politique agricole. Certains d’entre eux, il faut le noter, apparaissent plus comme des moyens ou des instruments que comme de véritables objectifs. C’est sur ce point qu’ont porté pour l’essentiel les débats de la commission sur l’article premier. Huit thèmes majeurs étaient retenus dans le projet de loi, qui ont inspiré nombre d’amendements :

  l’installation en agriculture, mentionnée la première avec la pérennité des exploitations agricoles, leur transmission ainsi que le développement de l’emploi dans l’agriculture ;

‚  l’amélioration des conditions de production et du revenu des agriculteurs ainsi que la parité avec les autres catégories sociales, dès lors que les contributions sont équivalentes ;

ƒ  la production de biens agricoles alimentaires et non alimentaires répondant à plusieurs besoins : ceux des marchés, national, européen et mondial, ceux des industries agro-alimentaires, ceux des consommateurs particulièrement soucieux aujourd’hui de sécurité sanitaire ;

„  une répartition équitable de la valeur ajoutée entre les différentes parties prenantes : agriculteurs-producteurs, industriels-transformateurs et enfin commerçants ;

…  la valorisation des terroirs au moyen de systèmes de production adaptés à leurs potentialités ;

†  la préservation des ressources naturelles et de la biodiversité et l’entretien des paysages ;

‡  la production de services collectifs bénéficiant à tous les usagers de l’espace rural ;

ˆ  la promotion enfin des produits agricoles sur les marchés.

La commission a rejeté un amendement de suppression du deuxième alinéa () de cet article présenté par M. Christian Jacob. Elle a en revanche adopté un amendement de M. Jean Proriol, précisant que la politique agricole a, entre autres, pour objectif l’installation des jeunes en agriculture (amendement n° 60). Après avoir rejeté un amendement du même auteur évoquant les problèmes de la forêt, la commission a adopté un amendement de M. Jean-Michel Marchand indiquant que le développement de l’emploi en agriculture devait être recherché à partir des spécificités des régions (amendement n° 61).

La commission a rejeté un amendement de suppression du troisième alinéa (‚) de cet article présenté par M. Christian Jacob. Puis, elle a adopté un amendement rédactionnel, présenté par M. François Patriat, rapporteur et un amendement de M. François Sauvadet faisant valoir que la politique agricole doit améliorer non seulement les revenus, mais aussi les niveaux de vie (amendement n° 62 cor.). Après avoir rejeté un amendement de M. Jean Proriol relatif à la forêt, la commission a adopté un amendement de M. Jean-Michel Marchand (amendement n° 63), faisant de la mise en place d’une protection sociale renforcée des agriculteurs un objectif de la politique agricole et en conséquence rejeté un amendement de M. François Sauvadet.

La commission a ensuite adopté un amendement de M. Germinal Peiro (amendement n° 64), ajoutant à la liste des objectifs de la politique agricole, la revalorisation progressive et la garantie d’une retraite minimum aux agriculteurs. Un amendement de M. Jean-Michel Marchand, faisant référence à la qualité des produits, a été retiré au bénéfice d’un amendement ultérieur.

La commission a rejeté un amendement de suppression du quatrième alinéa (ƒ) de cet article présenté par M. Christian Jacob et un amendement de M. Jean Proriol faisant référence aux biens forestiers. Elle a ensuite adopté un amendement de M. Jean-Michel Marchand relatif à l’amélioration de la qualité des produits agricoles (amendement n° 65). Plusieurs amendements indiquant que le secteur agricole devait répondre aux besoins de toutes les activités agro-alimentaires et non à ceux des seules industries, ont ensuite été mis en discussion commune, à l’issue de laquelle un amendement de M. Michel Vergnier a été adopté (amendement n° 66), rendant sans objet l’amendement n° 1 de M. Robert Lamy, l’amendement n° 37 de M. Christian Jacob et un amendement de M. François Sauvadet.

Un amendement de M. Jean-Michel Marchand traitant des exigences qualitatives des consommateurs a été retiré. Puis la commission a adopté un amendement de M. Félix Leyzour (amendement n° 67) prévoyant que la production de biens agricoles doit contribuer à la sécurité alimentaire mondiale, après un débat, auquel ont participé MM. François Sauvadet, André Lajoinie, président, François Dosé, Joseph Parrenin et Jean-Michel Marchand, portant notamment sur la confusion qui pourrait exister entre les notions de sécurité et de suffisance alimentaires.

La commission a ensuite adopté deux amendements identiques présentés par le rapporteur et M. Jean Proriol (amendement n° 68), ajoutant un alinéa relatif au renforcement de l’organisation économique des marchés, des producteurs et des filières, rendant sans objet des amendements similaires de MM. François Sauvadet, Christian Jacob et l’amendement n° 13 de M. Jacques Rebillard.

La commission a alors examiné deux amendements :

– un amendement de M. François Patriat, rapporteur, insérant un alinéa relatif au développement de l’aide alimentaire et à la lutte contre la faim dans le monde ;

– un amendement de M. François Sauvadet, insérant également un nouvel alinéa portant sur le renforcement de la vocation exportatrice agricole et agro-alimentaire de la France.

Ces deux amendements ont donné lieu à un vaste débat dans lequel sont intervenus MM. Jean-Michel Marchand, André Godin, Joseph Parrenin, Félix Leyzour, Serge Poignant, Mme Marie-Hélène Aubert, MM. François Dosé, Stéphane Alaize et François Sauvadet.

M. Joseph Parrenin s’est interrogé sur l’opportunité de lier ces deux amendements, M. Stéphane Alaize préférant pour sa part traiter distinctement ces deux fonctions différentes de la politique agricole. MM. François Sauvadet et Serge Poignant ont insisté sur la nécessité de souligner la vocation exportatrice de notre pays. M. Félix Leyzour a rappelé les dangers des exportations à bas prix et le grave problème de la suffisance alimentaire mondiale.

A l’issue de cette discussion, la commission a adopté l’amendement du rapporteur sous-amendé par M. Jean-Michel Marchand indiquant que l’aide alimentaire devait se faire dans le respect des économies des pays en développement aidés (amendement n° 69) et l’amendement de M. François Sauvadet, relatif au renforcement de la capacité exportatrice de la France en matière agricole (amendement n° 70 cor).

La commission a ensuite rejeté les amendements de suppression des 5ème et 6ème alinéas („ et …) de M. Christian Jacob. Un amendement de M. Jean-Michel Marchand a été retiré après que le rapporteur eut exprimé un avis défavorable en faisant valoir que les pratiques extensives ne devraient pas être développées sur tout le territoire, mais seulement dans certaines zones, que le président André Lajoinie eut estimé que la formulation de l’amendement pouvait être défavorable à l’agriculture biologique et que M. Joseph Parrenin eut souligné que la notion d’extensivité n’était pas nécessairement synonyme de la notion de qualité. La commission a ensuite rejeté un amendement de M. Jean Proriol mentionnant la forêt.

Un amendement de suppression du septième alinéa (†) de M. Christian Jacob a été rejeté.

Les amendements de M. Robert Lamy (n° 2), de M. Christian Jacob (n° 38) et de M. Jean Proriol, visant à supprimer les mots “ l’entretien des paysages ” du septième alinéa (†) de cet article, ont été soumis à discussion commune. M. Jean Proriol défendant ces amendements a souligné que les agriculteurs n’étaient pas les jardiniers des espaces naturels et qu’il fallait éviter tout risque de concurrence avec l’activité des paysagistes.

M. Gabriel Montcharmont a observé que les agriculteurs avaient pour vocation, au-delà de leur activité de production, à entretenir les paysages et que ceux-ci avaient été façonnés depuis des millénaires par leur travail. M. Joseph Parrenin a réaffirmé les trois fonctions assignées à notre agriculture et M. René Leroux a cité l’exemple des marais salants, sites naturels qui n’existeraient plus s’ils n’avaient pas été entretenus.

M. Félix Leyzour a relevé que, dans certains espaces où il n’y a plus guère de production agricole, les agriculteurs pouvaient être amenés à faire du travail d’entretien.

M. Jacques Le Nay a proposé l’expression entretien des espaces naturels agricoles.

M. François Sauvadet, soutenu par M. Jean-Michel Marchand et M. François Brottes, a proposé un sous-amendement visant à supprimer la notion d’entretien du paysage pour garder celle de préservation du paysage, tandis que M. Joseph Parrenin a souligné que cette notion était plus exigeante.

M. François Patriat, rapporteur, a estimé qu’il n’y avait pas de risque de voir les agriculteurs devenir des paysagistes mais que ceux-ci ont participé depuis des millénaires à l’entretien de l’espace rural (haies, chemins, points d’eau, ...) et qu’ils pourraient, si les amendements étaient adoptés, ne plus faire tous ces travaux d’entretien qu’ils réalisent aujourd’hui.

M. François Sauvadet, ayant estimé que l’on pouvait donner au terme de préservation du paysage un sens visant à empêcher toute évolution, a retiré son sous-amendement.

M. Jean-Michel Marchand a souligné que la préservation des paysages n’interdisait pas toute évolution mais qu’il s’agissait d’une préservation des ressources naturelles, des espaces et des paysages.

Après que le rapporteur eut exprimé un avis défavorable, la commission a rejeté les trois amendements.

La commission a ensuite examiné six amendements au huitième alinéa (‡) du I de l’article, quatre de suppression de cet alinéa (l’amendement n° 3 de M. Robert Lamy, l’amendement n° 39 de M. Christian Jacob, un amendement de M. Jean Proriol et un amendement de M. François Sauvadet) ainsi qu’un amendement du rapporteur et un amendement de M. Jean-Michel Marchand.

M. Serge Poignant a estimé inacceptable d’affirmer que l’un des objectifs de l’agriculture est de produire des services collectifs. On ne peut ainsi que créer une concurrence inadmissible à l’encontre des entreprises susceptibles de fournir des services équivalents au profit de l’ensemble du monde rural, ainsi que des associations intermédiaires.

M. François Patriat, rapporteur, a déclaré préférer, à l’expression de services collectifs, celle d’actions d’intérêt général, telles que celles qu’accomplissent les agriculteurs lorsqu’ils assurent la préservation des paysages. Il a en conséquence émis un avis défavorable aux quatre amendements de suppression et à celui de M. Jean-Michel Marchand.

M. André Lajoinie, président, a estimé que les termes de services collectifs avaient pu paraître agressifs à l’encontre des artisans et s’est prononcé en faveur de l’amendement du rapporteur.

M. François Sauvadet a considéré que la réalisation d’actions d’intérêt général par les agriculteurs ne pouvait pas constituer un objectif de la loi sans représenter un risque de déstabilisation pour les entreprises ; en revanche, ces actions constituent une résultante de leur activité.

M. Félix Leyzour a considéré que le risque était plutôt de voir délaisser l’entretien des sites là où personne n’assure cette fonction.

M. François Brottes a indiqué que la reconnaissance des actions d’intérêt général des agriculteurs s’articulait avec la mise en place des contrats territoriaux d’exploitation, là où aucune autre entreprise n’offre ses services.

M. Jean-Michel Marchand a davantage craint un risque de concurrence pour les associations intermédiaires que pour les entreprises et a souhaité qu’on ne fragilise pas l’une des dernières activités d’insertion des personnes en grande difficulté.

M. Jean Proriol a indiqué que, s’il rejoignait la proposition du rapporteur visant à substituer la notion d’intérêt général à celle de services collectifs, il ne convenait pas de confier à l’agriculture l’objectif de “ produire ” de telles actions et a proposé de modifier l’amendement sur ce point.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a précisé que ces actions d’intérêt général portaient, par exemple, sur l’entretien des abords des sentiers de randonnée, au profit de l’ensemble des usagers de l’espace rural. En outre, il ne s’agit pas de menacer la pérennité des entreprises de travaux ruraux, mais de permettre aux agriculteurs de fournir ces services là où de telles entreprises ne sont pas présentes.

Conformément à l’avis du rapporteur, la commission a alors rejeté les amendements n° 3 de M. Robert Lamy, n° 39 de M. Christian Jacob, ainsi que les amendements de MM. Jean Proriol, François Sauvadet et Jean-Michel Marchand, et adopté l’amendement du rapporteur, compte tenu de la modification rédactionnelle proposée par M. Jean Proriol (amendement n° 71).

La commission a examiné trois amendements présentés respectivement par MM. Jean Proriol, Jean-Michel Marchand et Christian Jacob, tendant à inscrire la modernisation de la fiscalité comme objectif de la politique agricole. Après un large débat au cours duquel sont intervenus les auteurs des amendements, MM. François Sauvadet, François Patriat, rapporteur et Félix Leyzour, la commission a rejeté ces amendements.

Au 9ème alinéa (ˆ), la commission a examiné cinq amendements, deux présentés par M. Jean Proriol, deux par M. Jean-Michel Marchand et un par le rapporteur.

Après un débat auquel ont participé leurs auteurs ainsi que MM. Christian Jacob, Joseph Parrenin, Gabriel Montcharmont et François Sauvadet, la commission a adopté l’amendement du rapporteur modifié par un sous-amendement de M. Jean-Michel Marchand ayant pour but le renforcement d’une politique de la qualité et de l’identification ainsi que la promotion des produits agricoles et alimentaires, particulièrement ceux à haute valeur ajoutée (amendement n° 72).

M. Jean Proriol a ensuite retiré quatre amendements, l’un relatif à l’exportation et trois autres à la forêt et M. Jean-Michel Marchand un amendement portant sur l’encouragement des producteurs, devenu sans objet.

La commission a ensuite adopté un amendement de M. François Patriat, rapporteur sous-amendé par M. Yvon Montané, inscrivant le développement de la formation et de la recherche dans la liste des objectifs de la politique agricole (amendement n° 73).

Toujours à l’article 1er, le projet de loi d’orientation agricole indique que la politique agricole doit prendre en compte les situations spécifiques de certaines régions, zones de montagne, défavorisées, départements d’outre mer et enfin qu’elle est mise en œuvre en concertation tout particulièrement avec les collectivités territoriales et les organisations professionnelles représentatives.

La commission a sur ce point adopté un amendement présenté par M. Joseph Parrenin, tendant à reconnaître la nécessité d’une politique spécifique aux zones humides territorialement bien identifiées (amendement n° 74).

Un amendement de M. Jean-Michel Marchand sur les parcours de moyenne montagne a été retiré par son auteur.

La commission a ensuite rejeté un amendement de M. Jean-Michel Marchand, visant à faire participer les collectivités territoriales, les associations de protection de l’environnement et les groupements de consommateurs à la mise en œuvre de la politique agricole.

MM. Christian Jacob et Félix Leyzour ont ensuite retiré deux amendements, tendant à préciser la qualité des organisations professionnelles représentatives associées à la mise en œuvre de la politique agricole.

La commission a rejeté un amendement de M. Jean-Michel Marchand, demandant l’organisation d’un débat annuel au Parlement sur la politique agricole de la France et la politique agricole commune.

Un amendement de M. Pierre Micaux relatif à la politique forestière a ensuite été rejeté.

L’article premier du projet de loi abroge enfin les dispositions de l’article 1er de la loi n° 80-502 du 4 juillet 1980 “ d’orientation agricole ”, modifié par l’article premier de la loi n° 95-95 du 1er février 1995 “ de modernisation de l’agriculture ”. Cette mesure d’abrogation a pour objet légitime d’éviter la sédimentation de ces articles d’orientation, étant observé que la non abrogation de l’article 1er de la loi n° 60-808 du 5 août 1960 maintient l’applicabilité de ce dernier .

La commission a adopté un amendement du rapporteur au II de l’article, abrogeant l’article 1er de la loi n° 60-808 du 5 août 1960 (amendement n° 75 rect.).

Votre rapporteur approuve le contenu de l’article 1er du projet de loi et les grands objectifs qui y sont mentionnés, car ceux-ci sont le reflet d’autant de souhaits de la profession et des pouvoirs publics comme de demandes de la société. Les modifications apportées par la commission apparaissent de surcroît très utiles.

Le tableau comparatif figurant dans ce rapport qui mentionne les articles 1er des lois du 5 août 1960 et du 4 juillet 1980 modifiée par la loi du 1er février 1995 permet d’établir une comparaison avec le contenu de l’article premier du présent projet de loi.

La commission a adopté l’article premier ainsi modifié.

Article additionnel après l’article premier

Rapport sur la revalorisation des retraites agricoles

La commission a, ensuite, adopté un amendement de M. François Patriat, rapporteur portant article additionnel (amendement n° 76), prévoyant le dépôt d’un rapport avant le 31 mars 1999 sur les modalités de la revalorisation des retraites agricoles en vue de garantir, au plus tard en 2002, des prestations de même niveau que celles qui sont garanties par l’article L. 815-8 du code de la sécurité sociale. Un amendement de M. Félix Leyzour, d’objet comparable, a été retiré après un débat auquel ont pris part outre leurs auteurs, MM. Joseph Parrenin, Jean-Claude Chazal, François Sauvadet et le président André Lajoinie qui a souligné l’intérêt d’une revalorisation du plafond de l’actif successoral au-delà duquel sont récupérées les sommes versées au titre de l’allocation supplémentaire du Fonds national de solidarité.

Après l’article premier

La commission a rejeté un amendement de M. Félix Leyzour relatif au maintien de la préférence communautaire.

TITRE I

LES CONTRATS TERRITORIAUX D’EXPLOITATION

L’institution des contrats territoriaux d’exploitation apparaît véritablement comme l’innovation majeure de ce projet de loi. On l’a dit en introduction, la contractualisation est un des maîtres mots de la politique agricole des années qui viennent. Elle s’opère dans le schéma imaginé par le projet de loi avec les agriculteurs eux-mêmes, l’Etat s’engageant avec ceux-ci, de manière à répondre au mieux aux attentes de la société. La technique du contrat devrait permettre d’éviter le principal écueil du mode de soutien actuel de l’agriculture, qui s’opère en fonction des volumes produits et de la taille des exploitations, principal écueil, qui est, selon votre rapporteur, l’inégalité profonde des aides.

Avant d’examiner les travaux de la commission sur le titre premier du projet de loi relatif aux contrats territoriaux d’exploitation, votre rapporteur veut rappeler ainsi les lourdes inégalités inexistantes qui imposent la mise en place de nouveaux mécanismes.

Plusieurs tableaux reprenant les données du réseau d’information comptable agricole (RICA) pour 1995, illustrent la grande inégalité du système actuel d’aides. Mais votre rapporteur veut rappeler également que la technique contractuelle n’est pas méconnue de la réglementation actuelle, comme le prouve le tableau ci-joint établi par l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (avril 1998).

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BILAN DES OPÉRATIONS CONTRACTUELLES

Mesures

Objectifs

Type d’aides

Principaux résultats

“ Prime à l’herbe ”

·  Soutien des exploitations herbagères extensives

·  300 F/ha

· Plafond de
30 000 F/exploitation

Une mesure essentielle

·  102 000 contrats ; 5,5 millions d’hectares ; maintien des prairies (+)

préservation des potentialités écologiques (+)

entretien des paysages (+)

connexion insuffisante

avec la politique de l’élevage (-)

Plan de Développement Durable (expérimental)

·  Elaborer un projet de développement combinant les fonctions de production, territoriale et sociale de l’exploitation

·  Chèque conseil (10 000 F/exploitation)

·  Aide à l’expérimentation (entre 20 et 40 000 F/exploitation)

·  Accès aux MAE

Une expérience originale

·  59 sites ; 1 200 exploitations ; 700 contrats

renouvellement des démarches de conseil (+) références pour la mise en place des futurs CTE (+) obstacles réglementaires à l’adaptation des systèmes (-)

Opérations locales

·  Lutte contre la déprise

·  Gestion des zones humides

·  Prévention des incendies

·  Maximum de 1 100 F/ha selon niveau d’engagement

Leur atout : la souplesse

·  plus de 250 opérations ; 26 000 contrats ; 500 000 ha couverts environ ; mesure régionale la plus prisée, due à sa souplesse (+) cahier des charges mis au point localement (-) partenariat (organisations agricoles, associations, collectivités (+) approche par parcelle, pas de globalisation à l’exploitation (-)

Conversion à l’agriculture biologique

·  Conversion d’un atelier ou de l’ensemble de l’exploitation

·  Aide variable selon types de production

Une mesure en devenir

·  2 000 contrats environ, succès croissant

réponse à un marché en expansion (+)

cahier des charges parfois trop contraignant (-)

Reconversion des terres arables

·  Protection des berges de cours d’eau

·  Lutte contre l’érosion

·  Piège à nitrates (bandes enherbées)

·  2 500 F/ha

Une mesure utile

·  2 400 contrats : succès variable selon les départements

intéressante pour les zones cultivées et les exploitations de grandes cultures (+)

cahier des charges parfois inadapté au fonctionnement de l’exploitation (-)

Réductions d’intrants

·  Protection des eaux par réduction des apports d’azote et/ou de produits phytosanitaires (- 20 %)

·  1 000 F/ha

Un impact trop ponctuel

·  Fort taux d’adhésion : 2 200 contrats ;

important appui technique (+)

cahier des charges trop sommaire (-)

impact aléatoire sur la qualité des eaux

(hors protection des captages) (-)

Extensification-agrandissement

·  Diminution du chargement animal par agrandissement de l’exploitation

·  1 500 F/UGB déduite

Des contradictions

·  Environ 1 000 contrats signés ;

lutte contre la déprise agricole contradictoire avec les objectifs d’installation (±)

inadaptation aux zones déjà extensives (-)

cahier des charges complexe (-)

Retrait à long terme

·  Protection des eaux ou de la faune et de la flore par retrait de la production sur vingt ans

· 3 000 F/ha

Une mesure très contraignante

·  Environ 60 contrats signés ;

mesure environnementale mais pas agri-environnementale (-)

réticence à s’engager pour un terme si long (-)

Protection des races menacées

·  Races bovines, ovines, équines, asines

·  300 F/animal

Une certaine confidentialité

·  1 800 contrats ;

préservation de la biodiversité animale (+)

soutien à des races adaptées à des terroirs (+)

prime peu incitative (-)

Formation

·  Organisation de journées-formations (stages) pour les agriculteurs

·  Aide par journée de stage

Une mise en oeuvre insuffisante

·  Sous-consommation des crédits (20 % du total)

importance pour la sensibilisation (+)

manque d’articulation avec les mesures régionales (-)

difficultés à mobiliser les financements (-)

dispositif administratif trop rigide (-)

contrainte d’emploi du temps pour les agriculteurs (-)

(+) = avantage ; (-) = inconvénient

Source : Revue “ Chambres d’Agriculture ”, n° 864, avril 1998

Article 2

(article L. 331-3 du code rural)

Création du contrat territorial d’exploitation

Cet article insère dans le chapitre premier du titre premier du livre III (nouveau) du code rural un article L. 331-3, qui crée la technique du contrat territorial d’exploitation (CTE), véritable “ mesure phare ” de ce projet de loi. On en précisera le contenu, avant d’examiner les travaux proprement dits de la commission sur l’article 2.

a) Le contenu de l’article 2

·   Dans son premier alinéa, l’article 2 prévoit que toute personne physique ou morale qui exerce une activité réputée agricole au sens de l’article L. 311-1 (lequel est modifié par l’article 6 du projet de loi) peut souscrire avec l’autorité administrative un contrat territorial d’exploitation.

Il apparaît ainsi que la procédure du contrat territorial d’exploitation est ouverte à tous les types d’exploitations agricoles, quels que soient les secteurs de production et les régions concernés, que ces exploitations soient individuelles ou de forme sociétaire. En outre, la souscription des contrats se fait sur une base volontaire, puisqu’il est précisé que toute personne physique ou morale qui exerce une activité agricole “ peut souscrire... ”.

Le contrat territorial d’exploitation comporte des engagements pris par les agriculteurs portant sur les conditions et les modes de production, la contribution de l’activité de l’exploitation à la préservation des ressources naturelles, à l’occupation de l’espace ou à la réalisation de services collectifs, ainsi qu’au développement de projets collectifs de production ou d’aménagement.

Cette énumération qui fixe les contours du contrat territorial d’exploitation doit être reliée au nouveau caractère multifonctionnel de l’agriculture ; l’article 2 prévoit, en effet, que sont appréhendés et soutenus simultanément les différents apports de chaque exploitation agricole, en termes notamment de données de la production, de protection des ressources naturelles, d’occupation de l’espace...

Notons également que, dans la rédaction prévue à l’article 2 du projet de loi, les engagements souscrits concernent, non la production de biens et services, mais les conditions et les modes de production, soit une vision plus réductrice et que les objectifs en matière d’emploi ne sont pas explicitement mentionnés.

Notons enfin que l’article 2 reconnaît la possibilité et même l’intérêt d’approches collectives pour les contrats territoriaux d’exploitation souscrits, puisqu’il mentionne “ le développement de projets collectifs de production ou d’aménagement ”.

·   Dans son deuxième alinéa, l’article 2 du projet de loi indique explicitement que le contrat territorial d’exploitation concerne l’ensemble de l’activité de l’exploitation agricole, à l’exclusion toutefois des points régis par les mesures prévues par les différentes organisations communes de marché. En outre, le contrat territorial d’exploitation définit la nature et les modalités des prestations de l’Etat, qui constituent la contrepartie des engagements de l’exploitant. Enfin, le contrat est conclu sous réserve des droits des tiers, ce qui signifie qu’il a un caractère strictement personnel et qu’il est sans incidence sur les rapports entre preneurs et bailleurs.

·   Les troisième et quatrième alinéas traitent de la procédure applicable. C’est le préfet, qui a en la matière un rôle d’impulsion, puisqu’il est chargé d’élaborer un ou plusieurs contrats types d’exploitation, lesquels ont principalement pour objectif de promouvoir un développement durable de l’agriculture. Ces contrats types doivent simplement respecter les orientations elles-mêmes définies par le ministre de l’agriculture après avis du Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire (CSO). (Une rédaction antérieure du projet de loi faisait référence à des cahiers des charges nationaux et régionaux).

La mise au point des contrats types d’exploitation se fait ainsi au plus près du terrain.

Les contrats territoriaux d’exploitation doivent évidemment être compatibles avec un contrat type.

·   Le dernier alinéa prévoit enfin l’intervention d’un décret en Conseil d’Etat pour définir les conditions de mise en œuvre de l’article 2.

L’article 2 développe ainsi de façon décisive la contractualisation en agriculture. La démarche contractuelle devrait tout à la fois aider à répondre aux attentes de la société, en matière d’amélioration de l’environnement, de qualité des produits, d’aménagement du territoire et atténuer les inégalités existant aujourd’hui en matière de répartition des aides allouées entre secteurs de production et entre régions. Elle devrait aider surtout à la responsabilisation des producteurs. Le fait même que l’article 2 comporte en définitive peu de dispositions sur le contenu même des contrats territoriaux d’exploitation montre que les rédacteurs du projet de loi ont voulu éviter les risques d’une agriculture administrée et qu’ils ont entendu laisser les agriculteurs définir eux-mêmes les engagements qu’ils souscrivent. L’on devrait ainsi, selon la formule utilisée par Mme Christiane Lambert, la précédente présidente du Centre national des jeunes agriculteurs et rapporteur du Conseil économique et social sur l’avant-projet de loi d’orientation agricole, pouvoir passer, en matière de politique agricole, “ d’une logique de guichet à une logique de projet ”.

L’article 2 du projet de loi donne corps ainsi à une demande traditionnelle du monde agricole, celle de voir reconnues et rémunérées les fonctions, qu’au-delà de l’activité de production, les agriculteurs rendent à l’ensemble de la société.

Il peut être rattaché également au souci exprimé par le Gouvernement de remettre le territoire au coeur de la politique agricole.

Au cours de son audition par la commission, le ministre de l’agriculture et de la pêche a pu apporter quelques précisions supplémen-taires. Il a indiqué ainsi que les contrats territoriaux d’exploitation seront signés pour une durée qui devrait être de cinq ans et qu’ils s’intégreront dans un dispositif multiforme à plusieurs échelons. Au plan national, des directives fixeront les objectifs opérationnels et constitueront des guides pour l’élaboration des contrats territoriaux d’exploitation. Au niveau régional, des orientations seront arrêtées en concertation avec les régions notamment dans le cadre de la préparation des contrats de plan Etat-régions. Au plan départemental, sera élaborée une liste de contrats types définis après avis de la commission départementale d’orientation de l’agriculture (CDOA).

Les contrats territoriaux d’exploitation s’organiseront par ailleurs autour de deux grandes orientations :

– la création de valeur ajoutée : à ce titre, pourront être retenues, par exemple, des actions en faveur de la qualité des produits, de la diversification des activités agricoles, du maintien et de la création d’emploi ;

– la gestion du territoire : les actions éligibles en ce cas pourront concerner l’amélioration de la gestion qualitative et quantitative de l’eau, la valorisation des surfaces en herbe, la préservation de la biodiversité ou du paysage ou encore la prévention de risques naturels et des incendies de forêt.

Le ministre de l’agriculture et de la pêche a également indiqué qu’un groupe de travail avait été constitué au sein du CSO, afin d’examiner les mesures réglementaires relatives aux contrats territoriaux d’exploitation et notamment de fixer les responsabilités prévues pour les différents organismes (chambres d’agriculture, coopératives ou agriculteurs organisés).

Il faut noter, en effet, que l’article 2 ne donne que des orientations et que plusieurs aspects essentiels du contrat territorial d’exploitation seront détaillés dès lors dans des textes réglementaires à intervenir : objectifs des contrats, modalités concrètes de leur financement, procédure d’instruction et de contrôle applicable.

Le ministre a précisé également que des expérimentations seraient conduites dans plusieurs départements dès le second semestre de 1998, nombre d’entre eux ayant déjà fait connaître des propositions.

b) Les travaux de la commission sur l’article 2

Lors des travaux de la commission sur l’article 2, M. Paul Patriarche a indiqué qu’il avait déposé un amendement ayant pour objet de préciser que le contrat territorial d’exploitation pourra prévoir des aides spécifiques en faveur des zones défavorisées et des zones de montagne mais que celui-ci avait été envoyé à la commission des finances pour examen de sa recevabilité financière.

La commission a ensuite, conformément à l’avis du rapporteur et après l’intervention de M. François Sauvadet, rejeté un amendement de suppression de l’article de M. Christian Jacob.

Elle a examiné un amendement du même auteur soumettant la signature du contrat territorial d’exploitation (CTE) par l’exploitant à l’accord préalable du propriétaire du fonds sur lequel est exercée l’activité, du fait qu’il existait un risque de changement de nature du bien.

M. Jacques Rebillard a fait observer que le CTE, visant à assurer un développement durable, garantissait de ce fait la préservation du potentiel économique du bien. En outre, le bail rural oblige le preneur à gérer la terre en “ bon père de famille ”. Dès lors cet amendement conduirait le propriétaire à s’immiscer dans la gestion de l’exploitation.

M. Patrick Ollier s’est prononcé pour cet amendement estimant que les conditions d’exploitation risquaient de changer de nature.

M. Christian Jacob a rappelé qu’un simple projet de drainage d’une terre nécessitait que l’exploitant obtienne l’autorisation du propriétaire.

M. Germain Gengenwin s’est également prononcé en faveur de l’amendement.

M. Joseph Parrenin a indiqué que le statut du fermage garantissait déjà de manière satisfaisante les droits du propriétaire au regard de la préservation de la terre.

M. André Lajoinie, président, s’est également déclaré opposé à l’amendement, mettant en avant le blocage qui s’instaurerait dans le cas, le plus courant, où l’exploitation rassemble des terres appartenant à une pluralité de propriétaires.

Conformément à l’avis du rapporteur, qui a précisé que le contrat territorial d’exploitation ne devait pas avoir d’influence sur les relations entre le propriétaire et le preneur à bail, la commission a rejeté l’amendement.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. François Sauvadet visant à adosser le contrat territorial d’exploitation à un projet global d’entreprise.

M. Patrick Ollier a approuvé cet amendement et souhaité que les contrats territoriaux d’exploitation signés par chaque exploitant s’intègrent dans un projet économique global.

M. Germain Gengenwin s’est prononcé en faveur de l’amendement, relevant que le projet d’exploitation n’intégrait pas toujours la notion de commercialisation des produits.

M. Joseph Parrenin a indiqué que la création de ces contrats enfermés dans une pratique trop globalisée pourrait entraver l’émergence de projets innovants.

M. François Patriat, rapporteur, s’est prononcé contre l’adoption de cet amendement, dont l’esprit était repris dans un de ses propres amendements sous une formulation correspondant mieux à l’esprit des CTE.

Après l’intervention de M. Daniel Marcovitch, la commission, conformément à l’avis du rapporteur, a rejeté cet amendement.

Elle a en conséquence rejeté l’amendement similaire n° 14 de M. Jacques Rebillard, ainsi qu’un amendement de M. Jean Proriol.

La commission a ensuite rejeté, conformément à l’avis du rapporteur, un amendement de M. Jean-Michel Marchand insérant au premier alinéa de l’article codifié, une référence à l’article L. 200-1 du code rural relatif à la notion de développement durable.

La commission a examiné un amendement de M. Félix Leyzour précisant que les engagements souscrits lors de la conclusion d’un contrat territorial d’exploitation doivent notamment porter sur la valorisation de l’acte de production. Après les interventions du rapporteur et de M. Patrick Ollier, cet amendement a été retiré par son auteur.

La commission a ensuite, conformément à l’opinion du rapporteur et après les interventions de MM. André Lajoinie, président et Patrick Ollier, rejeté l’amendement n° 15 de M. Jacques Rebillard tendant à intégrer le critère d’efficacité économique parmi les engagements souscrits dans le cadre de la conclusion d’un CTE.

Puis la commission a adopté un amendement de M. Michel Vergnier mettant l’emploi au rang des objectifs des contrats territoriaux d’exploitation après les interventions de MM. Patrick Ollier, Joseph Parrenin, André Lajoinie, président, François Patriat, rapporteur, François Sauvadet et Christian Jacob (amendement n° 77). Un amendement de M. Jean-Michel Marchand ayant le même objet a en conséquence été retiré par son auteur.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Serge Poignant, excluant du champ du CTE la possibilité de financer la contribution de l’activité de l’exploitation agricole à la réalisation de services collectifs ainsi qu’au développement de projets collectifs d’aménagement. Une discussion s’est engagée, à laquelle ont pris part tout d’abord M. André Lajoinie, Président, M. Patrick Ollier, M. Joseph Parrenin et M. Christian Jacob.

M. François Patriat, rapporteur, a considéré qu’il s’agissait ici d’harmoniser les rédactions des articles 1er et 2 du projet de loi, et de remplacer les termes de services collectifs par ceux d’actions d’intérêt général.

M. François Sauvadet a fait observer que les missions d’intérêt général, qui portaient sur des problèmes de la compétence des collectivités territoriales, ne pourraient de ce fait être incluses dans un CTE, puisque celui-ci relève de la signature de l’Etat et de lui seul.

M. Léonce Deprez a considéré que les autorités locales devaient être associées à l’État dans la conclusion d’un CTE, dès lors qu’il s’agissait de la gestion de l’espace local.

M. Patrick Ollier a demandé si des contrats types pouvaient être communiqués au Parlement, afin d’éclairer ses débats.

M. Éric Doligé a trouvé surprenant que le contenu des CTE ne soit pas encore connu, alors qu’ils constituent l’axe du projet de loi. En agissant ainsi, le Gouvernement demande un “ chèque en blanc ” au Parlement.

M. Jean Auclair a critiqué au regard des pouvoirs du Parlement la procédure employée, qui consiste à discuter d’un dispositif dont on ne connaît pas encore le contenu.

M. Jean-Marie Morisset a regretté que les financements des CTE n’aient pas encore été définis.

M. Félix Leyzour a estimé importante la création des CTE. Tout en déclarant ne pas en attendre la solution à tous les problèmes, il a estimé qu’ils pourront apporter des améliorations certaines à nos agriculteurs. Il s’est demandé si le débat engagé par l’opposition, quoique paraissant viser à préciser les contours du dispositif, ne cherchait pas plutôt à le remettre en cause. Il a estimé nécessaire de prendre en compte le développement de l’emploi et proposé un amendement en ce sens.

En réponse aux intervenants, M. François Patriat, rapporteur, a apporté les précisions suivantes :

– si le CTE n’est signé que par l’Etat, il inclut aussi la mise en œuvre des contrats de plans Etat-régions. En outre, il n’empêche pas la conclusion de contrats entre les agriculteurs et les collectivités locales pour l’exécution de missions d’intérêt général ;

– le Conseil supérieur d’orientation se réunit régulièrement pour définir, dans la concertation la plus large, les contrats types des CTE. Ceux-ci devraient être connus lors de l’examen du projet de loi en séance publique ;

– le CTE, s’il est ouvert à l’ensemble des agriculteurs, demeure facultatif.

M. François Sauvadet a alors proposé d’inclure dans les engagements du contrat territorial d’exploitation le développement de projets individuels ou collectifs de production, de transformation et de commercialisation.

En conclusion, sur proposition du rapporteur, la commission a adopté l’amendement de M. Serge Poignant, modifié par le sous-amendement ainsi proposé par M. François Sauvadet et sous-amendé par le rapporteur de manière à substituer à la notion de projets collectifs de production celle d’actions d’intérêt général (amendement n° 78 cor.).

Le CTE prendra donc également en compte les engagements relatifs à la contribution de l’activité de l’exploitation au développement d’actions d’intérêt général, ainsi qu’au développement de l’emploi et de projets individuels ou collectifs de production, de transformation et de commercialisation.

En conséquence la commission a rejeté l’amendement n° 5 de M. Robert Lamy, l’amendement n° 36 de M. Serge Poignant et un amendement de M. Christian Jacob portant sur le même point ainsi que l’amendement n° 17 de M. Jacques Rebillard. Elle a également rejeté un amendement de M. Félix Leyzour relatif à l’emploi satisfait par cet amendement. M. François Sauvadet a retiré un amendement supprimant la référence à la réalisation de services collectifs ainsi que M. Jean Proriol.

La commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur selon lequel le CTE a pour objectif d’inciter les exploitations agricoles à développer un projet économique global qui intègre les trois fonctions de l’agriculture (amendement n° 79 rect.).

La commission a examiné en discussion commune l’amendement n° 4 de M. Robert Lamy, l’amendement n° 40 de M. Christian Jacob et un amendement de M. François Sauvadet visant à préciser que le CTE concerne non pas l’ensemble de l’activité de l’exploitation agricole, mais seulement la production agricole de l’exploitation. Après un débat sur les rôles respectifs de chacun des acteurs du monde rural au cours duquel se sont exprimés MM. Serge Poignant, Germain Gengenwin, François Sauvadet, Jean-Michel Marchand, Charles de Courson, le président André Lajoinie et le rapporteur, la commission a rejeté ces amendements.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Christian Jacob et deux amendements de M. François Sauvadet précisant que le CTE est conclu sous réserve des droits des propriétaires bailleurs.

M. Jean Auclair a évoqué le problème du droit de propriété soulevé par le texte du projet tandis que M. Charles de Courson a évoqué le problème de conflit de juridiction qui pourrait survenir étant donné que le bail relève du contentieux de l’ordre judiciaire et que le CTE conclu avec l’Etat est un contrat administratif relevant de la juridiction administrative. Il s’est demandé quelle pourrait être l’articulation du droit du bailleur et du CTE.

M. Joseph Parrenin a indiqué qu’il convenait d’être réaliste et ne pas imaginer d’immenses transformations dans les exploitations agricoles, suite à la conclusion de CTE. A travers ce mécanisme, l’Etat entend essentiellement aider l’agriculture des zones ayant le plus de difficultés. Il a estimé qu’il n’y avait pas lieu de demander systématiquement l’autorisation du bailleur.

MM. Jean-Claude Chazal et Stéphane Alaize se sont également déclarés contre ces amendements.

M. Félix Leyzour a observé que l’objectif du CTE était surtout de corriger le système d’attributions des aides publiques.

Le président André Lajoinie a estimé que le CTE ne modifierait pas le dispositif du statut du fermage.

M. Alain Marleix a souhaité que le Parlement comble le vide juridique existant en établissant un lien entre durée des contrats territoriaux d’exploitation et durée du bail.

M. François Sauvadet a estimé qu’il serait opportun de reconnaître systématiquement la notion de propriétaire dans le texte du projet.

Le rapporteur a relevé que ces amendements soulevaient des problèmes sur lesquels un consensus était difficile à réaliser. Il a observé que le CTE avait pour objet d’améliorer et non de détériorer l’exploitation agricole et qu’il ne devrait pas y avoir de grandes difficultés d’application du texte. Il a souligné que le CTE était neutre en ce qui concerne les rapports des propriétaires et des bailleurs et que ce serait le statut du fermage qui serait applicable.

Après ce débat, la commission a rejeté les trois amendements.

La commission a examiné en discussion commune un amendement n° 16 de M. Jacques Rebillard et un amendement de M. Jean-Michel Marchand.

Mme Marie-Hélène Aubert a indiqué que le deuxième amendement avait pour objet de permettre l’association des collectivités territoriales et des établissements publics (agences de l’eau, parcs naturels) qui le souhaitent aux CTE.

M. Jacques Rebillard a précisé que son amendement tend à imposer la consultation des présidents de conseil régional et général.

Le rapporteur a émis un avis défavorable à ces deux amendements en raison de la lourdeur du mécanisme proposé.

M. Germain Gengenwin a estimé que les conseils généraux et régionaux n’étaient pas demandeurs d’une participation au financement des CTE.

M. Jean Auclair a exprimé son accord sur ce point, mais a estimé nécessaire une consultation des collectivités territoriales plus proches du terrain.

M. Jean-Marie Morisset a déclaré partager cette opinion.

M. Félix Leyzour a souhaité s’en tenir au texte actuel et exprimé la crainte d’une trop grande sollicitation des conseils généraux.

Mme Marie-Hélène Aubert a évoqué les emplois jeunes pour lesquels de nombreuses collectivités se sont portées candidates.

M. Jean-Claude Daniel a relevé que l’exposé des motifs du projet définit clairement les CTE et qu’on y évoque des cahiers des charges national, régionaux et départementaux.

M. Stéphane Alaize a souhaité que l’on s’en tienne à une lecture simple du texte du projet et à une relation unique Etat-agriculteurs.

La commission a alors rejeté ces deux amendements.

Après que M. Jean Auclair eut demandé s’il était envisagé de diminuer le taux de chargement et donc encourager encore davantage l’élevage extensif et que M. François Patriat, rapporteur eut rappelé que, selon le texte même du projet de loi, les interventions au titre des organisations communes de marché étaient distinctes du mécanisme des contrats territoriaux d’exploitation, la commission a rejeté un amendement de M. Jean-Michel Marchand.

Après un débat dans lequel sont intervenus, MM. François Sauvadet, François Patriat, rapporteur, Charles de Courson, Félix Leyzour et François Brottes, la commission a rejeté deux amendements de M. François Sauvadet, le premier prévoyant que le préfet définit le contrat type après avis conforme de la commission départementale d’orientation de l’agriculture et le second affirmant le souci de l’efficacité économique du projet global d’exploitation. Puis la commission a rejeté un amendement de M. Christian Jacob. Elle a ensuite adopté un amendement de M. Jean-Michel Marchand visant à coordonner le contrat territorial d’exploitation et les projets agricoles départementaux (amendement n° 80).

En conclusion sur cet article, M. Serge Poignant s’est étonné de la publication d’un communiqué du ministère de l’agriculture indiquant que des lettres de cadrage avaient été envoyées aux préfets pour l’élaboration des contrats territoriaux d’exploitation, au moment où la commission examine le projet de loi d’orientation. Il a estimé que c’était faire peu de cas du Parlement qui ne s’est pas encore prononcé sur les contrats territoriaux d’exploitation, ni sur les autres dispositions du projet de loi.

Le président André Lajoinie a indiqué que le ministre de l’agriculture et de la pêche, lors de son audition par la commission, avait annoncé une phase d’expérimentation dans plusieurs départements et il a estimé que c’était là une bonne méthode de travail.

Le rapporteur a observé que la consultation des instances professionnelles locales permettrait de bâtir un texte dans le sens souhaité par les parlementaires et de préparer les décrets d’application en même temps que la discussion du projet de loi.

La commission a adopté l’article 2 ainsi modifié.

Article 3

(article L. 331-4 du code rural)

Création d’un fonds de financement
des contrats territoriaux d’exploitation

L’article 3 du projet de loi insère un nouvel article dans le code rural, l’article L. 331-4 relatif au financement des contrats territoriaux d’exploitation (CTE).

A cet effet, l’article 3 crée un fonds de financement de ces contrats. Il précise que ce fonds a vocation à regrouper outre les crédits destinés aux CTE, ceux qui concernent la gestion territoriale de l’espace agricole et forestier, soit, selon les indications transmises à votre rapporteur par les services du ministère de l’agriculture et de la pêche, au moins les dotations des opérations groupées d’aménagement foncier (OGAF) et les mesures dites “ agri-environnementales. ”.

Les opérations du fonds, précise l’article 3, sont inscrites au budget du ministère de l’agriculture dans les conditions prévues par la loi de finances.

Il résulte de ces dispositions que les aides accordées aux agriculteurs ayant souscrit un contrat territorial d’exploitation sont regroupées sur une même ligne budgétaire, ce qui en permettra une mise en oeuvre coordonnée et assurera une meilleure information. Le libellé même de l’article 3 indique que ce fonds de financement se présentera comme un regroupement de crédits, qu’il prendra la forme d’un chapitre budgétaire et non d’un compte d’affectation spécial, puisqu’il n’est pas retenu de ressource spéciale affectée.

Selon les indications données par le ministre de l’agriculture et de la pêche lors de son audition par la commission de la production et des échanges, le financement du fonds sera assuré dans un premier temps, soit en 1999, par un redéploiement de crédits nationaux. En revanche, postérieurement à la réforme de la politique agricole commune qui pourrait intervenir en l’an 2000, le fonds pourra bénéficier d’une partie des aides versées dans le cadre des organisations communes de marché. Cette mesure sera mise d’ailleurs en œuvre dans le cadre de la subsidiarité et ne devra pas s’analyser comme une forme de renationalisation de la PAC.

La commission a procédé à l’examen de plusieurs amendements portant sur l’article 3. Elle a rejeté un amendement de M. Christian Jacob en demandant la suppression.

Elle a également rejeté un amendement de M. Félix Leyzour, prévoyant que le fonds de financement des contrats territoriaux d’exploitation comprenait, outre des crédits nationaux des dotations communautaires.

La commission a en revanche adopté un amendement de M. Félix Leyzour prévoyant que les crédits du fonds étaient destinés, outre à la gestion territoriale de l’espace agricole et forestier et aux contrats territoriaux d’exploitation, à la production et à l’exploitation (amendement n° 81 rect.).

La commission a également adopté un amendement de M. Stéphane Alaize donnant la possibilité aux conseils régionaux et généraux d’apporter des concours au financement des contrats territoriaux d’exploitation (amendement n° 82).

Un amendement présenté par M. François Sauvadet prévoyant que les aides de la Communauté européenne versées en application des organisations communes de marché ne pouvaient contribuer au fonds de financement des contrats territoriaux d’exploitation, a été rejeté après une discussion, à laquelle ont pris part MM. François Sauvadet, Christian Jacob, Germain Gengenwin, Charles de Courson, Joseph Parrenin et Jean Auclair, qui ont insisté sur la nécessité de clarifier les règles applicables en matière de financement des contrats territoriaux d’exploitation et le rapporteur, le président André Lajoinie, MM. Joseph Parrenin et Jean-Claude Chazal, qui ont fait valoir l’inégalité du système d’aides existant.

La commission a enfin rejeté deux amendements de M. Félix Leyzour, le premier faisant référence aux aides financières de l’Etat sous forme de bonification d’intérêts, le second prévoyant la participation du secteur bancaire au fonds de financement, après que le rapporteur eut émis des réserves sur leur recevabilité financière.

La commission a ensuite adopté l’article 3 ainsi modifié.

Article 4

(article L. 341-1 du code rural)

Articulation des aides publiques avec les contrats
territoriaux d’exploitation

L’article 4 du projet de loi a pour objet de modifier l’article L. 341-1 du code rural, qui traite des conditions de financement des exploitations agricoles. Le libellé du projet de loi simplifie la rédaction de l’article L. 341-1 et en adapte le contenu à la nouvelle vision, multifonctionnelle de l’agriculture, ainsi qu’à l’apparition d’un nouvel instrument de la politique agricole, le contrat territorial d’exploitation.

Le paragraphe I rappelle que l’aide financière de l’Etat aux exploitants prend la forme de subventions, de prêts ou bonifications d’intérêts, de remises d’impôts ou de taxes, partielles ou totales.

Comme dans la rédaction actuelle de l’article L. 341-1 du code rural, l’installation des jeunes en agriculture fait figure d’objectif prioritaire de l’aide financière de l’Etat. Mais, par cohérence avec les autres dispositions du titre premier relatives au contrat territorial d’exploitation (CTE), l’adaptation du système d’exploitation aux exigences économiques, sociales et environnementales, notamment dans le cadre des CTE est également considérée comme une priorité de l’aide financière de l’Etat. Il résulte de cette formulation, que le CTE n’est pas considéré comme l’unique outil de la politique agricole.

Il est prévu ensuite que l’aide octroyée par l’Etat peut être interrompue, lorsque les engagements souscrits dans le contrat territorial d’exploitation n’ont pas été tenus ; elle peut même faire l’objet d’un remboursement, si les circonstances sont le fait de l’exploitant. Cette même possibilité est ouverte, lorsque l’exploitation ne répond plus aux conditions de mise en valeur de l’espace agricole ou forestier mentionnées au schéma directeur départemental des structures agricoles ou encore au projet agricole départemental.

Le paragraphe II prévoit ensuite que le CTE est résilié, lorsqu’une “ part significative ” de l’exploitation est transmise à une autre personne, pendant la période d’exécution du contrat.

Lorsqu’en revanche, il est procédé à un changement d’exploitant pour tout ou partie d’une exploitation ayant donné lieu à la conclusion d’un CTE, le bénéfice des aides prévues par celui-ci est maintenu au bénéfice du contractant initial si celui-ci peut tenir les engagements souscrits.

Dans l’hypothèse où le respect de la totalité des engagements ne peut être assuré, le CTE fait l’objet d’un avenant ou encore il est résilié par l’autorité administrative.

Le paragraphe III enfin dispose que les litiges portant sur les CTE relèvent de la compétence des juridictions administratives.

Un décret en Conseil d’Etat fixe d’une manière générale les modalités d’application de l’article 4.

Cet article a ainsi pour intérêt essentiel de préciser le lien existant entre l’aide financière de l’Etat et la technique du contrat territorial d’exploitation. Il précise ensuite la nature juridique du CTE, lequel ne modifie pas les droits et obligations du titulaire à l’égard des tiers et notamment du bailleur et qui constitue un engagement personnel de l’exploitant non susceptible d’être cédé ou transmis.

L’article 4 a donné lieu à plusieurs amendements. La commission a ainsi rejeté un amendement de M. Christian Jacob ayant pour objet de supprimer cet article. Elle a ensuite examiné en discussion commune un amendement de M. Michel Vergnier prévoyant que les subventions versées par l’Etat étaient plafonnées par décret, un amendement de M. Félix Leyzour prévoyant que les aides de l’Etat sont modulées sur la base de critères économiques de l’exploitation, de facteurs environnementaux, d’aménagement du territoire et du nombre d’actifs, ainsi qu’un amendement présenté par M. Jean-Michel Marchand.

Ces amendements ont donné lieu à un débat. Le rapporteur a insisté sur la nécessité d’un rééquilibrage des aides, également souhaité par le président André Lajoinie, MM. Félix Leyzour et Jean-Michel Marchand. MM. François Sauvadet, Christian Jacob, Charles de Courson, Germain Gengenwin, ont pour leur part fait valoir la difficulté pratique d’une telle mesure dont ils ont par ailleurs vivement dénoncé le caractère, à leurs yeux, idéologique.

La commission a adopté l’amendement de M. Félix Leyzour après en avoir, sur proposition du rapporteur, modifié la rédaction (amendement n° 86), rendant ainsi sans objet l’amendement de M. Michel Vergnier et celui de M. Jean-Michel Marchand.

Elle a ensuite examiné deux amendements de M. Jean-Michel Marchand tendant à élargir les conditions d’admission aux aides à l’installation, le premier éliminant toute condition d’âge et le second fixant un seuil de 40 ans. Après un débat, dans lequel MM. Germain Gengenwin et Jean Auclair se sont déclarés favorables à cet amendement, M. Christian Jacob exprimant des réserves car il ne faudrait pas remettre ainsi en cause la politique d’installation, la commission a rejeté ces amendements.

La commission a ensuite adopté trois amendements rédactionnels du rapporteur (amendements n°s 83, 84 et 85), puis l’article 4 ainsi modifié.

Article additionnel après l’article 4

(article L. 341-2 du code rural)

Aide financière de l’Etat aux agriculteurs pluriactifs
s’installant en société

La commission a adopté un amendement de M. François Patriat et un amendement identique de M. Jean Proriol portant article additionnel après l’article 4, modifiant l’article L. 341-2 du code rural et prévoyant, afin d’encourager la pluriactivité, que les agriculteurs pluriactifs s’installant en société d’exploitation peuvent bénéficier de l’aide financière de l’Etat (amendement n° 87). L’actuel article L. 341-2 du code rural prévoit, en effet, que les aides sont attribuées aux seules sociétés dont l’activité est exclusivement agricole.

Article additionnel après l’article 4

(article L. 341-4 du code rural)

Dispense d’une condition d’agrandissement
de l’exploitation en cas d’installation des jeunes

La commission a adopté un amendement de M. François Patriat, rapporteur, et un amendement identique de M. Jean Proriol portant article additionnel après l’article 4, créant dans le code rural un article L. 341-4 prévoyant que les exploitations sociétaires n’ont pas l’obligation de réaliser un agrandissement, lorsque le nombre d’agriculteurs exploitants est inférieur ou égal au nombre d’unités de référence que compte l’exploitation après la réalisation de l’installation projetée (amendement n° 88).

Article 5

(Article L. 313-1 du code rural)

Reconnaissance d’un pouvoir d’avis aux commissions départementales d’orientation de l’agriculture

L’article 5 qui modifie l’article L. 313-1 du code rural, a pour objet de confier aux commissions départementales d’orientation de l’agriculture (CDOA), créées par l’article 10 de la loi n° 95-95 du 1er février 1995 codifié à l’article L. 313-1 du code rural le pouvoir de donner un avis sur les projets de contrats types susceptibles d’être proposés aux exploitants en application des dispositions de l’article L. 311-3, elles-mêmes prévues à l’article 2 du projet de loi.

Dans le projet de loi, les pouvoirs reconnus aux commissions départementales d’orientation de l’agriculture en matière de contrats territoriaux sont ainsi moins étendus que pour les mesures “ agri-environnementales ” régies par le règlement communautaire n° 2078 du 30 juin 1992, où les CDOA donnent leur avis sur la souscription de chaque contrat.

D’après les indications transmises à votre rapporteur par les services du ministère de l’agriculture et de la pêche, la composition des CDOA, qui est fixée à l’article R 313-1 du code rural (elles sont présidées par le préfet et comprennent des élus, des représentants de l’administration et des différentes organisations professionnelles) devrait être modifiée dans un délai d’un an par décret ; ces commissions pourraient comprendre dans l’avenir également des représentants des consommateurs et des associations de protection de l’environnement.

Sur cet article, la commission a examiné plusieurs amendements. Elle a tout d’abord rejeté un amendement de M. Christian Jacob visant à supprimer l’article 5. Elle a ensuite rejeté deux amendements visant à élargir la composition de la commission départementale d’orientation agricole (CDOA), le premier de M. Jean-Michel Marchand, le second de M. Félix Leyzour. La commission a rejeté un amendement de M. Félix Leyzour prévoyant que les CDOA donnent un avis sur les contrats territoriaux d’exploitation présentés par les exploitants agricoles prenant en compte des projets locaux. Un amendement de M. François Patriat ainsi qu’un amendement de M. Jean-Michel Marchand ayant le même objet ont été retirés.

Un amendement de M. Félix Leyzour tendant à faciliter la participation des salariés aux commissions départementales d’orientation agricole a été rejeté, après que le rapporteur eut indiqué que cette question était de nature réglementaire.

La commission a ensuite adopté l’article 5 sans modification.

TITRE II

EXPLOITATIONS ET PERSONNES

Le titre II du projet de loi regroupe les dispositions relatives à l’exploitation agricole (chapitre Ier), à l’orientation des structures des exploitations agricoles (chapitre II), au statut des conjoints travaillant dans les exploitations ou les entreprises agricoles (chapitre III) et à l’emploi salarié (chapitre IV).

La commission a rejeté un amendement de M. Jean Proriol visant à substituer dans l’intitulé du titre II la notion d’entreprise à celle d’exploitation.

Chapitre Ier

L’EXPLOITATION AGRICOLE

Le projet de loi d’orientation agricole propose, dans ce chapitre, de mieux définir les activités agricoles (article 6) et de rendre opérationnel le registre de l’agriculture (article 7). Il contient également des dispositions visant à adapter le régime des baux ruraux, donc du fermage, aux évolutions économiques, structurelles et environnementales du monde agricole (articles 8 à 11). Il prévoit enfin le dépôt d’un rapport sur la mise en oeuvre d’un mécanisme d’assurance-récolte (article 12).

La commission a rejeté un amendement de M. Jean Proriol visant à substituer dans l’intitulé de ce chapitre le terme d’entreprise à celui d’exploitation. Elle a en outre complété ce chapitre par plusieurs articles additionnels.

Article 6

(article L. 311-1 du code rural)

Définition des activités agricoles

L’orientation de l’agriculture vers la multifonctionnalité suppose que les activités agricoles incluent de nouvelles tâches de préservation de l’espace et du paysage, d’accueil touristique ou de protection de l’environnement. Cependant la définition actuelle de ces activités, dont la rédaction est issue de la loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988 relative à l’adaptation de l’exploitation agricole à son environnement économique et social, n’est pas très satisfaisante.

Inscrite à l’article L. 311-1 du code rural, cette définition prenait pourtant en compte la nécessité de la diversification et de la valorisation des produits de l’exploitation. En effet, les activités agricoles sont définies de manière très large. Outre les activités de production proprement dites, le premier alinéa de l’article L. 311-1 du code rural retient :

– les activités qui se situent dans le prolongement de l’acte de production, c’est-à-dire essentiellement les activités de transformation et de commercialisation ;

– les activités qui ont pour support l’exploitation, qu’il s’agisse du tourisme à la ferme, de la location de chevaux de selle ou d’activités d’accueil pédagogique par exemple.

Le second alinéa de l’article L. 311-1 du code rural précise que l’ensemble de ces activités ont un caractère civil.

Les activités de diversification se sont considérablement développées depuis 1988 ; elles sont encore appelées à s’accroître dans la perspective de la multifonctionnalité. Il était donc nécessaire d’adapter la définition à ces évolutions, d’autant plus que les tribunaux ont tendance à l’interpréter de façon restrictive, comme l’attestent plusieurs décisions récentes de la Cour de Cassation.

A titre d’exemples, l’on peut citer :

– un arrêt du 15 mai 1997 qui interdit à un preneur de vendre à la ferme des produits, en l’espèce du cidre et du calvados, au motif qu’une partie d’entre eux ne provenait pas de son exploitation ;

– un arrêt du 21 novembre 1996 qui juge que les gîtes ruraux ne relèvent pas du régime de protection sociale agricole, au motif que cette formule ne fournit qu’un service d’hébergement et que le client “ ne consomme, ni n’utilise ” les produits tirés de l’exploitation ;

– un arrêt du 26 janvier 1994 qui disqualifie le bail concernant l’entretien d’espaces verts en lui conférant un caractère commercial.

Les conséquences de cette jurisprudence restrictive sont nombreuses : obligation d’immatriculation au registre du commerce, impossibilité d’exercer ces activités dans le cadre de sociétés civiles agricoles, risque de résiliation des baux ruraux...

Les modifications proposées par l’article 6 du projet de loi sont donc bienvenues ; elles visent à mieux définir les activités agricoles allant au-delà de l’acte de production et d’assurer la sécurité juridique des exploitants relevant du statut du fermage, en précisant l’article L. 311-1 du code rural sur trois points essentiels.

·   Le quatrième alinéa (1°) de l’article 6 ajoute aux activités situées dans le prolongement de l’acte de production, les activités de valorisation, à condition qu’elles soient exercées sur le site de l’exploitation ; les activités de promotion et de commercialisation directe mais effectuées hors de l’exploitation en sont donc exclues.

·   Le cinquième alinéa (2°) ajoute à la définition des activités agricoles les travaux réalisés à l’aide du matériel de l’exploitation, à condition qu’ils demeurent accessoires. Il reconnaît ainsi sans ambiguïté le caractère civil des activités de prestations de services fournies par les exploitants à des tiers, qu’il s’agisse de personnes privées ou de collectivités locales ; pourraient entrer dans cette catégorie, les activités d’entretien de l’espace rural ou de préservation de l’environnement, comme les opérations de débroussaillement, de déneigement ou d’entretien des talus et des haies.

·   Le sixième alinéa (3°) considère comme agricoles les activités d’hébergement et de restauration, sous réserve qu’elles soient :

– réalisées sur le site de l’exploitation,

– accessoires par rapport à l’activité de production,

– exercées à des fins de tourisme ou de loisirs.

S’agissant de l’hébergement, la précision était indispensable en raison de la jurisprudence précitée ; s’y ajoute un nouveau critère : le caractère accessoire de l’activité. Rappelons qu’elle peut prendre la forme de location de logements, gîtes ruraux, chambres d’hôtes, caravanes fixes, ou de location de terrains de campement nus ou aménagés. Pour les fermes auberges et tables d’hôtes, le projet de loi pose deux conditions nouvelles par rapport au code en vigueur : il précise que la restauration doit être assurée principalement avec les produits provenant de l’exploitation et que cette activité doit rester accessoire.

L’article 6 ne définit pas de seuil pour déterminer le caractère accessoire des activités considérées comme agricoles, qu’il s’agisse des travaux réalisés hors du site de l’exploitation (2°) ou des activités d’hébergement et de restauration (3°). Celui-ci serait donc soumis à l’appréciation souveraine du juge qui prendra sa décision au cas par cas selon les circonstances. Une telle définition existe cependant en droit fiscal ; selon l’article 75 du code général des impôts, le revenu “ tiré d’activités accessoires relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et de celle des bénéfices non commerciaux réalisé par un exploitant agricole soumis à un régime réel ou au régime transitoire d’imposition peut être pris en compte pour la détermination du bénéfice agricole lorsqu’il n’excède ni 30 % du chiffre d’affaires tiré de l’activité agricole, ni 200 000 francs au titre d’un exercice ”.

Dans la mesure où la définition des activités agricoles n’aura pas d’incidences sur le statut fiscal et social des exploitants, les seuils fixés par le code général des impôts restent applicables. En effet, le troisième alinéa de l’article 6 précise bien que les activités de diversification sont “ considérées comme agricoles pour l’application des livres troisième et quatrième du présent code ”, c’est-à-dire ceux qui définissent respectivement les règles relatives à l’exploitation (politique d’installation, contrôle des structures, financement des exploitations, procédures applicables pour les exploitations agricoles en difficulté...) et le régime des baux ruraux. Sa portée est donc volontairement limitée dans le texte du projet de loi.

Enfin, le dernier alinéa de l’article 6 reprend une disposition récemment adoptée pour intégrer les activités de cultures marines dans le champ des activités agricoles. Il s’agit de l’article 40 de la loi n° 97-1051 du 18 novembre 1997 d’orientation sur la pêche maritime et les cultures marines. Cette précision était nécessaire pour assurer l’égalité de traitement des exploitants, qu’ils relèvent de la mutualité sociale agricole ou du régime de protection sociale des marins, c’est-à-dire de l’ENIM (établissement national des invalides de la marine) auquel sont affiliés les trois quarts des exploitants d’entreprises conchylicoles. L’assimilation des cultures marines aux activités agricoles ouvre aux aquaculteurs marins le droit de bénéficier notamment des aides à l’installation ou des procédures applicables aux exploitations en difficulté.

Après avoir rejeté un amendement de suppression de l’article 6 présenté par M. Christian Jacob, la commission a examiné un amendement, présenté par le rapporteur, proposant une nouvelle rédaction des troisième, quatrième, cinquième et sixième alinéas de cet article dans le double souci d’améliorer la lisibilité du dispositif et de clarifier la définition des activités agricoles non directement liées à l’acte de production. Pour encourager la diversification, cet amendement élargit la définition proposée sur deux points :

– il limite le caractère accessoire aux travaux que l’exploitant réalise avec le matériel nécessaire à son exploitation et aux activités d’hébergement, supprimant donc ce critère pour les activités de restauration ;

– il permet à l’exploitant de réaliser des activités de valorisation hors du site de l’exploitation, par exemple en commercialisant sa production en bord de route ou dans un point de vente situé sur l’exploitation d’un agriculteur voisin.

Après avoir souhaité que certains amendements portant sur les alinéas faisant l’objet de cette nouvelle rédaction puissent être examinés comme sous-amendements, M. Charles de Courson a estimé qu’il convenait de préciser la définition du caractère accessoire des travaux réalisés avec le matériel nécessaire à l’exploitation et des activités d’hébergement. Abordant le problème lié à l’obligation d’utiliser principalement les produits de l’exploitation agricole dans les activités de restauration des fermes auberges, il s’est, avec M. Christian Jacob, montré favorable à une suppression de toute mention des activités de restauration dans cet article, estimant qu’il convenait de maintenir en vigueur le dispositif actuel. M. Serge Poignant s’est déclaré opposé à la mention des travaux effectués par les agriculteurs avec le matériel nécessaire à leur exploitation. Selon lui, le maintien d’une telle disposition peut générer des distorsions de concurrence avec des entreprises de travaux agricoles et ruraux.

A l’issue de ce débat, la commission a adopté deux sous-amendements de M. François Sauvadet précisant que le caractère accessoire des travaux et activités d’hébergement s’entend au sens de l’article 75 du code général des impôts ainsi qu’un sous-amendement de M. Jean-Claude Chazal rappelant que les activités de restauration et d’hébergement doivent respecter les règles en vigueur en matière d’hygiène et de sécurité. Puis, elle a adopté l’amendement du rapporteur ainsi sous-amendé, après que celui-ci eut proposé de le rectifier en conséquence. (amendement n° 89).

En conséquence, deux sous-amendements de M. Christian Jacob visant à supprimer la mention de certains travaux ainsi que des activités d’hébergement et de restauration de la définition des activités agricoles ont été rejetés ; les amendements n°41 de M. Serge Poignant et n° 6 de M. Robert Lamy sont devenus sans objet, ainsi que deux amendements de M. Jean-Michel Marchand.

La commission a adopté l’article 6 ainsi modifié.

Article 7

(article L. 311-2 du code rural)

Registre de l’agriculture

Le législateur avait prévu dès 1988 l’immatriculation au registre de l’agriculture des personnes physiques ou morales exerçant à titre habituel une activité agricole, par analogie avec le répertoire des métiers du secteur artisanal. Près de dix ans après le vote de la loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988, force est de constater que cette disposition est restée lettre morte. Les raisons en sont autant l’absence de motivation de l’administration que les incertitudes relatives aux organismes chargés de tenir ce registre.

S’il n’est pas novateur, l’article 7 propose une rédaction de l’article L. 311-2 du code rural qui permet de mettre fin à cette situation en précisant que la tenue du registre de l’agriculture est confiée aux chambres d’agriculture. Celles-ci seront donc chargées de l’établir et de le mettre à jour, tout comme les chambre de métiers le font pour les artisans.

Le système repose, comme en 1988, sur la déclaration de l’intéressé, ce qui exclut l’inscription d’office. Il est, en outre, précisé que la déclaration doit mentionner la forme juridique de l’exploitation ainsi que sa consistance. Le registre permettra donc d’avoir une vision globale et un suivi de l’état des structures agricoles dans chaque département. Sa fonction peut s’analyser comme celle d’un observatoire, puisque l’inscription sur le registre n’aurait pas d’effets juridiques directs et que le défaut d’immatriculation n’est pas sanctionné. Il s’agit d’un instrument utile de connaissance de l’activité agricole, dont le champ est plus large que les fichiers des caisses de la mutualité sociale agricole (MSA) qui couvrent tous les agriculteurs mais ne contiennent pas de description de l’emprise foncière ou que le système intégré de gestion et de contrôle mis en place pour l’application de la réglementation communautaire (SIGC) qui ne couvre que certaines productions.

La nouvelle rédaction proposée pour l’article L. 311-2 du code rural reprend, en outre, une disposition déjà prévue par la loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988, afin de préciser que les sociétés, civiles ou commerciales, qui s’inscrivent au registre de l’agriculture, ne sont pas dispensées pour autant de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés.

Enfin, les activités de cultures marines, bien qu’elles soient réputées agricoles depuis la loi n° 97-1051 du 18 novembre 1997 d’orientation sur la pêche et incluses en tant que telles dans l’article L. 311-1 du code rural, ne relèveront pas du registre de l’agriculture. Il est, en effet, inutile de les soumettre à cette formalité supplémentaire : ces activités s’exerçant pour la grande majorité d’entre elles sur le domaine public maritime ou nécessitant une prise d’eau, les exploitants travaillent sous le régime de la concession ; ils sont donc déjà inscrits au cadastre conchylicole tenu par les directions départementales des affaires maritimes et au registre des concessions attribuées, géré par le centre administratif des affaires maritimes.

Les conditions de mise en oeuvre du registre de l’agriculture seront déterminées par un décret en Conseil d’Etat. Celui-ci devrait notamment préciser les règles relatives à la première immatriculation ainsi que les changements de situation qui nécessiteront une déclaration complémentaire, en cas de modification de la forme juridique ou de la consistance de l’exploitation.

Après un large débat auquel ont participé MM. Christian Jacob, Germain Gengenwin et le rapporteur, la commission a successivement rejeté :

– un amendement de M. Christian Jacob proposant que l’immatriculation au registre de l’agricultre donne droit à la délivrance d’une carte professionnelle,

– un amendement de M. Félix Leyour visant à préciser que cette immatriculation était réservée aux exploitants ;

– un amendement de M. Yves Coussain indiquant que l’immatriculation ouvrait tous les droits et obligations attachés aux activités agricoles.

Elle a en revanche adopté un amendement de M. Jean-Michel Marchand précisant que le registre était accessible au public (amendement n° 90), M. Félix Leyzour ayant retiré un amendement dont l’objet était voisin.

Elle a ensuite rejeté les amendements n° 7 de M. Robert Lamy et n° 42 de M. Serge Poignant et les amendements de M. Christian Jacob, M. Jean Proriol et M. Jean-Michel Marchand visant à préciser que l’inscription au registre de l’agriculture ne dispensait pas de l’immatriculation au répertoire des métiers. Elle a également rejeté un amendement de M. Jacques Le Nay proposant de délivrer une carte professionnelle aux horticulteurs et pépiniéristes immatriculés au registre de l’agriculture.

Puis, la commission a adopté l’article 7 ainsi modifié.

Article additionnel après l’article 7

(article L. 311-5 du code rural)

Définition de l’exploitant agricole

Si le projet de loi d’orientation prévoit, dans son article 6, on l’a vu, de modifier la définition des activités agricoles figurant à l’article L. 311-1 du code rural, il ne contient pas de définition de l’exploitant. Le rapporteur propose de combler cette lacune en introduisant une telle définition à l’article L. 311-5 du code rural. Celle-ci résulte de la combinaison de plusieurs critères.

Pour être considéré comme exploitant, il faut bien entendu exercer, à titre professionnel, une activité agricole au sens de l’article L. 311-1 du code rural mais aussi assurer la direction de l’exploitation, participer de façon effective aux travaux et en assumer le risque économique.

La commission a examiné la définition proposée par le rapporteur ainsi que trois amendements ayant le même objet présentés par M. Félix Leyzour, M. Jean Proriol et M. Jean-Michel Marchand, soumis à discussion commune. L’amendement du rapporteur portant article additionnel après l’article 7 ayant été adopté (amendement n° 91), les trois autres amendements ont été retirés.

Article 8

(article L. 411-1 du code rural)

Champ d’application du statut du fermage

L’article L. 411-1 du code rural prévoit, dans son premier alinéa, que toute mise à disposition à titre onéreux d’un immeuble à usage agricole en vue de l’exploiter relève du statut des baux ruraux. La définition du bail comprend donc quatre éléments constitutifs :

– la mise à disposition par le bailleur,

– le caractère onéreux du contrat de louage,

– l’usage agricole de l’immeuble loué,

– l’obligation pour le preneur d’exploiter le fonds.

C’est sur le quatrième élément de cette définition que l’article 8 du projet de loi propose d’apporter une modification. En effet, des difficultés risquent de naître sur l’interprétation de l’obligation d’exploiter le fonds loué, compte tenu de la vocation multifonctionnelle de l’agriculture. L’usage normal d’un fonds de terre donné à bail est sa mise en culture ; cependant, le preneur peut réorienter sa production vers l’agriculture biologique ou diversifier ses activités en aménageant un camping à la ferme ou en accueillant des enfants d’âge scolaire par exemple.

Il est donc souhaitable que l’article L. 411-1 du code rural prévoie expressément que toutes les activités agricoles telles qu’elles sont définies à l’article L. 311-1 – et non seulement les activités de production – puissent être exercées dans le cadre du statut du fermage. Tel est l’objet du présent article qui tire les conséquences de la reconnaissance de la multifonctionnalité des agriculteurs dans la définition des baux ruraux.

Après avoir rejeté un amendement de suppression présenté par M. Christian Jacob, la commission a adopté l’article 8 sans modification.

Article 9

(article L. 411-27 du code rural)

Protection du preneur appliquant des méthodes
culturales favorables à l’environnement

Cet article vise à compléter l’article L. 411-27 du code rural qui concerne les droits et obligations du preneur d’un bien rural en matière d’exploitation.

Conformément à l’article 1766 du code civil, le preneur d’un bien donné en fermage ou en métayage doit le cultiver “ en bon père de famille ”. Si le preneur abandonne la culture ou emploie le fonds loué à un autre usage que celui auquel il était destiné et qu’il en résulte un dommage pour le bailleur, celui-ci “ peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail et obtenir des dommages-intérêts ”.

Cependant, en vertu de l’article L. 411-31 du code rural, la résiliation ne peut être prononcée que dans la mesure où la réorientation de la production ou le changement d’activités est de nature à compromettre la “ bonne exploitation du fonds ”.

Afin de lever toute ambiguïté sur l’interprétation de ces dispositions dans le cas où le preneur applique des méthodes culturales favorables à la protection de l’environnement, l’article 9 du projet de loi précise que la mise en oeuvre de telles pratiques agricoles ne peut en aucun cas être invoquée par le propriétaire pour demander la résiliation du bail. Il vise ainsi à assurer la protection juridique du preneur lorsqu’il utilise des pratiques agricoles qui ne tendent pas à rechercher la production ou la productivité maximales, mais le conduisent à exploiter le fonds en préservant les ressources naturelles, qu’il s’agisse des sols ou de l’eau.

La prise en compte de l’environnement dans les activités agricoles est, en effet, essentielle pour améliorer la qualité des produits, restaurer la qualité des ressources naturelles et sauvegarder la biodiversité.

Il existe déjà de nombreuses mesures agri-environnementales, telles que :

– le maintien des élevages extensifs par la “ prime à l’herbe ”,

– la reconversion des terres arables en herbages extensifs,

– la reconversion à l’agriculture biologique,

– la diminution des engrais et produits phytosanitaires afin de lutter contre le lessivage des sols et de protéger les nappes phréatiques et les cours d’eau,

– la protection des races équines et asines menacées de disparition et, plus généralement, la préservation de la faune et de la flore sauvages.

Ces pratiques devraient se développer, la fonction environnementale de l’agriculture étant reconnue par le projet de loi d’orientation et intégrée dans le contrat territorial d’exploitation. Aussi l’article 9 prévoit-il expressément ses effets tant vis-à-vis du preneur, qui est présumé respecter ses obligations en matière d’exploitation, que vis-à-vis du bailleur qui ne pourra se fonder par exemple sur une rotation des cultures, une jachère écologique ou la transformation de terres cultivées en prairies permanentes pour demander la résiliation du bail. Il s’agit donc d’une mesure de précaution visant à assurer la sécurité juridique des relations entre les deux parties.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 10

(article L. 411-33 du code rural)

Articulation entre la résiliation du bail et le contrôle des structures

Cet article vise à compléter l’article L. 411-33 du code rural qui énumère les cas de résiliation du bail à la demande du preneur. La modification proposée trouve sa source dans les nouvelles dispositions relatives au contrôle des structures des exploitations agricoles inscrites à l’article 16 du projet de loi (articles L. 331-1 et suivants du code rural).

Comme on le verra plus loin, la nouvelle rédaction proposée pour le quatrième alinéa de l’article L. 331-2 du code rural, prévoit que “ toute diminution du nombre total des associés exploitants au sein d’une exploitation est assimilée à un agrandissement au bénéfice des autres associés et entraîne pour ceux-ci l’obligation de solliciter une autorisation préalable pour continuer l’exploitation dès lors que l’exploitation en cause a une superficie supérieure au seuil... ” fixé par le schéma directeur départemental des structures.

Les exploitants qui restent dans la structure sociétaire ont le choix entre deux possibilités : soit ils trouvent un nouvel associé pour remplacer le partant, soit ils ramènent la taille de l’exploitation à une superficie conforme aux normes du schéma départemental. Afin de permettre la mise en oeuvre de la seconde option, donc la réduction de la surface d’exploitation, pour les associés soumis au statut du fermage, l’article 10 prévoit que le preneur peut demander la résiliation du bail s’il n’a pas obtenu l’autorisation de poursuivre l’exploitation.

Cette disposition lève un obstacle juridique à l’application du contrôle des structures et devrait, par conséquent, en améliorer l’efficacité.

Après avoir adopté un amendement de forme proposé par le rapporteur (amendement n° 92), la commission a adopté l’article 10 ainsi modifié.

Article additionnel après l’article 10

(article L. 411-37 du code rural)

Mise à disposition de biens loués au profit d’une société

L’article L. 411-37 du code rural précise les conditions dans lesquelles un preneur associé d’une société à objet principalement agricole peut mettre à la disposition de celle-ci, pour la durée du bail restant à courir, tout ou partie des biens dont il est locataire.

La formule de mise à disposition est de plus en plus utilisée, du fait du développement des structures sociétaires en agriculture. Cependant la rédaction actuelle de l’article L. 411-37 du code rural prévoit des règles de forme très strictes pour en informer le bailleur, leur non-respect pouvant entraîner la nullité ou la résiliation du bail.

Ce formalisme apparaît excessif, notamment dans l’hypothèse où le preneur a contracté avec plusieurs bailleurs. En outre, le non respect d’une condition de procédure peut emporter la nullité ou la résiliation du bail alors même que le comportement du preneur est, sur le fond, exempt de critiques ; la sanction paraît donc disproportionnée.

Un allégement des procédures est souhaitable. Tel est l’objet d’un amendement proposé par M. François Patriat et les membres du groupe socialiste. Tout en maintenant une information suffisante du bailleur, l’article L. 411-37 du code rural serait modifié sur plusieurs points. Ainsi le bailleur ne serait plus avisé au préalable de la mise à disposition du bien loué à la société mais au plus tard dans les deux mois qui suivent cette mise à disposition. Le contenu de cette notification est également moins contraignant, qu’il s’agisse de la mise à disposition initiale ou des changements de situation ultérieurs. Enfin, les sanctions en cas de non communication des informations sont moins sévères : la nullité du bail n’est plus encourue et les conditions de résiliation sont mieux encadrées.

Après que M. Christian Jacob se fut interrogé sur sa portée, la commission a adopté cet amendement portant article additionnel après l’article 10 (amendement n° 93 rect.).

Article additionnel après l’article 10

(article L. 411-57 du code rural)

Reprise d’une parcelle par le bailleur pour la construction
d’une maison d’habitation

La commission a examiné deux amendements analogues, présentés par M. François Patriat et les membres du groupe socialiste et par M. Jean Proriol, proposant une nouvelle rédaction de l’article L. 411-57 du code rural en vue de permettre au bailleur de reprendre une parcelle pour y construire une maison d’habitation.

Cette faculté est actuellement offerte au bailleur mais seulement au moment du renouvellement du bail. L’objet des amendements est d’en préciser les conditions tant pour le bailleur (information du fermier au moins dix-huit mois avant la date d’effet de la reprise, nécessité d’avoir obtenu un permis de construire, respect des règles de distance par rapport aux bâtiments d’exploitation) que pour le preneur (minoration du fermage, application des règles de droit commun relatives à l’indemnité due au preneur sortant).

Après que le rapporteur eut proposé une modification rédactionnelle, la commission a adopté ces amendements portant article additionnel après l’article 10 (amendement n° 94).

Article 11

Travaux de mise aux normes
des exploitations en fermage

L’objet de cet article est de faciliter la réalisation de travaux sur les exploitations agricoles placées sous le régime des baux ruraux. Il s’agit de travaux de mise aux normes imposés par différentes réglementations d’origine européenne et nationale qui concernent principalement les activités d’élevage, en application de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l’environnement, du règlement sanitaire départemental et des directives communautaires concernant le bien-être des animaux.

Ces textes ont en commun d’édicter des prescriptions et des normes sanitaires obligatoires pour les élevages et les ateliers de transformation. L’exploitant est tenu de s’y conformer, mais le statut actuel du fermage ne permet pas au preneur de réaliser directement les travaux exigés par l’autorité administrative ; il lui faut pour cela obtenir l’accord du bailleur qui en supporte la charge. Cette situation pose de nombreux problèmes pratiques, ralentissant les travaux de mise aux normes. C’est pourquoi l’article 11 du projet de loi propose deux modifications importantes du statut des baux ruraux au profit du preneur.

·   Les paragraphes I et II de l’article 11 prévoient que les travaux réalisés par le preneur sont pris en compte dans le montant de l’indemnité versée à la fin du bail.

Ces travaux seront désormais considérés comme des améliorations apportées au fonds, au même titre que les réparations effectuées par le preneur en vertu des dispositions de l’article L. 411-69 du code rural et de l’article L. 461-16 concernant les départements d’outre-mer. La rédaction retenue est extrêmement large afin de prendre en compte, non seulement l’ensemble des prescriptions actuelles, mais aussi d’anticiper les évolutions réglementaires futures.

Les règles de calcul de l’indemnité définies à l’article L. 411-71 du code rural s’appliqueront, sauf accord écrit et préalable des parties. Ainsi, si le bailleur et le preneur ne parviennent pas à s’entendre sur un autre mode de calcul, l’indemnité sera égale au coût des travaux, évalué à la date d’expiration du bail, réduit de 6 % par année écoulée depuis leur exécution.

·   Le paragraphe II permet au preneur de réaliser les travaux de mise aux normes en l’absence d’accord du bailleur, dans la mesure où ceux-ci sont, rappelons-le, rendus obligatoires.

A cet effet, il crée une procédure en trois étapes :

– dans un premier temps, le preneur informe le bailleur de son intention de réaliser les travaux ;

– le bailleur peut alors décider de prendre ces travaux à sa charge, ce qui correspond au droit commun, dans un délai fixé par les deux parties ;

– le preneur est fondé à exécuter les travaux dans trois cas :

. si le bailleur refuse de les prendre à sa charge,

. s’il ne répond pas à la proposition du preneur dans un délai de   deux mois à compter de la notification de cette proposition,

. si le bailleur ne respecte pas son engagement initial d’exécuter   les travaux dans le délai convenu.

Complétant les dispositions de l’article L. 411-73 du code rural et de l’article L. 461-16 concernant les départements d’outre-mer, ce mécanisme crée les conditions juridiques indispensables à la réalisation des travaux de mise aux normes, en particulier ceux qui doivent être réalisés dans le cadre du programme de maîtrise des pollutions d’origine agricole (PMPOA). Il permet ainsi de mettre fin à certaines situations de blocage, nées du fait que le bailleur néglige souvent de faire connaître sa volonté. Désormais, cette difficulté pourra être contournée.

Après avoir rejeté un amendement de M. Roger Lestas visant à préciser le mode de calcul de l’indemnité au preneur sortant en cas de travaux de mise aux normes réalisés durant le bail, la commission a adopté l’article 11 sans modification.

Après l’article 11

La commission a examiné un amendement de M. François Sauvadet visant à faciliter la transmission des exploitations agricoles par un allègement de l’imposition des plus-values professionnelles. M. Charles de Courson a estimé qu’une révision de la fiscalité des exploitations individuelles était indispensable, soulignant que les dispositions en vigueur avantagent les exploitations placées sous le régime du droit des sociétés au détriment des entreprises individuelles et donc pour l’essentiel celles de petites dimensions. L’amendement dont il est cosignataire propose que la taxation des plus-values bénéficie d’un abattement de 75 % dans la limite de trois millions de francs en cas de transmission dans le cadre familial et de 25 % si elle se fait au profit d’un jeune agriculteur, à condition que l’exploitation ne fasse pas l’objet d’une cession pendant une durée de dix ans.

Le rapporteur a indiqué que le Gouvernement ne jugeait pas opportun d’inclure des dispositions à caractère fiscal dans le projet de loi d’orientation. M. Joseph Parrenin a souligné à son tour que la fiscalité était un instrument de la politique agricole alors que le projet de loi en définissait les grandes orientations. Il a également fait observer que l’amendement était plus intéressant pour les cédants que pour les jeunes agriculteurs et n’était donc pas de nature à favoriser l’installation. MM. François Sauvadet et Germain Gengenwin ont insisté sur la nécessité de compléter le projet de loi par un volet fiscal. Après les interventions de MM. André Lajoinie, président, René Leroux, Félix Leyzour, François Patriat et Jean-Michel Marchand, et compte tenu du fait que plusieurs amendements de même nature ont été déposés à d’autres endroits du texte, la commission a décidé d’examiner l’ensemble de ces amendements après l’article 64.

Article 12

Rapport sur l’assurance-récolte

Cet article précise que le Gouvernement déposera devant le Parlement “ un rapport sur les conditions de mise en œuvre d’un mécanisme d’assurance-récolte et son articulation avec le régime des calamités agricoles ”, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi d’orientation agricole.

Bien qu’elles ne revêtent qu’un caractère déclaratoire, ces dispositions répondent à une attente forte du monde agricole. Elles dénotent la volonté du Gouvernement de s’engager dans la voie d’une réflexion globale sur la révision du régime actuel de protection des agriculteurs contre les risques naturels.

L’agriculture étant l’activité économique la plus dépendante des conditions climatiques il est, en effet, nécessaire qu’elle dispose de moyens de protection adaptés à cette réalité. Or, ceux-ci ne paraissent plus s’accorder aux besoins d’une agriculture qui ne cesse d’évoluer. Si la question n’est pas nouvelle, elle a gagné en acuité avec la réforme de la politique agricole commune de 1992 qui a creusé le fossé entre les productions bénéficiant, dans le cadre des organisations communes de marché, d’importantes aides directes et celles pour lesquelles le chiffre d’affaires est étroitement lié au volume et à la qualité des produits commercialisés, fortement dépendants des aléas climatiques.

Le dispositif actuel de protection repose sur trois piliers :

– les contrats d’assurance qui offrent une garantie contre les dommages causés par la grêle aux récoltes sur pied ; l’assurance “ grêle ” est souscrite par environ deux tiers des agriculteurs :

– l’assurance “ catastrophes naturelles ” qui couvre les matériels et bâtiments agricoles, les récoltes engrangées et le bétail se trouvant à l’intérieur des bâtiments ; en sont exclus les biens non assurables, comme les sols, les plantations, les installations piscicoles et aquacoles, les récoltes sur pied ou non engrangées et les cultures pérennes ;

– le système d’indemnisation des calamités agricoles, mis en place par la loi n° 64-706 du 10 juillet 1964, qui s’applique aux récoltes, aux animaux et aux pertes de fonds.

Ce régime fait l’objet de nombreuses critiques : inadaptation de son mode de financement, procédures longues et complexes, taux d’indemnisation trop faibles... Dès sa création, ce système devait, en outre, faciliter le passage, pour les risques pesant sur les récoltes, de la catégorie des risques non assurables à celle des risques assurables. Le Fonds national de garantie des calamités agricoles se voyait, en effet, assigner trois missions : l’indemnisation des dommages, la mise au point de méthodes de prévention et le développement de l’assurance. Contrairement à la volonté du législateur, l’objectif de développer l’assurabilité des risques sur les récoltes, au-delà du risque “ grêle ”, n’a pas connu de traduction concrète.

Le rapport dont la rédaction est prévue à l’article 12 du projet de loi constitue la première étape de relance de ce processus. Un groupe de travail sera mis en place très prochainement pour évaluer les différentes options possibles et répondre aux principales questions que pose la mise en œuvre d’un tel mécanisme : quelles seront les cultures concernées ? Quels seront les risques pris en compte ? L’assurance sera-t-elle obligatoire ou facultative ? Comment ce mécanisme s’articulera-t-il avec le régime des calamités agricoles ?

La commission a adopté un amendement du rapporteur réduisant à six mois le délai de dépôt du rapport à compter de la publication de la loi d’orientation agricole (amendement n° 95), puis l’article 12 ainsi modifié.

Article additionnel après l’article 12

Insaisissabilité du logement d’un agriculteur

La commission a examiné un amendement présenté par M. Joseph Parrenin et les membres du groupe socialiste et deux amendements de M. Félix Leyzour, soumis à discussion commune, visant à prévoir l’insaisissabilité du logement d’un agriculteur.

M. François Patriat, rapporteur, a indiqué que ces amendements avaient pour objet de donner une protection minimum aux agriculteurs en difficulté en empêchant la saisie de leur logement. Il a émis un avis favorable à l’amendement de M. Félix Leyzour qui fixe un seuil en deçà duquel le lieu d’habitation principal de l’exploitation ne peut être saisi. M. Christian Jacob a souligné que ces amendements constituaient une atteinte au droit de propriété et établissaient une distinction injustifiée entre les agriculteurs et les autres catégories socio-professionnelles. M. Charles de Courson a observé que ces amendements posaient un problème de constitutionnalité en tant qu’ils établissaient une rupture de l’égalité entre citoyens, qu’ils risquaient de généraliser certaines pratiques condamnables et qu’ils étaient donc irresponsables. M. Roger Lestas a considéré que ces amendements posaient un problème lorsque les logements sont intégrés dans les bâtiments d’exploitation et qu’ils risquaient d’entraîner le démantèlement de l’exploitation.

A l’issue de ce débat auquel ont également pris part MM. Joseph Parrenin et Félix Leyzour, la commission a adopté l’amendement de M. Félix Leyzour portant article additionnel après l’article 12, interdisant, en cas de faillite, la saisie du lieu d’habitation principal, en deçà d’un seuil fixé par décret (amendement n° 96). Les deux autres amendements ont été retirés.

Article additionnel après l’article 12

Insaisissabilité partielle des revenus provenant de l’activité agricole

La commission a examiné un amendement présenté par M. Joseph Parrenin et les membres du groupe socialiste visant à instituer une quotité insaisissable sur les revenus provenant des produits de l’activité d’un exploitant agricole, comparable à celle qui existe dans le code du travail pour les salariés. M. Charles de Courson a souligné que ce système serait inapplicable car il est très difficile de connaître à l’avance le revenu mensuel d’un agriculteur. M. Joseph Parrenin a précisé qu’il s’agissait d’un amendement de principe, dont les modalités seront fixées par décret.

La commission a adopté cet amendement portant article additionnel après l’article 12 (amendement n° 97).

Elle a ensuite réservé l’examen de quatre amendements de nature fiscale de M. Jean Proriol, ainsi qu’un amendement de M. Serge Poignant souhaitant que le Gouvernement s’engage à adapter certaines dispositions du code de l’urbanisme.

Chapitre II

L’ORIENTATION DES STRUCTURES
DES EXPLOITATIONS AGRICOLES

Ce chapitre créé une nouvelle unité de référence pour le contrôle des structures qui se substitue à l’actuelle surface minimale d’installation (article 13). Il comprend également des dispositions visant à améliorer la connaissance des exploitations qui vont se libérer ; à partir de ces informations, il sera possible de favoriser les installations ou de développer des structures aux dimensions insuffisantes (articles 14 et 15).

En outre, il propose une réforme du contrôle des structures devenu, au fil du temps, inefficace. Bien que modifiées à plusieurs reprises, les dispositions en vigueur ont été contournées par le développement de pratiques sociétaires permettant d’échapper au contrôle, ou non respectées, les exploitants sachant qu’ils n’encouraient quasiment aucune sanction. Une révision est d’autant plus urgente que la réforme de la politique agricole commune s’est traduite dans certaines régions par des stratégies privilégiant à l’excès l’agrandissement au détriment de l’installation. L’article 16 propose une refonte globale du dispositif en vigueur axée sur :

– la priorité accordée à l’installation,

– l’égalité de traitement entre les exploitations individuelles et les formules sociétaires,

– l’unification du contrôle, sous forme d’un seul régime d’autorisation préalable,

– le remplacement des sanctions pénales rarement mises en œuvre par des sanctions administratives dissuasives.

Section 1

Les éléments de référence et la politique d’installation

Article 13

Création de l’unité de référence

Cet article propose une réorganisation des articles L. 312-5 et L. 312-6 du code rural en vue d’y insérer une nouvelle unité de mesure (paragraphe IV), sans pour autant supprimer l’actuelle surface minimum d’installation qui, si elle ne sert plus comme seuil de déclenchement du contrôle des structures, conserve son utilité en matière de protection sociale.

·  Le paragraphe I abroge l’article L. 312-6 resté en vigueur mais devenu obsolète ; il correspond donc à une simple opération de toilettage du code.

·  Le paragraphe II tire la conséquence de la création de l’unité de référence en sortant de l’article L. 312-5 actuel du code rural relatif à la surface minimum d’installation (SMI) les renvois aux articles concernant le contrôle des structures, c’est-à-dire les opérations soumises à autorisation préalable (articles L. 331-2 et L. 331-3) ou à déclaration préalable (article L. 331-4) et la prise en compte des ateliers de production hors sol (article L. 331-5). En effet, pour l’ensemble des opérations, il est désormais tenu compte de la nouvelle unité de référence, et la procédure de déclaration préalable disparaît.

·  Le paragraphe III procède à la renumérotation de l’article relatif à la surface minimum d’installation, l’article L. 312-5 du code rural étant dorénavant celui qui définit l’unité de référence.

·  Le paragraphe IV est à l’origine de toutes les modifications précitées. Il vise à insérer dans le code rural le nouveau critère servant de base au contrôle des structures des exploitations agricoles. Alors que la SMI ne prenait en compte que la superficie de l’exploitation, l’unité de référence permet une approche plus économique :

– elle correspond à la surface “ qui permet d’assurer la viabilité de l’exploitation ” selon la nature des cultures pratiquées et les activités de l’exploitation ;

– elle est calculée par référence à la moyenne des installations encouragées au cours des cinq dernières années dans le département, sous forme de dotations ou de prêts bonifiés.

Comme la SMI, l’unité de référence est fixée par l’autorité administrative dans le schéma directeur départemental des structures ; elle peut être fixée pour l’ensemble du département ou pour chaque région naturelle de celui-ci.

La rédaction proposée pour le nouvel article L. 312-5 mérite cependant d’être clarifiée. En effet, le deuxième alinéa prévoit que l’unité de référence est calculée en fonction de la moyenne départementale des installations. Cette moyenne est évidemment pertinente lorsque l’unité de référence est fixée pour l’ensemble du département mais ne l’est plus si celle-ci est fixée par région naturelle comme le permet le troisième alinéa ; dans ce cas, il faudrait se référer à la moyenne des installations sur le territoire concerné. C’est pourquoi le rapporteur propose une nouvelle rédaction de ces deux alinéas qui précise en outre, que la commission départementale d’orientation de l’agriculture (CDOA) est consultée avant la détermination de l’unité de référence par le préfet.

·  Le paragraphe V réaménage le chapitre II du titre premier du livre III du code rural comprenant les dispositions générales relatives à l’exploitation agricole, afin d’y créer une nouvelle section dédiée à la surface minimum d’installation désormais définie à l’article L. 312-6.

·  Le paragraphe VI introduit l’unité de référence créée par l’article L. 312-5 du code rural à l’article L. 314-2 du même code qui précise les dispositions applicables dans les départements d’outre-mer.

La commission a examiné huit amendements au paragraphe IV de cet article. Elle a tout d’abord adopté un amendement de M. Félix Leyzour précisant que les activités servant au calcul de l’unité de référence devaient être des activités agricoles (amendement n° 98). Puis elle a examiné un amendement de M. Roger Lestas visant à limiter la surface de l’unité de référence par nombre d’actifs sur l’exploitation. Après que le rapporteur eut expliqué que cet élément était pris en compte dans les critères d’examen des autorisations préalables, à l’article 16, cet amendement a été retiré.

La commission a ensuite examiné un amendement du rapporteur selon lequel l’unité de référence est fixée par l’autorité administrative, après avis de la commission départementale d’orientation de l’agriculture, pour chaque région naturelle du département par référence à la moyenne des installations encouragées au cours des cinq dernières années.

M. Christian Jacob s’est exprimé contre l’amendement, estimant que la moyenne des installations n’était pas le bon critère et qu’il serait préférable de se référer à celle des exploitations. Il s’est également interrogé sur la volonté de définir l’unité de référence par région naturelle et souligné que le dispositif de contrôle des structures des exploitations entraînerait une “ suradministration ”. M. Jean Proriol a estimé qu’il faudrait éliminer les installations marginales ou progressives du calcul de la moyenne. M. Félix Leyzour a estimé, au contraire, qu’il fallait prendre en considération toutes les installations qu’elles aient ou non bénéficié d’une aide. M. Joseph Parrenin a déclaré qu’il fallait tenir compte de toutes les installations encouragées. M. Jean-Michel Marchand a marqué sa préférence pour une moyenne assez basse correspondant au territoire concerné. Après les explications du rapporteur, la commission a adopté l’amendement (amendement n° 99 cor.) et rejeté en conséquence un amendement de M. Jean Proriol et un amendement de M. Jean-Michel Marchand satisfaits par la rédaction proposée par le rapporteur. M. Félix Leyzour a retiré deux amendements également satisfaits par cette rédaction. Après les interventions de MM. Christian Jacob, Jean-Michel Marchand et François Patriat, rapporteur, elle a également rejeté un amendement de M. Félix Leyzour visant à fixer par décret la surface maximale de l’unité de référence au plan national.

Puis, la commission a adopté l’article 13 ainsi modifié.

Article 14

(article L. 330-1 du code rural)

Dispositions relatives à la politique d’installation

La loi n° 95-95 du 1er février 1995 de modernisation de l’agriculture a inséré dans le code rural deux articles importants consacrés à la politique d’installation, les articles L. 330-1 et L. 330-2. Le présent projet de loi prolonge cette démarche, dans ses articles 14 et 15, et vise à améliorer sur quelques points les mesures alors adoptées.

L’article 14 comprend deux types de dispositions.

En premier lieu, il insère dans l’article L. 330-1 du code rural un nouvel alinéa en vue de préciser qu’un rapport annuel sur l’installation en agriculture dans le département sera établi par le préfet et rendu public. Ce document de synthèse permettra d’avoir une vision globale et claire des installations réalisées au cours de l’année, de connaître le nombre et les caractéristiques de ces installations, de savoir si elles ont ou non bénéficié d’aides et si elles ont été réalisées ou non dans le cadre familial ; il permettra aussi de mesurer l’efficacité du contrôle des structures sur la politique d’installation qui en devient l’objectif prioritaire aux termes de l’article L. 331-1 du code rural, comme on le verra plus loin dans l’examen de l’article 16 du projet de loi.

En second lieu, il modifie le deuxième alinéa de l’article L. 330-1 du code rural dans le double objectif :

– de tenir compte de l’extinction du système de préretraite agricole, échu le 15 octobre 1997 ;

– d’assurer très en amont l’information de l’agriculteur sur l’obligation qui lui incombe, en vertu de l’article L. 330-2 du code rural, de faire connaître à l’autorité administrative son intention de cesser l’exploitation. Cette procédure est fondamentale car elle permet de connaître à l’avance les exploitations qui vont se libérer et notamment celles pour lesquelles l’agriculteur en place n’a pas de successeur. Aussi l’article 14 allonge-t-il d’un an à trois ans le délai pendant lequel les organismes chargés de gérer les retraites doivent informer les agriculteurs de leur obligation ; il s’agit des caisses de la mutualité sociale agricole sur le territoire métropolitain et des caisses de sécurité sociale dans les départements d’outre-mer, dans lesquels les exploitants agricoles sont soumis au régime général de protection sociale.

La commission a rejeté un amendement de suppression de cet article présenté par M. Christian Jacob.

Deux amendements relatifs à l’installation progressive des agriculteurs, l’un de M. Joseph Parrenin, l’autre de M. Félix Leyzour, ont été soumis à discussion commune. M. Germain Gengenwin s’est demandé qui était juridiquement l’exploitant dans ce cas de figure. M. Jean Auclair a souhaité, en cas d’adoption de l’amendement, que l’on prévoit également la suppression du stage “ six mois ”, après avoir rappelé qu’environ un tiers des installations se réalisait sans aide, du fait de critères d’attribution trop restrictifs. Après que M. Félix Leyzour eut indiqué que l’installation progressive permettrait de poursuivre la formation professionnelle et que le rapporteur eut précisé que les critères d’attribution devaient être modifiés par décret, la commission a adopté l’amendement de M. Joseph Parrenin (amendement n° 100) et rejeté en conséquence celui de M. Félix Leyzour.

La commission a rejeté un amendement de M. Jean Proriol visant à remplacer l’élaboration d’un rapport sur l’installation, prévue à cet article, par l’établissement d’un bilan global de l’application de la réglementation relative au contrôle des structures, notamment au regard des objectifs d’installation. Elle a adopté un amendement du rapporteur ayant un objet voisin et précisant que le rapport sur l’installation, élaboré dans chaque département, devra servir de base à la modification du projet agricole départemental ou du schéma directeur départemental des structures en cas d’inadaptation de leurs objectifs (amendement n° 101).

Après les observations de M. Christian Jacob critiquant le dispositif du projet de loi et du rapporteur justifiant au contraire la nécessité d’une information en amont des départs à la retraite, la commission a rejeté un amendement de M. Jean Proriol réduisant de trois ans à deux ans le délai dont disposent les organismes de retraite pour informer les agriculteurs de l’obligation de notifier à l’administration leur intention de cesser l’exploitation prévue à l’article 15.

Après les interventions de M. Joseph Parrenin et du rapporteur, la commission a rejeté un amendement présenté par M. Christian Jacob, prévoyant que les organismes de retraite devaient également en informer les propriétaires.

La commission a ensuite adopté l’article 14 ainsi modifié.

Article 15

(article L. 330-2 du code rural)

Notification préalable des départs à la retraite

Dans le droit fil des modifications proposées à l’article 14 du projet de loi, cet article allonge le délai dont dispose l’exploitant pour faire connaître à l’autorité administrative, en fait au préfet, son intention de cesser l’exploitation, en en précisant les caractéristiques, et surtout pour lui faire savoir si celle-ci va devenir disponible, donc si les terres qu’il occupe vont être libérées.

La pratique ayant révélé qu’il était insuffisant pour assurer le fonctionnement correct de la procédure, le délai de six mois prévu à l’article L. 330-2 du code rural, issu de la loi du 1er février 1995 précitée, passerait à dix-huit mois avant le départ en retraite.

Outre la suppression des dispositions applicables aux cas de préretraite, induite par l’extinction de ce régime, le texte reprend une disposition en vigueur en la précisant : à défaut d’avoir fourni l’information préalable à l’autorité administrative dans le délai prévu, les intéressés ne pourront poursuivre la mise en valeur de leur exploitation ou d’une partie de celle-ci après leur départ en retraite. Sont ainsi visés deux cas :

– celui où l’agriculteur est autorisé à poursuivre l’exploitation dans la limite d’une superficie fixée par le schéma directeur départemental des structures agricoles, dont le maximum est égal au cinquième de la surface minimum d’installation ; il s’agit de ce que l’on appelle communément les “ parcelles de subsistance ” définies à l’article L. 353-1 du code rural ;

– celui où l’agriculteur est autorisé à poursuivre la mise en valeur de l’exploitation pour une durée limitée, s’il apporte la preuve de l’impossibilité de céder son bien dans les conditions normales du marché, donc qu’il ne peut trouver de successeur, en application de l’article L. 353-2 du code rural.

Dans ces deux cas, la poursuite de l’exploitation ne fait pas obstacle au service des prestations d’assurance vieillesse liquidées par le régime obligatoire. Si le second cas de figure avait bien pris en considération en 1995, le premier avait été omis. L’article 15 du projet de loi comble cette lacune et renforce ainsi l’incitation à fournir dans le délai prescrit les informations préalables à la cessation d’activité.

Il précise, en outre, que les nouvelles dispositions ne s’appliqueront que de façon différée, un an après la publication de la loi d’orientation agricole, pour permettre aux exploitants de s’y conformer progressivement.

La commission a rejeté un amendement de suppression de l’article de M. Christian Jacob.

Puis, elle a examiné deux amendements soumis à discussion commune relatifs au délai dont dispose l’agriculteur pour informer l’administration de son intention de cesser son exploitation, le premier présenté par M. Joseph Parrenin portant ce délai à deux ans, le second présenté par M. Jean Proriol le ramenant à douze mois. Après que le rapporteur eut rappelé l’intérêt d’une information en amont pour favoriser la politique d’installation, la commission a adopté l’amendement de M. Joseph Parrenin (amendement n° 102) et rejeté celui de M. Jean Proriol.

La commission a également adopté un amendement de M. Jean-Michel Marchand, sous-amendé par le rapporteur, prévoyant que l’information sur les intentions de cessation d’activité peuvent être portées à la connaissance du public, malgré les réserves émises par MM. Christian Jacob et Jean Proriol (amendement n° 103).

La commission a alors adopté l’article 15 ainsi modifié.

Section 2

Le contrôle des structures des exploitations agricoles

Instauré par la loi n° 62-933 du 8 août 1962, le contrôle des cumuls et réunions d’exploitations avait été conçu pour éviter la concentration des terres entre les mains des plus “ puissants ”.

Longue à recevoir une application effective, la réglementation apparut :

– incomplète : les installations étaient totalement libres et les cumuls de professions contrôlés en de très rares occasions ;

– injuste : l’imprécision des termes de la loi autorisait les instances chargées d’instruire le dossier à s’intéresser davantage à la personnalité du demandeur qu’à l’impact structurel de l’opération envisagée ;

– inefficace : le préfet hésitait à poursuivre les contrevenants et les sanctions encourues étaient peu dissuasives.

Plutôt que de généraliser le contrôle total, adopté par 37 départements, mais de gestion difficile en raison de l’importance du nombre des transactions annuelles, les pouvoirs publics ont choisi de substituer le contrôle des structures à celui des cumuls et réunions d’exploitations.

Issu de la loi d’orientation agricole n° 80-502 du 4 juillet 1980, le contrôle des structures ne vit jamais le jour sous sa forme initiale puisqu’une réforme de la réforme fut consacrée par la loi n° 84-741 du 1er août 1984.

Ce n’est en réalité qu’à la fin de l’année 1985, à la suite de la publication des premiers schémas directeurs départementaux des structures, que les dispositions nouvelles commencèrent à entrer effectivement en vigueur. Conçu à une époque où la concurrence était vive entre les candidats à l’installation et à l’agrandissement, le contrôle des structures a présenté un intérêt moindre à mesure que, dans la plupart des secteurs, la demande est devenue inférieure à l’offre.

La loi n° 90-85 du 23 janvier 1990, complémentaire de la loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988 relative à l’adaptation de l’exploitation agricole à son environnement économique et social, a restreint la liste des opérations soumises à autorisation préalable, assoupli les règles et allégé les procédures. Quant à la réforme opérée par la loi n° 95-95 du 1er février 1995 de modernisation de l’agriculture, elle a cherché avant tout à coordonner et améliorer les instruments de la politique agricole par le renforcement du conseil supérieur d’orientation et la création de commissions départementales d’orientation de l’agriculture, ainsi qu’à compléter le dispositif du contrôle.

En outre, les réformes successives de la politique agricole commune ont produit des effets sur l’évolution des structures, qu’il convient de mieux prendre en compte.

Aujourd’hui, tout le monde s’accorde pour reconnaître que le système de contrôle doit être rénové. En effet, celui-ci n’a pas atteint ses objectifs. Le nombre d’exploitations continue de diminuer ; il y avait 679 800 exploitations en 1997, soit 55 000 de moins qu’en 1995, ce qui représente une diminution de 3,8 % sur deux ans. Cette baisse provient pour l’essentiel des départs en retraite que l’arrivée des jeunes est loin de compenser. Elle ne concerne, en outre, que les exploitations individuelles alors que le nombre de sociétés s’est accru de 50 % en sept ans, entre 1990 et 1997 ; cette forme d’exploitation représente aujourd’hui 16 % de l’ensemble contre 8 % en 1990. On comptait moins de 6 000 exploitations agricoles à responsabilité limitée (EARL) en 1990, elles sont plus de 42 000 en 1997 et forment 40 % de l’ensemble des exploitations en société, aussi nombreuses que les groupements agricoles d’exploitation en commun (GAEC).

L’essor des sociétés s’accompagne d’un mouvement de concentration ; en 1997, elles détiennent un peu plus de dix millions d’hectares, soit plus du tiers de la superficie agricole utilisée. La taille moyenne de ces ensembles est triple de celle des exploitations individuelles. Avec 42 hectares en moyenne en 1997, la superficie moyenne des exploitations a elle-même augmenté de 9 % en deux ans. En outre, plus la surface initiale était importante, plus l’agrandissement est fréquent : s’il ne concerne que 26 % des exploitations de moins de 50 hectares, cette proportion passe à 46 % pour celles de plus de 50 hectares. La superficie agricole utilisée se concentre ainsi dans des unités de taille sans cesse croissante.

A la lecture de ces quelques données chiffrées publiées par la revue Agreste (n° 35 - mai 1998) reprenant les résultats d’une enquête sur la structure des exploitations agricoles en 1997, il est incontestable que l’évolution structurelle s’est traduite par une tendance générale à l’agrandissement des exploitations et au développement de formes sociétaires qui jusqu’à présent échappaient au mécanisme du contrôle des structures.

Cette évolution pose trois problèmes majeurs :

– elle constitue un frein à la politique d’installation ; on dénombre environ 9 000 installations en 1997 alors qu’il en faudrait environ 12 000 pour compenser les départs ; les objectifs de la Charte nationale pour l’installation, signée le 7 novembre 1995, ne sont donc pas atteints ;

– elle crée des problèmes de transmission des exploitations ; en raison de leurs dimensions, celles-ci trouvent, en effet, plus difficilement repreneur ;

– elle accroît les risques sanitaires lorsqu’elle concerne les activités d’élevage, comme l’atteste l’exemple de la peste porcine aux Pays-Bas, ainsi que les nuisances à l’environnement, la concentration des élevages entraînant celle des facteurs de pollution.

Aussi les organisations professionnelles agricoles, dans leur très grande majorité, sont-elles favorables à une inversion de tendance et à un renforcement du contrôle des structures des exploitations.

Tel est l’objet de la présente section qui propose de préciser ses objectifs, de revoir son contenu et de modifier le régime des sanctions applicables (article 16), les nouvelles dispositions entraînant la révision des schémas départementaux en vigueur (article 17).

Article 16

Réforme du contrôle des structures

La volonté de mettre en oeuvre une véritable réforme se traduit par une refonte complète des dispositions du code rural régissant le contrôle des structures des exploitations agricoles. Celle-ci concerne tant la portée et les objectifs du contrôle (article L. 331-1) que le champ d’application de l’autorisation préalable (article L. 331-2), seul système désormais applicable, les critères de décision (article L. 331-3) et le régime des sanctions (articles L. 331-7 et L. 331-8).

Il convient également de signaler à ce stade que l’article 16 du projet de loi ne contient plus de dispositions relatives à la procédure, le Conseil d’Etat ayant considéré qu’elles étaient de nature réglementaire. En outre, le texte reprend plusieurs dispositions du code actuel en les adaptant (articles L. 331-4, L. 331-5, L. 331-6, L. 331-9 et L. 331-10).

La commission a adopté un amendement du rapporteur précisant que le chapitre relatif au contrôle des structures s’insérait dans le livre III (nouveau) du code rural (amendement n° 104).

Article L. 331-1 du code rural

Portée et objectifs du contrôle

Compte tenu du développement des pratiques sociétaires, plus exactement de la constitution de sociétés pour échapper au contrôle des structures, le premier alinéa de l’article L. 331-1 indique clairement que celui-ci s’applique à la mise en valeur des biens fonciers ruraux au sein d’une exploitation agricole “ quels que soient la forme ou le mode d’organisation juridique de celle-ci, et le titre en vertu duquel la mise en valeur est assurée ”.

Cette rédaction extrêmement large permet de couvrir non seulement les exploitations individuelles mais aussi les sociétés civiles, telles que les groupements fonciers agricoles, les groupements fonciers ruraux, les groupements agricoles d’exploitation en commun et les exploitations agricoles à responsabilité limitée. Elle comprend également les sociétés commerciales, les sociétés coopératives et les groupements d’intérêt économique qui tendent à se développer pour les productions laitières et animales. Elle permet en outre, de faire entrer dans le champ du contrôle des exploitations n’ayant pas d’autonomie juridique et intégrées dans un ensemble plus vaste. Bien entendu, le contrôle est, comme actuellement, susceptible de s’appliquer à toute opération qui a pour conséquence de conférer un droit d’exploiter ou la jouissance effective d’un bien rural, quelle que soit la nature de l’acte en vertu duquel cette jouissance est assurée : titre de propriété, bail, convention d’occupation précaire, mise à disposition à titre gratuit.

Après avoir rappelé la définition de l’exploitation par renvoi à celle des activités agricoles contenue dans l’article L. 311-1 du code rural (modifiée par l’article 6 du présent projet de loi), le texte présente les objectifs du contrôle des structures.

A cet égard, l’article L. 331-1 propose plusieurs innovations :

– tout d’abord, il affiche clairement la priorité accordée à l’installation d’agriculteurs. Tel était déjà le but du texte en vigueur qui mentionnait l’installation comme premier objectif du contrôle des structures par rapport à l’agrandissement des exploitations ; cependant, les schémas directeurs départementaux des structures pouvaient inverser l’ordre des priorités en fonction des préoccupations locales. Désormais, tous les schémas départementaux devraient considérer l’installation comme priorité absolue ;

– il fait figurer la lutte contre le démembrement d’entreprises viables, qui n’apparaissait dans aucun texte, parmi les objectifs du contrôle des structures ; il s’agit bien sûr d’éviter de mettre en péril l’avenir d’une exploitation au profit de l’installation potentielle d’un jeune agriculteur ;

– il introduit l’insuffisance des références de production et des droits à aide dans les critères à retenir pour favoriser l’agrandissement, au même titre que les dimensions de l’exploitation déjà prises en compte actuellement ; sont notamment visés les quotas laitiers et les primes liées aux productions animales, prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes et prime compensatrice ovine, introduits par la réforme de la politique agricole commune depuis le 1er janvier 1984.

En outre, le dernier alinéa de l’article L. 331-1 confirme le caractère essentiel de l’installation d’agriculteurs pluriactifs ainsi que la nécessité de conforter ce type d’installation dans le cadre du contrôle des structures. En revanche, il n’est plus fait mention des conditions de formation ou d’expérience professionnelle préalables à l’installation en agriculture, que l’on retrouve cependant dans les opérations soumises à autorisation au titre de l’article L. 331-2, 3°, comme on le verra plus loin.

La commission a d’abord rejeté un amendement de M. Jean-Michel Marchand visant à préciser que les objectifs du contrôle des structures devaient être conformes à la loi d’orientation agricole. Après que M. Christian Jacob eut retiré un amendement de suppression du dernier alinéa de cet article, la commission a adopté un amendement de cohérence avec un amendement adopté à l’article 14 sur l’installation progressive présenté par M. Joseph Parrenin (amendement n° 105). Elle a également adopté un amendement de M. Félix Leyzour proposant une modification du statut des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) en vue d’y intégrer le principe de location et de location-vente (amendement n° 106) bien que le rapporteur ait émis des réserves sur l’insertion d’une telle disposition dans l’article sur les objectifs du contrôle des structures. Après les observations du rapporteur et de M. Christian Jacob rappelant qu’il existait une réglementation à ce sujet et que l’attribution de ces droits était soumise à la réglementation communautaire, M. Félix Leyzour a retiré un amendement concernant la gratuité des quotas et autres droits à produire.

Article L. 331-2 du code rural

Opérations soumises à autorisation préalable

Le projet de loi propose d’unifier le système de contrôle en soumettant toutes les mutations à la procédure d’autorisation préalable, dès lors qu’elles dépassent un seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures à partir de l’unité de référence définie à l’article L. 312-5 du code rural. Le système de déclaration préalable, introduit en 1990, et dont les cas d’application figurent à l’article L. 331-4 du code rural est abandonné ; il ne servait en fait qu’à informer les organes de contrôle sur les opérations réalisées sans que ceux-ci puissent porter un jugement sur leur opportunité.

Le dispositif de contrôle est simplifié. L’article L. 331-2 du code rural, dans la rédaction du projet de loi, regroupe désormais l’ensemble des opérations soumises à autorisation préalable. Il met sur un pied d’égalité tous les candidats à la mise en valeur d’un bien agricole, quelle que soit la nature de l’opération et que l’exploitation soit détenue par une personne physique ou une personne morale.

Les principales modifications par rapport au droit en vigueur sont les suivantes :

– le seuil de déclenchement du contrôle fixé par le schéma départemental de contrôle des structures est calculé par rapport à l’unité de référence et non plus par rapport à la surface minimum d’installation ; le champ du contrôle est élargi puisque le nouveau seuil s’applique par exploitation et non plus par exploitant, comme c’était le cas jusqu’ici pour les coexploitants et les personnes morales ;

– les installations, que ce soit pour une personne physique ou morale, sont contrôlées au même titre que les agrandissements et réunions d’exploitations ; actuellement elles n’étaient soumises à autorisation préalable qu’en cas de non-respect aux conditions de capacité ou d’expérience professionnelle requises ou de lutte contre le démembrement d’exploitations ;

– la diminution du nombre d’associés au sein d’une exploitation est assimilée à un agrandissement au bénéfice des autres associés, soumis en tant que tel à autorisation préalable ;

– de même, sont soumises à autorisation préalable la participation à une exploitation agricole d’un exploitant exerçant déjà dans une autre exploitation et la modification dans la répartition des parts ou actions d’une société si elle a pour effet de faire franchir à l’un de ses membres le seuil de 50 % du capital.

L’article L. 331-2 énumère limitativement les cas dans lesquels une autorisation préalable doit être demandée en distinguant six faits générateurs du contrôle des structures.

· Le 1° de cet article porte sur les cas où la demande d’autorisation est nécessaire en raison de la superficie.

Sont ainsi visés les installations, agrandissements et réunions d’exploitations qui ont pour effet de faire passer la surface totale de l’exploitation au-delà du seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures.

Ce seuil est fixé par rapport à l’unité de référence ; il doit être compris entre 0,8 et 1,5 fois cette unité, définie à l’article L. 312-5 ; actuellement, le seuil de déclenchement du contrôle est compris entre deux et quatre fois la surface minimum d’installation. Si le critère de superficie est différent, le système fonctionnera de la même manière, chaque département fixant le seuil de déclenchement de l’autorisation préalable dans la fourchette proposée.

On l’a vu, les installations sont désormais intégrées dans ce dispositif d’autorisation. Cependant, elles le sont davantage pour des raisons d’information que pour des raisons de contrôle, l’objectif prioritaire étant de favoriser l’installation et non de la freiner par un formalisme excessif.

La commission a examiné trois amendements relatifs aux seuils de surface impliquant une autorisation préalable présentés par le rapporteur, M. Félix Leyzour et M. Jean Proriol. Le rapporteur a indiqué que son amendement visait à abaisser le seuil de déclenchement du contrôle des structures, en particulier pour les installations.

M. Jean Auclair a souligné que le projet de loi constituait une véritable atteinte au droit de propriété et que les amendements présentés n’inversaient en rien cette tendance. M. Christian Jacob a indiqué que la fixation de seuils très bas rendrait bien trop complexes les formalités relatives au contrôle des structures des exploitations agricoles. M. Jean Proriol a estimé à son tour que les seuils devaient rester assez élevés pour éviter une trop grande rigidité dans les mutations. Pour sa part, M. Germain Gengenwin a fait valoir qu’il existait des disparités entre les départements et qu’en conséquence il lui paraissait opportun de laisser aux commissions départementales d’orientation de l’agriculture le soin de fixer les dits seuils.

A l’issue de ce débat, le rapporteur a rectifié son amendement de sorte que le seuil de déclenchement du contrôle soit compris entre 0,5 et 1,5 fois l’unité de référence qu’il s’agisse d’installations, d’agrandissements ou de réunions d’exploitations. Après que M. Félix Leyzour eut retiré son amendement ayant un objet similaire, la commission a adopté l’amendement du rapporteur ainsi rectifié (amendement n° 107) et a rejeté l’amendement de M. Jean Proriol relevant le seuil de déclenchement du contrôle.

Inscrit au dernier alinéa du 1° de cet article, le fait que la diminution du nombre d’associés soit assimilée à un agrandissement, soumis à contrôle, constitue une innovation majeure. Dès lors que la surface en cause excède le seuil fixé par le schéma départemental des structures, les associés restants devront solliciter l’autorisation de continuer l’exploitation. Cependant, dans ce cas, ils pourront obtenir une autorisation temporaire, limitée à deux ans, de poursuivre la mise en valeur, cette période devant être mise à profit pour se mettre en conformité avec les prescriptions du schéma. Deux options sont alors possibles : soit un nouvel exploitant entre dans la société et l’exploitation se poursuit sur la même superficie ; soit celle-ci doit être réduite pour correspondre au seuil fixé par le schéma départemental. Le projet de loi comprend d’ailleurs une disposition permettant au preneur de demander la résiliation du bail à cette fin (article 10).

La commission a examiné un amendement de M. Christian Jacob visant à supprimer le dernier alinéa du 1° de cet article. Pour M. Christian Jacob, cette disposition est dangereuse car elle limite la poursuite de l’activité agricole sur un bien, souvent d’origine familiale, à deux ans sous forme d’autorisation provisoire. M. Germain Gengenwin a abondé dans le sens de l’auteur de l’amendement en indiquant que les GAEC “ père-fils ” étaient particulièrement visés par cette mesure. M. Jean Auclair a fait valoir que des problèmes risquaient de se poser si, dans le cadre de tels GAEC, un père refusait de céder ses terres à un tiers et que, plus généralement un contrôle strict des structures aurait pour effet de créer des distorsions de concurrence entre les agriculteurs français et ceux des autres pays européens. Le rapporteur a répondu aux différents intervenants que cette disposition était destinée à mettre fin aux pratiques actuelles, en rappelant qu’il était fréquent que des sociétés se constituent à seule fin de contourner le contrôle des structures agricoles. Ce n’est donc pas le droit de propriété qui est visé, mais le droit d’exploiter. Il a ajouté que les organisations professionnelles agricoles étaient favorables à cette disposition visant à assurer une meilleure occupation du territoire et des hommes. Suivant l’avis de son rapporteur, la commission a rejeté l’amendement de M. Christian Jacob.

L’article L. 331-2 présente ensuite les cas dans lesquels l’autorisation préalable est requise quelle que soit la superficie en cause.

· Le 2° de cet article reprend, en les adaptant, les dispositions actuelles du 2° de l’article L. 331-2, en vue d’éviter le démembrement d’exploitations viables, désormais inscrit en tant que tel dans les objectifs du contrôle des structures à l’article L. 331-1 du code rural précédemment examiné.

L’autorisation préalable doit être sollicitée lorsque l’installation, l’agrandissement ou la réunion d’exploitations aurait pour conséquence :

– de supprimer une exploitation dont la superficie excède un seuil fixé par le schéma départemental des structures, compris entre la moitié et 1 fois l’unité de référence (au lieu de 2 fois la surface minimum d’installation actuellement),

– de ramener la superficie d’une exploitation en-deçà de ce seuil,

– de priver une exploitation d’un bâtiment essentiel à son fonctionnement.

Sur tous ces points, l’article L. 331-2 n’est guère différent du droit en vigueur.

La commission a adopté un amendement de M. François Patriat et des commissaires membres du groupe socialiste abaissant à un tiers le seuil de surface au-delà duquel les installations, agrandissements ou réunions d’exploitations agricoles ayant pour conséquence la suppression d’une exploitation sont soumises à autorisation préalable (amendement n° 108). Un amendement de M. François Sauvadet ayant un objet voisin a été retiré de même qu’un amendement du même auteur soumettant à autorisation préalable les exploitations ne comportant aucun exploitant, après que le rapporteur eut expliqué que ce cas était déjà couvert par le texte du projet de loi.

· Le 3° de cet article reprend l’essentiel des dispositions du 1° de l’article L. 331-3 du code actuel pour les personnes physiques et partiellement celles du 2° de l’article L. 331-2 pour les sociétés, coexploitations et indivisions.

Sont ainsi soumis à autorisation préalable les installations, agrandissements ou réunions d’exploitations lorsque l’un des exploitants :

– ne remplit pas les conditions de capacité ou d’expérience professionnelle, précisées à l’article R. 331-1 du code rural,

– a atteint l’âge auquel il peut prétendre à bénéficier d’un avantage de vieillesse agricole, c’est-à-dire 60 ans.

· Le 4° de l’article L. 331-2 est beaucoup plus novateur. Il vise, en effet, à mieux contrôler les mouvements au sein des sociétés et à lutter contre les phénomènes de concentration. Devront désormais faire l’objet d’une autorisation préalable :

– les participations d’exploitants à une nouvelle exploitation, quelle que soit la qualité en vertu de laquelle l’exploitant intervient,

– les changements dans la répartition du capital qui ont pour effet de faire franchir à l’un des associés le seuil de 50 % du capital, étant précisé que sont prises en compte non seulement les parts ou actions de l’associé mais aussi celles de son conjoint et de ses ayant-droits.

Là encore, la rédaction proposée est extrêmement large afin de limiter autant que possible les montages sociétaires et les pratiques de prête-noms visant à contourner le contrôle des structures.

Le second alinéa prévoit cependant que l’autorisation peut être accordée à titre provisoire dans le cas où le franchissement du seuil ne résulterait pas de la volonté de l’intéressé . Il peut s’agir par exemple du départ d’un autre associé ou d’une augmentation des parts sociales résultant d’un héritage. Dans ce cas, l’intéressé dispose d’un délai de deux ans maximum pour se mettre en conformité avec la loi.

· Le 5° de l’article L. 331-2 maintient les dispositions contenues dans le 3° de l’article L. 331-3 du code rural. Celui-ci concerne les agrandissements ou réunions d’exploitations réalisés par adjonction de parcelles éloignées du siège de l’exploitation, la distance minimale à partir de laquelle peut intervenir le contrôle étant de 5 kilomètres. Le schéma directeur des structures fixe pour chaque département la distance adaptée pour éviter l’éclatement géographique de l’exploitation.

La commission a rejeté deux amendements déposés par M. Christian Jacob et M. Jean Proriol visant respectivement à allonger à 20 et à 10 kilomètres la distance minimale entre les parcelles et le siège de l’exploitation.

· Le 6° de l’article L. 331-2 reprend également, dans le cadre de la refonte globale du dispositif de contrôle, des dispositions figurant au 4° de l’article L. 331-3 du code rural. Le texte en vigueur prévoit un régime transitoire pour la création et l’extension de capacité des ateliers hors-sol au-delà d’un certain seuil de production fixé par décret. Cette mesure était destinée à apporter une solution provisoire au problème que pose le développement incontrôlé de certaines productions hors-sol au sein du marché européen. Son effet était limité au 30 juin 1998. Le projet de loi propose de prolonger une nouvelle fois la période transitoire jusqu’au 30 juin 2005 afin de limiter la taille des ateliers hors-sol au niveau national, dans l’attente d’une solution définitive acquise dans le cadre communautaire.

La commission a adopté deux amendements identiques présentés par le rapporteur et M. François Sauvadet, en vue de pérenniser le contrôle des créations et extensions des ateliers de production hors-sol au-delà d’un seuil de capacité fixé par décret (amendement n° 109 cor.). Elle a, par conséquent, rejeté un amendement de M. Jean-Michel Marchand ayant le même objet mais proposant, en outre, de retenir un autre seuil de capacité de production pour le déclenchement du contrôle des structures.

Après avoir décrit les cas dans lesquels une autorisation préalable doit être obtenue, l’article L. 331-2 précise, dans son avant-dernier alinéa, le mode de détermination de la superficie à prendre compte pour l’application de cette procédure.

Le contrôle des structures s’exerce sur la superficie totale mise en valeur. Il est donc nécessaire de la déterminer avec précision :

– sont incluses dans cette superficie toutes les surfaces exploitées par le demandeur, sous quelque forme que ce soit, ainsi que celles des ateliers de production hors-sol auxquels il est appliqué des coefficients d’équivalence ; s’agissant des productions hors-sol, une telle disposition figure déjà dans le code rural, au premier alinéa de l’article L. 331-5 ;

– sont exclus de la superficie prise en compte, les bois, landes, taillis, friches et étangs autres que ceux servant à l’élevage piscicole ; cette exclusion figure déjà dans le deuxième alinéa de l’article L. 331-5 actuel du code rural. Le texte précise, en outre, qu’elle n’est pas valable dans les départements d’outre-mer pour les terres incultes, laissées à l’abandon ou insuffisamment exploitées ; ces terres susceptibles d’une mise en valeur agricole seront donc prises en compte dans le calcul de la superficie totale déterminant le champ d’application du contrôle des structures.

Après avoir rejeté un amendement de M. Félix Leyzour visant à prendre en compte les superficies exploitées par le demandeur en France et dans un autre pays, au motif qu’il était contraire au principe de territorialité de la loi, la commission a adopté un amendement de M. Stéphane Alaize excluant les landes du calcul de la superficie totale retenue pour l’application de la procédure d’autorisation préalable (amendement n° 110).

Le dernier alinéa de l’article L. 332-1 précise enfin le régime des opérations réalisées par les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER). Celles-ci étaient jusqu’à présent soumises au régime de la déclaration préalable “ sauf en cas de suppression d’une unité économique indépendante dont la superficie est égale ou supérieure au seuil ” défini pour éviter le démembrement d’exploitations viables. Le texte reprend cette formule en l’adaptant au nouveau dispositif de contrôle des structures.

Il prévoit tout d’abord que sont soumises à autorisation préalable les opérations ayant pour conséquence :

– la suppression d’une unité économique égale ou supérieure au seuil fixé par le schéma départemental des structures qui doit être compris entre 0,5 et 1 fois l’unité de référence, par renvoi au a) du 2° du présent article ;

– l’agrandissement, par attribution d’un bien préempté, d’une exploitation dont la surface totale excède 2 fois l’unité de référence.

Il précise ensuite que les SAFER doivent informer le préfet des autres opérations qu’elles réalisent, ce qui permettra de connaître leurs interventions sans pour autant les soumettre à contrôle.

La commission a adopté un amendement du rapporteur rectifiant une erreur de référence au dernier alinéa de cet article (amendement n° 111). Elle a ensuite rejeté deux amendements de M. Jean-Michel Marchand visant à introduire dans le projet de loi, sous forme d’articles additionnels après l’article L. 331-2 du code rural, des dispositions relatives à la procédure, au motif qu’elles sont de nature réglementaire.

Article L. 331-3 du code rural

Critères d’examen des demandes

Cet article précise les éléments dont doit tenir compte l’autorité administrative, c’est-à-dire le représentant de l’Etat dans le département, lorsqu’il se prononce sur une demande d’autorisation préalable.

Il reprend pour partie les dispositions de l’article L. 331-7 actuel du code rural.

Le préfet doit tout d’abord respecter l’ordre des priorités établi par le schéma directeur départemental des structures entre l’installation des jeunes agriculteurs et l’agrandissement des exploitations agricoles (1°). Cependant, en cas de pluralité de demandes, l’installation devrait être privilégiée puisqu’elle est devenue l’objectif prioritaire du contrôle des structures aux termes de l’article L. 331-1 dans la rédaction du projet de loi. De plus, le projet de loi précise que lors de l’examen des demandes d’agrandissement ou de réunion d’exploitations, le préfet doit “ s’assurer ” que toutes les possibilités d’installation sur une exploitation viable ont été prises en considération, alors que le texte actuel ne l’obligeait qu’à “ prendre en compte ” ces possibilités ; la rédaction retenue est donc plus contraignante et traduit clairement la volonté de favoriser l’installation à chaque fois que c’est possible (2°).

L’article L. 331-3 précise encore que lors de l’examen de la demande, le préfet doit, pour justifier sa position, prendre en considération les aspects économiques et sociaux de la situation du ou des demandeurs ; il s’agit de la situation personnelle des intéressés dont les éléments constitutifs sont l’âge, la situation familiale et professionnelle (4°) mais aussi du nombre et de la nature des emplois dans les exploitations concernées par la demande (6°).

Enfin, le texte proposé reprend le 7° de l’article L. 331-7 actuel prévoyant que la structure parcellaire des exploitations sera appréciée en fonction de deux critères : par rapport au siège de l’exploitation et pour éviter que les mutations ne remettent en cause des aménagements réalisés à l’aide de fonds publics, comme les opérations de remembrement (7°).

S’il reprend des dispositions en vigueur, le texte proposé pour l’article L. 331-3 du code rural introduit également deux nouveaux critères de nature économique pour l’examen des demandes d’autorisation préalable :

– la prise en compte des références de production et droits à aide dont dispose déjà le demandeur ainsi que ceux qui sont attachés aux biens objets de la demande (3°) ; le préfet doit donc apprécier les conséquences économiques de l’opération envisagée avant de prendre sa décision et limiter la concentration des droits à aide au bénéfice d’un demandeur ;

– la participation directe du demandeur à l’exploitation des biens (5°) ; la mise en valeur par un exploitant agricole est donc privilégiée par rapport à d’autres modes d’exploitation, faisant uniquement appel à des salariés ou à des mandataires par exemple.

La commission a rejeté deux amendements de M. Félix Leyzour concernant des règles de procédure et de publicité de nature réglementaire. Après que M. Jean-Michel Marchand eut retiré un amendement de coordination avec un amendement précédemment rejeté, la commission a adopté un amendement du rapporteur précisant au 5° de cet article que le critère de la participation du demandeur à l’exploitation directe des biens s’appliquait aux associés lorsque le demandeur est une personne morale (amendement n° 112).

Elle a ensuite rejeté un amendement de M. Jean-Michel Marchand visant à préciser que le contrôle des structures doit respecter les principes généraux de protection de l’environnement définis à l’article L. 200-1 du code rural, le rapporteur et M. Germain Gengenwin considérant cette précision inutile.

Le dernier alinéa de l’article L. 331-3 précise que l’autorisation peut être délivrée pour une partie des biens objets de la demande. Il introduit un élément de souplesse dans le dispositif de contrôle des structures. En cas de pluralité de candidatures à la reprise, la parcelle pourra par exemple être divisée pour permettre l’installation d’un jeune agriculteur incapable d’en reprendre l’ensemble, tout en autorisant les voisins de l’exploitant à agrandir partiellement leur propre emprise foncière.

Ce faisant, le texte supprime la possibilité qu’avait le préfet de subordonner l’autorisation à la condition que le demandeur libère des terres éloignées ou morcelées en vue d’une meilleure restructuration de l’exploitation. Cette suppression ne paraît pas justifiée. En outre, le texte proposé ne tient pas compte des cas pour lesquels l’autorisation est accordée à titre provisoire aux termes de l’article L. 331-2 ; celui-ci prévoit, en effet, que les associés disposent d’un délai maximal de deux ans pour se conformer aux prescriptions du schéma directeur départemental des structures en cas de diminution du nombre total des associés au sein d’une exploitation (dernier alinéa du 1° de l’article L. 331-2) ou de franchissement du seuil de 50 % du capital ne résultant pas de la volonté de l’intéressé (dernier alinéa du 4° de l’article L. 331-2).

C’est pourquoi la commission a adopté un amendement du rapporteur visant à préciser que l’autorisation peut être conditionnelle ou temporaire (amendement n° 113).

Article L. 331-4 du code rural

Péremption de l’autorisation d’exploiter

Dès lors que l’autorité administrative a statué favorablement sur une demande d’autorisation d’exploiter, son bénéficiaire, qu’il soit propriétaire ou fermier, peut mettre en valeur le bien concerné. L’autorisation est toutefois périmée si le titulaire n’a pas assuré l’exploitation du bien à l’expiration de l’année culturale qui suit la date d’enregistrement de la demande ou, dans le cas d’un bien loué, à l’expiration de l’année culturale suivant le départ effectif du preneur. Ce délai de péremption n’est pas pris en compte si la situation personnelle du demandeur, au regard de la réglementation du contrôle des structures, s’est modifiée.

Le projet de loi reprend à cet égard les dispositions en vigueur de l’article L. 331-9 du code rural, sous réserve de deux modifications rendues nécessaires par la suppression de la procédure de déclaration préalable.

Article L. 331-5 du code rural

Communication des informations nécessaires au contrôle des structures

L’article L. 331-10 actuel du code rural prévoit que les informations utiles au contrôle des structures figurant dans les fichiers de la mutualité sociale agricole (MSA) sont communiquées chaque année ou à sa demande au préfet. Ces informations portent notamment sur les superficies détenues ou mises en valeur par les exploitants.

L’objet du présent article est d’étendre cette procédure à d’autres sources d’information ; outre celles figurant dans les fichiers de la MSA, il s’agit des informations figurant dans :

– les fichiers des organismes de sécurité sociale dans les département d’outre-mer, ces départements n’étant pas couverts par le régime applicable en métropole ;

– les centres de formalités des entreprises des chambres d’agriculture ;

– le registre de l’agriculture, rendu opérationnel par l’article 7 du projet de loi ;

– le système intégré de gestion et de contrôle mis en place pour l’application de la réglementation communautaire contenant les informations relatives aux références de production et autres droits à aide, désormais pris en compte dans les critères d’examen des demandes d’autorisation préalable.

Le préfet pourra ainsi se faire communiquer, s’il le souhaite, l’ensemble des informations disponibles pouvant servir à la mise en oeuvre du contrôle des structures.

Article L. 331-6 du code rural

Nullité du bail en cas d’exploitation irrégulière

Cet article maintient en vigueur les dispositions de l’article L. 331-11 du code rural, à l’exception des références à la procédure de déclaration préalable supprimée par le projet de loi. Il concerne les sanctions civiles à l’encontre des exploitants locataires d’un bien rural.

L’article L. 331-11 prévoit que tout preneur, lors de la conclusion d’un bail, doit faire connaître au bailleur la superficie et la nature des biens qu’il exploite. Aucune action spécifique n’est prévue lorsque cette obligation d’information n’est pas respectée. Si le preneur est tenu d’obtenir une autorisation préalable d’exploiter, le bail est conclu sous réserve de l’octroi de cette autorisation.

La validité du bail se trouve donc liée au respect de la réglementation du contrôle des structures. Le fait de ne pas avoir présenté de demande d’autorisation ou de ne pas l’avoir obtenue par un refus définitif d’exploiter emporte la nullité du bail.

Article L. 331-7 du code rural

Sanction administrative en cas de non-respect
de la réglementation du contrôle des structures

Cet article reprend pour partie les dispositions de l’article L. 331-12 du code rural et propose de substituer aux sanctions pénales, prévues à l’article L. 331-14, un régime de sanctions administratives.

L’expérience a montré que le système des sanctions pénales était peu appliqué, de nombreux dossiers transmis au procureur de la République étant classés sans suite. Quand bien même les affaires étaient instruites, il fallait attendre plusieurs années avant le prononcé des peines d’amendes, dont le maximum était du reste fixé à 100 000 francs.

C’est en grande partie en raison de l’inefficacité de ce dispositif que les pratiques de contournement de la législation sur le contrôle des structures ont pu se développer. Aussi était-il indispensable de trouver un mécanisme plus dissuasif, dont la mise en œuvre serait à la fois plus rapide et plus sûre.

C’est pourquoi le projet de loi d’orientation agricole crée un régime de sanctions administratives dont la procédure se déroule en deux temps : après mise en demeure de l’intéressé de régulariser sa situation, suivie le cas échéant d’une mise en demeure de cesser l’exploitation, le préfet peut prononcer une sanction pécuniaire d’un montant compris entre 2 000 et 6 000 francs par hectare, lorsqu’il constate que l’intéressé poursuit l’exploitation à l’expiration du délai imparti pour cesser l’activité.

L’article L. 331-7 prévoit une gradation des mises en demeure avant d’aboutir à la sanction pécuniaire et assure le respect des droits de la défense.

Deux cas doivent être distingués :

– soit l’intéressé n’a pas formulé de demande d’autorisation d’exploiter,

– soit il ne respecte pas une décision de refus d’autorisation.

Dans le premier cas, il est mis en demeure de régulariser sa situation dans un délai maximal d’un mois. Si à l’expiration de ce délai, il n’a toujours pas présenté de demande d’autorisation, le préfet le met en demeure de cesser l’exploitation dans un délai de même durée, d’un mois maximum.

Dans le second cas, la procédure est identique mais plus rapide : après une décision de refus d’autorisation prononcée par le préfet, une seule mise en demeure suffit pour faire cesser l’activité dans le délai maximal d’un mois.

Dans les deux cas, lorsque la cessation d’activité est ordonnée, l’intéressé peut présenter ses observations écrites ou orales pour défendre sa situation devant toute instance ayant à connaître de l’affaire.

Si la mise en demeure de cesser l’exploitation reste sans effet, le préfet peut prononcer la sanction. Il convient de souligner, à cet égard, qu’il ne s’agit que d’une faculté, laissée à l’appréciation du préfet, et non d’une sanction “ automatique ”. Le préfet dispose en ce domaine d’un pouvoir discrétionnaire, sa décision pouvant faire l’objet d’un recours devant la commission créée à cet effet à l’article L. 331-8 et d’un recours contentieux selon les règles du droit commun.

En outre, le montant de la sanction pécuniaire est variable, afin de tenir compte de la situation de l’exploitant et de la taille de l’exploitation concernée. Il est cependant suffisamment élevé pour avoir un caractère dissuasif. Les éléments constitutifs de la surface qui servira de base pour la fixation du montant de la sanction sont précisés ; il s’agit de la surface de polyculture-élevage faisant l’objet de l’exploitation illégale ou de son équivalent, tels qu’ils sont définis en application de l’article L. 312-6 pour le calcul de la surface minimum d’installation. La commission a adopté un amendement du rapporteur rectifiant une erreur de référence (amendement n° 114).

Il est enfin précisé que la sanction pécuniaire est reconductible d’année en année, ce qui confère au non-respect de la réglementation du contrôle des structures le caractère d’infraction continue. La mise en oeuvre de cette mesure devrait cependant être assez rare puisque, par hypothèse, elle concernerait un contrevenant ayant déjà acquitté une amende plutôt lourde qui poursuivrait malgré tout l’exploitation illégale. Cependant, afin d’éviter la pérennisation de situations illicites, la commission a adopté un amendement de M. Michel Vergnier et des membres du groupe socialiste précisant que la sanction pécuniaire est systématiquement reconduite chaque année jusqu’à la cessation effective de l’activité (amendement n° 115).

Article L. 331-8 du code rural

Contestation de la sanction

Conformément à une tendance qui tend à se répandre ces dernières années en même temps que se développent les sanctions administratives, le projet de loi prévoit que la sanction pécuniaire peut être contestée – avant tout recours contentieux – dans le mois qui suit sa notification à l’exploitant concerné, devant une commission des recours, dont la composition et les règles de fonctionnement seront fixées par décret en Conseil d’État.

La saisine de cette commission a, tout d’abord, pour effet de suspendre l’application de la décision du préfet refusant l’autorisation d’exploiter. Cela signifie, d’une part, que l’intéressé est dispensé du paiement de l’amende et, d’autre part, qu’il peut poursuivre son activité.

La décision du préfet est, en effet, réexaminée au cours de cette procédure pré-contentieuse. Après avoir analysé les arguments des deux parties, la commission statue par décision motivée. Elle peut :

– soit confirmer la sanction arrêtée par le préfet,

– soit en diminuer le montant, eu égard à la situation du contrevenant,

– soit considérer qu’il n’y a pas lieu de prononcer une sanction, en raison de l’insuffisance des preuves d’infraction à la réglementation du contrôle des structures.

Si la commission des recours confirme la sanction, même en la rendant moins sévère, celle-ci devient recouvrable dès la notification de la décision à l’intéressé. Bien que le texte ne précise pas le délai d’intervention de la commission, ni la fréquence de ses réunions, qui seront fixées par décret, le nouveau dispositif permettra à n’en pas douter d’accélérer la procédure et le paiement des amendes.

Cette procédure ne ferme pas, bien entendu, la voie du recours devant le tribunal administratif contre la décision du préfet d’une part, sous la forme du recours pour excès de pouvoir, et, d’autre part, contre la décision de la commission qui fait l’objet d’un recours de pleine juridiction. S’il annule la décision de la commission des recours, le juge administratif pourra donc ordonner en même temps le remboursement de l’amende versée.

Article L. 331-9 du code rural

Suppression des aides publiques à caractère économique

Cet article maintient en vigueur la sanction économique du non-respect de la réglementation du contrôle des structures inscrite à l’article L. 331-13 actuel du code.

En vertu de cette disposition, toute personne qui continue d’exploiter un fonds malgré un refus d’autorisation devenu définitif perd le bénéfice des aides publiques à caractère économique accordées en matière agricole. Le champ d’application de cette sanction est très étendu. Il comprend non seulement les aides accordées par l’Etat sous forme de prêts bonifiés et de subventions mais également toutes les autres aides publiques, notamment celles accordées au titre de la législation sur les calamités agricoles. Il comprend également, en principe, les aides communautaires.

La commission a rejeté un amendement de M. Christian Jacob tendant à limiter l’application de cette disposition aux seules aides nationales. Il n’en demeure pas moins que pour les aides communautaires, la sanction est plus délicate à mettre en oeuvre, le respect de la réglementation du contrôle des structures n’étant pas une condition de leur octroi. Du reste, il est permis de s’interroger sur l’application de cette sanction autonome, dont l’efficacité pourrait être considérable mais qui jusqu’à présent s’est révélée peu opérante.

Article L. 331-10 du code rural

Poursuite de la mise en valeur du fonds

Cet article reprend les dispositions de l’article L. 331-12 du code rural, sous réserve d’une adaptation rédactionnelle liée à la disparition de la procédure de déclaration préalable.

Il concerne la mise en valeur du fonds après une mise en demeure de cesser l’exploitation. Le propriétaire n’ayant plus le droit d’exploiter peut soit vendre le fonds, soit le louer, soit ne pas le mettre en valeur. Pour éviter que ce dernier cas de figure se produise, il est prévu que toute personne intéressée peut demander au tribunal paritaire des baux ruraux l’autorisation d’exploiter le fonds à l’expiration de l’année culturale au cours de laquelle la mise en demeure de cesser l’exploitation est devenue définitive. S’il y a plusieurs candidats, le tribunal dispose du pouvoir d’apprécier l’intérêt de chaque demande en tenant compte des priorités définies par le schéma directeur départemental des structures. Lorsqu’elle a choisi un candidat, la juridiction fixe les conditions de location du bien conformément au régime de droit commun du fermage.

La rédaction proposée comporte une ambiguïté. En effet, il est fait mention à deux reprises de l’“ intéressé ” alors qu’il ne peut s’agir de la même personne : dans un cas, c’est le propriétaire qui n’a plus le droit d’exploiter qui est visé, dans l’autre, c’est la personne intéressée par la mise en valeur du fonds. Pour éviter tout risque de confusion, la commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 116). Après avoir rejeté un amendement de M. Christian Jacob visant à confier au propriétaire le choix d’un nouveau titulaire du droit d’exploiter, elle a adopté un amendement de précision formelle proposé par le rapporteur (amendement n° 117).

Article L. 331-11 du code rural

Décret en Conseil d’État

Cet article précise que les conditions d’application des dispositions relatives au contrôle des structures seront fixées par décret en Conseil d’État. Ce décret devrait notamment prévoir toutes les règles relatives à la procédure d’autorisation préalable et à sa publicité qui ne figurent plus dans la partie législative du code rural. Actuellement, les principaux éléments de la procédure sont les suivants :

– la demande est adressée au préfet du département sur le territoire duquel est situé le fonds, après information préalable du propriétaire, le cas échéant ;

– elle est transmise pour avis à la commission départementale d’orientation de l’agriculture qui dispose d’un délai de deux mois pour adresser son avis motivé au préfet ;

– dans les quinze jours suivant l’expiration de ce délai de deux mois, le préfet statue par décision motivée sur la demande d’autorisation ;

– la décision du préfet est notifiée au demandeur ; en l’absence de notification dans un délai de deux mois et quinze jours à compter de la date de réception de la demande, l’autorisation est réputée accordée ;

– la décision expresse du préfet fait l’objet d’un affichage à la mairie de la commune sur le territoire de laquelle est situé le bien concerné ;

– en cas de refus d’autorisation, la décision est notifiée au demandeur, au propriétaire, s’il est distinct du demandeur, et au preneur en place.

Ce dispositif ne devrait pas être sensiblement modifié. Cependant, le délai d’examen des demandes pourrait être allongé à trois mois, ainsi que le proposait l’avant-projet de loi d’orientation agricole. Ce texte prévoyait également une publicité préalable, par voie de presse, sur la vacance du bien lorsque la demande d’autorisation porte sur une superficie supérieure à dix hectares. Il prévoyait aussi la possibilité pour le préfet de différer sa décision pendant une durée maximale de six mois en vue d’accorder la préférence à l’installation pour la reprise du bien vacant.

La commission a adopté l’article 16 ainsi modifié.

Après l’article 16

M. Félix Leyzour a retiré un amendement tendant à modifier l’article L. 341-2 du code rural, après que le rapporteur eut indiqué que celui-ci trouverait mieux sa place après l’article 4 du projet de loi qui propose une nouvelle rédaction de l’article L. 341-1 du même code et que le dispositif restreindrait le champ des aides financières de l’Etat aux associés détenant plus de 75 % des parts représentatives du capital de la société, au lieu de 50 % actuellement.

Article 17

Révision du schéma directeur départemental des structures

Tirant les conséquences des nouvelles dispositions relatives au contrôle des structures des exploitations agricoles, cet article prévoit :

– la révision du schéma directeur départemental des structures, dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la loi d’orientation agricole. Ce document est, en effet, le fondement de la politique d’aménagement des structures d’exploitation puisqu’il en détermine les priorités et fixe les seuils de déclenchement du contrôle. Ses modalités d’élaboration sont les suivantes : après sa préparation sous l’autorité du préfet, le projet de schéma départemental est soumis à l’avis du conseil général, de la chambre d’agriculture et de la commission départementale d’orientation de l’agriculture, dont la composition est précisée à l’article R. 313-1 du code rural ; à l’issue de ces consultations, le schéma est arrêté par le préfet ;

– la mise en cohérence du futur schéma départemental des structures avec les orientations contenues dans le projet agricole départemental, lorsqu’il existe ;

– le maintien, à titre transitoire, des schémas directeurs départementaux jusqu’à l’approbation des schémas révisés.

La commission a adopté deux amendement proposés par le rapporteur, le premier étant de nature purement rédactionnelle (amendement n° 118), le second visant à préciser le dispositif transitoire (amendement n° 119).

Puis, elle a adopté l’article 17 ainsi modifié.

Chapitre III

STATUT DES CONJOINTS TRAVAILLANT DANS LES EXPLOITATIONS ET LES ENTREPRISES

Ce chapitre retrace plusieurs mesures relatives au statut des conjoints et, tout particulièrement, la création d’un statut de conjoint collaborateur, qui permet une amélioration des droits des personnes intéressées en matière d’assurance vieillesse ; mais il prévoit aussi une revalorisation des retraites ainsi que des mesures sur l’installation en agriculture.

La commission a adopté un amendement de M. Félix Leyzour modifiant l’intitulé du chapitre III, afin de mentionner le statut des retraités agricoles (amendement n° 121).

Article 18

(article L. 321-5 du code rural)

Création du statut de conjoint collaborateur

L’article 18 crée dans un article L. 321-5 du code rural un statut de conjoint collaborateur d’exploitation agricole, répondant ainsi à une demande traditionnelle du monde agricole. La mise en place de ce statut fait suite à de nombreuses réflexions menées à la suite tout particulièrement de l’adoption de l’article 46 de la loi “ de modernisation agricole ” du 1er février 1995.

Cette mesure apparaît comme un facteur décisif de modernisation et d’amélioration de la situation sociale des conjoints d’agriculteurs travaillant dans les exploitations.

Le conjoint du chef d’une exploitation agricole, qui ne prend la forme ni d’une société ni d’une coexploitation entre les conjoints peut y exercer son activité professionnelle, indique l’article 18 du projet de loi, en qualité de collaborateur d’exploitation agricole.

L’article 18 précise par ailleurs que le conjoint de l’associé d’une exploitation constituée sous forme de société peut également avoir cette qualité de collaborateur, dès lors qu’il y exerce son activité sans être associé de ladite société.

Ces principes posés, deux conditions sont toutefois prévues : le conjoint doit opter pour cette qualité de collaborateur en accord avec le chef d’exploitation dans les conditions prévues par un décret en Conseil d’Etat ; en outre, l’exploitation agricole concernée doit répondre à certaines conditions de consistance fixées à l’article 1003-7-1 du code rural (elle doit atteindre 80 % de la surface minimum d’installation).

L’article 18 dispose enfin que le conjoint collaborateur bénéficie de droits à l’assurance vieillesse des non salariés agricoles dans les conditions prévues aux chapitres IV (cas de la métropole) et IV-1 (cas des départements d’outre-mer) du titre II du livre VII, lorsque son conjoint relève du régime agricole et d’une créance de salaire différé dans les conditions fixées au chapitre Ier du titre II du livre III.

Rappelons, qu’actuellement, les conjoints d’agriculteurs qui n’ont pas opté pour le statut de coexploitant ou celui d’associé d’une exploitation sous forme sociétaire, sont présumés participer aux travaux de l’exploitation familiale (en application de l’article 1122-1 du code rural), sauf à exercer une activité professionnelle extérieure à l’exploitation. Ce statut de “ conjoint participant aux travaux ”, qui concerne actuellement 139 000 personnes et qui est donc appliqué par défaut, offre une couverture sociale, avantageuse à certains égards (le conjoint participant aux travaux est considéré, du point de vue de l’assurance maladie, comme ayant droit du chef d’exploitation et peut bénéficier d’une allocation de remplacement en cas de maternité), mais insuffisante à d’autres : en assurance vieillesse, le conjoint bénéficie d’une couverture de base obligatoire, mais ne peut prétendre à une part de retraite proportionnelle que par le jeu d’un partage des points acquis par l’exploitant. A la différence des aides familiaux, les conjoints n’ont en matière de retraite, qu’un droit à la retraite forfaitaire en contrepartie du versement d’une cotisation de 3 % sur les revenus professionnels acquittée par le chef d’exploitation. Même acquise dans les conditions de cotisations les plus favorables, cette retraite forfaitaire reste modeste, étant au plus égale à l’allocation aux vieux travailleurs salariés (soit 17 336 francs par an au 1er juillet 1998).

Votre rapporteur approuve totalement la mise en place du nouveau statut de conjoint collaborateur, notant, en particulier, que les agriculteurs réclament depuis longtemps un statut optionnel, qu’ils aient délibérément choisi, plutôt qu’un statut par défaut.

Lors de ses travaux, la commission a adopté un amendement de rédaction globale présenté par le rapporteur (amendement n° 120) et créant un statut de conjoint collaborateur sous réserve des dispositions du code rural prévoyant que des époux, qui exploitent ensemble un même fonds agricole, sont présumés s’être donnés mandat pour accomplir les actes d’administration nécessaires.

Article 19

(article 1122-1 du code rural)

Suppression progressive de la qualité de conjoint
participant aux travaux

Cet article modifie l’article 1122-1 du code rural. Il confirme tout d’abord que, comme actuellement, le conjoint du chef d’exploitation ou d’entreprise agricole ainsi d’ailleurs que les membres de la famille ont droit à une pension de retraite forfaitaire dans les conditions prévues à l’article 1121 du code rural.

Mais il est prévu également, qu’à compter du premier jour du mois suivant la publication du décret mentionné à l’article L. 321-5, article créé par l’article 18 du projet de loi, la qualité de conjoint participant aux travaux ne peut plus être acquise.

Cet article maintient donc la qualité de conjoint participant aux travaux ainsi que l’avantage de retraite forfaitaire qui y est attaché, en application de l’article 1122-1 du code rural. Mais, il complète ce dernier article par un nouvel alinéa, qui empêche l’acquisition de la qualité de conjoint participant aux travaux dans l’avenir, en tout cas à partir du premier jour du mois suivant la publication du décret en Conseil d’Etat prévu à l’article 18 du projet de loi, qui crée le statut de conjoint collaborateur.

Le nouveau statut de conjoint collaborateur se substituera donc progressivement à l’actuel, de conjoint participant aux travaux ; celui-ci s’appliquera aux conjoints qui n’opteront pas pour le nouveau statut, mais selon les indications transmises à votre rapporteur par les services du ministère de l’agriculture et de la pêche, cette situation devrait concerner un nombre très limité de conjoints travaillant sur les exploitations.

Le statut de conjoint participant aux travaux apparaît ainsi comme un statut fermé, en voie d’extinction.

Sur l’article 19, la commission a rejeté un amendement de M. Christian Jacob prévoyant que les conjoints participant aux travaux peuvent acquérir des droits à la retraite proportionnelle moyennant le versement des cotisations correspondantes.

La commission a ensuite adopté l’article 19 sans modification.

Article 20

(article 1122-1-1 du code rural) 

Retraite proportionnelle des conjoints collaborateurs

Cet article a pour objet la création d’un article 1122-1-1 dans le code rural.

Ce nouvel article prévoit très clairement que le conjoint d’un chef d’exploitation ou d’entreprise agricole qui a exercé une activité non salariée agricole et a opté pour le statut nouveau de collaborateur d’exploitation dans les conditions prévues par le décret en Conseil d’Etat mentionné à l’article 18 a droit à une pension de retraite comportant :

– une pension de retraite forfaitaire, sous réserve des dispositions du premier alinéa de l’article 1121-1 du code rural, lequel prévoit que : “ les personnes ayant exercé concurremment avec une activité salariée, une activité non salariée agricole ne présentant qu’un caractère accessoire peuvent seulement prétendre à la retraite proportionnelle ” ;

– une pension de retraite proportionnelle.

S’agissant de cette dernière, il est prévu que les conjoints collaborateurs se verront reconnaître des droits à concurrence de 16 points par an. A l’issue d’une carrière de 37,5 années, les intéressés percevront ainsi une retraite d’ensemble de 29 570 francs, ce qui correspond à une amélioration de l’ordre de 70 % par rapport à la situation actuelle.

Les effets de cette réforme seront malheureusement lents, en sorte que, dans les prochaines années, de nombreux assurés n’auront que des pensions minorées, du fait, qu’avant d’être chefs d’exploitation ou conjoints collaborateurs, ils ont été considérés comme conjoints participant aux travaux et qu’ils n’ont pu se constituer alors des droits à la retraite proportionnelle.

Aussi, l’article 20 offre-t-il une possibilité de rachat de points de retraite proportionnelle aux conjoints ayant eu le statut de conjoint participant aux travaux ; le rachat, possible dans les deux ans suivant la publication de la loi, porte sur les années antérieures à 1998 ; ses modalités seront fixées par décret. Il est prévu que les personnes concernées pourraient racheter pour chaque année 16 points.

Il est prévu également que le conjoint survivant du collaborateur d’exploitation a droit à une retraite de réversion d’un montant égal à un pourcentage, fixé par décret, de la retraite forfaitaire et proportionnelle dont bénéficiait ou eût bénéficié l’assuré décédé. Cette disposition rejoint ici le droit commun.

Sur cet article, la commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 122) puis l’article 20 ainsi modifié.

Article 21

(article 1123 du code rural)

Paiement par le chef d’exploitation de la cotisation d’assurance vieillesse du conjoint collaborateur

L’article 21 a pour objet de compléter le b) de l’article 1123 du code rural, en indiquant que le chef d’exploitation ou d’entreprise agricole, qui verse déjà une cotisation au titre de l’assurance vieillesse de chaque aide familial majeur doit acquitter également la cotisation de retraite du conjoint collaborateur, cotisation qui correspond à un certain pourcentage des revenus professionnels du chef d’exploitation dans la limite d’un plafond.

La commission a adopté un amendement de forme du rapporteur (amendement n° 123), puis cet article ainsi modifié.

Article 22

(article 1121-5 du code rural)

Revalorisation des retraites

Cet article qui crée l’article 1121-5 du code rural prévoit que les conjoints dont la retraite a pris effet après le 31 décembre 1997 bénéficient, à compter de sa date d’effet, d’une attribution gratuite de points de retraite proportionnelle, jusqu’à ce qu’ils aient pu, grâce au versement de cotisations ou par le rachat d’années antérieures, se constituer des droits à cette même retraite proportionnelle. Cette mesure s’applique également aux aides familiaux.

Il faut rappeler que les lois de finances pour 1997 puis pour 1998 ont permis déjà une revalorisation des retraites forfaitaires (de 1 500 francs en deux ans pour la loi de finances pour 1997, puis de 5 100 francs pour la loi de finances pour 1998). Le dispositif mis en place avec l’article 22 doit permettre de poursuivre cet effort de revalorisation au profit des personnes prenant leur retraite à l’avenir, jusqu’à ce qu’aient pris effet les dispositions du projet de loi visant à offrir aux conjoints la possibilité d’acquérir des droits à la retraite proportionnelle.

Il apparaît que la mesure prévue par l’article 22 permettra, pour un agriculteur ayant une carrière complète, de 37,5 années, le versement à partir de 1998, d’un supplément de retraite de l’ordre de 6 600 francs par an, soit l’équivalent de la majoration de la retraite forfaitaire attribuée aux retraités par les lois de finances pour 1997 puis 1998.

Votre rapporteur approuve les mesures prévues à l’article 22, qui permettront d’entamer un premier effort de revalorisation des pensions de retraite.

La commission a rejeté un amendement présenté par M. Christian Jacob prévoyant que les pensions de retraite devaient être au moins égales dans leur montant à 75 % du SMIC. Elle a ensuite adopté un amendement du rapporteur à portée rédactionnelle (amendement n° 124), puis l’article 22 ainsi modifié.

Article 23

(article 1106-3-1 du code rural)

Prise en charge des frais de remplacement en cas de maternité

Cet article a pour objet de modifier l’article 1106-3-1 du code rural et de prévoir que les personnes non salariées agricoles prenant part de manière constante aux travaux d’une exploitation agricole pourront en cas de maternité, ou de l’arrivée à leur foyer d’un enfant confié en vue de son adoption, bénéficier d’une prise en charge intégrale de leurs frais de remplacement.

La prise en charge par l’assurance maladie des exploitants agricoles n’est depuis 1991 que partielle, de 90 %, en sorte qu’une femme concernée sur trois seulement recourt à une possibilité de remplacement sur l’exploitation à l’occasion d’une maternité, ce qui pose un véritable problème de santé publique.

La commission a adopté un amendement de M. Jean Proriol visant à prévoir pour le congé de maternité des agricultrices une durée égale à celle qui est prévue pour les salariées (amendement n° 125).

La commission a ensuite adopté l’article 23 ainsi modifié.

Article 24

(article 1003-12 du code rural)

Cotisations des nouveaux installés

Cet article modifie sensiblement le paragraphe III de l’article 1003-12 du code rural relatif au versement de cotisations.

Il faut rappeler qu’actuellement, les personnes qui s’installent cotisent pendant les premières années sur une assiette forfaitaire, étant donné que leurs revenus réels ne sont pas connus. Ce même mécanisme s’applique dans l’hypothèse d’une reprise de l’exploitation par le conjoint ou lorsque le conjoint qui participait aux travaux opte pour le statut de coexploitant.

L’article 24 donne un caractère provisoire à l’assiette forfaitaire provisionnelle des cotisations sociales pour les chefs d’exploitation qui débutent leur activité ; dès que leurs revenus professionnels sont connus, les cotisations qu’ils doivent acquitter font, en effet, l’objet d’une régularisation.

L’article 24 prévoit ensuite que, par dérogation aux dispositions précédentes, les conjoints ayant participé aux travaux avant de s’installer en qualité de coexploitants ou d’associés acquitteront des cotisations assises sur la part correspondant à leur participation aux bénéfices dans les revenus du foyer fiscal et non sur une assiette forfaitaire. Pour les conjoints reprenant l’exploitation, l’assiette des cotisations sera constituée par les revenus dégagés par le cédant.

L’ensemble de ces mesures devrait avoir un effet d’encouragement à l’installation.

Au lieu de l’application d’une assiette forfaitaire de cotisations qui pouvait parfois mettre à la charge des agriculteurs des sommes supérieures aux revenus obtenus, les nouveaux exploitants acquitteront des cotisations calculées à partir de leurs revenus réels.

Cette mesure devrait de surcroît faciliter la gestion prévisionnelle des exploitations et permettre aux exploitants de mieux anticiper le montant de leurs charges sociales personnelles.

La modification ainsi prévue substitue ainsi à une législation uniforme, qui prévoyait une assiette forfaitaire définitive de cotisations sociales pour tous les nouveaux installés deux nouvelles réglementations, l’une prévoyant une assiette forfaitaire provisoire, l’autre une assiette spécifique en cas d’installation d’un conjoint en qualité de chef d’exploitation ou de transfert de cette qualité.

Les mesures prévues à l’article 24 font disparaître un obstacle à l’adoption par le conjoint d’un statut d’associé, de coexploitant ou de collaborateur et constituent ainsi le corollaire de la création de ce nouveau statut. Elles font disparaître des possibilités d’évasion des cotisations sociales par transfert de l’exploitation entre conjoints et contribuent ainsi à améliorer l’équité des cotisations sociales.

Tout en observant que la réforme ainsi prévue n’aura qu’une faible incidence financière, votre rapporteur approuve l’institution de ces nouveaux mécanismes, qui devraient constituer une incitation importante à l’installation.

Sur l’article 24, la commission a rejeté un amendement présenté par M. Jean Proriol visant à prévoir de nouvelles règles d’assiette pour les cotisations sociales acquittées par des conjoints transformant leur entreprise en société.

La commission a ensuite adopté l’article 24 sans modification.

Après l’article 24

La commission a rejeté un amendement de M. Jean Proriol prévoyant une réduction sur trois ans des cotisations sociales des jeunes agriculteurs bénéficiant des aides à l’installation, après que le rapporteur eut indiqué que de nombreux allègements étaient déjà intervenus en la matière au cours des dernières années.

Article 25

(article L. 321-21-1 du code rural)

Institution d’un salaire différé au profit
du conjoint survivant du chef d’exploitation

L’article 25 crée dans le code rural un article L. 321-21-1, qui dispose que le conjoint survivant d’un chef d’exploitation ou d’entreprise agricole, qui peut justifier avoir participé directement et effectivement (et donc non occasionnellement) pendant une durée d’au moins dix années à l’activité de l’exploitation, sans toutefois avoir perçu de salaire ni avoir été associé aux bénéfices et aux pertes de celle-ci, a droit à une créance dont le montant, fixé forfaitairement, correspond à 6240 fois le salaire minimum de croissance en vigueur au jour du décès dans la limite de 25 % de l’actif successoral.

L’article 25 du projet de loi prévoit que ce droit de créance est garanti sur la généralité des meubles, par le privilège inscrit au 4° de l’article 2101 du code civil, sur la généralité des immeubles, par le privilège inscrit au 2° de l’article 2104 du code civil et, sur les immeubles, par une hypothèque légale. Le montant des droits propres du conjoint survivant en cas de partage successoral est diminué de celui de ce salaire différé.

La notion de créance de salaire différé a été, il faut le noter, instituée dès 1939 au profit des descendants des chefs d’exploitation ayant participé aux travaux, mais qui, du fait de leur statut d’aides familiaux, ne percevaient aucune rémunération directe de leur travail. Des jeunes restés sur les exploitations de leurs parents pouvaient être ainsi rémunérés au moment de la succession.

Cette rémunération différée du travail gratuit a été plus récemment (1989) étendue aux conjoints d’artisans et de commerçants.

L’article 25 applique ainsi cette notion de salaire différé aux conjoints d’exploitants agricoles, par analogie avec les règles prévues dans les secteurs du commerce et de l’artisanat.

Votre rapporteur approuve tout à fait cette mesure très positive, qui apportera une amélioration de la situation financière des veuves d’exploitants agricoles, qui n’ont pu bénéficier d’aucune rémunération pour leurs activités au sein de l’exploitation.

Sur l’article 25, la commission a adopté un amendement de M. Jean Proriol, sur avis favorable du rapporteur, prévoyant que le conjoint survivant de l’associé d’une société peut bénéficier d’une créance de salaire différé (amendement n° 126). La commission a adopté ensuite un amendement rédactionnel présenté par le rapporteur (amendement n° 127) puis elle a adopté l’article 25 ainsi modifié.

Article 26

(articles 2101 et 2104 du code civil)

Coordination

Cet article de coordination avec l’article 25 vise à modifier les articles 2101 (4°) et 2104 (quatrième alinéa du 2°) du code civil. La créance de salaire différé constitue, en effet, une créance privilégiée sur la généralité des immeubles au sens du code civil, dont les articles 2101 et 2104 doivent être complétés en conséquence.

La commission a adopté cet article sans modification.

Après l’article 26 

La commission a rejeté quatre amendements, le premier de M. François Sauvadet prévoyant d’extraire les revenus fonciers de l’assiette des cotisations sociales, les trois autres de M. Félix Leyzour prévoyant une revalorisation des pensions des retraités agricoles.

Chapitre IV

DE L’EMPLOI SALARIÉ

Ce chapitre prévoit trois mesures portant sur l’emploi des salariés en agriculture, en particulier la création d’un “ titre emploi simplifié agricole ”. Il faut noter d’ailleurs que le nombre de salariés s’est accru en agriculture au cours des dernières années, ce mouvement semblant aller de pair avec l’agrandissement des exploitations et la technicité croissante des activités agricoles.

Article 27 

(article 1000-6 du code rural)

Création du titre emploi simplifié agricole

L’article 27 crée dans le titre premier du livre VII du code rural un nouveau chapitre, le chapitre IV intitulé “ Titre emploi simplifié agricole ”, qui comporte un seul article, l’article 1000-6.

Cet article apporte une innovation législative importante, en créant un nouveau dispositif destiné à simplifier les démarches administratives des employeurs et à les inciter ainsi à embaucher des salariés ou à régulariser des emplois existants.

La mesure prévue à l’article 27 élargit les dispositions relatives au “ chèque-emploi saisonnier ” prévues par une circulaire du 27 mars 1997 à tous les contrats à durée déterminée, permettant ainsi d’élargir et de pérenniser plusieurs expérimentations menées depuis deux ans.

L’article 27 autorise ainsi les employeurs à utiliser au moment de l’embauche d’un salarié un document unique, appelé “ titre emploi simplifié agricole ” (TESA) et délivré par les caisses de mutualité sociale agricole, pour accomplir de facto un ensemble de dix formalités. Six d’entre elles sont liées à l’embauche proprement dite :

– la déclaration préalable à l’embauche du salarié à la caisse de mutualité sociale agricole ;

– l’inscription du salarié sur le registre unique du personnel ;

– la remise d’un contrat de travail écrit au salarié ;

– la déclaration à la caisse de mutualité sociale agricole, en vue de l’immatriculation du salarié ;

– la déclaration en vue de l’abattement de cotisations pour embauche d’un travailleur occasionnel ;

– la déclaration à la médecine du travail enfin en vue de l’examen médical d’embauche.

Le “ titre emploi simplifié agricole ” (TESA) permet en outre d’accomplir quatre formalités à la fin de la relation de travail :

– la remise d’un bulletin de paie au salarié dont les mentions sont simplifiées ;

– l’inscription sur le livre de paie ;

– la remise au salarié d’une attestation lui permettant de faire valoir ses droits auprès des ASSEDIC ;

– la déclaration à la caisse de mutualité sociale agricole pour le calcul des cotisations sociales afférentes à l’emploi du salarié.

Le “ titre emploi simplifié agricole ” concerne, selon les termes mêmes de l’article 27, les employeurs du secteur de la production agricole (exploitants agricoles, entrepreneurs de travaux agricoles et forestiers et coopératives d’utilisation du matériel agricole).

Il semble que ce mécanisme doive concerner près de 150 000 employeurs et environ 600 000 salariés par an.

Il est indiscutable que le regroupement des nombreuses formalités prévues principalement par le code du travail en cas d’embauche ainsi que l’allégement des mentions exigées apportent une simplification substantielle de la tâche des employeurs. En outre, pour les salariés très souvent employés en agriculture pour de courtes durées, le dispositif retenu permet de penser que toutes les formalités seront remplies.

L’article 27 permet de ne pas mentionner le calcul des cotisations patronales sur le TESA et prévoit que, lorsqu’il est fait usage du TESA pour des travaux saisonniers, les salariés sont rémunérés à l’issue de chaque campagne saisonnière et au moins une fois par mois.

L’article 27 mentionne enfin l’intervention de deux décrets en Conseil d’Etat, l’un fixant notamment les mentions devant figurer sur le TESA ainsi que les parties de ce document qui doivent être signées par le salarié, l’autre précisant les modalités de mise en oeuvre du TESA dans les départements d’outre-mer.

Votre rapporteur approuve tout à fait la généralisation de ce mécanisme, d’abord appliqué à l’usage du “ chèque-emploi services ” pour les particuliers, dans le secteur viticole en 1995 en Alsace. Le TESA constitue un moyen décisif, en effet, d’encourager le développement du travail salarié agricole, étant considéré que le risque de précarisation doit être impérativement évité.

La commission a rejeté un amendement de M. Félix Leyzour prévoyant d’étendre le mécanisme du “ titre emploi simplifié agricole ” (TESA) aux titulaires de contrat à durée indéterminée puis elle a adopté un amendement de M. Joseph Parrenin étendant le bénéfice du TESA aux coopératives agricoles employant moins de cinq salariés permanents (amendement n° 128), trois amendements de MM. François Sauvadet, Jean Proriol et Christian Jacob fixant ce nombre à onze salariés devenant dès lors sans objet ainsi que l’amendement n° 18 de M. Jacques Rebillard qui étendait le TESA aux coopératives agricoles et aux entreprises privées du secteur agricole employant moins de cinq salariés permanents.

La commission a ensuite adopté l’article 27 ainsi modifié.

Article additionnel après l’article 27

(article L. 127-10 du code du travail)

Limitation des déplacements des salariés agricoles dans le cadre
de travaux effectués pour des groupements d’employeurs

La commission a adopté un amendement de M. Félix Leyzour portant article additionnel après l’article 27, insérant dans le code du travail un article L. 127-10, prévoyant que, pour les groupements d’employeurs faisant appel à des salariés agricoles, la zone géographique d’exécution du contrat ne peut prévoir que des déplacements limités (amendement n° 129).

Article 28

(article 1000-7 du code rural)

Création au niveau des départements
de comités d’oeuvres sociales et culturelles

L’article 28 crée dans le titre premier du livre VII du code rural un nouveau chapitre, le chapitre V, comportant un article 1000-7 qui prévoit la possibilité de constituer par voie conventionnelle des comités d’activités sociales et culturelles au bénéfice des salariés de la production agricole.

La création de ces comités résulte de conventions ou d’accords collectifs de travail qui sont conclus aux niveaux départemental, régional ou national puis font l’objet d’une extension.

Les comités sont constitués au plan des départements ; ils disposent de la personnalité morale et déterminent leurs règles de fonctionnement dans des règlements intérieurs. Leurs activités s’exercent au profit des salariés agricoles (salariés des exploitations de culture et d’élevage, des établissements de conchyliculture et de pisciculture, des entreprises de travaux forestiers et des entreprises de travaux agricoles) et de leurs familles employés dans des exploitations ou des entreprises agricoles comptant un effectif inférieur à cinquante salariés et qui n’ont pas dès lors de comité d’entreprise.

Les comités sont composés en nombre égal de représentants des organisations d’employeurs et de salariés agricoles représentatives dans le champ d’application des accords conclus. Les règles applicables apparaissent comme un “ décalque ” de celles qui s’appliquent aux comités d’entreprise.

C’est ainsi que l’article 28 prévoit que les comités exercent les attributions prévues pour les comités d’entreprise par l’article L. 432-8 du code du travail. De la même façon, les employeurs des salariés concernés ont l’obligation de verser aux comités des contributions assises sur la masse salariale brute, destinées à couvrir leur fonctionnement ainsi que les activités sociales et culturelles elles-mêmes. Enfin, il est prévu que les contributions versées et les avantages servis se voient appliquer en matière de prélèvements fiscaux et sociaux les règles existant pour les activités sociales et culturelles des comités d’entreprise.

L’article 28 prévoit enfin que chaque convention ou accord collectif à l’origine de la création des comités doit comporter certaines dispositions relatives :

– à la composition des comités et aux modalités de désignation des représentants ;

– aux modalités d’exercice des mandats détenus par les représentants des salariés ;

– au taux des contributions versées par les employeurs et à leurs modalités de recouvrement ;

– à la destination des fonds recouvrés et à leurs modalités d’utilisation.

Il faut noter que les entreprises de moins de cinquante salariés, nombre qui correspond au seuil de mise en place obligatoire d’un comité d’entreprise, représentent la quasi totalité des entreprises de la production agricole. Les petites entreprises ne pouvant supporter seules le coût de mise en place volontaire d’une telle institution, les salariés agricoles ne peuvent à l’heure actuelle bénéficier des activités sociales et culturelles développées par les comités d’entreprise au profit des salariés et de leurs familles.

Remarquons toutefois que, dans trois départements de la région Bretagne (les Côtes d’Armor, le Finistère et le Morbihan) des comités d’activités sociales et culturelles ont déjà été mis en place par voie d’accords collectifs. L’objet du projet de loi est ainsi de permettre l’extension à l’ensemble des salariés de la production de ces premières expériences, afin de répondre à des besoins réels (spectacles, voyages, animations). La procédure choisie apparaît très souple, puisqu’elle repose sur l’intervention d’une convention “ encadrée ” par la loi.

Votre rapporteur approuve la possibilité ainsi offerte par le projet de loi de mettre en place par voie conventionnelle dans l’avenir des comités d’oeuvres sociales et culturelles pour les salariés agricoles et leurs familles. Cette mesure de justice sociale, fortement réclamée par les organisations syndicales des salariés de l’agriculture pourrait d’ailleurs contribuer à rendre plus attractifs les emplois proposés par les petites entreprises du secteur.

La commission a rejeté deux amendements présentés par M. Félix Leyzour tendant à généraliser l’obligation de création des comités d’activités sociales et culturelles puis elle a adopté trois amendements visant à renforcer la cohérence du texte de l’article 28, deux d’entre eux étant présentés par M. Félix Leyzour, un autre par M. Michel Vergnier (amendements n°s 130 cor., 131 et 132 rect.).

La commission a ensuite adopté l’article 28 ainsi modifié.

Article 29 

(article L. 231-2-1 du code du travail)

Création au niveau des départements de commissions paritaires d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail en agriculture

Cet article prévoit l’institution au niveau de chaque département de commissions paritaires d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail en agriculture, complétant ainsi l’article 231-2-1 du code du travail. Ces commissions ont pour rôle de promouvoir la formation à la sécurité et de contribuer à l’amélioration des conditions d’hygiène et de sécurité dans les exploitations agricoles qui, du fait de leur taille, sont dépourvues de délégués du personnel et, à fortiori, de comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

De fait, le secteur agricole est l’un de ceux où les risques d’accidents du travail sont les plus grands ; cela est vrai tout particulièrement des activités forestières. D’après les indications transmises à votre rapporteur, il semble que, seul actuellement, le département de la Charente ait mis en place une commission paritaire d’hygiène et de sécurité.

L’article 29 du projet de loi prévoit que chaque commission comprend en nombre égal des représentants des organisations d’employeurs et de salariés les plus représentatives au plan national dans les branches professionnelles concernées ou encore des organisations locales représentatives dans les départements d’outre-mer nommés par le préfet.

Il est prévu que les commissions sont présidées alternativement par période d’un an par un représentant des salariés ou des employeurs.

Le temps passé par les représentants des salariés aux réunions des commissions est considéré et rémunéré comme temps de travail. Les intéressés bénéficient, par ailleurs, dans la limite de quatre heures par mois, d’une autorisation d’absence rémunérée pour exercer leurs fonctions. De la même façon, les représentants des employeurs bénéficient d’une indemnité forfaitaire représentative du temps passé.

Le fonds national de prévention prend en charge les frais de déplacement des différents membres de la commission, les salaires maintenus par les employeurs, les cotisations sociales afférentes et enfin les indemnités représentatives du temps passé. Enfin, les salariés désignés bénéficient de la protection contre le licenciement prévue par l’article 236-11 du code du travail.

Votre rapporteur observe avec intérêt l’institution de ces comités d’hygiène et de sécurité, qui répondait à une demande forte et devrait accentuer la prévention des risques professionnels et améliorer ainsi la sécurité au travail des salariés agricoles.

La commission a rejeté trois amendements de M. Félix Leyzour visant à améliorer les modalités d’exercice du mandat des membres des comités d’hygiène et de sécurité, le rapporteur ayant fait valoir que ces dispositions risquaient d’entraîner un surcroît de charges pour le fonds national de prévention.

La commission a adopté l’article 29 sans modification.

Article additionnel après l’article 29

Affiliation au régime social agricole des mandataires des sociétés
ou des caisses locales d’assurances mutuelles agricoles

La commission a adopté un amendement de M. François Patriat, rapporteur, portant article additionnel après l’article 29, prévoyant l’affiliation au régime des assurances sociales des personnes exerçant une activité de mandataires des sociétés ou des caisses locales d’assurances mutuelles agricoles (amendement n° 133), MM. Christian Jacob et Serge Poignant ayant manifesté leur accord avec M. François Patriat sur ce point.

TITRE III

ORGANISATION ÉCONOMIQUE

Avant l’article 30

La commission a rejeté un amendement de M. Félix Leyzour proposant de différencier la législation sur les coopératives selon qu’elles réalisent un chiffre d’affaires de plus ou moins 20 millions de francs, le rapporteur ayant fait observer que l’amendement ne mettait en place aucune mesure spécifique ou incitative et se limitait à les annoncer.

Article additionnel avant l’article 30

(article L. 551-1 du code rural)

Organisations de producteurs reconnues

M. François Sauvadet a présenté un amendement tendant à établir un statut des organisations de producteurs reconnues. Il a en effet estimé qu’il fallait donner aux agriculteurs les moyens juridiques de s’organiser pour relever le défi de la mondialisation des marchés.

Le rapporteur a fait part de ses réticences vis-à-vis du dispositif proposé dans la mesure où, d’une part, il donnait pour objet à ces organisations de producteurs l’accroissement de la concentration de l’offre et, d’autre part, il attribuait de droit, des priorités dans l’attribution des aides de l’État à ces organisations. Il a cité plusieurs exemples de crises de production de fruits et légumes qui n’avaient pas pu être empêchées malgré la concentration de l’offre. En conséquence, il a proposé de supprimer l’objectif d’accroître la concentration de l’offre dans le I de l’amendement et de prévoir, dans le II, que “ les producteurs organisés peuvent bénéficier de priorités ” afin de souligner que les aides doivent bénéficier aux exploitants et non à leurs organisations.

M. Christian Jacob a approuvé les propositions du rapporteur mais a fait remarquer que les crises de production de fruits et légumes pouvaient être, comme dans le cas du chou-fleur, provoquées par des conditions climatiques. M. Serge Poignant a, en revanche, déclaré préférer voter l’amendement sans modification. M. Joseph Parrenin a fait part de ses plus grandes réticences vis-à-vis de l’amendement, même modifié comme le propose le rapporteur ; il s’est interrogé sur l’aide que pourront apporter les coopératives ainsi reconnues aux secteurs en difficulté cités lors du débat.

M. Léonce Deprez a soutenu les propositions de sous-amendements du rapporteur. M. Germain Gengenwin a fait remarquer que l’amendement ne visait pas à organiser la concentration de l’offre mais à rendre les producteurs français opérationnels sur un marché devenu mondial.

Après des interventions du rapporteur, de MM. Jean Proriol et Jean Auclair, la commission a adopté les deux sous-amendements du rapporteur et l’amendement de M. François Sauvadet, portant article additionnel, ainsi modifié (amendement n° 134).

Chapitre IER

COOPÉRATION AGRICOLE

Le mouvement coopératif agricole est né des syndicats agricoles créés dans les années 1880. Les premières coopératives agricoles laitières ont été créées en 1890 et les coopératives vinicoles après la crise de 1904. La loi du 5 août 1920 a pour la première fois donné un statut à la coopération agricole ; il a été réformé par l’ordonnance du 26 septembre 1967 et les lois des 27 juin 1972, 12 juillet 1985, 3 janvier 1991 et 13 juillet 1992.

Les coopératives agricoles sont des sociétés à statut particulier. Elles sont soumises aux principes généraux régissant les sociétés (articles 1832 à 1844-17 du code civil) et la coopération (loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération) mais sont essentiellement régies par des règles autonomes fixées par la loi n° 72-516 du 27 juin 1972 sur les sociétés coopératives agricoles, codifiée sous le titre II du livre V du code rural (articles L. 521-1 à L. 529-11). Leur organisation et leur fonctionnement ne relèvent donc ni du régime des sociétés civiles ni de celui des sociétés commerciales. Leurs contrats ont un caractère civil ; les litiges ressortissent des juridictions civiles, sauf en cas de recours à un arbitrage ou en cas de contestation devant une juridiction commerciale d’un acte de commerce passé avec une personne n’ayant pas le statut de coopérateur.

Les coopératives agricoles sont constituées par des agriculteurs en vue d’organiser solidairement l’approvisionnement de leurs exploitations, d’améliorer leurs conditions de production et d’assurer l’écoulement de leurs produits. Elles ne poursuivent pas un but lucratif (d’où l’absence de distribution de dividendes et l’affectation des réserves, en cas de dissolution de la société, à d’autres coopératives ou à des oeuvres agricoles d’intérêt général) ; elles visent seulement à faciliter et développer les exploitations de leurs adhérents ou à améliorer ou accroître les résultats de leur activité économique (article L. 521-1 du code rural). Les sociétés coopératives agricoles peuvent s’unir entre elles librement ; leurs unions ont le statut de société coopérative agricole.

Les coopératives agricoles et leurs unions sont exclusivement constituées sous forme de sociétés à capital variable (article L. 521-2 du code rural). Les statuts de chaque coopérative déterminent l’objet de la société. L’article R. 521-1 du code rural fixe cependant un cadre limitatif à l’objet social des coopératives agricoles :

“ a) Assurer ou faciliter la production, l’écoulement ou la vente, notamment à l’exportation, des produits agricoles et forestiers, provenant exclusivement des exploitations de leurs associés coopérateurs, soit en l’état, immédiatement ou après conservation, soit après conditionnement ou transformation, ainsi que toutes opérations tendant à la constitution, l’amélioration, l’équipement, la conservation et la gestion d’un ou plusieurs massifs forestiers pour le compte de leurs associés coopérateurs ;

“ b) Assurer l’approvisionnement de leurs seuls associés coopérateurs en leur procurant les produits, les équipements, les instruments et les animaux nécessaires à leurs exploitations ou à leurs immeubles forestiers, étant entendu qu’elles peuvent fabriquer et préparer tous les produits nécessaires, notamment des aliments composés pour le bétail ou des engrais et procéder à la réparation et à l’entretien de machines et outils agricoles ;

“ c) Fournir à leurs seuls associés coopérateurs et pour l’usage exclusif de leurs exploitations agricoles et forestières tous services nécessaires à ces exploitations, notamment en mettant à leur disposition du matériel, des machines agricoles, des moyens d’entretien et de réparation, des animaux, des moyens de perfectionnement technique et de formation professionnelle, des organismes d’études, d’expérimentation et d’analyse, ainsi que le personnel spécialisé correspondant ;

“ d) Et, d’une manière générale, faire, pour le compte de leurs associés coopérateurs des opérations ou des travaux entrant normalement dans le cadre de la profession agricole. ”

Le principe fondamental régissant le fonctionnement des coopératives agricoles tient à l’obligation qu’elles ont de ne réaliser des opérations commerciales qu’avec leurs adhérents. Parallèlement, non seulement ces derniers ont l’obligation de souscrire une quote-part du capital de leur coopérative en fonction de leur engagement et de faire appel aux services de leur coopérative mais ne peuvent devenir coopérateurs que les personnes en mesure de travailler avec la coopérative. Cependant, l’article L. 522-5 du code rural autorise les coopératives à fournir des services à des exploitants non associés dès lors que leur valeur totale ne dépasse pas 20 % du chiffre d’affaires annuel de la coopérative et la loi leur permet de mettre à la disposition d’autres coopératives leurs biens et installations et d’accueillir parmi leurs adhérents des bailleurs de fonds non coopérateurs.

Par ailleurs, chaque adhérent dispose d’une voix au sein des assemblées générales, quelles que soient les parts détenues. Cependant, l’article L. 524-4 du code rural autorise les statuts des coopératives et de leurs unions à pondérer les voix des coopérateurs en fonction de l’importance de leur activité économique ou de la qualité de leurs engagements dans la coopération. Les mandats sociaux des coopérateurs sont en outre gratuits, même si des indemnités compensatrices de charges peuvent être accordées.

Il existe, en France, environ 3 800 coopératives agricoles dont l’activité est industrielle ou commerciale (sociétés coopératives, unions ou sociétés d’intérêt collectif agricole) et plus de 13 000 coopératives de service (essentiellement des coopératives d’utilisation de matériel agricole, CUMA ; 48 coopératives d’insémination artificielle ; 20 unions). Elles employaient, en 1996, 107 000 salariés (127 000 en englobant leurs filiales) et réalisaient 335 milliards de francs de chiffre d’affaires (404 milliards en englobant leurs filiales). On estime que neuf dixièmes des exploitations agricoles, qui sont au nombre d’environ 680 000, sont adhérentes d’une coopérative  (1)

A l’image de l’agriculture française, la coopération, qui est pourtant essentiellement tournée vers les PME, connaît un phénomène de concentration : deux tiers de son chiffre d’affaires sont aujourd’hui réalisés par moins de 10 % de ses adhérents. La constitution de groupements industriels et commerciaux coopératifs contribue cependant fortement à l’exportation et le développement de l’agriculture française comme le montre la liste suivante de ces principaux groupes français.

Le projet de loi vise à conforter la coopération agricole française en donnant un statut législatif au conseil supérieur de la coopération agricole et en permettant, à l’heure de la construction du marché unique, d’accueillir en tant qu’associés coopérateurs des agriculteurs étrangers implantés dans des zones frontalières appartenant au même bassin de production que les coopérateurs français. En outre, il adapte les modalités de contrôle des comptes des coopératives face à la constitution de groupes commerciaux imposants.

LES PREMIERS GROUPES COOPÉRATIFS AGRICOLES ET ALIMENTAIRES FRANÇAIS

Entreprises

activités principales

Marques principales

Chiffre d’affaires

SODIAAL

lait

yoplait ; candia

17 153 MF

SOCOPA

viande

socopa ; hit burger
val tendre

12 000 MF

UNCAA

approvisionnement

gamm vert

9 916 MF

COOPAGRI BRETAGNE

polyvalente

paysan breton

ovipac

8 654 MF

CANA

polyvalente

val d’ancenis

vivez leger

gastronomes

8 185 MF

SIGMA

céréales

 

7 450 MF

UNICOPA

polyvalente

rippoz, pic-pic

6 734 MF

CECAB

conserves

d’aucy

6 700 MF

CHAMPAGNE

CEREALES

céréales

malt

 

6 125 MF

Groupe LIMAGRAIN

bio-santé

semences

clause ;dolisos

pain jacquet ;vilmorin

5 227 MF

COOPERL

HUNAUDAYE

viande

calidel

4 720 MF

AGRALCO

polyvalente

florette

4 262 MF

Groupe EVEN

lait

even kerguelen

4 163 MF

Alliance AGRO-ALIMENTAIRE

lait

cantorel

capitoul ;pilpa

4 153 MF

Union SDA

sucre

 

3 440 MF

PAU-EURALIS

AGRO-INDUSTRIE

polyvalente

semences coop-de-pau rustica

3 334 MF

EPIS-CENTRE

cereales

 

3 000 MF

EURIAL-POITOURAINE

lait

grand fermage nactalia ;soignon

2 960 MF

CADS

polyvalente

 

2 698 MF

Données septembre 1997

Source : Confédération française de la coopération agricole.

parts de marché détenues par la coopération en 1996

Lait et produits laitiers

   

Céréales et oléo-protéagineux (*)

 

Collecte

47 %

 

Collecte

75 %

Lait de consommation

47 %

 

Malterie

32 %

Beurre

50 %

 

Maïserie

40 %

Poudre de lait écrémé

47 %

 

Meunerie

20 %

Fromages de vaches

28 %

 

Exportation

50 %

Fromages de chèvres

61 %

 

(*) Sociétés filiales comprises

 

Yaourts

26 %

 

Approvisionnement

 

(*) Sociétés filiales non comprises

   

Phytosanitaire

65 %

     

Engrais

60 %

     

Aliments du bétail (y compris filiales)

50 %

Bétail et viande

   

Vins

 

Jeunes bovins

61 %

 

Vinification de vins de table

60 %

Bovins (veaux non compris) (1)

38 %

 

Vins de pays

75 %

Bovins (veaux non compris) (2)

31 %

 

Vinification V.D.Q.S.

38 %

Porcins (1)

89 %

 

Vinification A.O.C.

40 %

Porcins (2)

47 %

 

Vinification de champagne

36 %

Ovins (1)

49 %

 

Cognac

2 %

Ovins (2)

32 %

 

Champagne commercialisé

8 %

Exportation de viande bovine

38 %

 

Exportation de vins de table

25 %

(1) Animaux contrôlés par les groupements de producteurs
(2) Abattage et commercialisation : sociétés filiales comprises

   

Exportation de V.Q.P.R.D.

29 %

     

Alcools

 

Fruits et légumes

   

Alcool de vin

70 %

Fruits frais

35 %

 

Alcool marc - lies

55 %

Légumes frais

35 %

 

Tartrate de chaux

80 %

Pommes de terre (conservation)

15 %

 

Pépins de raisins

70 %

Pommes de terre (plants)

25 %

 

Moûts concentrés rectifiés

100 %

Fruits au sirop

70 %

 

Transformation de betteraves

 

Pruneaux

45 %

 

Déshydratation de pulpe

98 %

Confitures

5 %

 

Production d’alcool/éthanol

55 %

Champignons appertisés

90 %

 

Production de sucre

25 %

Tomates transformées

60 %

 

Exportation de sucre

45 %

Légumes appertisés

60 %

 

Autres productions

 

4ème gamme (y compris filiales)

45 %

 

Déshydratation de luzerne

95 %

Légumes surgelés

50 %

 

Horticulture

10 %

Fruits surgelés

40 %

 

Huile d’olive

49 %

Exportation de fruits

60 %

 

Semences de céréales et oléagineux

70 %

Exportation de produits appertisés

30 %

 

Semences fourragères

60 %

     

Sylviculture

20 %

Aviculture (*)

   

Tabac

100 %

Oeufs

35 %

 

Teillage de lin

54 %

Volailles

42 %

 

Insémination artificielle

98 %

(*) Sociétés filiales comprises

Source Source : Confédération française de la coopération agricole.

 

LES PRINCIPAUX SECTEURS D’ACTIVITÉ DE

LA COOPÉRATION AGRICOLE

(% du chiffre d’affaires)

graphique

Article 30

(articles L. 522-1 et L. 522-2 du code rural)

Associés coopérateurs des zones frontalières

L’article L. 522-1 du code rural dresse la liste des personnes susceptibles de devenir associés coopérateurs. Le projet de loi ajoute à cette énumération les agriculteurs ou forestiers de nationalité d’un Etat de la Communauté européenne et implanté “ dans une zone contiguë à la circonscription de la société coopérative agricole ”.

Chaque société coopérative agricole définit sa zone d’activité. Celle-ci est implicitement agréée dans le cadre de l’agrément de la création des sociétés coopératives donné par le préfet du département (lorsque leur circonscription s’étend sur le département ou déborde au plus sur un arrondissement d’un département voisin) ou par le préfet de région (lorsque la circonscirption s’étend sur la région ou déborde au plus sur un arrondissement de la région voisine) ou par le ministre de l’agriculture (pour les unions et les coopératives dépassant le cadre régional). Lorsque le périmètre de la circonscription est ultérieurement étendu au-delà d’un département, l’autorité administrative doit donner son autorisation.

L’accueil d’associés coopérateurs européens ne passera pas par l’extension hors des frontières nationales de la circonscription des coopératives parce que la loi et les actes des autorités françaises sont soumis au principe de territorialité.

Par ailleurs, il convient de souligner que le projet de loi n’exige pas que l’exploitation de l’associé coopérateur européen soit contiguë à la frontière communautaire de la France. Ce qui est recherché est la constitution de circonscriptions couvrant un bassin de production, donc des circonscriptions homogènes, ce qui est le cas pour les zones d’activités actuelles des coopératives (sauf quelques exceptions justifiées par la spécificité de produits agricoles). L’exploitation étrangère pourra être distante de la frontière mais devra correspondre à l’unité économique des circonscriptions des coopératives.

Le II de l’article 30 du projet de loi complète les dispositions de l’article L. 522-2 pour permettre, de manière symétrique, aux coopératives et unions de coopératives étrangères de la Communauté européenne, dont la zone d’activité s’étendrait sur le territoire frontalier français, d’être accueillies en tant qu’associés coopérateurs d’une union de coopératives françaises. Elles seront ainsi placées sur un pied d’égalité par les sociétés coopératives agricoles et leurs unions françaises. La loi de l’Etat dont elles relèvent devra toutefois les autoriser à devenir de tels associés.

La commission a adopté l’article 30 sans modification.

Article 31

(article L. 524-6 du code rural)

Comptes consolidés des sociétés coopératives agricoles

Comme il a été décrit dans la présentation ci-dessus du chapitre premier, le processus de concentration économique se traduit par la constitution de sociétés coopératives prenant la forme de véritables groupes commerciaux agricoles intégrant des coopératives et leurs filiales et des sociétés commerciales. L’enjeu de la transparence comptable des sociétés coopératives devient dès lors très important.

L’article L. 524-6 actuel du code rural impose aux coopératives agricoles d’établir leurs comptes consolidés conformément aux dispositions applicables aux sociétés commerciales (articles 357-3 à 357-10 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales), mais l’établissement de tels comptes n’est exigée que pour les coopératives faisant appel public à l’épargne.

Le projet de loi étend l’obligation d’établir des comptes consolidés, conformément aux dispositions précitées de la loi sur les sociétés commerciales, à toutes les coopératives agricoles contrôlant une ou plusieurs entreprises de manière exclusive ou conjointe ou exerçant sur elles une influence notable. L’article 357-1 de la loi du 24 juillet 1966 précitée définit le contrôle exclusif et le contrôle conjoint et considère qu’une société disposant, directement ou indirectement, d’une fraction au moins égale au cinquième des droits de vote d’une entreprise, exerce sur elle une influence notable sur sa gestion et sa politique financière.

Le Gouvernement estime à deux cents le nombre de sociétés coopératives concernées par le dispositif proposé. En raison des fusions et absorptions en cours, ce nombre ne devrait cesser de croître.

Par ailleurs, l’article 31 du projet de loi complète les dispositions de l’article L. 524-6 sur la certification des comptes consolidés par les commissaires aux comptes. Les règles applicables en la matière sont celles prévues pour les comptes consolidés des sociétés anonymes (article 228 de la loi du 24 juillet 1966 ; le projet de loi précise que c’est le deuxième alinéa qui est applicable). Le projet de loi ajoute un renvoi aux dispositions du troisième alinéa de l’article 27 de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises : les coopératives agricoles, lorsqu’elles ne font pas appel à des commissaires inscrits sur la liste officielle prévue par l’article 219 de la loi du 24 juillet 1966, peuvent faire appel aux services d’analyse des comptes de la fédération de coopératives agréée prévue à l’article L. 527-1 du code rural. L’article R. 527-12 du code rural définit les modalités selon lesquelles des membres de ces fédérations peuvent exercer les fonctions de commissaires aux comptes. Si le projet de loi dispose que “ ceux-ci sont désignés... ”, le recours à ces analystes-réviseurs n’est nullement obligatoire puisqu’aux termes de la loi du 1er mars 1984 précitée à laquelle le projet de loi se réfère, l’utilisation de ces fédérations constitue une faculté (“ cette obligation peut être satisfaite par le recours... ”).

Cependant, lorsqu’une coopérative agricole fait appel à l’épargne publique, au moins un de ses commissaires aux comptes doit être choisi sur la liste officielle précitée.

Sur la proposition du rapporteur, la commission a adopté un amendement rédactionnel (amendement n° 135) et deux amendements visant à ne pas codifier les dispositions figurant à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 524-6 du code rural et fixant le moment d’entrée en vigueur des nouvelles dispositions de cet article (amendements nos 136 et 137). Puis, la commission a adopté l’article 31 ainsi modifié.

Article 32

(article L. 528-1 du code rural)

Conseil supérieur d’orientation de la coopération agricole

Le conseil supérieur de la coopération agricole a été institué par la voie réglementaire : son statut, ses pouvoirs, sa composition sont déterminés par les articles R. 528-7 du code rural. Ce conseil, présidé par le ministre de l’agriculture, a une mission consultative.

Le projet de loi crée un conseil supérieur d’orientation de la coopération agricole, en reprenant, pour l’essentiel, les dispositions mentionnées à l’article R. 528-1 du code rural. Seules la notion de développement de la politique en matière de coopération agricole, la référence aux préoccupations liées à l’aménagement du territoire et les dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 528-1 sont nouvelles.

La commission a rejeté un amendement de suppression de l’article présenté par M. Christian Jacob, qui estimait que l’existence d’un conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire était suffisante, puis a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur (amendements nos 138 et 139) et l’article 32 ainsi modifié.

Chapitre IER bis (nouveau)

OFFICES D’INTERVENTION

La commission a adopté un amendement du rapporteur portant article additionnel après l’article 32 et insérant celui-ci dans un chapitre I bis, dans le titre III, consacré aux offices d’intervention adopté par la commission (amendement n° 140 cor.).

Article additionnel après l’article 32

Offices d’intervention

La commission a adopté un amendement de M. Stéphane Alaize, portant article additionnel, visant à actualiser, en fonction des nouvelles orientations de la politique agricole proposées par le projet de loi, le statut et les missions des offices d’intervention dans le secteur agricole et alimentaire fixés par les articles premier et 3 de la loi n° 82-847 du 6 octobre 1982 relative à la création d’offices d’intervention dans le secteur agricole et alimentaire (amendement n° 140 cor.).

Chapitre II

ORGANISATION INTERPROFESSIONNELLE

La croissance forte de la production agricole française qui, à compter du milieu des années 1970, devint excédentaire par rapport aux besoins nationaux, l’ouverture des frontières aux échanges de produits agricoles et alimentaires qui démultiplia les marchés et les offres, l’industrialisation et la diversification de l’économie agricole, la constitution de grandes exploitations et la multiplication des demandes de produits, ont conduit les pouvoirs publics, à la demande des professionnels, à organiser les marchés agricoles.

La loi n° 60-808 du 5 août 1960 d’orientation agricole (article 32, codifié sous l’article L. 631-14 du code rural) a tout d’abord autorisé le ministre de l’agriculture à établir, avec les professions intéressées, des contrats types par produit. Cette première intervention timide produisit peu d’effets en raison du caractère non impératif des contrats types, de l’absence de procédure d’extension aux parties non signataires et de l’insuffisance des sanctions.

La loi n° 62-933 du 8 août 1962 complémentaire à la loi d’orientation agricole mit ensuite en place les groupements de producteurs (article 14, codifié à l’exception de son dernier alinéa sous les articles L. 551-1 et L. 551-2 du code rural). Ces organismes ont pour finalité d’établir, dans une région de production déterminée, des règles communes de mise en marché et d’harmoniser les disciplines de production, de commercialisation et de prix, au moyen d’accords conclus au sein de syndicats ou d’associations de producteurs (reconnus par les pouvoirs publics) ayant pour objet soit de normaliser les relations entre leurs membres et assurer l’exécution des contrats qu’ils ont conclus entre eux, soit de régulariser les cours des produits. Cette organisation par groupements vise essentiellement à ce que les producteurs ne se présentent pas en ordre dispersé sur le marché.

La loi n° 64-678 du 6 juillet 1964 tendant à définir les principes et les modalités du régime contractuel en agriculture engagea les acteurs économiques des marchés agricoles à adopter une démarche nouvelle en matière d’organisation interprofessionnelle, selon une approche économique plus globale. Plusieurs moyens contractuels sont offerts : les accords interprofessionnels à long terme, les conventions de campagne et les contrats d’intégration.

Les accords interprofessionnels à long terme (articles 2 à 8 et 14 à 16 de la loi du 6 juillet 1964 précitée) sont conclus entre les organisations professionnelles nationales les plus représentatives pour, dans le cadre d’un produit, d’activités et d’une zone définis, développer les débouchés, orienter qualitativement et quantitativement la production, améliorer les quantités produites, régulariser les prix et fixer les conditions générales de l’équilibre du marché et du déroulement des transactions. Ils peuvent être homologués par le ministre de l’agriculture et être étendus, à la demande unanime des signataires et après enquête publique, par arrêté interministériel afin de conférer à tout ou partie de leurs clauses un caractère obligatoire à l’égard des producteurs, acheteurs et transformateurs. Malgré le caractère innovant du dispositif, peu d’accords ont été conclus car il n’existait pas d’enceinte de rencontre des organisations professionnelles intéressées. La loi n° 75-600 du 10 juillet 1975 relative à l’organisation interprofessionnelle agricole remédia à cette lacune.

Les conventions de campagne (articles 9 à 16 de la loi du 6 juillet 1964 précitée) sont destinées à adapter les programmes d’exécution des accords interprofessionnels à long terme selon les besoins qui sont estimés chaque année. Elles fixent également les prix de campagne en fonction des coûts de production. Elles sont conclues par les organisations professionnelles signataires de l’accord interprofessionnel à long terme ; elles ont un caractère obligatoire en cas d’extension de l’accord.

Les contrats d’intégration (articles 17 à 22, codifiés sous les articles L. 326-1 à L. 326-10 du code rural) permettent aux producteurs et aux industriels et commerçants de conclure des accords comportant des obligations réciproques de fournitures de produits ou de services. Peuvent être ainsi négociés les volumes et cycles de production, les prix et délais de paiement, la qualité des produits, leur transformation et leur commercialisation. Ces contrats ont connu un grand succès dans le secteur des produits agricoles saisonniers (fruits et légumes surgelés ou mis en conserve) et de l’élevage des volailles.

Afin d’inciter à la conclusion d’accords interprofessionnels, la loi n° 75-600 du 10 juillet 1975 relative à l’organisation interprofessionnelle agricole (codifiée sous les articles L. 632-1 à L. 632-9 du code rural) a organisé le groupement des organisations professionnelles les plus représentatives de la production agricole et, selon le cas, de la transformation, du négoce et de la distribution au sein d’organisations interprofessionnelles reconnues par arrêté des ministres de l’agriculture et de l’économie. L’objet essentiel de ces interprofessions était, et reste, de conclure des accords à l’unanimité de leurs membres afin de pouvoir être étendus par les pouvoirs publics et rendus ainsi opposables à tous les acteurs de la filière concernés.

Aujourd’hui, les organisations interprofessionnelles reconnues jouent un rôle prédominant dans l’organisation des marchés agricoles et agro-alimentaires. Leur liste figure dans le tableau ci-après. Leur rôle n’est cependant pas exclusif. Les offices d’intervention (ONIC, OFIVAL, ONIVIN,...)(2) interviennent également pour appliquer les décisions de la Communauté européenne et faciliter l’organisation des marchés par des accords interprofessionnels, ce qui sous cette dernière mission les rend proches des organisations interprofessionnelles (le décret n° 88-253 du 15 mars 1988 permet d’ailleurs au ministre de l’agriculture de transférer à ces dernières, lorsqu’elles sont reconnues et à leur demande, des attributions des offices).

LISTE DES ORGANISATIONS INTERPROFESSIONNELLES RECONNUES

Interprofessions

Création ou décision de reconnaissance (arrêté d’application de la loi du 10 juillet 1975)

Association interprofessionnelle de la betterave à sucre

Arr. 7 mars 1997 (JO 24 avril)

Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais (Infertel)

Arr. 5 juillet 1976 (JO 29 juillet)

Association interprofessionnelle du lait et produits laitiers de brebis des Pyrénées-Atlantiques

Arr. 22 juillet 1992 (JO 8 août)

Association interprofessionnelle des plantes médicinales, aromatiques et industrielles

Arr. 7 août 1978 (JO 23 août)

Association interprofessionnelle des producteurs de betteraves et d’alcool de betteraves

Arr. 17 décembre 1976 (JO 8 janvier 1997)

Association interprofessionnelle Production Commercialisation des viandes (IPCV)

Arr. 20 août 1982 (JO 15 septembre)

Association martiniquaise interprofessionnelle de la viande et du bétail (AMIV)

Arr. 21 décembre 1992 (JO 12 janvier)

Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes (Interbev)

Arr. 18 novembre 1980 (JO 20 décembre)

Association nationale interprofessionnelle de l’économie cidricole (ANIEC)

Arr. 7 octobre 1975 (JO 15 octobre)

Association nationale interprofessionnelle des fruits et légumes transformés (ANIFELT)

Arr. 4 octobre 1976 (JO 27 octobre)

Association nationale interprofessionnelle de l’horticulture (Anihort)

Arr. 9 mars 1984 (JO 28 mars)

Association nationale interprofessionnelle du miel (Intermiel)

Arr. 26 juin 1987 (JO 8 juillet)

Association nationale interprofessionnelle du pigeon (ANIP)

Arr. 26 juillet 1991 (JO 13 août)

Association nationale interprofessionnelle porcine (Aniporc)

Arr. 9 septembre 1983 (JO 30 septembre)

Association nationale interprofessionnelle de la viande chevaline (ANIVC)

Arr. 11 février 1982 (JO 5 mars)

Association nationale interprofessionnelle des vins de table et des vins de pays (ANIVIT)

Arr. 28 juillet 1976 (JO 29 juillet, rect. 26 août)

Association réunionnaise interprofessionnelle du bétail, des viandes et du lait (ARIBEV)

Arr. 30 juillet 1979, modifié par arr. 24 août 1983 (JO 11 septembre)

Association réunionnaise interprofessionnelle de la volaille (ARIV)

Arr. 27 juin 1994 (JO 30 juin)

Bureau national interprofessionnel de l’Armagnac

Décret du 8 janvier 1962 puis
Arr. 11 septembre 1991 (JO 3 octobre)

Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne

Décrets de 1960 et 1966 puis
Arr. 24 juillet 1989 (JO 22 août)

Bureau interprofessionnel des vins du Centre

Arr. 1er décembre 1993

Bureau national interprofessionnel du Calvados, du pommeau et des eaux-de-vie de cidre et de poiré

Décret du 11 octobre 1966 puis
Arr. 11 septembre 1991 (JO 3 octobre)

Bureau national interprofessionnel du Cognac

Loi du 27 septembre 1940 puis
Arr. 24 juillet 1989 (JO 22 août)

Bureau régional interprofessionnel du lait de chèvre de Poitou-Charentes

Arr. 5 février 1982 (JO 7 août)

Centre interprofessionnel laitier du sud-ouest (CILAISUD)

Arr. 26 août 1982 (JO 17 septembre)

Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (CNIEL)

Arrêté d’application de la loi n° 74-639 du 12 juillet 1974 relative à l’organisation interprofessionnelle laitière

Centre régional interprofessionnel de l’économie laitière (CRIEL) - Blois (Centre)

Arr. 26 août 1982 (JO 17 septembre) spécifique au lait de chèvre

Centre régional interprofessionnel de l’économie laitière (CRIEL) - Lyon (Rhône-Alpes)

Arr. 26 août 1982 (JO 17 septembre) : lait de chèvre

Comité interprofessionnel de la banane

Arr. 24 juillet 1989 (JO 22 août)

Comité interprofessionnel de la dinde française (CIDEF)

Arr. 24 juin 1976 (JO 26 août)

Comité interprofessionnel du Floc de Gascogne (CIFC)

Arr.1er février 1991 (JO 19 février)

Comité interprofessionnel des fromages produits dans le département du Cantal et dans l’aire géographique de l’appellation d’origine Cantal

Décret du 9 février 1965 puis loi n° 90-559 du 4 juillet 1990, art. 4 et 8 (JO 6 juillet)

Comité interprofessionnel du gruyère de Comté

Décret du 11 juin 1963 puis loi n° 90-559 du 4 juillet 1990, art. 4 et 8 (JO 6 juillet)

Comité interprofessionnel des huiles essentielles françaises

Arr. 17 novembre 1997 (JO 20 décembre)

Comité interprofessionnel de la pintade française (CIP)

Arr. 9 mai 1988 (JO 11 mai)

Comité interprofessionnel des vins d’Alsace

Décret du 22 avril 1963

Comité interprofessionnel des vins d’Anjou et de Saumur

Loi du 16 juillet 1952

Comité interprofessionnel des vins de Bordeaux

Loi du 18 août 1948 puis décret du 16 février 1976 validé par la loi de 1977

Comité interprofessionnel des vins de Champagne

Loi du 12 avril 1941

Comité interprofessionnel des vins des Côtes de Provence

Loi du 28 juin 1956

Comité interprofessionnel des vins d’AOC “ Côtes du Rhône ” et de la “ Vallée du Rhône ”

Arr. 24 juillet 1989 (JO 22 août)

Comité interprofessionnel des vins d’AOC du Jura

Arr. 9 décembre 1997 (JO 20 décembre)

Comité interprofessionnel des vins d’appellation d’origine contrôlée de Nantes (CIVN).

Arr. 1er mars 1990 (JO 20 mars)

Comité interprofessionnel des vins d’appellation d’origine de la Touraine et du Coeur Val de Loire (CIVTL)

Arr. 3 novembre 1992 (JO 20 novembre)

Comité interprofessionnel des vins de Savoie

Arr. 26 juin 1987 (JO 8 juillet)

Comité interprofessionnel des vins du sud-ouest

Arr. 17 novembre 1997 (JO 20 décembre)

Comité interprofessionnel des vins doux naturels

Loi du 2 avril 1943

Comité interprofessionnel des vins de Gaillac

Décret du 25 septembre 1959

Comité interprofessionnel des vins de la région de Bergerac

Arr. 1er décembre 1993

Comité national interprofessionnel des palmipèdes de foie gras (Cifog)

Arr.15 septembre 1987

Comité national interprofessionnel de la pomme de terre (CNIPT)

Arr. 27 juillet 1977 (JO 6 août)

Comité national pour la promotion de l’oeuf (CNPO)

Arr. 12 mars 1996 (JO 10 avril)

Confédération générale des producteurs de lait de brebis et des industriels de Roquefort.

Arr. 19 avril 1988 (JO 26 avril)

Conseil interprofessionnel du rhum traditionnel des DOM (CIRT DOM).

Arr. 2 janvier 1996 (JO 19 janvier)

Conseil interprofessionnel des vins du Languedoc

Arr. 6 septembre 1994 (JO 21 septembre)

Groupement national interprofessionnel de promotion des Côtes du Roussillon et des Côtes du Roussillon Village

Arr. 25 avril 1980 (JO 3 mai)

Groupement national interprofessionnel de la pomme de terre industrielle et des industries de transformation (GIPT)

Arr. 23 août 1989 (JO 6 septembre) (section féculerie)
Arr. 5 septembre 1991 (section transformation)

Groupement national interprofessionnel des semences et des plants

Décret du 18 mai 1962

Interprofession de la chicorée de France

Arr. 15 février 1989 (JO 2 mars)

Interprofession Production et Commercialisation des viandes de Guadeloupe

Arr. 20 août 1982

Organisation nationale interprofessionnelle des oléagineux (ONIDOL)

Arr. 20 mars 1978 (JO 5 avril)

Syndicat interprofessionnel des Costières du Gard

Arr. 4 décembre 1980 (JO 10 décembre)

Union nationale interprofessionnelle des plantes riches en protéines (protéagineux) (UNIP)

Arr. 24 juin 1976 (JO 28 août)

Union interprofessionnelle des vins du Beaujolais (UIVB)

Décret du 25 septembre 1959 puis
Arr. 1er février 1991 (JO 19 février)

Union interprofessionnelle du vin de Cahors (UIVC)

Arr. 20 mai 1977 (JO 16 juin) et 11 mai 1982 (JO 29 mai)

Union interprofessionnel des vins des Côtes de Duras (UIVCD)

Arr. 18 juillet 1984 (JO 25 juillet)

Les dispositions de la loi du 10 juillet 1975 précitée ont été modifiées à trois reprises :

– par la loi n° 80-502 du 4 juillet 1980 d’orientation agricole (articles 10 à 13) qui a établi une nouvelle rédaction des articles premier et 2 pour :

·  introduire un avis du conseil supérieur d’orientation de l’économie agricole et alimentaire dans la procédure de reconnaissance,

·  permettre la reconnaissance d’interprofessions tant au niveau national qu’au niveau des zones de production,

·  prévoir la représentation des interprofessions régionales au sein de leur interprofession nationale,

·  organiser la procédure de conciliation et d’arbitrage en cas de litige sur l’application des accords (qui devient obligatoire pour les interprofessions reconnues),

·  étendre l’objet des accords conclus dans le cadre d’une organisation interprofessionnelle à la mise en oeuvre des règles de mise en marché, de prix et de conditions de paiement, à la qualité des produits et à la promotion du produit sur les marchés intérieurs et extérieurs,

·  porter de deux à trois mois le délai dont dispose l’autorité administrative pour statuer sur une demande d’extension,

·  prévoir que cette demande est réputée acceptée en cas d’absence de notification d’une décision par l’administration à l’issue de ce délai de trois mois,

·  imposer la motivation des refus d’extension,

·  faire bénéficier les accords étendus des dérogations légales à l’interdiction des ententes anticoncurrentielles (article 3 de l’ordonnance n° 67-835 du 28 septembre 1967) ;

la loi du 4 juillet 1980 a également modifié les articles 3 et 4 pour étendre aux produits importés l’assiette des cotisations pouvant être prélevées par les interprofessions et pour aménager le régime des réparations judiciaires ; elle a enfin introduit un article 4 bis permettant d’utiliser la procédure d’opposition de l’article 1143-2 du code rural en cas de non-paiement après trois mois des cotisations ;

– par l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence (article 60, VIII) pour substituer à la référence à l’article 3 de l’ordonnance du 28 septembre 1967 précitée une référence du 1 de l’article 10 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ;

– par la loi n° 95-95 du 1er février 1995 de modernisation de l’agriculture qui a établi une nouvelle rédaction de l’article 2 pour :

·  étendre et préciser l’objet des accords conclus dans le cadre d’une organisation interprofessionnelle, qui peuvent désormais porter sur les mécanismes du marché, sur l’amélioration du fonctionnement, de la maîtrise et de la transparence du marché, sur l’élaboration et la mise en oeuvre de disciplines de qualité et de règles de définition, de conditionnement, de transport et de présentation des produits, sur l’organisation et l’harmonisation des pratiques et relations professionnelles ou interprofessionnelles et sur la réalisation de programmes de recherche appliquée, d’expérimentation et de développement,

·  ramener à deux mois le délai dont dispose l’autorité administrative pour statuer sur une demande d’extension,

·  préciser que les organisations interprofessionnelles reconnues peuvent demander au Gouvernement de prendre un décret d’exemption au titre des dérogations à l’interdiction des ententes anticoncurrentielles.

La loi du 10 juillet 1975 a, en somme, été essentiellement modifiée pour élargir l’objet des accords étendus, modifier la procédure d’extension et articuler les accords interprofessionnels étendus avec le droit de la concurrence. Le projet de loi soumis au Parlement ne propose aucune modification du champ d’application des accords étendus, mais il :

– précise les missions des organisations interprofessionnelles,

– autorise leur constitution dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture,

– associe de manière plus large les interprofessions à la définition de la politique agricole et de filière,

– permet l’évaluation d’office des assiettes de cotisation,

– prévoit la remise d’un rapport annuel d’activité,

– apporte d’importantes précisions sur les dérogations possibles à l’interdiction des ententes anticoncurrentielles,

– propose des adaptations de la procédure d’extension.

Article 33

(article premier de la loi n° 75-600 du 10 juillet 1975
relative à l’organisation interprofessionnelle agricole)

Statut et prérogatives des organisations interprofessionnelles

L’article 33 du projet de loi propose une nouvelle rédaction de l’ensemble de l’article premier de la loi n° 75-600 du 10 juillet 1975 relative à l’organisation interprofessionnelle agricole, qui a été codifié sous les articles L. 632-1 et L. 632-2 du code rural par la loi n° 98-565 du 8 juillet 1998 relative à la partie législative du livre VI (nouveau) du code rural. La commission a adopté un amendement du rapporteur modifiant les références figurant dans le projet de loi afin de prendre en compte cette codification (amendement n° 141). La rédaction actuelle des articles L. 632-1 (I et II de l’article) et L. 632-2 (III et IV de l’article) résulte de l’article 10 de la loi n° 80-502 du 4 juillet 1980 d’orientation agricole.

En 1975, l’article premier de la loi n° 75-600 du 10 juillet 1975 définissait de manière succincte le statut des organisations interprofessionnelles :

“ Art. 1er.– Les organismes constitués par les organisations professionnelles les plus représentatives de la production agricole et, selon les cas, de la transformation, du négoce et de la distribution, représentant les divers intérêts en présence, peuvent être reconnus en qualité d’organisations interprofessionnelles par arrêté conjoint du ministre de l’agriculture et du ministre de l’économie et des finances.

“ Il ne peut être reconnu qu’une seule organisation interprofessionnelle par produit ou groupe de produits déterminés. ”

La loi n° 80-502 du 4 juillet 1980 précitée (article 10) a complété ces dispositions pour :

– soumettre la reconnaissance d’une organisation interprofes-sionnelle à l’avis préalable du Conseil supérieur d’orientation de l’économie agricole et alimentaire (CSO) (3), créé par ladite loi du 4 juillet 1980 pour représenter auprès du ministre l’ensemble des acteurs du secteur agro-alimentaire ;

– permettre la reconnaissance d’organisations interprofessionnelles tant au niveau national qu’au niveau d’une zone de production ;

– assurer la représentation des organisations interprofessionnelles régionales au sein de l’organisation interprofessionnelle nationale par la constitution de comités régionaux au sein de cette dernière ;

– imposer aux organisations interprofessionnelles souhaitant être reconnues de prévoir dans leurs statuts la désignation d’une instance de conciliation en cas de litige lié à l’application des accords interprofessionnels et déférer le litige à l’arbitrage en cas d’échec de la conciliation (les tribunaux judiciaires étant compétents en cas de recours relatif à cet arbitrage).

Le projet de loi ne remet pas en cause le dispositif issu de la loi du 4 juillet 1980 mais le complète et étend le domaine d’intervention des organisations interprofessionnelles. Les modifications qu’il apporte à l’article premier de la loi du 10 juillet 1975 peuvent être regroupées selon sept objectifs :

– étendre au secteur sylvicole et au secteur de la pêche maritime et de l’aquaculture le dispositif de la loi ;

– inclure les organisations professionnelles les plus représentatives de la production sylvicole et de la distribution dans les groupements interprofessionnels agricoles ;

– inscrire dans la loi les objectifs poursuivis par les organisations interprofessionnelles reconnues ;

– permettre la constitution d’organisations interprofessionnelles spécifiques à une appellation d’origine contrôlée (AOC), un label, une certification de conformité ou un produit issu de l’agriculture biologique ;

– permettre la participation des organisations interprofessionnelles reconnues aux politiques de filière et aux politiques économiques nationale et communautaire, ainsi que leur association aux organisations représentatives des consommateurs et des salariés ;

– préciser les modalités de retrait d’une reconnaissance ;

– préciser les limites légales imposées aux interprofessions spécifiques à un produit bénéficiant d’une signe de qualité protégé au regard de l’interdiction des ententes anticoncurrentielles.

M. Christian Jacob a présenté un amendement de suppression de l’article 33 au motif que celui-ci propose d’autoriser la création d’interprofessions reconnues pour des produits issus de l’agriculture biologique. Il a estimé que la mission des interprofessions était de faciliter la mise sur le marché d’un produit mais qu’elles ne devaient pas être liées au mode de production de ce produit. Le rapporteur ayant fait valoir que l’article 33 contenait d’autres réformes importantes que celle sur l’agriculture biologique, M. Christian Jacob a retiré son amendement.

a) L’extension des interprofessions aux secteurs de la sylvi-culture, de la pêche et de l’aquaculture

Depuis 1975, les organisations interprofessionnelles reconnues ont été constituées, conformément aux termes de la loi, par les organisations professionnelles les plus représentatives de la production agricole auxquelles se joignaient selon le cas celles de la transformation ou de la commercialisation. La présentation d’une demande de reconnaissance d’une interprofession régionale par des producteurs et transformateurs de bois aquitains a conduit à s’interroger sur l’inclusion de la filière bois dans le champ d’application de la loi du 10 juillet 1975, aux termes de cette loi.

Le code rural ne définit pas la notion de production agricole. L’article L. 311-1 précise seulement les contours de la notion d’activité agricole sans définir l’acte de production agricole auquel pourtant il se réfère (voir l’article 6 du projet de loi). On doit cependant constater que si la tutelle ministérielle est la même pour l’agriculture et la sylviculture, le droit français a toujours distingué ces deux activités puisqu’il existe un code rural pour la première et un code forestier pour la seconde. On peut également relever que les articles premier des différentes lois d’orientation agricole (voir le commentaire de l’article 1er du projet de loi), qui ont défini les objectifs de la politique agricole française, ne se sont jamais référés expressément à la sylviculture.

C’est donc avant tout pour lever une ambiguïté du droit que le projet de loi vise les organisations professionnelles de la production sylvicole. Les besoins d’adaptation de la filière bois française à l’évolution quantitative et qualitative de l’offre et de la demande, ainsi que la nécessité de promouvoir le bois, brut et transformé, français, sont incontestables ; c’est pourquoi la conclusion d’accords interprofessionnels – et donc la concertation et la négociation entre propriétaires de forêts, producteurs de bois, transformateurs et négociants – doit être encouragée par les pouvoirs publics au même titre que les accords passés dans le secteur agro-alimentaire.

L’extension à la sylviculture du champ d’intervention des interprofessions reconnues conduira le Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire (CSO) à statuer en matière sylvicole. Or, il ne comporte aucun membre de ce secteur d’activité. Cependant, l’avant-dernier alinéa du I de l’article 4 de la loi n° 80-502 du 4 juillet 1980 d’orientation agricole a prévu que “ lorsque les problèmes de la forêt et de la transformation du bois sont évoqués au sein du Conseil supérieur d’orientation et de coordination, le Conseil supérieur de la forêt et des produits forestiers y est représenté ”. Par ce moyen, le CSO devra pouvoir accueillir parmi ses membres ayant voix délibérative des représentants de la production sylvicole.

La commission a rejeté un amendement de M. Jacques Le Nay proposant d’étendre à la production horticole et pépinière le champ d’application de la loi sur les interprofessions, le rapporteur ayant fait valoir que l’horticulture bénéficiait déjà des dispositions de cette loi puisqu’une interprofession horticole avait été créée, en 1984, sur son fondement. Le rapporteur a également fait remarquer que l’extension explicite à la sylviculture était rendue nécessaire par l’existence d’un code forestier distinct du code rural.

La possibilité de reconnaître une organisation interprofessionnelle dans le secteur de la pêche maritime et de l’aquaculture, qui est ouverte par le dernier alinéa du I du présent article, traduit une demande des organisations professionnelles. Le Gouvernement met en œuvre une politique globale de soutien de ce secteur, qui s’est notamment traduite par l’adoption de la loi n° 97-1051 du 18 novembre 1997 d’orientation sur la pêche maritime et les cultures marines. Celle-ci a en particulier renforcé les pouvoirs des organisations de producteurs auxquelles la gestion de certains quotas de captures et des sous-quotas répartis par l’administration a été confiée, institué un office d’intervention chargé de gérer les produits de la mer et de l’aquaculture et soumis les criées à un agrément sanitaire ce qui conduira à en limiter le nombre. La reconnaissance d’organisations interprofessionnelles de la pêche apparaît comme un moyen de structurer le secteur sans interventionnisme excessif de l’Etat, c’est-à-dire en laissant aux partenaires économiques le soin et la responsabilité de déterminer entre eux, par la négociation, les mesures d’adaptation de la production et de promotion de celle-ci et les objectifs poursuivis en commun dans l’intérêt du secteur et des consommateurs.

La gestion des marchés de poissons et crustacés et de mollusques passe en effet par une entente sur ces objectifs entre les pêcheurs, mareyeurs et revendeurs ou distributeurs. Le cœur du secteur de la pêche maritime est la criée ; elle est le lieu de rencontre de l’offre et de la demande qui détermine l’équilibre économique du secteur selon le mécanisme du marché au cadran. La meilleure organisation ou groupement de pêcheurs ou producteurs est insuffisante pour assurer un développement pérenne du secteur car l’essentiel des problèmes que connaît celui-ci provient de la mise sur le marché des produits de la pêche ; il est donc nécessaire de favoriser la rencontre entre les acteurs directs ou indirects de la criée. Tel est l’objectif de ces nouvelles interprofessions reconnues.

Le régime de reconnaissance des interprofessions de la pêche maritime et de l’aquaculture est calqué sur celui applicable au secteur agricole et sylvicole. L’avis du Conseil supérieur d’orientation des politiques halieutique, aquacole et halio-alimentaire, institué par l’article 2 de la loi n° 97-1051 du 18 novembre 1997 précitée, est toutefois substitué à celui du Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire (CSO).

Les trois objectifs généraux des organisations interprofessionnelles reconnues, définis aux 2e, 3 e et 4e alinéas du I, sont transposables aux interprofessions reconnues de la pêche. Ces nouvelles interprofessions reconnues seront notamment en mesure de mettre en place deux types de mesures de nature à améliorer sensiblement la gestion des marchés : l’établissement d’un classement des poissons selon leur type et leur qualité, les criées d’une même région maritime souffrant d’une absence d’homogénéité en la matière (or la valeur marchande des produits dépend de ce classement) ; la mise en place d’un système d’information en temps réel des pêcheurs sur les besoins des mareyeurs des différentes criées de la zone de production (les pêcheurs pourront ainsi mieux réguler leurs débarquements et leurs pêches d’une manière générale).

S’il n’existe pas, à proprement parler, de zone de production en matière de pêche maritime, contrairement à l’aquaculture, le projet de loi entend renvoyer au travers de cette notion au rattachement des bateaux de pêche aux ports d’une zone maritime (Bretagne, Méditerranée, Manche et mer du Nord, par exemple). Ce qui est primordial, en effet, pour la gestion des marchés est le lieu de mise sur le marché, c’est-à-dire les sites des criées qui constituent la zone d’apport du poisson sur le marché. D’un point de vue économique le poisson est, en quelque sorte, produit lors de son débarquement sur le quai d’appontement.

b) L’inclusion des organisations de la distribution dans les interprofessions

Depuis 1980 (4), seules les organisations professionnelles les plus représentatives de la production agricole, de la transformation et de la commercialisation peuvent être membres d’une organisation interprofessionnelle reconnue. Juridiquement et économiquement, les entreprises de distribution sont des commerçants à part entière ; la distribution, c’est-à-dire la mise à la vente (directe ou à distance) auprès des consommateurs finals, est donc une étape ou un élément de la commercialisation d’un produit ou d’un service. Le fait que la loi du 10 juillet 1975 ne vise que l’activité de commercialisation n’a donc pas été un obstacle à la participation de la distribution à des interprofessions ayant fait l’objet d’une reconnaissance. Tel est le cas, par exemple, de l’association interprofessionnelle des fruits et légumes frais (Interfel) ou de l’association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes (Interbev).

Cependant, la plupart des groupements interprofessionnels considèrent que seuls relèvent de la commercialisation les commerçants intermédiaires, c’est-à-dire le commerce de gros, et en excluent donc le commerce de détail. Le stade de gros est en effet déterminant pour la mise sur le marché des denrées alimentaires et exerce un rôle historique, mais de plus en plus souvent les chaînes de grande distribution assument cette fonction de grossiste par leur centrale d’achat et leurs dépôts, ce qui leur permet de négocier directement avec les producteurs ou les transformateurs.

Le poids dominant de la grande distribution sur le marché des produits alimentaires est aujourd’hui un fait (5). Il paraît donc indispensable d’encourager les négociations avec la distribution. Intégrer ses représentants dans les interprofessions reconnues lorsque leur activité touche à la vente au détail peut donc déboucher sur des résultats positifs pour le secteur.

D’ores et déjà les pouvoirs publics incitaient fortement les interprofessions à intégrer la distribution. Ainsi un des critères d’examen des demandes de reconnaissance par le CSO consiste à voir si un représentant de la distribution est membre ou membre associé de l’interprofession.

L’obligation de la présence de la distribution dans les organisations interprofessionnelles serait contraire à l’esprit de volontariat présidant à la constitution des interprofessions. A contrario, la mention de la distribution dans la loi n’imposera pas aux interprofessions reconnues d’accueillir un de ses représentants. En effet, intégrer les représentants d’un nouveau secteur d’activité exige une révision des statuts et un vote de l’assemblée générale de l’interprofession, qui ne peut être acquis qu’à l’unanimité.

La commission a rejeté l’amendement n° 22 de M. François Rebillard proposant de ne faire participer la distribution aux interprofessions que si les autres organisations professionnelles en étaient d’accord. En effet, l’inclusion d’organisations de la distribution dans une interprofession impose de changer les statuts de l’interprofession, ce qui nécessite un vote à l’unanimité en assemblée générale. La proposition de M. Jacques Rebillard ne changeait donc rien à la situation actuelle. En revanche, elle risque de donner un signe négatif car l’avenir des interprofessions réside dans leur capacité à orienter toute une filière, y compris le stade de la distribution. Il faut donc inciter la distribution à y participer.

c) Les objectifs poursuivis par les interprofessions reconnues

Le projet de loi définit par trois alinéas les trois objectifs que doivent poursuivre les organisations interprofessionnelles reconnues.

Les deux premiers objectifs étaient implicites dans la loi du 10 juillet 1975 qui avait eu pour souci majeur de définir le cadre des accords étendus (qui sont la finalité matérielle de l’activité des interprofessions reconnues et la traduction de leur politique) et avait considéré qu’au travers de ce cadre inscrit en son article 2 les missions des interprofessions étaient cernées. Ces deux premiers objectifs reprennent donc l’existant. Ils mettent en relief trois missions des interprofessions reconnues :

– la négociation et la conclusion d’accords entre leurs membres ;

– la gestion des marchés selon une approche quantitative et qualitative ;

– la promotion des produits par des campagnes publicitaires, l’organisation de foires, etc. ; c’est un moyen d’orienter le marché qui peut même constituer l’activité principale d’une interprofession, comme dans le cas des interprofessions viticoles qui consacrent souvent plus de 50 % de leurs ressources aux dépenses de promotion. Un autre exemple de promotion connue des Français est le signe “ VBF ” (viande bovine française) mis en place et diffusé par Interbev en réaction à la crise due à l’encéphalopathie spongiforme bovine.

Le troisième objectif, tenant au renforcement de la sécurité alimentaire, est nouveau. Il répond aux inquiétudes nées de l’apparition de nouvelles maladies touchant les denrées alimentaires, en particulier la viande bovine. Il marque également le souci de mieux faire prendre en compte par les interprofessions reconnues les exigences des consommateurs.

Il convient de noter que la mention de la “ traçabilité des produits ” constitue la première référence à cette notion dans un texte de loi. L’expression est passée dans le langage courant ; elle désigne la capacité du détenteur d’un produit à connaître son historique (provenance, intervenants dans sa transformation et sa commercialisation). La norme ISO 8402 donne une définition précise de cette notion.

Le projet de loi cite conjointement à l’objectif de renforcement de la sécurité alimentaire la gestion des signes de qualité. Par coordination avec la terminologie employée à l’article 39 du projet de loi qui dresse la liste des signes d’identification de la qualité et de l’origine, la commission a adopté un amendement du rapporteur substituant à la notion de signes de qualité celle de signes d’identification mentionnés à l’article 39 du projet de loi (amendement n° 142).

Cet objectif est également guidé par le souci de prendre en compte les besoins et les préoccupations des consommateurs. En effet, en fonction de l’évolution du marché, de l’apparition de nouvelles demandes ou de nouvelles offres en termes de qualité ou de la formulation de nouvelles exigences de qualité par les pouvoirs publics, les partenaires au sein d’une interprofession peuvent éprouver le besoin de repositionner les signes d’identification de la qualité et de l’origine qu’ils utilisent. De tels signes ne sauraient en effet avoir un caractère définitif et ils doivent pouvoir évoluer, dans leur forme et surtout dans leur cahier des charges, en fonction du marché et de l’environnement économique et juridique.

Il faut souligner que la loi impose la poursuite conjuguée des trois groupes d’objectifs. Le souci de sécurité et de qualité devra donc être impérativement pris en compte par toutes les interprofessions reconnues. La formulation de ce troisième groupe d’objectifs ne s’adresse en conséquence pas exclusivement aux interprofessions spécifiques à une AOC, un label, une certification de conformité ou un produit issu de l’agriculture biologique, mises en place par le II du présent article.

M. Christian Jacob a proposé une nouvelle rédaction du troisième objectif afin de confier la mission aux interprofessions de “ proposer aux autorités compétentes des dispositions de nature à renforcer la sécurité alimentaire ”, dans la mesure où seuls les pouvoirs publics sont en mesure d’agir efficacement en faveur de la sécurité alimentaire à l’échelon national. Le rapporteur a fait valoir que l’amendement réduisait la portée de la disposition contenue dans le projet de loi puisque les interprofessions peuvent en tout état de cause soumettre aux autorités des propositions de réforme entrant dans le champ de leurs compétences. En outre, il est important d’attribuer aux interprofessions la mission de renforcer la sécurité alimentaire dans la mesure où une veille maximale en la matière est indispensable et où plusieurs d’entre elles souhaitent s’engager dans un contrôle de qualité en aval du stade de la production.

Après une intervention de M. Joseph Parrenin et de M. Léonce Deprez, dubitatifs quant à l’apport juridique de l’amendement, celui-ci a été rejeté par la commission.

La commission a ensuite examiné deux amendements identiques de MM. Jean Proriol et Christian Jacob proposant de charger les interprofessions de “ gérer les produits bénéficiant d’un signe de qualité ” et non de gérer ces signes. Le rapporteur a fait observer que la gestion des produits sous signe de qualité était prévue par le projet de loi au travers du deuxième objectif assigné aux interprofessions, à savoir la contribution à la gestion des marchés par une meilleure adaptation des produits aux plans quantitatif et qualitatif, et qu’il fallait effectivement permettre aux interprofessions de gérer les signes d’identification car ceux-ci sont évolutifs et doivent pouvoir être modifiés et repositionnés en fonction des besoins du marché. En conséquence, la commission a rejeté les deux amendements.

d) La reconnaissance d’interprofessions spécifiques à un signe d’identification de la qualité ou de l’origine

Depuis l’origine, en 1975, la loi a posé le principe de l’existence d’une seule interprofession reconnue par produit ou groupe de produits. Ce principe d’exclusivité n’est applicable qu’aux demandes de reconnaissance transmises sur le fondement de la loi du 10 juillet 1975 ; il ne remettait pas en cause les interprofessions viticoles qui sont toutes spécifiques, à l’exception de celle concernant les vins de table, car nombre d’entre elles sont antérieures à 1975 et car en l’absence d’interprofession nationale on considère qu’un vin d’appellation d’origine constitue en lui-même un produit qui a son propre marché.

Dans le cadre des mesures de promotion des signes d’identification de la qualité et de l’origine (voir les articles 39 à 42 du projet de loi), le Gouvernement propose d’autoriser la reconnaissance d’interprofessions spécifiques à une AOC, un label, une certification de conformité ou des produits issus de l’agriculture biologique (voir le commentaire des dispositions du titre IV du projet de loi pour l’analyse de ces signes).

Plusieurs demandes de reconnaissance de telles interprofessions ont été formulées auprès du ministère de l’agriculture. Elles concernent les appellations laitières. Ce secteur est en effet marqué par le poids du centre national interprofessionnel de l’économie laitière. Or plusieurs producteurs estiment que leurs produits laitiers possèdent leur marché spécifique qui se distingue nettement de celui du lait de base. Cette démarche de qualité pourrait également s’appliquer au secteur des fruits et légumes supervisé à l’échelon national par Interfel. L’interprofession de la noix de Grenoble pourrait, de même, être reconnue grâce à cette réforme législative.

En matière de produits issus de l’agriculture biologique, les interprofessions reconnues existantes commencent à mettre en place en leur sein des sections chargées des produits biologiques. Une demande de reconnaissance d’une interprofession de produits agricoles biologiques avait été soumise au CSO mais celui-ci avait émis un avis négatif au motif que ces produits ne pouvaient pas être considérés comme des produits à part entière au sens de la loi du 10 juillet 1975 ; en outre il avait estimé que les agriculteurs concernés cultivaient une large gamme de produits, ce qui n’était pas compatible avec le principe de spécialité des interprofessions reconnues (la notion de groupe de produits déterminés était largement dépassée).

La procédure de reconnaissance de ces interprofessions spécifiques sera identique à celle de droit commun (tel est le sens du mot “ également ” figurant au début du deuxième alinéa du II et de l’expression “ de même ” par laquelle débute le dernier alinéa). Deux compléments sont toutefois prévus par le projet de loi pour garantir la cohérence entre ces nouvelles interprofessions et les interprofessions à vocation générale :

– l’organisation interprofessionnelle générale doit agréer l’organisation spécifique. La référence à un agrément signifie que l’assemblée générale de l’interprofession doit approuver préalablement à sa constitution, la création de l’interprofession spécifique, sauf si ses statuts prévoient une autre procédure. La rédaction du projet de loi est sévère puisque cet agrément porte sur l’organisation spécifique elle-même et non sur sa reconnaissance ;

– les deux catégories d’interprofession doivent convenir de règles de coordination. Ces règles peuvent consister en la fixation de réunions conjointes périodiques, l’échange d’informations et la notification des accords conclus, mais un accord doit être conclu en bonne et due forme.

La commission a tout d’abord examiné un amendement de M. Yves Coussain tendant à supprimer la procédure d’agrément d’une interprofession spécifique et étendre aux appellations “ montagne ” la possibilité de créer des interprofessions spécifiques. Il a été retiré au motif qu’un amendement du rapporteur et un amendement de M. Joseph Parrenin ultérieurs lui donnent satisfaction. M. Christian Jacob a également retiré son amendement prévoyant de ne reconnaître qu’une interprofession par bassin de production et par catégorie de produits d’appellation d’origine contrôlée, au profit d’un amendement du rapporteur excluant du champ d’application des interprofessions spécifiques les vins d’appellation d’origine contrôlée, qui a été adopté par la commission (amendement n° 143). En effet, le dispositif sur les interprofessions spécifiques n’est pas adapté au secteur des vins où il n’existe pas d’interprofession spécifique, à part l’association nationale interprofessionnelle des vins de table et des vins de pays, mais seulement des interprofessions spécifiques à des appellations. L’autorisation de créer de nouvelles interprofessions spécifiques à des AOC aurait risqué de fractionner dangereusement les interprofessions existantes (par exemple, celles des vins de Bordeaux en des interprofessions du Margaux, du Saint-Émilion, des Graves, du Pomerol, du Saint-Julien, du Sauternes, etc.). La cohésion des appellations Bordeaux, Bourgogne, Alsace, Beaujolais, Anjou, etc. aurait été directement menacée.

La commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur permettant la création d’interprofessions pour une même indication géographique protégée (amendement n° 144). L’article 39 du projet de loi range en effet l’indication géographique protégée parmi les signes d’identification de la qualité et de l’origine reconnus par les pouvoirs publics au même titre que l’AOC, le label et la certification de conformité.

Par ailleurs, la commission a adopté un amendement du rapporteur substituant à la procédure d’agrément de l’interprofession spécifique par l’interprofession générale une procédure d’avis préalable à la reconnaissance et interdisant à l’interprofession spécifique de conclure un accord en l’absence de règles de coordination entre elle et l’organisation générale (amendement n° 145). La procédure d’agrément par l’organisation générale n’est en effet pas conforme au mécanisme de reconnaissance des interprofessions qui confie au seul Gouvernement le pouvoir de reconnaître une organisation interprofessionnelle.

M. Christian Jacob a ensuite proposé de supprimer le dernier alinéa du II de l’article au motif que la création d’interprofessions spécifiques à des produits de l’agriculture biologique handicaperait les interprofessions générales concernées, en particulier lorsque les produits sont gérés par une organisation commune de marché. Il a jugé préférable d’incorporer au sein des interprofessions des sections ou des sous-sections consacrées à l’agriculture biologique. Cette méthode permettrait de maintenir la gestion globale d’un marché par les interprofessions. M. Jean Proriol a défendu un amendement identique et fait remarquer qu’il ne traduisait aucune hostilité d’une agriculture traditionnelle envers une agriculture biologique.

Après une intervention de M. Léonce Deprez soutenant les deux amendements et de M. Joseph Parrenin hostile à leur adoption, le rapporteur s’est déclaré sensible à l’argumentation développée par M. Christian Jacob, tout en faisant valoir que les produits issus de l’agriculture biologique constituaient de plus en plus un véritable marché dont la croissance était très importante. Il a en revanche demandé que la proposition des membres du groupe socialiste d’étendre la possibilité de constituer des interprofessions spécifiques aux produits, autres que le vin d’appellation d’origine contrôlée, portant la dénomination “ montagne ” soit retenue.

A titre de compromis M. Christian Jacob a proposé d’adopter l’amendement de M. Joseph Parrenin en en retirant les dispositions relatives à l’agriculture biologique et de rédiger le dernier alinéa du II de l’article en se référant à la possibilité de créer au sein des interprofessions des sections consacrées aux produits issus de l’agriculture biologique. MM. Christian Jacob et Jean Proriol ont, en conséquence, retiré leur amendement et la commission a adopté l’amendement de M. Joseph Parrenin modifié conformément à la proposition de rédaction du dernier alinéa du II faite par M. Christian Jacob (amendement n° 146).

e) Les attributions consultatives des interprofessions reconnues

Le projet de loi complète les missions des organisations interprofessionnelles reconnues en leur confiant un certain nombre d’attributions consultatives (3e, 4e et 5e alinéas du III). Ces nouvelles attributions sont liées à l’extension des missions des interprofessions reconnues en direction des consommateurs, de la qualité et de l’organisation structurée de la totalité du marché.

En premier lieu, elles peuvent être consultées sur les orientations et les mesures des politiques de filière les concernant. Les orientations sont définies par le ministère en fonction des décisions de la Communauté européenne. Les mesures sont arrêtées par les offices d’intervention en fonction des décisions d’organisation commune des marchés prises à Bruxelles. En raison de la complexité des mécanismes actuels, il n’a pas paru opportun d’associer automatiquement les interprofessions. Si les offices d’intervention souhaitent une implication plus grande des interprofessions reconnues, ils peuvent leur déléguer certains de leurs pouvoirs, mais cette faculté n’a jamais été utilisée jusqu’à présent.

En second lieu, afin d’affirmer leur statut de partenaire actif, à qui on peut confier le soin d’élaborer et de mettre en oeuvre des mesures d’intérêt national (à l’exemple du signe “ VBF ” élaboré et diffusé par Interbev), le projet de loi affirme que les interprofessions reconnues contribuent à mettre en oeuvre les politiques économiques nationale et communautaire.

En dernier lieu, le projet de loi permet d’associer en tant que de besoin aux interprofessions reconnues les organisations représentatives des consommateurs et des salariés des entreprises du secteur. Cette participation n’est pas imposée ; elle relève d’une décision prise en opportunité par chaque interprofession reconnue. Elle est déjà possible en l’état actuel du droit, mais elle est très rare ; l’alinéa a donc un caractère avant tout incitatif. Les salariés visés sont tous ceux du secteur, ouvriers agricoles comme employés de l’industrie de la transformation. Les organisations représentatives de salariés sont celles reconnues comme telles par le code du travail. Les organisations représentatives des consommateurs sont celles reconnues comme telles par le ministère chargé de la consommation ou par l’Institut national de la consommation.

La commission a rejeté un amendement de M. Félix Leyzour proposant d’associer systématiquement aux interprofessions les organisations de consommateurs et de salariés, le rapporteur ayant fait valoir que l’objet des interprofessions était de contribuer à la gestion des marchés et que les producteurs ne devaient pas subir les diktats des organisations de consommateurs.

f) Le retrait de reconnaissance

La loi du 10 juillet 1975 ne faisait aucune allusion au retrait d’une reconnaissance. Par retrait, il faut comprendre la suppression ou la cession des effets de la décision de reconnaissance de l’interprofession ; il ne s’agit pas d’une référence à la notion de droit administratif du retrait ayant un caractère rétroactif car ce retrait éliminerait de l’ordonnancement juridique toute trace des décisions prises par l’interprofession, celles-ci étant annulées rétroactivement par le retrait. Il s’agit plutôt d’une mesure d’abrogation par acte contraire.

Plusieurs interprofessions reconnues tombent en désuétude ou ont cessé toute activité faute d’accord entre leurs membres et de moyens financiers. En outre, pour reconnaître une nouvelle interprofession il est indispensable de supprimer les anciennes ayant le même champ d’activité. Pour clarifier la situation il faut permettre au ministre de l’agriculture de supprimer leur reconnaissance. Les règles applicables en la matière doivent être guidées par le parallélisme des formes. Ainsi, il paraît indispensable que le CSO ou le Conseil supérieur d’orientation des politiques halieutique, aquacole et halio-alimentaire soit consulté préalablement à la décision de retrait, mais cette règle de procédure a un caractère réglementaire.

g) Les dérogations à l’interdiction des ententes anticoncurrentielles accordées aux interprofessions spécifiques

A la suite des crises agricoles ayant frappé en particulier les marchés des fruits et légumes frais et de la viande, notamment de porc, en 1995, le gouvernement de M. Alain Juppé avait décidé d’utiliser la faculté de prendre des décrets dits d’exemption ouverte par le 2 de l’article 10 de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence.

L’ordonnance du 1er décembre 1986 interdit, en son article 7, la constitution d’ententes (“ actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions ”) “ ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché. ” L’article 7 précité donne des exemples de situation où les ententes ont un tel caractère anticoncurrentiel : “ lorsqu’elles tendent à :

“ 1. Limiter l’accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d’autres entreprises ;

“ 2. Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ;

“ 3. Limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ;

“ 4. Répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement. ”

Dans la mesure où les produits ou les groupes de produits dont ont la charge les interprofessions forment un marché au sens économique du terme, les organisations interprofessionnelles reconnues sont susceptibles d’entrer dans le champ d’application de l’article 7 de l’ordonnance du 1er décembre 1986. Cependant, il convient de souligner que la constitution d’une interprofession ne saurait en elle-même présenter un caractère anticoncurrentiel. Seules des pratiques des interprofessions ou des missions qu’elles s’assigneraient (ou qu’un règlement leur confierait) peuvent entraîner des poursuites sur le fondement de cet article. Les interprofessions sont toutefois particulièrement exposées au regard des dispositions du 3 de l’article 7 ci-dessus reproduites.

L’article 10 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 précitée prévoit cependant deux types de dérogations à l’interdiction édictée par l’article 7 :

– les dérogations concernant les pratiques résultant de l’application d’une loi ou d’un texte réglementaire pris pour son application (1 de l’article 10) ;

– les dérogations concernant “ les pratiques dont les auteurs peuvent justifier qu’elles ont pour effet d’assurer un progrès économique et qu’elles réservent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, sans donner aux entreprises intéressées la possibilité d’éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause ” (2 de l’article 10). Afin de soutenir l’organisation des producteurs agricoles, la loi n° 96-588 du 1er juillet 1996 relative à la loyauté et l’équilibre des relations commerciales a précisé que ces dernières pratiques “ peuvent consister à organiser, pour les produits agricoles ou d’origine agricole, sous une même marque ou enseigne, les volumes et la qualité de production ainsi que la politique commerciale, y compris en convenant d’un prix de cession commun ”. En tous les cas ces pratiques ne sont tolérées que si elles “ sont indispensables pour atteindre cet objectif de progrès. ”

Les deux types de dérogations sont nettement distinctes car celles relevant du 1 de l’article 10 s’appliquent de plein droit alors que les secondes définies au 2 doivent être justifiées par leurs auteurs auprès du ministère chargé de l’économie ou du Conseil de la concurrence.

La loi n° 80-502 du 4 juillet 1980 d’orientation agricole a fait bénéficier les accords étendus des interprofessions reconnues de la dérogation prévue au 1 de l’article 10 (cette dérogation est inscrite à l’article L. 632-5 du code rural). Subsiste donc le problème de la compatibilité avec le droit de la concurrence des autres mesures d’organisation arrêtées par les interprofessions reconnues, qui forment la majorité des dispositions qu’elles adoptent.

Ces mesures prennent la forme de conventions et ne sont opposables qu’aux parties signataires. A la demande des organisations professionnelles agricoles et de la représentation parlementaire, le Gouvernement a décidé d’agir en utilisant les possibilités de dérogations ponctuelles découlant du 2 de l’article 10 de l’ordonnance et figurant au dernier alinéa de l’article 10.

En effet, le dernier alinéa de l’article 10 permet d’accorder des dérogations pour des accords ou des catégories d’accords répondant aux conditions définies au 2 de l’article 10. Cette exemption est accordée par décret pris après avis conforme du Conseil de la concurrence.

Sur ce fondement, deux décrets d’exemption ont été publiés pour la première fois le 11 juin 1996. Il s’agit des :

– décret n° 96-499 du 7 juin 1996 pris en application du dernier alinéa de l’article 10 de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relatif aux accords entre producteurs bénéficiant de signes de qualité dans le domaine agricole ;

– décret n° 96-500 du 7 juin 1996 pris en application du dernier alinéa de l’article 10 de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relatif aux accords entre producteurs agricoles ou entre producteurs agricoles et entreprises concernant des mesures d’adaptation à des situations de crise.

Ces décrets sont reproduits en annexe du présent rapport avec l’avis du Conseil de la concurrence les concernant.

Le IV du présent article (II de l’article L. 632-2 du code rural) reprend certaines des dispositions du premier décret. Ce décret porte exemption pour certains accords écrits passés entre des producteurs agricoles ou entre des producteurs agricoles et des entreprises bénéficiant d’un même label agricole ou intégrés dans une même filière bénéficiant d’une AOC ou de l’appellation “ agriculture biologique ”. Le contenu de ces accords est strictement encadré par le décret ; celui-ci n’autorise que les cinq restrictions de concurrence suivantes :

“ – une programmation prévisionnelle et coordonnée de la production en fonction des débouchés ;

“ – un plan d’amélioration de la qualité des produits ayant pour conséquence directe une limitation du volume de production ;

“ – une limitation des capacités de production ;

“ – en ce qui concerne les produits bénéficiant d’un label, une restriction temporaire à l’accès des nouveaux opérateurs, selon des critères objectifs et appliqués de manière non discriminatoire ;

– la fixation de prix de cession ou de prix de reprise des matières premières. ”

Le décret limite en outre à trois ans la durée d’application des accords. Ceux-ci doivent être notifiés aux ministres chargés de l’économie et de l’agriculture et le Bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes fait mention des accords et de leur notification.

Le dispositif du IV du présent article (II de l’article L. 632-2 du code rural) s’écarte sensiblement du décret n° 96-499 sur les points suivants :

·  Alors que les accords visés par le décret étaient réputés conformes à l’ordonnance du 1er décembre 1986 sur le fondement du 2 de son article 10, le projet de loi fait bénéficier les dispositions prises par les interprofessions spécifiques d’une dérogation sur le fondement du 1 de l’article 10. Cette différence fondamentale permet de rendre de plein droit légales les mesures arrêtées par ces interprofessions dès lors qu’elles répondent aux conditions fixées par le IV du présent article, tandis que les accords conclus en application du décret n° 96-499 peuvent être censurés par le Conseil de la concurrence ou le juge judiciaire car ils ne sont que réputés conformes à l’ordonnance.

·  Le décret n° 96-499 visait les accords passés entre les producteurs agricoles et entre ceux-ci et des entreprises (de toutes natures et de tous secteurs), tandis que le projet de loi concerne les “ dispositions prises par une interprofession spécifique à un produit sous signe officiel de qualité ”. Certes les mesures, non étendues, adoptées par une interprofession ont un caractère contractuel, mais les accords passés en application du décret pouvaient être conclus directement par les exploitants alors que les dispositions interprofessionnelles sont arrêtées par des organisations professionnelles et non des entreprises. Le projet de loi précise (avant-dernier alinéa du IV) que ces dispositions doivent être adoptées à l’unanimité. Elles peuvent donc apparaître comme constituant un accord étendu potentiel puisque ceux-ci doivent être adoptés à l’unanimité des membres de l’interprofession. Comme ces derniers accords bénéficient de droit de la dérogation du 1 de l’article 10, le dispositif proposé par le projet de loi est cohérent avec les règles de concurrence applicables aux interprofessions en général.

·  Le décret ne concernait que les marchés des labels agricoles, des AOC et des produits de l’agriculture biologique. Le projet de loi vise tous les signes d’identification de la qualité et de l’origine. 

·  Le projet de loi ne reprend que les trois premières restrictions de concurrence figurant dans le décret n° 96-499. Celles concernant les restrictions temporaires d’accès de nouveaux opérateurs aux labels agricoles et la fixation de prix de cession ou de reprise des matières premières ont été jugées, par le Gouvernement, particulièrement restrictives de concurrence dans le cadre des dérogations de plein droit du 1 de l’article 10 de l’ordonnance. En effet, si un accord mettait en place de telles mesures sur le fondement des dispositions du décret n° 96-499, celles-ci ne seraient que réputées conformes aux conditions posées par le 2 de l’article 10. Leur suspension ou annulation par le juge judiciaire ou le Conseil de la concurrence est possible, alors qu’avec le dispositif du projet de loi un recours en justice est toujours possible mais les mesures bénéficient d’une protection supérieure. En effet, la mesure qui résulterait des dispositions de la loi, c’est-à-dire qui aurait un lien direct et pertinent avec les situations définies par la loi, sera considérée par le juge comme bénéficiant d’une dérogation légale aux règles de concurrence définies à l’article 7 de l’ordonnance. Elle ne pourra donc pas être appréciée au regard du régime des ententes illicites mais seulement au regard de son lien avec les dispositions du IV du présent article et du respect des conditions qu’il fixe.

Cependant, il convient de souligner que les mesures adoptées par les interprofessions sur ce fondement devront en tout état de cause être conformes au traité de Rome dès lors qu’elles affectent les échanges intracommunautaires (ce qui sera toujours le cas en matière de produits agricoles ou alimentaires). Or son article 85 limite les dérogations à l’interdiction des ententes anticoncurrentielles aux accords ou pratiques concertées, limités au strict nécessaire, contribuant à améliorer la production ou la distribution des produits ou promouvant le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit (6). La Commission européenne et la Cour de justice des Communautés européennes ont toujours marqué leur hostilité à l’égard du système des interprofessions et pour le dispositif d’exemption légale applicable aux accords étendus sur le fondement du 1 de l’article 10 (voir l’affaire 136/86, CJCE, 3 décembre 1987, Bureau national interprofessionnel du Cognac). Il n’en demeure pas moins que la France n’a pas été condamnée en manquement pour sa législation sur les interprofessions.

En dernier lieu, il convient de souligner qu’aucun accord n’a été conclu et soumis à l’administration en application du décret n° 96-499, comme du décret n° 96-500. Le ministère de l’agriculture estime que le fondement juridique de l’exemption (2 de l’article 10) et la nécessité de conclure des accords entre opérateurs directs ont lourdement pesé. Le dispositif proposé au travers de la loi d’orientation agricole devrait donc contribuer à débloquer des situations grâce à l’exemption sur le fondement du 1 de l’article 10 et la négociation des mesures entre les organisations professionnelles.

Par ailleurs, le dispositif du IV du présent article a été moins conçu pour les AOC, qui bénéficient de mesures de protection déjà puissantes, consistant notamment en des limitations de production par la détermination de rendements annuels, que pour les autres signes de qualité. En matière d’AOC, les interprofessions interviennent essentiellement pour planifier la mise sur le marché. La limitation des capacités de production prévue au 4ème alinéa du IV ne pourra, en particulier, pas être applicable puisqu’il n’est juridiquement pas possible d’interdire à un exploitant respectant le cahier des charges d’une AOC d’obtenir l’agrément.

Après avoir adopté un amendement rédactionnel portant sur le début du premier alinéa du IV (amendement n° 147), la commission a été saisie de quatre amendements de MM. François Patriat, Jacques Rebillard (amendement n° 21), François Sauvadet et Serge Poignant (amendement n° 44) tendant à permettre aux accords de qualité de contenir des clauses sur la fixation de prix de cession ou la reprise des matières premières et sur la restriction temporaire de l’accès de nouveaux opérateurs, et d’un cinquième amendement de M. Félix Leyzour ne portant que sur la fixation d’un prix minimum de cession ou de reprise des matières premières. Les députés ont exprimé leur volonté d’intégrer dans la loi les dispositions du décret n° 96-499 et ont adopté l’amendement proposé par M. François Patriat et les commissaires membres du groupe socialiste qui précise que les prix de cession mentionnés sont ceux pratiqués par les producteurs (amendement n° 148).

L’objectif recherché est la restauration d’une plus grande équité dans la répartition de la valeur ajoutée au sein des filières des produits alimentaires sous signe de qualité qui exigent des investissements particuliers et un suivi poussé des denrées. Il ne s’agit pas d’établir un prix minimum de vente aux consommateurs, ni de fixer des marges minimales aux intermédiaires, mais de s’accorder en cas de nécessité sur une juste rémunération des producteurs.

La restriction de l’accès de nouveaux opérateurs doit permettre de réguler le marché en cas de crise de surproduction. Elle ne saurait donc qu’être temporaire, objective (c’est-à-dire fondée sur des critères quantitatifs ou de qualité reconnus par la profession et préétablis) et non discriminatoire (il serait inacceptable de se servir de ce moyen pour écarter des opérateurs étrangers de la Communauté européenne au profit d’opérateurs français sur le seul fondement de leur nationalité).

L’amendement conduira-t-il à uniformiser les prix d’un produit sous signe de qualité ? Cette objection ne saurait être retenue, d’une part, parce que la concurrence effrénée entre les chaînes de grande distribution conduit déjà à uniformiser, par le bas, les prix et d’autre part, parce que le dispositif ne vise que les prix de vente des producteurs. L’alternative consistant en la reprise des matières premières à un prix convenu d’avance peut conduire à orienter le marché vers un prix minimum mais elle ne concerne que les produits bruts et en aucun cas les produits transformés ou ceux qui ne sont pas revendus en l’état (7).

En dernier lieu, l’uniformisation (qui était impossible sur le fondement du décret n° 96-499 puisque les accords étaient passés entre des entreprises ; les différents accords pour un même produit pouvaient donc arrêter différents prix) sera d’autant plus limitée que les accords ne concerneront qu’un produit sous signe officiel d’identification. Or pour un même produit agricole ou alimentaire (poulet, melon, fromage de chèvre,  ...) il existe plusieurs produits sous signe de qualité ou d’origine (pour la volaille, le label “ Loué ”, l’AOC “ Bresse ”, etc.) : les prix ne pourront pas être identiques entre ces différents produits pourtant identiques du point de vue de leur nature.

La commission a également adopté deux amendements rédactionnels (amendements nos 149 et 150) du rapporteur et un amendement du même auteur tendant à ce que les accords de qualité soient notifiés dès leur conclusion et avant leur entrée en application aux ministres de l’agriculture et de l’économie et au Conseil de la concurrence et que leur conclusion fasse l’objet d’une publication (amendement n° 151). Cette dernière précision avait été demandée par le Conseil de la concurrence dans son avis sur les décrets d’exemption du 7 juin 1996 (voir l’avis reproduit en annexe du présent rapport). La mention de la conclusion d’un accord de qualité au Bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes vise à garantir les droits des tiers qui pourraient être lésés par certaines dispositions de ces accords.

La commission a enfin rejeté un amendement de M. Christian Jacob interdisant les dérogations au droit de la concurrence en dehors des accords étendus et des “ dispositions propres à certains comités interprofessionnels ”, et adopté l’article 33 ainsi modifié.

Article 34

(article 2 de la loi n° 75-600 du 10 juillet 1975 relative à l’organisation interprofessionnelle agricole)

Extension des accords interprofessionnels

L’article 34 du projet de loi propose une nouvelle rédaction du deuxième alinéa de l’article 2 de la loi n° 75-600 du 10 juillet 1975 relative à l’organisation interprofessionnelle agricole ; en fait, c’est le huitième alinéa de l’article 2 qui est visé, le Gouvernement décomptant les alinéas de la loi selon la méthode erronée en matière législative du Conseil d’État. Ce huitième alinéa a été codifié sous l’article L. 632-4 (premier alinéa) du code rural par la loi n° 98-565 du 8 juillet 1998 relative à la partie législative du livre VI (nouveau) du code rural.

a) Les accords interprofessionnels

Le but des organisations interprofessionnelles est d’organiser, par la concertation et la conclusion d’accords entre les différentes familles professionnelles qui les composent, l’action des producteurs et des acteurs d’une filière et du marché. Les organisations interprofessionnelles faisant l’objet d’une reconnaissance ministérielle sont spécialement habilitées par la loi à élaborer et conclure de tels accords car leurs accords, et eux seuls, peuvent être étendus par arrêté des ministres de l’agriculture et de l’économie.

Les accords interprofessionnels sont assimilés à des contrats collectifs passés entre les organisations professionnelles membres de l’interprofession. Ils sont élaborés conformément au statut de l’interprofession au sein de laquelle ils sont négociés. L’ouverture des négociations est décidée librement par les groupements professionnels membres de l’interprofession. Chaque organisation professionnelle s’exprime par une seule voix, la loi n’exigeant pas que leur décision d’approuver un projet d’accord interprofessionnel soit prise à l’unanimité au sein des membres composant leur organisation.

Cependant, les conditions posées par la loi (article L. 632-3 du code rural) pour qu’un accord interprofessionnel puisse être étendu pèsent fortement sur le déroulement de ces négociations. En effet, seuls peuvent être étendus les accords adoptés à l’unanimité des organisations professionnelles ou à la suite d’une décision prise par l’instance de conciliation ou, en cas d’échec, d’arbitrage de l’interprofession.

La loi ne définit pas le contenu des accords interprofessionnels. Ils ont en fait pour but, conformément à l’objet des interprofessions, d’améliorer la production, d’adapter l’offre aux besoins du marché et des consommateurs, de parvenir à un meilleur équilibre du marché par la conclusion d’accords sur les modalités de son fonctionnement. L’article L. 632-3 du code rural (anciens alinéas premier à 7 de l’article 2 de la loi du 10 juillet 1975) ne définit que le contenu des accords susceptibles de bénéficier d’une extension. Ces accords étendus doivent tendre à favoriser :

“ – la connaissance de l’offre, de la demande et des mécanismes du marché ;

“ – l’amélioration du fonctionnement, de la maîtrise et de la transparence du marché, en particulier par l’adaptation et la régularisation de l’offre et la mise en oeuvre, sous le contrôle de l’État, de règles de mise en marché, de prix et de conditions de paiement et de vente ;

“ – la qualité des produits. A cet effet, les accords peuvent notamment prévoir l’élaboration et la mise en oeuvre de disciplines de qualité et de règles de définition, de conditionnement, de transport et de présentation, si nécessaire jusqu’au stade de la vente au détail, des produits ;

“ – la promotion des produits sur les marchés intérieur et extérieur ;

“ – l’organisation et l’harmonisation des pratiques et relations professionnelles ou interprofessionnelles dans le secteur intéressé ;

“ – la réalisation de programmes de recherche appliquée, d’expérimentation et de développement, notamment dans les domaines de la qualité des produits et de la protection de la santé et l’environnement. ”

La définition de ces six objectifs résulte de l’article 7 de la loi n° 95-95 du 1er février 1995 de modernisation de l’agriculture (article L. 632-3 du code rural). En 1975, les accords étendus devaient seulement tendre à l’amélioration de “ la connaissance de l’offre et de la demande, l’adaptation et la régularisation de l’offre et les relations interprofessionnelles dans le secteur intéressé ”. La loi n° 80-502 du 4 juillet 1980 d’orientation agricole avait complété la liste par “ la mise en oeuvre, sous le contrôle de l’État, des règles de mise en marché, de prix et de conditions de paiement ”, “ la qualité des produits ” et “ la promotion du produit sur les marchés intérieur et extérieur ”.

L’objet des accords étendus est donc passé d’une recherche d’une meilleure maîtrise des lois du marché à une approche plus globale incluant la mise en valeur des produits agricoles, la dimension internationale du marché, l’harmonisation des règles de commercialisation et enfin l’ensemble des mécanismes du marché, y compris ceux tenant à sa transparence (et non plus seulement les modalités de l’offre).

b) L’extension des accords interprofessionnels

La procédure d’extension des accords interprofessionnels a pour objet de rendre obligatoires à tous les acteurs économiques du secteur de l’interprofession les termes d’un accord interprofessionnel qui, étant conclu au sein d’une organisation interprofessionnelle, a été élaboré par les organisations professionnelles les plus représentatives de la production et, selon le cas, de la transformation et de la commercialisation (et de la distribution selon l’article 33 du projet de loi). Sa finalité est donc d’unifier les règles de fonctionnement du marché et les lignes de conduite de ses acteurs par la définition de disciplines professionnelles acceptées par les principaux acteurs du marché. L’extension est réalisée pour la zone de production définie par l’accord interprofessionnel.

La demande d’extension transite par le CSO qui transmet le dossier aux ministres concernés. Le règlement n° 2200/96/CE du Conseil du 28 octobre 1996 (articles 20 et 21) a imposé de communiquer à la Commission européenne les accords interprofessionnels faisant l’objet d’une procédure d’extension, la Commission pouvant, dans un délai de deux mois suivant la communication, déclarer l’accord incompatible avec le droit communautaire.

Les ministres saisis de la demande disposent d’un délai de deux mois à compter de sa réception pour statuer sur l’extension. A défaut de notification de réponse à l’issue de ce délai, la demande est réputée acceptée (ce mécanisme d’autorisation tacite a été mis en place par la loi du 4 juillet 1980 précitée).

En cas d’acceptation expresse, l’extension est décidée par arrêté conjoint du ministre de l’agriculture et du ministre chargé de l’économie. En cas de rejet, leur décision de refus doit être motivée et notifiée. L’extension est prononcée pour une durée déterminée, en général renouvelée. En cas d’extension tacite, l’accord prend un caractère obligatoire jusqu’à ce qu’il soit retiré par les ministres de l’agriculture et de l’économie.

Le premier alinéa de l’article L. 632-4 du code rural subordonne l’extension d’un accord interprofessionnel à son adoption à l’unanimité des professions représentées au sein de l’organisation interprofessionnelle, ou bien à sa conclusion après recours à la procédure de conciliation et d’arbitrage prévue par les statuts de l’organisation interprofessionnelle.

Le projet le loi modifie ces conditions sur deux points :

– l’accord interprofessionnel étendu devrait être adopté dans tous les cas à l’unanimité ;

– dans le cas où il ne concernerait qu’une partie des professions membres de l’organisation interprofessionnelle, seule l’unanimité de ces professions serait exigée, sous réserve qu’aucune autre profession membre de l’organisation ne s’oppose à l’adoption.

L’article 34 du projet de loi propose tout d’abord de supprimer la possibilité d’adopter un accord faisant l’objet d’une demande d’extension par la procédure de conciliation et arbitrage. Du point de vue des faits, il faut tout d’abord constater qu’aucun accord étendu n’a été adopté à la suite d’une décision de l’instance de conciliation de l’interprofession ou d’un arbitrage en cas d’échec de la conciliation. Tous ont été adoptés à l’unanimité des organisations professionnelles membres de l’interprofession. Il est toutefois arrivé que des interprofessions reconnues présentent des demandes d’extension concernant des accords non adoptés à l’unanimité ; leur extension a toujours été refusée.

La règle de l’unanimité est en effet essentielle car l’efficacité des interprofessions réside dans le consensus qu’elles sont en mesure de dégager. L’absence d’unanimité fragiliserait un accord qui serait adopté par arbitrage ou conciliation. En outre, les risques de contentieux judiciaires seraient élevés.

La mesure proposée par le projet de loi est donc rationnelle et ne bouleverse par les pratiques des interprofessions. Signalons d’ailleurs que l’instance de conciliation et la procédure d’arbitrage gardent tout leur intérêt lorsque surviennent des divergences d’interprétation ou d’application des accords étendus.

Par ailleurs, l’article 34 tire les conséquences de l’inclusion (déjà possible mais désormais expressément formulée) des représentants de la distribution dans les organisations interprofessionnelles. De nombreux accords ne concernent que les activités de production et de transformation, la présence des organisations professionnelles de la distribution, ou du commerce en général, ne doit pas paralyser leur adoption. En quelque sorte, la règle de l’unanimité ne doit pas donner un droit de veto à des familles professionnelles non concernées par un projet d’accord.

Le rapporteur a présenté deux amendements. Le premier amendement actualise la rédaction de la définition des objets possibles des accords étendus figurant désormais à l’article L. 632-3 du code rural (alinéas premier à 7 de l’article 2 de la loi n° 75-600 du 10 juillet 1975) en la simplifiant. En outre, il introduit une disposition permettant aux accords étendus de mettre en œuvre des procédures de contrôle de la qualité et de déclassement des produits d’appellation d’origine contrôlée non conformes aux critères de qualité. Il faut en effet permettre aux partenaires économiques de mettre en place un suivi de la qualité en aval du stade de la production et seul un déclassement des produits non conformes, c’est-à-dire leur retrait de la mise en vente ou du circuit de commercialisation, permettra d’imposer la qualité convenue. Le second amendement vise à prendre en compte la codification au sein de l’article L. 632-4 du code rural du huitième alinéa de l’article 2 de la loi n° 75-600 du 10 juillet 1975 modifié par l’article 34 du projet de loi (le Gouvernement s’est une nouvelle fois trompé dans le décompte des alinéas).

La commission a adopté les deux amendements du rapporteur (amendements nos 152 et 153), puis l’article 34 ainsi modifié.

Article 35

(article 3 de la loi n° 75-600 du 10 juillet 1975 relative à l’organisation interprofessionnelle agricole)

Assiette des cotisations interprofessionnelles

L’article 3 de la loi n° 75-600 du 10 juillet 1975 relative à l’organisation interprofessionnelle agricole, codifié sous l’article L. 632-6 du code rural, autorise les organisations interprofessionnelles à prélever sur leurs membres des cotisations. Celles-ci ne peuvent résulter que d’un accord interprofessionnel étendu. Ces cotisations ont donc un caractère obligatoire tout en conservant, comme le précise la loi, le caractère de créances de droit privé.

Le projet de loi propose de compléter le dispositif en vigueur pour prévoir l’hypothèse où un assujetti omettrait d’effectuer la déclaration permettant de déterminer le montant de l’assiette de sa cotisation. Pour éviter de faire supporter aux autres membres de l’interprofession la charge de trésorerie créée par ce manque de recettes, l’organisation interprofessionnelle pourrait, après mise en demeure restée infructueuse au terme d’un délai d’un mois, procéder à une évaluation d’office. Cette procédure d’évaluation d’office serait définie par l’accord étendu.

On a constaté que plusieurs interprofessions reconnues ont cessé leur activité faute de rentrée des cotisations. Ce fut le cas de l’association nationale interprofessionnelle du miel et de l’association professionnelle des plantes médicinales, aromatiques et industrielles.

Les taux des cotisations aux interprofessions sont très variables selon les organisations et les produits. Dans le secteur viticole, elles varient de quelques francs par hectolitre produit à 20 francs par hectolitre. Ces prélèvements représentent environ 1 % du prix de cession du vin aux négociants ou à la coopérative. Globalement, le ministère de l’agriculture estime que le volume des cotisations obligatoires aux interprofessions dépasse un milliard de francs.

La cotisation peut être calculée à partir de déclarations, système visé par l’article 35 du projet de loi, mais qui ne représente pas le cas le plus fréquent. L’autre mécanisme consiste à asseoir les cotisations sur les achats ou les ventes de produits faisant l’objet de l’interprofession. Dans la majorité des cas, en effet, le circuit de transformation ou de commercialisation transite par un point de passage obligé (abattoir pour les animaux ; déclarations de récoltes pour les vins AOC) par lequel les cotisations sont prélevées sur le produit des transactions. L’accord interprofessionnel prévoit, en ce cas, le taux et l’assiette de la cotisation ainsi que le maillon de la filière chargé du prélèvement.

La commission a adopté un amendement du rapporteur prenant en compte la codification, au sein de l’article L. 632-6 du code rural, de l’article 3 de la loi n° 75-600 du 10 juillet 1975 (amendement n° 154), puis l’article 35 ainsi modifié.

Article 36

(article 4 ter de la loi n° 75-600 du 10 juillet 1975 relative à l’organisation interprofessionnelle agricole)

Rapport d’activité et comptes des interprofessions –
Bilan d’application des accords étendus

Aucune disposition législative ou réglementaire n’impose à ce jour aux organisations interprofessionnelles de fournir à l’administration un rapport d’activité, leurs comptes financiers ou un bilan de l’application des accords interprofessionnels étendus.

Le projet de loi pose le principe que les organisations interprofessionnelles reconnues rendent compte, chaque année, de leur activité aux autorités administratives compétentes (ministres de l’agriculture, de l’économie, du commerce, préfet de région, etc., selon le cas) et leur impose de présenter à ces dernières un certain nombre de documents d’information :

– comptes financiers,

– rapport d’activité et compte rendu des assemblées générales,

– bilan d’application de chaque accord étendu.

Le projet de loi permet en outre à ces autorités administratives d’obtenir la communication de tous documents qu’elles demanderaient pour pouvoir exercer leurs pouvoirs de contrôle.

A ce jour le ministère de l’agriculture reçoit des informations financières et sur l’activité des interprofessions reconnues. Cependant, on constate que les bilans d’application des accords étendus sont peu établis et les informations ne sont communiquées qu’au moment du renouvellement de l’extension, qui intervient souvent tous les trois ans.

La commission a adopté un amendement du rapporteur prenant en compte la codification, au sein de l’article L. 632-8-1 du code rural, de l’article 4 ter de la loi n° 75-600 du 10 juillet 1975 (amendement n° 155), puis l’article ainsi modifié.

Article 37

Contrats de lutte contre les crises conjoncturelles

L’agriculture française est régulièrement frappée par des crises touchant, aujourd’hui, les fruits et légumes, les viandes et les produits de la pêche. Ces crises se caractérisent par l’existence de stocks de produits invendus considérables et par la chute des cours (alors que les prix de vente au détail ne baissent que légèrement, au mieux). Les premiers, et souvent les seuls, atteints profondément par ces crises sont les producteurs.

Ces crises peuvent avoir un caractère structurel et des causes conjoncturelles. Le fondement structurel des crises (surcapacités de production, concentration dans le temps et dans l’espace des mises sur le marché de produits identiques, uniformité des offres,...) est de mieux en mieux géré grâce, d’une part, aux groupements de producteurs, aux interprofessions et à la réorganisation des coopératives agricoles et, d’autre part, à l’organisation commune des marchés. En revanche, les causes conjoncturelles (arrivées tardives ou précoces de produits qui concurrencent excessivement les produits traditionnellement mis sur le marché à ces dates, brusques mises sur le marché de produits bradés provenant de récoltes ou de pêches exceptionnelles, de déstockage ou d’importations massives, surproductions pour des raisons climatiques, effondrement des cours en début de campagne pour des causes diverses empêchant les producteurs de réaliser des marges traditionnellement importantes sur les produits précoces et orientant les cours vers des prix très bas pour toute la campagne, sous-consommation pour cause de maladie, etc.) sont très mal maîtrisées.

Le projet de loi vise donc à donner des moyens juridiques nouveaux aux acteurs d’une filière pour lutter contre ces crises conjoncturelles. Il propose d’autoriser la constitution d’ententes visant à programmer les mises en production et renforcer les conditions de qualité requises pour la mise en marché. Il permettra de donner une base légale à divers accords de crise conclus entre des partenaires économiques. Celui sur les fruits et légumes conclu en 1994 a d’ailleurs été déféré au Conseil de la concurrence.

Le dispositif de l’article 37 consiste en une définition de dérogations possibles à l’interdiction des ententes anticoncurrentielles fixée par l’article 7 de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence (voir le commentaire de l’article 33, sous-partie g).

Le gouvernement de M. Alain Juppé avait pris un décret d’exemption autorisant les producteurs agricoles à passer des accords dérogeant à l’interdiction des ententes anticoncurrentielles, conformément au 2 de l’article 10 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 précitée (voir le commentaire de l’article 33 du projet de loi, sous-partie g, sur le régime juridique des dérogations prévues à l’article 10). Il s’agit du décret n° 96-500 du 7 juin 1996 pris en application du dernier alinéa de l’article 10 de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relatif aux accord entre producteurs agricoles ou entre producteurs agricoles et entreprises concernant des mesures d’adaptation à des situations de crise (son texte ainsi que l’avis du Conseil de la concurrence le concernant sont reproduits en annexe du présent rapport).

Ces accords doivent viser exclusivement à résorber la surcapacité, née de la crise conjoncturelle, pour rétablir l’équilibre du marché. La situation de crise est définie comme étant l’“ inadaptation de l’offre à la demande révélant une perturbation grave du marché ” ; il y a inadaptation de l’offre à la demande lorsqu’au moins trois des quatre conditions suivantes sont remplies :

“ – augmentation du volume de l’offre pendant deux campagnes ou années successives, ou par rapport à la moyenne des trois campagnes ou années précédentes ;

“ – baisse de la consommation pendant deux campagnes ou années successives, ou par rapport à la moyenne des trois campagnes ou années précédentes ;

“ – baisse de la moyenne des cours pendant deux campagnes ou années successives, ou par rapport à la moyenne des trois campagnes ou années précédentes ;

“ – augmentation des stocks ou des invendus pendant deux campagnes ou années successives, ou par rapport à la moyenne des trois campagnes ou années précédentes. ”

Les accords peuvent être passés ou bien entre des producteurs agricoles ou bien entre des producteurs agricoles et des entreprises d’approvisionnement ou de transformation. Ils ne peuvent comporter que les deux restrictions de concurrence suivantes :

“ – une réduction durable des capacités de production ;

“ – un renforcement des exigences de qualité, ayant pour conséquence une limitation du volume de la production. ”

Mais, “ ces restrictions peuvent, le cas échéant, être assorties de mesures d’accompagnement comme la limitation temporaire des quantités produites ou mises sur le marché. ”

Les accords passés en application du décret sont réputés conformes aux conditions d’exemption de l’interdiction des ententes illicites prévues au 2 de l’article 10 de l’ordonnance. Leur régime juridique est identique à celui applicable aux accords bénéficiant du décret n° 96-499 du 7 juin 1996 décrits ci-dessus dans le commentaire de l’article 33 (décret d’exemption pour les signes de qualité dans le domaine agricole).

Cependant, aucun accord n’a été conclu depuis la publication, le 11 juin 1996, du décret n° 96-500. La base légale des accords (2 de l’article 10 de l’ordonnance) et le fait que ces accords devaient être conclus entre des exploitants et des entreprises ont lourdement pesé dans cette absence d’utilisation. L’article 37 du projet de loi propose donc de nouveaux moyens juridiques incitatifs.

Comme dans le cas des accords conclus au sein des interprofessions spécifiques à des signes d’identification de la qualité ou de l’origine (visés au IV de l’article 33 du projet de loi), les contrats visés au présent article se distinguent sensiblement de ceux visés par le décret n° 96-500 sur les points suivants :

·  Alors que les accords visés par le décret étaient réputés conformes à l’ordonnance du 1er décembre 1986 sur le fondement du 2 de son article 10, le projet de loi fait bénéficier les dispositions prises par les interprofessions spécifiques d’une dérogation sur le fondement du 1 de l’article 10. Cette différence fondamentale permet de rendre de plein droit légales les mesures arrêtées par ces interprofessions dès lors qu’elles répondent aux conditions fixées par l’article 37 du projet de loi, tandis que les accords conclus en application du décret n° 96-500 peuvent être censurés par le Conseil de la concurrence ou le juge judiciaire car ils ne sont que réputés conformes à l’ordonnance. Les accords conclus en application de l’article 37 ne pourront pas être appréciés au regard du régime des ententes illicites mais seulement au regard de leur lien direct et pertinent avec l’article 37 et en fonction du respect des conditions qu’il fixe.

·  Le décret n° 96-500 concerne des accords passés par des producteurs agricoles entre eux ou avec des entreprises d’approvisionnement ou de transformation alors que le projet de loi vise des contrats conclus entre des organisations professionnelles représentatives de la production ou des groupements de producteurs reconnus et des organisations professionnelles représentatives de la transformation, de la commercialisation ou de la distribution. Les signataires des accords prévus à l’article 37 du projet de loi seront donc exclusivement des organisations professionnelles contrairement au décret qui ne s’adresse qu’à des exploitants et des entreprises. Pour cette raison, les interprofessions constitueront le cadre idéal de négociation des accords de crise, même si ceux-ci pourront être conclus en dehors d’une interprofession ou par des organisations professionnelles qui ne sont pas membres d’une interprofession reconnue. Par ailleurs, le décret n° 96-500 n’englobait pas la commercialisation ou la distribution dans son champ d’application contrairement au projet de loi.

·  Le décret concerne toutes les productions agricoles alors que l’article 37 du projet de loi ne vise que les productions de produits agricoles périssables (8) ou de produits relevant de cycles courts de production. Cependant il englobe les productions de la pêche maritime et des cultures marines qui ne sont pas concernées par le décret.

·  Le décret n° 96-500 prévoit que la durée des accords ne peut excéder un an alors que le projet de loi fixe une limite de “ 3 à 6 mois selon les produits ”.

·  La base légale des accords autorisés par le décret repose sur le 2 de l’article 10 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 alors que les contrats définis par l’article 37 du projet de loi s’appuient sur le 1 de l’article 10. La différence est fondamentale comme cela a été expliqué. Elle explique, à l’instar des accords sur les signes de qualité et d’origine prévus à l’article 33, que certaines restrictions de concurrence prévues soient plus atténuées que celles figurant dans le décret n° 95-500 : alors que le décret autorise “ une réduction durable des capacités de production ”, le projet de loi se limite à permettre “ une programmation des mises en production ou des apports ”. En revanche, les deuxièmes restrictions sont équivalentes puisqu’une limitation des volumes de production vise à limiter les mises sur le marché.

·  La définition de la situation de crise est différente car le projet de loi vise à aider à lutter contre les seules crises conjoncturelles. Elle s’appuie donc exclusivement sur les prix de marché et ne nécessite pas l’observation de perturbations sur plusieurs campagnes (deux ou trois dans le décret) ou même sur une période prolongée pour que les conditions permettant de conclure des accords de crise soient réunies. Le déclenchement du dispositif de l’article 37 du projet de loi pourra donc être rapide, d’autant plus que l’administration (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, direction générale de l’alimentation ou Conseil de la concurrence) n’intervient pas dans la procédure.

Le prix de marché visé par le projet de loi est en fait le prix de cession, par le producteur ou le pêcheur, de ses produits au transformateur ou au revendeur.

La notion de prix anormalement bas n’est pas définie par la loi. Cependant, votre rapporteur estime qu’un prix de cession inférieur aux coûts unitaires de production doit constituer un prix anormalement bas. Cette notion peut d’ailleurs être rapprochée de celle de “ prix abusivement bas ” figurant à l’article 10-1 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, sous réserve que cette dernière notion concerne des prix de revente aux consommateurs et son appréciation inclut donc les coûts de transformation et de commercialisation. En tous les cas, le projet de loi ne vise pas les baisses anormales de prix mais les niveaux anormaux de prix. Il est donc indispensable de considérer qu’un prix inférieur aux coûts de revient est anormal dans une économie de marché s’il se prolonge contre la volonté du fournisseur.

Le caractère anormal du prix se mesure par rapport à la moyenne des prix “ de la période correspondante des trois dernières campagnes ”. Une référence à la période de campagne correspondante est nécessaire car des produits peuvent avoir une campagne de production longue en raison de l’existence de deux récoltes qui offrent des produits sensiblement différents (salades d’hiver et de printemps, pommes de terre de printemps et d’été, périodes de pêche maritime, etc.).

La commission a tout d’abord rejeté un amendement de rédaction globale de M. Christian Jacob, le rapporteur ayant indiqué qu’il était d’accord avec ses propositions sur la possibilité de fixer des prix de cession au premier acheteur ou de reprise des matières premières et sur celle d’homologuer les accords de crise ne pouvant pas être étendus mais qu’il était hostile au calcul du prix de référence, pour le déclenchement du dispositif, sur deux campagnes au lieu de trois car les références seraient trop erratiques et ne donneraient pas une stabilité que recherchent les producteurs, ni même une sécurité du fait qu’une chute des prix ne peut être complètement absorbée par une moyenne sur deux ans.

Elle a ensuite adopté un amendement du rapporteur clarifiant la rédaction du début du premier alinéa (amendement n° 156), rendant ainsi sans objet les amendements de MM. Jacques Rebillard (amendement n° 23), Robert Lamy (amendement n°8), François Sauvadet et Jean Proriol proposant de calculer le prix de référence sur les deux dernières campagnes au lieu des trois dernières.

Le rapporteur a ensuite présenté un amendement visant à fixer à quatre mois la durée maximale des accords de crise. La rédaction du projet de loi implique en effet qu’un décret soit pris pour déterminer la durée maximale précise pour chaque type de produits. L’amendement rendra ainsi l’article 37 directement applicable. M. Christian Jacob a fait valoir que la durée de quatre mois était excessive alors que le rapporteur a estimé qu’elle était courte pour le secteur de la viande. Néanmoins, le rapporteur a rectifié son amendement pour plafonner à trois mois la durée des accords de crise et la commission l’a adopté ainsi rectifié (amendement n° 157).

La commission a ensuite rejeté l’amendement n° 9 de M. Robert Lamy autorisant les accords de crise à fixer des prix et adopté les amendements identiques de M. François Patriat (amendement n° 158) et Jacques Rebillard (amendement n° 24 rect.) leur permettant de fixer des prix de cession au premier acheteur ou de reprendre les matières premières. Cette mesure constitue une novation majeure ; elle ne figurait pas dans le décret d’exemption n° 96-500, qui ne visait pas à lutter exclusivement contre les crises conjoncturelles. Les commissaires ont jugé cette possibilité nécessaire pour pouvoir lutter efficacement contre les crises conjoncturelles qui se traduisent avant tout par une chute des cours. Agir sur les prix c’est s’attaquer au coeur même de la crise.

Puis, elle a adopté un amendement de M. François Patriat permettant aux ministres de l’agriculture et de l’économie d’homologuer les accords de crise ne remplissant pas les conditions pour être étendus (amendement n° 159), rendant ainsi sans objet les amendements de MM. Jacques Rebillard (amendement n° 25) et Jean Proriol proposant un dispositif comparable. Cette mesure vise à conforter les accords de crise qui seraient conclus en dehors des organisations interprofessionnelles.

Elle a ensuite adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 160) et un amendement du même auteur prévoyant la notification et la publicité de la conclusion de ces accords selon les mêmes modalités que celles retenues pour les accords de qualité mentionnés à l’article 33 du projet de loi (amendement n° 161).

Elle a également adopté, le rapporteur ayant donné un avis défavorable, un amendement de M. Félix Leyzour permettant en cas de crise conjoncturelle au ministre de l’agriculture d’appliquer de façon temporaire un coefficient multiplicateur entre le prix à la production et le prix à la distribution (amendement n° 162 rect.). Le rapporteur a souligné que cette mesure revenait à plafonner les marges des intermédiaires, ce qui est contraire à l’article 34 de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence qui interdit d’imposer directement ou indirectement un caractère minimal au prix de revente d’un produit ou d’un bien, au prix d’une prestation de service ou à une marge commerciale. Seul le régime du prix du livre (loi n° 81-766 du 10 août 1981) déroge à cette règle. Par ailleurs, le rapporteur a rappelé les effets pervers de cette fausse bonne mesure : si un coefficient multiplicateur égal à deux était appliqué aux tomates vendues par leurs producteurs 3 000 F la tonne, la marge à répartir entre les intermédiaires de la filière de commercialisation et de distribution serait de 3 000 F la tonne ; or selon le nombre d’intermédiaires la rémunération pourrait varier considérablement de 3 000 F pour le distributeur achetant directement au producteur à 750 F en moyenne (ce qui ne sera jamais le cas) s’il y avait quatre intermédiaires. La mesure tend donc à supprimer le stade de gros et les marchés intermédiaires.

Puis elle a rejeté un amendement de M. Félix Leyzour permettant de rendre obligatoire l’affichage du prix d’achat au producteur et du prix de vente au consommateur sur les lieux de vente, et adopté l’article 37 ainsi modifié.

Chapitre III

COMPOSITION DU CONSEIL SUPÉRIEUR D’ORIENTATION

Article 38

(article 4 de la loi n° 80-502 du 4 juillet 1980 d’orientation agricole)

Modification de la composition du Conseil
supérieur d’orientation

Cet article élargit la composition du Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire (CSO) à deux nouveaux groupes, les représentants des consommateurs et ceux des associations agréées pour la protection de l’environnement. Il participe ainsi de la nouvelle vision, multifonctionnelle de l’agriculture, qui donne une importance particulière à la protection de l’environnement et à la satisfaction des besoins des consommateurs.

Il faut rappeler, s’agissant du CSO, que cet organisme institué par la loi n° 80-502 du 4 juillet 1980 et dont les missions ont été reprécisées dans la loi n° 95-95 du 1er février 1995 de modernisation de l’agriculture assume en matière de politique agricole un rôle transversal très important de coordination des diverses politiques de filières, de l’action des organisations interprofessionnelles ou encore des politiques conduites localement à travers notamment l’examen des “ projets agricoles départementaux ”.

Sur cet article, la commission a adopté un amendement du rapporteur à portée rédactionnelle (amendement n° 163) puis rejeté quatre amendements de M. Pierre Micaux faisant référence aux activités sylvicoles. La commission a ensuite procédé à l’examen de deux amendements identiques, l’un de M. Christian Jacob, l’autre de M. François Sauvadet, tendant à élargir la composition du Conseil supérieur d’orientation (CSO) aux représentants de la propriété agricole. Après les interventions de M. Joseph Parrenin et du rapporteur qui ont fait valoir que le CSO avait essentiellement pour objectif l’orientation des politiques agricoles, ce qui paraissait peu compatible avec la présence des bailleurs, la commission a rejeté les deux amendements.

Elle a ensuite rejeté un amendement de M. Félix Leyzour tendant à prévoir la participation des représentants des salariés au Conseil supérieur d’orientation, après que le rapporteur eut fait remarquer à nouveau que l’objectif poursuivi par le CSO était plutôt l’orientation et la coordination des politiques agricoles. La commission a ensuite rejeté l’amendement n° 10 de M. Robert Lamy, ayant pour objet de prévoir que toutes les associations oeuvrant dans le domaine de l’environnement et non les seules associations agréées avaient vocation à siéger au sein du Conseil supérieur d’orientation. La commission a ensuite rejeté un amendement présenté par M. Jean Proriol, prévoyant que le CSO établirait chaque année un compte rendu portant sur la mise en œuvre des principales politiques en faveur de l’agriculture, le rapporteur ayant fait remarquer que cette matière relevait plutôt du domaine réglementaire ; un amendement présenté par M. Jean-Michel Marchand, rappelant que l’action du Conseil supérieur d’orientation devait s’opérer conformément à la loi d’orientation agricole a été rejeté, le rapporteur ayant estimé que cette précision ne semblait pas utile.

La commission a adopté l’article 38 ainsi modifié.

TITRE IV

QUALITÉ ET IDENTIFICATION DES PRODUITS

La politique de la qualité vise à assurer une protection des produits (mais également aujourd’hui des services) répondant à des caractéristiques particulières préalablement définies. Il ne s’agit donc pas pour les pouvoirs publics et les producteurs et partenaires économiques de prendre des dispositions tendant à éliminer de la production et du marché des produits peu recommandables en raison de leur mauvaise qualité. La politique de la qualité passe donc par la définition de caractéristiques physiques et économiques propres à un produit (et à son origine), à un procédé de production ou de transformation, à une technique de commercialisation.

Cette politique est particulièrement importante pour le consommateur car un producteur est libre d’annoncer les caractéristiques et les qualités des produits qu’il met sur le marché. Cette publicité est effectuée sous sa responsabilité et si les qualités que sont en droit d’attendre les consommateurs au vu de cette annonce ne correspondent pas aux indications fournies, ceux-ci peuvent demander des dommages-intérêts et porter plainte pour publicité trompeuse (article L. 121-1 du code de la consommation) ou tromperie (article L. 213-1).

Les instruments essentiels de la politique de la qualité sont les signes de qualité, ou plus exactement les signes d’identification de la qualité (labels, certifications, marques collectives, attestations de spécificité,...) ou de l’origine (appellations d’origine, appellations “ montagne ” et “ agriculture biologique ”) et les mesures d’identification des produits par le consommateur et les organismes de contrôle. Ils doivent permettre au détenteur ou acquéreur d’un produit d’avoir la garantie que celui-ci est en mesure de répondre à un certain nombre d’attentes précises. Les normes communautaires ISO 8402 et française NF X 50-120 contiennent une définition générale de la qualité : il s’agit d’un “ ensemble des propriétés et caractéristiques d’un produit ou d’un service qui lui confère l’aptitude à satisfaire des besoins exprimés ou implicites ”.

Cependant, cette politique de la qualité ne doit pas passer exclusivement par la fixation de signes d’identification. La qualité doit être en elle-même une démarche du producteur, du transformateur et du distributeur. Ainsi, l’amélioration de la qualité peut être réalisée par des accords de commercialisation passés entre des revendeurs et des producteurs ou par l’établissement et la promotion d’une marque déposée.

1. Les signes d’identification de la qualité et de l’origine

La législation française en matière de qualité des produits alimentaires ou agricoles est ancienne. La loi fondatrice est celle du 1er août 1905 sur les fraudes et falsifications en matière de produits ou de services. A l’époque, la priorité en matière de qualité était d’assurer la sécurité des personnes en n’offrant pas à la vente des produits impropres à la consommation (la loi s’intitulait d’ailleurs “ loi sur la répression des fraudes dans la vente des marchandises et des falsifications des denrées alimentaires et des produits agricoles ”). Le service de la répression des fraudes fut créé dans la foulée, en 1907, pour veiller à l’hygiène alimentaire. Des lois ponctuelles étaient auparavant intervenues pour protéger des dénominations, notamment celle du 14 août 1889 relative au nom du vin et aux fraudes dans la vente de ce produit.

a) Les appellations d’origine et indications de provenance

Une conception nouvelle de la politique de la qualité s’est imposée avec la loi du 6 mai 1919 relative à la protection des appellations d’origine (9). Il s’agissait de protéger juridiquement l’indication du lieu géographique de production ou de transformation d’un produit agricole, artisanal ou industriel. Il est en effet apparu que la notoriété d’une appellation géographique (noix de Grenoble, vin d’Alsace, volaille de Bresse, dentelle du Puy, etc.) correspondait à une qualité intrinsèque du produit et qu’il provoquait un acte d’achat ou de consommation en raison des caractéristiques précises connues et reconnues qui y étaient attachées. La multiplication des usages abusifs d’appellations d’origine (avec le développement du commerce de détail de masse et la création de circuits commerciaux dépassant les cadres locaux) a conduit le Parlement à légiférer pour protéger les producteurs, les transformateurs et les industriels bénéficiant à bon droit de ces indications d’origine. La loi du 6 mai 1919 a été codifiée sous les articles L. 115-1 à L. 115-20 du code de la consommation et les articles L. 642-2 à L. 641-6 du code rural.

Les appellations d’origine contrôlées (AOC) et le comité national des appellations d’origine devenu ultérieurement l’Institut national des appellations d’origine (INAO) ont été créés par le décret-loi du 30 juillet 1935 relatif à la défense du marché des vins et au régime économique de l’alcool afin de mettre sur pied, d’une part, une procédure administrative faisant appel à un organisme spécialisé doté de la personnalité civile pour déterminer les caractères et les conditions de production des produits sous appellation d’origine en matière viticole et d’eaux-de-vie et, d’autre part, un contrôle administratif du respect de ces conditions de production. La catégorie des appellations d’origines contrôlées fut alors créée et appliquée aux vins et eaux-de-vie bénéficiant d’une appellation d’origine reconnue. L’expression est aujourd’hui utilisée pour tous les produits agricoles ou alimentaires bénéficiant d’une reconnaissance par décret.

En 1919, la reconnaissance d’une appellation d’origine nécessitait une décision de justice. La loi n° 66-482 du 6 juillet 1966 modifiant et complétant la loi du 6 mai 1919 institua une procédure de délimitation de l’aire d’appellation et d’agrément par décret en Conseil d’Etat, la procédure judiciaire subsistant parallèlement. La procédure administrative est rapidement devenue la voie normale de la reconnaissance des appellations d’origine et la loi n° 90-558 du 2 juillet 1990 relative aux appellations d’origine contrôlées des produits agricoles ou alimentaires, bruts ou transformés, a finalement maintenu la procédure judiciaire pour les seuls produits non agricoles non alimentaires. Cette dernière loi a en outre prévu que passé la date du 30 juin 2000, toute appellation d’origine antérieurement reconnue par la voie judiciaire et toute eau-de-vie d’appellation d’origine déclarative de la loi du 6 mai 1919 non reconnue en tant qu’AOC par décret sera caduque.

La procédure de reconnaissance (par voie administrative) est différente selon qu’il s’agit d’un produit agricole ou alimentaire ou d’un produit non agricole et non alimentaire. Dans le premier cas, la création d’une AOC est proposée par l’INAO, compétent depuis 1990 pour tous les produits agricoles et alimentaires, après avis des syndicats de défense intéressés. L’AOC est homologuée par décret ; celui-ci délimite l’aire géographique de l’AOC et les conditions de production et d’agrément individuel des producteurs qui souhaitent en bénéficier. Tout produit répondant aux conditions ainsi définies peut recevoir un agrément après avis conforme de l’INAO qui vérifie que le demandeur satisfait aux conditions. L’INAO est également chargé de contrôler le respect des spécificités des AOC par les producteurs.

Par la loi du 2 juillet 1990, le législateur a donc confié à l’INAO l’entière maîtrise des AOC. Mais les appellations d’origine non contrôlées subsistent. Pour ces produits, l’appellation d’origine est définie par décret en Conseil d’Etat qui délimite l’aire géographique de production et les qualités ou caractères des produits, après enquête publique au cours de laquelle les groupements professionnels directement intéressés doivent être consultés (article L. 641-24 du code rural).

L’appellation d’origine doit être distinguée des indications de provenance qui ne constituent qu’un simple renseignement sur le lieu de production d’un produit et ne garantissent aucunement une qualité, un mode de production et un terroir prédéfinis (boeuf du Limousin, cerise de Montmorency, beurre de Surgères, rillettes du Mans). Certaines de ces dénominations peuvent tomber dans le domaine public du fait que le produit n’est plus exclusivement produit dans sa zone d’origine (nougat de Montélimar, saucisson de Lyon, moutarde de Dijon).

L’audition de M. Jean Pinchon, président de l’INAO, par la commission le 17 juin 1998, a permis de bien cerner la notion d’appellation d’origine contrôlée, sa portée et son utilité pour les producteurs et consommateurs (voir le compte rendu reproduit plus haut).

L’usage des indications de provenance est protégé par la loi depuis fort longtemps (article premier de la loi du 28 juillet 1824, codifié sous l’article L. 217-1 du code de la consommation). La loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne a créé l’appellation “ montagne ” qui ne peut être attribuée qu’à des produits agricoles et alimentaires, autres que le vin, bénéficiant d’une appellation d’origine, d’un label ou d’une certification. Les producteurs ne peuvent utiliser cette indication qu’après autorisation de l’administration.

Le règlement 2081/92/CEE du Conseil du 14 juillet 1992 relatif aux appellations d’origine protégées (AOP) et aux indications géographiques protégées (IGP) a établi un mécanisme de protection communautaire des produits alimentaires et de certains produits agricoles. Un enregistrement auprès de la Commission européenne et le respect d’un cahier des charges (adressé à l’Etat membre) sont nécessaires pour bénéficier de cette protection. Celle-ci ne peut toutefois pas s’appliquer aux produits viticoles et alcooliques, ni aux dénominations devenues génériques. Les demandes d’enregistrement sont examinées par l’Etat membre (la commission nationale des labels et des certifications des produits agricoles et alimentaires, en France, qui publie la demande et engage une consultation publique pendant deux mois à l’issue de laquelle elle émet un avis transmis aux ministres chargés de l’agriculture et de la consommation qui décident des suites à donner à la demande) puis transmises à la Commission qui dispose de six mois pour les examiner formellement avant de les publier au Journal Officiel des Communautés européennes. Cette publication ouvre un nouveau délai de six mois permettant aux Etats membres de s’opposer à l’enregistrement de l’AOP ou de l’IGP. L’enregistrement assure la protection contre toute utilisation commerciale abusive ou toute pratique induisant le consommateur en erreur et empêche la dénomination de devenir générique. En France, l’enregistrement d’une AOP ou d’une IGP est subordonné à la détention ou l’obtention d’un signe de qualité ou d’origine (AOC, label ou certification de conformité).

Une AOC, une AOP ou une IGP ne permettent pas d’identifier le fabricant qui les produit, à la différence des marques collectives. Elles ont un caractère public et ne sauraient être refusées aux producteurs remplissant les conditions prévues par le cahier des charges qui les définit. Cependant, à la différence des labels et certifications de conformité, elles n’offrent pas au consommateur la garantie de bénéficier d’un produit d’une qualité supérieure aux produits qui leur sont similaires, mais seulement d’avoir des produits répondant à un certain nombre de caractéristiques spécifiques tenant à leur origine, fabrication, transformation et commercialisation qui en ont fait la renommée.

Le débat devant la commission lors de l’audition de Mme Marie-José Nicoli, présidente de l’union fédérale des consommateurs-Que choisir, le 25 juin 1998, a montré les approches différentes et les appréciations qualitatives de ces différents signes (voir le compte rendu reproduit plus haut). Votre rapporteur tient à nouveau à exprimer sa conviction que les consommateurs ont un rôle fondamental à jouer en matière de qualité, tout spécialement en matière de label et de certification de conformité, mais que si les AOC sont des signes d’identification de l’origine, l’objectif de qualité fait partie intégrante et domine l’activité des producteurs et transparaît tout au long des cahiers des charges (limiter la chaptalisation des vins ou les rendements des vignobles, c’est également rechercher la qualité) ; en matière d’AOC, et même de vin délimité de qualité supérieure, les producteurs ont même un rôle moteur pour accroître la qualité et éduquer le (bon) goût des consommateurs : l’exemple de la viticulture est frappant lorsque l’on se rappelle le niveau moyen des vignobles il y a 15 ans.

b) Les marques collectives et la certification

La loi du 12 mars 1920 a autorisé les syndicats à déposer des marques collectives, par dérogation à la loi du 21 mars 1884 qui les frappait d’interdiction de commercer. Ces marques sont destinées à certifier l’origine et les conditions de fabrication des produits. Elles sont la propriété de ceux qui les utilisent, à la différence d’une AOC, d’une AOP ou d’une IGP.

Leur attribution est conditionnée par le respect d’un règlement technique établi par un syndicat. Ont ainsi été réglementés la marque artisanale en 1937, la marque de normalisation en 1939, la marque nationale de qualité en 1946, les labels d’exportation en 1947, le label des travailleurs handicapés en 1957 et les labels agricoles en 1960. Les labels agricoles (dits “ labels rouges ”, depuis la création de leur signe en 1973, lorsqu’ils s’appliquent à l’échelle nationale) ont été institués par la loi n° 60-808 du 5 août 1960 d’orientation agricole (article 28) ; il s’agissait d’“ une marque collective qui s’applique aux produits agricoles, attestant que le produit qui en bénéficie possède un ensemble distinct de qualités et de caractéristiques spécifiques ”. Leurs conditions d’homologation ont été définies par décret.

Parallèlement au label rouge délivré exclusivement par le ministère de l’agriculture, il existe huit labels régionaux propriété des régions qui les ont mis en place pour mettre en valeur leur spécificité régionale.

Le régime de la marque collective fut refondu par la loi n° 64-1360 du 31 décembre 1964 sur les marques de fabrique, de commerce ou de service. Cependant, les marques collectives avaient l’inconvénient de reposer sur des cahiers des charges établis par des personnes privées, l’Etat n’intervenant pas dans leur établissement ou pour leur contrôle, hormis le cas des labels agricoles. La protection du consommateur était faiblement garantie vis-à-vis du fonctionnement des personnes définissant les marques collectives.

La loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 sur la protection et l’information des consommateurs de produits et de service a refondu le régime des labels agricoles (dispositions codifiées sous les articles L. 115-21 à L. 115-26 du code de la consommation), afin de remédier à ces handicaps. En particulier, le principe de non-confusion des intérêts entre le bénéficiaire d’un label agricole et la personne morale chargée de le délivrer ainsi que la règle d’homologation des labels agricoles par le ministre de l’agriculture ont été posés, la nécessité de respecter un cahier des charges précis a été imposée et les critères de qualité ont été renforcés. Par ailleurs, cette loi a mis en place un nouveau signe de qualité : le certificat de qualification d’un produit industriel, dont peuvent bénéficier les produits agricoles non alimentaires transformés (il s’agit là aussi d’une marque collective délivrée par un organisme indépendant agréé par l’administration qui approuve également son règlement technique de certification). La loi n° 94-2 du 3 janvier 1994 relative à la reconnaissance de qualité des produits agricoles et alimentaires a dénommé la certification de qualification “ certification ” (article L. 115-27 à L. 115-32 du code de la consommation).

La loi n° 91-7 du 4 janvier 1991 relative aux marques de fabrique, de commerce ou de service a en outre créé les marques collectives de certification (produit ou service dont la nature, les propriétés ou les qualités, entre autres, sont caractérisées dans un règlement établi par une personne morale qui ne peut être fabricant, importateur, vendeur de ce produit ou service).

La certification a été adaptée au secteur agro-alimentaire par la loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988 relative à l’adaptation de l’exploitation agricole à son environnement économique et social, qui a créé la certification de conformité (articles L. 115-23 à L. 115-26 du code de la consommation). La certification de conformité atteste qu’une denrée alimentaire ou un produit agricole non alimentaire (foin, huile essentielle,...) est conforme à des caractéristiques et des règles de production préalablement fixées dans un cahier des charges. Ce signe de qualité se distingue du label en ce qu’il n’établit pas un niveau de qualité supérieur du produit par rapport à ceux qui lui sont similaires. En outre les caractéristiques du produit peuvent porter sur un seul critère. Le cahier des charges de certification n’a pas besoin d’être homologué contrairement à celui d’un label. Le régime général de la certification de conformité est en fait calqué sur celui de la certification des produits industriels.

Le cahier des charges de la certification de conformité est élaboré en France par l’association française de normalisation (Afnor) et le Centre européen de normalisation (CEN). Pendant longtemps peu de professionnels de l’agro-alimentaire ont eu recours à cette norme ; le jambon supérieur était la principale certification de conformité. Les professionnels préféraient en effet identifier leurs produits par des codes ou par une AOC ou simplement une indication de provenance. La certification de conformité ne s’est propagée qu’à partir de 1994, soit trois ans après l’entrée en vigueur du décret n° 90-859 du 25 septembre 1990 relatif à la certification de conformité des denrées alimentaires et des produits agricoles non alimentaires et non transformés (abrogé depuis par le décret n° 96-193 du 12 mars 1996 portant le même intitulé). Aujourd’hui, le chiffre d’affaires annuel des producteurs de produits sous certification de conformité dépasse 12 milliards de francs, alors que celui des producteurs de labels agricoles est d’environ 7,5 milliards de francs. Après s’être diffusée parmi tous les fruits et légumes, la certification de conformité connaît aujourd’hui une forte croissance dans le secteur de la viande.

La Communauté européenne (règlement 2082/92/CEE du Conseil du 14 juillet 1992) reconnaît et protège également les attestations de spécificité de produits agricoles et de denrées alimentaires (à l’exclusion des eaux). Cette dénomination est réservée aux produits obtenus à partir de matières premières traditionnelles ou dont la composition ou le mode de production ou de transformation est fixé par une tradition. Ce signe de qualité est proche du label rouge en ce sens que la spécificité est une marque de reconnaissance de la différence substantielle du produit par rapport à ceux de la même catégorie qui lui sont similaires. L’attestation de spécificité doit faire l’objet d’un enregistrement auprès de la Commission. Cet enregistrement donne la garantie que le produit est fabriqué conformément à un cahier des charges et assure une protection comparable aux IGP à l’échelon communautaire.

En dernier lieu, les produits de l’agriculture biologique et les produits de l’agriculture de montagne bénéficient d’une certification spécifique.

Les produits de l’agriculture biologique sont définis comme résultant d’un mode de production exempt de produits chimiques de synthèse, respectant un plan de reconversion des terres, limitant l’emploi d’intrants et privilégiant les intrants naturels. Les produits biologiques végétaux doivent contenir au moins 95 % d’ingrédients issus de l’agriculture biologique et n’utiliser que certains additifs et ingrédients autorisés. La Communauté européenne a encadré ces produits (règlement n° 2092/91 du Conseil du 24 juin 1991). Les produits issus d’animaux (viande, lait, oeuf, ...) doivent répondre à un cahier des charges homologué ; la Communauté européenne étudie l’élaboration d’un règlement en la matière.

La loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 sur la montagne régit les marques de qualité et les dénominations des produits de l’agriculture de montagne. Une commission régionale des produits agricoles de qualité, présidée par le préfet de région, détermine les conditions d’utilisation du mot “ montagne ” et autorise son emploi au regard des techniques de fabrication utilisées, du lieu de production et d’élaboration des produits et de l’origine des matières premières.

2. L’identification des animaux et des produits alimentaires et agricoles

a) L’identification des animaux domestiques de ferme

La fixation des règles d’identification des animaux d’élevage relève du pouvoir réglementaire, conformément à l’article 2 de la loi n° 66-1005 du 28 décembre 1966 sur l’élevage, à l’article 13 de la loi n° 65-543 du 8 juillet 1965 relative aux conditions nécessaires à la modernisation du marché de la viande et à l’article 17 de la loi n° 82-847 du 6 octobre 1982 relative à la création d’offices d’intervention dans le secteur agricole et à l’organisation des marchés, respectivement codifiés sous les articles L. 653-2, L. 654-21 et L. 654-1 du code rural. La Communauté européenne a en outre mené une profonde politique d’harmonisation de ces règles entre les différents Etats membres.

Cette réglementation nationale et communautaire concerne l’identification des bovins (qui est assurée depuis 1978), des ovins, des caprins et des porcins. Le projet de loi comble la lacune existant en matière d’équidés (article 44). En revanche, aucune disposition réglementaire n’existe à l’égard des oiseaux de basse-cour vivants (poules, coqs, canards, oies, dindons, pintades, pigeons, etc.).

Les règles d’identification des bovins sont fixées par le règlement n° 820/97/CE du Conseil du 21 avril 1997 établissant un système d’identification et d’enregistrement des bovins, et relatif à l’étiquetage de la viande bovine et des produits à base de viande bovine et des règlements d’application de la Commission (n° 494/98/CE du 27 février 1998, nos 2629/97/CE et 2630/97/CE du 29 décembre 1997). La réglementation nationale repose sur le décret n° 95-276 du 9 mars 1995 relatif à l’identification permanente et généralisée du cheptel bovin et ses arrêtés d’application, dont l’arrêté du 30 mai 1997 relatif au registre des bovins.

L’identification des bovins est assurée par un marquage à l’oreille droite d’un numéro national à 10 chiffres (par tatouage ou la fixation d’une boucle plastique couleur saumon ou d’une plaquette métallique). A l’oreille gauche est fixée une boucle plastique couleur saumon indiquant le numéro de cheptel de naissance et le numéro de travail. L’identification est également assurée par l’existence d’un document d’accompagnement du bovin délivré par l’établissement départemental ou interdépartemental de l’élevage ou l’organisme auquel il a délégué cette mission. Les bovins sont enfin enregistrés sur un cahier tenu par leur éleveur et au sein d’une base de données départementale d’identification permanente et généralisée.

Les règles d’identification des ovins et des caprins sont définies par un arrêté du 30 mai 1997. L’identification s’appuie sur un numéro individuel comportant le code du pays, le numéro du cheptel et un numéro d’ordre et sur l’inscription de l’animal dans un registre des ovins et caprins tenu par leur éleveur. Le numéro d’identification est apposé à l’oreille gauche.

Les règles d’identification des porcins sont fixées par l’arrêté du 28 novembre 1980 (modifié par l’arrêté du 22 novembre 1984) relatif à l’identification des veaux et des porcins destinés à la boucherie.

Depuis 1969 (arrêté du 18 juillet 1969), les cheptels doivent également être immatriculés.

b) L’identification des denrées alimentaires et produits agricoles

L’identification des denrées alimentaires et des produits agricoles est réalisée par un marquage des produits et de leur emballage et par leur étiquetage. La Communauté européenne a fixé les règles applicables en la matière par la directive 79/112/CEE du Conseil du 18 décembre 1978 relative au rapprochement des législations des Etats membres concernant l’étiquetage et la présentation des denrées alimentaires destinées au consommateur final ainsi que la publicité faite à leur égard. Une directive 97/4/CE du Conseil du 27 janvier 1997 en a modifié les bases. Par ailleurs, le règlement 820/97/CE du Conseil du 21 avril 1997 précité fixe les règles d’étiquetage de la viande bovine et de ses produits dérivés.

La réglementation nationale relative aux denrées alimentaires repose sur le décret n° 84-1147 du 7 décembre 1984 portant application de la loi du 1er août 1905 sur les fraudes et falsifications en matière de produits ou de services en ce qui concerne l’étiquetage et la présentation des denrées alimentaires (codifié sous les articles R. 112-6 à R. 112-31 du code de la consommation) et ses arrêtés d’application.

Depuis 1991 (décret n° 91-187 du 19 février 1991), les denrées alimentaires qui ne sont pas préemballées doivent être accompagnées (sur elles ou à proximité) d’une affiche indiquant la dénomination de vente et leur emballage ou récipient les contenant doivent porter l’indication de leur lot de fabrication.

De nombreuses réglementations spécifiques (imposées par la Communauté européenne) s’ajoutent à ces règles de base. C’est notamment le cas pour les volailles, les oeufs, les carcasses de boeuf, le vin, les produits congelés ou surgelés, les conserves ou semi-conserves. Ainsi, les œufs (et leur emballage) doivent être marqués (par une couleur indélébile, les mentions et leur caractère obligatoire variant selon la catégorie de l’œuf : par exemple, les œufs de catégorie A doivent comporter l’indication de leur durabilité minimale, leurs catégories de qualité et de poids, des indications sur le centre d’emballage, une référence au mode d’élevage, une indication de l’origine des œufs et le code d’identification du producteur).

Les produits préemballés, y compris lorsqu’ils ne sont pas alimentaires, doivent comporter, en application de l’arrêté du 20 octobre 1978, l’indication de leur quantité nominale, de l’auteur des préemballages ou de l’importateur (adresse ou code officiel géographique de la commune d’installation de l’établissement) et de l’emplisseur (nom et adresse ou code officiel géographique de la commune d’installation de l’emplisseur). Pour les produits provenant d’un Etat membre de la Communauté européenne, le marquage “ e ” permet de n’indiquer que l’identification de l’auteur des préemballages ou de l’importateur. Pour les denrées alimentaires préemballées, l’étiquetage doit en outre mentionner la dénomination de vente, la liste des ingrédients, la quantité nette, la date limite de consommation ou d’utilisation optimale, le nom et l’adresse du fabricant ou conditionneur, le lieu d’origine ou de provenance lorsque son omission est de nature à créer une confusion, le mode d’emploi si le même risque existe, le lot de fabrication et, le cas échéant, le titre alcoométrique volumique et les mentions obligatoires spécifiques au produit. Lorsque la denrée est destinée à être commercialisée à un stade antérieur à la vente au consommateur final, ou est destinée aux collectivités, des prescriptions particulières sont imposées (elles portent sur les documents commerciaux, l’emballage extérieur de commercialisation et les préemballages individuels).

Le projet de loi d’orientation agricole ne modifie pas la législation sur l’identification des produits agricoles ou alimentaires car un projet de loi sur la qualité sanitaire de ces produits est en cours d’élaboration et traitera de manière complète ce sujet grave, notamment au regard de l’identification des organismes génétiquement modifiés.

Article additionnel avant l’article 39

(article L. 640-1 (nouveau) du code rural)

Politique de la qualité et de l’origine des produits agricoles
ou alimentaires

La commission a été saisie de trois amendements par MM. François Patriat, François Sauvadet et Jacques Rebillard (amendement n° 26) proposant d’inscrire dans la loi les objectifs de la politique conduite dans le domaine de la qualité et de l’origine des produits agricoles ou alimentaires. Elle a adopté l’amendement de M. François Patriat portant article additionnel, rendant ainsi sans objet les deux autres amendements qui lui sont presque identiques (amendement n° 164 rect.).

Article 39

Signes d’identification
et emploi des termes “ fermier ” et “ produit pays ”

Le présent article pose tout d’abord le principe selon lequel les signes d’identification de la qualité et de l’origine sont délivrés par l’autorité administrative et dresse la liste de ces signes. Ce premier alinéa n’a pas un caractère normatif. Il ne hiérarchise ni ne fait aucune distinction entre ces signes. Ces signes sont toutefois dénommés “ signes d’identification ” alors que le langage courant utilise l’expression de signes de qualité ; comme l’ont fait ressortir les débats lors des auditions de M. Jean Pinchon, président de l’INAO, le 17 juin 1998, et de Mme Marie-José Nicoli, présidente de l’union fédérale des consommateurs-Que Choisir, le 25 juin, par la commission de la production et des échanges, ces signes sont, tantôt des indications de qualité, tantôt des indications d’origine mais les AOC restent toutefois, pour votre rapporteur, ambivalentes.

Les deux derniers alinéas de l’article mettent en place une protection des appellations “ fermier ” et “ produit pays ” devenues d’un usage courant mais, dans de nombreux cas, abusif.

a) Les signes d’identification de la qualité et de l’origine

Comme il a été exposé dans la présentation du titre IV du projet de loi, la reconnaissance de la qualité et de l’origine des produits agricoles et alimentaires passe par la définition et l’attribution de signes de qualité ou d’identification. Cette politique est très ancienne et a été lancée en Europe par la France. Grâce à ce fort ancrage et au soutien conjoint des producteurs, transformateurs, négociants, distributeurs et consommateurs, les différents signes français se sont imposés à la Commission européenne.

Le projet de loi dresse la liste de ces signes dont peuvent bénéficier les produits agricoles et alimentaires :

– l’appellation d’origine contrôlée (AOC), reconnue depuis 1935 par décret (et exclusivement par décret depuis 1990) sur proposition de l’INAO qui détermine l’aire géographique de l’AOC proposée et les conditions de production et d’agrément individuel (voir présentation du chapitre ci-dessus sur la procédure d’attribution et de contrôle) ;

– l’indication géographique protégée (IGP), qui est une marque collective communautaire dont bénéficient les produits agricoles ou alimentaires conformes à un cahier des charges établi par un groupement de producteurs selon la procédure de la certification, et dont la demande d’inscription (accompagnée du cahier des charges) sur le registre communautaire des IGP a été acceptée et transmise à la Commission européenne par le gouvernement d’un Etat membre, qui vérifie qu’elle est justifiée, et n’a pas été écartée par celle-ci pour un motif d’irrecevabilité formelle et n’a fait l’objet d’aucune opposition par un Etat membre dans les six mois suivant la publication au Journal officiel des Communautés européennes de son enregistrement (voir l’analyse ci-dessus dans la présentation du titre). Le régime des IGP est fixé par le règlement (CE) n° 2081/92 du Conseil du 14 juillet 1992 et figure aux articles L. 115-26-1 à L. 115-26-3 du code de la consommation, les mesures d’application ayant fait l’objet du décret n° 94-598 du 6 juillet 1994 relatif aux procédures d’examen des demandes d’enregistrement ; des indications géographiques protégées et des attestations de spécificité. L’IGP n’est pas applicable aux vins et boissons spiritueuses. Par ailleurs, les produits sous label ou certification de conformité ne peuvent mentionner une indication d’origine que si celle-ci est enregistrée comme IGP ;

– le label, qui est une marque collective datant de 1960 et est dénommé “ label agricole ” lorsqu’il concerne une denrée alimentaire ou un produit non alimentaire non transformé, atteste que le produit possède un ensemble distinct de qualités et caractéristiques préalablement fixées et établissant un certain niveau de qualité supérieure qui fait la spécificité du produit. Les labels agricoles sont délivrés par des organismes certificateurs indépendants et ne peuvent être utilisés qu’après homologation de leur cahier des charges par arrêté interministériel (“ label rouge ” national), après avis de la commission nationale des labels et des certifications de produits agricoles et alimentaires. Le régime des labels agricoles est fixé par les articles L. 115-21 à L. 115-26 du code de la consommation et le décret n° 96-193 du 12 mars 1996 relatif à la certification des denrées alimentaires et des produits agricoles non alimentaires et non transformés ;

– la certification de conformité, qui est également une marque collective, instituée en 1988, atteste qu’une denrée alimentaire ou un produit agricole non alimentaire non transformé est conforme à des caractéristiques spécifiques ou à des règles préalablement fixées dans un cahier des charges portant, selon le cas, sur la production, la transformation ou le conditionnement et, le cas échéant, l’origine géographique lorsque le produit est enregistré sous une IGP. Le régime juridique de la certification de conformité est analogue à celui des labels (articles L. 115-21 et L. 115-26 du code de la consommation) ;

– la certification du mode de production biologique est une marque collective dont la création résulte du III de l’article 14 de la loi n° 80-502 du 4 juillet 1980 d’orientation agricole. Bénéficient de cette marque collective les produits agricoles, transformés ou non, issus d’une agriculture dite biologique n’utilisant pas de produits chimiques de synthèse et répondant aux conditions de production, de transformation et de commercialisation fixées par des cahiers des charges homologués par arrêté interministériel, après avis de la commission nationale des labels et certifications des produits agricoles et alimentaires. Le mode de production biologique des produits agricoles a fait l’objet d’un règlement (CE) n° 2092/91 du Conseil du 24 juin 1991 ;

– la dénomination “ montagne ” est une appellation instituée par les articles 33, 34 et 35 de la loi n°85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne. Elle est réservée aux produits agricoles non alimentaires et non transformés et les denrées alimentaires autres que le vin ; elle ne peut être utilisée que si ces produits bénéficient d’une appellation d’origine, d’un label ou d’une certification de qualité et qu’après autorisation délivrée par arrêté conjoint du ministre de l’agriculture et de celui chargé de la consommation, après avis de la commission régionale des produits alimentaires de qualité. Les demandes d’utilisation de l’appellation “ montagne ” sont adressées au préfet de région par l’organisation professionnelle concernée ou l’organisme certificateur. La protection législative s’étend à toutes les références géographiques spécifiques aux zones de montagne.

La commission a tout d’abord adopté deux amendements du rapporteur codifiant les dispositions de l’article 39 au sein d’un article L. 640-2 (nouveau) du code rural (amendement n° 165) et précisant que sont visés les produits agricoles ou alimentaires (amendement n° 166).

Elle a ensuite examiné quatre amendements de MM. Christian Jacob, Serge Poignant (amendement n° 45), François Sauvadet et Jean Proriol tendant à supprimer des signes d’identification de la qualité de l’origine, l’indication géographique protégée.

M. Christian Jacob a fait valoir que l’indication géographique protégée n’était pas un signe français d’identification, mais une protection commerciale communautaire liée aux signes de qualité que sont le label et la certification de conformité. Ranger l’indication géographique protégée parmi les signes de qualité serait une source de confusion pour le consommateur et risquerait d’affaiblir la politique de la qualité. M. Serge Poignant ne s’est pas déclaré hostile aux indications géographiques protégées, mais au lien établi par le projet de loi entre cette indication et une qualité tirée de l’origine. M. Germain Gengenwin a estimé qu’il n’était pas bon d’introduire dans la législation française un nouveau signe d’identification de la qualité et de l’origine.

Le rapporteur a répondu aux intervenants qu’il existait deux procédures pour valoriser l’origine d’un produit : une première faisant appel à l’Institut national des appellations d’origine (INAO), qui est gratuite et de nature administrative, et une seconde nécessitant le recours à des organismes certificateurs et faisant appel à la Commission nationale des labels et des certifications de produits agricoles et alimentaires, qui exige un investissement, par les producteurs, de l’ordre de 200 à 400 000 francs. Jusqu’à présent, les indications géographiques protégées doivent emprunter la seconde procédure. Parallèlement, l’indication géographique protégée devient peu à peu, dans l’esprit des consommateurs, un signe plus fort que l’appellation d’origine contrôlée (AOC), car le consommateur a tendance à lier une indication de lieu géographique avec la reconnaissance d’une qualité. Mais, cette démarche finit par induire en erreur les consommateurs sur la nature même de plusieurs produits bénéficiant d’une indication géographique protégée. Ainsi, il faut savoir que la majorité des jambons de Bayonne sont produits en Bretagne avec du porc breton. Le sel de Guérande est source de mêmes confusions. Le projet de loi propose donc de simplifier la procédure de sélection des indications géographiques protégées afin d’en confier le contrôle à l’INAO. L’institut, grâce à sa longue expérience en matière d’AOC, dispose des moyens pour exercer un contrôle efficace et apprécier le lien entre un terroir, un produit et un savoir-faire. Sans contrôle de l’INAO, à terme, n’importe qui pourra détourner des produits d’appellation d’origine contrôlée en faisant reconnaître des indications géographiques protégées. Jusqu’à présent, tout le monde convient que l’INAO a bien défendu les AOC (le rapporteur a cité les exemples des poursuites engagées à l’étranger par l’INAO pour défendre l’appellation champagne). Même si l’indication géographique protégée n’est pas un signe de qualité, la maintenir hors des signes d’identification protégés par la loi serait faire un cadeau aux négociants et distributeurs souhaitant tirer profit de la crédulité des consommateurs.

M. François Sauvadet a fait observer que la France disposait d’outils performants pour conduire sa politique de la qualité. Le projet de loi risque de créer une faille dans le dispositif en ouvrant la porte à un signe d’identification qui n’est pas un signe de qualité. Les quatre amendements de suppression ne visent pas à remettre en cause les capacités et le professionnalisme de l’INAO mais à empêcher d’affaiblir la protection des signes de qualité en rangeant parmi eux l’indication géographique protégée. Il a averti qu’à terme la marque finirait par se substituer à l’indication géographique protégée.

Le rapporteur a rétorqué que grâce au contrôle de l’INAO, l’indication géographique protégée pourra être considérée comme signe d’identification de la qualité et de l’origine.

M. Christian Jacob a cité l’exemple du fromage de Brie pour lequel le consommateur n’avait pas la garantie d’acheter un produit provenant de Meaux ou de Melun, puisque seule l’appellation “ véritable fromage de Brie de Meaux (ou de Melun) ” est protégée. Or, on constate que de nombreux producteurs et distributeurs mettent en vente des bries de Meaux ou de Melun sans cette dénomination complète, laissant croire aux consommateurs que ces fromages sont produits dans ces régions d’appellation.

M. Félix Leyzour a en revanche considéré comme une avancée le fait de ranger l’indication géographique protégée parmi les signes d’identification protégés par la loi.

M. Patrick Ollier, après avoir rappelé qu’il avait été le rapporteur du projet de loi relatif à la reconnaissance de qualité des produits agricoles et alimentaires (devenu la loi n° 94-2 du 3 janvier 1994) qui avait modifié le code de la consommation afin de transposer le règlement communautaire relatif aux indications géographiques protégées, a apporté son soutien aux quatre amendements de suppression. Il a souligné que le projet de loi d’orientation agricole risquait de ne plus garantir la qualité des produits sous indication géographique protégée. Le dispositif de protection communautaire élaboré en 1992 s’était appuyé sur la législation française et la France avait transposé en 1994 le règlement communautaire en insérant les indications communautaires protégées dans les mécanismes de protection français. Le projet de loi remet en cause cet équilibre.

Le rapporteur a répondu à MM. François Sauvadet, Christian Jacob et Patrick Ollier en faisant observer que les dispositions législatives sur le cahier des charges des indications géographiques protégées (deuxième phrase du troisième alinéa du II) étaient calquées sur celles prévues pour le cahier des charges des AOC (deuxième alinéa du II). Les indications géographiques protégées bénéficieront donc d’un véritable encadrement permettant de garantir leur origine et leur qualité. Il a conclu en indiquant que le Gouvernement entendait approfondir les mesures en faveur de la politique de qualité mais que les propositions étaient soumises à la Commission européenne. Celles figurant dans le projet de loi avaient en revanche déjà reçu l’aval de la Commission européenne.

A l’issue de ce débat, la commission a rejeté les quatre amendements.

Puis la commission a adopté un amendement du rapporteur précisant que le label visé est le label agricole (amendement n° 167).

b) La protection des appellations “ fermier ” et “ produit pays ”

Le deuxième alinéa de l’article 39 du projet de loi tend à protéger l’utilisation des termes “ fermier ”, “ produit de la ferme ” et “ produit à la ferme ”. La définition des produits pouvant légalement se prévaloir de ces dénominations est renvoyée à un décret en Conseil d’Etat. Si celle-ci ne pose pas trop de problème lorsqu’il s’agit de produits naturels cultivés dans des exploitations et vendus en l’état, elle devient très délicate lorsque sont en cause des produits transformés dans les exploitations agricoles : une concertation approfondie est indispensable avec les producteurs et leurs partenaires. A titre d’exemple de difficulté, votre rapporteur vous soumet ce problème : un pâté de lapin fermier est-il fermier parce que le lapin a été élevé et tué à la ferme ou parce que le pâté a été fabriqué à la ferme ? Et si le pâté contient des ingrédients fabriqués hors de la ferme (légumes, condiments, viande de porc...) ou des additifs industriels, ou si sa fabrication a été pour partie (apertisation, pasteurisation,...) réalisée dans un établissement industriel ou commercial peut-il toujours être fermier ? Par ailleurs, le décret en Conseil d’Etat devra cerner la notion de ferme.

La protection ainsi donnée par la loi ne vise pas à faire table rase de toutes les réglementations existantes et protégeant ponctuellement des produits qualifiés de fermiers. Ces règlements ne doivent pas être paralysés par la promulgation de la loi. Le décret en Conseil d’Etat visé par l’article 39 se substituera à eux ou les validera.

La commission a donc adopté un amendement de M. François Patriat précisant que la protection du qualificatif “ fermier ” et des mentions “ produit de ferme ” et “ produit à la ferme ” ne remettait pas en cause les réglementations nationales en vigueur à la date de promulgation de la loi d’orientation agricole, ni les conditions approuvées pour bénéficier d’un label agricole (amendement n° 168). Les amendements de MM. Christian Jacob, Jean Proriol et Jacques Rebillard (amendement n° 27) ayant le même objet ont en conséquence été rejetés.

Un amendement de M. Jean-Michel Marchand proposant une protection identique pour le qualificatif “ biologique ” a été rejeté au motif que les produits issus de l’agriculture biologique bénéficiaient d’ores et déjà d’une réglementation protectrice.

La commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur étendant la protection des qualificatifs et mentions relatifs à la ferme à toute autre dénomination équivalente afin d’éviter tout détournement du dispositif (amendement n° 169). Elle a en revanche rejeté un amendement de M. Jean-Michel Marchand demandant au Gouvernement de fixer par décret en Conseil d’Etat des modalités d’identification du producteur fermier, au motif qu’un amendement sur l’identification des producteurs de produits d’appellation d’origine contrôlée serait soumis à la commission après l’article 40.

Une protection identique est mise en place par le dernier alinéa de l’article pour les produits des départements d’outre-mer qualifiés de “ produits pays ”. La définition de cette dénomination pose des difficultés pratiques encore supérieures à celles exposées pour les produits fermiers.

Après avoir adopté un amendement rédactionnel du rapporteur portant sur le dernier alinéa (amendement n° 170), la commission a adopté l’article 39 ainsi modifié.

Article 40

(articles L. 115-19, L. 115-20, L. 115-26-1 et L. 115-26-2
du code de la consommation)

Organisation de l’INAO, extension des compétences de l’INAO
aux indications géographiques protégées

Article L. 115-19 du code de la consommation

Création du comité national compétent
pour les indications géographiques protégées

Afin de soutenir les viticulteurs qui souhaitaient promouvoir la qualité de leurs produits mais qui rencontraient des difficultés en raison du manque de précision de la loi et de la procédure judiciaire même de reconnaissance des appellations d’origine, un décret-loi du 30 juillet 1935 (relatif à la défense du marché des vins et au régime économique de l’alcool) mit en place un régime spécifique applicable aux vins et eaux-de-vie. En lieu et place des tribunaux judiciaires, un comité national des appellations d’origine fut chargé de définir les conditions nécessaires pour bénéficier de la catégorie, créée à cet effet, des appellations d’origine contrôlées, un décret adopté sur proposition du ministre de l’agriculture homologuant ses décisions. Ce comité contribuait en outre au contrôle des productions sous AOC.

Le décret du 16 juillet 1947 renomma ce comité “ Institut national des appellations d’origine des vins et eaux-de-vie ” afin d’éviter les confusions avec des comités d’organisation créés sous le gouvernement de Vichy.

Jusqu’en 1991, les structures délibératives de l’INAO reposaient sur :

– des comités régionaux composés de professionnels de la production et du commerce nommés pour trois ans (cinq ans à partir du décret du 29 mai 1987) par le ministre de l’agriculture, comprenant également des représentants des administrations de l’agriculture et des finances, et chargés de rendre des avis soumis au comité national pour toutes questions intéressant leur circonscription régionale ;

– un comité national, composé de représentants des comités régionaux, des administrations et de personnes qualifiées nommés (y compris le président) pour trois ans (cinq ans à partir du décret du 29 mai 1987) par les ministres de l’agriculture et des finances et délibérant sur toutes les questions relevant de la compétence de l’INAO ;

– un comité directeur, supprimé par le décret du 29 mai 1987, chargé de préparer les questions soumises au comité national ;

– une commission permanente, chargée de suivre les affaires courantes et dont la composition était fixée par le ministre de l’agriculture.

En application de la loi n° 90-558 du 2 juillet 1990 relative aux appellations d’origine contrôlées des produits agricoles ou alimentaires, bruts ou transformés, l’Institut national des appellations d’origine des vins et eaux-de-vie prit le nom d’Institut national des appellations d’origine et ses compétences furent étendues à tous les produits agricoles ou alimentaires, qu’ils soient bruts ou transformés.

En conséquence, les structures délibératives nationales de l’INAO furent adaptées à ces nouvelles attributions. La loi du 2 juillet 1990 précitée (article 7-7 de la loi du 6 mai 1919 précitée codifié sous l’article L. 115-19 du code de la consommation) créa trois comités chargés de déterminer les conditions auxquelles doivent satisfaire les produits relevant de leurs attributions pour obtenir une AOC :

– le comité national compétent pour les vins, eaux-de-vie, cidres, poirés et apéritifs à base de vins, cidres et poirés, qui reprend les attributions précédentes du comité national de l’INAO ;

– le comité national des produits laitiers, qui reçoit les attributions auparavant exercées par le comité national des appellations d’origine des fromages institué par la loi n° 55-1533 du 28 novembre 1955 pour définir les appellations d’origine des produits laitiers (édictées par décret après avis conforme du comité). Les appellations d’origine fromagères reconnues avant 1990 ont été assimilées à des AOC ;

– le comité national des produits autres que ceux couverts par les deux premiers comités (qui a défini, par exemple, les AOC de l’huile d’olive de Nyons, la lentille verte du Puy, la noix de Grenoble, le foin de Grau, la pomme de terre de l’Ile de Ré et dernièrement le coco de Paimpol).

Ces comités nationaux restent composés de professionnels de la production, de la transformation et du négoce choisis parmi les comités régionaux, de représentants de l’administration et de personnalités qualifiées. Le décret n° 91-368 du 15 avril 1991 portant organisation et fonctionnement de l’INAO a porté le mandat des professionnels et des personnes qualifiées à six ans renouvelables et a fixé une limite d’âge pour la nomination des professionnels à 65 ans. Les professionnels et les personnes qualifiées sont nommés par arrêté conjoint des ministres de l’agriculture et de l’économie. Les présidents des comités nationaux sont nommés pour six ans renouvelables par arrêté conjoint des deux ministres précités et sont choisis parmi les professionnels. Chaque comité national dispose d’une commission permanente, dont il nomme les membres, pour suivre les affaires courantes relevant de sa compétence.

Un conseil permanent est en outre chargé de délibérer sur le budget de l’INAO, sa politique générale et la défense de la notion d’AOC. Il est composé de 22 membres appartenant aux comités et comprend les présidents de ces derniers. Ses membres sont nommés par arrêté conjoint des ministres de l’économie et de l’agriculture pour la durée de leur mandat au sein de leur comité national. Le président du conseil permanent est nommé pour deux ans par arrêté conjoint des deux ministres précités ; il est choisi successivement dans chacun des comités nationaux.

Parallèlement des comités régionaux, dont la liste et le nombre des membres sont fixés par arrêté conjoint des deux ministres précités, étudient toutes les questions intéressant leur région pour leur secteur de compétence. Leurs avis sont soumis à l’examen de leur comité national. Les présidents des comités régionaux sont nommés par le ministre de l’agriculture parmi les professionnels qui en sont membres.

Outre une modification des dénominations des trois comités nationaux existants, qui font désormais référence aux termes d’appellations d’origine, le projet de loi propose de créer un quatrième comité national compétent pour les indications géographiques protégées. Cette modification de l’organisation de l’INAO est liée à l’extension de ses attributions prévue au II du présent article et qui vise à lui permettre de proposer la reconnaissance des produits susceptibles de bénéficier d’une indication géographique protégée.

Ce quatrième comité national sera destinataire de toutes les demandes de reconnaissance d’un produit pour lequel ses producteurs regroupés en un syndicat ou organisation de producteurs souhaitent obtenir une indication géographique protégée conformément à la procédure communautaire décrite plus haut. Il faut donc souligner que ce comité n’attribuera pas le signe d’identification qui relève de la seule compétence de la Communauté européenne ; il définira les caractéristiques de ce produit (origine et production) et les conditions de production, sous réserve d’une homologation interministérielle.

Le comité national pour les indications géographiques protégées sera amené à statuer sur des produits relevant de la compétence des trois autres comités au cas où ceux-ci bénéficieraient d’une appellation d’origine contrôlée ou appartiendraient à une gamme de produits où il existe des AOC. Siégeront donc à ce comité des membres des autres comités.

Après avoir adopté un amendement du rapporteur prenant en compte la codification de l’article L. 115-19 du code de la consommation au sein de l’article L. 641-5 du code rural (amendement n° 171), la commission a rejeté, par coordination avec le vote intervenu à l’article 39 sur les indications géographiques protégées, cinq amendements de MM. Serge Poignant (amendement n° 48), Jean Proriol, Christian Jacob, Jacques Rebillard (amendement n° 28) et François Sauvadet tendant à mentionner que le quatrième comité national était compétent pour les indications géographiques protégées en liaison avec la Commission nationale des labels et des certifications des produits agricoles et alimentaires.

Article 115-20 du code de la consommation

Extension des compétences de l’INAO
aux indications géographiques protégées (IGP)

Le deuxième alinéa du II de l’article 40 du projet corrige une erreur matérielle intervenue lors de la codification de l’article 7-8 de la loi du 6 mai 1919 relative à la protection des appellations d’origine sous l’article L.115-20 du code de la consommation, par la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993 relative à la partie législative du code de la consommation : les mots “ et la détermination des conditions ” avaient été omis, sans pour autant nuire à la portée du dispositif.

Les trois alinéas suivants visent à permettre à l’INAO de définir l’aire géographique, les conditions de production ainsi que d’agrément des produits susceptibles de bénéficier d’une indication géographique protégée (IGP). La décision de l’INAO est soumise au ministre de l’agriculture et à celui chargé de la consommation. Cette procédure est calquée sur celle applicable aux AOC.

Cette nouvelle procédure ne se substitue pas à la règle selon laquelle peuvent prétendre à une IGP les produits bénéficiant d’un label agricole ou d’une certification de conformité (article L.115-26-1 du code de la consommation). Le projet de loi a pour conséquence, en fait, que la procédure actuelle, résultant des dispositions de la section II (labels et certification des produits alimentaires et agricoles) du chapitre V du titre I du livre premier du code de la consommation, n’aura plus un caractère exclusif. Un produit pourra donc être proposé à l’enregistrement comme IGP soit parce qu’il bénéficie d’un label agricole ou d’une certification de conformité, soit parce qu’il bénéficie d’une proposition de reconnaissance par l’INAO homologuée par arrêté des ministres chargés de l’agriculture et de la consommation.

Cette dualité de procédure est justifiée par le double caractère des IGP : elles certifient et protègent une qualité mais identifient également une origine. Pour cette raison, une commission mixte paritaire entre l’INAO et la commission nationale des labels et certifications des produits agricoles et alimentaires avait été mise en place pour examiner les demandes d’enregistrement d’IGP au regard du rattachement du produit à une aire géographique et de son nom.

Parallèlement à la procédure de reconnaissance par l’INAO du caractère d’IGP d’un produit, le projet de loi confie à l’INAO la charge de contrôler le respect des conditions fixées dans son homologation. En la matière, ses pouvoirs seront identiques à ceux dont il dispose à l’égard des producteurs d’AOC. Ce pouvoir s’exercera sur toutes les IGP, y compris donc sur celles enregistrées en application de la procédure de la section II du chapitre V du titre I du livre premier du code de la consommation (IGP bénéficiant d’un label agricole ou d’une certification de conformité et dont le cahier des charges est mis au point par un organisme certificateur), afin de garantir l’uniformité des modalités de contrôle du signe d’identification.

Pour les exploitants agricoles et transformateurs, la création de cette nouvelle procédure d’accès aux IGP aura l’avantage de ne pas exiger de réaliser l’investissement important tenant au recours à un organisme privé chargé d’élaborer un cahier des charges de certification ou de labellisation.

Le dernier alinéa du II de l’article 40 étend les compétences consultatives de l’INAO aux questions d’étiquetage et de présentation des produits et permet de le consulter sur toute question relative aux appellations d’origine et aux IGP.

La commission a pour le même motif que précédemment rejeté douze amendements : deux de M. Christian Jacob, quatre de M. Serge Poignant (dont les amendements n° 46, 47 et 50), trois de M. Jacques Rebillard (amendements n° 29, 30 et 31) et trois de M. Jean Proriol portant sur le II, puis a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur prenant en compte la codification de l’article L. 115-20 du code de la consommation au sein de l’article L. 641-6 du code rural (amendements nos 172 et 173).

Article L. 641-6 du code rural

Contingents de production des appellations d’origine viticoles

La commission a adopté un amendement de M. François Patriat insérant un nouveau paragraphe dans l’article afin de permettre à l’INAO de proposer des contingents d’accroissement du potentiel de production des appellations d’origine viticoles ainsi que les critères nécessaires à leur répartition et les listes des attributaires (amendement n° 174). Un amendement de M. Alain Ferry ayant le même objet a été rejeté. Le but recherché est de renforcer le rôle de l’INAO en matière de droit de plantation afin de garantir la maîtrise des potentiels de production.

Article L. 115-26-1 du code de la consommation

Procédure d’enregistrement des indications géographiques protégées et des attestations de spécificité

Le III de l’article 40 du projet de loi modifie l’article L. 115-26-1 du code de la consommation qui définit les signes d’identification de la qualité et de l’origine communautaires (attestation de spécificité, appellation d’origine protégée, indication géographique protégée) et fixe le cadre de leur procédure d’enregistrement au sein des procédures de reconnaissance des signes d’identification français. Ainsi, ne peuvent demander un enregistrement comme appellation d’origine protégée que les produits bénéficiant d’une appellation d’origine contrôlée, et les demandes d’enregistrement d’indication géographique protégée ou d’attestation de spécificité doivent suivre la procédure d’attribution des labels agricoles et certifications de conformité qui figure à la section II du chapitre V du titre I du livre premier du code de la consommation.

Le III tire les conséquences de la création, par le II du présent article, de la procédure d’accès aux indications géographiques protégées par une reconnaissance par l’INAO. Il propose donc de mentionner à l’article L.115-26-1 l’existence de cette nouvelle procédure inscrite à la sous-section 5 de la section 1 du chapitre V.

La commission a adopté trois amendements rédactionnels du rapporteur prenant en compte la codification de l’article L. 115-26-1 du code de la consommation au sein de l’article L. 642-1 du code rural (amendements n°s 175, 176 et 177) et rejeté un amendement de suppression du paragraphe proposé par M. Christian Jacob et quatre amendements de MM. Jacques Rebillard (amendement n° 32), Serge Poignant (amendement n° 49), Christian Jacob et Jean Proriol tendant à soustraire à l’INAO le contrôle des indications géographiques protégées.

Article L. 115-26-2 du code de la consommation

Contrôle du respect des cahiers des charges
des indications géographiques protégées

Conformément à l’article L.115-23-2 du code de la consommation, les labels agricoles et les certificats de conformité sont délivrés par des organismes certificateurs agréés par l’administration. L’article L. 115-26-2 les charge en conséquence du contrôle du respect des cahiers des charges des indications géographiques protégées (IGP) et des attestations de spécificité.

Comme le 4ème alinéa du II du présent article confie à l’INAO la mission de contrôler les conditions de production des IGP, le IV du présent article en tire les conséquences en retirant aux organismes certificateurs la charge de contrôler les cahiers des charges des IGP.

La commission a rejeté quatre amendements de suppression du paragraphe proposés par MM. Christian Jacob, Jacques Rebillard (amendement n° 33), Serge Poignant (amendement n° 51) et Jean Proriol ; puis, elle a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur prenant en compte la codification de l’article L. 115-26-2 du code de la consommation au sein de l’article L. 642-2 du code rural (amendements n°s 178 et 179).

La commission a ensuite adopté l’article 40 ainsi modifié.

Article additionnel après l’article 40 

(section 6 (nouvelle) du chapitre I du titre IV du livre VI (nouveau) du code rural)

Statut des syndicats de producteurs de produits
d’appellation d’origine contrôlée

Sur la proposition de M. François Patriat, la commission a adopté un amendement, portant article additionnel, donnant un statut législatif aux syndicats ou associations de producteurs d’un produit d’appellation d’origine contrôlée reconnus par l’autorité administrative (amendement n° 180). Elle a rejeté un amendement de M. Alain Ferry ayant le même objet mais comportant une définition des missions de ces syndicats conduisant à faire de ces organismes des substituts des interprofessions.

Dès la reconnaissance des appellations d’origine contrôlée en 1935, les syndicats professionnels de défense des appellations d’origine en France et à l’étranger ont été des partenaires à part entière de l’INAO. Les syndicats d’AOC, véritable pierre angulaire du système des appellations, ne disposent d’aucune base juridique particulière précisant les conditions d’exercice de leurs missions et prévoyant le niveau de représentativité souhaitable pour intervenir dans la consultation organisée par l’INAO. La commission a jugé utile de remédier à cette carence qui touche l’ensemble des produits agricoles ou alimentaires d’appellation d’origine contrôlée.

Article additionnel après l’article 40 

(article L. 112-1 (nouveau) du code de la consommation)

Etiquetage des produits bénéficiant d’une appellation
d’origine contrôlée

La commission a adopté un amendement de M. François Patriat portant article additionnel, disposant que l’étiquetage d’un produit bénéficiant d’une appellation d’origine contrôlée doit obligatoirement comporter les nom et adresse du fabricant (amendement n° 181).

Le législateur n’est jamais intervenu pour fixer des règles sur les modes de présentation des biens vendus aux consommateurs ni sur les inscriptions devant figurer dessus. En revanche, plusieurs décrets ont encadré l’étiquetage des produits (articles R. 112-7 à R. 112-13 du code de la consommation). Mais ces dispositions visent seulement à garantir la clarté et la précision de l’étiquetage et à faire figurer un certain nombre de mentions obligatoires sur les denrées alimentaires préemballées. A ce titre doivent apparaître le nom ou la raison sociale et l’adresse du fabricant ou du conditionneur, ou du vendeur établi à l’intérieur du territoire de la Communauté européenne.

L’article additionnel impose de faire figurer, en tous les cas, le nom et l’adresse du fabricant d’un produit d’appellation d’origine contrôlée. Le contrôle de la qualité et de l’origine exige en effet de connaître le fabricant du produit sous appellation ; la mention du nom et de l’adresse du conditionneur ou du revendeur est beaucoup moins satisfaisante car elle ne permet pas de remonter la filière jusqu’à la seule personne responsable de la qualité liée à l’origine, à savoir le fabricant.

Article additionnel après l’article 40 

(chapitre VI (nouveau) du titre IV du livre VI (nouveau) du code rural)

Commission nationale des labels et des certifications
de produits agricoles et alimentaires

La commission a adopté deux amendements identiques de MM. Jean Proriol et François Sauvadet, portant article additionnel, proposant de donner un statut législatif à la Commission nationale des labels et des certifications de produits agricoles et alimentaires (amendement n° 182).

Les auteurs de l’amendement ont fait valoir que la commission existait depuis 1965 sous des formes variées et qu’afin de reconnaître son rôle moteur en matière de politique de la qualité en France il fallait lui donner un statut législatif. L’amendement ne modifie toutefois aucunement l’organisation, les pouvoirs et le fonctionnement de cette commission qui figurent dans les décrets n° 83-507 du 17 juin 1983, n° 94-492 du 13 juin 1994 et n° 96-193 du 12 mars 1996.

Article 41

(articles L. 115-16, L. 115-18 et L. 115-26-3 du code de la consommation)

Présentation trompeuse d’une appellation d’origine contrôlée
et poursuite des infractions

Article L. 115-16 du code de la consommation

Présentation trompeuse d’une appellation d’origine contrôlée

Les articles L. 115-16 à L. 115-18 du code de la consommation organisent la protection pénale des AOC. Cependant, seule une mention inexacte d’une appellation d’origine sur un produit mis en vente ou destiné à l’être est sanctionnée (de 250 000 F d’amende et de deux ans d’emprisonnement, peines applicables en cas de tromperie selon l’article L. 213-1 du code de la consommation).

Le I de l’article 41 du projet de loi propose de sanctionner de la même manière un mode de présentation faisant croire ou de nature à faire croire (cette précision permet de sanctionner un mode de présentation trompeur alors même qu’il n’y a aucune intention frauduleuse) qu’un produit bénéficie d’une AOC. Sont visées des présentations du genre : “ jambon de Paris Durand d’appellation de grande origine, que nous contrôlons ” (rappelons qu’aucun jambon ne bénéfice d’une AOC). Il n’y a pas de mention frauduleuse d’une AOC mais le choix de cette rédaction induit en erreur le consommateur.

L’adoption d’un tel dispositif est souhaitable car il ne s’agit pas de falsification (réprimée par l’article L. 213-3 du code de la consommation) et l’article L. 213-1 réprimant la tromperie est rédigé en termes généraux et s’applique difficilement au cas de figure visé du fait que l’intention de tromper est difficilement démontrable devant les tribunaux.

Article L. 115-18 du code de la consommation

Poursuite des infractions en matière d’appellation d’origine

Les articles L. 115-16 à L. 115-18 du code de la consommation organisent la poursuite des infractions en matière d’appellation d’origine. Il s’agit d’une procédure pénale ordinaire sous réserve que les personnes bénéficiaires d’une appellation d’origine ou les syndicats ou associations de défense d’une appellation d’origine peuvent se constituer partie civile.

En revanche, les labels agricoles et les certifications de conformité disposent de la procédure de recherche et de constatation des infractions applicable aux fraudes, y compris tromperies, et falsifications (article L. 115-25 du code de la consommation). Cette procédure constitue le pilier du droit de la consommation français et en fait un des droits les mieux contrôlés et respectés au monde et peut-être le plus abouti. Elle a été mise en place par la loi du 1er août 1905 sur les fraudes et falsifications en matière de produits et services. Cette procédure repose sur l’attribution de pouvoirs d’enquête étendus à l’administration, la définition de procédures de recherche et de constatation des infractions adaptées aux situations concrètes et l’existence d’une panoplie de mesures conservatoires, d’urgence, d’exécution et de publicité permettant d’adapter les décisions de justice aux différents cas de figure.

Le II de l’article 41 du projet de loi fait bénéficier les appellations d’origine de cette procédure, alors que les indications géographiques protégées en bénéficient actuellement du fait qu’elles sont liées à un label agricole ou une certification de conformité.

Article L. 115-26-3 du code de la consommation

Poursuite des infractions en matière d’appellation d’origine protégée, d’indication géographique protégée et d’attestation de spécificité

A l’instar du II de l’article 41, le III fait bénéficier, d’une manière générale, les appellations d’origine protégées, les indications géographiques protégées (qui ne sont plus désormais exclusivement liées à un label agricole ou une certification de conformité) et les attestations de spécificité de la procédure de recherche, de constatation et de sanction des infractions applicables aux fraudes et falsifications.

La commission a adopté, sur la proposition du rapporteur, un amendement de rédaction globale du III pour prendre en compte l’adoption du livre VI (nouveau) du code rural (amendement n° 183), puis l’article 41 ainsi modifié.

Article 42

(articles 33, 34 et 35 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne)

Appellation “ montagne ”

L’article 42 du projet de loi propose une nouvelle rédaction des trois articles de loi fixant le régime de l’identification des produits de montagne, à savoir les articles 33, 34 et 35 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne. La commission a adopté un amendement du rapporteur visant à prendre en compte la codification, au sein des articles L. 644-1, L. 644-2 et L. 644-3 du code rural, de ces trois articles (amendement n° 184).

L’article 39 du projet de loi coupe court au débat sur la nature de l’appellation “ montagne ” en la rangeant parmi les signes d’identification de la qualité et de l’origine délivrés par les autorités administratives. L’Assemblée permanente des chambres d’agriculture écrivait ainsi, dans le guide Qualitor (édition 1996, p. 33), que les produits de montagne ne relevaient “ ni d’un système de certification de produits, ni d’un signe de qualité ou d’origine, mais d’une protection de vocabulaire ”. Sur ce point, la Cour de justice des Communautés européennes, dans un arrêt du 7 mai 1997, (voir ci-après), a estimé que la loi du 9 janvier 1985 se bornait à donner une protection à une dénomination évoquant des qualités liées, d’une manière générale, aux zones de montagne ; ce caractère général ne permet d’ailleurs pas aux produits bénéficiant de l’appellation “ montagne ” d’avoir accès aux appellations d’origine protégées ni aux indications géographiques protégées.

L’objet de l’article 42 est de mettre la loi française en conformité avec le droit communautaire. La Cour de justice des Communautés européennes avait été saisie, par la Cour de cassation, d’une question préjudicielle concernant la compatibilité des dispositions de protection de l’appellation “ montagne ” contenues dans la loi du 9 janvier 1985 avec le règlement n° 2081/92/CE du Conseil du 14 juillet 1992 relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires (voir la présentation du titre IV du projet de loi) et avec l’article 30 du traité de Rome interdisant les restrictions quantitatives à l’importation, et les mesures d’effet équivalent, entre les Etats membres de la Communauté européenne (sauf motif légitime prévu par l’article 36). Il s’agissait d’une affaire opposant des salaisonniers à l’Etat qui les poursuivait pour avoir mis en vente des produits de charcuterie dont l’étiquetage se référait à une zone de montagne sans en avoir préalablement reçu l’autorisation.

Dans un arrêt du 7 mai 1997 (affaires 321/94 à 324/94), la Cour de justice des Communautés européennes a estimé que la loi du 9 janvier 1985 n’était pas contraire au règlement communautaire du 14 juillet 1992 précité car elle n’entrait pas dans son champ d’application en raison de son objet très général, mais que “ l’article 30 du traité instituant la Communauté européenne s’oppose à l’application d’une réglementation nationale qui réserve l’utilisation de la dénomination "montagne" aux seuls produits fabriqués sur le territoire national et élaborés à partir de matières premières nationales ”. En quelque sorte, les produits de montagne des pays de la Communauté européenne autres que la France doivent pouvoir être commercialisés en France sans devoir passer par une autorisation administrative conçue pour les produits, dont la qualité ou l’appellation d’origine est certifiée, issus des zones de montagne françaises.

La chambre criminelle de la Cour de Cassation a tiré les conséquences de cette interprétation dans deux arrêts (nos 93-80-109 et 93-80-138) du 18 septembre 1997 en jugeant que les articles 33, 34 et 35 de la loi du 9 janvier 1985 et leur décret d’application n° 88-194 du 26 février 1988, “ en réservant l’utilisation de la dénomination "montagne" aux seuls produits fabriqués en France à partir des matières premières françaises, instituent une discrimination entre produits nationaux et non nationaux constitutive, au sens de l’article 30 du Traité, d’une entrave actuelle ou potentielle aux échanges intracommunautaires ” ; (..) “ en l’absence d’un droit à protection des dénominations de fantaisie reconnu par la réglementation communautaire, une telle discrimination n’est justifiée par aucun des motifs que l’article 36 de ce Traité autorise à invoquer ”.

Article 33 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne

Protection de l’appellation “ montagne ”

Le projet de loi vise tout d’abord à limiter la procédure d’autorisation administrative pour l’utilisation de l’appellation “ montagne ” aux produits originaires de France. Cette expression vise les produits issus de zones de montagne françaises et les produits fabriqués dans ces zones à partir de matières premières pouvant venir de zones de montagne non exclusivement françaises (la modification ci-après de l’article L. 644-3 du code rural le précise). Si un produit de la Communauté européenne est introduit sur le territoire national, il pourra librement utiliser l’appellation. En cas de tromperie sur l’origine (par exemple un vieux gouda de Hollande affichant la mention “ montagne ” parce que produit sur les collines du Limbourg dominant les Pays-Bas du haut de leurs 321 mètres d’altitude), les importateurs et distributeurs peuvent être poursuivis sur le fondement de l’article L. 213-1 du code de la consommation.

Par ailleurs, le projet de loi supprime la protection des références spécifiques aux zones de montagne (par exemple, Pyrénées, mont Ventoux, vallée d’Aspe, Chamonix, Alpes-de-Haute-Provence) car cette protection paraît difficilement gérable en raison de la multitude des dénominations (elle n’a d’ailleurs jamais été exercée) et parce que les producteurs de ces lieux disposent désormais des protections des appellations d’origine protégées et des indications géographiques protégées. Cette suppression contribuera à harmoniser la protection des indications géographiques.

Article 34 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne

Décret en Conseil d’Etat et provenance des matières premières

Le projet de loi opère au sein de l’article 34 de la loi du 9 janvier 1985 (article L. 644-3 du code rural) la même suppression de la protection des références géographiques spécifiques aux zones de montagne.

Il complète en outre l’article pour préciser que la provenance des matières premières ne peut être limitée aux seules zones de montagne françaises afin d’éviter une discrimination constitutive d’entrave au commerce intracommunautaire à l’égard de matières premières provenant des zones de montagne d’autres Etats membres.

Mme Marie-Hélène Aubert a présenté un amendement de M. Jean-Michel Marchand tendant à favoriser la création de petites unités de production et d’abattage en zone de montagne, en distinguant, par décret en Conseil d’Etat, les normes sanitaires applicables suivant la taille des exploitations. Le rapporteur a fait observer que les mêmes normes sanitaires s’appliquaient à tous les abattoirs et que ce principe d’égalité devait être respecté dans l’intérêt des consommateurs. M. Patrick Ollier a soutenu les propos du rapporteur et s’est interrogé sur le lien logique entre les intentions exposées par Mme Marie-Hélène Aubert et le dispositif de l’amendement. Il a, d’autre part, indiqué qu’une petite unité d’abattage venait d’être créée à Briançon et qu’elle répondait au souhait exprimé par Mme Marie-Hélène Aubert puisqu’elle est implantée à 15 km maximum des lieux de production et à 1 500 m d’altitude et respecte pourtant toutes les normes sanitaires en vigueur. L’amendement a été retiré.

Article 35 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne

Articulation avec les AOC, IGP et attestations de spécificité

L’article 35 de la loi du 9 janvier 1985 (article L. 644-4 du code rural) disposait que la protection de l’appellation “ montagne ” ne modifiait aucunement ni n’interférait avec la procédure de protection des AOC et des indications géographiques protégées. Le projet de loi ajoute à ces signes les attestations de spécificité (voir présentation du titre IV du projet de loi).

La commission a adopté un amendement du rapporteur substituant des références pour tenir compte de la codification précitée (amendement n° 185) puis un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 186).

La commission a adopté l’article 42 ainsi modifié.

Article 43

Cotisations à l’INAO et aux organismes de contrôle agréés
pour les produits autres que le vin

a) Les droits perçus par l’INAO

Le financement de l’INAO est assuré par des subventions de l’Etat, des droits perçus sur les produits d’appellation d’origine et des ressources propres tirées de son activité.

BUDGET DE L’INAO

(en millions de francs)

 

1997

1998
(prévisions)

Subvention versée par le ministère de l’agriculture

65,5

72,0

Droits perçus sur les vins

9,6

9,6

Droits perçus sur les produits laitiers

3,3

3,5

Recettes diverses (*)

11,6

6,4

TOTAL des recettes

90

91,5

(*) Ventes d’études et de publications, recettes tirées de l’accord de délimitation des appellations avec l’ONIVIN, frais de dossier pour les demandes de plantation, remboursement de frais engagés au profit des organisations interprofessionnelles, ...

Source : ministère de l’agriculture - direction de la production et des échanges.

Pour les vins revendiqués en appellation d’origine, la loi (article 34 de la loi de finances rectificative pour 1988 n° 88-1193 du 29 décembre 1988, codifié sous l’article L. 641-8 du code rural) autorise la perception d’un droit maximal de 0,50 franc par hectolitre de récolte revendiqué en appellation d’origine. Un arrêté des ministres de l’agriculture et du budget fixe, sur proposition de l’INAO, le montant de ce droit ; il est actuellement de 0,40 franc par hectolitre (22 à 25 millions d’hectolitres sont déclarés en vin d’appellation d’origine chaque année). Le droit est exigible au moment du dépôt de la demande d’agrément de la récolte auprès de l’INAO.

Pour les produits laitiers revendiqués en appellation d’origine contrôlée, la loi (article 60 de la loi de finances rectificative pour 1990 n° 90-1169 du 29 décembre 1990, codifié sous l’article L. 641-9 du code rural) autorise la perception d’un droit maximal de 0,24 franc par hectolitre de lait servant à la fabrication du produit laitier. Un arrêté des ministres de l’agriculture et du budget fixe, sur proposition de l’INAO, le montant de ce droit ; il est actuellement de 15 centimes par hectolitre de lait destiné à la fabrication de fromages et 7,5 centimes par hectolitre de lait destiné à la fabrication de beurres et crèmes. La loi dispose qu’il est acquitté par les producteurs lors du dépôt d’agrément de leur AOC.

Le régime légal du droit perçu sur les produits laitiers bénéficiant d’une AOC a été fixé par la loi n° 90-558 du 2 juillet 1990 précitée. Il a été calqué sur celui applicable aux vins (il n’existe pas d’agrément de production pour les eaux-de-vie d’AOC ; les cotisations versées en la matière sont purement volontaires). Or, dans la pratique, le mode de production et de commercialisation des produits laitiers est peu comparable à celui du vin : la production est continue sur l’année ; le produit qui sort de l’exploitation n’est pas le produit commercialisé en AOC, il doit être transformé ; le lait peut être transformé de diverses manières et servir à fabriquer différents types de produits laitiers. Aussi les textes d’application de l’article 60 de la loi de finances rectificative pour 1990 ont-ils mis en place un mécanisme de taxation ne correspondant pas à la procédure d’agrément visée par la loi.

Dans le secteur des produits laitiers, aucun agrément de production n’existe, contrairement aux vins d’AOC pour lesquels les producteurs doivent obtenir, après contrôle, un certificat d’agrément pour le volume déclaré en AOC avant de pouvoir les commercialiser. Pour le lait, la production étant continue, aucune déclaration de volume de production (même sur l’année) n’est exigée. Les contrôles sont effectués par sondages sur les productions. Un avertissement est adressé au producteur si une infraction est constatée à l’occasion de l’analyse d’un prélèvement. L’autorisation d’utiliser l’AOC peut être suspendue après deux avertissements. Il y a en quelque sorte délivrance d’un agrément pour chaque échantillon prélevé et déclaré conforme après analyse.

b) Les cotisations perçues par les organismes de contrôle agréés

L’INAO confie la charge d’effectuer les analyses de qualité des produits revendiqués en AOC à des organismes privés qu’il agrée. Ces analyses sont destinées à vérifier si les productions répondent au cahier des charges de l’AOC. Pour les vins, elles constituent le préalable à la délivrance de l’agrément. Pour les produits laitiers, il s’agit des contrôles par sondage dans le cadre de l’organisation spéciale de l’agrément. La plupart du temps, les syndicats de défense de l’AOC reçoivent l’agrément pour effectuer ces analyses.

L’article 61 de la loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988 relative à l’adaptation de l’exploitation agricole à son environnement économique et social (codifié sous l’article L. 641-10 du code rural) a habilité ces organismes agréés par l’INAO à percevoir un droit pour financer ces contrôles onéreux (ils font appel à des laboratoires d’analyse privés).

Pour l’analyse du vin revendiqué en appellation d’origine, la loi fixe un plafond de 5 francs par hectolitre à cette cotisation obligatoire. Celle-ci est exigible lors du dépôt de la demande d’agrément et est acquittée par le producteur.

Pour l’analyse du lait destiné à la fabrication de produits laitiers revendiqués en AOC, la loi fixe un plafond de 800 francs par échantillon présenté à l’agrément. Aux termes de la loi, la cotisation est exigible auprès du producteur lors du dépôt de la demande d’agrément.

Il n’existe aucun bilan national des cotisations perçues par les organismes agréés. On sait que certains d’entre eux prélèvent une cotisation correspondant au droit maximal autorisé, mais les situations sont très variables selon les régions et les produits.

c) Les modifications proposées par le projet de loi

Le projet de loi modifie l’assiette et le taux des cotisations versées aux organismes de contrôle agréés et des droits perçus par l’INAO sur les produits d’AOC autres que le vin. Cette réforme concerne donc les produits laitiers, les volailles, les produits végétaux, les viandes, mais également les eaux-de-vie, cidres, poirés et apéritifs à base de vins, cidres et poirés.

· Concernant les cotisations perçues par les organismes de contrôle agréés sur les produits autres que le vin

Le I de l’article 43 propose tout d’abord d’étendre l’assiette des cotisations perçues sur le lait aux produits autres que le vin dont le producteur demande un agrément pour une commercialisation en AOC. En 1990, lors du vote de la loi du 2 juillet 1990 précitée, rien n’avait été prévu dans la loi pour ces produits car aucune prévision sur les demandes ne pouvait être faite ; il n’existait que quatre ou cinq produits dont on connaissait le souhait de leurs producteurs de leur faire bénéficier d’une AOC. La détermination du taux et de l’assiette de ce droit avait donc été renvoyée à une date ultérieure.

Le II de l’article 43 propose d’adopter une nouvelle assiette et un nouveau taux maximal pour cette cotisation obligatoire. L’assiette serait constituée par le poids ou le volume des produits destinés à la commercialisation en AOC. Le nouveau taux maximal serait “ de 5 pour 1000 de la valeur hors taxe desdits produits ”. Le montant des cotisations resterait fixé par arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture et du budget. Avec ce nouveau mode de calcul, l’objectif n’est pas d’accroître le montant des cotisations versées.

Le passage d’un plafond maximal forfaitaire par échantillon prélevé à un taux ad valorem des produits a été proposé afin qu’un système unique de taxation puisse être applicable quel que soit le produit, autre que le vin, concerné. Le montant de la cotisation resterait exprimé en montants fixes par unités de masse ou de volume.

La commission a adopté un amendement du rapporteur substituant à la référence à la valeur hors taxe des produits pour le calcul du taux maximal des cotisations, une référence au prix de vente au détail hors taxe moyen des produits en France (amendement n° 187). En visant la valeur des produits, le projet de loi ne définissait pas l’assiette financière du taux maximal des cotisations, détermination qui relève du domaine de la loi. Plutôt que s’appuyer sur le prix de vente par le producteur ou le fabricant de l’AOC, ce qui aurait impliqué que les organismes de contrôlé agréés et l’INAO étudient les comptes des entreprises pour proposer des taux de cotisations, votre rapporteur a proposé de se référer aux prix de vente au détail, qui sont connus de tous et aisément contrôlables sans déranger les exploitants et les industriels. En outre, en cas de doute sur la valeur du plafond d’une AOC précise, les ministres de l’agriculture et du budget ont le pouvoir de demander à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de mener une enquête sur les prix de vente au détail pratiqués en France.

Par ailleurs, la commission a adopté, sur la proposition du rapporteur, un amendement précisant que les cotisations devaient être fixées par appellation (amendement n° 188) et, sur la proposition de M. François Patriat et les membres du groupe socialiste, un amendement imposant aux ministres de l’agriculture et du budget de recueillir l’avis des comités nationaux concernés de l’INAO (voir le commentaire de l’article 40 du projet de loi) préalablement à la fixation des montants des cotisations (amendement n° 189).

La réglementation communautaire qui impose que “ les coûts occasionnés par les contrôles prévus par le présent règlement (10) sont supportés par les producteurs utilisant la dénomination protégée ” (7 de l’article 10 du règlement (CE) n° 2081/92 du Conseil du 14 juillet 1992 relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires) est respectée. Elle est également respectée en matière viticole où les droits sont fixes et perçus par hectolitre de vin revendiqué en AOC, que ce soit un sauternes 1er cru, un bergerac ou un quelconque autre liquoreux d’AOC, car le contrôle d’un vin vendu 1 000 francs la bouteille ou 50 francs la bouteille nécessite les mêmes analyses, autant de personnel et autant de temps.

· Concernant les droits perçus par l’INAO sur les produits autres que le vin

Le III de l’article 43 s’inspire des mêmes principes pour réformer les droits perçus par l’INAO sur les produits, autres que les vins, revendiqués en AOC. Le taux maximal proposé est cependant de “ 1 pour 1000 de la valeur hors taxe des produits ”. Le droit serait acquitté annuellement par les producteurs.

Sur la proposition des mêmes auteurs, la commission a adopté trois amendements ayant un objet similaire aux trois autres amendements adoptés au II de l’article, à savoir la fixation des droits perçus par l’INAO sur proposition des comités compétents de l’INAO (amendement n° 190), la fixation, par appellation, des montants des droits (amendement n° 194) et la détermination du taux maximal des droits à partir des prix de vente au détail hors taxe moyens des produits en France (amendement n° 195).

La commission a en outre adopté un amendement du rapporteur prenant en compte la codification sous l’article L. 641-9 du code rural de l’article 60 de la loi n° 90-1169 du 29 décembre 1990 et rétablissant les dispositions du III l’article L. 641-9 où elles ont leur place (le projet de loi déplaçait ces dispositions à l’article 2 de la loi n° 90-558 du 2 juillet 1990, codifié sous l’article L. 641-7 du code rural, qui concerne la subvention de l’Etat à l’INAO, pour des raisons liées à la manière dont étaient rédigées les dispositions transitoires) (amendement n° 191). Un amendement du rapporteur corrigeant une erreur matérielle dans le titre de l’INAO a également été adopté (amendement n° 193).

Par ailleurs, la commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant des dispositions du III l’indication qu’elles s’appliquent à compter du 1er janvier 1999 car les codes ne doivent pas contenir des dispositions temporaires ou transitoires, en principe (amendement n° 192). La fixation des dispositions relatives à l’entrée en vigueur a fait l’objet d’un amendement au IV.

Le IV de l’article est une mesure de coordination rédactionnelle, le droit sur les produits laitiers figurant à l’article 60 de la loi de finances rectificative pour 1990 n° 90-1169 du 29 décembre 1990, codifié sous l’article L. 641-9 du code rural, étant transféré à l’article 2 de la loi n° 90-558 du 2 juillet 1990 précitée, codifié sous l’article L. 641-7 du code rural.

Sur la proposition du rapporteur, la commission a adopté un amendement de rédaction globale du IV afin de préciser les conditions d’entrée en vigueur des nouvelles modalités de calcul des droits perçus par l’INAO sur les produits d’appellation d’origine contrôlée autres que le vin, et en particulier les produits laitiers qui font déjà l’objet d’une réglementation (amendement n° 196). Les nouveaux droits ne pourront être exigibles qu’à compter de la publication des arrêtés conjoints des ministres de l’agriculture et de la pêche fixant leurs montants appellation par appellation. Si la loi d’orientation agricole ne peut pas être promulguée avant le 1er janvier 1999 et comme des études précises doivent être conduites par l’INAO pour proposer des montants de droits pour les produits qui n’étaient jusqu’à présent pas taxés (eaux-de-vie, apéritifs, produits végétaux,...), la publication de ces arrêtés pourrait prendre plusieurs mois. Le IV prévoit donc qu’en tout état de cause les nouveaux droits seront applicables au plus tard le 1er juillet 1999 et que les montants des droits arrêtés par les ministres porteront sur la totalité des droits exigibles pour l’année 1999. Si des droits calculés selon les modalités de l’ancien régime avaient été perçus pour l’exercice 1999, ils devraient être déduits du montant des droits exigés conformément aux nouvelles dispositions.

La commission a ensuite adopté l’article 43 ainsi modifié.

Article additionnel après l’article 43

Mise en bouteille des vins de Bourgogne

Sur la proposition du rapporteur, la commission a adopté un amendement portant article additionnel afin d’imposer que la mise en bouteille et le conditionnement des vins bénéficiant d’une appellation d’origine “ Bourgogne ” s’effectuent dans les départements de la Côte d’Or, de la Saône-et-Loire ou de l’Yonne (amendement n° 197).

Dans le contexte actuel de forte progression des marchés viticoles, l’attention doit se porter sur la qualité d’un produit qui symbolise dans le monde entier la tradition et le savoir-faire de l’agriculture française.

La mise en bouteille des vins dans leur région de production n’est pas de nos jours une obligation légale, sauf en ce qui concerne les vins d’Alsace. La loi n° 72-628 du 5 juillet 1972 relative à la commercialisation des vins à appellation d’origine contrôlée “ vins d’Alsace ” impose en effet la mise en bouteille de ces vins dans les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.

La loi n° 84-108 du 16 décembre 1984 relative aux appellations d’origine dans le secteur viticole a chargé, depuis, l’INAO de déterminer les conditions de production des vins et eaux-de-vie des appellations d’origine contrôlées après avis des syndicats de défense intéressés. Ces conditions de production concernent notamment l’aire de production, les cépages et les rendements, le titre alcoométrique du vin, les procédés de culture, de vinification ou de distillation, mais la loi ne mentionne pas l’embouteillage.

La Commission européenne considérait jusqu’ici que l’obligation d’embouteillage dans la région de production n’était pas compatible avec le droit communautaire dans la mesure où, n’étant pas nécessaire pour garantir que l’appellation d’origine remplisse sa fonction spécifique (c’est-à-dire assurer que le produit concerné provient d’une zone géographique déterminée et présente des caractéristiques particulières), cette obligation constituerait une entrave à la libre circulation des marchandises, non justifiable au titre des exceptions prévues à l’article 36 du Traité de Rome et relatives à la protection de la propriété industrielle et commerciale.

La Commission a été suivie dans cette analyse par la Cour de justice des Communautés européennes dans un arrêt “ Delhaize ” rendu le 9 juin 1992 par lequel celle-ci a jugé que le décret royal espagnol imposant l’obligation d’embouteillage des vins de l’appellation d’origine “ Rioja ” dans la région de production était contraire au droit communautaire.

L’Espagne a cependant maintenu son obligation de mise en bouteille sur place, et le Portugal, puis l’Italie, ont introduit des mesures similaires pour le Porto d’une part (décret-loi du 12 octobre 1995) et pour le Frascati d’autre part (décret du 13 novembre 1996 pris sur la base de la loi du 9 juin 1992).

Mais, s’appuyant sur les conclusions d’une récente expertise, la Commission européenne a fait évoluer sa position initiale. Elle estime aujourd’hui que l’obligation d’embouteillage de certains vins dans les régions de production peut être jugée compatible avec le droit communautaire parce qu’elle permet de conserver de façon plus sûre les caractéristiques acquises par un produit d’apppellation.

Cette obligation présenterait, dans certaines régions et pour certains produits, comme les vins de Bourgogne, l’avantage indéniable de garantir au consommateur la qualité unique d’un produit fortement lié à son terroir d’origine. Elle assurerait également au producteur, qui consacre toute son expérience et d’importants moyens de production à la confection d’un produit unique, l’assurance que son vin ne sera pas dénaturé.

Elle permettrait de lutter contre le transport de vin d’appellation en vrac et le risque d’embouteillage en dehors de la région qui peut donner lieu à des mélanges altérant définitivement le produit. Dans cette optique, la nécessité de conservation des qualités originelles du vin qui doit primer toute autre considération commerciale passe par l’obligation de l’embouteillage sur le lieu de production, seule mesure susceptible de garantir réellement l’authenticité du produit.

La règle posée par le premier alinéa de l’article additionnel s’inspire directement de celle figurant au second alinéa de l’article 1er de la loi n° 72-628 du 5 juillet 1972 précitée. Afin d’éviter le recours à des décrets d’application, l’article additionnel fixe les peines applicables en cas d’infraction (ce sont celles prévues pour les tromperies et falsifications, notamment en matière d’AOC ou de label agricole) et les modalités des poursuites et ouvre une faculté de saisir les marchandises (comme en matière de tromperie et falsification).

Votre rapporteur a proposé ce dispositif sous réserve d’une consultation plus approfondie des producteurs et des professionnels des vins de Bourgogne.

Article 44

(article 276-4 du code rural)

Identification des équidés

La loi impose l’identification, par tatouage, fixation de boucle ou tout procédé autorisé par les règlements, dès leur naissance des bovins, des ovins, des caprins et des porcins (voir la présentation générale du titre IV du projet de loi). Le projet de loi relatif aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, adopté en seconde lecture par l’Assemblée nationale le 16 juin 1998, généralise l’obligation d’identification des chiens avant leur sevrage, les chats devant être identifiés préalablement à leur cession.

L’article 276-4 du code rural impose aux propriétaires d’équidés (11) d’identifier et faire immatriculer leurs équidés lorsque ceux-ci font l’objet d’un transfert de propriété à quelque titre que ce soit. Le décret n° 97-1007 du 30 octobre 1997 modifiant le décret n° 76-352 du 15 avril 1976 fixant les modalités d’application aux équidés de la loi n° 66-1005 du 28 décembre 1966 sur l’élevage leur a en outre imposé de les faire identifier et immatriculer lorsqu’ils participent à une manifestation publique, sont inscrits sur un livre généalogique ou sont transférés dans un autre État membre de la Communauté européenne. L’immatriculation doit être effectuée dans les six mois suivant la naissance. Environ 55 000 chevaux sont ainsi identifiés, soit par une marque au fer rouge, soit par un tatouage à l’intérieur des lèvres, soit par micro-puce placée sous le cuir (obligatoire pour les trotteurs). En outre, tout équidé destiné à la boucherie doit être identifié préalablement à son entrée à l’abattoir.

Ces mesures d’identification sont incomplètes et permettent à certaines personnes d’organiser des trafics de chevaux. Le projet de loi vise donc à rendre obligatoire l’identification des équidés, dès leur naissance ou avant leur sevrage comme le précisera un décret en Conseil d’Etat, par leur propriétaire. Un numéro d’identification sera attribué à chaque équidé par le ministère de l’agriculture, qui devra être tenu informé de tout changement de propriété. Le ministère et les haras nationaux utiliseront le système d’identification existant. Le procédé d’identification sera défini par décret en Conseil d’Etat ; il n’apparaît pas souhaitable que la loi vise le tatouage en raison des possibilités de falsification qu’il offre.

Les dispositions du projet de loi auront en outre l’avantage d’améliorer la traçabilité de la viande chevaline et de permettre d’avoir une meilleure connaissance des effectifs réels des équidés élevés en France. On estime en effet que plus de la moitié des chevaux vivants sur le territoire ne sont pas identifiés (ils sont parfois dénommés “ fleurs des prés ”). Leur régularisation prendra donc du temps.

Les sanctions en cas de non-respect des dispositions de l’article 276-4 du code rural seront fixées par le décret en Conseil d’Etat. Elles doivent en effet relever des contraventions étant donné la valeur marchande des équidés (10 000 F en moyenne pour un cheval de selle, c’est-à-dire un cheval sans origine définie, 4 500 F à 5 000 F pour une carcasse de cheval de selle ou de trait (prix fixé au kilogramme à l’entrée en abattoir, variable selon des critères de conformation de qualité) et 25 000 F à 50 000 F pour un cheval de course moyen). Actuellement, l’absence d’identification préalable à la cession d’un équidé est punie d’une contravention de 3ème classe (600 à 1 300 F d’amende).

La commission a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur (amendements nos 198 et 199), puis l’article ainsi modifié.

Après l’article 44

Mme Marie-Hélène Aubert a défendu un amendement de M. Jean-Michel Marchand tendant à soumettre à un contrôle spécifique les produits agricoles et alimentaires importés ne bénéficiant pas d’un signe d’identification délivré par l’autorité administrative et à retourner vers son pays d’origine tout produit non conforme. Le rapporteur a fait valoir que cet amendement était inapplicable car il nécessitait une refonte des codes des douanes, de la consommation et de la santé publique, et qu’en outre il conduirait à faire condamner la France par la Commission européenne et l’Organisation mondiale du commerce. La commission a rejeté l’amendement.

A l’issue du débat, M. Patrick Ollier a souhaité savoir comment pouvaient être sanctionnés des apiculteurs de Toulon se rendant avec leurs ruches dans les vallées des Hautes-Alpes, où les abeilles se réveillent un mois plus tard que celles de la côte méditerranéenne, pour y faire butiner leurs abeilles et retourner à Toulon pour y vendre, avec l’autorisation préfectorale, du miel bénéficiant de l’appellation “ montagne ”.

TITRE V

GESTION DE L’ESPACE AGRICOLE ET FORESTIER

Une étude a montré que la France ainsi que ses grands États voisins dont le territoire est comparable au nôtre perdent chaque année depuis cinquante ans en moyenne 40 000 hectares d’espace naturel ou agricole. Ces 40 000 hectares annuels représentent la progression de l’artificialisation de l’espace rural. L’effet destructeur est particulièrement sensible dans les zones périurbaines même si dans ce total est incluse la réalisation de grandes infrastructures de communication ou la création de zones d’aménagement hors de toute agglomération.

Un des plus grands défis lancés à l’humanité est d’ailleurs de lutter contre le manque de terres cultivables au siècle prochain, ce qui risque de se produire à l’échelle mondiale vers 2050 au rythme des destructions actuelles et compte tenu de la difficulté d’exploiter simplement certaines immenses réserves de terres vierges (Sibérie notamment). La politique agricole française ne peut se désintéresser de ce problème ; un amendement du rapporteur a d’ailleurs été adopté en ce sens à l’article premier du projet de loi. Or, il n’existe dans le droit français aucun dispositif satisfaisant de protection des zones agricoles et forestières. Le titre V du projet de loi vise à combler cette lacune en mettant notamment en place un document départemental de gestion de l’espace agricole et forestier, en créant des zones agricoles protégées et en associant les organismes consulaires agricoles et les centres régionaux de la propriété forestière à l’élaboration des documents d’urbanisme prévoyant une réduction des espaces agricoles ou forestiers.

Article 45

(articles L. 111-1 et L. 111-2 du code rural)

Prise en compte des fonctions économique, environnementale
et sociale de l’espace agricole et forestier

L’article 72 de la loi n° 80-502 du 4 juillet 1980 d’orientation agricole a défini les principes de la politique de gestion de l’espace rural. Cet article a été codifié sous les articles L. 111-1, L. 111-2 et L. 112-1 du code rural. L’article 45 du projet de loi vise à insérer dans les articles L. 111-1 et L. 111-2 les dimensions économique, environnementale et sociale de la gestion de l’espace agricole et forestier. Il met ainsi en relief la multifonctionnalité de l’espace agricole et forestier. En outre, il permet de rapprocher la rédaction du code rural de celle du code forestier dont l’article L. 101, issu de la loi n° 85-1273 du 4 décembre 1985 relative à la gestion, la valorisation et la protection de la forêt, évoque la “ mise en valeur économique, écologique et sociale de la forêt ”.

La fonction économique est déjà mentionnée à l’article L. 111-2 du code rural. Le III de l’article 45 du projet de loi met l’accent sur la conciliation nécessaire entre l’objectif productiviste de l’agriculture et de la sylviculture et les préoccupations environnementale et sociale. La suppression de la référence à la coexistence avec les activités non agricoles n’est pas le signe d’une inflexion de la politique en la matière : tout d’abord cette coexistence va de soi ; en outre, désormais, le code rural ne doit plus traiter que des questions agricoles ; en dernier lieu, les principes de la politique agricole et de l’aménagement rural ainsi que la définition de l’exploitation agricole montrent qu’en milieu rural, l’agriculture est devenue une activité parmi d’autres (commerce, artisanat, notamment).

La fonction environnementale est mise en valeur par le II de l’article 45 qui se réfère à la notion de développement durable au travers des termes de mise en valeur durable. Cette expression avait déjà été introduite dans le livre II (nouveau) du code rural relatif à la protection de la nature par la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement (voir l’article L. 200-1).

En outre, le II substitue à la nécessité de développer les potentialités du milieu rural, prévue par la loi n° 80-502 du 4 juillet 1980 précitée, la mise en valeur durable de ces potentialités et des caractéristiques locales de l’espace agricole et forestier. La seule référence aux potentialités donnait une orientation trop productiviste à cet objectif ; la prise en compte des caractéristiques locales permet de “ territorialiser la politique agricole ” comme l’a expressément souhaité M. Louis Le Pensec.

La fonction sociale de l’espace agricole et forestier doit imposer la prise en compte des objectifs d’emploi, d’habitat, d’animation locale et de préservation du patrimoine culturel, par exemple.

La commission a adopté un amendement de M. Jean-Michel Marchand modifiant l’article L. 111-1 du code rural afin de disposer que l’aménagement et le développement durable de l’espace rural et forestier constituent une priorité essentielle de l’aménagement du territoire (amendement n° 200). Elle a en revanche rejeté les rédactions de cet article proposées par les amendements de MM. Jean Proriol et Christian Jacob.

Elle a ensuite rejeté les amendements de MM. Jean-Michel Marchand et Christian Jacob proposant une nouvelle rédaction du II, puis a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 201).

Elle a ensuite rejeté un amendement de M. Pierre Micaux proposant de compléter le II en définissant les objectifs de la politique forestière, le rapporteur ayant fait valoir que le Gouvernement élaborait un projet de loi spécifique sur la forêt qui traitera de l’ensemble des questions sylvicoles dans le cadre de modifications du code forestier. Il a donc demandé à la commission de rejeter tous les amendements sur ce sujet déposés dans le cadre du projet de loi d’orientation agricole.

Enfin, elle a rejeté l’amendement de M. Jean-Michel Marchand proposant une nouvelle rédaction du III et un amendement de M. Christian Jacob rétablissant dans l’article L. 111-2 du code rural la référence à la coexistence avec les activités non agricoles. Puis elle a adopté l’article 45 ainsi modifié.

Article additionnel après l’article 45

(article L. 111-3 (nouveau) du code rural)

Conditions de distance entre une habitation et un bâtiment agricole

La commission a été saisie de deux amendements de M. Robert Lamy (amendement n° 11) et de M. François Patriat visant à apporter une solution aux troubles de voisinage provoqués par la proximité d’habitations et de bâtiments agricoles. L’amendement n° 11 de M. Robert Lamy propose d’imposer à toute nouvelle construction à usage d’habitation ou à usage professionnel nécessitant une autorisation administrative de construire, les mêmes conditions d’éloignement que celles imposées par la loi et les règlements aux nouveaux bâtiments agricoles. L’amendement de M. François Patriat et les membres du groupe socialiste prévoit de permettre au préfet de délimiter des périmètres à l’intérieur desquels les occupants sont susceptibles d’être exposés à des troubles dus à l’exploitation normale des installations agricoles préexistantes. Après que le rapporteur eut exprimé son opinion en faveur de l’amendement n° 11 de M. Robert Lamy, portant article additionnel, la commission l’a adopté.

Le dispositif adopté à l’avantage d’être d’application immédiate et de ne nécessiter aucune intervention administrative pour être mis en œuvre. En outre, il ne crée aucune nouvelle procédure administrative et se fond dans les procédures de construction en vigueur.

Article 46

(article L. 112-1 du code rural)

Document départemental de gestion de l’espace agricole et forestier

L’article 46 du projet de loi propose une nouvelle rédaction de l’article L. 112-1 du code rural. Cet article imposait de prendre en compte les particularités locales lors de l’élaboration des documents d’urbanisme ou l’application du règlement national d’urbanisme aux communes rurales. L’article 45 du projet de loi a désormais inséré cette prise en compte dans l’article L. 111-2.

Cette nouvelle rédaction vise en fait à remplacer les dispositions de l’article L. 112-2 du code rural. Cet article prévoyait l’établissement, dans chaque département, d’une carte des terres agricoles. Cette carte devait être publiée dans chaque commune et “ être consultée à l’occasion de l’élaboration des documents d’urbanisme et des études précédant les opérations susceptibles d’entraîner une réduction grave de l’espace agricole ou d’affecter gravement l’économie agricole de la zone concernée ”.

Ces cartes ont été instituées par la loi du 4 juillet 1980 d’orientation agricole mais seulement une dizaine de départements en ont établi depuis cette date.

Le projet de loi remplace la carte des terres agricoles par un document de gestion de l’espace agricole et forestier. Les règles de publication et de consultation sont maintenues sous réserve que seuls les schémas départementaux des carrières soient visés au lieu des opérations susceptibles d’entraîner une réduction grave de l’espace agricole (ils étaient cités à titre d’exemple). Ces dernières opérations font l’objet de l’article 48 du projet de loi.

La commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 202) et rejeté deux amendements de suppression du II proposés par MM. Christian Jacob et Serge Poignant (amendement n° 52) qui jugeaient que le nouveau document de gestion n’avait aucune force contraignante mais que, bien que sans effet juridique, il pouvait être une source de complications administratives et de contentieux du fait qu’aucune articulation avec les documents d’urbanisme existant n’était prévue. Puis, elle a adopté l’article ainsi modifié.

Article 47

(article L. 112-2 du code rural)

Zones agricoles protégées

L’article 47 propose une nouvelle rédaction de l’article L. 112-2 du code rural dont les dispositions sont refondues dans l’article L. 112-1 par l’article 46 du projet de loi.

Afin de donner des moyens aux pouvoirs publics et aux représentants du monde agricole pour protéger l’espace agricole, en particulier en zone périurbaine où il est le plus menacé, le Gouvernement propose de créer des zones agricoles protégées. Il ne s’agit pas d’empêcher l’extension des villes au détriment des terres agricoles mais de permettre de mettre en balance les coûts économiques, environnementaux et sociaux de la réduction de l’espace agricole avec la nécessaire et inévitable croissance des villes. Ces zones agricoles protégées doivent permettre de mieux apprécier l’intérêt général lors de la préparation de ce type d’opérations qui jusqu’à présent ne prenaient en compte que le besoin de logements, d’espaces industriels et commerciaux et de services aux citadins.

Peuvent être classées dans une zone agricole protégée les “ zones agricoles dont la préservation présente un intérêt général en raison soit de la qualité de leur production, soit de leur situation géographique ”. La délimitation est effectuée par le préfet du département, qui apprécie en opportunité le classement des terrains. L’étendue et le contenu des zones seront donc variables selon les départements.

La procédure d’élaboration des zones agricoles protégées a été calquée sur celle applicable aux zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager instituées par les articles 70, 71 et 72 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État pour protéger et mettre en valeur des monuments historiques et des quartiers, sites et espaces présentant un intérêt d’ordre esthétique, historique ou culturel.

Les avis de la chambre d’agriculture territorialement compétente et de la commission départementale d’orientation de l’agriculture doivent être recueillis par le préfet préalablement au classement. Une enquête publique doit ensuite être ordonnée. L’accord des conseils municipaux des communes est enfin nécessaire pour instituer la zone agricole protégée.

Le projet de loi indique que le conseil municipal d’une commune intéressée peut proposer une délimitation de la zone agricole protégée. En fait, le projet de loi ne réserve pas aux communes le pouvoir d’initiative ; il met en relief ce pouvoir de proposition et surtout prévoit que les conseils municipaux des communes intéressées doivent approuver le classement des terrains.

La commission a rejeté huit amendements de M. Pierre Micaux visant à prendre en compte les activités sylvicoles, les zones forestières, l’Office national des forêts et les organisations professionnelles sylvicoles dans le dispositif de l’article 47. Elle a en revanche adopté un amendement de M. Alain Ferry tendant à consulter l’INAO lorsque des zones d’appellation d’origine contrôlée sont comprises dans le périmètre des zones agricoles protégées (amendement n° 203) et deux amendements rédactionnels du rapporteur (amendements nos 204 et 208).

Les espaces boisés font l’objet d’une réglementation dérogatoire au regard du droit de l’urbanisme, des classements et des affectations (articles L. 130-1 à L. 130-6 et R. 130-1 à R. 130-24 du code de l’urbanisme). La dernière phrase du premier alinéa du nouvel article L. 112-2 du code rural permet donc expressément d’inclure dans une zone agricole protégée des parcelles boisées de faible étendue. Ce sont des massifs boisés de moins de 4 hectares pour lesquels une autorisation de défrichement n’est pas nécessaire (article L. 311-2 du code forestier). Un amendement de précision du rapporteur a été adopté en ce sens par la commission (amendement n° 205).

Le projet de loi donne deux caractères contraignants aux zones agricoles protégées :

– leur délimitation doit figurer en annexe des plans d’occupation des sols qu’elles couvrent. L’article L. 126-1 du code de l’urbanisme permet au préfet d’imposer l’insertion en annexe d’un tel document ;

– tout changement d’affectation ou, lorsqu’il n’existe pas de document d’urbanisme (ce qui est le cas de 40 % des communes rurales où seul est applicable le règlement national d’urbanisme), de mode d’occupation du sol qui altère le potentiel agronomique et biologique de ces zones doit être soumis à l’avis de la chambre d’agriculture et de la commission départementale d’orientation de l’agriculture. L’avis défavorable de l’une de ces instances impose à l’autorité administrative (conseil municipal, conseil d’administration d’un établissement intercommunal) souhaitant procéder à un changement d’affectation ou de mode d’occupation du sol d’obtenir une autorisation par décision motivée du préfet. Le potentiel biologique renvoie à la capacité de produire des végétaux sans altération chimique du processus naturel (altérable par l’apport d’enzymes, de molécules conçues par les industries, d’organismes génétiquement modifiés, etc.). Le potentiel économique de la zone agricole protégée n’est pas visé car toute modification de sa surface altère sa valeur économique.

Toutefois le projet de loi prévoit une limite importante à cette deuxième contrainte : lorsque le changement du mode d’occupation du sol relève d’une autorisation prévue par le code forestier (défrichement), du code de l’urbanisme (permis de construire), du code rural (affectation de terres agricoles) ou de la législation sur les sites classés, cette procédure d’avis ne s’applique pas. En effet, dans chacun de ces cas, des procédures spéciales ont été prévues par la loi ; il ne convient pas qu’un article de loi bouleverse toutes les procédures spéciales de droit du sol. Les déclarations d’utilité publique ne sont pas visées par le texte puisqu’elles relèvent du code de l’expropriation (de toute manière elles sont prises par le préfet également compétent pour la délimitation des zones agricoles protégées).

Sur la proposition de M. Christian Jacob, avec l’avis favorable du rapporteur, la commission a adopté un amendement visant à appliquer la procédure d’avis prévue au deuxième alinéa du nouvel article L. 112-2 du code rural à tout changement de mode d’occupation du sol y compris lorsqu’il existe un document d’urbanisme (amendement n° 206), rendant sans objet un amendement rédactionnel du rapporteur. M. Christian Jacob a fait valoir que les zones non couvertes par un document d’urbanisme sont en général celles où l’urbanisation ne fait pas sentir ses effets ; elles ne justifieraient donc pas la création d’une zone agricole protégée.

Puis, quatre amendements ont été mis en discussion commune : trois amendements de M. Jean Proriol, de M. Christian Jacob et de M. François Patriat et les membres du groupe socialiste tendant à viser l’altération durable du “ potentiel agronomique, biologique et économique ” et un amendement du rapporteur tendant à prendre en compte le potentiel “ agronomique ou biologique ”. Le rapporteur a proposé de retenir une rédaction commune consistant à viser le “ potentiel agronomique, biologique ou économique ”. La commission a adopté cet amendement cosigné par MM. Jean Proriol, Christian Jacob et les commissaires socialistes (amendement n° 207).

Puis, la commission a adopté l’article 47 ainsi modifié.

Article 48

(article L. 112-3 du code rural)

Réduction des espaces agricoles et forestiers

Le présent article propose une nouvelle rédaction de l’article L. 112-3 du code rural. Celui-ci imposait de soumettre à l’avis de la chambre d’agriculture et de la commission départementale d’orientation de l’agriculture les documents relatifs à des opérations d’urbanisme ou d’infrastructure ou aux schémas d’exploitation coordonnée des carrières qui prévoyaient une réduction grave de terres agricoles, préalablement à leur publicité. Cette disposition, qui date de la loi du 4 juillet 1980 d’orientation agricole (article 73), est restée inappliquée car inopérante en raison de l’imprécision juridique de la notion de réduction grave.

Le projet de loi propose donc de soumettre, avant d’être publiés ou approuvés, les schémas directeurs, plans d’occupation des sols, documents d’urbanisme tenant lieu de plans d’occupation des sols et les documents relatifs au schéma départemental des carrières, dès lors qu’ils prévoient une réduction des espaces agricoles ou forestiers, à l’avis de la chambre d’agriculture et, le cas échéant, du centre régional de la propriété forestière. Comme le prévoit actuellement l’article L. 112-3, cette formalité sera également obligatoire en cas de révision ou de modification de ces documents.

La commission a rejeté trois amendements de M. Pierre Micaux relatifs aux intérêts de la forêt. Elle a ensuite adopté un amendement de M. François Patriat visant à soumettre à l’avis de l’INAO les documents d’urbanisme prévoyant une réduction des espaces agricoles des zones d’appellation d’origine contrôlée (amendement n° 209). Elle a également adopté un amendement de M. Michel Vergnier imposant aux organismes consultés de rendre leur avis dans un délai de deux mois, délai courant en matière d’urbanisme, afin d’éviter l’allongement des procédures (amendement n° 210).

M. Christian Jacob a ensuite retiré son amendement soustrayant aux dispositions de l’article, les opérations d’aménagement dont l’enquête publique n’a pas encore été prescrite.

Le projet de loi n’encadre pas la notion de réduction des espaces. Celle-ci doit être appréciée tant quantitativement que qualitativement. Le décret d’application devrait fixer un seuil minimal à partir duquel on doit considérer qu’il y a une réduction des espaces agricoles et forestiers.

Cette nouvelle formalité imposée pour l’élaboration de documents d’urbanisme ne devrait pas fragiliser ceux-ci excessivement en cas de vice de procédure tiré de l’oubli de la saisine de la chambre d’agriculture ou du centre régional de la propriété forestière car l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme limite à six mois à compter de la prise d’effet du document la possibilité d’invoquer l’exception d’illégalité pour vice de forme ou de procédure d’un schéma directeur, d’un plan d’occupation des sols ou d’un document en tenant lieu.

La commission a adopté l’article 48 ainsi modifié.

Article 49

(article L. 123-2 du code rural)

Droit de préemption des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural

L’article 49 du projet de loi vise à harmoniser les dispositions de l’article L. 143-2 du code rural avec les nouvelles règles du contrôle des structures définies à la section 2 du chapitre II du titre II du projet de loi (I de l’article 49) et la nouvelle approche multifonctionnelle de la gestion de l’espace agricole et forestier proposée par le titre V du projet de loi (II de l’article 49). Cet article L. 143-2 fixe les cas où les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural peuvent exercer un droit de préemption.

M. Christian Jacob a retiré son amendement visant à supprimer le droit de préemption des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural. La commission a ensuite adopté un amendement de coordination du rapporteur portant sur le premier alinéa de l’article L. 143-2 du code rural (amendement n° 211). Puis, après avoir rejeté un amendement de M. Pierre Micaux relatif à la forêt, elle a adopté l’article 49 ainsi modifié.

Article additionnel avant l’article 50

(article L. 143-6 du code rural)

Droit de préemption des sociétés d’aménagement foncier
et d’établissement rural

M. François Patriat a présenté un amendement cosigné avec ses collègues commissaires socialistes tendant à porter de trois à cinq ans le délai pendant lequel les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural peuvent exercer leur droit de préemption à l’encontre d’un preneur en place.

Sur vingt ans, en moyenne, 500 000 ha de terres agricoles étaient vendus par an. Sur ce total, 20 %, soit 100 000 ha, étaient acquis par le preneur en place. Ce pourcentage était stable.

Aujourd’hui, on assiste à la multiplication de détournements de procédure : des baux de circonstance ou de complaisance sont accompagnés de contrats sous seing privé promettant, après trois ans, la réalisation de la vente des biens au bénéfice du preneur. Ces détournements ont pris une telle ampleur qu’à l’heure actuelle, 130 à 140 000 ha sont acquis par le preneur en place. Porter à cinq ans le délai permettant de préempter un bien rendra ces détournements moins intéressants en raison de la durée prolongée du bail.

Rappelons qu’en 1996, sur les 10 700 acquisitions réalisées par les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, 1 123 résultaient de préemptions.

MM. François Sauvadet et Christian Jacob se sont déclarés opposés à cet amendement et M. Jean Proriol a souligné qu’il placera les preneurs devant deux années d’incertitude supplémentaires. Le rapporteur a fait valoir que la proposition permettra, au contraire, de leur appliquer pendant deux années supplémentaires le contrôle des structures. Puis, la commission a adopté l’amendement portant article additionnel (amendement n° 212).

Avant l’article 50

La commission a examiné un amendement de M. Serge Poignant portant article additionnel après l’article 12 dont la discussion avait été réservée jusqu’avant l’article 50. M. Serge Poignant a expliqué que son amendement visait à engager une réflexion sur la taxe locale d’équipement des bâtiments agricoles et sur les conditions d’implantation d’habitations proches des bâtiments agricoles existants. Le rapporteur a fait observer que M. Serge Poignant avant obtenu par l’amendement adopté après l’article 45 une réponse au deuxième sujet évoqué. Aussi, la commission a-t-elle rejeté l’amendement.

Article 50

(article L. 253-1 du code rural)

Attribution des droits reconnus à la partie civile aux chambres d’agriculture et centres régionaux de la propriété forestière

Le projet de loi d’orientation agricole confie aux chambres d’agriculture et, le cas échéant, aux centres régionaux de la propriété forestière d’importantes missions consultatives dans le cadre de la gestion multifonctionnelle de l’espace agricole et forestier. Il paraît dès lors justifié que ces organismes, qui sont des établissements publics, puissent bénéficier des mêmes droits reconnus à la partie civile dont disposent les personnes publiques mentionnées à l’article L. 253-1. Ce sont actuellement des personnes chargées de la protection de l’environnement et du patrimoine (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres, agences financières de bassin, Caisse nationale des monuments historiques et des sites).

La commission a adopté l’article sans modification.

Article additionnel après l’article 50

(article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales)

Attribution des biens sectionnaux

La commission a été saisie d’un amendement de M. Jean-Claude Chazal, de deux amendements de M. Alain Marleix et de trois amendements de M. Jean Proriol proposant des adaptations aux modalités d’attribution des terres à vocation agricole ou pastorale appartenant à une section. M. Alain Marleix a fait valoir que le code général des collectivités territoriales manquait de clarté sur cette question et que l’interprétation qu’en avait fait les juridictions administratives restreignait trop les possibilités d’attribution. Les décisions de justice aboutissent à bloquer excessivement des installations d’agriculteurs. Il a estimé que ces terres devaient être attribuées en priorité aux exploitants domiciliés sur la section ou à ceux disposant d’un bâtiment hébergeant pendant la période hivernale leurs animaux sur la section, à défaut, il faudrait privilégier les personnes exploitant des biens sur la section et résidant sur la commune ou, à titre subsidiaire, les personnes exploitant seulement des biens sur la section. Le rapporteur a estimé que le premier amendement de MM. Alain Marleix et Christian Jacob proposait un dispositif trop contraignant alors que leur second amendement, renvoyant à une définition par arrêté préfectoral des modalités d’attribution des biens sectionnaux, était plus souple et rejoignait la proposition des commissaires socialistes. En conséquence, la commission a adopté les deux amendements identiques portant article additionnel de M. Jean-Claude Chazal et de M. Alain Marleix, ce dernier ayant été rectifié afin de le codifier au sein du code général des collectivités territoriales (amendement n° 213). Elle a rejeté le premier amendement de M. Alain Marleix et les trois amendements de M. Jean Proriol.

Article additionnel après l’article 50

Affectation à l’usage du public des chemins ruraux

La commission a adopté un amendement de M. Jean-Michel Marchand portant article additionnel, soutenu par Mme Marie-Hélène Aubert, présumant l’affectation des chemins ruraux à l’usage du public et précisant les modalités de leur vente lorsqu’ils appartiennent à deux ou plusieurs communes (amendement n° 214). L’amendement vise à conforter l’affectation à l’usage de promenade et de randonnée de ces chemins qui deviennent des facteurs de développement rural et du tourisme vert. M. François Sauvadet a souligné que l’entretien de ces chemins pour un usage de promenade ou de randonnée créait de lourdes charges pour les communes rurales.

TITRE VI

FORMATION DES PERSONNES, DÉVELOPPEMENT AGRICOLE,
RECHERCHE AGRONOMIQUE ET VÉTÉRINAIRE

C’est l’année même où l’on célèbre le 150e anniversaire de l’enseignement agricole en France (le premier texte intervenu en la matière est le décret du 3 octobre 1848), que le législateur réaffirme l’importance et l’intérêt de l’appareil de formation face aux défis considérables que doit affronter notre agriculture.

Le projet de loi consacre ainsi quatorze articles à la filière enseignement-formation professionnelle-recherche-développement considérée comme un extraordinaire vecteur de progrès. L’enseignement et la recherche sont de fait un moyen décisif de réponse aux multiples exigences économiques et sociales actuelles et à venir : compétitivité, qualité et salubrité des produits, développement durable, aménagement du territoire rural.

Les réussites de notre système de formation ne sont d’ailleurs pas la moindre de ses caractéristiques. L’enseignement technique agricole, qui assure des formations allant de la classe de quatrième du collège au premier cycle de l’enseignement supérieur (tel est au moins le cas de l’enseignement public) présente ainsi plusieurs mérites : il est bien réparti sur l’ensemble du territoire (l’on compte en moyenne dix établissements par département), recourt traditionnellement à des méthodes pédagogiques originales, donnant une part importante à la formation en alternance et assure dans ses structures une représentation significative des professionnels et des familles ; depuis plusieurs années, l’enseignement technique agricole apparaît même très souvent comme la “ seconde chance ” donnée à des jeunes exclus des filières habituelles de formation.

Mais c’est principalement le fort taux d’insertion professionnelle de l’enseignement agricole qui en signe le succès : il atteint 68,4 % pour les titulaires du brevet d’études professionnelles agricoles (BEPA - niveau V), 81,7 % pour ceux du brevet de technicien agricole (BTA - niveau IV) et 91,1 % pour les titulaires du brevet de technicien supérieur agricole (BTSA- niveau III).

La coexistence sans heurts et depuis de nombreuses années d’un système d’enseignement public, qui accueillait à la rentrée 1997 40,4 % des élèves dans 214 lycées et par ailleurs d’établissements d’enseignement privé au nombre de 638 qui regroupaient alors 59,6 % de ces élèves est un autre trait dominant de l’enseignement technique agricole.

Les succès de l’appareil de formation agricole sont ceux aussi de l’enseignement supérieur, qui regroupait en 1997 10 873 étudiants (7 580 dans l’enseignement public, 3 293 dans le secteur privé), de l’apprentissage, qui connaît un succès croissant en agriculture (toujours en 1997, il a concerné 24 966 apprentis, dont 138 ingénieurs) et de la formation professionnelle (134 000 stagiaires adultes ont bénéficié l’année dernière de 26 millions d’heures de formation).

Pourtant la réussite même de l’enseignement agricole est une source de fragilité. Cela est vrai tout particulièrement pour l’enseignement technique, où les effectifs atteignaient 174 362 élèves à la rentrée de 1997, en croissance constante depuis 1992 et encore de 3,3 % par rapport à 1996 ; cette évolution risque de mettre à terme en cause les bons taux d’insertion professionnelle de l’enseignement agricole et pèse d’ores et déjà sur les choix budgétaires, les crédits de l’enseignement agricole représentant environ la moitié des dotations du budget de l’agriculture, handicapant ainsi la réalisation d’autres actions également utiles. La situation semble d’autant plus regrettable, que ce sont les filières des services et de l’aménagement rural, qui enregistrent depuis plusieurs années les taux de croissance les plus importants au détriment de celles de la production et de la transformation, qui apparaissent pourtant comme le champ naturel de l’enseignement agricole.

Parallèlement aux interrogations que pose l’évolution de l’enseignement agricole, il faut faire état aussi des incertitudes qui concernent la recherche dans ce secteur. Celle-ci a pu paraître dans un passé récent insuffisamment en phase avec les attentes et les inquiétudes de nos concitoyens, de plus en plus soucieux de leur santé et donc de la qualité sanitaire des produits alimentaires et de la préservation de l’environnement.

Le titre VI du projet de loi s’efforce à répondre à ces questions. Les dispositions prévues n’apportent pas de modification importante aux règles existantes en matière d’enseignement agricole. Elles respectent en particulier l’équilibre entre les enseignements techniques public et privé instauré dans deux lois adoptées en 1984, dites “ lois Rocard ”, la loi du 9 juillet 1984 “ portant rénovation de l’enseignement agricole public ” et la loi du 31 décembre 1984 “ portant réforme des relations entre l’Etat et les établissements d’enseignement agricoles privés ”. Elles visent pour l’essentiel à adapter le contenu des textes applicables aux objectifs et aux préoccupations retenues par ailleurs (multifonctionnalité de l’agriculture, développement durable) et à tirer les conséquences sur le contenu du livre VIII du code rural de l’intervention de nouveaux textes, en particulier la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 “ relative au travail, à l’emploi et à la formation professionnelle ” ou encore la loi n° 95-836 du 13 juillet 1995 “ de programmation du nouveau contrat pour l’école ”.

Seules font figure, dans ce projet de loi, de véritables innovations la reconnaissance d’un statut législatif pour la recherche et pour le développement agricoles et, dans l’enseignement supérieur, la mise en place de formations doctorales et l’association du ministre de la recherche à la cotutelle des établissements.

Article 51

(article L. 811-1 du code rural)

Principes et missions de l’enseignement et de
la formation professionnelle agricoles publics

L’article 51 du projet de loi concentre dans l’article L. 811-1 du code rural les dispositions de l’actuel article L. 811-1 et des cinq premiers alinéas de l’article L. 811-2, elles-mêmes issues de l’article premier de la loi n° 84-579 du 9 juillet 1984 “ portant rénovation de l’enseignement agricole public ”.

Il précise tout d’abord le champ couvert par l’enseignement et la formation professionnelle agricoles publics : ceux-ci visent à donner une formation générale, mais aussi technologique et professionnelle dans les métiers de l’agriculture, de l’aquaculture, de la forêt et de l’ensemble de la filière agro-alimentaire ainsi que dans des secteurs concourant au développement de ceux-ci, tels les services et l’aménagement de l’espace agricole, rural et forestier.

Cette rédaction témoigne d’un souci de recentrage du dispositif de la formation agricole sur son domaine naturel, à savoir les métiers de l’agriculture et des industries agro-alimentaires ; la préparation à d’autres métiers (services, aménagement de l’espace) n’est envisageable, dans le libellé de l’article 51, que dans la mesure où ces métiers concourent au développement de ceux de la production et de la transformation agricoles.

L’article 51 du projet de loi prévoit ensuite les finalités de l’enseignement et de la formation professionnelle agricoles publics, qui sont de contribuer au développement personnel des jeunes, à l’élévation et à l’adaptation de leurs qualifications et à leur insertion scolaire, professionnelle et sociale.

Votre rapporteur se félicite d’observer que ces dispositions mettent l’accent sur la nécessité, pour l’enseignement agricole public de contribuer, au delà de la formation, “ au développement personnel des jeunes ”. De la même façon, il juge très positif que soit mentionné le rôle d’insertion, aussi bien scolaire que professionnelle et même sociale (création de lien social), que sont susceptibles de jouer l’enseignement et la formation professionnelle agricoles publics, rôle que la pratique confirme largement. Il note que ces finalités sont très proches de celles qu’avait retenues la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989 “ d’orientation sur l’éducation. ”

Sont ensuite détaillées quatre grandes missions assignées à l’enseignement et à la formation professionnelle agricoles publics :

– la formation générale, technologique et professionnelle initiale ou continue ;

– la participation à l’animation du milieu rural et il est vrai que cet enseignement, par le maillage du territoire qu’il assure, contribue significativement à l’aménagement de nos zones rurales ;

– la contribution aux activités de développement, d’expérimentation et de recherche appliquée agricoles ;

– la participation à la coopération internationale, notamment par les échanges et l’accueil d’élèves, d’apprentis, d’étudiants, de stagiaires et d’enseignants.

Remarquons que ces quatre missions étaient prévues déjà dans la loi n° 84-579 du 9 juillet 1984 “ portant rénovation de l’enseignement agricole public ”, dite “ loi Rocard ” et que la profession, l’administration et les parents d’élèves étaient tous très attachés à l’inscription de ces missions dans le projet de loi.

L’article 51 prévoit ensuite que l’enseignement et la formation professionnelle agricoles publics sont organisés, dans le cadre de l’éducation permanente, selon les voies de la formation initiale ou continue. Cette formulation très générale rappelle que l’éducation est un processus qui se déroule tout au long de la vie et qu’il ne doit pas y avoir de rupture entre apprentissage, formation scolaire et formation des adultes.

L’article 51 précise enfin que l’enseignement et la formation professionnelle agricoles publics sont une composante du service public d’éducation et de formation (aux côtés par exemple de l’éducation nationale, des formations maritimes ou de santé) ; ils obéissent aux principes de laïcité, de liberté de conscience et d’égal accès de tous au service public ; ils relèvent du ministre de l’agriculture.

Cet article confirme ainsi les grandes caractéristiques du dispositif public de formation agricole (ses finalités, ses missions, son architecture d’ensemble), tout en précisant clairement qu’il doit être “ recentré ” sur les activités agricoles elles-mêmes et qu’il relève de la responsabilité du ministre de l’agriculture, qu’il assume aussi un rôle irremplaçable d’insertion scolaire, professionnelle et sociale des élèves, des apprentis et des stagiaires.

La commission a examiné plusieurs amendements portant sur l’article 51. Elle a ainsi rejeté un amendement de M. Félix Leyzour, visant à préciser le caractère général, technologique et professionnel de l’enseignement agricole, le rapporteur ayant fait remarquer que cette formulation paraissait redondante avec la rédaction actuelle de l’article 51. La commission a ensuite rejeté un amendement de M. Jean-Michel Marchand prévoyant que l’enseignement technique agricole avait notamment pour but de former les jeunes au respect des normes de l’environnement, M. François Patriat ayant estimé que cette formation était déjà largement assurée dans l’enseignement technique agricole. La commission a ensuite examiné un amendement présenté par M. Joseph Parrenin, portant sur les missions assignées à l’enseignement technique agricole public et prévoyant parmi celles-ci la contribution à l’insertion professionnelle et sociale des jeunes et des adultes. Elle a adopté cet amendement modifié par un sous-amendement présenté par M. Daniel Marcovitch, faisant référence au développement culturel et à la valorisation de l’environnement parmi les missions assignées à l’enseignement technique agricole public (amendement n° 215).

La commission a ensuite adopté l’article 51 ainsi modifié.

Article 52

(article L. 811-2 du code rural)

Architecture générale de l’enseignement et de la formation professionnelle agricoles publics

Cet article qui devient le nouvel article L. 811-2 du code rural reprécise et clarifie l’architecture générale de l’enseignement et de la formation professionnelle agricoles publics prévue à l’article 2 de la loi n° 84-579 du 9 juillet 1984 “ portant rénovation de l’enseignement agricole public ”.

Il indique que les formations dispensées peuvent s’étendre de la classe de quatrième du collège au premier cycle de l’enseignement supérieur inclus.

Les formations prévues ont logiquement pour but de favoriser le passage des élèves, des étudiants, des apprentis et des stagiaires au cycle supérieur ; mais, des “ passerelles ” sont également prévues, leur permettant de s’orienter en cours d’études vers une voie différente, et, pour les jeunes provenant de l’enseignement général, technologique et professionnel relevant de l’éducation nationale, de s’intégrer dans une filière de formation agricole. L’article 52 prévoit, cette technique existant d’ailleurs depuis 1984, qu’à cet effet, sont créées des classes préparatoires et des classes d’adaptation ainsi qu’un service d’orientation commun à l’enseignement agricole et à l’enseignement général, technologique et professionnel. S’agissant de ce service d’orientation commun, on peut observer notamment que les documents de l’office national d’information sur les enseignements et les professions (ONISEP) intègrent les préoccupations de l’enseignement agricole, tout en notant qu’il n’existe pas de conseillers d’orientation agricoles.

Des programmes et référentiels (programmes professionnels) nationaux arrêtés soit par le ministre de l’agriculture, soit conjointement par le ministre de l’agriculture et celui de l’éducation nationale, définissent respectivement le contenu et les objectifs de l’enseignement et de la formation professionnelle agricoles publics.

L’article 52 indique ensuite que les formations sont organisées en cycles, comme le prévoit la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989 “ d’orientation sur l’éducation ”. A l’issue de chaque cycle, l’élève, l’étudiant, l’apprenti ou le stagiaire a la possibilité, soit de poursuivre ses études, soit de s’engager dans la vie professionnelle.

L’article 52 pose enfin le principe que les formations dispensées par l’enseignement technique et par la formation professionnelle agricoles publics sont sanctionnées par des diplômes d’Etat, (lesquels donnent accès à des professions réglementées) ou des diplômes nationaux (baccalauréats, certificats d’aptitude et brevets d’études professionnelles, brevets de techniciens supérieurs qui, tous délivrés par l’Etat, ouvrent la voie à différents métiers) équivalents aux diplômes du même niveau de l’enseignement général, technologique et professionnel relevant de l’éducation nationale. L’Etat apparaît ainsi comme l’unique “ pilote ” en matière d’attribution des diplômes.

Votre rapporteur note avec satisfaction que cet article, qui confirme utilement plusieurs grands principes actuellement applicables, maintient la possibilité pour les établissements d’enseignement technique agricoles publics d’un recrutement à partir de la classe de quatrième, en dépit de la réforme du collège intervenue dans le cadre de la loi n° 95-836 du 13 juillet 1995 “ de programmation du nouveau contrat pour l’école ”, qui a notamment supprimé le palier d’orientation de la fin de la classe de cinquième.

Sur cet article, la commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 216), puis elle a adopté l’article 52 ainsi modifié.

Article 53

(article L. 811-8 du code rural)

Création des établissements publics locaux d’enseignement
et de formation professionnelle agricoles

Cet article indique en premier lieu que les divers centres de formation agricole sont regroupés au sein d’établissements publics locaux d’enseignement et de formation professionnelle agricoles (EPLEFPA). Tel est le cas :

– des lycées d’enseignement général et technologique agricoles (LEGTA) et des lycées professionnels agricoles (LPA) ;

– des centres de formation professionnelle et de promotion agricoles (CFPPA) et des centres de formation d’apprentis (CFA) ;

– des exploitations agricoles et des ateliers technologiques, ainsi reconnus pour la première fois comme centres spécifiques de formation et qui permettent de fait une formation concrète aux données pratiques, techniques et économiques ainsi que l’expérimentation et la diffusion de techniques nouvelles.

Les établissements publics locaux d’enseignement et de formation professionnelle agricoles jouissent de la personnalité civile et de l’autonomie administrative et financière. Ils constituent une unité à la fois juridique, budgétaire et même “ politique ”, puisqu’il n’y existe qu’un seul conseil d’administration. Les établissements publics réunissent en principe en un même lieu les diverses structures de formation, mais peuvent aussi être implantés sur plusieurs sites, si leurs activités le justifient. Ils ont pour siège soit un lycée d’enseignement général et technologique agricole, soit un lycée professionnel agricole.

Chacun des centres de formation (LEGTA, LPA, CFPPA, CFA, exploitations agricoles et ateliers technologiques) dispose quant à lui de l’autonomie pédagogique et éducative.

La commission a procédé à l’examen de deux amendements ayant pour objet le regroupement des lycées d’enseignement général et technologique agricoles et des lycées professionnels agricoles ; le premier, présenté par M. Jean-Michel Marchand a été retiré au profit d’un amendement de M. Joseph Parrenin qui a été adopté prévoyant que ces deux types de lycées seraient fusionnés dans un délai de cinq ans sur des projets d’établissements intégrant l’ensemble des missions prévues à l’article 51 du projet de loi (amendement n° 217).

M. François Sauvadet s’est interrogé sur les conséquences de cet amendement notamment en matière d’emploi.

La commission a également adopté un amendement de M. Christian Jacob, ajoutant après les mots : “ ateliers technologiques ”, constitutifs des établissements publics locaux d’enseignement, les mots : “ à vocation pédagogique ”, de manière à tenir compte des problèmes posés par le paracommercialisme (amendement n° 218).

L’article 53 du projet de loi prévoit également la possibilité de dispenser, à titre obligatoire ou facultatif des enseignements artistiques, dans les établissements mentionnés à cet article en application des dispositions de la loi n° 88-20 du 6 janvier 1988 “ relative aux enseignements artistiques ” (articles 3 et 4).

L’article 53 du projet de loi pose ensuite un principe important, auquel la loi n° 84-579 du 9 juillet 1984 “ portant rénovation de l’enseignement agricole public ” avait déjà ouvert la voie, celui de l’obligation pour chaque établissement public d’enseignement et de formation professionnelle agricoles d’arrêter un projet d’établissement, en application de l’article 18 de la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989 d’orientation sur l’éducation.

Il est précisé que le projet d’établissement qui doit respecter les programmes et référentiels nationaux arrêtés au niveau ministériel est élaboré sous la responsabilité du chef d’établissement avec le concours des personnels, des élèves, des parents d’élèves, des étudiants, des apprentis et des stagiaires puis qu’il est adopté par le conseil d’administration de l’établissement.

Le projet d’établissement a un objet très large, puisqu’il couvre les modalités de mise en oeuvre des orientations retenues aux plan national et régional aussi bien que les actions qui relèvent de l’autonomie pédagogique de l’établissement et de sa vie interne (par exemple rôle des délégués élèves, structures de participation, coopération internationale de l’établissement).

Le projet d’établissement est établi pour une période de trois à cinq ans et comprend des dispositions relatives à l’évolution des structures pédagogiques (ouvertures et fermetures de classes).

L’article 53 prévoit enfin que la mise en oeuvre du projet d’établissement est évaluée dans des conditions prévues par le ministre de l’agriculture.

Sur ce point, la commission a rejeté un amendement de M. Yves Coussain, prévoyant que le projet d’établissement doit intégrer le projet départemental agricole, le rapporteur ayant indiqué que cette formule risquait d’être un élément de complexité inutile.

La commission a adopté l’article 53 ainsi modifié.

Article 54

(article L. 811-10 du code rural)

Identification du directeur régional de l’agriculture et de la forêt comme autorité académique

Cet article, qui modifie l’article L. 811-10 du code rural, a pour objet de préciser que l’autorité académique sur l’enseignement technique agricole est exercée au nom du ministre de l’agriculture par le directeur régional de l’agriculture et de la forêt. Celui-ci est ainsi clairement identifié, à l’image du recteur pour l’éducation nationale. Rappelons que le rôle de l’autorité académique est d’assurer le contrôle des établissements, mais surtout de délivrer les diplômes au nom du ministre.

Le libellé actuel de l’article L. 811-10 dispose que “ les termes autorité académique désignent le service régional chargé de l’enseignement agricole ”, ce qui paraît imprécis et a d’ailleurs donné lieu à de multiples problèmes d’interprétation.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 55

(article L. 812-1 du code rural)

Principes, missions et architecture générale
de l’enseignement supérieur agricole public

L’article 55 du projet de loi modifie partiellement les dispositions de l’article L. 812-1 du code rural. Il précise les principes d’ensemble auxquels répond l’enseignement supérieur agricole public, dont il élargit les missions, s’inscrivant dans la nouvelle vision multifonctionnelle de l’agriculture.

L’article 55 prévoit tout d’abord que l’enseignement supérieur agricole public a pour finalité la formation d’ingénieurs, de paysagistes, de cadres spécialisés, d’enseignants, de chercheurs et de vétérinaires. Il inscrit ainsi l’insertion professionnelle des diplômés au premier rang des buts poursuivis par l’enseignement supérieur agricole et vétérinaire public. Il rappelle ensuite que l’enseignement supérieur agricole public constitue une composante du service public de l’enseignement supérieur.

Cet article présente ensuite de manière très détaillée les missions assignées à l’enseignement supérieur agricole public, s’inscrivant en cela dans le cadre des principes posés au titre premier de la loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 “ sur l’enseignement supérieur ”, dite “ loi Savary ”.

Sont ainsi mentionnées avec de sensibles modifications par rapport à ce texte les missions déjà prévues dans l’actuel article L. 812-1 du code rural pour cet enseignement :

– la formation aux activités de production agricole, forestière, aquacole et des produits de la mer, de transformation et de commercialisation de ces produits, d’industrie agro-alimentaire et de l’alimentation, d’agro-industrie, de santé et de protection animale et végétale, d’hygiène, de qualité et de sécurité de l’alimentation, d’aménagement, de développement, de gestion, de protection de l’espace rural, de la forêt, des milieux naturels et du paysage ; on peut noter, à travers cette longue énumération, que l’article 55 du projet de loi, en phase avec d’autres articles de celui-ci, ajoute à l’actuel article L. 812-1 du code rural, les activités de production de plusieurs secteurs : forêt, aquaculture et produits de la mer ainsi que de nouvelles préoccupations de la société : protection végétale, hygiène, qualité et sécurité de l’alimentation, protection du paysage ;

– la participation à la politique de développement scientifique par des activités de recherche fondamentale, appliquée et clinique ;

– le concours apporté à la mise en œuvre de la politique de coopération internationale aux plans scientifique et technique et, disposition nouvelle, pédagogique.

Mais l’article 55 retient également trois nouvelles missions pour l’enseignement supérieur agricole public, missions qui prennent particulièrement en compte l’importance des activités de recherche et la nécessité d’en exploiter les résultats :

– la conduite d’actions de recherche, d’innovation et d’ingénierie dans les domaines de l’éducation et de la formation ;

– la contribution, en collaboration avec les organismes publics de recherche, à la veille scientifique et technique, à l’innovation technologique et au développement ainsi qu’à la valorisation des résultats de la recherche ;

– la participation à la diffusion de l’information scientifique et technique.

Votre rapporteur approuve tout particulièrement le souci manifesté dans cet article du projet de loi de reprécision et d’actualisation des missions assignées à l’enseignement supérieur agricole public.

L’article 55 du projet de loi précise ensuite, il y a là une autre différence importante avec l’actuel article L. 812-1 du code rural, que l’enseignement supérieur agricole public fait l’objet d’évaluations régulières.

Selon les indications fournies à votre rapporteur par les services du ministère de l’agriculture et de la pêche, l’observatoire national de l’enseignement agricole (ONEA) créé par arrêté du ministre de l’agriculture du 31 juillet 1996, dont les activités d’évaluation ont concerné jusqu’à maintenant l’enseignement technique agricole public, doit précisément se pencher désormais également sur l’enseignement supérieur agricole public. Les évaluations prévues concerneront aussi bien l’ensemble du dispositif de l’enseignement supérieur agricole que les différents établissements existants. Il est souhaitable, selon votre rapporteur, que ces évaluations s’appliquent certes aux résultats obtenus en matière pédagogique et scientifique, mais aussi d’insertion professionnelle des diplômés.

Il faut remarquer, qu’en mentionnant l’obligation d’évaluer régulièrement l’enseignement supérieur agricole, l’article 55 consacre une pratique déjà présente. C’est ainsi que le comité national d’évaluation a procédé à une évaluation de l’établissement national d’enseignement supérieur agronomique de Dijon (l’ENESAD) et de l’école nationale de formation agronomique de Toulouse (l’ENFA).

L’article 55 prévoit ensuite que l’enseignement supérieur agricole public est dispensé selon les deux voies habituelles, formations initiale et continue et qu’il comporte des formations supérieures de type professionnel, des formations supérieures de spécialisation (il s’agit en l’espèce des formations vétérinaires) ainsi que des formations doctorales. Il faut noter sur ce dernier point, qu’actuellement, plus d’un millier d’étudiants sont inscrits en troisième cycle dans l’enseignement supérieur agricole, sans que ce dernier soit habilité à délivrer les diplômes correspondants.

Depuis plusieurs années, les universités et les écoles relevant du ministre de l’agriculture coopèrent pour l’organisation conjointe de formations de troisième cycle. C’est ainsi que les écoles en question sont actuellement impliquées dans 44 diplômes d’études approfondies (DEA) et 16 diplômes d’études supérieures spécialisées (DESS).

Cette coopération s’étant construite sans cadre juridique, il importait de régulariser la situation existante, comme les ministres de l’éducation nationale et de l’agriculture en ont pris l’engagement.

Le dernier alinéa de l’article 55 prévoit donc que les établissements d’enseignement supérieur agricole public peuvent être habilités par le ministre de l’enseignement supérieur, après avis conforme du ministre de l’agriculture, à délivrer dans leurs domaines de compétences, seuls ou avec des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, des diplômes nationaux de troisième cycle.

Cette importante innovation s’appliquera tout particulièrement aux écoles nationales vétérinaires.

Enfin, il est prévu, c’est là un important élément de nouveauté, que le ministre de l’enseignement supérieur est associé à la tutelle et à la définition des projets pédagogiques des établissements d’enseignement supérieur agricoles publics.

Sur l’article 55, la commission a adopté deux amendements à caractère rédactionnel présentés par le rapporteur (amendements nos 219 et 220), puis elle a adopté l’article 55 ainsi modifié.

Article 56

(article L. 812-3 du code rural)

Administration des établissements d’enseignement
supérieur agricole public

Cet article crée un nouvel article, l’article L. 812-3 du code rural. Il s’inspire, ce faisant, des principes habituellement applicables en matière d’administration des établissements publics.

L’article 56 prévoit tout d’abord que les établissements d’enseigne-ment supérieur agricole public sont créés par décret et qu’ils sont dirigés par un directeur.

Leur conseil d’administration, précise l’article 56, comprend des représentants de l’Etat, des collectivités territoriales, des enseignants, des enseignants-chercheurs, des étudiants et des élèves, des différents personnels administratifs, techniques, ouvriers et de service et enfin des professions et activités éducatives, économiques et de recherche ayant un lien avec les missions de l’établissement.

Les enseignants-chercheurs (maîtres de conférences et professeurs) et les autres enseignants (venant de l’enseignement technique, ils interviennent dans l’enseignement supérieur) doivent détenir 20 % des sièges au conseil d’administration. Au sein de leur représentation, le nombre des professeurs et des personnels de niveau équivalent doit être égal à celui des autres personnels.

Le conseil d’administration élit son président en son sein parmi les personnes qui sont extérieures à l’établissement et qui n’assurent pas la représentation de l’Etat.

Il a notamment pour rôle de déterminer les statuts et les structures internes de l’établissement d’enseignement supérieur agricole public.

Ses délibérations sont exécutoires au plus tard dans le délai d’un mois qui suit leur transmission au ministre de l’agriculture ou leur transmission conjointe au ministre de l’agriculture et à celui de l’enseignement supérieur, sauf opposition notifiée faite par l’un de ces ministres. Cette formule apparemment complexe est une conséquence de la co-tutelle qui s’exerce sur ces établissements.

Chaque établissement élabore un projet d’établissement.

L’article 56 prévoit enfin qu’un décret en Conseil d’Etat fixe les modalités d’application de cet article.

La commission a adopté l’article 56 sans modification.

Article 57

(article L. 812-5 (nouveau) du code rural)

Création de groupements d’intérêt public par les établissements publics d’enseignement supérieur agricole

L’article 57 crée un nouvel article dans le livre VIII du code rural, l’article L. 812-5, qui a pour objet de permettre la création de groupements d’intérêt public (GIP) par des établissements publics d’enseignement supérieur agricole. Ces GIP, dotés de la personnalité morale et de l’autonomie financière, peuvent être constitués par lesdits établissements, soit entre eux, soit avec d’autres personnes morales de droit public ou de droit privé. Ils ont pour objectif :

– soit la constitution, sur proposition du ministre de l’agriculture qui se voit ainsi reconnaître un important rôle d’impulsion et d’orientation, de pôles de compétences à vocation internationale ;

– soit l’exercice en commun d’activités à caractère scientifique, technique, professionnel et culturel ou la gestion d’équipements ou de services d’intérêt commun (par exemple, programmes de recherche ou d’équipements, ou d’échanges de services, ou encore constitution d’un service unique de communication avec l’extérieur).

Un décret en Conseil d’Etat fixe les modalités d’application de l’article 57.

L’article 57 prend notamment acte du développement depuis plus de dix ans à l’image de ce qui se produit à l’éducation nationale, de formules de regroupement entre établissements d’enseignement et de recherche agricoles (écoles nationales vétérinaires et d’agronomie, organismes publics de recherche, universités), visant à la mise en place de “ pôles de compétences ” régionaux ou interrégionaux disposant d’une “ lisibilité ” suffisante au plan international ainsi qu’à l’association des efforts en vue de projets collectifs.

D’après les indications transmises à votre rapporteur, Agromip (Agro Midi Pyrénées), qui a son siège à Toulouse, a été constitué en 1985 et rassemble 9 organismes de recherche et d’enseignement supérieur, 3 800 étudiants spécialisés et 750 chercheurs. Agropolis, dont le siège est à Montpellier a été créé en 1986 et représente 17 organismes, 2 300 chercheurs et 5 000 employés. Agrena enfin, qui a été créé en 1988 et à son siège à Rennes, fédère 10 organismes, 2 125 élèves, 230 enseignants permanents et 500 chercheurs.

La technique du groupement d’intérêt public doit permettre aux établissements de fédérer leurs actions, tout en conservant chacun leur personnalité morale. Dépassant le statut associatif qui est celui de certains regroupements existants (tel est le cas pour Agropolis et Agrena, Agromip étant dépourvu de personnalité morale), le groupement d’intérêt public doit les aider à mieux s’affirmer au plan international (c’est Agropolis qui a aujourd’hui la plus forte vocation internationale), donnant notamment ainsi aux étudiants la possibilité de réaliser une partie de leur cursus à l’étranger et surtout permettre à ces organismes de disposer de subventions, y compris d’origine communautaire. La mise en place de groupements d’intérêt public aura pour conséquence aussi de soumettre les organismes concernés aux règles de la comptabilité publique.

La commission a rejeté un amendement de suppression de l’article 57 présenté par M. Christian Jacob. Son auteur a estimé que la mise en place de groupements d’intérêt public d’enseignement supérieur agricole pouvait conduire à un gaspillage d’argent public. Le rapporteur a émis un avis défavorable à l’adoption de cet amendement et indiqué que la mise en place de pôles de compétences régionaux apparaissait au contraire très utile.

La commission a ensuite adopté l’article 57 sans modification.

Après l’article 57

La commission a rejeté un amendement présenté par M. Jean Proriol, indiquant que les dispositions prévues dans le projet de loi en matière d’enseignement supérieur agricole public étaient applicables également à l’enseignement supérieur agricole privé. MM. Jean Proriol et François Sauvadet ont fait remarquer que l’absence, dans le projet de loi d’orientation agricole, de dispositions s’appliquant à l’enseignement supérieur agricole privé apparaissait comme une discrimination injustifiée.

Article 58

Principes et missions de l’enseignement et de
la formation professionnelle agricoles privés

L’article 58 du projet de loi, qui modifie partiellement l’article L. 813-1 du code rural, reprend pour les établissements d’enseignement et de formation professionnelle agricoles privés dont l’association ou l’organisme responsable a passé un contrat avec l’Etat la plupart des dispositions prévues à l’article 51 pour l’enseignement et la formation professionnelle agricoles publics.

Comme l’article 51, cet article prévoit ainsi en premier lieu le champ couvert par l’enseignement et la formation professionnelle agricoles privés : ceux-ci assurent une formation générale, mais aussi technologique et professionnelle dans les métiers de l’agriculture, de la forêt, de l’aquaculture et de l’ensemble de la filière agro-alimentaire ainsi que dans les secteurs qui concourent au développement de ceux-ci, tels les services et l’aménagement de l’espace agricole, rural et forestier.

Ce libellé témoigne, comme pour le secteur public, d’une volonté de recentrage de l’enseignement technique agricole privé sur son domaine naturel, les métiers de l’agriculture et des industries agro-alimentaires, la préparation à d’autres métiers (services, aménagement de l’espace) n’étant envisageable que dans la mesure où ces métiers concourent au développement de ceux de la production et de la transformation agricoles.

L’article 58 traite également des finalités de l’enseignement et de la formation professionnelle privés, qui sont de contribuer au développement personnel des jeunes, à l’élévation et à l’adaptation de leurs qualifications et à leur insertion scolaire, professionnelle et sociale.

Il s’agit là d’une reprise de dispositions contenues dans la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989 d’orientation sur l’éducation.

Les missions assignées au secteur privé de l’enseignement technique agricole ensuite sont identiques à celles du secteur public :

– la formation générale, technologique et professionnelle initiale ou continue ;

– la participation à l’animation du milieu rural ;

– la contribution aux activités de développement, d’expérimentation et de recherche appliquée agricoles ;

– la participation à la coopération internationale, notamment par les échanges et l’accueil d’élèves, d’apprentis, de stagiaires et d’enseignants.

Ces quatre grandes missions étaient retenues déjà dans la loi n° 84-1285 du 31 décembre 1984 “ portant réforme des relations entre l’Etat et les établissements d’enseignement agricole privés ”, dite “ loi Rocard ”. Les associations de l’enseignement technique agricole privé étaient particulièrement attachées à l’inscription de ces missions dans le projet de loi.

Il faut remarquer que l’alinéa premier de cet article n’est pas modifié par le projet de loi. Il comporte plusieurs dispositions très générales qui rapprochent les enseignements techniques agricoles privés et publics. Il est précisé ainsi que les établissements d’enseignement et de formation agricoles privés dont l’association ou l’organisme responsable a passé un contrat avec l’Etat “ participent au service public d’éducation et de formation ”, qu’ils relèvent du ministre de l’agriculture ” et que “ leurs enseignements sont dispensés dans le respect des principes de liberté de conscience, d’égal accès de tous à l’éducation et de liberté de l’enseignement, qui implique notamment qu’un tel établissement puisse, à ces conditions, naître d’une initiative privée. ”

La commission a adopté un amendement du rapporteur à caractère rédactionnel (amendement n° 221), puis l’article 58 ainsi modifié.

Article 59

(article L. 813-2 du code rural)

Architecture générale de l’enseignement technique
agricole privé

L’article 59 du projet de loi modifie les dispositions de l’article L. 813-2 du code rural ; comme l’article 58, il reprend pour le secteur privé les dispositions prévues par le projet de loi pour l’enseignement et la formation professionnelle agricoles publics, l’article “ de référence ” étant cette fois l’article 52 de ce projet de loi.

L’article 59 reprécise l’architecture générale de l’enseignement agricole privé prévue par l’article 2 de la loi n° 84-1285 du 31 décembre 1984 “ portant réforme des relations entre l’Etat et les établissements d’enseignement agricole privés ”.

Il indique que les formations de l’enseignement agricole privé peuvent s’étendre de la classe de quatrième du collège jusqu’à la dernière année de formation de techniciens supérieurs. Notons que l’article 52 du projet de loi prévoit que les formations dispensées par l’enseignement technique agricole public s’étendent, quant à elles, jusqu’au premier cycle de l’enseignement supérieur inclus. La formulation retenue pour l’enseignement privé empêche celui-ci de bénéficier de contrats avec l’Etat pour les classes autres que celles de techniciens supérieurs, en particulier, les classes d’adaptation “ post BTS ” préparatoires aux grandes écoles.

Lors de ses travaux sur l’article 59, la commission a examiné deux amendements présentés, l’un par M. Christian Jacob, l’autre par M. Jean Proriol, visant à prévoir que l’année terminale de l’enseignement technique agricole privé était celle du premier cycle de l’enseignement supérieur inclus, de manière à établir un parallélisme avec les établissements techniques agricoles publics. Le rapporteur a suggéré que cette question donne lieu à un plus ample examen et qu’elle soit évoquée ultérieurement. Après les interventions de MM. Jean Proriol, Joseph Parrenin, du président André Lajoinie et de M. François Sauvadet, la commission a rejeté ces amendements.

L’article 59 prévoit ensuite que les formations assurées par l’enseignement privé doivent favoriser le passage des élèves, des étudiants, des apprentis et des stagiaires au cycle supérieur, des “ passerelles ” étant par ailleurs prévues, leur permettant de s’orienter en cours d’études vers une voie différente et, pour les jeunes provenant de l’enseignement général, technologique et professionnel relevant de l’éducation nationale, de s’intégrer dans une filière de formation agricole.

L’article 59 prévoit d’ailleurs, qu’à cet effet, sont créées des classes préparatoires et des classes d’adaptation.

Comme pour le secteur public, des programmes et des référentiels nationaux arrêtés, soit par le ministre de l’agriculture, soit conjointement par le ministre de l’agriculture et celui de l’éducation nationale définissent respectivement le contenu et les objectifs de l’enseignement et de la formation professionnelle agricoles privés.

L’article 59 précise ensuite que les formations dispensées sont organisées en cycles ; à l’issue de chaque cycle, l’élève, l’étudiant, l’apprenti ou le stagiaire a la possibilité, soit de poursuivre ses études, soit de s’engager dans la vie professionnelle.

Il est également prévu que des actions permettant la connaissance et la diffusion des langues et cultures régionales sont organisées dans les établissements là où le besoin existe (disposition analogue à celle qui figure actuellement à l’article L. 811-5 du code rural pour l’enseignement public et qui concerne aujourd’hui l’Outre-mer, l’Alsace, la Bretagne, le Pays Basque et la Corse) et, par ailleurs, que des enseignements artistiques sont assurés à titre obligatoire ou facultatif dans ces établissements.

L’article 59 du projet de loi pose ensuite le principe que les formations dispensées par l’enseignement technique et par la formation professionnelle agricoles privés sont sanctionnées par des diplômes d’Etat (donnant accès à des professions réglementées) ou des diplômes nationaux (lesquels ouvrent la voie à divers métiers) reconnus équivalents aux diplômes du même niveau de l’enseignement général, technologique et professionnel relevant de l’éducation nationale.

L’article 59 du projet de loi, comme l’article 53 pour l’enseignement technique agricole public, prévoit que chaque établissement privé d’enseignement et de formation professionnelle agricoles arrête un projet d’établissement, lequel définit, d’une part, les modalités de mise en œuvre des orientations et objectifs nationaux et régionaux, d’autre part, les actions qui relèvent de l’autonomie pédagogique de chaque établissement et de sa vie intérieure.

Le projet d’établissement est établi pour une durée de trois à cinq ans ; élaboré sous la responsabilité du chef d’établissement avec le concours des personnels, des élèves, des parents d’élèves, des étudiants, des apprentis et des stagiaires, il est ensuite adopté par le conseil d’administration de l’établissement.

L’article 59 du projet de loi prévoit que le projet d’établissement comporte une partie relative à l’évolution des structures pédagogiques et que sa mise en œuvre est évaluée dans des conditions prévues par le ministre de l’agriculture.

L’article 59 du projet de loi prévoit enfin que les dispositions de l’article L. 811-3 sont applicables aux établissements agricoles privés sous contrat. Cet article, qui codifie l’article 3 de la loi n° 84-579 du 9 juillet 1984 “ portant rénovation de l’enseignement agricole public ” dispose que : “ la nature, les taux et conditions d’attribution des aides aux familles des élèves de l’enseignement agricole public seront progressivement harmonisés avec ceux de l’enseignement général, technologique et professionnel. ”.

La commission a adopté un amendement du rapporteur rectifiant une erreur matérielle (amendement n° 222), puis elle a adopté l’article 59 ainsi modifié

Après l’article 59

La commission a rejeté un amendement présenté par M. Jean Proriol, visant à préciser les missions de l’enseignement supérieur agricole privé.

Article 60

Schéma prévisionnel national des formations de
l’enseignement agricole

Cet article modifie l’article L. 814-2 du code rural relatif au Conseil national de l’enseignement agricole (CNEA), organisme présidé par le ministre de l’agriculture et comportant soixante membres représentant les différentes parties prenantes de l’enseignement agricole.

Il est prévu, dans l’article 60, que le CNEA donne un avis sur le projet de schéma prévisionnel national des formations de l’enseignement agricole. Ce schéma, indique l’article 60, tient compte des besoins de formation exprimés par les régions ; il est arrêté pour cinq ans par le ministre de l’agriculture.

L’article 60 précise que la conduite du dispositif national de l’enseignement et de la formation professionnelle agricoles est assurée par l’Etat sur le fondement de ce schéma. Il réaffirme ainsi clairement, qu’en matière d’orientation de l’enseignement et de la formation professionnelle en agriculture, le rôle de “ pilotage ” relève du seul Etat.

Cet article encadre ainsi une technique existant depuis 1991, le premier schéma prévisionnel ayant concerné les années 1991 à 1993, le second, la période 1993 à 1998. Le troisième schéma national prévisionnel des formations de l’enseignement agricole public couvrant les années 1998 à 2002 a été récemment adopté (avis du conseil national de l’enseignement agricole du 18 décembre 1997 et arrêté du ministre de l’agriculture et de la pêche du 13 mars 1998).

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 61

Coordination

Cet article insère deux nouveaux alinéas dans l’article L. 814-4 du code rural, visant la coordination des dispositions relatives aux comités régionaux de l’enseignement agricole et au schéma prévisionnel national des formations de l’enseignement agricole, dont il est question à l’article 60 du projet de loi avec celles de plusieurs lois intervenues depuis 1983.

Il est prévu ainsi :

– que le comité régional de l’enseignement agricole est consulté sur le projet de plan régional de développement des formations professionnelles des jeunes (PRDFP), prévu à l’article 83 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 “ relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’Etat ” ;

– que, d’une part, le schéma prévisionnel régional, prévu à l’article 13 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983, complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 “ relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’Etat ”, d’autre part, le plan régional de développement des formations professionnelles des jeunes (PRDFP), défini à l’article 83 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 complétée par la loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993 relative au travail, à l’emploi et à la formation professionnelle prennent en compte les orientations du schéma prévisionnel national des formations de l’enseignement agricole.

La commission a adopté un amendement de M. Joseph Parrenin, faisant référence au projet régional de l’enseignement agricole (amendement n° 223). Un amendement de M. Jean-Michel Marchand a, en conséquence, été retiré.

La commission a ensuite adopté l’article 61 ainsi modifié.

Article 62

Abrogation du 1er alinéa de l’article L. 815-2 du code rural

L’article 62 a pour objet l’abrogation des dispositions du premier alinéa de l’article L. 815-2, qui n’ont en réalité jamais été mises en œuvre. L’article L.815-2 dans son premier alinéa prévoit que les dispositions des articles L. 811-1 à L. 811-5 (dispositions générales relatives à l’enseignement et à la formation professionnelle agricoles publics), L. 812-1 (missions assignées à l’enseignement supérieur agricole public), L. 814-1 et L. 814-2 (dispositions relatives au conseil national de l’enseignement agricole) et enfin L. 814-4 (mesures relatives au comité régional de l’enseignement agricole) seront étendues par décret aux départements d’outre-mer et éventuellement adaptées après avis de leurs conseils généraux.

Ce dispositif n’a pas eu à ce jour l’occasion de jouer, les mesures en cause s’étant appliquées directement dans les départements d’outre-mer.

Le contenu du deuxième alinéa de l’article L.815-2 n’est en revanche pas modifié ; il y est prévu qu’un décret en Conseil d’Etat fixe, en tant que de besoin, et après avis des conseils généraux, les mesures d’adaptation aux départements d’outre-mer des dispositions du chapitre III du titre premier ; rappelons que le chapitre III contient les “ dispositions relatives aux établissements d’enseignement agricole privés sous contrat. ”

La commission a adopté cet article sans modification.

Article additionnel après l’article 62

Création de l’inspection de l’enseignement agricole

La commission a adopté un amendement de M. Joseph Parrenin, portant article additionnel après l’article 62, et prévoyant la création d’une inspection de l’enseignement agricole (amendement n° 224).

Après l’article 62

La commission a rejeté deux amendements présentés par M. Joseph Parrenin, le premier portant sur la possibilité de faire bénéficier du service de santé scolaire de l’éducation nationale, les élèves et étudiants de l’enseignement agricole, le rapporteur ayant déclaré que bien qu’en accord sur le principe de l’amendement il estimait que cette question relevait de la compétence réglementaire, le deuxième concernant la mise en place d’un institut national de formation et de recherche de l’enseignement agricole, le rapporteur ayant indiqué qu’il était préférable d’attendre le résultat des concertations menées actuellement sur ce thème.

Article 63

Développement agricole

Les articles du code rural actuellement applicables en matière de développement agricole (les articles R. 821-1 à R. 825-4) ont pour origine le décret n° 86-484 du 14 mars 1986 modifié par le décret n° 90-187 du 28 février 1990. Par développement agricole, il faut entendre l’ensemble des actions qui concourent à la diffusion du progrès technique en agriculture.

L’article 63 du projet de loi donne au développement agricole une base législative, reconnaissant ainsi d’une certaine façon les progrès décisifs permis par ce dernier : accroissement considérable de la productivité et de la compétitivité, amélioration de la qualité sanitaire des produits, préservation de l’environnement.

L’article 63 prévoit ainsi la création au sein du livre VIII du code rural d’un titre II intitulé “ développement agricole ” et comportant cinq articles, les articles L. 820-1 à L. 820-5.

Article L. 820-1 du code rural

Principes et missions du développement agricole

Cet article indique, de façon très générale, les objectifs du développement agricole, précisant que celui-ci répond à la nécessité pour l’agriculture et le secteur agro-alimentaire de s’adapter en permanence aux différentes évolutions scientifiques, technologiques, économiques et sociales. A l’instar de nombreux autres articles du projet de loi, l’article 63 prévoit que le développement agricole a tout particulièrement comme buts le développement durable de l’agriculture, la qualité des produits, l’encouragement à la diversité des modes de développement des exploitations, la protection de l’environnement, l’aménagement du territoire.

Il est indiqué ensuite que le développement agricole assure deux types de missions d’intérêt général, lesquelles comportent :

– des actions de recherche finalisée et appliquée, la conduite d’études, d’expérimentations et d’expertises, le transfert de connaissances par des techniques variées : sensibilisation, information, démonstration, formation, conseil ;

– l’appui donné à des initiatives locales qui entrent dans le cadre de ces missions.

L’article 63 prévoit enfin que la politique de développement agricole est définie et mise en œuvre par une concertation de l’Etat et des organisations professionnelles agricoles et qu’elle est soumise à des évaluations régulières.

Votre rapporteur approuve les dispositions de cet article très général, qui confère une reconnaissance au développement agricole et en précise utilement les objectifs. Il observe également avec intérêt que sont prévues des procédures régulières d’évaluation, de telles procédures existant certes aujourd’hui, mais n’étant pas systématisées.

La commission a adopté un amendement de forme présenté par le rapporteur (amendement n° 225).

Article L.820-2 du code rural

Financement de la politique de développement agricole

L’article L.820-2 prévoit que la politique du développement agricole peut être financée par le fonds national de développement agricole (FNDA), qui a notamment pour but la réalisation de programmes de développement élaborés aux différents échelons, départemental, régional, national, communautaire ou international.

Le libellé de l’article L. 820-2, qui indique que la politique de développement agricole “ peut être financée ” par le FNDA rend possible le recours complémentaire à des fonds privés.

Article L. 820-3 du code rural

Gestion du fonds national de développement agricole

Cet article prévoit que l’Etat peut confier, par le biais d’une convention, la gestion du fonds national de développement agricole à une association dans laquelle l’Etat, les organisations professionnelles concernées et les organisations syndicales représentant les exploitants agricoles sont représentés sur une base paritaire.

Cette association peut se voir attribuer par ailleurs plusieurs responsabilités : la préparation du programme national de développement agricole, sa coordination, son suivi, son évaluation et la contribution à son financement.

L’ANDA (association nationale de développement agricole), qui dispose d’un budget annuel de 750 millions de francs et d’un financement par taxe parafiscale, est l’instance concernée par cet article.

L’élaboration des programmes de développement départementaux et régionaux est quant à elle confiée aux chambres d’agriculture, chargées tout à la fois du financement et de la coordination des actions de développement à ces échelons.

Article L.820-4 du code rural

Enumération des acteurs du développement agricole

L’article L. 820-4 établit la liste des acteurs du développement agricole : chambres d’agriculture, établissements d’enseignement agricole, groupements professionnels à caractère technique, économique et social ou encore autres organismes publics ou privés. Ces organismes agissent avec le concours de l’Etat et éventuellement des collectivités locales.

Dès lors que les actions correspondantes bénéficient de crédits publics, elles sont soumises aux contrôles technique, administratif et financier de l’Etat.

Article L. 820-5 du code rural

Liaison entre développement et recherche agricoles

Cet article prévoit une coopération entre les organismes en charge de développement agricole mentionnés à l’article L.820-4 avec ceux chargés de la recherche agronomique et vétérinaire, dans le but tout particulièrement d’assurer l’exploitation et la diffusion des résultats de cette recherche. Les organismes de développement agricole peuvent saisir ceux de la recherche de toute question soulevée par les acteurs de la filière agricole et agroalimentaire justifiant leur intervention.

La commission a adopté l’article 63 ainsi modifié.

Article 64

(article L. 830-1 du code rural)

Principes et missions de la recherche agronomique et vétérinaire

Cet article crée dans le livre VIII du code rural un titre III, intitulé “ Recherche agronomique et vétérinaire ” comportant un article unique, l’article L. 820-1 relatif précisément à la recherche en agriculture.

Il faut remarquer que, comme pour le développement agricole, aucune disposition de nature législative ne figure actuellement dans le code rural sur la recherche, alors même que le livre VIII de ce code comprend “ la recherche agronomique” dans son intitulé.

La recherche en agriculture est simplement soumise ainsi aux principes “ de droit commun ” définis par la loi n° 82-610 du 15 juillet 1982 “ d’orientation et de programmation pour la recherche et le développement technologique de la France. ”

L’objet de l’article 64 du projet de loi est de donner pour la première fois en propre à la recherche agronomique et vétérinaire une reconnaissance législative. Il en révèle ainsi clairement l’importance face aux enjeux nationaux et internationaux actuels et à venir : compétitivité de la filière agricole et agro-alimentaire, qualité et sécurité alimentaires, protection de l’environnement. Cet article s’inscrit à ce titre dans la vision multifonctionnelle et durable de l’agriculture que promeut le projet de loi.

Très générale (il s’agit d’un article d’orientation), la rédaction proposée respecte le cadre de la loi du 15 juillet 1982, mais elle précise également de manière très intéressante les missions de la recherche agricole ainsi que le rôle dévolu en la matière au ministre de l’agriculture et aux organismes publics compétents.

L’article 64 prévoit tout d’abord que la recherche, aussi bien agronomique que vétérinaire a globalement pour objectifs la performance (“ elle concourt au développement et à la compétitivité de la filière agricole et agro-alimentaire et de la filière forêt-bois ”) et l’aménagement du territoire (il est précisé qu’elle concourt aussi à “ l’équilibre des territoires ruraux ”).

Comme de nombreux autres articles du projet de loi, l’article 64 indique ensuite que la recherche agricole s’assigne comme impératifs : la gestion durable de l’espace rural, la qualité et la sécurité des produits alimentaires, l’équilibre alimentaire mondial ainsi que la préservation des ressources naturelles de la planète.

L’article 64 s’efforce ensuite de recenser les différents acteurs de la recherche en agriculture. Il s’agit d’abord d’organismes publics: sont visés principalement l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), l’Institut de recherche pour l’ingénierie de l’agriculture et de l’environnement (CEMAGREF) et le Centre national d’études vétérinaires et alimentaires (CNEVA), qui doit être intégré à terme dans la future Agence de sécurité sanitaire des aliments selon les termes de la loi n° 95-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l’homme. Mais, sont également concernés, pour certaines de leurs activités, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER), le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) et, bien qu’il ne relève pas de la tutelle du ministre de l’agriculture, l’Institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération (ORSTOM).

Mènent également une action de recherche les établissements d’enseignement supérieur (écoles nationales vétérinaires, écoles nationales d’agronomie), les instituts et centres techniques professionnels regroupés au sein de l’association de coordination technique agricole (ACTA), tels que, par exemple, l’institut technique des céréales et des fourrages ou le centre technique interprofessionnel de la vigne et du vin ainsi que les centres d’innovation technologique (les CRITT ou centres régionaux d’innovation et de transfert de technologie).

L’article 64 reconnaît enfin le concours que peuvent apporter les entreprises ainsi que les centres privés de l’ensemble de la filière agricole et agro-alimentaire.

Les organismes publics de recherche sont placés sous la tutelle des ministres de l’agriculture et de la recherche et, le cas échéant, d’autres ministres intéressés. Le ministre en charge de l’agriculture a pour tâche de veiller à la cohérence des orientations suivies par ces organismes avec celles que retient sa politique.

L’article 64 du projet de loi précise ensuite les missions très larges reconnues aux organismes publics de recherche : leurs capacités d’expertise et de soutien scientifiques doivent leur permettre d’aider les pouvoirs publics notamment à préserver la santé publique et l’environnement. Ces organismes se voient également reconnaître un rôle tout à fait important d’identification et d’évaluation des risques, qui doit contribuer à prévenir les atteintes à la sécurité et à la qualité des produits agro-alimentaires et à assurer la protection des ressources et des milieux naturels. Les organismes publics de recherche ont ainsi un rôle complexe à la fois d’aide à la décision publique et de réponse aux préoccupations nouvelles de la société.

L’article 64 prévoit enfin que les résultats obtenus par les organismes publics de recherche agronomique et vétérinaire font l’objet d’une évaluation régulière, permettant là encore de vérifier leur bonne articulation avec les préoccupations de la société et avec les politiques agricoles menées.

Votre rapporteur se félicite d’observer que la recherche en agriculture se voit dotée par le projet de loi d’un cadre législatif spécifique actuellement absent et que le “ rôle d’alerte ” que doivent jouer les organismes publics de recherche auprès des pouvoirs publics, rôle qui a pu paraître mal assumé dans un passé récent, à l’occasion tout particulièrement de la crise de l’ESB est explicitement consacré, donnant même lieu à une évaluation régulière.

Votre rapporteur observe également avec satisfaction que les organismes publics de recherche agronomique, longtemps guidés par le souci prioritaire de la performance et de l’intensification, orientent désormais largement leurs réflexions vers la préservation de l’environnement et des ressources naturelles, vers la recherche de la qualité et de la sécurité sanitaire des produits ou encore vers le développement rural. Il souhaite enfin que s’affirme un dialogue réel et profond entre les diverses parties prenantes à l’avenir de la recherche : les chercheurs et les pouvoirs publics, mais aussi les agriculteurs, les techniciens du développement agricole et les consommateurs.

Sur cet article, la commission a rejeté l’amendement n° 35 de M. Jacques Rebillard, indiquant que la recherche agronomique et vétérinaire devait avant tout se consacrer à la recherche fondamentale, puis un amendement de M. Christian Jacob, précisant que des missions en matière de recherche pouvaient être confiées aux chambres d’agriculture, le rapporteur ayant estimé que celles-ci avaient déjà de nombreuses responsabilités.

La commission a ensuite adopté l’article 64 sans modification.

Article additionnel après l’article 64

Présentation d’un rapport sur l’adaptation de la fiscalité agricole

La commission a adopté un amendement de M. Joseph Parrenin portant article additionnel, prévoyant la présentation au Parlement avant le 1er octobre 1999 d’un rapport du Gouvernement portant sur l’adaptation de la fiscalité agricole, des charges sociales et de la transmission des exploitations (amendement n° 226).

En conséquence, sont devenus sans objet les amendements de M. Jean Proriol et de M. Christian Jacob prévoyant que le Gouvernement étudierait les mesures nécessaires pour favoriser la mutation fiscale des exploitations agricoles, ainsi qu’une transmission progressive des exploitations et un allégement de la fiscalité sur les bénéfices réinvestis dans les entreprises.

Après l’article 64

La commission a examiné les amendements déposés après l’article 64 ainsi que ceux dont la discussion avait été précédemment réservée.

La commission a rejeté un amendement de M. Christian Jacob, tendant à créer un fonds agricole, le président André Lajoinie et M. François Patriat, rapporteur ayant estimé que cette technique risquait d’alimenter la pratique des pas de porte ; la commission a également rejeté trois amendements du même auteur, l’un relatif au principe de cessibilité du bail, un deuxième visant à créer des baux d’entreprises agricoles, un troisième ayant pour but de rétablir un système de préretraite agricole.

La commission a ensuite rejeté les amendements présentés par M. Christian Jacob et ayant pour but l’abandon progressif du régime forfaitaire d’imposition, l’aménagement de la dotation provisionnelle pour investissement, l’incitation à la souscription de capital social dans les sociétés coopératives, la distinction entre le revenu du travail et le revenu réinvesti, l’exonération d’impôt sur le revenu pour la créance de salaire différé du conjoint, l’amélioration de l’exonération des plus-values pour encourager les cédants à transmettre leur exploitation à un jeune, la généralisation de la taxation à un droit fixe de 500 francs pour tous les transferts de parts de sociétés civiles, la mise en place d’un droit de la transmission des entreprises qui allège la taxation des transferts de capital entre les générations, l’application de taux réduits pour les acquisitions de foncier par de jeunes agriculteurs.

· Amendements après l’article 11, précédemment réservés

La commission a rejeté deux amendements de M. Félix Leyzour indiquant notamment que, pour l’application du droit fiscal, les biens personnels provenant de l’activité agricole sont distincts du capital de l’exploitation.

La commission a ensuite rejeté trois amendements de M. François Sauvadet, le premier modifiant l’article 72 D du code général des impôts afin de supprimer l’obligation de réintégrer la déduction pour investissement au même rythme que l’amortissement des investissements sur lesquels elle a été imputée ; le second alignant le régime de taxation des plus-values applicables aux exploitants agricoles sur celui dont bénéficient les PME, depuis le 1er janvier 1997 et le troisième visant à faciliter la transmission des exploitations agricoles par un allègement de l’imposition des plus-values professionnelles.

· Amendements après l’article 12, précédemment réservés

La commission a rejeté trois amendements de M. Jean Proriol, ayant pour objet, le premier d’améliorer le système d’exonération des plus-values pour encourager les installations, les deux autres d’encourager la transmission des exploitations.

· Amendement avant l’article 6, précédemment réservé

La commission a en conséquence rejeté un amendement de M. François Sauvadet tendant à modifier l’intitulé du chapitre 1er du titre II afin de mentionner le régime fiscal de l’exploitation agricole.

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La commission a adopté l’ensemble du projet de loi ainsi modifié.

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En conséquence, la commission de la production et des échanges vous demande d’adopter le projet de loi d’orientation agricole (n° 977), modifié par les amendements figurant au tableau comparatif présenté au tome II du présent rapport.

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N° 1058.– Rapport de M. François Patriat (au nom de la commission de la production), sur le projet de loi d’orientation agricole (n° 977).– Tome I : discussion générale et examen des articles.

1 ) Au 31 décembre 1996, environ 1,3 million d’adhérents étaient recensés, mais cette estimation de la confédération française de la coopération agricole ne peut être rapprochée du nombre des exploitations agricoles du fait que celles-ci peuvent adhérer à plusieurs coopératives.

2 1) Sur le fondement de la loi n° 82-847 du 6 octobre 1982 relative à la création d’offices d’intervention dans le secteur agricole et à l’organisation des marchés ont été créés les offices nationaux interprofessionnels des vins (décret du 18 mars 1983), des plantes à parfum, aromatiques et médicinales (décret du 18 mars 1983), des fruits, des légumes et de l’horticulture (décret du 18 mars 1983), du lait et des produits laitiers (décret du 18 mars 1983), des viandes, de l’élevage et de l’aviculture (décret du 18 mars 1983), l’Agence centrale des organismes d’intervention dans le secteur agricole (décret du 7 juillet 1983), l’office de développement de l’économie agricole dans les départements d’outre-mer (décret du 11 mai 1984).

3 ) Devenu le Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire en application de la loi n° 95-95 du 1er février 1995 de modernisation de l’agriculture.

4 ) Auparavant, la loi votée en 1975 permettait aux organisations les plus représentatives “ de la transformation, du négoce et de la distribution ” d’être associées à celles de la production agricole. Par les termes négoce et distribution le stade de gros et la vente au détail étaient nettement distingués. La rédaction actuelle de la loi n° 80-502 du 4 août 1980 d’orientation agricole a été adoptée pour marginaliser la distribution.

5 ) Les grandes surfaces d’alimentation générale (supermarchés, magasins populaires et hypermarchés) détenaient, en 1996, 60,5 % des parts de marché de ventes des produits alimentaires, y compris le tabac, en France, contre 55 % en 1992, selon les calculs de l’INSEE (comptes du commerce en 1996). Son chiffre d’affaires généré par les ventes de produits alimentaires atteignait 503 milliards de francs en 1996 tandis que le commerce de gros des produits alimentaires réalisait 630 milliards de francs hors taxes de chiffre d’affaires.

6 ) L’article 85 du traité de Rome stipule que :

1. Sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun, et notamment ceux qui consistent à :

a) fixer de façon directe ou indirecte les prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction,

b) limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les investissements,

c) répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement,

d) appliquer, à l’égard de partenaires commerciaux, des conditions inégales à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence,

e) subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n’ont pas de lien avec l’objet de ces contrats.

2. Les accords ou décisions interdits en vertu du présent article sont nuls de plein droit.

3. Toutefois, les dispositions du paragraphe 1 peuvent être déclarées inapplicables :

– à tout accord ou catégorie d’accords entre entreprises,

– à toute décision ou catégorie de décisions d’associations d’entreprises et

– à toute pratique concertée ou catégorie de pratiques concertées

qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, et sans :

a) imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs,

b) donner à des entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d’éliminer la concurrence.

7 ) Cette dernière notion a été précisée dans le rapport n° 2595 de M. Jean-Paul Charié du 6 mars 1996 sur le projet de loi relatif à la loyauté et l’équilibre des relations commerciales et lors de la discussion en séance publique du texte. Ainsi la coupe d’une pièce de viande pour une mise en barquette ou le retrait des feuilles asséchées des salades ou le reconditionnement dans des emballages spéciaux transforment le produit et fait qu’il n’est plus considéré comme revendu en l’état.

8 ) Il n’existe pas de définition de ces produits agricoles périssables. Cependant la circulaire Scrivener du 10 janvier 1978 contient une liste indicative des produits menacés d’une altération rapide, pour l’application de l’exception à l’interdiction de revendre à perte. Pour l’application de l’article 35 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, qui concerne les délais de paiement, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes applique un critère tiré d’un arrêt du 4 février 1992 de la Cour d’appel de Paris considérant les produits alimentaires périssables comme étant “ toutes les denrées alimentaires qui, en raison de leur teneur et composition, présentent la caractéristique d’être soumises, sauf en ce qui concerne celles faisant l’objet d’un mode de conservation particulier (produits lyophilisés, congelés ou surgelés ou encore les conserves et semi-conserves) à une dégradation rapide ”.

9 ) Auparavant, la loi du 1er août 1905 précitée s’était contentée de prévoir une délimitation géographique d’appellations par décrets en Conseil d’Etat sans tenir compte de la qualité de production des produits issus de ce terroir.

10 ) Il s’agit des contrôles visant à s’assurer que “ les produits agricoles et denrées alimentaires portant une dénomination protégée répondent aux exigences du cahier des charges ” (1 de l’article 10 du réglement (CE) n° 2081/92 du Conseil du 14 juillet 1992).

11 ) La famille des équidés comprend les chevaux, poneys, ânes, mulets, bardots, onagres, baudets et les zèbres.