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N° 1405 ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 ONZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 février 1999. AVIS PRÉSENTÉ AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES (1) SUR LE PROJET DE LOI (N° 1365) autorisant la ratification du traité dAmsterdam modifiant le traité sur lUnion européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes, PAR M. GUY-MICHEL CHAUVEAU, Député. (1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page. Traités et conventions. La commission de la défense nationale et des forces armées est composée de : M. Paul Quilès, président ; MM. Didier Boulaud, Jean-Claude Sandrier, Michel Voisin, vice-présidents ; MM. Robert Gaïa, Pierre Lellouche, Mme Martine Lignières-Cassou, secrétaires ; MM. Jean-Marc Ayrault, Jacques Baumel, Jean-Louis Bernard, André Berthol, Jean-Yves Besselat, Bernard Birsinger, Jacques Blanc, Jean-Marie Bockel, Loïc Bouvard, Jean-Pierre Braine, Philippe Briand, Jean Briane, Antoine Carré, Bernard Cazeneuve, Gérard Charasse, Guy-Michel Chauveau, Alain Clary, Charles Cova, Michel Dasseux, Jean-Louis Debré, François Deluga, Claude Desbons, Philippe Douste-Blazy, Jean-Pierre Dupont, François Fillon, Christian Franqueville, Roger Franzoni, Yves Fromion, Robert Gaïa, Yann Galut, René Galy-Dejean, Roland Garrigues, Henri de Gastines, Bernard Grasset, Elie Hoarau, François Hollande, François Huwart, Jean-Noël Kerdraon, François Lamy, Pierre-Claude Lanfranca, Jean-Yves Le Drian, Georges Lemoine, François Liberti, Jean-Pierre Marché, Franck Marlin, Jean Marsaudon, Christian Martin, Gilbert Meyer, Michel Meylan, Jean Michel, Charles Miossec, Alain Moyne-Bressand, Arthur Paecht, Jean-Claude Perez, Robert Poujade, Michel Sainte-Marie, Bernard Seux, Guy Teissier, André Vauchez, Alain Veyret, Philippe de Villiers, Jean-Claude Viollet, Pierre-André Wiltzer, Kofi Yamgnane. INTRODUCTION 5 I. LA RÉORGANISATION DE LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE ET DE SÉCURITÉ COMMUNE 7 A. DES PROCÉDURES DE DÉCISION CLARIFIÉES ET RÉORGANISÉES 7 B. UN CONSEIL MIEUX ASSISTÉ ET SOUTENU 9 II. LES DISPOSITIONS EN MATIÈRE DE DÉFENSE 11 A. LABSENCE DORGANISATION DUNE DÉFENSE COMMUNE 11 B. LATTRIBUTION À LUNION DE RESPONSABILITÉS MILITAIRES DÉLIMITÉES : LE TRANSFERT DES MISSIONS DE PETERSBERG 12 C. LE DÉBUT DUNE DYNAMIQUE DAFFIRMATION ? 15 III. LÉVOLUTION DES RELATIONS ENTRE LUNION EUROPÉENNE ET LUEO 19 A. LINSTITUTIONNALISATION DU RECOURS À LUEO 19 B. VERS LA SUBORDINATION DE LUEO À LUNION EUROPÉENNE ? 20 a) Une évolution commandée par la logique 20 b) Une action diplomatique aux développements rapides 21 EXAMEN EN COMMISSION 25 MESDAMES, MESSIEURS, Depuis lentrée en vigueur du traité de Maastricht, la construction européenne comporte trois piliers. Le premier pilier regroupe les dispositions régissant les Communautés européennes, le deuxième pilier traite de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et le troisième pilier est relatif à la justice et aux affaires intérieures de lUnion européenne. Sagissant des deuxième et troisième piliers, il était beaucoup attendu de la Conférence intergouvernementale chargée de réviser le traité de Maastricht. On le sait, le traité dAmsterdam, auquel elle a abouti, na pas été jugé en règle générale comme répondant aux espoirs tout dabord formulés. La Commission de la Défense nationale et des Forces armées a cependant jugé utile de se saisir pour avis du projet de loi autorisant la ratification de ce traité. Certes, dans le domaine de la compétence de la Commission, cest-à-dire la politique étrangère et de sécurité commune et, plus précisément, les conditions dusage de la force armée par lUnion européenne, lévolution paraît modeste. Du reste, cest pour permettre lentrée en vigueur des dispositions nouvelles relevant du troisième pilier qua été entreprise la réforme constitutionnelle finalement votée le 18 janvier 1999. Les nouvelles dispositions relatives à la PESC nemportaient, quant à elles, aucun transfert de compétence. Cependant, les évolutions incluses dans le traité dAmsterdam, pour modestes quelles soient, ont paru marquer suffisamment de ruptures et comporter assez de promesses pour justifier de la part de la Commission de la Défense un examen particulier. Le présent rapport pour avis examinera donc successivement les apports du traité dAmsterdam quant à la réorganisation générale de la PESC et à lusage de la force armée par lUnion ainsi que les conséquences des dispositions nouvelles ainsi instaurées sur léquilibre des autres organisations européennes, en particulier lUnion de lEurope occidentale. I. LA RÉORGANISATION DE LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE ET DE SÉCURITÉ COMMUNE Les objectifs de la politique étrangère et de sécurité commune de lUnion européenne ont été fixés par le traité de Maastricht. Ils sont dabord relatifs à lUnion elle-même ; en font partie la sauvegarde des valeurs communes, des intérêts fondamentaux et de lindépendance de lUnion, ainsi que le renforcement de sa sécurité. Ces objectifs sont également formulés en termes daction internationale : il sagit du maintien de la paix et du renforcement de la sécurité internationale, de la promotion de la coopération internationale, du développement et du renforcement de la démocratie et de lEtat de droit, ainsi que du respect des droits de lhomme et des libertés fondamentales. Le traité précise que les actions de maintien de la paix et de renforcement de la sécurité internationale obéissent aux principes fixés par la Charte des Nations Unies et lActe final de la Conférence dHelsinki ainsi quaux objectifs de la Charte de Paris. Le traité dAmsterdam napporte que des modifications dordre rédactionnel aux objectifs ainsi fixés. En revanche il règle plus précisément que ne le faisait le traité de Maastricht lorganisation de la décision dans le domaine de la PESC. A. DES PROCÉDURES DE DÉCISION CLARIFIÉES ET RÉORGANISÉES Pour lexpression de la politique étrangère et de sécurité commune, le traité de Maastricht avait institué deux outils, les actions communes et les positions communes. Le traité dAmsterdam y ajoute les stratégies communes, précise les définitions de ces trois instruments, établit entre eux une hiérarchie et détermine des modalités précises pour leur adoption. Aux termes de larticle J.3 du traité (1), les stratégies communes sont « mises en uvre par lUnion dans des domaines où les Etats membres ont des intérêts communs importants. » Elles « précisent leurs objectifs, leur durée et les moyens que devront fournir lUnion et les Etats membres ». De même que les principes et les orientations générales de la PESC, les stratégies communes sont de la compétence du Conseil européen, formé du Président de la Commission et des chefs dEtat et de Gouvernement des Quinze, assistés de leur ministre des affaires étrangères. Le Conseil de lUnion européenne qui est, lui, la réunion des ministres des Quinze compétents pour les matières traitées recommande ces stratégies communes au Conseil européen. Il met aussi en uvre les stratégies ainsi décidées par le Conseil européen « notamment en arrêtant des actions communes et des positions communes ». Ces deux instruments, on le voit, apparaissent donc comme des outils de mise en uvre des stratégies communes, celles-ci se référant elles-mêmes aux orientations de la PESC. Aux termes de larticle J.4, les actions communes concernent « certaines situations où une action opérationnelle de lUnion est jugée nécessaire ». Ces actions fixent elles-mêmes « leurs objectifs, leur portée, les moyens à mettre à la disposition de lUnion, les conditions relatives à leur mise en uvre et, si nécessaire, leur durée ». Quant aux positions communes, elles « définissent la politique de lUnion sur une question particulière de nature géographique ou thématique » (article J.5). Les procédures de vote ont elles aussi été rationalisées (article J.13) (2). Si la règle de lunanimité reste fondamentale, deux éléments de souplesse ont été instaurés. Dabord, à labstention simple, seule prévue jusquici, est ajoutée labstention constructive. Cette procédure permet à un Etat de refuser de participer à la mise en uvre dune décision, sans pour autant interdire quelle soit menée au nom de lUnion. Ensuite, une procédure de majorité qualifiée est instaurée pour les actions et positions communes lorsque celles-ci sont la mise en uvre dune stratégie commune (les stratégies communes étant, elles, obligatoirement décidées à lunanimité). Il est cependant expressément prévu que la règle de la majorité qualifiée ne sapplique pas aux décisions en matière de défense. En revanche, on le verra plus loin, lintroduction de labstention constructive est amenée à avoir dans ce domaine dimportantes conséquences. Comme lavait noté notre collègue M. Maurice Ligot dans son rapport dinformation (n° 39) présenté, au nom de la Délégation pour lUnion européenne, sur la révision des traités après Amsterdam, avec ces trois instruments et la définition de leur articulation le traité dAmsterdam fournit à lUnion une « véritable méthode de travail » pour parvenir à exprimer et à faire vivre une politique étrangère et de sécurité commune dans les domaines où les Quinze « auront su définir leurs intérêts communs et où une approche commune sera jugée plus efficace quune action nationale ». B. UN CONSEIL MIEUX ASSISTÉ ET SOUTENU Le traité dAmsterdam ne se limite pas à doter la PESC de nouveaux instruments juridiques. Il instaure aussi de nouveaux leviers institutionnels. Lapport le plus marquant du traité est sans doute la création dun poste permanent de Haut Représentant pour la PESC. Aux termes de larticle J.8 (3), cest le Secrétaire général du Conseil qui en exercera les fonctions. Si les décisions en matière de PESC restent ainsi de la compétence du seul Conseil, elles seront désormais préparées et mises en uvre sous lautorité du plus haut fonctionnaire de lUnion. Le Secrétaire général, qui participe aux réunions du Conseil, et qui est en relation avec la Commission et le Parlement européens, agira sous le contrôle de la Présidence et au nom du Conseil et sera, si le Conseil le souhaite, linterlocuteur politique privilégié des tiers pour les questions relatives à la PESC. Par ailleurs, du fait de lattribution de ces nouvelles fonctions au Secrétaire général, la gestion administrative du Conseil sera désormais confiée à un Secrétaire général adjoint. Un autre apport du traité dAmsterdam est la création, par une déclaration annexée à lActe final, dune unité de planification et dalerte rapide. Cette structure dexpertise sera placée sous lautorité du Secrétaire général et renforcera ainsi sa main en matière de PESC. Elle élaborera des analyses, recommandations et projets de stratégies à lattention de la présidence ou à sa demande, développant ainsi la capacité de décision de lUnion dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité. Le traité dAmsterdam, en dotant la politique européenne et de sécurité commune dinstruments plus cohérents, de mécanismes de décision plus souples et dune structure fonctionnelle permanente, crée ainsi des bases solides pour en assurer une meilleure visibilité et en renforcer les contenus. Laction de lUnion, dont le cadre est ainsi renforcé, est cependant dabord diplomatique. En effet, en matière de sécurité internationale, elle na jamais dépassé lenvoi dobservateurs (en Bosnie-Herzégovine, depuis 1991), ladministration (à Mostar), les missions humanitaires (missions de déminage) ou laide aux processus électoraux (en Bosnie-Herzégovine en juin 1996 ou en Russie en 1998). Les positions communes les plus contraignantes concernent des restrictions et des embargos, comme celui sur les exportations darmes (à destination de lex-Yougoslavie, depuis février 1996) ou linterdiction des liaisons vers la Communauté européenne par les transporteurs yougoslaves. En revanche, les actions de lUnion nont guère abordé le domaine militaire, et ce bien que la politique militaire soit expressément mentionnée à larticle J.4 du traité de Maastricht. Les apports du traité dAmsterdam amènent donc à étudier tout particulièrement ce champ. II. LES DISPOSITIONS EN MATIÈRE DE DÉFENSE A. LABSENCE DORGANISATION DUNE DÉFENSE COMMUNE En matière de défense, le traité paraît, au premier abord, comporter des avancées réelles par rapport au traité de Maastricht. Alors que, selon larticle J.4 du traité de Maastricht, la PESC incluait « la définition à terme dune politique de défense commune, qui pourrait conduire le moment venu à une défense commune », le traité dAmsterdam apparaît plus volontariste, puisque larticle J.7 (4), alinéa 1, dispose que la PESC inclut « la définition progressive dune politique de défense commune (...) qui pourrait conduire à une défense commune si le Conseil en décide ainsi ». Avec le traité dAmsterdam, la référence à un avenir éloigné apparaît ainsi remplacée par une décision daction. Il sagit cependant là très largement dun effet dannonce. Le traité dAmsterdam ne comporte en fait aucune disposition positive dintégration de la défense des pays membres de lUnion. Cela ressort clairement des dispositions du troisième alinéa de larticle J.7, qui reprend celles du paragraphe 4 de larticle J.4 du traité de Maastricht. En effet, celles-ci précisent que : « La politique de lUnion au sens du présent article naffecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains Etats membres ». On reconnaîtra là une référence à la politique nucléaire de la France et de la Grande-Bretagne, et plus précisément à la politique de dissuasion nucléaire de la France. Ces politiques sont donc exclues du champ du traité. Lalinéa se poursuit ainsi : « (La PESC) respecte les obligations découlant du traité de lAtlantique Nord pour certains Etats membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de lOrganisation du traité de lAtlantique Nord (OTAN) et elle est compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre ». Cette fois, cest lorganisation par certains pays membres (en fait la plupart) de leur défense dans le cadre de lorganisation militaire intégrée de lOTAN qui est ainsi écartée du domaine de la PESC. Enfin, le traité ne comporte aucune disposition concernant la défense des actuels pays neutres membres de lUnion européenne (Irlande, Suède, Finlande et Autriche). Ainsi, le traité dAmsterdam énonce clairement que ses dispositions ne sauraient avoir de conséquences sur les choix de méthodes ou dalliances faites par les Etats membres pour lorganisation de leur défense. Le traité nétablit donc en aucun cas les principes dune défense commune aux pays de lUnion européenne. Sur ce point, il ne comporte aucune avancée par rapport au traité de Maastricht. B. LATTRIBUTION À LUNION DE RESPONSABILITÉS MILITAIRES DÉLIMITÉES : LE TRANSFERT DES MISSIONS DE PETERSBERG En matière militaire, la véritable nouveauté apportée par le traité dAmsterdam concerne lattribution à lUnion dune capacité daction armée à lappui des décisions (stratégies, positions et actions communes), quelle peut être amenée à prendre en matière de politique étrangère commune et de sécurité internationale. Ces dispositions font lobjet du paragraphe 2 de larticle J.7 : « 2. Les questions visées au présent article incluent les missions humanitaires et dévacuation, les missions de maintien de la paix et les missions de forces de combat pour la gestion des crises, y compris les missions de rétablissement de la paix ». Elles signifient dabord que lUnion se trouve désormais habilitée par ses membres à mener en son nom propre des actions allant jusquà lenvoi de forces de combat, donc de forces militaires armées. Cest le sens de la mention des missions non seulement de maintien de la paix mais aussi de rétablissement de la paix. En effet, ces missions sont exercées pour lessentiel en application du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, dans le cadre duquel le recours à la force armée, pour permettre laccomplissement de la mission et assurer la sécurité des troupes, est non pas laissé à la responsabilité du pays hôte, celui-ci étant en général hors détat dagir, mais attribué par la résolution du Conseil de sécurité à la force armée internationale envoyée sur le terrain. Le traité attribue ainsi à lUnion européenne la capacité de mener de telles missions avec des forces dont lenvoi relève de sa décision. Cependant, on voit bien quen termes de liberté daction militaire et politique ce libellé comporte des limites : les opérations dévacuation de ressortissants sont par définition des opérations ponctuelles qui nemportent aucune tentative dinfluence de la force ainsi envoyée sur les événements qui se déroulent dans le pays concerné : on la vu avec les opérations Pélican au Congo-Brazzaville ou même Amaryllis au Rwanda. Quant aux opérations de maintien ou de rétablissement de la paix, si elles peuvent être beaucoup plus lourdes, elles requièrent un mandat du Conseil de sécurité des Nations Unies. Les prérogatives nouvelles ainsi conférées à lUnion concernent de ce fait le seul domaine des interventions extérieures en matière de sécurité, dans le respect et en application des dispositions de la Charte de lONU. Il sagit donc là dune avancée relativement modeste même si, pour les années à venir, ces interventions constituent les hypothèses les plus vraisemblables de recours à la force, et si, dans le nouveau contexte stratégique, et par exemple dans laffaire de la crise du Kosovo, des interprétations plus souples quil y a quelques années de la notion de « mandat » du Conseil de sécurité sont régulièrement formulées. Qui plus est, les missions transférées à lUnion européenne faisaient déjà lobjet dune entente politique européenne, mais cette fois dans le cadre de lUnion de lEurope occidentale. Cest en effet par la déclaration de Petersberg du Conseil des ministres de lUEO du 19 juin 1992, prise pour lapplication du traité de Maastricht, que ces missions sont définies pour la première fois. Or, on connaît bien la composition de lUEO. Celle-ci est dabord formée des dix Etats signataires du traité de Bruxelles, tous membres de lUnion européenne et de lOTAN. Sy ajoutent cinq observateurs, les quatre membres neutres de lUnion européenne, donc non membres de lOTAN, ainsi que le Danemark, membre de lune et de lautre organisation, mais qui récuse toute idée de défense européenne hors de lOTAN, trois associés, membres de lOTAN mais non de lUnion européenne (lIslande, la Norvège et la Turquie) et dix associés partenaires, pays dEurope de lEst membres du CPEA (Conseil de partenariat euro-atlantique), ayant vocation à entrer dans lUnion européenne et dans lOTAN. Les dispositions du paragraphe 2 de larticle J.7 peuvent ainsi sanalyser comme une opération de transfert vers lUnion européenne par les quinze Etats membres de lUnion européenne, soit les dix Etats membres et les cinq Etats observateurs de lUEO, des missions militaires de sécurité autrefois consenties par eux dans le cadre de lUEO. Conseil des ministres de lUEO Déclaration de Petersberg (Bonn, 19 juin 1992) « II. SUR LE RENFORCEMENT DU RÔLE OPÉRATIONNEL DE LUEO 1. Conformément à la décision de développer lUEO en tant que composante de défense de lUnion européenne et comme moyen de renforcer le pilier européen de lAlliance atlantique figurant dans la Déclaration des Etats membres de lUEO rendue publique à Maastricht le 10 décembre 1991, les Etats membres de lUEO ont poursuivi lexamen et la définition des missions, structures et moyens appropriés, couvrant en particulier une cellule de planification de lUEO et des unités militaires relevant de lUEO, afin de renforcer son rôle opérationnel. 2. Les Etats membres déclarent quils sont prêts à mettre à la disposition de lUEO des unités militaires provenant de tout léventail de leurs forces conventionnelles en vue de missions militaires qui seraient menées sous lautorité de lUEO. 3. Toute décision de recourir aux unités militaires relevant de lUEO sera prise par le Conseil de lUEO conformément aux dispositions de la Charte des Nations Unies. La décision de participer à des opérations spécifiques restera du ressort national et sera prise par les Etats membres conformément à leurs Constitutions spécifiques. 4. Outre une contribution à la défense commune dans le cadre de lapplication de larticle 5 du Traité de Washington et de larticle V du Traité de Bruxelles modifié, les unités militaires des Etats membres de lUEO, agissant sous lautorité de lUEO, pourraient être utilisées pour : des missions humanitaires ou dévacuation de ressortissants ; des missions de maintien de la paix ; des missions de forces de combat pour la gestion des crises, y compris des opérations de rétablissement de la paix. 5. La planification et lexécution de ces missions seront pleinement compatibles avec les dispositions militaires nécessaires pour assurer la défense collective de tous les alliés. (...) C. LE DÉBUT DUNE DYNAMIQUE DAFFIRMATION ? Le transfert à lUnion européenne des missions de Petersberg comporte cependant plusieurs éléments significatifs. Dabord, la déclaration de Petersberg faisait mention des seuls membres de lUEO, à lexception des observateurs et associés. Le paragraphe 2 de larticle J.7 concerne, lui, lensemble des membres de lUnion européenne, soit les dix membres de lUEO et les cinq observateurs. Larticle J.7 consacre donc le ralliement des Etats neutres membres de lUnion européenne et du Danemark à la conduite collective par lUnion des missions de Petersberg. Cette évolution de la position de ces pays est un élément essentiel, qui crée dans ce domaine et pour la première fois lunité des Etats membres de lUnion. De fait, alors même que la garantie de larticle V du traité de Bruxelles nest pas étendue à ces pays, le paragraphe 3 de larticle J.7, qui traite des relations entre lUnion européenne et lUEO, prévoit expressément la participation de ceux-ci aux missions de Petersberg : « 3. LUnion aura recours à lUEO pour élaborer et mettre en uvre les décisions et les actions de lUnion qui ont des implications dans le domaine de la défense (...) « Chaque fois que lUnion a recours à lUEO pour quelle élabore et mette en uvre les décisions de lUnion relatives aux missions visées au paragraphe 2, tous les Etats membres de lUnion sont en droit de participer pleinement à ces missions. Le Conseil, en accord avec les institutions de lUEO, adopte les modalités pratiques nécessaires pour permettre à tous les Etats membres apportant une contribution aux missions en question de participer pleinement et sur un pied dégalité à la planification et à la prise de décision au sein de lUEO ». Cet article prévoit ainsi le droit pour les observateurs de lUEO de participer aux missions effectuées pour le compte de lUnion européenne au même titre que les membres pleins, quil sagisse de leur exécution, de leur planification ou de leur décision. Ensuite, et cest un élément fondamental, une procédure de décision réaliste est instituée. Larticle J.13 du traité (5), ou plutôt son paragraphe 1, seul applicable en matière de décisions « ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense », dispose en effet que : « 1. Les décisions relevant du présent titre sont prises par le Conseil statuant à lunanimité. Les abstentions des membres présents ou représentés nempêchent pas ladoption de ces décisions. « Tout membre du Conseil qui sabstient lors dun vote peut, conformément au présent alinéa, assortir son abstention dune déclaration formelle. Dans ce cas, il nest pas tenu dappliquer la décision, mais il accepte que la décision engage lUnion ». Aux termes de lalinéa premier, la procédure normale de décision est ainsi lunanimité des suffrages exprimés. Cependant, il faut attirer lattention sur lélément de souplesse introduit par lalinéa 2. Aux termes de lalinéa premier, en effet, tout désaccord de lun des Etats membres, en empêchant lunanimité, bloque la décision. Les dispositions de lalinéa 2 permettent de tourner cette difficulté. Le dispositif permet en effet à un Etat en désaccord avec la mesure proposée de ne pas y être associé et de ne pas lappliquer, sans pour autant que cette décision empêche la mise en uvre de la mesure, au nom de lUnion, par les pays qui ny sont pas défavorables. Cest le principe de « labstention constructive » déjà évoqué dans la première partie du présent rapport pour avis. Le fait quil sapplique aussi aux questions militaires est un changement fondamental pour la capacité daction de lEurope en ce domaine. En effet, ni lUEO, ni lOTAN ne connaissent labstention constructive. Or si, à lOTAN, la prééminence américaine est telle que le besoin de cette procédure ne se fait pas actuellement sentir, il est arrivé au sein de lUEO que des actions souhaitées par la quasi-totalité des membres naient pu être mises en place pour la seule raison quun des partenaires ne souhaitait pas y participer. Tel fut le sort de lopération Alba au printemps 1997 en Albanie, qui, de ce fait, dut être placée dans le cadre dune structure spécifique. Le principe de labstention constructive a cependant ses limites. Ainsi, poursuit lalinéa 2 : « Si les membres du Conseil qui assortissent leur abstention dune telle déclaration représentent plus du tiers des voix affectées de la pondération prévue à larticle 148, paragraphe 2, du traité instituant la Communauté européenne (6), la décision nest pas adoptée ». Toute décision au nom de lUnion européenne nécessite ainsi un vote positif des deux tiers des voix pondérées. Cependant, compte tenu de la pondération des voix, la défection dun seul pays, ou même de deux, ne suffit pas à empêcher la mise en uvre dune action. Il faut au moins trois défections de pays représentant chacun 10 voix, ou plus encore dans le cas de pays plus petits. La fixation de ce seuil est là aussi de très bon augure pour lapplication effective des dispositions de larticle J.7. En effet, il signifie que les grands partenaires européens membres de lOTAN et de lUEO, et tout particulièrement lAllemagne et la Grande-Bretagne, ont accepté de mettre en place une procédure où des actions pourront être lancées sans queux-mêmes les approuvent. PONDÉRATION DES VOIX AU CONSEIL (Article 148, paragraphe 2 du traité Belgique 5 Danemark 3 Allemagne 10 Grèce 5 Espagne 8 France 10 Irlande 3 Italie 10 Luxembourg 2 Pays-Bas 5 Autriche 4 Portugal 5 Finlande 3 Suède 4 Royaume-Uni 10 ___ 87 Limites de labstention constructive : 29 voix III. LÉVOLUTION DES RELATIONS ENTRE LUNION EUROPÉENNE ET LUEO Les assouplissements acceptés dans les procédures de vote au sein de lUnion européenne par les principaux pays contributeurs de forces sont aussi du meilleur augure quant à lapplication des décisions de lUnion européenne par lUEO, qui, elle, ne connaît pas labstention constructive. A. LINSTITUTIONNALISATION DU RECOURS À LUEO En effet, les limites du dispositif instauré par le traité dAmsterdam sont doubles. On a vu dabord que le domaine ouvert par le traité était restreint. La seconde limite est que le dispositif nest pas autonome. Cela ressort très clairement des paragraphes 1 (alinéas premier et 2) et 3 de larticle J.7. « 1. La politique étrangère et de sécurité commune inclut lensemble des questions relatives à la sécurité de lUnion, y compris la définition progressive dune politique de défense commune, conformément au deuxième alinéa, qui pourrait conduire à une défense commune, si le Conseil européen en décide ainsi. Il recommande, dans ce cas, aux Etats membres dadopter une décision dans ce sens conformément à leurs exigences constitutionnelles respectives. « LUnion de lEurope occidentale (UEO) fait partie intégrante du développement de lUnion en donnant à lUnion laccès à une capacité opérationnelle, notamment dans le cadre du paragraphe 2. Elle assiste lUnion dans la définition des aspects de la politique étrangère et de sécurité commune ayant trait à la défense, tels quils sont établis dans le présent article. En conséquence, lUnion encourage létablissement de relations institutionnelles plus étroites avec lUEO en vue de lintégration éventuelle de lUEO dans lUnion, si le Conseil européen en décide ainsi. Il recommande, dans ce cas, aux Etats membres dadopter une décision dans ce sens conformément à leurs exigences constitutionnelles respectives. (...) « 3. LUnion aura recours à lUEO pour élaborer et mettre en uvre les décisions et les actions de lUnion qui ont des implications dans le domaine de la défense. « La compétence du Conseil européen pour définir des orientations conformément à larticle J.3 vaut également à légard de lUEO en ce qui concerne les questions pour lesquelles lUnion a recours à lUEO. » La mise en uvre de la PESC, dès lors quelle fait intervenir les forces armées, passe ainsi obligatoirement par lUEO. B. VERS LA SUBORDINATION DE LUEO À LUNION EUROPÉENNE ? a) Une évolution commandée par la logique Or, bien que labstention constructive nexiste pas à lUEO, on voit mal comment un Etat qui accepterait de sen tenir à une telle abstention lors de la décision dune action par lUnion européenne, plutôt que dopposer son veto, droit quil conserve en tout état de cause, déciderait de ne le faire que pour réserver ce veto à la mise en uvre de la décision de lUnion européenne par lUEO. On ne saurait alors mettre suffisamment laccent sur leffet de structure que produirait ce qui nest a priori quune simple affaire de cohérence pour chaque pays. Cette simple règle de méthode aurait tout simplement pour conséquence, sagissant des missions dites de Petersberg, de provoquer le basculement du lieu de décision lui-même de lUEO vers lUnion européenne, les décisions prises au sein de lUnion européenne nétant en pratique plus susceptibles dêtre remises en cause à lUEO. Si tel était le cas, il sagirait dune avancée majeure en matière didentité européenne de sécurité et de défense. En effet, ce quon peut noter à propos de lUEO depuis plusieurs années - et ce point a été récemment souligné par notre collègue Bernard Cazeneuve dans lavis annuel quil formule au nom de la commission de la Défense sur les crédits des Affaires étrangères et de la Coopération - cest le paradoxe entre le renforcement de ses moyens et de ses capacités techniques, et son incapacité de décision. Depuis le début des années 1990, lUEO sest progressivement dotée dun centre danalyse, dun centre de renseignement satellitaire, dun comité des chefs détat-major, présidé par le Chef dEtat-major des Armées du pays présidant lUEO ; les pays européens ont identifié en leur sein des « FRUEO », forces relevant de lUEO et prêtes à être utilisées pour des missions décidées par celle-ci. Parallèlement, on le sait, larticulation entre lUEO et lOTAN a été réorganisée. Au sein de lOTAN, une chaîne de commandement européenne est en cours didentification, sous lautorité du SACEUR adjoint européen, pour des missions décidées par la seule UEO. Or, en même temps, lUEO a été incapable de se doter de la capacité de décider lemploi de ces forces. Le plus bel exemple de cette impuissance est, on la vu, lopération Alba. Si lUEO devenait lorgane dapplication des décisions politico-militaires de lUnion européenne, il y aurait là le début dune réponse à la question de limpuissance institutionnelle de lEurope dans ce domaine, celle-ci se trouvant désormais dotée, avec le Conseil européen, et compte tenu des règles qui y président, dun organisme de décision effectif. b) Une action diplomatique aux développements rapides Or, on assiste à un développement rapide des initiatives diplomatiques allant dans ce sens. · Il faut dabord citer la déclaration adoptée par le Conseil des ministres de lUEO le 22 juillet 1997. Le Conseil y indique clairement sa volonté de faire de lUEO lorganisme dexécution des décisions de lUnion européenne en matière de défense. « 4. Dans la "déclaration sur le rôle de lUnion de lEurope occidentale et sur ses relations avec lUnion européenne et avec lAlliance atlantique" du 10 décembre 1991, les Etats membres de lUEO sétaient fixé pour objectif "dédifier par étapes lUEO en tant que composante de défense de lUnion européenne". Ils réaffirment aujourdhui cette ambition, telle quelle est développée par le traité dAmsterdam. « 5. Lorsque lUnion aura recours à elle, lUEO élaborera et mettra en uvre les décisions et les actions de lUnion ayant des implications dans le domaine de la défense. « Afin délaborer et de mettre en uvre les décisions et les actions de lUnion européenne pour lesquelles lUnion a recours à lUEO, celle-ci agira conformément aux orientations définies par le Conseil européen. » · Cette évolution est confirmée par la déclaration faite par le Conseil des ministres de lUEO à lissue de sa réunion de Rome des 16 et 17 décembre 1998. Figurent notamment dans cette déclaration des propos très clairs sur lélargissement du champ de capacité offert à lUnion européenne par lUEO. « 3. Après la fin de la guerre froide, les pays de lUEO ont pris lengagement politique de développer cette organisation pour en faire lun des instruments du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Lors de la réunion de Petersberg, en 1992, ils ont défini le rôle particulier de lUEO concernant les aspects militaires de la gestion de crise. « Les ministres ont réaffirmé aujourdhui la responsabilité de lEurope dans ces domaines et ont mis laccent sur les spécificités de la contribution de lUEO à la gestion des crises en Europe : « le renforcement de ses relations avec lUnion européenne, qui permet dadjoindre aux instruments politiques et économiques de lUnion les capacités politico-militaires de lUEO pour gérer les crises ; (...). De plus, pour la première fois, la validation de deux actions concrètes vaut prise dacte de la nouvelle organisation des décisions. « 5. Les ministres ont noté avec satisfaction que le cadre institutionnel général et les conditions de la mise en uvre du rôle opérationnel de lUEO se renforcent régulièrement. Les ministres ont confirmé au cours de cette réunion que lUEO était prête à organiser une mission dassistance au déminage en Croatie en réponse à une demande faite par lUnion européenne en application de larticle J..4.2. du traité de Maastricht, et se sont félicités de la récente décision, au titre de ce même article, de faire appel au Centre satellitaire de lUEO en vue de contribuer à la surveillance de la situation au Kosovo. Les travaux effectués par lUnion européenne et lUEO sur des "scénarios illustratifs" permettront de déterminer plus clairement comment lUEO peut contribuer à lavenir à répondre aux besoins de lUnion européenne et compléter les activités de lUnion en matière de gestion de crise. Dans le même temps, lUEO examine avec lOTAN comment mobiliser et gérer les moyens et capacités que lOTAN mettrait éventuellement à sa disposition pour des missions menées sous le contrôle politique et la direction stratégique de lUEO. » · Cest dans la perspective ainsi définie quil convient de replacer la déclaration franco-britannique de Saint-Malo, qui intervient moins de trois semaines après la déclaration de Rome. Les paragraphes sur lorganisation militaire sont particulièrement significatifs : « 1. (...) Le Conseil doit être en mesure, sur une base intergouvernementale, de prendre des décisions portant sur tout léventail des actions prévues par le titre V du traité de lUnion européenne. « 2. A cette fin, lUnion doit avoir une capacité autonome daction, appuyée sur des forces militaires crédibles, avec les moyens de les utiliser et en étant prête à le faire afin de répondre aux crises internationales (...) « 3. Pour pouvoir prendre des décisions et, lorsque lAlliance en tant que telle nest pas engagée, pour approuver des actions militaires, lUnion européenne doit être dotée de structures appropriées. Elle doit également disposer dune capacité dévaluation des situations, de sources de renseignement, et dune capacité de planification stratégique, sans duplication inutile, en prenant en compte les moyens actuels de lUnion de lEurope occidentale (UEO) et lévolution de ses rapports avec lUnion européenne. A cet égard, lUnion européenne devra pouvoir recourir à des moyens militaires adaptés (moyens européens pré-identifiés au sein du pilier européen de lOTAN, ou moyens nationaux et multinationaux extérieurs au cadre de lOTAN) (...) ». · En fait, la déclaration de Saint-Malo a ouvert la perspective dune fusion effective des organismes techniques de lUnion européenne et de lUEO. La question de doter lUnion européenne doutils tels quun centre de renseignement ou dune cellule de capacité dévaluation de situation ou encore de planification stratégique fait actuellement, semble-t-il, lobjet dun examen de faisabilité par les principaux partenaires de la France, dans une optique ouverte et avec une ferme volonté daboutir. Lidée aurait été évoquée, dans un climat favorable, de constituer la cellule de planification stratégique à partir de la cellule de planification de lUEO. Par ailleurs, le Chancelier allemand, M. Gerhard Schröder, a proposé, le 6 février dernier, à la conférence de Munich, de confier « en union personnelle » le poste et la fonction de secrétaire général de lUEO, qui sera vacante à la fin de lannée, au secrétaire général du Conseil, Haut Représentant pour la PESC. Le Chancelier a expliqué que, par cette mesure, lAllemagne entendait donner un signe visible en vue de lintégration de lUEO dans lUnion européenne. * Au bout du compte, il faut noter le paradoxe des dispositions du traité dAmsterdam. De portée positive modeste, elles donnent lieu au développement dune remarquable dynamique dinitiatives. Cest pourquoi il ne paraît pas déraisonnable de conclure que les timides dispositions du traité dAmsterdam pourraient bien, en débloquant lactuelle impasse de la décision politico-militaire européenne actuelle, constituer la première pierre dune construction cohérente de lidentité européenne de sécurité et de défense. Au cours de sa réunion du 17 février 1999, la commission de la Défense nationale et des Forces armées a procédé à lexamen du projet de loi (n° 1365) autorisant la ratification du traité dAmsterdam modifiant le traité sur lUnion européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes. Le Président Paul Quilès, après avoir rappelé que le traité dAmsterdam marquait quelques progrès dans la construction de lEurope de la défense, a estimé que, pour modestes quils puissent paraître, ces progrès témoignaient dune dynamique nouvelle qui a récemment conduit, par exemple, à la déclaration franco-britannique de Saint-Malo ou à lacceptation par les principaux pays européens de responsabilités importantes dans la formation dune éventuelle force de paix au Kosovo. Après avoir fait valoir que les modalités dapplication des dispositions du traité dAmsterdam concernant la sécurité permettraient de déterminer si lEurope était capable dassumer, de manière autonome, de plus grandes responsabilités pour sa défense, il a souligné que cette question était au cur des préoccupations de la Commission et des réflexions quelle avait engagées à propos des négociations relatives au nouveau concept stratégique de lOTAN. M. Guy-Michel Chauveau, rapporteur pour avis, a tout dabord exposé quen ce qui concerne la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), entendue de façon générale, le traité dAmsterdam comportait deux avancées par rapport au traité de Maastricht, dabord une meilleure visibilité de cette politique, puisquelle sera désormais confiée à une institution identifiable, le Secrétaire général du Conseil, ensuite une meilleure systématisation, puisquelle obéira à des «stratégies communes » que décidera le Conseil européen et qui serviront de cadre aux « actions communes » et aux « positions communes » déjà instituées par le traité de Maastricht. En ce qui concerne les dispositions en matière militaire, le rapporteur pour avis a estimé que si, au premier abord, le traité dAmsterdam apparaissait plus volontariste que le traité de Maastricht, il sagissait très largement là dun effet dannonce, aucune disposition positive dintégration de la défense des pays membres de lUnion nétant en fait prévue. Il a ajouté que le traité dAmsterdam précisait que la politique de lUnion naffectait ni le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains Etats membres, cette formule visant la dissuasion nucléaire, ni les obligations découlant du traité de lAtlantique Nord pour les Etats membres qui considèrent que leur défense commune est actuellement réalisée dans le cadre de lOTAN. Il a souligné que le traité ne comportait aucune disposition concernant la défense des actuels pays neutres membres de lUnion européenne, cest-à-dire lIrlande, la Suède, la Finlande et lAutriche. Il a conclu que le traité dAmsterdam établissait clairement quil ne saurait avoir de conséquences sur les choix de méthodes ou dalliances faits par les Etats membres pour lorganisation de leur défense et quen conséquence il nétablissait donc, pas plus que le traité de Maastricht, les principes dune défense commune aux pays de lUnion européenne. Le rapporteur pour avis a ajouté quil en était de même dans le domaine de coopération européenne en matière darmement, qui était laissée à la liberté dappréciation des Etats membres. Il a relevé que lOCCAR (organisme conjoint de coopération en matière darmement) nétait pas cité, alors quil représentait linstitution la plus prometteuse dans ce domaine, observant toutefois que son renforcement était récent. M. Guy-Michel Chauveau a alors jugé quen matière militaire, la véritable nouveauté concernait lattribution à lUnion dune capacité daction armée à lappui des décisions quelle pouvait être amenée à prendre en matière de politique étrangère et de sécurité internationale, puisquétaient insérées dans le champ du traité dAmsterdam les missions humanitaires et dévacuation, les missions de maintien de la paix et les missions demploi de la force pour la gestion des crises, y compris les missions de rétablissement de la paix. Il a estimé que ces dispositions habilitaient lUnion à mener en son nom propre des actions allant jusquà lenvoi de forces de combat, les missions de rétablissement de la paix étant exercées pour lessentiel en application du chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Il a cependant considéré que, dans la mesure où les opérations dévacuation de ressortissants sont, par définition, des opérations ponctuelles qui nemportent aucune tentative dinfluence de la force ainsi envoyée sur les événements qui se déroulent dans le pays concerné, et où les opérations de maintien ou de rétablissement de la paix requièrent un mandat du Conseil de sécurité des Nations Unies, les prérogatives nouvelles ainsi conférées à lUnion restaient limitées, dautant que ces missions faisaient déjà lobjet dune politique européenne, dans le cadre de lUnion de lEurope occidentale. Il a remarqué quil sagissait en fait des « missions de Petersberg », définies par la déclaration du même nom du Conseil des ministres de lUEO du 19 juin 1992 et quen conséquence le traité dAmsterdam pouvait sanalyser comme une simple opération de transfert vers lUnion européenne des missions militaires de sécurité autrefois consenties dans le cadre de lUEO. Le rapporteur pour avis a cependant insisté sur plusieurs éléments significatifs qui accompagnaient ce transfert. Il a dabord fait remarquer que, alors que la déclaration de Petersberg concernait les seuls membres pleins de lUEO, les nouvelles dispositions concernaient lensemble des membres de lUnion européenne, cest-à-dire non seulement les dix Etats qui sont membres à part entière de lUEO, mais aussi les cinq qui y sont observateurs. Il a conclu que ce ralliement des Etats neutres membres de lUnion européenne et du Danemark à la conduite collective des missions de Petersberg créait dans ce domaine, et pour la première fois, une possibilité dunité daction des pays de lUnion. Il a ensuite exposé que si larticle J.13 du Traité disposait que les décisions touchant à la défense étaient normalement prises par le Conseil à lunanimité des suffrages exprimés, il prévoyait aussi quun Etat membre pouvait sabstenir lors dun vote tout en assortissant son abstention dune déclaration formelle, et que dans ce cas, cet Etat, tout en nétant pas tenu dappliquer la décision, acceptait quelle engage lUnion. Il a estimé que linstauration de ce principe d« abstention constructive » était un élément de très bon augure pour la mise en uvre des nouvelles dispositions en matière dintervention militaire, et cité a contrario limpossibilité de placer sous légide de lUEO lopération Alba, menée en Albanie au printemps 1997, du fait de labsence de cette procédure. Il a néanmoins précisé que, pour conserver un caractère représentatif aux décisions de lUnion européenne, le champ de labstention constructive avait été limité au tiers des voix pondérées au sein du Conseil. Le rapporteur pour avis a alors abordé la question des relations entre lUnion européenne et lUEO, le traité exposant très clairement que la partie de la PESC qui a trait à la défense devait passer par lUEO. Sur ce point, il a fait remarquer que la procédure dabstention constructive nexistait toujours pas à lUEO, mais fait valoir quil était peu vraisemblable quun Etat, après avoir accepté, en choisissant davoir recours à cette procédure, quune mesure soit décidée par lUnion européenne, sempresse de la bloquer au stade de sa mise en oeuvre dans le cadre de lUEO. Il en a conclu quen matière de missions de Petersberg, le cadre réel des choix et des décisions serait désormais lUnion européenne, lUEO devenant simplement lorganisme dapplication de ces décisions. Il a jugé que, même si le domaine daction ainsi défini était limité, il sagissait là dune avancée sérieuse en matière didentité européenne de sécurité et de défense. A ce propos, il a rappelé que, depuis le début des années 1990, lUEO avait progressivement renforcé ses capacités opérationnelles, en se dotant dun centre danalyse, dun centre de renseignement satellitaire, dun comité des chefs détat-major, et en identifiant des « FRUEO », forces européennes relevant de son autorité et prêtes à être utilisées pour des missions décidées par elle, mais souligné quelle avait été incapable de se doter de la capacité effective de prendre la décision demployer ces forces. Il a fait valoir que, dans la mesure où lUEO deviendrait lorgane dapplication des décisions politico-militaires de lUnion européenne, il y avait là le début dune réponse à la question de limpuissance institutionnelle de lEurope dans le domaine de la défense. Il a également estimé que cétait bien la direction qui était maintenant prise. A lappui de ses propos, il a cité deux déclarations du Conseil des ministres de lUEO, celle du 22 juillet 1997 qui précise notamment que, pour mettre en oeuvre les décisions et les actions pour lesquelles lUnion a recours à lUEO, cette dernière agira conformément aux orientations définies par le Conseil européen, et celle faite à Rome le 17 décembre 1998, aux termes de laquelle le renforcement des relations de lUEO « avec lUnion européenne permet dadjoindre aux instruments politiques et économiques de lUnion les capacités politico-militaires de lUEO pour gérer les crises (...) » et où, pour la première fois, il est pris acte de la nouvelle organisation institutionnelle pour la mise en oeuvre de deux actions concrètes, en réponse à une demande faite par lUnion européenne, une mission dassistance au déminage en Croatie et un recours au Centre satellitaire de lUEO. Il a également évoqué la déclaration franco-britannique de Saint-Malo, ainsi que celle faite par le ministre allemand des affaires étrangères le 6 février dernier dans le cadre de la conférence de Munich sur la sécurité, aux termes de laquelle lUnion européenne doit développer la capacité de gérer elle-même les crises, chaque fois quil existe un besoin daction du point de vue européen. En conclusion, estimant quen matière didentité européenne de sécurité et de défense, le traité dAmsterdam était un petit pas, mais un vrai pas, le rapporteur pour avis a souligné le caractère novateur pour lUnion européenne de ses dispositions. Il a ajouté quaujourdhui, les instruments de la construction de lidentité européenne de sécurité et de défense (IESD) étaient effectivement disponibles et que leur mise en uvre était désormais une affaire de volonté politique. Evoquant la question du Kosovo, il a souligné les progrès faits par lEurope depuis les premiers combats en Bosnie-Herzégovine, puisque les pays européens du Groupe de contact avaient pu, grâce à leur action commune, favoriser de manière décisive la tenue de la conférence de Rambouillet. Estimant que la Conférence de Rambouillet représentait un progrès considérable dans la recherche du règlement du conflit du Kosovo, M. René Galy-Dejean a demandé si le Rapporteur ou le Président disposaient dinformations relatives à une éventuelle intervention militaire de lOTAN en cas déchec des négociations. Le Président Paul Quilès a dabord souligné le caractère novateur de la démarche franco-britannique à lorigine de la conférence, faisant référence à la prééminence américaine au cours de la réunion de Dayton qui a mis un terme au conflit bosniaque. Il a ensuite rappelé que la priorité restait à la recherche dune solution diplomatique mais quune action militaire de lOTAN était inévitable en cas déchec politique. Des frappes aériennes davertissement paraissent probables dans cette hypothèse pour maintenir la crédibilité de lOTAN face au régime autoritaire de Belgrade. Mais ces frappes de sommation devront être suivies rapidement par une reprise de la démarche diplomatique, laction militaire seule ne permettant pas daboutir à une solution. M. Georges Lemoine sest inquiété de lattitude de la Russie, estimant quelle jouait de ses relations avec la Serbie pour affirmer son influence face à lélargissement de lOTAN et soulignant quune solution pacifique nécessitera son adhésion. Le Président Paul Quilès a indiqué que lOTAN était désormais prête à agir militairement au Kosovo. Il a estimé que la situation actuelle de la Russie lempêcherait probablement dadopter une attitude dopposition radicale aux actions de lOTAN, même si Moscou a visiblement peur que ne se crée au Kosovo une jurisprudence qui pourrait ultérieurement être appliquée ailleurs, voire sur son territoire même. Il a en outre indiqué quen cas de constitution dune force de paix de lOTAN au Kosovo, la Russie pourrait participer à ses états-majors et rappelé quil était envisagé de linviter au prochain sommet de lAlliance à Washington. M. René Galy-Dejean a ensuite interrogé le Président Paul Quilès sur une éventuelle action militaire terrestre au Kosovo. Le Président Paul Quilès, après avoir souligné que les forces aériennes étaient prêtes à agir rapidement, a estimé quune action de déploiement de troupes terrestres pourrait demander, en revanche, un délai de plusieurs semaines, même si les préparatifs semblent bien avancés. M. Georges Lemoine sest inquiété de la situation des observateurs de lOSCE, à la merci de représailles en cas de frappes aériennes de lOTAN. Le Président Paul Quilès a répondu que la nécessité de leur évacuation préalable semblait évidente. Il a précisé quelle devrait être extrêmement rapide, dans la mesure où elle donnerait un signal aux belligérants. M. Bernard Grasset sest interrogé sur la capacité de la force dextraction à intervenir de la Macédoine, où elle est installée, et sur le caractère suffisant de sa dotation en hélicoptères. M. Guy-Michel Chauveau a souligné que le relief montagneux du Kosovo ne faciliterait effectivement pas lintervention éventuelle de la force dextraction, celle-ci ne disposant que de quelques dizaines dhélicoptères alors que le nombre dobservateurs à évacuer était denviron 800. Il a relevé que le regroupement des observateurs de lOSCE en un même lieu pouvait faire partie de la « gesticulation de crise » au cours des négociations. Il a enfin noté que le problème déventuelles prises dotages ne devait pas être sous-estimé, notamment à légard de lopinion publique. Le Président Paul Quilès a observé que les événements du Kosovo constituaient un cas dapplication pratique du Traité dAmsterdam, avant même la ratification de celui-ci. La Commission de la Défense nationale et des Forces armées a alors donné, à lunanimité, un avis favorable à ladoption du projet de loi autorisant la ratification du traité dAmsterdam modifiant le traité sur lUnion européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes. ____________ N° 1405.- Avis de M. Guy-Michel Chauveau (au nom de la commission de la défense) sur le projet de loi (n° 1365) autorisant la ratification du Traité dAmsterdam modifiant le traité sur lUnion européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes. () Après lentrée en vigueur du traité dAmsterdam, cet article deviendra larticle 13 du traité sur lUnion européenne modifié. () Après lentrée en vigueur du traité dAmsterdam, les articles J.4, J.5 et J.13 deviendront respectivement les articles 14, 15 et 23 du traité sur lUnion européenne modifié. () Après lentrée en vigueur du traité dAmsterdam, cet article deviendra larticle 18 du traité sur lUnion européenne modifié. () Après lentrée en vigueur du traité dAmsterdam, cet article deviendra larticle 17 du traité sur lUnion européenne modifié. () Après lentrée en vigueur du traité dAmsterdam, cet article deviendra larticle 23 du traité sur lUnion européenne modifié. () Après lentrée en vigueur du traité dAmsterdam, cet article prendra le n° 205. |