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le 5 mai 1999

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N° 1545

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 avril 1999.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à la création de l'Université franco-allemande,

PAR M. MARC REYMANN,

Député

——

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 148, 188 et T.A. 88 (1998-1999)

Assemblée nationale : 1423

Traités et conventions

La Commission des Affaires étrangères est composée de : M. Jack Lang, président ; MM. Georges Hage, Jean-Bernard Raimond, Roger-Gérard Schwartzenberg, vice-présidents ; M. Roland Blum, Mme Monique Collange, M. René Rouquet, secrétaires ; Mmes Michèle Alliot-Marie, Nicole Ameline, M. René André, Mmes Marie-Hélène Aubert, Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Raymond Barre, Dominique Baudis, François Bayrou, Henri Bertholet, Jean-Louis Bianco, André Billardon, André Borel, Bernard Bosson, Pierre Brana, Jean-Christophe Cambadélis, Hervé de Charette, Yves Dauge, Jean-Claude Decagny, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Xavier Deniau, Paul Dhaille, Mme Laurence Dumont, MM. Jean-Paul Dupré, Charles Ehrmann, Laurent Fabius, Jean-Michel Ferrand, Georges Frêche, Jean-Yves Gateaud, Jean Gaubert, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Godfrain, Pierre Goldberg, François Guillaume, Jean-Jacques Guillet, Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, MM. Didier Julia, Alain Juppé, André Labarrère, Gilbert Le Bris, Jean-Claude Lefort, Guy Lengagne, François Léotard, Pierre Lequiller, François Loncle, Bernard Madrelle, René Mangin, Jean-Paul Mariot, Gilbert Maurer, Charles Millon, Mme Louise Moreau, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, MM. Etienne Pinte, Marc Reymann, Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, MM. Georges Sarre, Henri Sicre, Mme Christiane Taubira-Delannon, MM. Michel Terrot, Joseph Tyrode, Michel Vauzelle, Aloyse Warhouver.

SOMMAIRE

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INTRODUCTION 5

I – LA COOPERATION UNIVERSITAIRE FRANCO-ALLEMANDE 7

II – L’ORGANISATION DE L’UNIVERSITE FRANCO-ALLEMANDE 9

CONCLUSION 13

EXAMEN EN COMMISSION 15

Mesdames, Messieurs,

La création d’un axe franco-allemand a constitué un des éléments fondamentaux de la construction européenne. Sans lui, il n’y aurait pu y avoir ni marché commun agricole, ni marché unique et encore moins d’euro. Ce réflexe de coopération politique franco-allemande, qui remonte à la signature du traité de l’Elysée de 1963 qui a scellé la réconciliation des deux pays, a été perpétué grâce aux relations privilégiées entretenues par leurs dirigeants successifs, notamment par MM. Valéry Giscard d’Estaing et Helmut Schmidt ou MM. François Mitterrand et Helmut Kohl.

Il apparaît aujourd’hui nécessaire de consolider cet axe franco-allemand au-delà des relations personnelles entre dirigeants en l’étendant de la sphère politique à la société civile, et en l’approfondissant par la transmission de valeurs et d’une culture communes.

La poursuite de l’intégration européenne exige désormais ce que le Chancelier Gerhard Schröder a appelé la légitimation de l’Europe auprès des populations, et notamment de sa jeunesse. Cette légitimation ne doit plus uniquement passer par les relations entre Etats mais par des échanges entre les sociétés, les milieux intellectuels et les opinions publiques.

Force est de constater que les jeunesses française et allemande sont plus aujourd’hui attirées par ce qui se déroule outre-Atlantique qu’outre-Rhin et que le modèle anglo-saxon gagne du terrain. Le choix de l’allemand en première langue n’a attiré à la rentrée 1997 que 10,2 % des élèves rentrant en sixième contre 12,7 % en 1990. De même, l’allemand en deuxième langue est sur le déclin (il concerne 30 % des élèves) au profit de l’espagnol. Parallèlement, en Allemagne, le français comme première langue a quasiment disparu dans le primaire, tandis qu’il régresse au lycée : seulement 34 % des élèves l’étudient contre 41 % il y a dix ans.

La signature le 19 septembre 1997 à Weimar du présent Accord portant création d’une université franco-allemande a pour objectif de créer un contrepoids à l’attirance anglo-saxonne en développant, grâce à des possibilités de formation commune, une véritable coopération intellectuelle et culturelle entre enseignants, étudiants et chercheurs français et allemands.

Dotée de la personnalité morale, la nouvelle université franco-allemande est une université virtuelle, sans murs ni campus ; elle est constituée d’un réseau d’établissements supérieurs français et allemands proposant des cursus communs. Avant de vous en présenter l’organisation et les modes de fonctionnement, votre Rapporteur rappellera brièvement l’état de la coopération universitaire franco-allemande.

I – LA COOPÉRATION UNIVERSITAIRE FRANCO-ALLEMANDE

La coopération universitaire franco-allemande représente quelque 800 accords universitaires, plus ou moins vivaces et plus ou moins notables.

Elle a été institutionnalisée en 1988 par un Collège franco-allemand pour l’enseignement supérieur (CFAES), qui a pris la forme d’un comité d’experts constitué à parité de 18 personnalités allemandes et françaises. Ce collège a pour tâche de susciter, évaluer et soutenir financièrement des "cursus intégrés" entre des établissements d’enseignement supérieur des deux pays, conduisant à des doubles diplômes.

Les "cursus intégrés" sont habituellement créés à partir de cursus français et allemands préexistants. Un système d’équivalence est mis en place qui permet l’acquisition de deux diplômes nationaux en respectant la durée prévue des études dans la discipline concernée. Tous les étudiants d’un cursus font les mêmes études, définies en commun par les établissements partenaires et comportant au minimum trois semestres dans le pays étranger. Les commissions d’admission et les jurys d’examen sont conjoints aux deux établissements.

Le budget de ce Collège s’est élevé en 1998 à 22,6 millions de francs dont 80 % ont été consacrés aux aides à la mobilité en faveur des étudiants.

Le Collège franco-allemand a depuis 1988 suscité et accompagné 72 cursus intégrés, impliquant 140 établissements. Près de 1000 étudiants, en nombre sensiblement égal en France et en Allemagne, suivent actuellement l’un de ces cursus.

Une récente enquête a montré que cette formation était un atout positif pour le devenir professionnel de ces "doubles diplômés". Moins de 5 % de l’échantillon interrogé étaient en recherche d’emploi, et la durée moyenne de cette recherche était inférieure à six mois, toutes disciplines confondues. D'ores et déjà, 65 000 travailleurs frontaliers alsaciens doivent leur emploi à la connaissance de la langue allemande.

La nouvelle université franco-allemande reprendra l’acquis du collège franco-allemand, mais devra étendre cette coopération universitaire, mieux la structurer et l’orienter vers des objectifs concrets. Tous les étudiants en cours de cursus dans le cadre du Collège pourront terminer leur cycle d’études, même si l’Université décide de fermer, à terme, certaines filières.

II – L’ORGANISATION DE L’UNIVERSITE FRANCO-ALLEMANDE

La nouvelle université franco-allemande, que le journal populaire allemand "Bild" a comparé à une "joint venture des cellules grises", comporte de nombreuses innovations par rapport à l’existant.

· Tout d’abord, les formations devraient concerner l’ensemble des trois cycles universitaires et non plus seulement le deuxième cycle. Il est prévu notamment, comme innovations :

- un développement des échanges entre universités françaises et allemandes au niveau du 1er cycle, en particulier en vue de renforcer les formations linguistiques et de délivrer un enseignement préparatoire aux cursus intégrés ;

- l’ouverture de formations doctorales communes ;

- la définition de projets de recherche communs et l’amplification des échanges d’enseignants chercheurs.

L'université franco-allemande mettra également en place des formations communes en matière de formation professionnelle continue.

L’objectif est de doubler le nombre d’étudiants actuellement concernés par les formations communes et d’atteindre le seuil de 2 000 lors de l’année universitaire 2000/2001.

En rendant les formations communes à la fois plus diversifiées et plus longues, on espère mieux répondre à la demande des milieux franco-allemands qui font déjà appel aux diplômés du Collège.

Une autre innovation importante est la possibilité offerte à l’université de délivrer ses propres diplômes avec le concours des établissements partenaires (article 3 de l’accord). Dans un premier temps, l’Université continuera, comme le fait actuellement le Collège franco-allemand, à appuyer, à l’issue de programmes communs, l’acquisition de deux diplômes nationaux de niveau comparable ou de diplômes binationaux des établissements universitaires. Mais par la suite, l’université délivrera ses propres diplômes qui devront, pour être déclarés valides en France ou en Allemagne, être reconnus équivalents de diplômes français ou allemands. L’étudiant effectuant la totalité de son cursus dans des établissements nationaux, dès lors, à la fin de celui-ci, il pourra obtenir dans chacun des deux pays à la fois le diplôme de l’université franco-allemande et les deux diplômes nationaux qui serviront d’équivalence.

· D’un point de vue administratif, l’université franco-allemande constitue une organisation internationale à laquelle sont reconnus certains privilèges et immunités dont bénéficient les institutions spécialisées des Nations Unies (immunités de juridiction, libre détention et transfert de fonds, exonération des impôts directs et des droits de douane) (article 1er de l’accord). Ces privilèges sont reconnus à l’université elle-même et non à son personnel.

· L’université franco-allemande dispose d’un siège administratif propre dont la désignation a fait l’objet de nombreuses discussions entre l’Allemagne et la France. Finalement, notre pays, qui souhaitait obtenir le transfert sur son sol du siège de l’Office franco-allemand de la Jeunesse, a accepté en contrepartie que celui de l’Université franco-allemande soit situé en Allemagne. Lors de la signature de l’accord de Weimar, le Chancelier allemand, déjà engagé dans un contexte pré-electoral, n’avait pas souhaité trancher entre les différents Länder candidats, et c’est la raison pour laquelle l’article 2 de l’accord renvoie à un avenant pour régler ce point particulier. Finalement, la question a été tranchée par la Conférence des Ministres-Présidents des Länder en faveur de Sarrebruck. Ce choix a été entériné par le Sommet de Potsdam du 1er décembre 1998.

· L’université franco-allemande disposera de son propre budget, financé par des contributions d’un montant sensiblement équivalent des deux pays (article 8 de l’accord). Il est prévu également que l’université puisse bénéficier de financements tiers, en particulier d’origine privée. Selon les estimations communiquées à votre Rapporteur, le budget devrait atteindre 60 millions de francs en régime de croisière, après 2001, c’est à dire près du triple du budget du collège franco-allemand en 1998.

Quant à l’administration de l’université franco-allemande, elle est composée de trois organes (article 4 de l’accord).

Une assemblée des établissements membres, formée des représentants de chacun des établissements, se réunira une fois par an, notamment pour formuler des recommandations et entendre le rapport annuel du Président (article 7 de l’accord).

Un conseil d’université sera chargé de définir les programmes de coopération, de décider les conditions d’adhésion des établissements, de voter le budget et d’approuver les comptes (article 6 de l’accord). Il est composé de 22 membres désignés pour quatre ans :

- le président et le vice-président ;

- quatre représentants des administrations publiques (ministères des affaires étrangères et de l’enseignement supérieur du côté français ; représentants du gouvernement fédéral et des Länder du côté allemand) ;

- huit enseignants et enseignants-chercheurs ;

- quatre membres désignés en raison de leurs compétences (par les ministres de affaires étrangères et de l’enseignement supérieur pour la France ; par l’office allemand d’échanges universitaires et par l’association allemande pour la recherche pour l’Allemagne) ;

- et quatre personnalités du monde économique cooptées par le conseil d’université.

Enfin, un président et un vice-président, l’un français l’autre allemand, sont élus par l’assemblée des établissements membres, sur proposition du conseil d’université, pour un mandat de quatre ans. Leurs fonctions alternent à mi-mandat.

CONCLUSION

La nouvelle université franco-allemande devrait permettre de promouvoir une véritable politique d’échanges dans les domaines des arts et de la culture. Elle devrait également, en donnant un enseignement bilingue et biculturel, favoriser pour l’avenir la mobilité des professionnels entre l’Allemagne et la France. Elle devrait enfin apporter sa pierre à la lutte contre le chômage en favorisant l’entrée dans la vie active par l’attribution de diplômes prestigieux.

C’est au bénéfice de ces considérations que votre Rapporteur vous demande d’adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 28 avril 1999.

Après l’exposé du Rapporteur, le Président Jack Lang a relevé que ce texte constituait un progrès par rapport à la situation actuelle mais n'était pas à la hauteur de nos ambitions. La notion d'université suppose la rencontre en un même lieu d'enseignants, de chercheurs et d'étudiants. L'université franco-allemande n'est qu'un organisme d'impulsion, n'assurant pas lui-même l'enseignement et la recherche. Son existence constitue cependant un progrès.

Mme Bernadette Isaac-Sibille a cependant estimé qu'il s'agissait d'un progrès insuffisant. Elle a évoqué le problème des bourses qui demeurent elles aussi tout à fait insuffisantes. On favorise l'aide humanitaire, mais on devrait aussi développer les relations culturelles.

Le Rapporteur, tout en regrettant le manque d'ambition du texte, a observé que les crédits étaient triplés par rapport à la situation antérieure. Il a ensuite souligné les efforts réalisés par certaines régions, dont l'Alsace, en matière d'enseignement bilingue précoce.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (no 1423).

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La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de l'accord figure en annexe au projet de loi (n° 1423).

N°1545. - RAPPORT de M. Marc REYMANN (au nom de la commission des affaires étrangères) sur le projet de loi, adopté par le Sénat (n° 1423), autorisant l’approbation d’un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d’Allemagne relatif à la création de l’Université franco-allemande