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N° 1534

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 7 avril 1999.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Azerbaïdjan sur la liberté de circulation,

PAR MME BERNADETTE ISAAC-SIBILLE,

Députée

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 559 (1997-1998), 28 et T.A. 19 (1998-1999)

Assemblée nationale : 1197

Traités et conventions

La Commission des Affaires étrangères est composée de : M. Jack Lang, président ; MM. Georges Hage, Jean-Bernard Raimond, Roger-Gérard Schwartzenberg, vice-présidents ; M. Roland Blum, Mme Monique Collange, M. René Rouquet, secrétaires ; Mmes Michèle Alliot-Marie, Nicole Ameline, M. René André, Mmes Marie-Hélène Aubert, Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Raymond Barre, Dominique Baudis, François Bayrou, Henri Bertholet, Jean-Louis Bianco, André Billardon, André Borel, Bernard Bosson, Pierre Brana, Jean-Christophe Cambadélis, Hervé de Charette, Yves Dauge, Jean-Claude Decagny, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Xavier Deniau, Paul Dhaille, Mme Laurence Dumont, MM. Jean-Paul Dupré, Charles Ehrmann, Laurent Fabius, Jean-Michel Ferrand, Georges Frêche, Jean-Yves Gateaud, Jean Gaubert, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Godfrain, Pierre Goldberg, François Guillaume, Jean-Jacques Guillet, Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, MM. Didier Julia, Alain Juppé, André Labarrère, Gilbert Le Bris, Jean-Claude Lefort, Guy Lengagne, François Léotard, Pierre Lequiller, François Loncle, Bernard Madrelle, René Mangin, Jean-Paul Mariot, Gilbert Maurer, Charles Millon, Mme Louise Moreau, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, MM. Etienne Pinte, Marc Reymann, Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, MM. Georges Sarre, Henri Sicre, Mme Christiane Taubira-Delannon, MM. Michel Terrot, Joseph Tyrode, Michel Vauzelle, Aloyse Warhouver.

SOMMAIRE

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INTRODUCTION 5

I – UN PAYS ATTRACTIF 7

A - UNE NOUVELLE STABILITÉ POLITIQUE 7

B - UNE ÉCONOMIE PORTEUSE DE PROMESSES 8

II – LE CONTENU DE L'ACCORD 11

CONCLUSION 13

EXAMEN EN COMMISSION 15

Mesdames, Messieurs,

L’Azerbaïdjan a gardé comme héritage de son appartenance à l’Union soviétique une réglementation très stricte en matière de circulation des étrangers qui doivent souvent, en préalable à tout déplacement, demander une autorisation et fournir diverses informations. Une telle réglementation étant difficilement compatible avec le développement de notre présence économique en Azerbaïdjan, la France a demandé à ce pays l’ouverture d’une négociation d’un accord sur la liberté de circulation qui a finalement été signé le 14 janvier 1997 à l’occasion d’une visite officielle du Président Aliev à Paris.

Cet accord est la fidèle réplique d’un accord de même nature signé en 1994 avec l’Ouzbékistan.

Avant de vous présenter le contenu de cet accord qui ne présente pas de difficultés particulières, votre Rapporteur dressera un rapide bilan politique et économique d’un pays qui était présenté il y a encore trois ou quatre ans quasiment comme moribond, miné par les divisions politiques, déstabilisé par sa défaite militaire face à l’Arménie et semblant avoir quelques difficultés à se remettre de l’éclatement de l’Union soviétique. Peu de Français osaient alors parier sur un développement rapide de l’Azerbaïdjan.

Réciproquement, la France était handicapée en Azerbaïdjan par l’image pro-arménienne de sa diplomatie. Aujourd’hui encore, les relations entre ces deux pays ne sont pas exemptes de difficultés, comme l’ont montré récemment les commentaires suscités par la reconnaissance officielle du génocide arménien par notre Assemblée.

Votre Rapporteur est persuadé que ces difficultés, qui reposent pour l’essentiel sur des malentendus, peuvent être surmontées, et que la France a un rôle à jouer dans le développement futur de l’Azerbaïdjan.

I – UN PAYS ATTRACTIF

A - Une nouvelle stabilité politique

La réélection du Président Aliev en octobre 1998 avec plus de 76% des voix est venue consolider les institutions politiques de l’Azerbaïdjan dont la stabilité a été par le passé menacée à plusieurs reprises. Quatre Présidents se sont succédés dans les trois ans qui ont suivi l’indépendance et M. Aliev lui-même a été confronté à deux tentatives de coup d’Etat depuis son accession au pouvoir en juin 1993. Les observateurs de l’OSCE ont fait état de graves irrégularités dans la tenue des élections présidentielles, mais nonobstant, il ne paraît pas faire de doute que le Président Aliev a obtenu la majorité des voix.

Le pouvoir azerbaïdjanais demeure pour l'essentiel très concentré entre les mains du Président, même si cette personnalisation du pouvoir va de pair avec une lente mais réelle construction d’un Etat de droit : progrès de la liberté de la presse, existence d’une véritable opposition parlementaire, élections réellement pluri-partistes même si elles ne satisfont pas aux exigences européennes… Cet acquis n’est pas négligeable dans un pays qui, à l’exception de la courte période comprise entre 1918 et 1920, était dépourvu de toute tradition démocratique.

La vie publique azerbaïdjanaise demeure toutefois minée par la réalité persistante des réseaux locaux et claniques, conséquence de la faiblesse du sentiment national et de liens financiers obscurs.

Le principal problème politique auquel est confronté le gouvernement azerbaïdjanais est la résolution du conflit du Haut-Karabagh. Les revers militaires de 1991 et 1993 se sont traduits par un cessez-le-feu signé en mai 1994 très défavorable à l’Azerbaïdjan : plus de 15% du territoire azerbaïdjanais demeure encore aux mains des Karabaghtsis et Bakou doit gérer une population de plus d’un demi-million de réfugiés. Les négociations menées sous l’égide du "groupe de Minsk" co-présidé par la Russie, la France et les Etats-Unis, n’ont donné jusqu’à présent que peu de résultats. L’éviction de la présidence arménienne de M. Ter-Pétrossian, réputé favorable à un compromis avec Bakou, et son remplacement par M. Kotcharian, lui-même ancien "président" des Karabaghtsis, ne laisse pas présager un assouplissement des parties en présence et M. Aliev s’inquiète très sérieusement des livraisons d’armes de la Russie à l’Arménie.

Le chef de l’Etat azerbaïdjanais s’efforce aujourd’hui de mettre en avant l’importance géostratégique de son pays comme rempart au renforcement de l’axe Russie-Iran, avec l’espoir que les Etats-Unis s’impliquent réellement dans la quête d’une solution. En janvier 1999, Bakou a même lancé l’idée, non reprise par Washington, de l’installation d’une base américaine en Azerbaïdjan.

B – Une économie porteuse de promesses

Le démantèlement de l’Union soviétique avait durement frappé l’économie azerbaïdjanaise dont le produit intérieur brut a baissé de 20% entre 1992 et 1995. Depuis 1996, la croissance est de retour. Elle s’est élevée à 8,5% en 1998, le plus fort taux de la Communauté des Etats indépendants. Le développement de l’Azerbaïdjan devrait toutefois être ralenti par la baisse des cours du pétrole et la crise de l’économie russe. Les hydrocarbures représentent en effet 50 à 60% des recettes budgétaires et des exportations du pays. Quant à la Russie, deuxième partenaire commercial de l’Azerbaïdjan après la Turquie, elle représentait encore en 1998 près de 20% des échanges azerbaïdjanais.

L’accroissement des contraintes pesant sur l’économie azerbaïdjanaise peut toutefois se révéler à terme fructueux. La baisse des cours du pétrole a diminué le risque d’un développement déséquilibré centré exclusivement sur le secteur pétrolier, au détriment de l’agriculture et de l’industrie. Cette menace ne sera toutefois définitivement écartée que si les autorités continuent à appliquer le programme de réformes structurelles préconisées par le FMI : transparence totale dans la gestion des bonus pétroliers, privatisation des grandes entreprises, politique de change flexible… La grande majorité des Azerbaïdjanais ne bénéficient pas encore des retombées de la manne pétrolière : le chômage touche plus de la moitié de la population et le salaire moyen mensuel dépasse tout juste une quarantaine de dollars.

Néanmoins, les indicateurs macro-économiques de l’Azerbaïdjan demeurent positifs : hausse des prix voisine de zéro, endettement externe modéré, réserves de change encore supérieures à 3 mois d’importations de biens et services… Et malgré l’insuccès des campagnes d’exploration récentes, l’Azerbaïdjan peut compter sur les réserves de pétrole brut de la Caspienne qui en fait un pays pétrolier aussi riche que la Grande-Bretagne ou le Koweït. L’Azerbaïdjan demeure en conséquence, malgré les incertitudes actuelles, un pays plein de promesses.

Longtemps, l’Azerbaïdjan est restée une terra incognita pour les Français. Aujourd’hui encore, la communauté française dans ce pays ne compte qu’une quarantaine de ressortissants, dont le tiers est composé par les membres de l’ambassade. Ce chiffre apparaît d’autant plus modeste si on le compare avec les 2500 Britanniques ou les 1500 Américains présents en Azerbaïdjan.

Les échanges commerciaux demeurent encore réduits, même s’ils sont en progression. Les principaux postes des exportations françaises (96 millions de francs pour le premier semestre 1998) recouvrent des biens pharmaceutiques et cosmétiques, des biens d’équipement professionnel… et des poulets congelés. Les ventes azerbaïdjanaises (7 millions durant les six premiers mois de 1998) sont composés principalement de produits pétroliers et de coton. La France, avec 2,9% des parts de marché, se classe au neuvième rang des fournisseurs de l’Azerbaïdjan.

Les investissements directs français en Azerbaïdjan, d’un montant de 540 millions de francs, sont concentrés pour plus des neuf dixièmes dans le pétrole. Elf a signé un accord pour une prise de participation de 10% dans le consortium "chahdeniz" et a été retenu comme opérateur principal – avec 45% des parts - sur un bloc d’exploration, Lenkoran, situé sur le littoral sud de l’Azerbaïdjan. Ce dernier contrat pourrait représenter un investissement de 1,5 milliard de dollars si la phase initiale d’exploration concluait à des résultats positifs. Total, plus récemment implanté, a été associé sur deux contrats.

Hors domaine pétrolier, seulement deux entreprises françaises se sont implantées de manière significative : Castel qui a repris deux brasseries, l’une à Bakou, l’autre à Gandja ; et Parfums de France qui a ouvert divers points de vente dans les deux villes précitées. D’autres projets sont en négociation notamment avec la société Gerico pour la construction d’une sucrerie, avec Lafarge pour la reprise d’une cimenterie. Beaucoup d’investisseurs se plaignent toutefois de l’absence de données statistiques qui permettraient de se faire une idée précise du marché.

II – LE CONTENU DE L’ACCORD

Ainsi que nous l’avons rappelé dans notre introduction, l’objet principal de l’accord du 14 janvier 1997 est de lever toute restriction en matière de circulation pour nos ressortissants en Azerbaïdjan. Jusqu’alors en effet, la tendance des autorités azerbaïdjanaises était de donner aux notions de défense et de sécurité nationales une interprétation extensive limitant de fait la liberté de mouvement des étrangers.

Avec cet accord, chacune des Parties assure aux diplomates de l’autre Etat "la liberté de déplacement et de circulation sur son territoire". Aucune information concernant leurs déplacements, aucune demande d’autorisation préalable ne peut être exigée (article premier). Ces garanties octroyées aux diplomates s’appliquent également aux autres citoyens et "notamment aux représentants des organisations politiques, sociales et syndicales, aux hommes d’affaires et aux journalistes" (article 3).

Cette reconnaissance de la liberté de déplacement ne s’oppose pas à la limitation ou l’interdiction d’accès à certaines zones soit pour des raisons de sécurité et de défense nationales (article 2), soit, à titre exceptionnel, pour des motifs d’ordre public (article 4). Il est également possible pour chacune des Parties de soumettre l’entrée de son territoire à l’obtention d’un visa (article 4).

Cet accord n’aura aucune incidence sur les ressortissants azerbaïdjanais présents en France, qui s’y déplacent déjà librement. Ils resteront également soumis à l’obligation de visa. La France a délivré 1649 visas – contre 165 refus - en 1997 en faveur de ressortissants azerbaïdjanais, parmi lesquels 1222 visas de court séjour et 427 visas de long séjour.

CONCLUSION

Le précédent de l’accord franco-ouzbek sur la liberté de circulation a démontré l’efficacité de ce type de dispositions, dont il est cependant parfois nécessaire de rappeler l’existence et la prééminence aux échelons d’exécution.

Le présent accord constituait un préalable à la négociation de conventions économiques, notamment sur la protection de l’investissement ou la prévention des doubles impositions. Il devrait en conséquence contribuer à augmenter l’intérêt des hommes d’affaires français pour l’Azerbaïdjan.

Au bénéfice de ces considérations, votre Rapporteur vous invite à adopter ce projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 7 avril 1999.

Après l’exposé du Rapporteur, M. Charles Ehrmann s’est inquiété de la propagation des événements d’Algérie à la Turquie, à laquelle sont très liés les pays d'Asie centrale. Il a regretté la faiblesse des relations que la France entretient avec cette région du monde.

Mme Bernadette Isaac-Sibille a précisé que cette situation était d’autant plus regrettable que ces pays avaient été très influencés par la culture française.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (no 1197 ).

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La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de figure en annexe au projet de loi (n° 1197 ).

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N° 1534.- Rapport de Mme Bernadette Isaac-Sibille (au nom de la commission des affaires étrangères) sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Azerbaïdjan sur la liberté de circulation .