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le 10 décembre 1998

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N° 1251

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 décembre 1998

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES(1) SUR LA PROPOSITION DE LOI de M. Alain Belviso (N° 1236) tendant à limiter les licenciements et à améliorer la situation au regard de la retraite des salariés de plus de cinquante ans,

PAR M. Maxime Gremetz,

Député.

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Retraite : régime général

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales est composée de : M. Jean Le Garrec, président ; MM. René Couanau, Jean-Michel Dubernard, Jean-Paul Durieux, Maxime Gremetz, vice-présidents ; Mme Odette Grzegrzulka, MM. Denis Jacquat, Noël Mamère, Patrice Martin-Lalande, secrétaires ; MM. Yvon Abiven, Bernard Accoyer, Mme Sylvie Andrieux, MM. André Aschieri, Gautier Audinot, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, MM. Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Baeumler, Pierre-Christophe Baguet, Jean Bardet, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Mmes Huguette Bello, Yvette Benayoun-Nakache, MM. Patrick Bloche, Alain Bocquet, Mme Marie-Thérèse Boisseau, MM. Jean-Claude Boulard, Bruno Bourg-Broc, Mme Christine Boutin, MM. Jean-Paul Bret, Victor Brial, Yves Bur, Vincent Burroni, Alain Calmat, Pierre Carassus, Pierre Cardo, Roland Carraz, Mmes Véronique Carrion-Bastok, Odette Casanova, MM. Jean-Charles Cavaillé, Bernard Charles, Jean-Marc Chavanne, Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Georges Colombier, François Cornut-Gentille, Mme Martine David, MM. Bernard Davoine, Lucien Degauchy, Marcel Dehoux, Jean Delobel, Jean-Jacques Denis, Franck Dhersin, Dominique Dord, Mme Brigitte Douay, MM. Guy Drut, Nicolas Dupont-Aignan, Yves Durand, René Dutin, Christian Estrosi, Claude Evin, Jean Falala, Jean-Pierre Foucher, Jean-Louis Fousseret, Michel Françaix, Mme Jacqueline Fraysse, MM. Yves Fromion, Germain Gengenwin, Mmes Catherine Génisson, Dominique Gillot, MM. Jean-Pierre Giran, Michel Giraud, Gaëtan Gorce, François Goulard, Jean-Claude Guibal, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M.  Francis Hammel, Mme Cécile Helle, MM. Pierre Hellier, Michel Herbillon, Guy Hermier, Mmes Françoise Imbert, Muguette Jacquaint, MM. Maurice Janetti, Serge Janquin, Armand Jung, Bertrand Kern, Christian Kert, Jacques Kossowski, Mme Conchita Lacuey, MM. Jacques Lafleur, Robert Lamy, Edouard Landrain, Pierre Lasbordes, Mme Jacqueline Lazard, MM. Michel Lefait, Maurice Leroy, Patrick Leroy, Maurice Ligot, Gérard Lindeperg, Patrick Malavieille, Mme Gilberte Marin-Moskovitz, MM. Didier Mathus, Jean-François Mattei, Mme Hélène Mignon, MM. Jean-Claude Mignon, Renaud Muselier, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Yves Nicolin, Bernard Outin, Dominique Paillé, Michel Pajon, Michel Péricard, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Bernard Perrut, Pierre Petit, Mme Catherine Picard, MM. Jean Pontier, Jean-Luc Préel, Alfred Recours, Gilles de Robien, Mme Chantal Robin-Rodrigo, MM. François Rochebloine, Marcel Rogemont, Yves Rome, Jean Rouger, Rudy Salles, André Schneider, Patrick Sève, Michel Tamaya, Pascal Terrasse, Gérard Terrier, Mmes Marisol Touraine, Odette Trupin, MM. Anicet Turinay, Jean Ueberschlag, Jean Valleix, Philippe Vuilque, Jean-Jacques Weber, Mme Marie-Jo Zimmermann.

INTRODUCTION 5

I.- LE DROIT À LA RETRAITE A TAUX PLEIN AVEC QUARANTE ANNUITÉS DE COTISATION, SANS CONDITION D'ÂGE 9

A. UNE MESURE DE JUSTICE SOCIALE FAVORABLE À L'EMPLOI 9

1. Une mesure économiquement fondée 9

2. Une mesure de justice sociale 10

3. Une mesure favorable à l'emploi 11

4. Une mesure de simplification 11

B. UNE MESURE D'UN COÛT LIMITÉ, ET DANS CE CAS AISÉMENT FINANÇABLE, VOIRE NUL 11

1. Une mesure d'un coût limité voire nul 12

2. Une mesure, en tout état de cause, aisément finançable notamment en instaurant une contribution sur les revenus financiers 16

II.- LA PROROGATION ET L'EXTENSION DE L'ARPE 19

A. LE DISPOSITIF DE " PRÉRETRAITES CONTRE EMBAUCHES " MIS EN PLACE PAR LES PARTENAIRES SOCIAUX EST FAVORABLE À L'EMPLOI 19

1. Un dispositif mis en place par les partenaires sociaux 19

2. Un dispositif très favorable à l'emploi 20

B. IL DOIT DONC ÊTRE PROROGÉ ET ÉTENDU 21

III.- L'EXTENSION DE LA " CONTRIBUTION DELALANDE " AUX CONVENTIONS DE CONVERSION ET EN CAS DE REFUS D'UNE PRÉRETRAITE TOTALE 25

1. La " contribution Delalande "... 25

2. Présente des imperfections... 26

3. Qu'il convient de corriger en étendant son champ d'application 26

TRAVAUX DE LA COMMISSION 29

Avant l'article 5 31

Article 5 (article L. 321-13 du code du travail) : Assujettissement à la " contribution Delalande " des ruptures de contrats de travail de salariés de plus de cinquante ans ayant adhéré à une convention de conversion 31

Article 6 (article 321-13 du code du travail) : Assujettissement à la " contribution Delalande " des licenciements de salariés ayant refusé le bénéfice d'une préretraite ASFNE 36

Article 7 : Date d'application des articles 5 et 6 37

Article 8 : Institution d'une contribution sur les revenus financiers affectée à la Caisse nationale d'assurance vieillesse 37

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 41

INTRODUCTION

La situation dans laquelle se trouve placée l'Assemblée nationale est inédite. En effet, à la suite de l'invocation par le Gouvernement de l'article 40 de la Constitution à l'égard de la proposition de loi avant même son examen en commission, la proposition s'est trouvée, après la décision du bureau de la commission des finances, amputée de plusieurs articles à caractère social qu'elle prévoit. En application de cette décision, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ne peut débattre que de moins de la moitié des articles.

La proposition de loi prévoit des mesures favorables aux salariés âgés et à l'emploi

La présente proposition de loi (n° 1236) déposée par M. Alain Belviso et les membres du groupe communiste et apparentés s'inscrit dans une volonté de justice sociale et de réduction du chômage. Elle a pour objet de limiter les licenciements de salariés âgés de plus de cinquante ans et d'améliorer la situation au regard de la retraite des salariés de plus de cinquante ans. Elle vise à réaliser des avancées sociales importantes permettant d'apporter des réponses concrètes à des attentes fortes des salariés, des jeunes et des chômeurs.

La proposition de loi comporte quatre volets qui proposent :

- d'instaurer le droit à la retraite à taux plein, sans condition d'âge, pour les salariés totalisant quarante annuités de cotisations vieillesse (article 1er) ;

- de proroger et d'étendre le bénéfice de l'allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE) à tout salarié, sans condition d'âge, totalisant quarante annuités de cotisations vieillesse (articles 2, 3, et 4) ;

- d'assujettir à la " contribution Delalande " les ruptures des contrats de travail des salariés de plus de cinquante ans en cas d'adhésion à une convention de conversion ou de refus de bénéficier d'une préretraite totale (articles 5, 6 et 7) ;

- d'instaurer une contribution sur les revenus financiers affectée à la Caisse nationale d'assurance vieillesse (article 8) et de créer une taxe additionnelle sur les tabacs pour compenser les dépenses résultant pour l'Etat de l'application de la loi (article 9).

L'invocation regrettable et sans précédent, à ce stade de la procédure, par le Gouvernement de l'article 40 de la Constitution

Le groupe communiste a, en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution et de l'article 89, alinéa 4, du Règlement, demandé l'inscription de cette proposition de loi à l'ordre du jour de la première séance du jeudi 10 décembre 1998. La Conférence des Présidents a accepté cette demande.

On peut dès lors s'étonner de la décision du Gouvernement d'invoquer l'exception d'irrecevabilité en application de l'article 40 de la Constitution et de l'article 92 alinéa 2 du Règlement à l'égard de la proposition de loi avant même que celle-ci ait pu être examinée au fond en commission et, a fortiori, débattue en séance publique.

Cette décision est d'autant moins acceptable que, sous la précédente législature, il avait été convenu entre tous les groupes politiques et le Gouvernement que, dans le cadre des séances réservées à un ordre du jour fixé par l'Assemblée nationale, le Gouvernement n'opposerait, s'il le souhaitait, l'article 40 qu'à l'issue des débats. Une telle disposition avait été prise afin de respecter l'initiative parlementaire et donc le débat démocratique. Cet accord de bonnes pratiques démocratiques avait d'ailleurs été respecté lors de la discussion, sous la précédente législature, de la proposition de loi de M. Michel Berson concernant la création d'une allocation d'attente pour la retraite des chômeurs de moins de soixante ans. L'article 40 avait alors été invoqué par le Gouvernement à l'issue de la discussion générale en séance publique. On peut aussi rappeler que cette proposition a finalement connu une issue positive sous la forme de la création de l'allocation spécifique d'attente (ASA)...Cela peut laisser espérer qu'il en en sera de même s'agissant des dispositions déclarées irrecevables de la présente proposition de loi.

La décision de la commission des finances ampute la proposition de loi de plus de la moitié de ses articles

A la suite de la saisine par le Gouvernement, le bureau de la commission des finances a été appelé, en application de l'article 92, alinéa 3, du Règlement, à se prononcer sur la recevabilité de la proposition de loi.

Après avoir entendu le rapporteur nommé par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur la proposition de loi, le bureau de la commission des finances a décidé d'opposer l'article 40 de la Constitution aux articles 1er, 2, 3, 4 et 9. Ne sont donc recevables que les articles 5, 6, 7 et 8. La proposition de loi est ainsi amputée de plus de la moitié de ses articles et de plusieurs dispositions essentielles ; vidée d'une grande partie de sa substance, sa portée en est d'autant réduite et sa cohérence affectée.

La décision du Gouvernement d'invoquer l'article 40 de la Constitution à l'égard d'une proposition de loi inscrite à l'ordre du jour fixée par l'Assemblée nationale avant son examen en commission est sans précédent. Elle est particulièrement regrettable puisque, en pratique, elle réduit considérablement la portée et l'intérêt de la procédure prévue par l'article 48, alinéa 3, de la Constitution. Il serait dommage que cette fenêtre ouverte dans ce que d'aucuns considèrent comme le carcan du parlementarisme rationalisé soit prématurément refermée. Si ce type de comportement de la part du Gouvernement devait se renouveler, il vaudrait mieux alors renoncer à utiliser à cette procédure.

Sur le fond, s'agissant de dispositions à caractère social attendues par nos concitoyens, la décision du Gouvernement est aussi regrettable. Elle revient à empêcher tout débat sur des propositions d'avancées sociales favorables aux salariés qui ont eu de longues carrières et bénéfiques pour l'emploi, en particulier pour l'emploi des jeunes. On peut souligner la contradiction qu'il y a à utiliser un artifice de procédure pour éviter de débattre sur certaines dispositions d'une proposition de loi qui vise à concrétiser des engagements du Gouvernement concernant l'accès à la retraite des salariés totalisant quarante annuités de retraite et l'extension de l'ARPE. Cela est particulièrement surprenant pour ce qui concerne les dispositions relatives à l'ARPE qui, à la suite de l'invocation par le Gouvernement de l'article 40, ont été déclarées irrecevables par le bureau de la commission des finances alors qu'elles reprennent exactement les termes d'une proposition de loi déposée par le groupe socialiste (n° 1172). On est alors en droit de se demander si c'est la seule préoccupation d'auteur qui a motivé l'invocation de l'article 40 ou si la position du Gouvernement a évolué sur le fond.

Quoi qu'il en soit, le rapporteur estime opportun de présenter l'intégralité de la proposition de loi : les différentes dispositions qu'elle prévoit forment en effet un ensemble de mesures cohérent ; des dispositions visent en particulier à dégager les moyens nécessaires pour financer les avancées sociales proposées. Cela permettra de prouver la pertinence de la démarche et la faisabilité financière des propositions formulées.

I.- LE DROIT À LA RETRAITE A TAUX PLEIN AVEC QUARANTE ANNUITÉS DE COTISATION, SANS CONDITION D'ÂGE

L'article premier de la proposition de loi propose d'instaurer le droit à la retraite à taux plein pour les salariés totalisant quarante annuités de cotisation à l'assurance vieillesse. Cette mesure de justice sociale, pleinement légitime, serait favorable à l'emploi. Elle serait en outre d'un coût limité, et dans ce cas aisément finançable, voire nul.

A. UNE MESURE DE JUSTICE SOCIALE FAVORABLE À L'EMPLOI

1. Une mesure économiquement fondée

A la suite de la mission d'analyse et de concertation confiée par le Premier ministre au commissaire général du Plan, le débat récurrent sur les retraites fait l'objet depuis quelques mois d'un regain d'intérêt. Probablement, comme les premiers éléments rendus publics sur les travaux du commissariat du Plan le laissent penser, le rapport final, à l'instar d'autres rapports déjà publiés, tentera de démontrer que le système d'assurance vieillesse par répartition aura du mal à assumer l'augmentation de la charge qui résultera de la dégradation du rapport démographique actifs/retraités dans les années à venir et doit être complété par un système de capitalisation. Le débat sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 aura au moins permis d'écarter l'application de la mauvaise et dangereuse " loi Thomas " sur les fonds de pension, le Gouvernement s'étant engagé à l'abroger au début de l'année prochaine.

Les libéraux qui disent que notre société ne peut pas supporter plus longtemps le coût du système actuel oublient de parler du coût social que représentent les personnes exclues de l'emploi et les difficultés individuelles qu'elles éprouvent.

Un ouvrage de plusieurs auteurs coordonnés par M. Emmanuel Raynaud intitulé "Les retraites dans l'Union européenne" relativise l'ampleur des difficultés de financement à venir des régimes de retraites. Il met en avant principalement deux arguments.

Le premier est que "les générations du baby-boom ne devraient guère coûter plus cher à la collectivité lorsqu'elles seront en retraite que lorsqu'elles étaient sur les bancs de l'école".

Le second est que "le financement des inactifs est le même problème, qu'il s'agisse de verser des pensions aux futurs retraités ou des prestations aux actuels chômeurs".

Pour ces auteurs, le remède est d'abord à rechercher dans le taux de croissance de l'économie.

2. Une mesure de justice sociale

L'aspiration à la retraite pour les salariés ayant cotisé pendant quarante annuités à l'assurance vieillesses, alors que plus de trois millions de personnes sont sans emploi et au moins autant sont dans une situation précaire, est donc pleinement légitime. Elle l'est d'autant plus que seulement un Français sur deux âgé de cinquante-cinq ans à cinquante-neuf ans travaille et qu'un jeune actif sur quatre est au chômage. Dès lors, n'est-il pas illogique de proposer d'allonger la durée de travail, comme le proposent certains, quand 60 % des salariés qui liquident leur retraite ne sont plus en activité ?

On peut par ailleurs rappeler l'engagement pris par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale à l'Assemblée nationale le 19 juin 1997 : "Tout salarié ou chômeur ayant cotisé quarante ans devrait pouvoir cesser son activité dans des conditions satisfaisantes. Très vite, l'Etat ouvrira une négociation avec les organisations syndicales et patronales pour élargir les possibilités existantes. L'emploi doit surtout bénéficier aux jeunes."

A cet égard, on peut aussi rappeler que le Gouvernement vient de décider la reconduction jusqu'à la fin de 1999 du congé de fin d'activité pour les fonctionnaires d'au moins 58 ans totalisant 37,5 annuités de cotisations tous régimes confondus et son extension aux fonctionnaires d'au moins 56 ans justifiant de 40 annuités de cotisations : à cet effet, un amendement à la loi de finances pour 1999 vient d'être adopté.

L'article premier de la proposition de loi s'inscrit dans cette perspective. Il serait incompréhensible que les salariés du secteur privé restent à l'écart d'une telle amélioration. Le droit à la retraite à taux plein pour les salariés totalisant quarante annuités de cotisation à l'assurance vieillesse est une mesure de justice sociale qui permettrait aux salariés qui ont eu une carrière longue et ont largement contribué à financer la retraite de leurs aînés de pouvoir à leur tour bénéficier d'un repos bien mérité dans des conditions convenables. Il faut en effet rappeler qu'en application de l'ordonnance du 26 mars 1982 relative à l'abaissement de l'âge de la retraite, les salariés relevant du régime général peuvent bénéficier de leur pension de vieillesse dès soixante ans, quelle que soit leur durée d'assurance. Cette possibilité a été étendue aux assurés sociaux relevant de l'un des régimes alignés sur le régime général (artisans, commerçants, professions industrielles et salariés agricoles). Cependant, actuellement, les salariés qui totalisent quarante annuités de cotisation vieillesse doivent attendre d'avoir soixante ans pour pouvoir bénéficier d'une retraite à taux plein. La reconnaissance du droit à la retraite à taux plein aux salariés ayant cotisé quarante ans pour la retraite, sans condition d'âge, est une mesure d'équité qui doit être prise rapidement. Elle permettrait notamment aux salariés qui ont commencé à travailler très jeunes - à quatorze ou quinze ans - et qui ont souvent exercé des métiers difficiles de profiter sans attendre de leur retraite et ainsi de compenser partiellement les inégalités d'espérance de vie existantes entre les catégories socio-professionnelles.

L'article premier de la proposition de loi ne constitue qu'une première étape. Au-delà, l'objectif, comme la proposition de loi n° 1040 sur les conditions d'ouverture du droit à la retraite déposée par le rapporteur et les membres du groupe communiste et apparentés le prévoit, est en effet d'annuler, à compter du 1er janvier 1999, la réforme Veil-Balladur de 1993 pour ramener à trente-sept et demi le nombre d'annuités nécessaires pour bénéficier d'une retraite à taux plein calculée sur la base des dix meilleures années.

3. Une mesure favorable à l'emploi

La mesure proposée par l'article premier de la présente proposition de loi permettrait aussi de dégager près de trois cent mille emplois pour des personnes plus jeunes qui sont actuellement à la recherche d'un emploi.

4. Une mesure de simplification

La mesure proposée constituerait enfin une simplification et une rationalisation du panorama juridico-administratif concernant les personnes ayant cotisé pendant quarante ans. Elle pourrait notamment se substituer à plusieurs dispositifs complexes et parfois concurrents (RMI, ASS, ACA, ASA, ARPE, préretraites totales ou progressives...), dont peuvent par exemple bénéficier les actifs inoccupés, relevant de différents financeurs comme l'Etat et l'UNEDIC.

B. UNE MESURE D'UN COÛT LIMITÉ, ET DANS CE CAS AISÉMENT FINANÇABLE, VOIRE NUL

En tout état de cause, le coût de la mesure devrait être limité. Il devrait représenter tout au plus quelques milliards de francs qui seraient aisément finançables notamment en instaurant une contribution sur les revenus financiers. On peut même penser, que la mesure pourrait permettre de faire des économies pour la collectivité. En outre, au-delà de la simple approche financière, il en résulterait un meilleur équilibre de nombreuses personnes et familles favorable à l'économie et à l'ensemble de la société.

1. Une mesure d'un coût limité voire nul

Après déduction du coût brut de la mesure des 27 milliards destinés à financer des dispositifs dont bénéficient actuellement le public potentiel de la mesure et après prise en compte des effets positifs sur l'emploi résultant des postes dégagées (24 milliards de francs d'économies en indemnisation du chômage), la réforme pourrait être réalisée à coût nul pour la collectivité.

· Du coût brut de 49,5 milliards de francs...

Selon les statistiques de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV), en décembre 1998, 548 800 personnes âgées de moins de soixante ans totalisent 160 trimestres validés de cotisation au régime d'assurance vieillesse, dont 291 500 actifs occupés, 197 800 actifs inoccupés, 43 000 personnes en invalidité et 16 500 personnes dans une autre situation. Selon la CNAV, le coût d'une retraite à taux plein en droits directs pour le régime général est d'environ 40 000 francs par an. Si tous les bénéficiaires potentiels demandaient la liquidation de leur retraite -hypothèse maximale-, le coût brut pour la CNAV serait de près de 22 milliards de francs.

Selon les statistiques du ministère de l'emploi et de la solidarité, en 1997, la retraite mensuelle moyenne versée par les régimes de base et complémentaire aux personnes âgées de soixante ans ou plus, percevant au moins un avantage de droit direct, est de 6 804 francs par mois (8 805 francs pour les hommes et 5 034 francs pour les femmes). Si l'on considère que ce sont les hommes qui totalisent actuellement le plus souvent 160 trimestres de cotisations on peut estimer que le coût d'une retraite à taux plein accordé avant soixante ans, comprenant les prestations de retraite du régime général et des régimes complémentaires, est d'environ 7 500 francs par mois, soit 90 000 francs par an. Dans l'hypothèse maximale où l'ensemble des bénéficiaires potentiels décideraient de demander la liquidation de leur retraite à taux plein, le coût brut de la mesure proposée s'élèverait donc, tous régimes confondus, à environ 49,5 milliards de francs.

DISPOSITIFS DE RETRAIT ANTICIPÉ D'ACTIVITÉ

 

Bénéficiaires et âge minimal

Principales conditions

Initiative et accords requis

Allocation et ressources

Effectifs

ALLOCATION DE REMPLACEMENT POUR L'EMPLOI

(Arpe)

(Unedic)

- Salarié d'une entreprise affiliée à l'assurance chômage

- 58 ans (salariés nés en 1940 ou avant)

- Salarié : 160 trimestres validés à l'assurance vieillesse

- Embauche compensatrice (en CDI sauf exception)

- Initiative du salarié/Assedic

- Accord express de l'employeur

- 65 % du salaire de référence (12 derniers mois) dans la limite de quatre fois le plafond de la sécurité sociale

- Min. : 163,55 F/jour au 1er janvier 1998

- Versement jusqu'à 60 ans

75 500

PRÉRETRAITE DU FNE

(ASFNE)

(Etat)

- Salarié d'une entreprise du secteur marchand

- 57 ans (56 ans à titre dérogatoire)

- Projet de licenciement économique et impossibilité de reclassement

- Salarié : au moins 10 ans d'activité (dont 1 an dans l'entreprise en cause)

- Contribution financière de l'entreprise et du salarié

- Convention préalable entre l'entreprise et la DDTEFP

- Adhésion volontaire du salarié à la convention

- 65 % du salaire de référence, puis 50 % sur la part entre un et deux plafonds de la sécurité sociale

- Min. : 163,55 F/jour au 1er janvier 1998

- Versement jusqu'à 60 ans et 160 trimestres validés (ou jusqu'à 65 ans)

95 000

PRÉRETRAITE PROGRESSIVE

(PRP)

(Etat)

- Salarié d'une entreprise du secteur marchand

- 55 ans (ou davantage, selon convention)

- Projet de licenciement économique (ou non)

- Embauche compensatrice (ou non)

- Salarié : au moins 10 ans d'activité (dont 1 an dans l'entreprise en cause)

- Convention préalable entre l'entreprise et la DDTEFP

- Adhésion volontaire du salarié à la convention

- Avenant au contrat du salarié

- 30 % du salaire de référence, puis 25 % sur al part entre un et deux plafonds de la sécurité sociale

- Min. : 81,78 F/jour au 1er janvier 1998

- Versement jusqu'à 60 ans et 160 trimestres validés (ou jusqu'à 65 ans)

52 000

ALLOCATION CHOMEUR ÂGÉ

(ACA)

(Unedic)

- Chômeur indemnisé au titre du régime de base (AUD)

- Pas d'âge minimal

- Chômeur :

160 trimestres validés à l'assurance vieillesse

- Démarche volontaire du chômeur/Assedic

- AUD à taux plein

- Versement jusqu'à 60 ans

68 000

ALLOCATION SPÉCIFIQUE D'ATTENTE

(ASA)

(Unedic)

- Chômeur indemnisé au titre du régime de solidarité (ASS) ou allocataire du RMI

- Pas d'âge minimal

- Chômeur ou Rmiste : 160 trimestres validés à l'assurance vieillesse

- Démarche volontaire/ Assedic (allocataire ASS) ou /CAF ou MSA (allocataire du RMI)

- Allocation : 1 750 F/mois

- Montant minimal des ressources totales : 5 000 F/mois

24 000

MAINTIEN DE L'INDEMNISATION CHÔMAGE JUSQU'À LA RETRAITE

(Unedic)

- Chômeur indemnisé au titre du régime de base (AUD)

- 59 ans et 6 mois

- Indemnisation depuis plus d'un an

 

- Maintien de l'AUD perçue à 59 ans et six mois

 

· · Il faut déduire le coût des mesures dont bénéficie actuellement le public potentiel concerné par la mesure qui représente environ 27 milliards de francs

Le surcoût par rapport à la situation actuelle serait bien moins important. En effet, pour obtenir le coût net de la mesure il faut déduire du coût brut les différentes allocations versées à la population concernée et en particulier aux actifs inoccupés qui bénéficient, en général, d'un des dispositifs de retrait d'activité, du maintien du droit à l'allocation chômage ou de complément de revenu pris en charge par la collectivité. Les actifs occupés peuvent aussi bénéficier de dispositifs d'aide à l'emploi pris en charge par la collectivité : les contrats emploi solidarité (CES), les contrats emploi consolidé (CEC) ou les stages de formation professionnelle. Les crédits qui sont affectés à leur financement doivent aussi être déduits du coût brut.

Il y avait dans les dispositifs nécessitant pour en bénéficier de totaliser 160 trimestres de cotisations à l'assurance vieillesse :

- 75 500 personnes percevant l'allocation de remplacement pour l'emploi - ARPE - (10/98) ; l'allocation moyenne étant de près de 9 000 francs par mois, le coût de l'ARPE s'élève à environ 8 milliards de francs par an ;

- 68 000 personnes percevant l'allocation chômeurs âgés - ACA - totalisant obligatoirement 160 trimestres (10/98) ; l'allocation moyenne étant de 7 800 francs par mois, le coût de l'ACA s'élève à environ 5,2 milliards de francs par an ;

- 24 000 personnes percevant l'allocation spécifique d'attente - ASA - totalisant obligatoirement 160 trimestres (10/98) ; l'allocation moyenne étant de 5 250 francs par mois, le coût de l'ASA s'élève à environ 1,5 milliard de francs par an ;

Il y avait par ailleurs dans les dispositifs concernant les salariés " âgés ", dont on peut penser que la plupart des bénéficiaires totalisent quarante annuités de cotisations vieillesse :

- 95 000 personnes en préretraite totale ASFNE, en principe âgées de plus de 57 ans (09/98) ; 7,6 milliards de francs étaient prévus pour 1997 ;

- 52 000 personnes en préretraite progressive âgées de plus de 55 ans (09/98) ; 2,7 milliards de francs étaient prévus pour 1997 ;

En outre, parmi les bénéficiaires d'autres dispositifs il y a des personnes qui peuvent totaliser 160 trimestres. Il convient donc de prendre en compte, en totalité ou en partie, le coût afférent aux bénéficiaires " âgés " de ces dispositifs :

- une petite part du coût afférent aux indemnisations versées par l'UNEDIC aux 280 000 personnes dispensées de recherche d'emploi, âgées de plus de 55 ans pour les bénéficiaires de l'allocation spécifique de solidarité - ASS - (ceux qui n'ont pas basculé en ASA) ou de plus 57 ans et demi pour les bénéficiaires de l'allocation unique dégressive - AUD - (ceux qui n'ont pas basculé en ACA) (09/97) ;

- une partie du coût afférent aux allocations versées par l'UNEDIC aux chômeurs de plus de 55 ans indemnisés par le régime d'assurance chômage (hors cas de dispense de recherche d'emploi) ;

- le coût afférent au près de 5 000 conventions de conversion suivies par des bénéficiaires âgés de plus de cinquante-cinq ans (5 % du total des adhésions) ; l'allocation étant, en moyenne sur les six mois de son versement, de 8 500 francs par mois, le coût des conventions de conversion pour ce public s'élève à environ 250 millions de francs par an ;

- une part du coût afférent au financement des près de 30 000 emplois en CES occupés par des personnes de plus de 50 ans soit environ 700 millions de francs ;

- une part du coût afférent au financement des près de 18 000 emplois en CEC occupés par des personnes de plus de 50 ans soit environ 1,6 milliard de francs;

- une part du coût afférent aux près de 12 000 stages d'insertion et de formation à l'emploi (SIFE collectif) suivis par des personnes de plus de 50 ans soit un coût d'environ 175 millions de francs ;

- enfin, une faible part des allocations de RMI versées aux bénéficiaires de plus de cinquante-cinq ans.

· Pour obtenir un premier coût net de 22,5 milliards de francs

Au total, si l'on prend en compte l'ensemble des bénéficiaires de dispositifs financés par l'Etat ou l'UNEDIC totalisant 160 trimestres de cotisations vieillesse, il apparaît que le surcoût - ou coût net - pour la collectivité de la mesure proposée serait déjà relativement limité. Il devrait représenter de l'ordre de 22,5 milliards de francs (49,5 - 27).

On peut ajouter que le coût de la mesure devrait progressivement diminuer. En effet, plusieurs raisons conduisent à penser que le public potentiel est appelé à se réduire : l'âge de la scolarité obligatoire est désormais fixé à 16 ans, les études sont de plus en plus longues et l'entrée des jeunes sur le marché du travail est retardée, les mutations du marché du travail et le développement de la précarité entraînent des carrières au profil moins régulier, faites de périodes travaillées et de périodes non travaillées (même si certaines périodes sont validées pour la retraite). Il devient donc de plus en plus difficile d'effectuer des carrières longues et de remplir la condition de quarante annuités de cotisations vieillesse avant soixante ans.

· Et un coût nul après prise en compte des effets sur l'emploi

En outre, étant rappelé que le coût moyen d'une retraite à taux plein est actuellement estimé à 90 000 francs et que le coût moyen d'un chômeur est estimé à 120 000 francs par an, le coût " super-net " 1 de la mesure, c'est-à-dire le coût brut des retraites versées après prise en compte des moindres dépenses et des économies en résultant pourrait même se rapprocher de zéro voire se traduire par une économie globale pour la collectivité. En effet, si l'on fait l'hypothèse que les 300 000 actifs occupés totalisant quarante annuités de cotisations d'assurance vieillesse demandent la liquidation de leur retraite et que seulement deux départs sur trois font l'objet d'une embauche, le nombre de chômeurs indemnisés pourrait être réduit de 200 000. Cela représenterait une économie de 24 milliards de francs (120 000 F x 200 000) à comparer au coût net de la mesure proposée de 22,5 milliards de francs.

Si l'on prenait en compte la réduction des coûts sociaux - ou coûts indirects - consécutive à un meilleur équilibre de la société, l'étude d'impact de la mesure proposée donnerait des résultats encore améliorés.

2. Une mesure, en tout état de cause, aisément finançable notamment en instaurant une contribution sur les revenus financiers

Le coût, en tout état de cause, faible de la mesure pourrait être facilement financé, par exemple en redéployant les crédits consacrés aux exonérations de charges patronales assises sur les salaires à l'efficacité plus que contestable.

Une autre solution prévue par l'article 8 consiste à créer une contribution sur les revenus financiers au même taux de 14,6 % que celui applicable aux salaires au titre de l'assurance vieillesse. Cette contribution pourrait rapporter près de 51 milliards de francs en 1999. Le financement de l'assurance vieillesse ne serait ainsi plus essentiellement supporté par le facteur travail. Cette diversification des sources de financement permettrait également de conforter les régimes de retraite par répartition.

II.- LA PROROGATION ET L'EXTENSION DE L'ARPE

Le dispositif d'allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE) mis en place par les partenaires sociaux à fait la preuve de son efficacité. En conséquence, ce dispositif qui expire à la fin de l'année doit être prorogé et étendu.

A. LE DISPOSITIF DE " PRÉRETRAITES CONTRE EMBAUCHES " MIS EN PLACE PAR LES PARTENAIRES SOCIAUX EST FAVORABLE À L'EMPLOI

1. Un dispositif mis en place par les partenaires sociaux

Entré en vigueur le 1er octobre 1995 et applicable en l'état, jusqu'au 31 décembre 1998, le dispositif d'allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE), également appelé dispositif de " préretraites contre embauches ", permet aux salariés totalisant quarante annuités de cotisations vieillesse de quitter leur entreprise à partir de cinquante-huit ans, avec l'accord de leur employeur et moyennant une ou plusieurs embauches compensatrices.

La mise en _uvre du dispositif résulte de l'accord conclu, le 6 septembre 1995, entre les organisations d'employeurs et de salariés gestionnaires du régime d'assurance chômage de l'UNEDIC. La loi du 21 février 1996 a permis l'affectation d'une partie des ressources du régime d'assurance chômage au Fonds paritaire d'intervention en faveur de l'emploi créé notamment pour financer l'ARPE.

Le dispositif qui devait initialement expirer le 31 décembre 1996 a été reconduit une première fois pour l'année 1997, puis une nouvelle fois pour deux ans jusqu'à fin 1998.

Actuellement, sont susceptibles, à leur demande, de bénéficier de l'ARPE, les salariés remplissant l'ensemble des conditions suivantes : totaliser au moins 160 trimestres de cotisations à l'assurance vieillesse, être âgé d'au moins cinquante-huit ans, avoir cotisé au moins douze ans au régime d'assurance chômage, avoir au moins un an d'appartenance continue au sein de l'entreprise et ne percevoir aucune ressource de cessation anticipée d'activité, à l'exception d'une allocation de préretraite progressive.

En fait, en ce qui concerne l'âge du salarié plusieurs situations doivent être distinguées :

- aucune condition d'âge minimal n'est requise pour les salariés totalisant 172 trimestres validés au titre de l'assurance vieillesse ;

- les salariés nés en 1940 peuvent bénéficier de l'ARPE à compter du premier jour du mois suivant leur cinquante-huitième anniversaire ;

- les salariés nés au cours du premier semestre 1939 peuvent accéder au dispositif depuis de 1er janvier 1997 ; ceux nés au cours du second semestre 1939, depuis le 1er juillet 1997.

Le salarié en ARPE perçoit une allocation correspondant à 65 % de son salaire brut antérieur dans la limite de quatre fois le plafond de sécurité sociale.

2. Un dispositif très favorable à l'emploi

Le dispositif de l'ARPE est très favorable à l'emploi et à l'insertion professionnelle des jeunes. Il permet des embauches de qualité, le plus souvent à temps plein et en contrats à durée indéterminée.

Le départ d'un salarié dans le cadre du dispositif de l'ARPE est subordonné, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, à l'accord de l'employeur.

En outre, et c'est un des intérêts majeurs de l'ARPE, l'employeur qui accepte le départ de son salarié en ARPE a l'obligation de procéder à une ou plusieurs embauches compensatrices. Il doit maintenir le volume des heures de travail prévu dans le contrat pour la durée restant à courir depuis la cessation d'activité du salarié partant jusqu'à son soixantième anniversaire. Il n'est pas obligatoire que l'embauche soit réalisée sur le même poste de travail. Si l'employeur doit, en priorité, réaliser la compensation sous forme d'emploi à temps plein, il peut aussi compenser le départ par des embauches à temps partiel représentant globalement le même volume d'heures.

Depuis le 1er octobre 1995 à la fin octobre 1998, 126 000 personnes ont bénéficié de l'ARPE et 51 000 allocataires sont sortis du dispositif. Au mois d'octobre 1998, il y avait 75 500 allocataires de l'ARPE, soit une augmentation de 15 % en an.

La plupart des salariés qui entrent en ARPE sont âgés de 58 ans (35 %) et de 59 ans (48 %). Les moins âgés (18 %) totalisent 172 trimestres de cotisation à l'assurance vieillesse. La majorité des bénéficiaires de l'ARPE sont des anciens ouvriers (36 %) ou employés (30 %) qui occupaient des emplois dans l'industrie (47 %) ou le tertiaire (29 %) dans des entreprises de taille moyenne ou grande.

Depuis le début du dispositif, 115 000 embauches compensatrices au départ de salariés en ARPE ont été réalisées. Le dispositif profite surtout aux jeunes - l'âge moyen des personnes embauchées est de trente ans - et aux hommes (près de 70 % des embauches). La quasi-totalité des embauches s'effectuent en contrats à durée indéterminée (99 %) et le plus souvent à temps plein (78 %).

Le montant moyen de l'allocation s'élève à près de 9 000 francs par mois, soit 108 000 francs par an par allocataire.

Le cumul des 126 000 entrées réalisées depuis la création du dispositif représente un engagement global brut de dépenses de prestations d'environ 27,1 milliards de francs (dont 16,3 déjà réalisées). On peut évaluer le coût net en prenant en compte deux phénomènes qui agissent de manière opposée. D'une part, les embauches compensatrices entraînent des économies d'indemnisation : un embauché sur trois est en effet indemnisé par le régime d'assurance chômage et perçoit l'allocation unique dégressive (AUD). D'autre part, les salaires des embauches de compensation sont inférieurs à ceux des sortants en ARPE, ce qui entraîne le versement de moindres cotisations à l'UNEDIC. Le solde de ces effets diminue légèrement (de 4 500 francs) le coût unitaire brut de l'entrée en ARPE.

Au total, depuis la création du dispositif, le coût net unitaire d'une entrée en ARPE s'élève à 210 000 francs.

B. IL DOIT DONC ÊTRE PROROGÉ ET ÉTENDU

Le deuxième volet de la proposition de loi vise à apporter une réponse à une demande forte des partenaires sociaux exprimée notamment dans plusieurs accords de branches (métallurgie, textile, bâtiment-travaux publics, propreté, garages...) conclus récemment concernant la réduction du temps de travail. Ces accords demandent explicitement le renouvellement et l'extension de l'ARPE.

Cette préoccupation est largement partagée. Il y a quelques semaines, le groupe socialiste a lui-même déposé à l'Assemblée nationale une proposition relative à la cessation d'activité des salariés ayant acquis 160 trimestres de cotisation d'assurance vieillesse en contrepartie d'embauches (n° 1172). Le rapporteur et le groupe communiste pensent également qu'une initiative parlementaire est nécessaire. C'est la raison pour laquelle les articles 2, 3 et 4 de la présente proposition de loi reprennent le texte de la proposition de loi déposée par le groupe socialiste.

Malheureusement, à la suite de la demande du Gouvernement, le couperet de l'article 40 est tombé et les trois articles en question ont été déclarés irrecevables. Cela ne peut toutefois empêcher le rapporteur, qui considère qu'ils sont toujours pertinents, d'en présenter l'économie. En effet, même si l'on peut se féliciter que la négociation entre les partenaires sociaux sur le renouvellement de l'ARPE ne soit plus bloquée par le MEDEF et que des réunions de négociation soient prévues les 16 et 22 décembre prochain, il apparaît opportun que le législateur puisse prendre position pour, au minimum, éclairer les partenaires sociaux sur la voie qu'il préconise.

L'article 2 de la proposition de loi prévoit d'étendre le bénéfice de l'ARPE à tout salarié totalisant quarante annuités de cotisation d'assurance vieillesse, sans condition d'âge.

L'article 3 vise à proroger l'application du dispositif de l'ARPE dans des conditions fixées par les partenaires sociaux gestionnaires de l'UNEDIC.

L'article 4 vise à inscrire dans la loi le principe de la participation de l'Etat au financement de l'ARPE. Il s'agit ainsi de reprendre dans la loi l'engagement du Premier ministre pris lors de la conférence nationale sur l'emploi, les salaires et la réduction du temps de travail du 10 octobre 1997 devant les partenaires sociaux de participer au financement d'une extension de l'ARPE à raison de 40 000 francs par adhésion d'un salarié ayant commencé à travailler à quatorze ans. Le MEDEF a refusé l'abondement par l'Etat et préfère s'orienter vers la création d'une contribution spécifique demandée aux entreprises.

Cependant, selon les données qui ont été publiées, le coût de la prorogation de l'ARPE en 1999, c'est-à-dire l'ouverture du dispositif aux salariés qui atteindront l'âge de cinquante-huit ans en 1999 et totaliseront 160 trimestres, s'élèverait à 1,8 milliard de francs en 1999, tandis que son extension aux salariés qui ont commencé à travailler à quatorze ou quinze ans et qui concernerait environ 14 000 personnes coûterait 2,9 milliards de francs supplémentaires en 1999 ou 2,2 milliards de francs en prenant en compte la participation de l'Etat. Ces montants, comparés aux dépenses du régime d'assurance chômage qui dépassent 100 milliards de francs, représentent des charges supportables pour l'UNEDIC.

En tout état de cause, et surtout si l'amélioration relative de la situation de l'emploi se poursuit et que, en conséquence, les comptes de l'UNEDIC s'améliorent, il apparaît nécessaire d'étendre et de proroger le dispositif de l'ARPE.

La discussion sur les articles de la proposition de loi concernant ce sujet n'étant plus possible, à moins que le Gouvernement ne décide de les reprendre à son compte, il faut espérer que les négociations qui vont s'engager entre les partenaires sociaux aboutissent au même résultat.

III.- L'EXTENSION DE LA " CONTRIBUTION DELALANDE " AUX CONVENTIONS DE CONVERSION ET EN CAS DE REFUS D'UNE PRÉRETRAITE TOTALE

Le troisième volet de la proposition de loi vise à corriger deux imperfections du dispositif de la " contribution Delalande " ayant pour objet de réduire le risque de licenciement des salariés de plus de cinquante ans.

1. La " contribution Delalande "...

· La " contribution Delalande " a été instituée en 1987

Afin de freiner les licenciements de salariés âgés qui ont peu de perspectives d'emploi au moment où l'autorisation administrative de licenciements a été supprimée, la loi du 10 juillet 1996 relative à la lutte contre le chômage de longue durée a instauré une cotisation dite " contribution Delalande " due par l'employeur pour toute rupture du contrat de travail d'un salarié âgé de plus de cinquante ans (article L. 321-13 du code du travail).

Un tel dispositif est essentiel pour faire obstacle au licenciement des salariés les plus âgés qui sont les premières victimes du chômage de longue durée et dont le coût de l'indemnisation est assuré par la collectivité.

A l'origine le montant de la cotisation à la charge de l'entreprise licenciant un salarié âgé de plus de cinquante ans a été fixée à trois mois de salaire brut.

Dans un premier temps, cette mesure a fait la preuve de son efficacité ; le nombre d'entrées dans le régime d'indemnisation d'assurance chômage de l'UNEDIC de personnes de plus de cinquante-cinq ans a sensiblement diminué : il est passé de 85 000 par an en 1987 à 65 000 en 1988 et 60 000 en 1990.

· Puis étendue et majorée en 1992

A partir de 1990, cette tendance s'est inversée. Ainsi, en 1992, 70 000 personnes de plus de cinquante-cinq ans sont entrées dans le régime d'indemnisation d'assurance chômage.

Pour cette raison, en 1992, une première augmentation de la contribution a été décidée et celle-ci a été étendue à toute rupture d'un contrat de travail d'un salarié âgé de plus de cinquante ans. En outre, un barème progressif a été mis en place : de un mois de salaire brut, en cas de licenciement d'un salarié âgé de plus de cinquante ans, à six mois de salaire, en cas de licenciement d'un salarié à partir de cinquante-six ans.

La majoration et l'extension de la " contribution Delalande " a permis, dans un premier temps, de ramener à 55 000 en 1994 le nombre d'entrées dans le régime d'assurance chômage des salariés de plus de cinquante-cinq ans. Cependant depuis 1994, en dépit d'une amélioration de la conjoncture économique, le nombre de licenciements de salariés de plus de cinquante-cinq ans a de nouveau augmenté pour passer à 71 000 en 1997. Cette augmentation résulte notamment de la mise en place de stratégies de contournement de la loi visant à éviter le paiement de la " contribution Delalande ". Le dispositif comporte en effet deux " failles " qui ont été exploitées par des entreprises.

2. Présente des imperfections...

En premier lieu, l'article L. 321-13 du code du travail n'a pas prévu l'assujettissement au versement de la " contribution Delalande " les ruptures du contrat de travail intervenant dans le cadre des conventions de conversion. Si on peut comprendre que, à l'origine, ces cas de rupture aient été exclus du champ d'application de la " contribution Delalande " lorsque le dispositif des conventions de conversion était encore peu connu et utilisé, tel n'est plus le cas aujourd'hui ; certaines entreprises font ainsi pression sur leurs salariés pour qu'ils adhèrent à une convention de conversion dans le seul but d'échapper au paiement de la " contribution Delalande ". Ce contournement de la loi explique que la part des salariés de plus de cinquante ans parmi les entrées en convention de conversion augmente régulièrement : elle est passée de 12 % en 1994 à 17 % en 1997 et pour les salariés de plus de cinquante-cinq ans, cette part a été multipliée par quatre.

En second lieu, pour échapper au paiement de la " contribution Delalande ", des employeurs peu scrupuleux concluent une convention d'allocation spéciale de préretraite (ASFNE) puis font pression sur leurs salariés pour qu'ils refusent le bénéfice de ce dispositif de préretraite. Dans ce cas en effet l'article L. 321-13 du code du travail prévoit que l'employeur n'est pas tenu de payer ladite contribution.

3. Qu'il convient de corriger en étendant son champ d'application

Cette situation ne peut perdurer et il convient de corriger les imperfections du dispositif afin d'améliorer la protection des salariés les plus vulnérables contre le licenciement.

Tel est l'objet du troisième volet de la proposition de loi qui vise à soumettre à la " contribution Delalande " d'une part, les ruptures des contrats de travail des salariés ayant adhéré aux conventions de conversion (article 5) et, d'autre part, les licenciements des salariés ayant refusé le bénéfice d'une préretraite ASFNE (article 6).

Afin d'éviter que des entreprises, avant l'entrée en vigueur de la loi, ne licencient à moindre frais, c'est à dire sans acquitter la " contribution Delalande ", l'article 7 prévoit l'application des nouvelles dispositions à compter du 1er janvier 1999.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a examiné la proposition de loi au cours de sa séance du mardi 8 décembre 1998.

Le président Jean Le Garrec a tout d'abord indiqué que, à la suite de l'invocation par le Gouvernement de l'article 40 de la Constitution, le bureau de la commission des finances avait été appelé à statuer sur la recevabilité financière de la proposition de loi et avait décidé que les articles 1, 2, 3, 4 et 9 étaient irrecevables. M. Alain Bocquet, président du groupe communiste, a adressé au Premier ministre une lettre lui faisant part de son mécontentement. La question a été évoquée ce matin lors de la Conférence des présidents. Le président de l'Assemblée nationale, après avoir rappelé que l'irrecevabilité pouvait être opposée à tout moment et qu'il n'était pas possible de revenir sur la décision du bureau de la commission des finances, a estimé souhaitable, s'agissant d'une plage parlementaire, que l'irrecevabilité ne soit opposée qu'à la fin de la discussion générale en séance.

Le président Jean Le Garrec a observé qu'en commission comme en séance publique les questions importantes soulevées par la proposition, c'est-à-dire non seulement le licenciement des salariés âgés mais aussi le nombre d'annuités requis pour l'accès à la retraite et l'extension du dispositif de l'allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE) pourront être abordées lors de la discussion générale. Bien entendu, seuls les articles recevables de la proposition de loi, c'est-à-dire les articles 5, 6, 7 et 8, pourront faire l'objet d'amendements et seront soumis au vote.

Après l'exposé du rapporteur, une discussion s'est engagée.

Mme Hélène Mignon, après avoir pris acte de la décision du bureau de la commission des finances écartant cinq articles de la proposition de loi en raison de leur irrecevabilité financière, a estimé que le problème des conditions d'ouverture du droit à la retraite, posé par l'article premier, devrait faire l'objet de discussions dans les mois à venir dans le cadre de la remise à plat des régimes de retraite.

S'agissant de l'ARPE, les dispositions proposées aujourd'hui paraissent prématurées puisque des négociations vont maintenant s'engager entre les partenaires sociaux sur l'avenir du dispositif. En tout état de cause, il apparaît que la reconduction de l'ARPE est acquise. L'opportunité de légiférer devra être réexaminée en cas d'absence d'accord entre les partenaires sociaux concernant l'extension du dispositif. Il y a par ailleurs un accord global sur la nécessité de mieux encadrer le dispositif de la " contribution Delalande " afin d'empêcher certaines pratiques de contournement notamment en recourant aux conventions de conversion. Enfin, il serait logique que, dans la mesure où l'article premier a été déclaré irrecevable, l'article 8 soit, en conséquence, supprimé.

M. Alain Néri a rappelé que le groupe socialiste partageait la préoccupation des auteurs de la proposition de loi concernant l'ARPE qui constitue une avancée sociale importante puisqu'il a lui-même déposé une proposition de loi visant à étendre et proroger le dispositif. Il apparaît toutefois, pour le moment, préférable de laisser la négociation se dérouler. Le Gouvernement souhaite aussi que le dialogue social se développe. En l'absence d'accord, le législateur pourra toujours intervenir. D'autre part, il faut se féliciter de la décision, adoptée lors de la discussion du budget des anciens combattants, visant à accorder aux anciens combattants le bénéfice de l'ARPE dans des conditions meilleures que celles du droit commun.

Mme Gilberte Marin-Moskovitz s'est associée aux regrets exprimés par le rapporteur en ce qui concerne la procédure employée par le Gouvernement et a rappelé qu'elle avait déposé, au printemps dernier, une proposition de loi comportant des dispositions similaires sur l'ARPE. L'extension du dispositif est très attendue par les salariés ayant commencé à travailler très jeunes et qui ont exercé des métiers difficiles. Il serait dommage de les décevoir. Il faut espérer que la discussion en séance publique permettra de convaincre les partenaires sociaux d'agir dans ce sens.

Le rapporteur s'est élevé contre le reproche consistant à dire que les dispositions proposées sont prématurées. S'agissant du droit à la retraite pour les salariés totalisant quarante annuités de cotisation sans condition d'âge, force est d'observer qu'aucune négociation n'est actuellement engagée sur ce sujet. Cette mesure, qui a fait l'objet d'un chiffrage précis, concernerait près de 550 000 personnes et libérerait de nombreux emplois, notamment pour les jeunes. En ce qui concerne l'ARPE, personne ne peut dire aujourd'hui ce qui sortira des négociations qui vont s'engager, en particulier si la condition d'âge sera supprimée. Les articles de la proposition de loi sur l'ARPE sont donc toujours opportuns. Il y a par ailleurs une contradiction regrettable à vouloir amputer la proposition de loi de ces articles, au motif de leur irrecevabilité financière, alors que le Gouvernement se déclare prêt à participer au financement de l'extension du dispositif à hauteur de 40 000  francs par départ de salarié. Enfin, il faut relativiser l'importance de l'extension de l'ARPE aux anciens combattants car elle ne concernera que 300 à 400 d'entre eux.

Le président Jean Le Garrec a estimé que les articles 5, 6 et 7 de la proposition de loi sont loin d'être négligeables puisqu'ils permettront d'éviter certains abus. Le débat, très important, qui s'est engagé sur les retraites connaîtra sans doute de nouveaux développements dans le courant de l'année prochaine. S'agissant de l'ARPE, dont l'efficacité est démontrée, il est préférable de laisser la négociation se développer. Sur le fond, la prorogation et l'extension du dispositif, il y a un accord des différents groupes de la majorité. Il faudra voir en fonction des résultats de la négociation s'il y a lieu de légiférer.

La commission est ensuite passée à l'examen des articles de la proposition de loi demeurant en discussion.

Avant l'article 5

La commission a rejeté un amendement de M. François Rochebloine proposant d'accorder la retraite anticipée aux anciens combattants, demandeurs d'emploi en fin de droits qui totalisent quarante annuités de cotisation d'assurance vieillesse, la période durant laquelle ces personnes ont participé aux opérations effectuées en Afrique du Nord du 1er janvier 1952 au 2 juillet 1962 devant être prise en compte dans le calcul de la durée de cotisation.

Article 5

(article L. 321-13 du code du travail)

Assujettissement à la " contribution Delalande " des ruptures de contrats de travail de salariés de plus de cinquante ans ayant adhéré à une convention de conversion

Cet article vise à assujettir à la " contribution Delalande " les ruptures des contrats de travail des salariés âgés de plus de cinquante ans ayant adhéré à une convention de conversion. Cette contribution a pour objet de renforcer la protection contre le risque de licenciement des salariés de plus de cinquante ans.

· La " contribution Delalande " : une pénalisation financière pour tenter de limiter les effets pervers de la suppression de l'autorisation administrative de licenciement

Afin de limiter les effets pervers pouvant résulter de la suppression de l'autorisation administrative de licenciement, en particulier concernant le licenciement des salariés " âgés ", la loi du 10 juillet 1987 relative à la lutte contre le chômage de longue durée a institué le principe de l'assujettissement des entreprises au paiement d'une cotisation, dite " contribution Delalande " (par référence au nom de l'auteur de l'amendement ayant proposé sa création), en cas de licenciement de salariés de plus de cinquante ans.

L'article L. 321-13 prévoyait ainsi qu'en cas de licenciement d'un salarié de plus de cinquante ans l'entreprise devait verser au régime d'assurance chômage de l'UNEDIC une cotisation correspondant à trois mois de salaire brut du salarié licencié.

En raison de l'augmentation, depuis 1990, du nombre de licenciements de salariés âgés de plus de cinquante ans et, en conséquence, du nombre d'entrées de ces salariés en indemnisation par le régime d'assurance chômage, l'article 31 de la loi du 29 juillet 1992 relative à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion a modifié l'article L. 321-13 pour augmenter la cotisation et la moduler selon un barème progressif en fonction de l'âge du salarié licencié et la taille de l'entreprise concernée. Depuis sa création, l'article L. 321-13 a fait l'objet de plusieurs autres modifications concernant les cas d'exonération de la cotisation.

Actuellement, l'article L. 321-13 du code du travail prévoit que toute rupture du contrat de travail d'un salarié d'un âge déterminé par décret ouvrant droit au versement de l'allocation d'assurance chômage de l'UNEDIC entraîne l'obligation pour l'employeur de verser aux ASSEDIC une cotisation dont le montant est fixé par décret dans la limite de douze mois de salaire brut calculé sur la moyenne mensuelle des salaires versés au cours des douze derniers mois travaillés. Le montant de la cotisation peut varier selon l'âge auquel intervient la rupture et la taille de l'entreprise concernée. En outre, l'article L. 321-13 prévoit plusieurs cas d'exonération de la cotisation.

Un décret du 29 juillet 1992 détermine les conditions d'application de l'article (article D. 321-8 du code du travail).

Ainsi, la " contribution Delalande " est due par l'employeur pour toute rupture du contrat de travail d'un salarié âgé de cinquante ans ou plus, à la date de la notification de la rupture du contrat, et remplissant les conditions d'ouverture du droit à l'allocation d'assurance chômage de l'UNEDIC.

La cotisation n'est pas due dans les cas de rupture suivants :

- première rupture d'un contrat de travail intervenant au cours d'une période de douze mois dans une entreprise employant habituellement moins de vingt salariés ;

- licenciement pour faute grave ou lourde ;

- licenciement résultant d'une cessation d'activité de l'employeur pour raison de santé ou de départ en retraite entraînant la fermeture définitive de l'entreprise ;

- licenciement pour fin de chantier ;

- licenciement pour inaptitude lorsque l'employeur justifie par écrit de l'impossibilité où il se trouve de donner suite aux propositions de reclassement du médecin du travail, ou lorsque ce dernier a constaté l'inaptitude du salarié à tout poste dans l'entreprise ;

- démission du salarié à la suite d'un changement de résidence du conjoint ou du concubin résultant d'un changement d'emploi ou du départ à la retraite de celui-ci ;

- rupture du contrat de travail due à la force majeure ;

- rupture du contrat de travail d'un employé de maison par un particulier ;

- rupture du contrat d'un salarié qui, lors de son embauche, était âgé de plus de cinquante ans et inscrit depuis plus de trois mois comme demandeur d'emploi, à condition que l'embauche soit intervenue après le 9 juin 1992 ;

- licenciement pour motif économique avec proposition par l'employeur au salarié concerné d'une convention d'allocation spéciale de préretraite (ASFNE).

Le montant de la cotisation, modulée selon un barème progressif en fonction de l'âge du salarié, varie de un à six mois de salaire de salaire brut : un mois à 50 ou 51 ans, deux mois à 52 ou 53 ans, quatre mois à 54 ans, cinq mois à 55 ans et six mois pour les salariés de 56 ans et plus.

La contribution est due au moment de l'ouverture du droit au versement de l'allocation d'assurance chômage.

· Les conventions de conversion : un dispositif d'aide au reclassement de plus en plus souvent utilisé pour échapper au paiement de la " contribution Delalande "

L'article 5 de la proposition de loi vise à étendre le champ d'application de la cotisation au cas de rupture du contrat de travail d'un salarié qui adhère à une convention de conversion.

D'origine conventionnelle, le dispositif des conventions de conversion a été mis en place en compensation de la suppression de l'autorisation administrative de licenciement. Il a été consacré et généralisé par la loi du 30 décembre 1986 relative aux procédures de licenciement. Le dispositif (articles L. 321-5 à L. 321-15 et article L. 322-3 du code du travail) a fait l'objet de plusieurs modifications. Il est mis en _uvre dans le cadre du régime d'assurance conversion géré par l'UNEDIC. Il a été prorogé plusieurs fois, en dernier lieu par une convention du 1er janvier 1997 pour une durée de trois ans, jusqu'au 31 décembre 1999.

Les entreprises, quelle que soit leur taille, doivent proposer à l'ensemble des salariés concernés par une procédure de licenciement économique, quel que soit leur nombre, la possibilité d'adhérer à une convention de conversion afin de les aider à se reclasser. Conçue pour prévenir le chômage de longue durée, la convention de conversion consiste dans la prise en charge individualisée et immédiate, durant une période de six mois, des salariés licenciés pour motif économique.

Pour pouvoir bénéficier d'une convention de conversion, le salarié doit être âgé de moins de 57 ans, être apte physiquement à l'exercice d'un emploi et avoir au moins deux ans d'ancienneté dans son emploi. En cas d'adhésion à la convention de conversion, le contrat de travail est rompu d'un commun accord entre les parties (troisième alinéa de l'article L. 321-6). La rupture qui ne comporte pas de préavis ouvre droit au versement d'une indemnité dont le montant correspond à l'indemnité de licenciement légale ou conventionnelle qu'il aurait perçu s'il avait effectué son préavis et du solde de ce qu'aurait été l'indemnité de préavis si celui-ci avait été supérieur à deux mois (les deux premiers mois contribuant à financer l'allocation de conversion - voir ci-dessous -) mais le salarié n'est pas inscrit comme demandeur d'emploi. Il est en effet considéré comme stagiaire de la formation professionnelle continue et bénéficie d'une allocation spécifique de conversion, différente de l'allocation d'assurance chômage, pendant la période de conversion, c'est-à-dire jusqu'à son reclassement et au maximum pendant six mois. Il reçoit une allocation égale à 83,4 % du salaire antérieur pendant les deux premiers mois puis à 70,4 % pendant les quatre mois suivants. Il bénéficie d'un bilan d'évaluation et d'orientation et d'actions de formation.

Le financement de l'allocation spécifique de conversion est assuré par l'employeur du salarié qui adhère à la convention de conversion et par le régime d'assurance chômage. La participation de l'employeur correspond au montant équivalent aux deux mois d'indemnité de préavis qu'il aurait versée au salarié si celui-ci n'avait pas adhéré à la convention de conversion. En cas de licenciement de moins de dix salariés dans un délai de trente jours, un quart de la participation peut être pris en charge par l'Etat. L'employeur verse également une participation forfaitaire au frais de fonctionnement de 4 500 francs par adhérent.

Actuellement, la rupture du contrat de travail du salarié consécutive à son adhésion à une convention de conversion n'ouvrant pas droit aux allocations de chômage, la " contribution Delalande ", exigible en cas de licenciement d'un salarié âgé de cinquante ans ou plus et de moins de cinquante-sept ans, n'est pas due par l'employeur en cas d'adhésion du salarié à une convention de conversion.

C'est ainsi que certaines entreprises peu scrupuleuses, constatant l'avantage financier qu'il y a à faire adhérer les salariés âgés de cinquante à cinquante-sept ans licenciés à des conventions de conversion pour échapper au paiement de la " contribution Delalande ", font pression sur leurs salariés pour les faire adhérer à ces conventions, sans que cela soit toujours justifié. Ces entreprises cherchent à " optimiser " les possibilités offertes par la réglementation pour réduire le coût des licenciements des salariés " âgés " et organisent de véritables stratégies de contournement de ladite contribution. On a ainsi pu observer, depuis quelques années, une augmentation sensible du nombre d'adhésions aux conventions de conversion de salariés " âgés "", en particulier des salariés de plus de cinquante-cinq ans pour lesquels la contribution représente cinq ou six mois de salaire.

· La nécessité de stopper cette dérive : en assujettissant les ruptures de contrat de travail des salariés de plus de 50 ans pour cause d'adhésion à une convention de conversion à la " contribution Delalande "

L'article 5 vise à mettre un terme à ces pratiques critiquables.

A cet effet, il prévoit d'insérer un nouvel alinéa dans l'article L. 321-13 du code du travail disposant que la " contribution Delalande " est également due par l'employeur envisageant de procéder à un licenciement économique d'un (ou plusieurs) salarié de plus de cinquante ans en cas de rupture du contrat de travail de ce salarié résultant de l'adhésion à une convention de conversion.

Il prévoit en outre que le montant de la cotisation tient compte de la participation de l'entreprise au financement de la convention de conversion et de l'indemnité de préavis qu'aurait perçue le salarié s'il n'avait pas adhéré à ladite convention. Cette disposition vise à permettre au pouvoir réglementaire de moduler de manière spécifique le montant de la cotisation dans ce cas : le montant de celle-ci pouvant être d'autant plus réduit que la participation de l'entreprise au financement de la convention de conversion est plus importante.

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Après avoir adopté un amendement rédactionnel, un amendement de correction d'une erreur matérielle et un amendement de simplification du rapporteur, la commission a adopté l'article 5 ainsi modifié.

Article 6

(article 321-13 du code du travail)

Assujettissement à la " contribution Delalande " des licenciements de salariés ayant refusé le bénéfice d'une préretraite ASFNE

Cet article a pour objet de corriger une autre imperfection du dispositif de " contribution Delalande ".

Comme il a été indiqué ci-dessus, l'article L. 321-13 du code du travail prévoit plusieurs cas d'exonération de " contribution Delalande ". Le onzième alinéa de cet article dispose en particulier que le simple fait pour un employeur de conclure avec l'Etat, dans le cadre des actions du Fonds national de l'emploi, une convention d'allocations spéciales de préretraite (ASFNE) et d'en proposer le bénéfice aux salariés de plus de cinquante ans qu'il envisage de licencier pour motif économique avant l'expiration du délai-congé lui permet d'être dispensé du paiement de la " contribution Delalande ".

On rappellera que les employeurs ont la possibilité de proposer à leurs salariés âgés d'au moins 57 ans, et par dérogation d'au moins 56 ans, et menacés d'un licenciement économique une préretraite totale ASFNE (2° de l'article L. 322-4 du code du travail). Ce dispositif permet à des salariés âgés de bénéficier d'un retrait anticipé du marché du travail tout en percevant une allocation spécifique jusqu'à la liquidation de leur pension de retraite.

Le salarié qui adhère à une convention de préretraite ASFNE perçoit une allocation qui s'élève à 65 % du salaire de référence pour la part du salaire inférieure au plafond de sécurité sociale et à 50 % pour la part du salaire comprise entre une et deux fois ce plafond. Il perçoit cette allocation jusqu'à 60 ans ou au-delà, au plus tard jusqu'à 65 ans, pour atteindre le nombre de trimestres requis pour bénéficier d'une retraite à taux plein. Le salarié et l'employeur contribuent au financement de l'allocation. La participation de l'employeur est négociée avec l'administration. Elle est fixée en fonction de la qualité du plan social, de la taille de l'entreprise et de sa capacité contributive : le taux est compris entre 12 % et 15 % pour les entreprises de moins de 500 salariés et entre 15 % et 23 % pour celles de 500 salariés et plus ou appartenant à un groupe d'importance nationale.

Ainsi, seuls les employeurs qui ne donnent pas aux salariés concernés la possibilité d'adhérer à une convention de préretraite ASFNE sont tenus de verser aux ASSEDIC la " contribution Delalande " égale à six mois de salaire pour un salarié âgé de 56 ans et plus. A contrario, la seule proposition de préretraite ASFNE, que celle-ci soit acceptée ou refusée par le salarié, suffit à exonérer l'employeur de la cotisation.

Cette disposition trop favorable, qui constitue un autre moyen - légal - de contourner la " contribution Delalande " et a entraîné certains abus, doit être corrigée.

A cet effet, l'article 6 propose une nouvelle rédaction du onzième alinéa de l'article L. 321-13 du code du travail qui limite le champ de l'exonération. Il prévoit que la cotisation n'est pas due seulement dans le cas où le salarié bénéficie des allocations spéciales de préretraite ASFNE. Désormais, en cas de refus du salarié d'adhérer à la convention de préretraite ASFNE, l'employeur devra acquitter la " contribution Delalande ".

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Après avoir adopté un amendement rédactionnel du rapporteur, la commission a adopté l'article 6 ainsi modifié.

Article 7

Date d'application des articles 5 et 6

Cet article a pour objet d'éviter que des entreprises ne profitent du délai d'adoption de la proposition de loi et qu'avant l'entrée en vigueur de la loi elles ne licencient à moindre frais, c'est-à-dire sans acquitter la " contribution Delalande ".

A cet effet, l'article 7 prévoit l'application des nouvelles dispositions prévues par les articles 5 et 6 à compter du 1er janvier 1999.

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La commission a adopté l'article 7 sans modification.

Article 8

Institution d'une contribution sur les revenus financiers affectée à la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Cet article a pour objet de créer une contribution assise sur les revenus financiers. Il prévoit que seuls les revenus tirés de livrets d'épargne populaire (livret A de Caisse d'épargne, livret d'épargne populaire, CODEVI, livret bleu) sont exonérés de cette contribution. Il prévoit en outre que le produit de cette contribution est affecté à la Caisse nationale d'assurance vieillesse.

Cette mesure d'équité vise à assujettir les revenus financiers à une cotisation sociale fixée au même taux que celui applicable aux salaires pour l'assurance vieillesse (8,20 % pour la part employeur et 6,55 % pour la part salarié), soit 14,6 %.

L'augmentation de ressources pour la CNAV résultant de la création de cette contribution sur les revenus financiers peut être estimée à 51 milliards de francs en 1999. Cela permettra de conforter les régimes de retraite par répartition et de financer l'amélioration des prestations, notamment la mesure de justice sociale favorable à l'emploi proposée par l'article premier de la proposition de loi visant à ouvrir le droit à la retraite à taux plein pour les salariés ayant cotisé quarante annuités, sans condition d'âge.

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La commission a examiné un amendement de suppression de l'article présenté par Mme Hélène Mignon.

Mme Hélène Mignon a estimé que la suppression de l'article 8, dont l'objet est de créer une contribution sur les " revenus financiers hors livret d'épargne " affectée à la CNAVTS, était une conséquence logique de la suppression de l'article premier.

Le président Jean Le Garrec, après avoir également souligné que l'amendement était cohérent avec la suppression de l'article premier, a en outre fait valoir que la notion de revenus financiers n'était pas assez précisément définie.

Le rapporteur s'est déclaré défavorable à l'amendement au motif que les ressources apportées par cette contribution pourraient contribuer à financer le coût de la prorogation et de l'extension de l'ARPE au-delà de la participation de 40 000 francs par emploi à laquelle l'Etat s'est engagé.

La commission a adopté l'amendement.

La commission a donc supprimé l'article 8.

La commission a adopté un amendement du rapporteur modifiant l'intitulé de la proposition de loi en cohérence avec la décision du bureau de la commission des finances.

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La commission a ensuite adopté la proposition de loi ainsi rédigée.

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En conséquence, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales demande à l'Assemblée nationale d'adopter la proposition de loi n° 1236 dans le texte suivant.

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

PROPOSITION DE LOI TENDANT À LIMITER LES LICENCIEMENTS DES SALARIÉS DE PLUS DE CINQUANTE ANS

Article premier

Il est inséré, avant le dernier alinéa de l'article L. 321-13 du code du travail, un alinéa ainsi rédigé :

" La cotisation est due également pour chaque rupture du contrat de travail intervenue du fait de l'adhésion d'un salarié à une convention de conversion prévue par l'article L. 322-3. Le montant de cette cotisation tient compte de la participation de l'entreprise au financement de la convention de conversion. "

Article 2

L'avant-dernier alinéa de l'article L.  321-13 du code du travail est ainsi rédigé :

" Cette cotisation n'est pas due dans le cas où le salarié bénéficie des allocations spéciales prévues par le 2° de l'article L. 322-4. "

Article 3

Les dispositions des articles 1er et 2 sont applicables pour toutes les ruptures de contrat de travail intervenant à compter du 1er janvier 1999.

N°1251. - Rapport de M. Maxime GREMETZ (au nom de la commission des affaires culturelles) sur la proposition de loi (n° 1236) de M. Alain Belviso, tendant à limiter les licenciements et à améliorer la situation au regard de la retraite des salariés de plus de cinquante ans.

1 Coût " super-net " = coût brut des retraites versées au public potentiel de la mesure - (coût pour l'Etat et l'UNEDIC des dispositifs dont bénéficient actuellement le public potentiel de la mesure + coût pour la collectivité des mesures dont bénéficient les chômeurs qui, du fait des postes libérés par le public potentiel, pourraient retrouver un emploi + augmentation des prélèvements sociaux et fiscaux en résultant).


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