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le 2 avril 1999

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N° 1501

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 31 mars 1999.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LE PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE (n° 1462) insérant au titre VI de la Constitution un article 53-2 et relatif à la Cour pénale internationale,

PAR M. ALAIN VIDALIES,

Député.

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Droit pénal.

La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : Mme Catherine Tasca, présidente ; MM. Pierre Albertini, Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gerin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; MM.  Léo Andy, Léon Bertrand, Emile Blessig, Jean-Louis Borloo, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Dominique Bussereau, Pierre Cardo, Christophe Caresche, Patrice Carvalho, Jean-Yves Caullet, Mme Nicole Catala, MM. Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, Jean Codognès, François Colcombet, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Bernard Derosier, Franck Dhersin, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Julien Dray, Renaud Dutreil, Jean Espilondo, Mme Nicole Feidt, MM. Jacques Floch, Raymond Forni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Guy Hascoët, Philippe Houillon, Michel Hunault, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Limouzy, Thierry Mariani, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Mme Véronique Neiertz, MM. Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Henri Plagnol, Didier Quentin, Bernard Roman, Frantz Taittinger, André Thien Ah Koon, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann.

INTRODUCTION 5

I. -  LA RÉPRESSION DES CRIMES INTERNATIONAUX JUSQU'À NUREMBERG 7

A. LA PRISE DE CONSCIENCE ET LES ÉCHECS 7

1. La préhistoire de l'idée de répression pénale des crimes internationaux 7

2. Les projets de la période de l'entre-deux guerres 9

B. LES PROCÈS DE 1945 ET LEURS CONSÉQUENCES 12

1. Les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo 12

2. Les suites des procès de l'après-guerre 14

II. -  LES SOLUTIONS RETENUES JUSQU'À LA CONFÉRENCE DE ROME 15

A. LE PRINCIPE DE LA COMPÉTENCE UNIVERSELLE 15

B. LES PROJETS VISANT A CRÉER UNE COUR PÉNALE INTERNATIONALE 17

C. L'INSTITUTION DE TRIBUNAUX AD HOC 19

III. -  LE STATUT DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE 22

A. DES COMPÉTENCES ET UNE ORGANISATION STRICTEMENT DÉFINIES 23

1. Les compétences de la Cour 23

2. L'organisation de la Cour 24

B. LE DÉROULEMENT DE LA PROCÉDURE 26

1. L'enquête 26

2. Le procès 28

3. Les sanctions 28

4. Les recours 28

5. L'indemnisation des victimes des crimes soumis à la Cour 29

C. UN POUVOIR JUDICIAIRE LIMITÉ 29

IV. -  LA NÉCESSITÉ D'UNE RÉVISION CONSTITUTIONNELLE 31

A. UNE DÉCISION CONSTITUTIONNELLE ATTENDUE 32

1. Une saisine désormais classique 32

2. Un Traité globalement conforme à la Constitution 33

a) La conformité à la Constitution 34

b) Le respect des principes constitutionnels applicables au droit pénal et à la procédure pénale 35

c) Le respect des conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale 36

B. UNE RÉVISION CONSTITUTIONNELLE SIMPLIFIÉE 39

1. Les deux voies possibles 39

2. Une formule générale de révision 39

DISCUSSION GÉNÉRALE 41

TABLEAU COMPARATIF 43

ANNEXE 1 : Décision n° 98-408 DC du 22 janvier 1999 45

ANNEXE 2 : Ratification du Traité du 18 juillet 1998 par les Etats signataires 55

MESDAMES, MESSIEURS,

Ayant pris conscience qu'il était utopique de vouloir empêcher toute guerre, notamment parce que celle-ci peut, dans certain cas, être légitime, la communauté internationale a cherché à en interdire les aspects les plus inhumains, distinguant ce qui est acceptable de ce qui « heurte profondément la conscience humaine », pour reprendre les termes mêmes du préambule du traité signé à Rome le 18 juillet 1998. Les diverses conventions internationales adoptées depuis le début du vingtième siècle, comme la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948 ou encore la convention de 1984 sur la torture, traduisent cette volonté de lutter contre tout ce qui peut violer les droits fondamentaux de la personne humaine.

La mise en place d'une juridiction permanente chargée de faire appliquer ces interdictions a été, quant à elle, beaucoup plus difficile. Il a fallu attendre près de cinquante ans après Nuremberg pour que pour la communauté internationale en accepte le principe. La Cour pénale internationale est l'aboutissement de ce long cheminement : par son pouvoir de sanction, elle est avant tout un instrument de dissuasion vis à vis de ceux qui seraient tentés de porter atteinte aux droits de l'homme. Comme l'indique le préambule de son statut, elle est destinée à « mettre un terme à l'impunité des auteurs [des crimes les plus graves] et à concourir ainsi à la prévention de nouveaux crimes ».

La Cour pénale internationale est chargée de juger les crimes de génocide, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et les crimes d'agression, commis postérieurement à l'entrée en vigueur du Traité. Son fonctionnement repose sur le principe de la complémentarité avec les juridictions criminelles nationales : les Etats parties conservent une compétence de droit commun, la Cour n'étant saisie qu'en cas d'absence de poursuites (volonté de l'Etat partie de ne pas poursuivre, défaillance de l'appareil judiciaire). Elle peut également exercer sa juridiction à l'égard d'un Etat non partie au Traité lorsqu'elle est saisie par le Conseil de sécurité en application du chapitre VII de la Charte des Nations Unies.

L'efficacité de la Cour pénale internationale dépendra donc entièrement de la coopération des Etats parties et, en dernier ressort, de la volonté politique du Conseil de sécurité. Il convient néanmoins de souligner qu'une Cour totalement indépendante aurait été privée du soutien indispensable des principaux acteurs de la scène internationale et serait donc devenue une institution marginale. Malgré ou grâce à ses imperfections, le statut de la Cour pénale internationale permettra de mettre en _uvre le précepte de Pascal selon lequel il faut «  mettre ensemble la justice et la force, et, pour cela, faire que ce qui est juste soit fort et que ce qui est fort soit juste ».

Le statut de la Cour pénale internationale a été approuvé le 17 juillet 1998 par 120 Etats ; 7 pays ont voté contre, dont les Etats-Unis, l'Inde, Israël et la Chine, et 21 se sont abstenus.

Dès le 18 juillet, la France a signé le Traité. Moins de six mois après cette signature, le Président de la République et le Premier Ministre ont saisi conjointement le Conseil constitutionnel de la question de la compatibilité des dispositions du Traité avec la Constitution. Dans sa décision du 22 janvier dernier, le juge constitutionnel a considéré que l'autorisation de ratifier le Traité exigeait une révision préalable de celle-ci.

Il a déclaré contraire à la Constitution l'article 27 du statut qui proscrit toute immunité statutaire pour les agents de l'Etat responsables de crimes internationaux. Cette disposition méconnaît en effet les régimes particuliers de responsabilité prévus par les articles 26, 68 et 68-1 de notre loi fondamentale. Il a, par ailleurs, jugé que le fait que la Cour puisse demander à la France d'arrêter et de remettre des personnes dont les actes pourraient être couverts par l'amnistie ou la prescription portait atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté. Il a formulé la même appréciation sur les dispositions autorisant le procureur de la Cour à procéder à certains actes d'enquête en dehors de la présence des autorités judiciaires nationales.

Le projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis, en proposant d'insérer dans la Constitution une formule générale par laquelle la République peut reconnaître la juridiction de la Cour pénale internationale, ouvre la voie à la procédure de ratification. Parmi les 120 pays ayant approuvé le statut, seul le Sénégal a d'ores et déjà ratifié le Traité. La France peut donc s'enorgueillir d'être l'un des premiers pays à s'engager dans une procédure qui la conduira à adhérer à un statut qu'elle a largement contribué à élaborer.

I. - LA RÉPRESSION DES CRIMES INTERNATIONAUX JUSQU'À NUREMBERG

A. LA PRISE DE CONSCIENCE ET LES ÉCHECS

1. La préhistoire de l'idée de répression pénale des crimes internationaux

Si la guerre n'a jamais, en tant que telle, fait l'objet d'une condamnation de principe, très tôt, en revanche, est apparue l'idée qu'il y avait de bonnes ou de mauvaises manières de la faire. Dès le Moyen âge, quelques règles étaient édictées par l'Eglise. Ainsi, la « paix de Dieu » interdisait-elle de faire le moindre mal aux clercs, aux femmes, aux enfants, à la population civile. Quant à la « trêve de Dieu », elle interdisait les hostilités pendant certaines périodes. Le non-respect de ces prescriptions était sanctionné par l'excommunication prononcée par les officialités, juridictions ecclésiastiques.

A l'époque classique, les pères fondateurs du droit des gens distinguent la guerre juste de la guerre injuste. S'ils justifient la guerre lorsqu'elle est faite pour rétablir une règle de droit, précédemment violée par le recours à la force armée, ils considèrent que le recours illégitime à la guerre doit être sanctionné. Comme l'écrit Vattel dans le chapitre II du livre 3 de son Droit des gens : « Celui qui fait injure est tenu à la réparation du dommage... et même à la peine si la peine est nécessaire pour l'exemple, pour la sûreté de l'offensé et pour celle de la société humaine ; c'est le cas du prince auteur d'une guerre injuste. » Dans le Traité de la guerre et de la paix, Grotius légitime également la sanction pénale qui frappera à la fois les crimes de guerre, le crime contre la paix et les crimes contre le droit des gens.

Ces théoriciens établissent le principe du critère territorial en confiant l'exercice de la justice à l'Etat sur le territoire duquel le crime a été commis. L'injure, selon les termes de Grotius, soumet son auteur à la juridiction de l'offensé : « On se rend sujet de celui envers qui on commet une infraction ». A défaut s'exerce la compétence personnelle, c'est-à-dire celle de l'Etat dont l'auteur de l'infraction a la nationalité.

Les guerres de l'âge industriel vont donner naissance à une codification du jus in bello protégeant le combattant. Il s'agit, par l'application du principe de proportionnalité, de limiter les effets de la guerre en proscrivant les techniques et les armes de combat les plus meurtrières. Les textes fondamentaux à cet égard sont les conventions de La Haye de 1899 et de 1907. Cependant, les violations de ces conventions ne sont pas qualifiées de crimes internationaux. L'article 3 de la quatrième convention de La Haye dispose que de telles violations n'engageraient que la responsabilité civile de l'Etat dont relèvent leurs auteurs.

L'idée d'une répression pénale des crimes de guerre est évoquée au lendemain de la Première guerre mondiale : l'ampleur des massacres et des destructions, d'une part, le ressentiment de l'opinion publique à l'égard de l'Allemagne, d'autre part, conduisent les dirigeants des puissances alliées à s'engager en faveur de l'institution d'une juridiction chargée de châtier les responsables.

Au lendemain de l'armistice, la Conférence préliminaire de la Paix nomme une commission, qui présente un rapport le 25 mars 1919. Ce rapport détermine des faits qui, constituant des violations des lois et usages de la guerre, tombent, en outre, sous le coup de la loi pénale ; il s'agit, par exemple, du pillage, de la mise à mort d'otages ou des déportations de civils. Il désigne comme justiciables les individus ayant violé ces règles et les responsables militaires ayant ordonné ou laissé commettre de tels actes. Enfin, il affirme que l'empereur Guillaume II a violé les principes fondamentaux du droit des gens en portant atteinte à la neutralité de la Belgique et du Luxembourg et en transgressant les règles établies par la coutume internationale et par les Conventions de La Haye et doit donc être jugé.

Les conclusions de ce rapport sont codifiées par le Traité de Versailles. Ainsi, dans son article 227, le Traité dispose que Guillaume II doit être déféré à un tribunal spécial pour « offense suprême contre la morale internationale et l'autorité sacrée des traités ». Ce tribunal n'a pu, en fait, se réunir, puisque le gouvernement des Pays-Bas, où le chef d'Etat allemand avait trouvé asile, a refusé de l'extrader. Par ailleurs, les articles 228 et 229 du Traité prévoient que les individus auteurs des actes incriminés doivent, comme exécutants, être livrés par l'Allemagne aux alliés pour être jugés par leurs tribunaux militaires respectifs. Ces dispositions n'ont pas été davantage appliquées, les Alliés ayant finalement renoncé à leur compétence au profit de la Cour suprême de Leipzig. Il faut préciser que sur 896 criminels réclamés par les Alliés, 45 seulement ont été jugés et 9 condamnés.

Ce premier échec fait clairement ressortir que la mise en place d'une juridiction pénale internationale exige le consentement des Etats intéressés. Si la commission d'une infraction internationale qualifiée de crime contourne l'écran de l'Etat, puisqu'elle engage la responsabilité de l'individu agissant pour son compte, l'Etat reste cependant maître d'_uvre de la répression effective de l'acte en cause. C'est à partir de cette donnée fondamentale que vont s'élaborer les nombreux projets ultérieurs prévoyant la création d'une juridiction pénale internationale.

2. Les projets de la période de l'entre-deux guerres

L'esprit de Genève, porté par l'institution de la Société des Nations et relayé par les associations qui tentent de dessiner l'architecture d'une véritable communauté internationale, est à l'origine des projets de création d'une juridiction pénale internationale.

·   En 1920, le Conseil de la Société des Nations demande à un « comité de juristes », présidé par un belge, le baron Descamps, d'élaborer le statut d'une cour permanente de justice internationale. Cette commission dépasse son mandat et adopte une résolution sur la création d'une haute Cour internationale de justice criminelle, conçue dans les termes suivants :

« Art. 1. -  Il est institué une haute Cour de justice internationale.

« Art. 2. -  Cette cour se compose d'un membre par Etat, respectivement choisi par le groupe des délégués de chaque Etat à la Cour d'arbitrage.

« Art. 3. -  La haute Cour de justice internationale sera compétente pour juger les crimes contre l'ordre public international et le droit des gens universel, qui lui seront déférés par l'Assemblée plénière de la Société des Nations ou par le Conseil de cette Société.

« Art. 4. -  La Cour possédera un pouvoir appréciateur pour caractériser le délit, fixer la peine et déterminer les moyens appropriés à l'exécution de la peine. Elle détermine la procédure à suivre dans ce cas, par son règlement d'ordre intérieur. »

Le Conseil de la S.D.N. examine ce projet mais, l'Assemblée le repousse parce qu'elle le juge prématuré. Elle se prononce néanmoins pour la spécialisation d'une « chambre criminelle » au sein de la Cour permanente de justice internationale. Cette première tentative de création d'une juridiction pénale internationale met en lumière les problèmes juridiques et politiques qui, depuis, sont restés au centre du débat sur la mise en place d'une justice pénale internationale : le dogme de la souveraineté des Etats ; le respect du principe nullum crimem, nulla poena sine lege, qui implique la définition des infractions internationales ; la procédure et l'organisation du tribunal.

·   Par la suite, des juristes renommés et plusieurs associations, principalement l'International Law Association de Londres, l'Union interparlementaire et l'Association internationale de droit pénal, engagent une réflexion approfondie, dans les années 1920, sur le problème de la création d'une cour pénale internationale.

-  A la conférence de l'association de Droit International qui se tient en 1922 à Buenos-Aires, l'anglais Bellot se prononce, dans son rapport, en faveur de l'institution d'un tribunal pénal international au sein de la Cour permanente internationale de justice de La Haye. A la suite de ce rapport, la Conférence adopte la conclusion que la création d'une telle Cour est urgente et charge le professeur Bellot de présenter un projet, renvoyé à une commission qui présentera ses résultats à la Conférence de Vienne de 1926.

La juridiction de cette Cour, qu'il était envisagé d'instituer sous la forme d'une chambre criminelle de la Cour permanente internationale de justice, aurait dû s'étendre d'après ce projet aux :

· violations d'obligations internationales ayant un caractère pénal, commises par des personnes contre un autre Etat ou des citoyens de cet Etat ;

· violations de lois et coutumes de guerre généralement acceptées et reconnues obligatoires par les nations civilisées ;

· violations de tout traité, convention ou déclaration réglant les méthodes et la conduite des hostilités et liant les Etats parties contractantes.

La nature précise des infractions aurait dû être définie dans le statut de la Cour. Quant aux sanctions, il était prévu que des peines puissent être prononcées à l'encontre des Etats - amendes et réparation des dommages - et des personnes physiques, l'exécution étant alors à la charge de l'Etat dont le condamné serait ressortissant.

C'est aux Etats qu'il serait revenu de saisir la Cour, à laquelle la Société des Nations aurait pu, en outre, déférer des affaires.

-  L'Association internationale de droit pénal, fondée à Paris en 1924, mène également une réflexion approfondie sur la question d'une justice pénale internationale qui est à l'ordre du jour de son premier Congrès international à Bruxelles, en 1926. Après les rapports de synthèse établis par les juristes Donnedieu de Vabres et Pella, le Congrès adopte presque unanimement dans ses résolutions les douze propositions formulées pour la création d'une Cour pénale internationale et charge une commission d'élaborer un projet de statut. Tendant à la création d'une chambre criminelle au sein de la Cour permanente internationale de justice, ce projet est soumis, en 1928, à l'association qui le présente, après l'avoir approuvé, à la S.D.N.

Les principes essentiels de ces propositions sont les suivants : attribution de la compétence répressive à la Cour de La Haye ; compétence de la Cour pour le règlement des conflits entre les différents Etats ainsi que pour juger les Etats et leurs organes en cas de guerre d'agression ou de violation des lois internationales et les auteurs individuels de crimes internationaux ; détermination des infractions et des peines dans des conventions internationales, afin de respecter le principe nullum crimen, nulla poena sine lege ; création d'un « organisme spécial » chargé de l'instruction et exercice de l'action publique internationale par le Conseil de la Société des Nations ; procédure écrite et orale, débats publics et contradictoires ; existence de voies de recours ; caractère obligatoire des décisions de la Cour, les arrêts de condamnation prononcés contre les Etats étant exécutés par les soins du Conseil, tandis que ceux qui concernent les individus seraient confiés par le Conseil à un pays déterminé qui aurait l'obligation d'y procéder d'après sa propre législation ; droit de suspension et de commutation des peines par le Conseil ; institution d'une justice pénale internationale par voie d'accords particuliers conclus entre les Etats.

Les Etats membres de la S.D.N. ne donnent pas suite à ces différents projets. Il n'existe pas encore de code définissant de manière précise les incriminations susceptibles de justifier des poursuites. En 1935, le juriste Pella publie un plan d'un code répressif mondial, mais les tensions internationales croissantes empêchent la discussion de ce projet par les associations.

L'une des difficultés majeures tient à la détermination des niveaux de responsabilité pour la mise en _uvre des sanctions. Le juriste Henri
Donnedieu de Vabres, dans ses Principes de droit pénal international, retient la compétence des tribunaux nationaux pour le jugement de leurs ressortissants coupables de crimes internationaux. La Cour internationale ne disposerait que d'un pouvoir exceptionnel de révision à l'égard des jugements rendus dans certaines affaires, telle que la falsification d'une monnaie étrangère ou l'assassinat d'un homme d'Etat étranger, provoquant une « émotion susceptible de troubler les relations internationales ». Le jugement serait alors soumis à l'appréciation de la Cour, par un accord conclu entre les Etats intéressés. Henri Donnedieu de Vabres écarte, par ailleurs, l'engagement de la responsabilité individuelle des dirigeants d'un Etat ayant livré une guerre d'agression, jugeant que les guerres modernes rendent impossible l'imputation d'un tel crime. En revanche, il prévoit qu'une juridiction internationale pourrait mettre en _uvre la responsabilité pénale de l'Etat qui « déclare une guerre injuste ».

Le professeur Donnedieu de Vabres suggère enfin que la responsabilité pénale d'un Etat commettant un crime permette l'exercice d'un pouvoir de police sur cet Etat par le Conseil de la Société des Nations qui pourrait prendre des « mesures de sûreté ». Il estime que de telles mesures ne sont pas irréalistes, puisqu'elles ont été prévues par des traités et mises en vigueur à l'encontre de l'Allemagne, au travers, par exemple, de la démilitarisation de la région rhénane. Le lien entre le maintien de la paix et de la sécurité internationale, tel qu'il sera prévu par la Charte des Nations unies, et l'exercice d'une justice pénale internationale reviendra à l'ordre du jour avec la constitution des tribunaux ad hoc pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, pour être enfin institutionnalisé avec le statut de la Cour pénale internationale.

B. LES PROCÈS DE 1945 ET LEURS CONSÉQUENCES

1. Les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo

L'horreur de la seconde guerre mondiale, l'ampleur des pertes humaines et des destructions qu'elle a suscitées, la gravité des crimes commis, et d'abord le génocide de grande ampleur qui a touché tout particulièrement la communauté juive, ne pouvaient rester sans conséquences. Très tôt au cours de la guerre, les alliés ont réfléchi à la manière dont la justice devait s'exercer.

Ce sont d'abord les gouvernements de la Norvège, de la Hollande, de la Belgique, du Luxembourg, de la Pologne, de la Yougoslavie, de la Tchécoslovaquie et de la Grèce ainsi que le Comité national français réfugiés à Londres qui décident de collaborer afin d'assurer le châtiment de tous les coupables, par la déclaration de Saint James Palace du 12 janvier 1942. Puis, les Etats Unis, l'Union soviétique et la Grande Bretagne publient à Moscou, le 30 octobre 1943, une déclaration dans laquelle ils affirment également leur détermination à châtier les criminels de guerre après la victoire. Une distinction est opérée entre deux catégories : les criminels majeurs, c'est-à-dire les dirigeants dont les actes ne sont pas susceptibles d'être géographiquement localisés et les criminels mineurs, exécutants accomplissant leurs forfaits à l'intérieur de tel ou tel Etat occupé. Les seconds seraient soumis à une répression nationale, mise en _uvre par chaque Etat. Quant aux premiers, ils seraient déférés devant un tribunal international.

C'est ainsi qu'un certain nombre de criminels de guerre ont été jugés par les tribunaux militaires internationaux de Nuremberg et de Tokyo, institués respectivement par l'accord de Londres du 9 août 1945 et la décision du commandement en chef des troupes d'occupation au Japon du 19 janvier 1946.

Les statuts des tribunaux de Nuremberg et de Tokyo définissent trois catégories d'infractions internationales : il s'agit des crimes contre la paix, des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité.

Les crimes contre la paix sont ainsi définis par l'article 6 a du statut du tribunal de Nuremberg : « la direction, la préparation, le déclenchement ou la poursuite d'une guerre d'agression ou d'une guerre en violation des traités, assurances ou accords internationaux, ou la participation à un plan concerté ou à un complot pour l'accomplissement de l'un quelconque des actes qui précédent ».

Les crimes de guerre visés par l'article 6 b du statut y sont globalement définis comme « les violations des lois et coutumes de la guerre ». Sans que cette liste soit limitative, ces violations comprennent notamment : « l'assassinat, les mauvais traitements ou la déportation pour travaux forcés ou pour tout autre but des populations dans les territoires occupés, l'assassinat ou les mauvais traitements des prisonniers de guerre ou des personnes en mer, l'exécution des otages, le pillage des biens publics ou privés, la destruction sans motif des villes et villages, les dévastations que ne justifient pas les exigences militaires ».

L'article 6 c du statut du tribunal de Nuremberg définit les crimes contre l'humanité comme « l'assassinat, l'extermination, la réduction en esclavage, la déportation et tout autre acte inhumain commis contre toutes les populations civiles avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour motifs politiques et religieux ». On soulignera que c'est la première fois qu'apparaît une telle incrimination qui punit, selon les termes de Hannah Arendt, une « attaque contre la diversité humaine en tant que telle ou plutôt, contre un aspect du « statut d'être humain » sans lequel le mot même d'humanité n'aurait plus de sens ».

L'article 14 du statut du Tribunal de Nuremberg prévoyait la mise en place d'une « commission d'instruction et de poursuite des grands criminels de guerre ». Celle-ci a déféré vingt et un accusés au Tribunal, qui était composé de quatre juges titulaires et de quatre juges suppléants désignés respectivement par les Etats Unis, la France, la Grande Bretagne et l'Union soviétique. Le jugement a été rendu le 1er octobre 1946. Douze accusés ont été condamnés à mort, trois à la prison à vie, deux à vingt ans de prison, un à quinze ans, un à dix ans et deux ont été acquittés. Toutes les peines ont été exécutées. Quant au Tribunal de Tokyo, il a rendu son verdict le 12 novembre 1948 et a prononcé six condamnations à mort.

2. Les suites des procès de l'après-guerre

Les résolutions 3 et 95 (I) de l'Assemblée générale des Nations Unies du 13 février et du 11 décembre 1946 confirment « les principes de droit international reconnus par le statut de la Cour de Nuremberg et par l'arrêt de cette Cour » et invitent la Commission du droit international « à considérer comme une question d'importance capitale les projets visant à formuler » lesdits principes. Les stipulations de l'accord de Londres se voient ainsi reconnaître la qualité de normes coutumières et inspirent les travaux des organisations internationales. C'est ainsi que l'Assemblée générale des Nations Unies adopte, le 9 décembre 1948, une Convention sur la répression et la prévention des crimes de génocide. Quatre conventions conclues à Genève, le 14 août 1949, sous les auspices du comité international de la Croix Rouge, confirment, en outre, la définition des crimes de guerre donnée par l'accord de Londres de 1945.

Le procès de Nuremberg marque, en fait, la naissance d'un nouveau droit. Le statut du Tribunal et les conventions relatives au droit international humanitaire qui lui font suite posent les bases d'un ordre public international, dont les normes s'imposent à tous les Etats et à leurs citoyens, que les Etats aient ou non ratifié les conventions en question. Comme l'a relevé la Cour internationale de justice dans son avis consultatif du 28 mai 1951 sur les réserves à la Convention pour la prévention et la répression du crime du génocide, « les principes qui sont à la base de la Convention sont des principes reconnus par les nations civilisées comme obligeant les Etats, même en dehors de tout lien conventionnel ». Le droit issu de Nuremberg repose sur l'idée que certains crimes affectent la communauté des Etats dans son ensemble. Il s'agit bien évidemment du crime d'agression, mais aussi d'actes portant atteinte aux droits les plus fondamentaux de l'homme. Certains droits individuels sont à ce point importants que leur violation par les Etats constitue une menace pour la paix et la sécurité internationales.

Aussi, dans l'affaire de la Barcelona Traction de 1970, la Cour internationale de justice reconnaît l'existence de normes plus fondamentales que d'autres : « Une distinction essentielle doit en particulier être établie entre les obligations des Etats envers la communauté internationale dans son ensemble et celles qui naissent vis à vis d'un autre Etat ... Par leur nature même, les premières concernent tous les Etats. Vu l'importance des droits en cause, tous les Etats peuvent être considérés comme ayant un intérêt juridique à ce que ces droits soient protégés ; les obligations dont il s'agit sont des obligations erga omnes... Ces obligations découlent par exemple, dans le droit international contemporain, de la mise hors la loi des actes d'agression et du génocide, mais aussi des principes et des règles concernant les droits fondamentaux de la personne humaine... ».

Parallèlement, s'impose l'idée du lien entre la répression internationale des crimes les plus graves et l'instauration d'une justice pénale internationale. Après le procès de Nuremberg, Donnedieu de Vabres écrivait déjà : « Dès lors s'imposait l'institution d'une juridiction internationale s'exerçant directement à l'égard des individus par dessus la tête de l'Etat. Cela ne suppose pas la suppression de l'Etat en tant qu'unité politique ; ... mais c'est la superposition au droit international public classique d'un Droit international public nouveau, d'un Droit international public qui a pour sujet actif la communauté universelle et pour sujets passifs les hommes ».

Les termes de « communauté universelle » peuvent être entendus de deux manières. Selon une première acception, il s'agirait de l'ensemble des Etats, également compétents pour juger les auteurs d'infractions graves au droit pénal international. La seconde désignerait une instance juridictionnelle agissant au nom de tous les Etats en vertu d'une délégation expresse de compétence. Or, ce rêve d'une justice pénale internationale universelle et intégrée se heurte à bien des obstacles. S'il peut y avoir accord sur la nécessité de punir certains crimes, les difficultés se multiplient dès lors que l'on prend en compte ces principes essentiels du droit international pénal que sont la règle de la territorialité de la loi pénale, qui rend compétent l'Etat sur le territoire duquel le crime a été commis, ou celle de la personnalité, qui donne compétence aux tribunaux de l'Etat dont la personne inculpée est ressortissante. Comment insérer harmonieusement une justice pénale internationale dans le cadre du droit international existant ?

II. - LES SOLUTIONS RETENUES JUSQU'À LA CONFÉRENCE DE ROME

A. LE PRINCIPE DE LA COMPÉTENCE UNIVERSELLE

Pour certains auteurs, le principe de la compétence universelle, qui établit la juridiction obligatoire des tribunaux nationaux, s'applique pour les crimes internationaux les plus graves. La compétence universelle, dans cette acception, permet de mettre en application l'idée de communauté universelle, sujet actif du droit pénal international.

Selon Cherif Bassiouni, président de l'International association of penal law, la définition des crimes contre l'humanité, du génocide, des crimes de guerre et de la torture a le caractère d'une norme internationale qui s'impose à tous les Etats. Tous les Etats sont donc tenus de poursuivre, en vertu de leur droit pénal, les auteurs de ces crimes ou, à défaut, de les extrader. La Cour de cassation, dans l'affaire Barbie, va dans ce sens. Dans son arrêt du 6 octobre 1983, la chambre criminelle affirme que les crimes imputés au prévenu « ne relèvent pas seulement du droit pénal interne français, mais encore d'un ordre répressif international auquel la notion de frontières et les règles extraditionnelles qui en découlent sont fondamentalement étrangères ».

Néanmoins, une seule convention a prévu la mise en _uvre d'une telle compétence universelle. Il s'agit de la disposition finale du traité sur le désarmement naval de Washington du 5 février 1922, qui stipule que les crimes de guerre commis en haute mer (attaque de navires de commerce par un sous-marin par exemple) seront considérés comme des actes de piraterie. Cette qualification de piraterie rend le commandant du navire inculpé justiciable des tribunaux de tous les Etats entre les mains desquels il serait tombé.

En dehors de ce cas, l'existence d'une règle coutumière de compétence universelle paraît douteuse. Le préambule de l'accord de Londres de 1945 retient le critère territorial, sauf pour les grands criminels de guerre, puisqu'il prévoit : « Les responsables seront renvoyés dans les pays où leurs forfaits abominables ont été perpétrés afin qu'ils puissent être jugés et punis conformément aux lois de ces pays ». Il est ainsi affirmé que c'est aux Etats qu'il appartient, au premier chef, de faire respecter le droit international, les juridictions nationales étant les juges de droit commun en matière de droit des gens.

Plusieurs conventions font d'ailleurs obligation aux parties contractantes de prendre les dispositions nécessaires pour punir ou extrader les responsables des infractions : on mentionnera les articles 6 et 7 de la Convention sur le génocide de 1948, les articles 5 et 11 de la Convention sur l'apartheid de 1973, l'article 7 de la convention contre la torture de 1984. Le principe de la compétence universelle n'établit cependant la juridiction obligatoire des tribunaux nationaux que dans des cas limités, essentiellement lorsque l'infraction a été commise sur le territoire de l'Etat, quand son auteur ou sa victime en est ressortissant ou lorsque l'auteur se trouve sur son territoire ; c'est ce que prévoient les articles 6 de la Convention de 1948, les articles 50, 129 et 146 des Conventions de Genève ou l'article 5 de la Convention de 1984 sur la torture.

Les limites de l'application du principe de la compétence universelle pour assurer la répression des crimes internationaux ont conduit à engager une réflexion sur l'institution d'une Cour pénale internationale.

B. LES PROJETS VISANT À CRÉER UNE COUR PÉNALE INTERNATIONALE

Les premières initiatives des Nations Unies en la matière se fondent sur le statut et la juridiction du Tribunal de Nuremberg, approuvés par la résolution 95 (I) du 11 décembre 1946. La résolution 94C (I) du même jour institue une « commission pour le développement progressif du droit international et sa codification ».

-  Le représentant français, M. Henri Donnedieu de Vabres, soumet en 1947 à cette commission un mémorandum contenant son Projet de création d'une juridiction criminelle internationale, mais sa proposition ne parvient pas à réunir l'accord général parce qu'elle dépasse la compétence de la commission. Ce projet prévoyait à la fois l'institution d'une chambre criminelle au sein du tribunal de La Haye et la création d'une Cour pénale internationale indépendante. La première aurait dû être compétente pour trancher les conflits de compétence et pour juger les Etats et leurs organes pour crimes contre la paix ainsi que pour crimes contre l'humanité. La Cour, au contraire, aurait reçu une compétence facultative pour juger toutes les infractions internationales au droit des gens, les crimes de guerre ainsi que les crimes de droit commun annexés aux crimes contre la paix. Cette division de compétence ne semblait pas très praticable et devait donc être écartée des projets suivants.

-  Les discussions sur la création d'une Cour pénale internationale ont ensuite été reprises, de 1946 à 1948, dans le cadre des travaux préparatoires à la convention sur la prévention et la répression du crime de génocide. Ainsi, l'article 6 de la Convention du 9 décembre 1948 prévoit-il la possibilité de traduire les personnes accusées d'un tel crime « devant la Cour criminelle internationale qui sera compétente à l'égard de celles des parties contractantes qui en auront reconnu la juridiction ». Pour autant, elle ne crée pas cette Cour.

-  Par la résolution 260 (III) du même jour, la commission du droit international est chargée d'examiner la question d'une Cour pénale internationale. La Commission estime, dans sa séance du 9 juin 1950, qu'il est « souhaitable et possible » d'instaurer un organisme judiciaire international répressif. Suivant cet avis favorable, l'Assemblée générale, dans sa résolution 489 (V) du 12 décembre 1950, décide de demander à la « commission d'une juridiction criminelle internationale », spécialement instituée et composée de 17 membres, d'élaborer un avant-projet de statut. Le résultat de ses travaux est le projet de Genève du 31 août 1951, renvoyé le 5 décembre 1952 à une commission du même nom, qui présente un projet en 1953.

Selon ce projet, les juges à la Cour seraient élus pour une durée de 9 ans par tous les membres des Nations unies parmi des candidats présentés par chaque pays. Une chambre d'instruction réunirait les preuves et renverrait l'accusé devant une formation de jugement. Le procureur, désigné par l'Etat plaignant, rédigerait l'acte d'accusation et diligenterait les poursuites. Enfin, la Cour établirait son règlement, fixant notamment les principes généraux régissant l'administration de la preuve.

La Cour serait compétente pour juger les personnes accusées d'avoir commis des « crimes de droit international, prévus par les conventions ou compromis conclus entre Etats parties au présent statut ». Elle appliquerait le droit international, y compris le droit pénal international et, le cas échéant, le droit national. Sa compétence serait limitée aux personnes physiques. La principale limite de ce projet tient au fait que la Cour n'aurait pas eu une compétence obligatoire. L'adhésion au statut n'aurait pas, en effet, entraîné l'exercice automatique de sa juridiction. Quoi qu'il en soit, dans la résolution 898 (IX) du 14 décembre 1954, l'Assemblée générale décide de suspendre la discussion de ce projet jusqu'à ce que soit reprise celle portant sur la définition de l'agression, premier des crimes internationaux, ainsi que sur le projet pour un code des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité.

-  Il faut attendre la fin de la guerre froide pour que le projet soit réactivé. Par la résolution 44/39 du 4 décembre 1989, l'Assemblée générale prie la commission du droit international (C.D.I.) d'étudier à nouveau la question de l'institution d'une juridiction pénale internationale. Les résolutions 47/33 du 25 novembre 1992 et 18/31 du 9 décembre 1993 demandent à la commission d'établir un projet de statut, qui est présenté en 1994.

Le projet de la Commission du droit international se montre audacieux sur certains points. Les modalités de fonctionnement de la Cour seraient fixées par un règlement adopté par les juges à la majorité absolue, sans que les Etats interviennent. Le procureur disposerait de pouvoirs d'autosaisine et pourrait ainsi décider seul d'ouvrir une enquête, sa décision n'étant pas soumise au contrôle préalable d'une des chambres de la Cour.

En vertu de l'article 20 du projet de la C.D.I., les crimes relevant de la compétence de la Cour seraient les crimes de génocide, les crimes d'agression, les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité ainsi que les crimes définis par les traités cités en annexe du projet. Il s'agit notamment de la capture illicite d'aéronefs, telle qu'elle est définie à l'article 1er de la Convention de La Haye du 16 décembre 1970 et des crimes liés au trafic illicite de stupéfiants et de psychotropes, tels qu'ils sont envisagés par l'article 3 de la Convention des Nations unies du 20 décembre 1988.

Les conditions d'exercice de la juridiction de la Cour définies dans le projet de la C.D.I. sont restrictives. Ainsi, la Cour ne serait compétente, pour connaître des crimes internationaux les plus graves, que sous les réserves suivantes :

· l'Etat doit reconnaître la juridiction de la Cour pour les crimes visés par son statut, la déclaration pouvant être d'application générale ou limitée à un comportement déterminé ;

· la juridiction de la Cour doit être acceptée par l'Etat qui détient la personne soupçonnée du crime et par l'Etat sur le territoire duquel l'acte a eu lieu ;

· toutefois, la Cour est compétente en matière de crime de génocide, dès lors qu'une plainte visant cet acte est déposée par un Etat partie à la Convention de 1948 ;

· la Cour est compétente dans tous les cas, dès lors que c'est le Conseil de sécurité qui la saisit sur le fondement du chapitre VII de la Charte.

Ce projet, qui est davantage le travail de juristes que de diplomates, ne se concrétisera pas. Cependant, on verra qu'il a inspiré, à beaucoup d'égards, les négociations qui ont abouti finalement au Traité du 17 juillet 1998 instituant la Cour pénale internationale. Celui-ci tirera également des enseignements de l'expérience des tribunaux ad hoc mis en place pour juger les crimes commis dans l'ex-Yougoslavie et au Rwanda.

C. L'INSTITUTION DE TRIBUNAUX AD HOC

L'institution de tribunaux ad hoc pour juger les crimes commis dans l'ex-Yougoslavie et au Rwanda est le fruit d'une nécessité. En l'absence d'une juridiction pénale internationale permanente, la réprobation de l'opinion publique internationale devant la gravité et l'ampleur des crimes commis exigeait qu'une solution soit trouvée pour poursuivre et sanctionner leurs auteurs. La mise en place de tribunaux ad hoc présentait l'avantage de la rapidité et permettait de se passer du consentement des pays intéressés.

Dans les deux cas, le Conseil de sécurité a d'abord instauré un mécanisme d'enquête, au travers de la résolution 780 du 6 octobre 1992 pour l'ex-Yougolavie et de la résolution 935 du 1er juillet 1994 pour le Rwanda. Puis, il a constaté que les violations du droit international humanitaire créaient une menace contre la paix et la sécurité internationales. Par ses résolutions 713 du 25 septembre 1991 pour l'ex-Yougoslavie et 955 du 8 novembre 1994 pour le Rwanda, le Conseil de Sécurité s'est placé dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations Unies relatif au maintien de la paix et de la sécurité internationales.

On doit rappeler que le Conseil peut créer, en vertu de l'article 29, les « organes subsidiaires qu'il juge nécessaires à l'exercice de ces fonctions » et décider d'employer, en vertu de l'article 41, les « mesures n'impliquant pas l'emploi de la force armée ... pour donner effet à ses décisions ». En outre, les normes issues du chapitre VII de la Charte s'intègrent de plein droit dans l'ordre public international. La paix étant indivisible et la sécurité collective, en vertu de l'article 25 de la Charte, les Etats sont tenus de se conformer aux décisions du Conseil de Sécurité.

Le Tribunal criminel international pour l'ex-Yougoslavie (T.P.I.Y.) est ainsi créé par la résolution 827 du 22 mai 1993, tandis que celui pour le Rwanda (T.P.I.R.) est institué par la résolution 955 du 8 novembre 1994. La compétence spatiale et temporelle de ces tribunaux est strictement définie. Le T.P.I.Y. est « habilité à juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991 » (art. 1er du statut). Quant au T.P.I.R., ou Tribunal d'Arusha, il est habilité à juger « les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de telles violations commises sur le territoire d'Etats voisin entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994 » (art. 1er du statut).

La définition des incriminations répond au principe fondamental du droit pénal nullum crimem sine lege. Si elles ont un fondement conventionnel, les infractions retenues font partie du droit international coutumier général, et, à ce titre, s'imposent à tous. Ainsi, le rapport préparatoire du Secrétaire général pour l'institution d'un tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, souligne-t-il que « la qualification internationale des crimes confrontée au principe nullum crimem sine lege exige que le Tribunal international applique les règles du droit international humanitaire qui font incontestablement partie du droit coutumier, ceci afin d'éviter que le problème résultant du fait que certains Etats aient ou non adhéré à des conventions spécifiques ne se pose ». Concrètement, les deux statuts visent essentiellement les infractions graves aux Conventions de Genève de 1949, les violations des lois et coutumes de la guerre, le génocide et les crimes contre l'humanité.

Le T.P.I.Y. et le T.P.I.R. exercent leur compétence sans le consentement des Etats concernés. Ils disposent d'un pouvoir d'autosaisine et de dessaisissement des autorités judiciaires nationales, c'est-à-dire qu'ils détiennent un pouvoir d'évocation des affaires. Enfin, ils adoptent leur règlement de procédure sans que les Etats interviennent.

Les poursuites sont exercées par un procureur, qui est le même pour les deux tribunaux, l'article 15, alinéa 3, du statut du Tribunal d'Arusha disposant que le procureur du T.P.I.Y. exerce également les fonctions de procureur du T.P.I.R. En vertu de l'article 18, alinéas 2 et 3, du statut du T.P.I.Y., le procureur « ouvre une information d'office ou sur la foi des renseignements obtenus de toutes sources ». Il est habilité à interroger les suspects, les victimes ou les témoins, à réunir les preuves et à procéder sur place à des mesures d'instruction.

L'article 9 du T.P.I.Y. et l'article 8 du T.P.I.R. reconnaissent une compétence concurrente aux tribunaux internationaux et aux juridictions nationales, mais précisent que le Tribunal international a la primauté sur les autorités judiciaires nationales. Outre son pouvoir de dessaisissement, le Tribunal peut, dans l'intérêt de la justice, s'affranchir du principe non bis in idem et traduire devant lui une personne déjà jugée par une juridiction nationale, lorsqu'il s'agit d'un crime de droit commun ou lorsque la juridiction nationale a manqué aux principes d'impartialité, d'indépendance, de diligence et a cherché à soustraire l'accusé à sa responsabilité pénale.

Enfin, les Etats sont tenus de collaborer avec les Tribunaux pour la recherche et le jugement des accusés. Cette obligation résulte du principe selon lequel les Etats membres des Nations unies doivent assurer la pleine efficacité des mesures prises au titre du chapitre VII de la Charte, comme le rappellent les résolutions 827 sur l'ex-Yougoslavie et 978 sur le Rwanda.

En pratique, l'efficacité de ces deux tribunaux s'est trouvée réduite, notamment par des problèmes d'ordre politique ; ainsi, l'arrestation des accusés a-t-elle souvent tardé parce que les autorités chargées d'y procéder reculaient devant les conditions politiques du moment. En outre, les tribunaux ont dû faire face à des problèmes récurrents de fonctionnement. Les arrestations s'étant multipliées depuis 1997, le T.P.I.Y. qui ne dispose que de 14 juges, ne peut qu'accomplir difficilement sa tâche. Il n'a, jusqu'à présent, prononcé que deux condamnations à l'encontre du croate de Bosnie, Drazen Erdemovic (dix ans de prison en novembre 1996, ramenés à cinq ans en mars 1998) et du serbe de Bosnie, Dusko Tadic, dont le jugement est en appel (20 ans de prison en juillet 1997). Sur un total de 79 personnes inculpées depuis 1993, 57 sont toujours en accusation et 26 ont été arrêtées ou se sont livrées au tribunal. Le procureur a dû abandonner en mai dernier les accusations pesant sur 14 inculpés pour cause de surcharge de travail. Avec seulement 9 juges, le T.P.I.R. doit faire face aux mêmes problèmes. Sur une liste de 3 000 suspects accusés de participation ou de complicité dans le génocide Rwandais, le tribunal d'Arusha ne détenait, en juin 1998, que 35 personnes. Depuis sa création en novembre 1994, il n'a prononcé que trois condamnations, déclarant coupable l'ancien premier ministre, Jean Kambanda (perpétuité), le maire Jean-Paul Akayesu (perpétuité) et le chef de la milice, Omar Serushago (15 ans de prison). La lenteur des procédures ne fait qu'alimenter les critiques.

Les difficultés de fonctionnement de ces deux tribunaux ad hoc ont sans aucun doute contribué à relancer la réflexion sur l'institution d'une Cour pénale internationale. Instruits de cette expérience, les négociateurs ont pu progresser rapidement dans l'élaboration de son statut.

III. - LE STATUT DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE

La résolution 51/207 du 17 décembre 1996 de l'Assemblée générale des Nations Unies met en place une conférence diplomatique réunissant les représentants des Etats membres, chargée d'élaborer une convention instaurant une cour criminelle internationale. L'acte final de la conférence diplomatique de plénipotentiaires des Nations Unies sur la création d'une Cour pénale internationale est adopté à Rome le 17 juillet 1998 par les délégués de 120 pays. Sept pays votent contre le statut et 17 autres s'abstiennent. L'article 114 du statut dispose qu'il entrera en vigueur après que 60 Etats auront ratifié, accepté ou approuvé le Traité de Rome.

Parce qu'il est le fruit de négociations diplomatiques, le statut de la Cour pénale internationale (C.P.I.) se caractérise par son grand pragmatisme, à même de favoriser l'adhésion du plus grand nombre d'Etats. Ce pragmatisme a d'ailleurs été critiqué par certaines organisations non gouvernementales qui avaient milité en faveur de l'institution d'une juridiction autonome, disposant d'un pouvoir d'initiative qui ne serait pas bridé par le consentement des Etats. Or, un tel objectif paraît, en l'état actuel de la société internationale, impossible à atteindre. C'est pourquoi, on peut considérer que le compromis auquel sont parvenus les négociateurs à Rome est équilibré et concilie de façon efficace le réalisme et la prise en compte des exigences morales.

A. DES COMPÉTENCES ET UNE ORGANISATION STRICTEMENT DÉFINIES

1. Les compétences de la Cour

Le préambule du Traité de Rome témoigne des garanties et des assurances qui ont été données à la majorité des Etats. La Cour n'exerce pas ses compétences à l'égard de toutes les infractions internationales, puisque ne sont visés que le crime d'agression et les violations massives des droits de l'homme. Ainsi, la Cour n'a reçu qu'une compétence minimale réduite à un noyau dur d'infractions internationales et elle doit l'exercer de manière à préserver les droits des Etats concernés. Le préambule rappelle, en effet, la compétence universelle des Etats pour la répression des crimes de droit international ainsi que les principes de non-intervention et de non-ingérence.

Les négociateurs se sont, en outre, efforcés de créer une institution qui s'intègre dans l'ordre juridique mondial. Constatant les conséquences qu'entraînent les violations massives des droits de l'homme sur la paix et la sécurité internationales, le statut de la Cour pénale internationale prévoit qu'elle peut devenir un instrument d'action du Conseil de sécurité pour assurer le maintien de la sécurité collective dont il a la charge, selon la Charte des Nations unies. Ce lien fondamental doit d'ailleurs être pérennisé par la signature d'un accord entre l'O.N.U. et la Cour.

La Cour exerce sa compétence en matière de génocide, de crimes contre l'humanité, de crimes de guerre et l'exercera également à l'égard du crime d'agression quand celui-ci aura été défini par la conférence de révision qui se tiendra sept ans après l'entrée en vigueur du statut. Il est d'ores et déjà précisé que la définition de ce crime « devra être compatible avec les dispositions pertinentes de la Charte », c'est-à-dire avec son article 51 qui légalise la légitime défense collective et la légitime défense individuelle. Enfin, la C.P.I. n'exerce sa juridiction qu'à l'égard de faits postérieurs à l'entrée en vigueur du statut.

Les crimes de génocide sont définis comme les actes « commis dans l'intention de détruire, en tout ou partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ».

Les crimes contre l'humanité sont consacrés comme des infractions autonomes, commises en dehors de tout conflit armé. Une liste indicative est donnée des actes inhumains qui peuvent être ainsi qualifiés lorsqu'ils sont perpétrés « dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique dirigée contre une population civile et en connaissance de l'attaque ». Il s'agit d'actes déjà condamnés par des conventions antérieures, comme la torture, les disparitions forcées et le crime d'apartheid.

Quant aux crimes de guerre, ils sont définis comme tout acte attentatoire aux principales conventions du droit international humanitaire commis au cours d'un conflit armé. Le statut entend par crime de guerre commis au cours d'un conflit armé international les « infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août 1949 » ainsi que les « autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés internationaux dans le cadre établi du droit international ». S'agissant des conflits de type interne, la Cour est compétente pour connaître « des violations graves de l'article 3 commun aux quatre Conventions de Genève » et des « autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés ne présentant pas un caractère international, dans le cadre établi du droit international ».

Les principes du droit pénal international classique sont consacrés, notamment ceux de « nullum crimem sine lege » et « nulla poena sine lege », de même que celui de la responsabilité pénale individuelle. Il est, en outre, précisé que la définition d'un crime est d'interprétation stricte et ne peut être étendue par analogie, qu'une personne n'est pénalement responsable que si son comportement constitue, au moment où il se produit, un crime relevant de la compétence de la Cour, que nul n'est pénalement responsable à défaut d'intention et de connaissance accompagnant l'élément matériel du crime.

Le statut dispose que les crimes relevant de la compétence de la Cour ne se prescrivent pas et la Cour peut être valablement saisie du seul fait de l'application d'une loi d'amnistie ou des règles internes en matière de prescription. En outre, la qualité officielle, notamment celle de Chef d'Etat ou de Gouvernement, de membre du Gouvernement ou du Parlement n'exonère pas de la responsabilité pénale et ne constitue pas davantage un motif de réduction de peine.

2. L'organisation de la Cour

La Cour se compose de 18 juges. Les candidats doivent, d'une part, jouir d'une haute considération morale et être connus pour leur impartialité et leur intégrité, d'autre part, avoir une compétence reconnue, soit dans les domaines du droit pénal et de la procédure pénale, soit dans les domaines pertinents du droit international. Ils peuvent être présentés par tout Etat partie au statut et sont élus au scrutin secret lors d'une réunion de l'assemblée des Etats parties ; ils doivent obtenir le nombre de voix le plus élevé et la majorité des deux tiers des Etats parties présents et votants. Les Etats doivent tenir compte de la nécessité d'assurer la représentation des principaux systèmes juridiques du monde, une représentation géographique équilibrée et une représentation équitable des hommes et des femmes. Le mandat de juge est de neuf ans et ne peut être renouvelé. Les juges exercent leurs fonctions à plein temps et en toute indépendance. Ils ne peuvent se livrer à aucune activité de caractère professionnel.

Les organes de la Cour sont la présidence, la section des appels, la section de première instance, la section préliminaire, le bureau du procureur et le greffe.

La Présidence est constituée d'un président et de deux vice-présidents, que les juges élisent parmi eux pour une durée de trois ans, renouvelable une fois.

Le Bureau du procureur agit « indépendamment en tant qu'organe distinct au sein de la Cour ». Il est élu au scrutin secret par l'assemblée des Etats parties à la majorité absolue de ses membres. Le procureur et les procureurs adjoints qui l'assistent exercent leurs fonctions pendant neuf ans et ne sont pas rééligibles. Le Bureau du procureur reçoit toutes communications et informations concernant les crimes relevant de la compétence de la Cour. Il est « chargé de les examiner, de conduire les enquêtes et de soutenir l'accusation devant la Cour ».

La Section des appels est composée du président et de quatre autres juges. La Section de première instance et la Section préliminaire sont composées de six juges au moins. Les juges affectés à la Section préliminaire et à la Section de première instance y siègent pendant trois ans. Ceux qui sont affectés à la Section des appels y siègent pendant toute la durée de leur mandat.

La Cour jouit sur le territoire des Etats parties des privilèges et immunités nécessaires à l'accomplissement de sa mission. Les juges, les membres du Bureau du procureur ainsi que le Greffier jouissent dans l'exercice de leurs fonctions des privilèges et immunités accordés aux chefs de missions diplomatiques.

L'organisation de la Cour est tributaire de la volonté des Etats. Le règlement de procédure et de preuve est adopté par l'assemblée des Etats parties, à la majorité des deux tiers de ses membres. Les multiples modifications des règles de fonctionnement du Tribunal de La Haye avaient suscité des critiques ; c'est pourquoi la solution retenue à Rome garantit la solennité et la stabilité des règles de procédure. L'assemblée des Etats parties est composé d'un représentant de chaque Etat et se réunit une fois par an. Elle arrête le budget de la Cour, peut décider de modifier le nombre des juges et examine toute question relative à la non coopération des Etats parties. Les ressources financières de la Cour proviennent des contributions des Etats parties.

Chaque Etat partie peut proposer d'amender le statut sept ans après son entrée en vigueur. L'assemblée décide de se saisir de la proposition à la majorité des présents et votants. L'adoption d'un amendement requiert la majorité des deux tiers des Etats parties. Il entre en vigueur après que les sept huitièmes des Etats parties l'ont ratifié ou accepté. Lorsque l'amendement porte sur la liste des crimes pour lesquels la Cour est compétente, il n'entre en vigueur à l'égard d'un Etat qu'après sa ratification par cet Etat.

Il est, par ailleurs, prévu qu'une conférence de révision du statut se tiendra sept ans après son entrée en vigueur. Elle pourra donc revoir la liste des crimes soumis à la juridiction de la Cour. Elle aura également à réexaminer les dispositions qui prévoient que les Etats parties peuvent ne pas accepter la compétence de la Cour pour les crimes de guerre, lorsqu'il est allégué que ce crime a été commis par un ressortissant ou sur son territoire.

Il faut ajouter que tout Etat partie dispose d'un droit de retrait, qui peut être exercé par voie de notification écrite au Secrétaire général de l'O.N.U. Le retrait prend effet un an après la date de réception de la notification, mais ne saurait porter préjudice à la poursuite de l'examen d'une affaire dont la Cour était saisie avant la date à laquelle le retrait a pris effet.

B. LE DÉROULEMENT DE LA PROCÉDURE

1. L'enquête

La Cour pénale internationale peut être saisie par un Etat partie à la Convention ou par le Conseil de sécurité. En outre, le procureur peut prendre lui-même l'initiative d'engager une enquête sur des crimes relevant de la compétence de la Cour. L'autorisation d'ouvrir une enquête lui est donnée par la Chambre préliminaire. Si le procureur, après enquête, décide de ne pas engager de poursuite, il en informe la Chambre préliminaire et l'Etat qui l'a saisi ou le Conseil de sécurité en motivant sa décision. La Chambre examine la décision, à la demande de l'Etat ou du Conseil de sécurité, et peut demander au procureur de la reconsidérer.

Le procureur enquête à charge et à décharge et prend les mesures propres à assurer l'efficacité des enquêtes. La Cour est habilitée à adresser des demandes de coopération et d'assistance aux Etats parties et ceux-ci font droit à ces demandes conformément aux procédures prévues par leur législation nationale, notamment en ce qui concerne l'identification et l'interrogation des personnes, le rassemblement d'éléments de preuves et l'exécution des perquisitions et des saisies. Cependant, un Etat peut rejeter totalement ou partiellement une demande d'assistance de la Cour si elle a pour objet la divulgation d'éléments de preuve ou la production de documents touchant à la sécurité nationale.

Le statut détermine les conditions dans lesquelles des suspects doivent être remis à la Cour. L'Etat concerné répond aux demandes formulées en ce sens par la Cour conformément aux dispositions du statut et aux procédures prévues par le droit interne. Il peut surseoir à l'exécution d'une demande si celle-ci est susceptible de nuire au bon déroulement d'une enquête ou de poursuites dans une affaire différente de celle à laquelle se rapporte la demande ou lorsque la Cour examine une exception de recevabilité. Lorsqu'un Etat n'est manifestement pas capable d'apporter son concours à la Cour, le procureur peut prendre certaines mesures d'enquête sur son territoire sans s'être assuré de sa coopération.

La Chambre préliminaire, sur requête du procureur, délivre un mandat d'arrêt ou une citation à comparaître lorsqu'il y a des motifs raisonnables de croire qu'une personne a commis un crime relevant de la compétence de la Cour et que son arrestation est nécessaire pour garantir qu'elle comparaîtra, que son comportement ne fera pas obstacle au déroulement de l'enquête ou de l'instance, ou, enfin, qu'elle ne poursuivra pas l'exécution de son crime.

Il est procédé à l'arrestation provisoire ou à l'arrestation de la personne inculpée, conformément à la législation de l'Etat dans lequel elle se trouve. Celle-ci est déférée sans délai à l'autorité judiciaire de l'Etat qui s'assure, conformément à sa législation, de la régularité de l'arrestation et du respect des droits de l'intéressé. L'autorité judiciaire compétente peut décider la mise en liberté de la personne concernée. Lorsque la personne est remise à la Cour, il appartient à la Chambre préliminaire de confirmer les charges retenues par le procureur pour le renvoi en formation de jugement. Elle tient, à cette fin, en présence du procureur et de la personne concernée, une audience au cours de laquelle elle s'assure qu'« il existe des preuves suffisantes donnant des raisons sérieuses de croire que la personne a commis chacun des crimes qui lui sont imputés ». A défaut de telles preuves, elle peut soit ne pas confirmer les charges, soit demander au procureur une modification des charges ou un supplément d'enquête.

La personne remise à la Cour peut, en outre, demander sa mise en liberté provisoire en attendant d'être jugée. En vertu des dispositions de l'article 60, la Chambre préliminaire réexamine périodiquement sa décision de mise en liberté ou de maintien en détention. De plus, elle s'assure que la détention ne se prolonge pas de manière excessive du fait d'un retard injustifiable qui serait imputable au procureur.

2. Le procès

Le statut dispose que la Chambre de première instance « veille à ce que le procès soit conduit de manière équitable et avec diligence, dans le plein respect des droits de l'accusé ». Le procès est public, sous réserve de la faculté de la Chambre de première instance de prononcer le huis clos en raison de circonstances particulières. La Cour peut prendre des mesures destinées à protéger la sécurité et la dignité des victimes et des témoins et notamment ordonner, à ce titre, le huis clos pour une partie quelconque de la procédure.

3. Les sanctions

La Cour peut prononcer une peine d'emprisonnement à temps de trente ans au plus ou une peine d'emprisonnement à perpétuité « si l'extrême gravité du crime et la situation personnelle du condamné le justifient ». Elle peut y ajouter une amende ou la confiscation des biens tirés du crime. Les peines d'emprisonnement sont exécutées dans un Etat désigné par la Cour sur la liste des Etats qui lui ont fait savoir qu'ils étaient disposés à recevoir des condamnés. Il est précisé que l'Etat qui accepte de recevoir des condamnés peut assortir son acceptation de conditions qui doivent être agrées par la Cour. Celles-ci peuvent, en effet, « être de nature à modifier sensiblement les conditions ou la durée de la détention ».

4. Les recours

Le statut prévoit que le procureur peut interjeter appel d'une demande pour vice de procédure, erreur de droit et erreur de fait. La personne déclarée coupable, ou le procureur au nom de cette personne, peut également interjeter appel pour tout autre motif de nature à compromettre la régularité de la procédure ou de la décision. En outre, le procureur ou le condamné peut interjeter appel contre la peine prononcée au motif d'une disproportion entre le crime et la peine. On observera, enfin, que toute décision de fond ou de procédure, affectant des intérêts légitimes, peut faire l'objet d'un appel par l'une ou l'autre partie.

Il existe, par ailleurs, une procédure de révision des décisions de la Cour, qui peut être mise en oeuvre par la personne déclarée coupable, ses ayants droit ou le procureur, lorsqu'un fait nouveau apparaît.

Les personnes victimes d'une arrestation ou d'une mise en détention illégales, ainsi que celles qui ont subi une peine en raison d'une condamnation ultérieurement annulée, peuvent bénéficier d'une indemnisation.

5. L'indemnisation des victimes des crimes soumis à la Cour

Le statut prévoit la création par l'assemblée des Etats parties d'un fonds au profit des victimes des crimes relevant de la compétence de la Cour et de leurs familles. La Cour peut, en outre, ordonner que le produit des amendes et des biens confisqués alimente le fonds.

C. UN POUVOIR JUDICIAIRE LIMITÉ

En adoptant le statut de la Cour pénale internationale, les participants à la Conférence de Rome ont écarté l'idée d'un pouvoir judiciaire international indépendant. La Cour ne pourra fonctionner sans l'appui du Conseil de sécurité et, dans la plupart des cas, sans l'accord de l'Etat sur le territoire duquel les faits criminels se sont produits ou dont l'auteur est ressortissant. Cet accord résulte de la ratification du Traité de Rome, qui emporte acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour.

Par ailleurs, le statut pose le principe fondamental de la complémentarité de la compétence de la Cour par rapport à celles des juridictions pénales nationales. Il résulte en effet de ses dispositions qu'une affaire est jugée irrecevable par la Cour soit « lorsqu'elle fait l'objet d'une enquête ou de poursuites de la part d'un Etat ayant compétence en l'espèce », soit lorsque, après enquête, « cet Etat a décidé de ne pas poursuivre la personne concernée », soit, enfin, lorsque la personne « a déjà été jugée pour le comportement faisant l'objet de la plainte soumise à la Cour ». Dès qu'il engage une enquête, le procureur doit informer l'Etat dont le suspect est ressortissant ou qui a juridiction sur lui ; il dispose alors d'un délai d'un mois pour faire connaître si des poursuites sont engagées à l'égard de cette personne. L'existence de telles poursuites oblige le procureur à suspendre l'instruction. La Cour a l'obligation d'examiner la recevabilité de l'accusation et l'Etat peut intervenir à l'instance ou en cours d'instruction. L'irrecevabilité de l'accusation s'applique également lorsque l'Etat a abandonné les poursuites. Ce droit de veto est accordé à tous les Etats, même non parties à la Convention, qui ont autorité sur la personne suspectée.

Il reste cependant possible à la Cour de connaître une affaire lorsque l'Etat n'a pas la volonté ou la capacité de mener véritablement les poursuites ou lorsque le manque de volonté de l'Etat le conduit à décider de ne pas poursuivre. Le statut précise que la durée excessive de la procédure, l'interruption du fonctionnement de la justice, l'impossibilité de rassembler les preuves d'un crime ou le non-respect des principes d'indépendance et d'impartialité de la procédure, justifient l'engagement du procès devant la Cour pénale internationale. Si les Etats ont donc la responsabilité principale dans le jugement des personnes, la Cour exerce cependant une compétence supplétive destinée à pallier leur carence.

Ainsi, le système mis en place par le Traité de Rome diffère-t-il de celui retenu pour les tribunaux pénaux internationaux, qui constituent un véritable modèle d'intégration judiciaire. La Cour est en recul par rapport au statut de ces tribunaux, car elle ne représente qu'une forme inédite de coopération internationale en matière pénale, préservant l'intégrité de la souveraineté judiciaire des Etats.

Toutefois, ce système respectueux du consentement des Etats disparaît dès lors qu'entre en jeu le Conseil de sécurité au titre du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Celui-ci dispose du pouvoir d'engager des poursuites en saisissant le procureur, comme d'ailleurs de les interrompre, puisqu'aucune enquête ni aucune poursuite ne peuvent être engagées ni menées pendant un délai de douze mois renouvelable, lorsque le Conseil de Sécurité saisit la Cour d'une demande de sursis par le biais d'une résolution prise sur le fondement du chapitre VII de la Charte. Cette dernière disposition semble réaliste. Seul un petit nombre d'Etats assume aujourd'hui des responsabilités effectives dans les opérations humanitaires et il est évident qu'ils ne souhaitent pas se laisser entraîner dans des aventures incertaines ; au-delà des considérations humanitaires, il convient de prendre également en compte les impératifs de la sécurité.

Quoi qu'il en soit, on doit souligner le rôle essentiel que le Conseil de sécurité sera amené à jouer. Il pourra imposer à un Etat non-membre la juridiction de la Cour. Il lui appartiendra de faire engager et poursuivre une enquête sur des crimes supposés et de saisir la Cour au vu des conclusions du rapport dont il sera saisi. C'est lui qui pourra contraindre les autorités nationales à apporter leur concours aux investigations de la Cour. Enfin, il pourra contraindre les Etats à renoncer à leur compétence au bénéfice de la juridiction de la Cour.

Le succès ou l'échec de cette institution dépendra largement de la bonne volonté des Etats. Mais c'est le Conseil de sécurité qui disposera en dernier ressort du pouvoir de décider de l'exercice effectif de la juridiction de la Cour.

IV. - LA NÉCESSITÉ D'UNE RÉVISION CONSTITUTIONNELLE

Au lendemain de la signature du Traité de Rome portant création de la Cour pénale internationale, de nombreux constitutionnalistes ont souligné la nécessité d'une révision de la Constitution préalable à sa ratification, faisant valoir que la compétence générale de la Cour était contraire aux régimes particuliers de responsabilité institués par la loi fondamentale. Le Conseil d'Etat, dans un avis du 29 février 1996 sur la conformité à la Constitution du projet de statut, avait lui aussi relevé l'inconstitutionnalité d'une telle disposition.

Cette incompatibilité était même pour certains tellement évidente qu'elle rendait inutile la saisine préalable du Conseil constitutionnel, qui ne ferait, selon eux, que retarder la procédure de ratification. Dans un article publié dans la Gazette du Palais en janvier dernier, Jacques Lassausois estimait qu'il n'y avait « pas lieu d'attendre deux années ou plus pour convoquer le congrès sur un sujet aussi simple, l'avis du Conseil constitutionnel étant connu d'avance et, au demeurant, superfétatoire ».

La décision du Conseil constitutionnel du 22 janvier dernier leur a donné partiellement tort. Si, comme prévu, l'article 27 du statut de la Cour pénale internationale, qui donne à cette dernière une compétence générale, quelle que soit la qualité de la personne mise en cause, a été déclarée contraire à la Constitution, le juge constitutionnel a également considéré les dispositions du statut qui pourraient conduire la France à remettre à la Cour une personne à raison de faits amnistiés ou prescrits selon la loi française et celles qui autorisent le procureur à procéder à certains actes d'enquête hors la présence des autorités de l'Etat requis et sur le territoire de ce dernier portaient atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale.

Tirant les conséquences de cette décision plus large que prévu, le projet de loi constitutionnelle insère dans la Constitution un nouvel article qui, par une formule générale, permet la ratification du Traité de Rome et l'adhésion de la France aux principes de paix et de justice défendus par la Cour pénale internationale.

A. UNE DÉCISION CONSTITUTIONNELLE ATTENDUE

1. Une saisine désormais classique

L'article 54 de la Constitution dispose que « Si le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République, le Premier ministre, par le Président de l'une ou l'autre assemblée ou par soixante députés ou soixante sénateurs, a déclaré qu'un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de ratifier ou d'approuver l'engagement international en cause ne peut intervenir qu'après la révision de la Constitution ».

Sur le fondement de cet article, le Président de la République et le Premier ministre ont saisi conjointement le Conseil constitutionnel, le 24 décembre 1998, de la question de savoir si « compte tenu des engagements souscrits par la France, l'autorisation de ratifier le traité portant statut de la Cour pénale internationale signé à Rome le 18 juillet 1998 doit être précédée d'une révision de la Constitution ».

Alors que le recours à l'article 54 a été pendant longtemps extrêmement restreint, le juge constitutionnel n'ayant été saisi que trois fois entre 1958 et 1985, sans d'ailleurs relever aucun motif d'inconstitutionnalité, l'accélération de la construction européenne a banalisé cette procédure. Les traités de Maastricht et d'Amsterdam ont en effet été soumis sur cette base au Conseil constitutionnel, qui a considéré, dans les deux cas ( décisions n° 92-308 DC du 9 avril 1992 et n °97-394 DC du 31 décembre 1997), que leur ratification nécessitait une révision préalable de la Constitution, en raison des « atteintes aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale » qu'ils comportaient.

La décision n° 98-408 DC du 22 janvier 1999 s'inscrit dans le droit fil de ces deux décisions.

Dans son considérant de principe sur les normes de référence applicable, elle reprend l'analyse faite en 1992 et 1997 selon laquelle « le respect de la souveraineté nationale ne fait pas obstacle à ce que, sur le fondement des dispositions précitées du préambule de la Constitution de 1946, la France puisse conclure des engagements internationaux ». L'objectif poursuivi ici n'est pas la construction européenne, mais la « création d'une juridiction internationale permanente destinée à protéger les droits fondamentaux appartenant à toute personne humaine, en sanctionnant les atteintes les plus graves qui leur seraient portées, et compétente pour juger les responsables de crimes d'une gravité telle qu'ils touchent l'ensemble de la communauté internationale ».

Le juge constitutionnel apporte toutefois une précision qui ne figurait pas dans ses décisions antérieures : il prend en effet soin d'indiquer que « les obligations nées de tels engagements s'imposent à chacun des Etats parties indépendamment des conditions de leur exécution par les autres Etats parties » et que « la réserve de réciprocité mentionnée à l'article 55 de la Constitution n'a pas lieu de s'appliquer ».

Rappelons que l'article 55 de la Constitution ne confère aux traités ou accord régulièrement ratifiés ou approuvés une autorité supérieure à celle des lois que « sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie ».

Or, en 1992 comme en 1997, le Conseil constitutionnel n'a pas manqué de rappeler que les limitations de souveraineté nécessaires à l'organisation et à la défense de la paix autorisées par le quatorzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 n'étaient possibles que « sous réserve de réciprocité », alors même que le fonctionnement interne de l'Union européenne excluait l'application de ce principe. Ainsi qu'il l'a indiqué dans une décision n° 98-400 DC du 20 mai 1998, la réciprocité doit en effet être appréciée au niveau de la procédure de ratification, et non pas à l'intérieur même des structures européennes, puisque celles-ci prévoient déjà des mesures de sanctions en cas de manquement aux obligations communautaires.

Bien que la situation soit sensiblement la même pour la Cour pénale internationale, puisque le statut prévoit la saisine du conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies en cas de manquement d'un des Etats parties à ses obligations, le juge constitutionnel a préféré écarter explicitement la réserve de réciprocité, rappelant ainsi que la France ne pourrait pas s'exonérer des obligations résultant du traité en invoquant l'article 55. Il a, par là même, souligné l'importance qu'il attache à la création d'une juridiction pénale internationale chargée de juger les atteintes les plus graves aux droits fondamentaux de la personne humaine.

2. Un Traité globalement conforme à la Constitution

Après avoir résumé brièvement le contenu de l'engagement international qui lui était soumis et rappelé les normes de référence applicables, le Conseil constitutionnel a fixé les principes au regard desquels il a apprécié la constitutionnalité du dispositif soumis : au respect des dispositions mêmes de la Constitution et des conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, auquel faisaient déjà référence les décisions de 1992 et 1997, il a ajouté le respect des droits et libertés constitutionnellement garantis, parmi lesquels figurent les principes constitutionnels applicables au droit pénal et à la procédure pénale, s'adaptant ainsi au contenu du traité examiné.

Si aucune disposition du Traité n'a été jugée non conforme aux principes constitutionnels applicables au droit pénal et à la procédure pénale, deux d'entre elles ont été considérées comme portant atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, en plus de celle, attendue, déclarée contraire aux régimes de responsabilité institués par les articles 26, 68 et 68-1 de la Constitution.

a) La conformité à la Constitution

Le Conseil constitutionnel a commencé par examiner la conformité à la Constitution de la disposition ayant motivé sa saisine, c'est-à-dire l'article 27 du statut de la Cour pénale internationale, qui prévoit que « la qualité officielle de chef de l'Etat ou de gouvernement, de membre d'un gouvernement ou d'un parlement ... n'exonère en aucun cas de la responsabilité pénale au regard du présent statut, pas plus qu'elle ne constitue en tant que telle un motif de réduction de la peine ».

De manière prévisible, il a estimé que cet article était contraire :

-  à l'article 26 de la Constitution, qui donne aux membres du Parlement une immunité pour les opinions émises dans l'exercice de leurs fonctions et précise que, hors les cas de flagrance ou de condamnation définitive, ils ne peuvent être arrêtés ou faire l'objet de toute autre mesure privative ou restrictive de liberté qu'avec l'autorisation du bureau de l'assemblée dont ils font partie ;

-  à l'article 68, qui confère au Président de la République une immunité, hors le cas de haute trahison, pour les actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions ;

-  à l'article 68-1, qui dispose que les membres du Gouvernement ne peuvent être jugés pour les crimes et les délits commis dans l'exercice de leurs fonctions que par la Cour de justice de la République.

Il a en revanche considéré que les dispositions relatives à l'exécution des peines prononcées par la Cour pénale internationale, qui autorisent la France à accorder aux personnes condamnées une dispense totale ou partielle de l'exécution de ces peines, n'étaient pas contraire à l'article 17 de la Constitution sur le droit de grâce du Président de la République.

Conformément à sa jurisprudence, le Conseil constitutionnel n'a pas confronté point par point les autres dispositions du Traité à la Constitution, se contentant dans la formule finale d'indiquer « qu'aucune des autres stipulations du traité soumis au Conseil constitutionnel au titre de l'article 54 de la Constitution n'est contraire à celle-ci ».

b) Le respect des principes constitutionnels applicables au droit pénal et à la procédure pénale

Après la Constitution, le juge constitutionnel a ensuite vérifié la conformité du statut de la Cour pénale internationale aux principes constitutionnels applicables au droit pénal et à la procédure pénale. Ce fut pour lui l'occasion de rappeler de manière synthétique les principales normes de référence en la matière, dégagées au cours des vingt dernières années.

Il a ainsi considéré que le statut de la Cour pénale internationale ne portait pas atteinte à la présomption d'innocence garantie par l'article 9 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, aux principes de la légalité des délits et des peines et de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère, qui découlent des articles 7 et 8 de cette même déclaration, au respect des droits de la défense et à l'équilibre des droits des parties, principes dont la valeur constitutionnelle a été reconnue dès 1976 pour le premier (décision du 2 décembre 1976) et dans une décision du 2 février 1995 pour le second, ni à la nécessité d'indépendance de l'autorité judiciaire. Notons que le Conseil constitutionnel a complété ce dernier principe en ajoutant une référence à l'exigence d'impartialité.

Outre les dispositions jugées conformes aux principes constitutionnels cités ci-dessus, les juges de la rue Montpensier ont évoqué un certain nombre d'articles du statut, précisant que ceux-ci ne portaient atteinte à « aucune règle ni aucun principe à valeur constitutionnelle ».

Ils ont ainsi considéré que l'imprescriptibilité des crimes relevant de la compétence de la Cour n'était pas inconstitutionnelle, aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle n'interdisant « l'imprescriptibilité des crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale ». Cette analyse, qui n'a rien d'évidente puisque la loi française limite l'imprescriptibilité aux seuls crimes contre l'humanité, mérite d'être soulignée, d'autant plus que le Conseil d'Etat, dans son avis précité du 29 février 1996, avait estimé que « l'existence d'une règle de prescription qui est un principe fondamental reconnu par les lois de la République exige que, pour les crimes dont la nature n'est pas d'être imprescriptible, un délai de prescription soit fixé dans le statut, en fonction de la gravité des crimes commis ».

De la même manière, le Conseil constitutionnel a estimé que les dispositions relatives aux demandes d'arrestation et de remise d'une personne qui, soit a déjà été reconnue coupable par la Cour, soit a fait l'objet d'un mandat d'arrêt délivré par la chambre préliminaire parce qu'il y a « de bonnes raisons de croire » qu'elle « a commis un crime relevant de la compétence de la Cour », ne portaient atteinte à aucun principe ni à aucune règle de valeur constitutionnelle « eu égard à la finalité de la remise et aux garanties de procédure mises en oeuvre ».

Enfin, il a considéré que les modalités d'appel des décisions de la chambre préliminaire et de la Cour dans la formation de chambre de première instance, la procédure de révision d'une décision sur la culpabilité ou la peine et la procédure d'indemnisation des personnes victimes d'une arrestation ou d'une mise en détention illégales, ainsi que des personnes ayant subi une peine à raison d'une condamnation ultérieurement annulée, de même que les dispositions relatives à la protection ou à l'indemnisation des victimes, étaient conformes à la Constitution.

c) Le respect des conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale

Ayant à concilier le respect de la souveraineté nationale, garanti par la Constitution de 1958, et l'insertion de la France dans l'ordre juridique international, prévue par le préambule de la Constitution de 1946, qui rappelle que « la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l'organisation et à la défense de la paix », le Conseil constitutionnel a considéré qu'un engagement international n'était contraire à la Constitution que s'il portait atteinte « aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ».

Cette notion a été précisée au fil des décisions prononcées sur la base de l'article 54 de la Constitution par le juge constitutionnel. On se reportera sur ce point au rapport n° 1212 de M. Henri Nallet sur la loi constitutionnelle modifiant l'article 88-2 de la Constitution, qui procède à une analyse détaillée de l'évolution de ce principe. Pour apprécier la constitutionnalité de l'engagement international et l'éventuelle atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté, le Conseil constitutionnel examine le domaine et les modalités du transfert de compétence ; par ailleurs, il se contente, depuis la décision n° 97-394 DC du 31 décembre 1997 précitée, d'une atteinte potentielle à ces conditions d'exercice de la souveraineté, sans exiger une atteinte avérée.

La décision du 22 janvier 1999 n'apporte pas de modification fondamentale à cette jurisprudence, d'autant qu'il s'agit en l'espèce davantage d'un partage de compétences que d'un transfert de compétences.

- Sur la complémentarité de la Cour pénale internationale par rapport aux juridictions criminelles nationales

Le Conseil constitutionnel a d'abord examiné la conformité des modalités d'application du principe de complémentarité de la Cour pénale internationale par rapport aux juridictions criminelles nationales.

Il a ainsi considéré que les dispositions du traité qui apportent des restrictions au principe de complémentarité de la Cour, lorsque l'Etat partie se soustrait délibérément à ses obligations, ne méconnaissaient pas les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, dans la mesure où elles « fixent limitativement et objectivement les hypothèses dans lesquelles la Cour pénale internationale pourra se déclarer compétente ». De même, les stipulations du traité qui permettent à la Cour de se reconnaître compétente en cas d'effondrement ou d'indisponibilité de l'appareil judiciaire national ne portent pas atteinte à la souveraineté nationale, puisque la garantie des droits ne serait plus assurée par la France et qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, « toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée...n'a point de Constitution ».

En revanche, le juge constitutionnel a considéré que le fait que la Cour pénale internationale puisse être valablement saisie lorsque le crime commis a été amnistié ou prescrit selon la loi française, sans qu'il y ait de la part de la France un manque de volonté, et que notre pays puisse être conduit à arrêter et à remettre à la Cour l'auteur de ce crime, était une atteinte potentielle aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale.

Donc, si l'imprescriptibilité des crimes qui relèvent de la Cour pénale internationale n'est pas en elle-même contraire à un principe de valeur constitutionnelle, comme l'a expressément indiqué le Conseil constitutionnel, l'articulation de ce principe avec les dispositions sur la complémentarité de la Cour et les règles internes en matière de prescription porte atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale.

On observera que c'est la seconde fois que le Conseil constitutionnel sanctionne une atteinte qui n'est pas effective, mais seulement potentielle, aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté. Dans le cas de l'amnistie, cette atteinte paraît très hypothétique, les lois d'amnistie excluant généralement les crimes les plus graves susceptibles de relever de la juridiction de la Cour pénale.

-  Sur la coopération internationale

Le Conseil constitutionnel a ensuite examiné les modalités de coopération des Etats aux enquêtes menées par le procureur de la Cour pénale internationale.

Il a considéré, de manière tout à fait logique puisqu'elles ont été jugées par certains trop protectrices, que les dispositions sur l'exécution des demandes de coopération et d'assistance de la Cour, qui permettent notamment aux Etats de refuser les demandes qui ont pour objet « la divulgation d'éléments de preuve ou la production de documents touchant à la sécurité nationale », garantissaient le respect des conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale.

De même, le fait que le procureur puisse prendre certaines mesures d'enquête sur le territoire d'un Etat lorsqu'aucune autorité judiciaire nationale n'est disponible pour donner suite à une demande de coopération, n'a pas été jugé contraire aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale.

En revanche, le juge constitutionnel a considéré que les dispositions qui permettent au procureur de procéder à certains actes d'enquête, notamment de recueillir les dépositions de témoins et d'inspecter un site public, hors la présence des autorités judiciaires françaises compétentes et sans qu'aucune circonstance particulière soit exigée, étaient de nature à porter atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale.

Cette analyse se fonde sur une décision antérieure du Conseil constitutionnel (décision n° 80-116 DC du 17 juillet 1980), dans laquelle celui-ci avait considéré que la règle selon laquelle les autorités judiciaires françaises sont seules compétentes pour accomplir en France, dans les formes prescrites par la loi, les actes qui peuvent être demandés par une autorité étrangère au titre de l'entraide judiciaire en matière pénale découlait du principe la souveraineté nationale : en l'espèce, il avait jugé que la convention franco-allemande faisant l'objet de la loi de ratification qui lui était soumise ne portait pas atteinte à cette règle. Cette jurisprudence a été confirmée par la décision n° 97-394 DC du 31 décembre 1997, dans laquelle le juge constitutionnel a implicitement jugé que les investigations de la Cour des comptes européenne sur le territoire national ne portaient pas atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté, dès lors que les magistrats de cette Cour étaient toujours accompagnés de leurs homologues français.

Le Conseil constitutionnel reprend ce principe, pour conclure cette fois que les dispositions examinées y portent atteinte et qu'elles sont donc incompatibles avec le respect des conditions essentielles d'exercice de la souveraineté.

B. UNE RÉVISION CONSTITUTIONNELLE SIMPLIFIÉE

1. Les deux voies possibles

Comme dans ses précédentes décisions, le Conseil constitutionnel s'est contenté de désigner les dispositions jugées inconstitutionnelles, laissant au pouvoir exécutif le soin de définir les modalités de la révision.

Celui-ci s'est trouvé devant un choix : il pouvait soit procéder à des modifications permettant de répondre point par point aux objections du Conseil constitutionnel, soit faire figurer dans la Constitution une formule générale par laquelle la France reconnaîtrait le statut de la Cour pénale internationale.

Si la modification des articles 26, 68 et 68-1 de la Constitution, visés expressément par le juge constitutionnel dans sa décision, était envisageable, quoique délicate à mettre en _uvre, l'adaptation de la loi fondamentale à ses observations relatives à la compétence de la Cour en cas d'amnistie ou de prescription et aux pouvoirs du procureur était beaucoup plus difficile à réaliser, puisque l'inconstitutionnalité n'était pas relevée par référence à des articles précis de la Constitution. Une révision « limitée » aurait, en tout état de cause, nécessité l'introduction dans la Constitution d'un article nouveau permettant de lever l'inconstitutionnalité de ces deux dernières dispositions.

Le Gouvernement a donc choisi la simplicité en proposant, pour la première fois, une modification globale de la Constitution, qui ouvre la voie à la ratification du Traité du 18 juillet 1998.

2. Une formule générale de révision

L'article unique du projet de loi constitutionnelle complète le titre VI de la Constitution relatif aux traités et accords internationaux par un nouvel article 53-2 qui dispose que « La République peut reconnaître la juridiction de la Cour pénale internationale dans les conditions prévues par le traité signé le 18 juillet 1998 ».

Il semble que la formule proposée, malgré son caractère général, ne couvre que les inconstitutionnalités soulevées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 22 janvier dernier. En faisant référence au traité « signé le 18 juillet 1998 », l'article unique du projet de loi constitutionnelle paraît écarter une conformité a priori des futurs amendements qui pourraient y être apportés, y compris ceux qui sont d'ores et déjà prévus, comme la définition du crime d'agression. Toute modification du traité signé à Rome le 18 juillet 1998 nécessitera donc, le cas échéant, une nouvelle révision constitutionnelle.

L'utilisation d'une formule potestative, «La République peut reconnaître », de préférence à une formule impérative, « La République reconnaît », permet de respecter les dispositions de la Constitution concernant la procédure de ratification.

L'article 54 dispose en effet que, lorsque qu'un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de ratifier cet engagement ne peut intervenir qu'après révision de la Constitution ; il distingue donc bien la phase de révision constitutionnelle de celle qui autorise la ratification. Or la formule impérative méconnaît cette distinction, mélangeant révision constitutionnelle et autorisation de ratification.

L'article 52, quant à lui, confie au Président de la République une compétence exclusive en matière de ratification : si le Parlement autorise la ratification, seul le Président de la République peut ratifier. La formule potestative permet de respecter ce partage des compétences.

Il convient par ailleurs de noter que le Gouvernement a préféré faire référence à la juridiction de la Cour pénale internationale plutôt qu'à sa compétence. Cette dernière formule, plus claire, est en effet apparue trop restrictive : si elle permettait de lever l'inconstitutionnalité de la compétence de la Cour à l'égard du Président de la République, des ministres et des parlementaires ainsi qu'à l'égard des faits prescrits ou amnistiés par la loi française, elle ne réglait pas, en revanche, la question du droit pour le procureur d'effectuer des investigations sur le territoire national sans être assisté des autorités judiciaires compétentes. Afin de couvrir tous les cas d'inconstitutionnalité, il est apparu préférable d'utiliser une formule plus large et de faire référence à la reconnaissance de la juridiction de la Cour pénale internationale.

*

* *

Intervenant dans la discussion générale, M. Louis Mermaz a, en préambule, insisté sur le fait que la mise en place d'une Cour internationale permanente représentait un grand progrès par rapport à la pratique des tribunaux ad hoc, notamment en raison de son caractère dissuasif. Après avoir rappelé que 120 pays avaient approuvé la convention de Rome, il s'est ensuite interrogé sur les raisons pour lesquelles l'Inde, Israël et surtout les Etats-Unis avaient refusé d'y adhérer, évoquant, à cet égard, le précédent que constituent les dispositions permettant à ce même pays de s'abstraire des règles fixées dans le cadre de l'organisation mondiale du commerce.

Evoquant le cas du Rwanda, M. Richard Cazenave a justifié la création d'une Cour pénale internationale permanente en soulignant qu'un trop grand décalage entre le moment où des crimes de guerre ont été commis et celui où ils sont déférés devant un tribunal ad hoc compromettrait le rétablissement de la démocratie dans les pays concernés. Après s'être interrogé sur l'opportunité de cantonner le champ de compétence territorial de la nouvelle juridiction internationale aux Etats parties à la convention de Rome, il s'est demandé s'il ne serait pas préférable de déterminer la compétence rationae loci de la Cour par des décisions du conseil de sécurité, prises sur la base du chapitre VII de la Charte de l'O.N.U. Observant que la formule de révision constitutionnelle proposée était imparfaite parce qu'elle renvoyait à un texte extérieur à l'ordre constitutionnel interne, il a, en outre, souligné qu'il ne faudrait pas qu'elle soit interprétée comme une approbation anticipée implicite de toutes les annexes ou protocoles additionnels postérieurs à la convention.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes.

Sur la formulation générale retenue par le projet de loi constitutionnelle :

-  Ce n'est pas la première fois qu'un projet de loi constitutionnelle fait référence à un traité, puisque les articles 88-2 et 88-3 de la Constitution renvoient d'ores et déjà au Traité sur l'Union européenne.

-  Il est légitime de s'interroger sur la formulation proposée ; il était cependant difficile de prendre en compte les observations du Conseil constitutionnel relatives à l'atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, qui ne visent pas d'articles précis de la Constitution, autrement que par une formule globale.

Sur le Traité signé à Rome le 18 juillet 1998 :

-  La procédure du traité, avec les négociations préalables qu'elle implique, a été choisie de préférence à une redéfinition du rôle du conseil de sécurité donnant à ce dernier compétence pour saisir la juridiction internationale, car il était indispensable de parvenir à un accord sur la définition des crimes et des peines relevant de la Cour pénale internationale.

-  Une juridiction permanente est effectivement plus à même que les tribunaux ad hoc de juger rapidement les crimes les plus atroces.

-  Même si certains Etats n'ont pas voté, une majorité de pays, dont les Etats africains, ont approuvé la création de la Cour pénale internationale ; en tout état de cause, la compétence de la Cour s'exercera également vis-à-vis des Etats qui ne sont pas partie au traité, sur saisine du conseil de sécurité.

-  Il est difficile d'indiquer avec précision les raisons pour lesquelles les Etats-Unis n'ont pas voulu signer le traité : l'impossibilité de faire des réserves, sauf pour ce qui concerne les crimes de guerre, et la possibilité de faire juger les militaires américains intervenant dans le cadre d'une mission de maintien de la paix par une juridiction étrangère expliquent en partie l'attitude américaine.

La Commission a ensuite adopté l'article unique du projet de loi constitutionnelle.

*

* *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République vous demande d'adopter sans modification le projet de loi constitutionnelle (n° 1462) insérant au titre VI de la Constitution un article 53-2 et relatif à la Cour pénale internationale.

TABLEAU COMPARATIF

___

Texte en vigueur

___

Texte du projet de loi
constitutionnelle

___

Propositions de la Commission

___

Constitution du 4 octobre 1958

Titre VI

Des traités et
accords internationaux

Article unique

Il est inséré au titre VI de la Constitution un article 53-2 ainsi rédigé :

Article unique

(Sans modification).

 

« Art. 53-2. -  La République peut reconnaître la juridiction de la Cour pénale internationale dans les conditions prévues par le traité signé le 18 juillet 1998. »

 
     

A N N E X E 1

Décision n° 98-408 DC du 22 janvier 1999

Traité portant statut de la Cour pénale internationale

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 24 décembre 1998, par le Président de la République et le Premier Ministre, conformément à l'article 54 de la Constitution, de la question de savoir si, compte tenu des engagements souscrits par la France, l'autorisation de ratifier le traité portant statut de la Cour pénale internationale signé à Rome le 18 juillet 1998 doit être précédée d'une révision de la Constitution ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;

Vu le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 18, alinéa 2, 19 et 20 ;

Vu le décret du 2 décembre 1910 portant promulgation de la Convention concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, signée à La Haye le 18 octobre 1907 et le règlement annexé concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre ;

Vu le décret du 22 août 1928 promulguant le Protocole concernant la prohibition d'emploi à la guerre des gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et de moyens bactériologiques, signé à Genève le 17 juin 1925 ;

Vu le décret n° 45-2267 du 6 octobre 1945 portant promulgation de l'accord entre le Gouvernement provisoire de la République française et les Gouvernements des Etats-Unis d'Amérique, du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et de l'Irlande du Nord, et de l'Union des républiques socialistes soviétiques concernant la poursuite et le châtiment des grands criminels de guerre des puissances européennes de l'axe, signé à Londres le 8 août 1945, ensemble le statut du tribunal militaire international ;

Vu le décret n° 46-35 du 4 janvier 1946 portant promulgation de la Charte des Nations Unies contenant le statut de la cour internationale de justice, signée à San-Francisco, le 26 juin 1945 ;

Vu le décret n° 50-1449 du 24 novembre 1950 portant publication de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide approuvée par l'assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1948 ;

Vu le décret n° 52-253 du 28 février 1952 portant publication de la Convention relative au traitement des prisonniers de guerre, de la Convention relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, de la Convention pour l'amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer, de la Convention pour l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne, signées à Genève le 12 août 1949 ;

Vu la loi n° 64-1326 du 26 décembre 1964 tendant à constater l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité ;

Vu la loi n° 83-1130 du 23 décembre 1983 autorisant l'adhésion de la République française au protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (protocole II), adopté à Genève le 8 juin 1977, ensemble le décret n° 84-727 du 17 juillet 1984 portant publication de ce protocole ;

Vu la loi n° 87-1134 du 31 décembre 1987 autorisant la ratification d'une convention sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination (ensemble les protocoles I et II), conclue à Genève le 10 octobre 1980, ensemble le décret n° 88-1021 du 2 novembre 1988 portant publication de cette convention ;

Vu la loi n° 90-548 du 2 juillet 1990 autorisant la ratification de la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990, ensemble le décret n° 90-917 du 8 octobre 1990 portant publication de cette convention ;

Vu la loi n° 95-1 du 2 janvier 1995 portant adaptation de la législation française aux dispositions de la résolution 827 du Conseil de sécurité des Nations Unies instituant un tribunal international en vue de juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991 ;

Vu la loi n° 96-432 du 22 mai 1996 portant adaptation de la législation française aux dispositions de la résolution 955 du Conseil de sécurité des Nations Unies instituant un tribunal international en vue de juger les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire commis en 1994 sur le territoire du Rwanda et, s'agissant de citoyens rwandais, sur le territoire d'Etats voisins ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

- Sur le contenu de l'engagement international soumis au conseil constitutionnel :

Considérant que le traité, signé à Rome le 18 juillet 1998, porte création de la Cour pénale internationale et en définit le statut ; qu'il précise que cette Cour, de caractère permanent et dotée de la personnalité juridique internationale, peut exercer sa compétence à l'égard des crimes les plus graves, commis par des personnes physiques, qui touchent l'ensemble de la communauté internationale et qui, suivant les termes du préambule du traité, sont de nature à menacer « la paix, la sécurité et le bien-être du monde » ; que le traité indique que la Cour, qui peut exercer ses fonctions et ses pouvoirs sur le territoire des Etats parties, « est complémentaire des juridictions criminelles nationales » ; qu'il stipule que la Cour « est liée aux Nations Unies par un accord qui doit être approuvé par l'Assemblée des Etats parties au présent statut, puis conclu par le Président de la Cour au nom de celle-ci » ; qu'il incombera à l'Assemblée des Etats parties d'adopter, à la majorité des deux tiers de ses membres, le règlement de procédure et de preuve la concernant ;

Considérant que la Cour, qui aura son siège à La Haye, aux Pays-Bas, « Etat hôte », est composée en particulier d'une section préliminaire, d'une section de première instance et d'une section des appels ; que les juges, au nombre de dix-huit au moins, sont élus par l'Assemblée des Etats parties, pour un mandat de neuf ans ; que la section des appels est composée du président et de quatre juges, la section de première instance et la section préliminaire étant, quant à elles, composées de six juges au moins ; que les fonctions judiciaires de la Cour sont exercées dans chaque section par des chambres ; que les juges exercent leurs fonctions en toute indépendance et ne sont pas rééligibles ; qu'ils adoptent, à la majorité absolue, le règlement nécessaire au fonctionnement quotidien de la Cour ;

Considérant que les autres organes de la Cour sont le bureau du procureur et le greffe ; que le bureau du procureur, composé du procureur, qui le dirige, et des procureurs adjoints, « agit indépendamment en tant qu'organe distinct au sein de la Cour » ; que les procureurs sont élus par l'Assemblée des Etats parties et exercent leurs fonctions pendant neuf ans ; qu'ils ne sont pas rééligibles ; qu'enfin, le greffe, dirigé par un greffier, est responsable des aspects non judiciaires de l'administration et du service de la Cour ;

Considérant qu'un Etat partie ou le Conseil de sécurité agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies peut déférer au procureur une situation dans laquelle des crimes relevant de la compétence de la Cour paraissent avoir été commis ; qu'en outre, le procureur peut ouvrir une enquête au vu de renseignements concernant les mêmes crimes si la chambre préliminaire, après examen des éléments justificatifs qu'il a recueillis, lui en donne l'autorisation ;

Considérant que la chambre préliminaire, après ouverture d'une enquête, est seule compétente pour prendre, sur requête du procureur, des mesures restrictives ou privatives de liberté, telles que la délivrance d'un mandat d'arrêt ou d'une citation à comparaître ; que ladite chambre dispose d'un pouvoir général de suivi des enquêtes et poursuites diligentées par le procureur ; que ce pouvoir s'exerce notamment en matière de preuve, s'agissant de recueillir, d'examiner ou de vérifier certains éléments de preuve aux fins d'un procès à la demande du procureur ou à celle de la personne poursuivie ; que, dans un délai raisonnable après la remise de la personne à la Cour, il appartient à la chambre préliminaire de confirmer éventuellement les charges sur lesquelles le procureur entend se fonder pour requérir le renvoi en jugement ; qu'elle tient à cette fin une audience, en présence du procureur et de la personne concernée, au cours de laquelle elle s'assure qu'« il existe des preuves suffisantes donnant des raisons sérieuses de croire que la personne a commis chacun des crimes qui lui sont imputés » ; qu'à défaut de telles preuves, elle peut soit ne pas confirmer lesdites charges, soit demander au procureur une modification des charges ou un supplément d'enquête ;

Considérant que le procès ne commence devant la chambre de première instance qu'après la confirmation des charges ; qu'en cas de verdict de culpabilité, la chambre de première instance fixe la peine à appliquer ; qu'il peut être fait appel de la décision ainsi rendue devant la chambre d'appel qui a les mêmes pouvoirs que la chambre de première instance ; que la chambre d'appel peut annuler ou modifier la décision ou la condamnation ou ordonner un nouveau procès devant une chambre de première instance différente ;

Considérant que les peines d'emprisonnement prononcées par la Cour sont exécutées dans un Etat désigné par celle-ci sur la liste des Etats ayant fait savoir qu'ils sont disposés à recevoir des condamnés ; que, si aucun Etat n'est désigné, la peine est exécutée « dans un établissement pénitentiaire fourni par l'Etat hôte » ; que la Cour contrôle l'exécution des peines d'emprisonnement ;

-  Sur les normes de référence applicables :

Considérant que le peuple français a, par le préambule de la Constitution de 1958, proclamé solennellement « son attachement aux droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946 » ; qu'il ressort, par ailleurs, du préambule de la Constitution de 1946 que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d'asservissement et de dégradation est un principe de valeur constitutionnelle ;

Considérant que, dans son article 3, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen énonce que « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation » ; que l'article 3 de la Constitution de 1958 dispose, dans son premier alinéa, que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum » ;

Considérant que le préambule de la Constitution de 1946 proclame, dans son quatorzième alinéa, que la République française se « conforme aux règles du droit public international » et, dans son quinzième alinéa, que « sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l'organisation et à la défense de la paix » ;

Considérant que, dans son article 53, la Constitution de 1958 consacre, comme le faisait l'article 27 de la Constitution de 1946, l'existence de « traités ou accords relatifs à l'organisation internationale » ; qu'en vertu de l'article 55 de la Constitution de 1958 : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie » ;

Considérant qu'il résulte de ces textes de valeur constitutionnelle que le respect de la souveraineté nationale ne fait pas obstacle à ce que, sur le fondement des dispositions précitées du préambule de la Constitution de 1946, la France puisse conclure des engagements internationaux en vue de favoriser la paix et la sécurité du monde et d'assurer le respect des principes généraux du droit public international ; que les engagements souscrits à cette fin peuvent en particulier prévoir la création d'une juridiction internationale permanente destinée à protéger les droits fondamentaux appartenant à toute personne humaine, en sanctionnant les atteintes les plus graves qui leur seraient portées, et compétente pour juger les responsables de crimes d'une gravité telle qu'ils touchent l'ensemble de la communauté internationale ; qu'eu égard à cet objet, les obligations nées de tels engagements s'imposent à chacun des Etats parties indépendamment des conditions de leur exécution par les autres Etats parties ; qu'ainsi, la réserve de réciprocité mentionnée à l'article 55 de la Constitution n'a pas lieu de s'appliquer ;

Considérant, toutefois, qu'au cas où ces engagements contiennent une clause contraire à la Constitution, mettent en cause les droits et libertés constitutionnellement garantis ou portent atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, l'autorisation de les ratifier appelle une révision constitutionnelle ;

Considérant que c'est au regard de ces principes qu'il revient au Conseil constitutionnel de procéder à l'examen du traité portant statut de la Cour pénale internationale signé à Rome le 18 juillet 1998 ;

- Sur le respect des dispositions de la constitution relatives a la responsabilité pénale des titulaires de certaines qualités officielles :

Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 27 du statut : « Le présent statut s'applique à tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle. En particulier, la qualité officielle de chef d'Etat ou de gouvernement, de membre d'un gouvernement ou d'un parlement... n'exonère en aucun cas de la responsabilité pénale au regard du présent statut, pas plus qu'elle ne constitue en tant que telle un motif de réduction de la peine » ; qu'il est ajouté, au 2 de l'article 27, que « les immunités ou règles de procédure spéciales qui peuvent s'attacher à la qualité officielle d'une personne, en vertu du droit interne ou du droit international, n'empêchent pas la Cour d'exercer sa compétence à l'égard de cette personne » ;

Considérant qu'il résulte de l'article 68 de la Constitution que le Président de la République, pour les actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions et hors le cas de haute trahison, bénéficie d'une immunité ; qu'au surplus, pendant la durée de ses fonctions, sa responsabilité pénale ne peut être mise en cause que devant la Haute Cour de Justice, selon les modalités fixées par le même article ; qu'en vertu de l'article 68-1 de la Constitution, les membres du Gouvernement ne peuvent être jugés pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions que par la Cour de justice de la République ; qu'enfin, les membres du Parlement, en vertu du premier alinéa de l'article 26 de la Constitution, bénéficient d'une immunité à raison des opinions ou votes émis dans l'exercice de leurs fonctions, et, en application du deuxième alinéa du même article, ne peuvent faire l'objet, en matière criminelle ou correctionnelle, hors les cas de flagrance ou de condamnation définitive, d'une arrestation ou de toute autre mesure privative ou restrictive de liberté qu'avec l'autorisation du bureau de l'assemblée dont ils font partie ;

Considérant qu'il suit de là que l'article 27 du statut est contraire aux régimes particuliers de responsabilité institués par les articles 26, 68 et 68-1 de la Constitution ;

- Sur le respect des principes constitutionnels applicables au droit penal et a la procédure pénale :

Considérant qu'en application des dispositions de l'article 5, la Cour pénale internationale a compétence à l'égard du crime de génocide, des crimes contre l'humanité, des crimes de guerre et du crime d'agression ; qu'elle ne pourra toutefois exercer effectivement sa compétence à l'égard du crime d'agression que lorsque celui-ci aura été défini par un nouveau traité portant révision du statut, conformément aux articles 121 et 123 ;

Considérant que l'article 6 énumère les actes qui, « commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux », peuvent être retenus sous la qualification pénale de « crime de génocide » ; que l'article 7 précise, quant à lui, les actes qui, « commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre une population civile et en connaissance de cette attaque », peuvent être qualifiés pénalement de « crimes contre l'humanité » ; qu'enfin, l'article 8 indique que la Cour a compétence à l'égard des « crimes de guerre » et en dresse la liste ; que figurent en particulier dans celle-ci les crimes qui « s'inscrivent dans un plan ou une politique ou lorsqu'ils font partie d'une série de crimes analogues commis sur une grande échelle » ;

Considérant qu'aux termes de l'article 29 du statut : « Les crimes relevant de la compétence de la Cour ne se prescrivent pas » ; qu'aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, n'interdit l'imprescriptibilité des crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale ;

Considérant que l'article 66 affirme la présomption d'innocence dont bénéficie toute personne jusqu'à ce que sa culpabilité ait été établie devant la Cour ; qu'il incombe au procureur de prouver la culpabilité de l'accusé ; qu'en application de l'article 67, celui-ci bénéficie de la garantie de « ne pas se voir imposer le renversement du fardeau de la preuve ni la charge de la réfutation » ; que sont en conséquence respectées les exigences qui découlent de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

Considérant qu'il résulte de l'article 22 du statut qu'une personne n'est pénalement responsable que si son comportement constitue, au moment où il se produit, un crime relevant de la compétence de la Cour ; que la définition d'un crime est d'interprétation stricte et ne peut être étendue par analogie ; que l'article 25 définit les cas de responsabilité pénale individuelle susceptibles de donner lieu à condamnation ; qu'en application de l'article 30, nul n'est pénalement responsable à défaut d'intention et de connaissance accompagnant l'élément matériel du crime ; que, par ailleurs, les articles 31 à 33 énumèrent les motifs d'exonération de la responsabilité pénale pouvant être retenus ; qu'ainsi, le statut fixe précisément le champ d'application des incriminations comme des exonérations de responsabilité pénale et définit les crimes, tant dans leur élément matériel que dans leur élément moral, en termes suffisamment clairs et précis pour permettre la détermination des auteurs d'infractions et éviter l'arbitraire ; que sont également de nature à éviter l'arbitraire la motivation, exigée par l'article 74 du statut, de la décision rendue par la chambre de première instance, ainsi que la motivation de l'arrêt de la chambre d'appel prévue par l'article 83 ; que ces stipulations respectent le principe de légalité des délits et des peines qui découle des articles 7 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

Considérant qu'il résulte du 1 de l'article 11 que la Cour n'est compétente qu'à l'égard des crimes commis après l'entrée en vigueur du statut ; que l'article 24 pose le principe de « non-rétroactivité ratione personae » et celui de l'application immédiate du droit le plus favorable ; qu'il est ainsi satisfait au principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère qui résulte de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 89 du statut, la Cour peut présenter à l'Etat sur le territoire duquel est susceptible de se trouver une personne, quelle que soit sa nationalité, une demande d'arrestation et de remise, et solliciter à cette fin la coopération de cet Etat ; que, lorsqu'elle présente une telle demande, la Cour se trouve dans l'exercice de ses compétences telles que définies par les articles 5 à 13 du statut, s'agissant de situations qui ont été déférées au procureur ou pour lesquelles le procureur a ouvert une enquête de sa propre initiative ; que la demande d'arrestation et de remise vise soit une personne qui a déjà été reconnue coupable par la Cour, soit une personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt délivré par la chambre préliminaire et dont, aux termes de l'article 58, il y a de « bonnes raisons de croire » qu'elle « a commis un crime relevant de la compétence de la Cour », son arrestation étant justifiée par l'un des motifs énoncés au b) du 1 de l'article 58 ; qu'eu égard à la finalité de la remise et aux garanties de procédure mises en oeuvre par la Cour, il n'est porté atteinte à aucun principe ni à aucune règle de valeur constitutionnelle ;

Considérant qu'en application des dispositions de l'article 59, il est procédé, conformément à la législation de l'Etat qui reçoit la demande, à l'arrestation provisoire ou à l'arrestation et à la remise ; que la personne arrêtée est déférée sans délai à l'autorité judiciaire de l'Etat qui s'assure, conformément à sa législation, notamment de la régularité de l'arrestation et du respect des droits de l'intéressé ; que l'autorité judiciaire compétente peut décider la mise en liberté de la personne concernée ; qu'est assuré le respect des droits de la défense dès la procédure initiale devant la Cour et pendant le procès lui-même ; qu'en particulier, selon l'article 55, la personne interrogée soit par le procureur, soit par les autorités judiciaires nationales peut être assistée à tout moment par le défenseur de son choix ou un défenseur commis d'office ; que seule la chambre préliminaire de la Cour peut délivrer les mandats nécessaires, notamment les mandats d'arrêt ; que la personne remise à la Cour peut demander sa mise en liberté provisoire en attendant d'être jugée ; qu'il résulte des dispositions de l'article 60 que la chambre préliminaire réexamine périodiquement sa décision de mise en liberté ou de maintien en détention ; qu'elle s'assure que la détention avant le procès ne se prolonge pas de manière excessive à cause d'un retard injustifiable qui serait imputable au procureur ; que la chambre de première instance, en vertu de l'article 64, « veille à ce que le procès soit conduit de façon équitable et avec diligence, dans le plein respect des droits de l'accusé » ; que le procès est public, sous réserve de la faculté pour la chambre de première instance de prononcer le huis clos en raison de circonstances particulières ; que la sentence est prononcée en audience publique ; que les exigences constitutionnelles relatives au respect des droits de la défense et à l'existence d'une procédure juste et équitable, garantissant l'équilibre des droits des parties, sont ainsi satisfaites ;

Considérant que l'article 23 précise qu'une personne qui a été condamnée par la Cour ne peut être punie que conformément aux dispositions du statut ; que les peines pouvant être prononcées contre une personne déclarée coupable d'un crime sont fixées par l'article 77 ; qu'en cas de verdict de culpabilité, la peine est arrêtée en tenant compte, conformément aux dispositions des articles 76 et 78, des conclusions et éléments de preuve pertinents présentés au procès, de la gravité du crime et de la situation personnelle du condamné ; que ces règles n'encourent aucune critique d'inconstitutionnalité et sont en particulier conformes aux principes de nécessité et de légalité des peines ;

Considérant que les juges composant la Cour exercent leurs fonctions en toute indépendance, les articles 40 et 48 du statut prévoyant à cet effet les incompatibilités et les immunités nécessaires ; que, par ailleurs, les juges qui sont affectés à la section des appels ne peuvent siéger dans d'autres sections ; que les articles 41 et 42 du statut fixent la procédure selon laquelle peuvent intervenir la décharge et la récusation des juges ainsi que des procureurs ; qu'enfin, l'article 46 prévoit la procédure selon laquelle un membre de la Cour peut être privé de ses fonctions en cas de faute lourde ou de manquements graves à ses devoirs ; qu'est ainsi satisfaite l'exigence d'impartialité et d'indépendance de la Cour ;

Considérant que, suivant les dispositions des articles 81 à 83 du statut, il peut être fait appel de certaines décisions de la chambre préliminaire et des décisions rendues par la Cour dans la formation de chambre de première instance ; qu'une procédure de révision d'une décision sur la culpabilité ou la peine est par ailleurs instaurée par l'article 84 ; que l'article 85 institue en outre une procédure d'indemnisation des personnes victimes d'une arrestation ou d'une mise en détention illégales, ainsi que des personnes ayant subi une peine en raison d'une condamnation ultérieurement annulée ; qu'en cas d'erreur judiciaire grave et manifeste, une indemnité peut également être accordée ; que l'article 68 du statut oblige la Cour à prendre toutes les mesures de nature à assurer la sécurité et le respect de la vie privée des victimes et des témoins, notamment en dérogeant au principe de la publicité des débats s'agissant de l'audition de personnes vulnérables ; que l'article 75 précise que la Cour établit des « principes applicables aux formes de réparation... à accorder aux victimes » ; que, sur cette base, elle pourra déterminer, dans ses décisions, l'ampleur des dommages et des préjudices subis par les victimes, et rendre, contre une personne condamnée, une ordonnance indiquant la réparation qu'il convient d'accorder ; que l'indemnité allouée pourra être versée par un fonds créé au profit des victimes par l'Assemblée des Etats parties ; que l'ensemble de ces règles est conforme à la Constitution ;

- Sur le respect des conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale :

· En ce qui concerne la complémentarité entre la Cour pénale internationale et les juridictions nationales :

Considérant que les dispositions du dixième alinéa du préambule et de l'article 1er du statut disposent que la Cour « est complémentaire des juridictions criminelles nationales » ; que cette complémentarité implique, ainsi qu'il résulte des dispositions des articles 17 et 20 du statut, qu'une affaire est jugée irrecevable par la Cour soit lorsqu'elle « fait l'objet d'une enquête ou de poursuites de la part d'un Etat ayant compétence en l'espèce », soit, lorsqu'après enquête, « cet Etat a décidé de ne pas poursuivre la personne concernée », soit, enfin, lorsque cette dernière « a déjà été jugée pour le comportement faisant l'objet de la plainte soumise à la Cour » ; qu'il résulte par ailleurs de l'article 18 que le procureur notifie à l'Etat concerné qu'une enquête est en voie d'être ouverte ou est ouverte et que, pour sa part, l'Etat peut informer la Cour qu'il ouvre ou a ouvert une enquête pour des actes en rapport avec les renseignements qui lui ont été notifiés ; qu'à sa demande, l'Etat se voit confier le soin de l'enquête, sauf si la chambre préliminaire autorise le procureur à la conduire ;

Considérant cependant que, nonobstant le principe de complémentarité, le 1 de l'article 17 permet à la Cour de connaître d'une affaire en cas de manque de volonté de l'Etat de mener véritablement à bien les poursuites ou lorsque le même manque de volonté de l'Etat conduit celui-ci à décider de ne pas poursuivre ; que le 2 de l'article 17 précise les critères s'imposant à la Cour pour déterminer s'il y a manque de volonté d'un Etat ; qu'un tel manque de volonté ne pourra être retenu que si la procédure a été engagée « dans le dessein de soustraire la personne concernée à sa responsabilité pénale », ou si « la procédure a subi un retard injustifié » démentant « l'intention de traduire en justice la personne concernée », ou enfin lorsque « la procédure n'a pas été ou n'est pas menée de manière indépendante ou impartiale mais d'une manière qui, dans les circonstances, dément l'intention de traduire en justice la personne concernée » ; que, de plus, aux termes de l'article 20 du statut, dans le cas où la personne concernée a déjà été jugée par une autre juridiction pour un comportement visé à l'article 5, la Cour pourra également juger cette personne si la procédure devant la juridiction nationale « avait pour but de soustraire la personne concernée à sa responsabilité pénale » ou « n'a pas été...menée de manière indépendante ou impartiale...mais d'une manière qui, dans les circonstances, démentait l'intention de traduire l'intéressé en justice » ;

Considérant, en outre, que la Cour pourra juger une affaire recevable lorsque l'Etat compétent est dans l'incapacité de mener véritablement à bien l'enquête ou les poursuites, ou lorsque la décision de ne pas poursuivre est l'effet de cette même incapacité ; que, selon le 3 de l'article 17, cette incapacité correspond à l'hypothèse où « l'Etat n'est pas en mesure, en raison de l'effondrement de la totalité ou d'une partie substantielle de son propre appareil judiciaire ou de l'indisponibilité de celui-ci, de se saisir de l'accusé, de réunir les éléments de preuve et les témoignages nécessaires ou de mener autrement à bien la procédure » ;

Considérant, d'une part, que les stipulations du traité qui apportent des restrictions au principe de complémentarité de la Cour par rapport aux juridictions criminelles nationales, dans les cas où l'Etat partie se soustrairait délibérément aux obligations nées de la convention, découlent de la règle « Pacta sunt servanda », en application de laquelle tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi ; que ces dispositions fixent limitativement et objectivement les hypothèses dans lesquelles la Cour pénale internationale pourra se déclarer compétente ; que, par suite, elles ne méconnaissent pas les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ;

Considérant, d'autre part, que les stipulations qui permettent également à la Cour de se reconnaître compétente dans l'hypothèse de l'effondrement ou de l'indisponibilité de l'appareil judiciaire national ne sauraient davantage méconnaître les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ;

Considérant, en revanche, qu'il résulte du statut que la Cour pénale internationale pourrait être valablement saisie du seul fait de l'application d'une loi d'amnistie ou des règles internes en matière de prescription ; qu'en pareil cas, la France, en dehors de tout manque de volonté ou d'indisponibilité de l'Etat, pourrait être conduite à arrêter et à remettre à la Cour une personne à raison de faits couverts, selon la loi française, par l'amnistie ou la prescription ; qu'il serait, dans ces conditions, porté atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ;

· En ce qui concerne la coopération internationale, l'assistance judiciaire et les pouvoirs du procureur :

Considérant que l'article 54 du statut définit les devoirs et pouvoirs du procureur en matière d'enquêtes ; qu'il doit, pour mener celles-ci, demander la coopération des Etats ; qu'il peut également enquêter sur le territoire d'un Etat ; que, dans une telle hypothèse, il doit se conformer soit aux stipulations du chapitre IX relatif à la coopération internationale et à l'assistance judiciaire, soit à celles du d) du 3 de l'article 57 ;

Considérant qu'il résulte du chapitre IX précité que la Cour est habilitée à adresser des demandes de coopération et d'assistance aux Etats parties ; que les Etats font droit à ces demandes conformément aux procédures prévues par leur législation nationale, notamment en ce qui concerne l'identification et l'interrogatoire des personnes, le rassemblement d'éléments de preuve, l'exécution des perquisitions et des saisies ; qu'ainsi qu'il ressort de l'article 93, si l'exécution d'une mesure particulière d'assistance est interdite dans l'Etat requis en vertu d'un principe juridique fondamental d'application générale dans cet Etat, ce dernier n'est pas tenu d'apporter l'assistance demandée dans la forme sollicitée par la Cour, mais doit engager des consultations avec celle-ci ; qu'en application du même article, un Etat peut rejeter totalement ou partiellement une demande d'assistance de la Cour si elle a pour objet la divulgation d'éléments de preuve ou la production de documents touchant à la sécurité nationale, dont la protection est par ailleurs assurée par l'article 72 ; que les articles 94 et 95 du statut prévoient des procédures de sursis à exécution des demandes d'assistance formulées auprès des Etats ; que l'ensemble de ces stipulations garantissent le respect des conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale;

Considérant que le d) du 3 de l'article 57 ne permet au procureur, autorisé par la chambre préliminaire, de prendre certaines mesures d'enquête sur le territoire d'un Etat, sans s'être assuré de la coopération de celui-ci, que dans le cas où aucune autorité ou composante compétente de l'appareil judiciaire national n'est disponible pour donner suite à une demande de coopération ; que, dès lors, ces stipulations ne sauraient porter atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale;

Considérant, en revanche, qu'en application du 4 de l'article 99 du statut, le procureur peut, en dehors même du cas où l'appareil judiciaire national est indisponible, procéder à certains actes d'enquête hors la présence des autorités de l'Etat requis et sur le territoire de ce dernier ; qu'il peut notamment recueillir des dépositions de témoins et « inspecter un site public ou un autre lieu public » ; qu'en l'absence de circonstances particulières, et alors même que ces mesures sont exclusives de toute contrainte, le pouvoir reconnu au procureur de réaliser ces actes hors la présence des autorités judiciaires françaises compétentes est de nature à porter atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ;

· En ce qui concerne l'exécution des peines prononcées par la Cour pénale internationale :

Considérant qu'en application des dispositions de l'article 103 du statut, l'Etat qui se déclare disposé à recevoir des personnes condamnées par la Cour pénale internationale peut assortir son acceptation de conditions qui doivent être agréées par la Cour ; que ces dernières peuvent être « de nature à modifier sensiblement les conditions ou la durée de la détention » ;

Considérant qu'il résulte de ces stipulations que la France, en se déclarant disposée à recevoir des condamnés, pourra subordonner son accord à des conditions portant notamment sur l'application de la législation nationale relative à l'exécution des peines privatives de liberté ; qu'elle pourra en outre faire état de la possibilité d'accorder aux personnes condamnées une dispense de l'exécution des peines, totale ou partielle, découlant de l'exercice du droit de grâce ; que, dès lors, les stipulations du chapitre X du statut, relatives à l'exécution des peines, ne portent pas atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, non plus qu'à l'article 17 de la Constitution;

Considérant qu'aucune des autres stipulations du traité soumis au Conseil constitutionnel au titre de l'article 54 de la Constitution n'est contraire à celle-ci ;

Considérant que, pour les motifs énoncés ci-dessus, l'autorisation de ratifier le traité portant statut de la Cour pénale internationale exige une révision de la Constitution ;

D E C I D E :

Article premier. - L'autorisation de ratifier le traité portant statut de la Cour pénale internationale exige une révision de la Constitution.

Article 2. - La présente décision sera notifiée au Président de la République, ainsi qu'au Premier ministre, et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 janvier 1999, où siégeaient : MM. Roland DUMAS, Président, Georges ABADIE, Michel AMELLER, Jean-Claude COLLIARD, Yves GUENA, Mme Noëlle LENOIR, M. Pierre MAZEAUD et Mme Simone VEIL.

A N N E X E 2 (1)

Ratification du Traité du 18 juillet 1998 par les Etats signataires

La plupart des Etats signataires et tous les pays de l'Union européenne devront modifier soit leur constitution, soit leur législation ou les deux avant de pouvoir ratifier la Convention de Rome.

Il en va de même des pays latino-américains et africains à l'exception du Sénégal qui a déjà pu ratifier.

Plusieurs pays connaissent des difficultés relatives à l'immunité de leurs dirigeants politiques (Côte d'Ivoire). Certains s'efforcent de contourner la difficulté en interprétant les dispositions de leur Constitution comme s'entendant des juridictions nationales. Rien n'empêcherait l'ajout d'une nouvelle forme, internationale, de responsabilité pénale.

De nombreux pays se trouvent confrontés au problème de la non remise des nationaux, inscrite sous une forme ou une autre dans la Constitution de l'Allemagne, de la Pologne ou du Brésil. La distinction, clairement établie dans le Statut même, entre l'extradition vers un pays tiers et la remise à une Cour internationale, ne suffira peut-être pas à surmonter à ce stade la difficulté.

Il existe un troisième ordre de difficulté constitutionnelle pour les pays qui ne connaissent pas l'emprisonnement à vie.

Enfin, notamment pour de nombreux pays, la Cour pénale internationale met en cause des principes essentiels d'exercice de la souveraineté, dans la mesure où les tribunaux pénaux nationaux seraient, en vertu du système de complémentarité, placés en situation de « subordination » par rapport à la Cour. C'est en effet à la Cour qu'il revient in fine d'être juge de sa propre compétence.

En ce qui concerne la définition des infractions, de nombreux pays, dont la Suisse et la Belgique notamment, doivent largement modifier leur législation interne avant de pouvoir ratifier. La Belgique est très avancée dans ce processus.

N°1501. - .RAPPORT de M. Alain VIDALIES (au nom de la commission des lois) sur le projet de loi constitutionnelle (n° 1462) insérant au titre VI de la Constitution un article 53-2 et relatif à la Cour pénale internationale

() Informations fournies par le ministère des Affaires étrangères.


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