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le 17 mai 1999

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N° 1578

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 5 mai 1999.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES(1) SUR LE PROJET DE LOI (N°s 1187-1541) modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication,

1ère partie
Exposé général, travaux de la commission

PAR M. Didier Mathus,

Député.

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Audiovisuel et communication.

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales est composée de : M. Jean Le Garrec, président ; MM. René Couanau, Jean-Michel Dubernard, Jean-Paul Durieux, Maxime Gremetz, vice-présidents ; Mme Odette Grzegrzulka, MM. Denis Jacquat, Noël Mamère, Patrice Martin-Lalande, secrétaires ; MM. Yvon Abiven, Bernard Accoyer, Mme Sylvie Andrieux, MM. André Aschieri, Gautier Audinot, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, MM. Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Baeumler, Pierre-Christophe Baguet, Jean Bardet, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Mmes Huguette Bello, Yvette Benayoun-Nakache, MM. Patrick Bloche, Alain Bocquet, Mme Marie-Thérèse Boisseau, MM. Jean-Claude Boulard, Bruno Bourg-Broc, Mme Christine Boutin, MM. Jean-Paul Bret, Victor Brial, Yves Bur, Vincent Burroni, Alain Calmat, Pierre Carassus, Pierre Cardo, Roland Carraz, Mmes Véronique Carrion-Bastok, Odette Casanova, MM. Jean-Charles Cavaillé, Bernard Charles, Jean-Marc Chavanne, Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Georges Colombier, François Cornut-Gentille, Mme Martine David, MM. Bernard Davoine, Lucien Degauchy, Marcel Dehoux, Jean Delobel, Jean-Jacques Denis, Franck Dhersin, Dominique Dord, Mme Brigitte Douay, MM. Guy Drut, Nicolas Dupont-Aignan, Yves Durand, René Dutin, Christian Estrosi, Claude Evin, Jean Falala, Jean-Pierre Foucher, Jean-Louis Fousseret, Michel Françaix, Mme Jacqueline Fraysse, MM. Yves Fromion, Germain Gengenwin, Mmes Catherine Génisson, Dominique Gillot, MM. Jean-Pierre Giran, Michel Giraud, Gaëtan Gorce, François Goulard, Jean-Claude Guibal, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M.  Francis Hammel, Mme Cécile Helle, MM. Pierre Hellier, Michel Herbillon, Guy Hermier, Mmes Françoise Imbert, Muguette Jacquaint, MM. Maurice Janetti, Serge Janquin, Armand Jung, Bertrand Kern, Christian Kert, Jacques Kossowski, Mme Conchita Lacuey, MM. Jacques Lafleur, Robert Lamy, Edouard Landrain, Pierre Lasbordes, Mme Jacqueline Lazard, MM. Michel Lefait, Maurice Leroy, Patrick Leroy, Maurice Ligot, Gérard Lindeperg, Patrick Malavieille, Mme Gilberte Marin-Moskovitz, MM. Didier Mathus, Jean-François Mattei, Mme Hélène Mignon, MM. Jean-Claude Mignon, Renaud Muselier, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Yves Nicolin, Bernard Outin, Dominique Paillé, Michel Pajon, Michel Péricard, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Bernard Perrut, Pierre Petit, Mme Catherine Picard, MM. Jean Pontier, Jean-Luc Préel, Alfred Recours, Gilles de Robien, Mme Chantal Robin-Rodrigo, MM. François Rochebloine, Marcel Rogemont, Yves Rome, Jean Rouger, Rudy Salles, André Schneider, Patrick Sève, Michel Tamaya, Pascal Terrasse, Gérard Terrier, Mmes Marisol Touraine, Odette Trupin, MM. Anicet Turinay, Jean Ueberschlag, Jean Valleix, Philippe Vuilque, Jean-Jacques Weber, Mme Marie-Jo Zimmermann.

SOMMAIRE

Pour en faciliter la consultation, ce rapport a été scindé en deux parties

1ère PARTIE

INTRODUCTION 9

I. LE SERVICE PUBLIC DE L'AUDIOVISUEL EN FRANCE : DU MONOPOLE AU CHOIX DE LA DIFFÉRENCE 11

A.-DU MONOPOLE D'ÉTAT AU SECTEUR PUBLIC DE L'AUDIOVISUEL 11

1. 1945 - 1981 : la lente progression vers l'autonomie 11

2. Depuis 1982 : la consolidation d'un « secteur public de l'audiovisuel » au sein d'un environnement de plus en plus concurrentiel 17

B.- LE PRIX DU SERVICE PUBLIC OU LA DIFFICILE CONCILIATION DES MISSIONS, DES BUDGETS ET DU MARCHÉ 25

1. Une « crise » d'identité et de financement 25

2. La nécessité d'un recentrage 32

II - DE LA DIVERSITÉ DES SITUATIONS EUROPÉENNES À LA RECHERCHE DE PRINCIPES COMMUNS AU NIVEAU COMMUNAUTAIRE 36

A.- AU-DELÀ D'UNE CERTAINE HÉTÉROGÉNÉITÉ DES SITUATIONS NATIONALES, DES ENJEUX COMMUNS 36

1. Une grande hétérogénéité d'organisations, de modes de financement et de niveau de ressources 36

2. Des missions et des défis comparables quel que soit le pays 41

B.- LA NÉCESSITÉ DE FAIRE RESPECTER DES PRINCIPES COMMUNS AU NIVEAU COMMUNAUTAIRE 44

1. La lente maturation de la politique audiovisuelle européenne 44

2. Le contenu ambitieux de la directive Télévision sans frontières rédigée en octobre 1989 puis complétée en juin 1997 47

3. Une politique audiovisuelle qui reste encore à construire et à clarifier 51

III. LES SERVICES PRIVÉS DE COMMUNICATION AUDIOVISUELLE : UN ÉQUILIBRE NÉCESSAIRE ENTRE DÉVELOPPEMENT, PLURALISME ET TRANSPARENCE 54

A.- LES GROUPES FRANÇAIS DE COMMUNICATION OU LA DIVERSIFICATION RÉUSSIE D'UN PETIT NOMBRE D'INDUSTRIELS 55

1. Des opérateurs privés issus de secteurs industriels liés à la commande publique 55

2. De la concurrence au marché oligopolitisque 57

B. LES ENJEUX DU NUMÉRIQUE OU LA TENTATION DE LA CONCENTRATION 58

1. La « révolution » du numérique et le développement de plates-formes satellitaires 58

2. L'évolution du contexte concurrentiel 60

C.- UN MARCHÉ ORGANISÉ ET RÉGULÉ POUR MIEUX GARANTIR LE PLEIN EXERCICE DE LA LIBERTÉ DE COMMUNICATION 63

1. Plus de transparence financière pour les opérateurs 64

2. Plus de fluidité pour le marché des droits 66

IV. LE PROJET DE LOI : MODERNISER LE DROIT DE L'AUDIOVISUEL POUR RENFORCER L'INDUSTRIE DE PROGRAMMES FRANÇAISE ET ASSURER UN MEILLEUR SERVICE DU PUBLIC 67

A.- REDONNER AU SECTEUR PUBLIC DE L'AUDIOVISUEL LES MOYENS D'ASSUMER SES MISSIONS ET D'AFFRONTER LA MONDIALISATION 67

1. Clarifier les missions 67

2. Renforcer les structures 68

3. Programmer le financement 69

B.- TRANSPOSER LA NOUVELLE DIRECTIVE « TÉLÉVISION SANS FRONTIÈRES » EN DROIT FRANÇAIS 70

C.- GARANTIR LE PLURALISME ET LA TRANSPARENCE DU SECTEUR PRIVÉ 73

1. Le renforcement du pluralisme, de l'indépendance de l'information et de la concurrence 73

2. Le renforcement du soutien à la création et à la production 74

3. L'harmonisation des règles applicables aux nouveaux services 75

TRAVAUX DE LA COMMISSION 77

I.- AUDITION DE LA MINISTRE 77

II.- EXAMEN DES ARTICLES 93

TITRE PREMIER - DU SECTEUR PUBLIC DE LA COMMUNICATION AUDIOVISUELLE 93

Avant l'article premier 93

Article premier (article 43-7 nouveau de la loi du 30 septembre 1986) : Missions générales du secteur public de la communication audiovisuelle 93

Après l'article premier 105

Article 2 (article 44 de la loi du 30 septembre 1986) : Missions spécifiques de la société France Télévision et des sociétés nationales de programme 105

Après l'article 2 117

Article 3 (article 45 de la loi du 30 septembre 1986) : Constitution et missions de la société La Cinquième-ARTE 117

Article additionnel après l'article 3 (article 46 de la loi du 30 septembre 1986) : Conseil national des programmes 123

Article 4 (articles 47 et 47-1 à 47-4 nouveaux de la loi du 30 septembre 1986) : Organes de direction de la société France Télévision, des sociétés nationales de programmes et de la société La Cinquième-ARTE 125

Article 47 de la loi du 30 septembre 1986 : Capital des sociétés publiques 129

Article 47-1 de la loi du 30 septembre 1986 : Conseil d'administration de France Télévision et de ses filiales 129

Article 47-2 de la loi du 30 septembre 1986 : Conseil d'administration de RFO, Radio France et RFI 134

Article 47-3 de la loi du 30 septembre 1986 : Nomination des présidents de RFO, Radio France et RFI 134

Article 47-3 bis de la loi du 30 septembre 1986 : Procédure de nomination des présidents de chaînes par le CSA 134

Article additionnel après l'article 4 (article 48 bis nouveau de la loi du 30 septembre 1986) : Interdiction de la reprise en exclusivité des chaînes de service public diffusées par voie hertzienne par un distributeur d'offre groupée de programmes 135

Article 5 (article 49 de la loi du 30 septembre 1986) : Institut national de l'audiovisuel (INA) 136

Article additionnel après l'article 5 (article 50 de la loi du 30 septembre 1986) : Durée du mandat du président et des membres du conseil d'administration de l'INA 144

Article 6 (article 53 de la loi du 30 septembre 1986) : Contrats d'objectifs et de moyens - Financement des sociétés du secteur public de la communication audiovisuelle 145

Après l'article 6 157

Article 7 (articles 18, 24, 26, 34-1, 46, 48, 48-2, 48-3, 48-9, 48-10, 51, 56, 62, 73 de la loi du 30 septembre 1986, article L. 4433-28 du code des collectivités territoriales et annexe II de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983) : Coordination 158

Article additionnel après l'article 7 (article L. 36-7 du code des postes et télécommunications) : Avis de l'Autorité de régulation des télécom-munications (ART) sur les barèmes de TDF 159

Article 8 : Dispositions transitoires 159

TITRE II - TRANSPOSITION DE DIVERSES DISPOSITIONS DE LA DIRECTIVE 89/552/CEE DU 3 OCTOBRE 1989 MODIFIÉE PAR LA DIRECTIVE 97/36/CE DU 30 JUIN 1997 160

Article 9 (article 15 de la loi du 30 septembre 1986) : Protection des mineurs vis-à-vis de programmes ou de messages susceptibles de nuire à leur épanouissement et respect de la dignité de la personne 160

Article 10 (article 20-2 nouveau de la loi du 30 septembre 1986) : Retransmission en clair des événements d'importance majeure 172

Après l'article 10 180

Article 11 (article 31 de la loi du 30 septembre 1986) : Services autorisés exclusivement diffusés en langue étrangère 180

Article 12 (articles 43-2 à 43-6 nouveaux de la loi du 30 septembre 1986) : Critère d'établissement et régime juridique applicable aux services de télévision diffusés en France 181

Article 13 (article 27 de la loi du 30 septembre 1986) : Réglementation du télé-achat et des services d'autopromotion 189

Article 14 (article 70-1de la loi du 30 septembre 1986) : Chronologie des médias 192

TITRE III - DES SERVICES DE COMMUNICATION AUDIOVISUELLE 194

Chapitre 1er : Dispositions relatives au pluralisme, à l'indépendance de l'information et à la concurrence 194

Article 15 (article 19 de la loi du 30 septembre 1986) : Demande d'informations notamment financières formulées par le CSA à l'égard des opérateurs et de leurs actionnaires 194

Article 16 (article 29 de la loi du 30 septembre 1986) : Eléments constitutifs des dossiers de candidature et critères retenus par le CSA pour les autorisations des fréquences radiophoniques 202

Article 17 (article 30 de la loi du 30 septembre 1986) : Eléments constitutifs du dossier de candidature et critères retenus par le CSA pour l'usage de fréquences en vue de l'exploitation de services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre 210

Article 18 (article 33-1 -anciennement 34-1- de la loi du 30 septembre 1986) - Conventionnement des services de radiodiffusion sonore et de télévision distribués par satellite et par câble 213

Après l'article 18 215

Article 19 (article 41-4 de la loi du 30 septembre 1986) : Intervention du Conseil de la concurrence et du CSA en matière de pratiques anticoncurrentielle et d'opérations de concentration dans le secteur de la communication audiovisuelle 216

Après l'article 19 219

Chapitre 2 : Dispositions concernant l'édition et la distribution de services audiovisuels 220

Article 20 (article 27 de la loi du 30 septembre 1986) Décret fixant les obligations des services de communication audiovisuelle diffusés par voie hertzienne terrestre 220

Après l'article 20 228

Article 21 (article 28 de la loi du 30 septembre 1986) : Quotas d'_uvres musicales d'expression francophone 229

Après l'article 21 230

Article 22 (article 28-1 de la loi du 30 septembre 1986) : Conditions de reconduction de l'autorisation des services de radiodiffusion sonore et de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre hors appel à candidatures 230

Article 23 : Coordination 236

Article 24 (article 33 de la loi du 30 septembre 1986) : Décret fixant les obligations des services de radiodiffusion sonore et de télévision distribués par câble ou par satellite 238

Article additionnel après l'article 24 (article 33-2 de la loi du 30 septembre 1986) : Attribution de fréquences satellitaires de radiodiffusion directe par le CSA 243

Article 25 (article 33-4 nouveau de la loi du 30 septembre 1986) : Définition du distributeur de services 243

Article 26 (article 34 de la loi du 30 septembre 1986) : Obligations des distributeurs de services diffusés par câble 245

Après l'article 26 250

Article 27 (article 34-2 de la loi du 30 septembre 1986) : Obligations des distributeurs de services diffusés par satellite 251

Article additionnel après l'article 27 (article 34-4 nouveau de la loi du 30 septembre 1986) : Exploitation des services de télévisions locales distribués par câble 254

Article 28 (articles 42, 42-1, 42-2 et 42-4 de la loi du 30 septembre 1986) : Pouvoirs de sanction du CSA 254

Article 29 (articles 78 et 78-2 nouveau de la loi du 30 septembre 1986) : Sanctions pénales pour défaut de déclaration d'une offre de services distribués par satellite et pour défaut de conventionnement d'un service de radiodiffusion ou de télévision distribué par câble ou par satellite 261

Article additionnel après l'article 29 (article 79 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986) : Sanction pénale en cas de fausse déclaration 262

TITRE IV - DISPOSITIONS DIVERSES ET TRANSITOIRES 263

Article 30 (articles 10, 12, 24, 33-1, 33-3, 43, 70 et 78-1 de la loi du 30 septembre 1986, articles 4 et 5 de la loi n° 96-299 du 10 avril 1996 relative aux expérimentations dans le domaine des technologies et services de l'information) : Coordination 263

Article additionnel après l'article 30 : Décodeurs numériques ouverts 264

Article 31: Dispositions transitoires 265

Article additionnel après l'article 31 (article L. 421-3 du code de l'urbanisme) : Antennes paraboliques collectives: 265

Article 32 : Application aux territoires d'outre-mer, à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie 266

2ème PARTIE

TABLEAU COMPARATIF 267

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 325

ANNEXES 363

INTRODUCTION

Le projet de loi n° 1187, déposé à l'Assemblée nationale le 10 novembre 1998, modifié et complété par la lettre rectificative n° 1541 déposée le 21 avril dernier, vient pour la vingt-deuxième fois en douze ans modifier la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

Peu nombreux sont les textes qui auront été autant retravaillés et transformés que cette loi, le législateur ayant constamment cherché à accompagner les évolutions nationales et internationales d'un secteur économique et culturel en pleine révolution technologique et tenté de prévenir, par la régulation ou la réglementation, les inévitables dérives ou débordements d'un système en voie de libéralisation.

Grâce à la généralisation des techniques de codage numérique à toutes les étapes de la chaîne audiovisuelle (production, transmission et diffusion), le secteur de la communication est en effet passé de la rareté (de sons, d'images et d'informations) à l'abondance. Les nouveaux services, plus ciblés, plus thématiques, se multiplient, et la concurrence augmente entre les opérateurs des différents modes de diffusion. Cet élargissement potentiel de l'offre médiatique, couplé à la disparition des frontières physiques pour la diffusion des programmes grâce à l'accroissement des capacités de diffusion et de réception, recèle des conséquences économiques et culturelles majeures. Les mouvements et retournements d'alliances entre les grands groupes de communication mondiaux, tendance de fond de la vie financière européenne depuis quelques années, sont la preuve que le temps est désormais à la concurrence dans un secteur qui fût longtemps protégé et fortement réglementé.

Pour autant, cette expansion et cette diversification ne doivent pas s'effectuer au détriment du public (l'abondance de l'offre coïncidant souvent avec son nivellement par le bas) et du développement d'une industrie de programmes française et européenne qui seule permettra de défendre réellement et durablement une exception culturelle difficile à préserver dans les négociations internationales.

Face à la spécificité du paysage audiovisuel français, marqué par la présence fortement dominante - fait unique en Europe - d'un opérateur privé, le groupe TF1, tant en ce qui concerne l'audience que les parts de marché publicitaire, il est de la responsabilité de l'Etat, garant de l'intérêt général, d'agir afin de préserver le pluralisme et la diversité parmi les opérateurs.

Dans cet esprit, la construction d'un secteur public fort et cohérent, loin de témoigner d'une conception archaïque de l'audiovisuel, peut être un moyen moderne, efficace et vertueux de garantir la régulation du marché et le plein exercice de la liberté de communication.

L'histoire récente de la télévision française a été marquée par la privatisation en 1987 de la première chaîne publique au nom du « mieux-disant culturel ». Le déséquilibre ainsi créé fut accentué par les dispositions de la loi du 1er février 1994 dite « loi Carignon », loi d'opportunité et de complaisance à l'égard de TF1.

*

Le présent projet s'inscrit dans ce contexte et vise à réaliser une modernisation du droit français de l'audiovisuel, afin d'assurer à l'ensemble des acteurs - publics et privés - du secteur les moyens d'affronter avec succès et dans le respect du pluralisme les enjeux considérables de la société de communication globale dans laquelle nous sommes désormais entrés.

L'ambition de ce texte est double :

- participer à la constitution d'une industrie audiovisuelle française forte et équilibrée, d'une part en restructurant et en consolidant le secteur public et d'autre part en modernisant et en harmonisant les règles applicables au secteur privé, tous supports confondus ;

- améliorer le service du public par une affirmation claire des missions et du rôle de l'audiovisuel public, une transposition des dispositions de la nouvelle directive « télévision sans frontières »1 améliorant le respect des droits des téléspectateurs et un renforcement des garanties de pluralisme et de transparence dans les sociétés audiovisuelles du secteur privé.

En renforçant les missions, la structure et les moyens de l'audiovisuel public, en rénovant le cadre normatif dans lequel se développent les sociétés audiovisuelles privées et en améliorant la qualité des services offerts aux téléspectateurs, ce projet de loi se met donc directement au service de l'intérêt général, dans une logique de modernisation et d'équilibre de l'industrie audiovisuelle française.

I. LE SERVICE PUBLIC DE L'AUDIOVISUEL EN FRANCE : DU MONOPOLE AU CHOIX DE LA DIFFÉRENCE

En matière de communication audiovisuelle, en cinquante ans, la France est passée d'un système monopolistique dans lequel le pouvoir exécutif exerçait une tutelle directe sur le contenu de l'information et la désignation des dirigeants, à un modèle pluraliste où coexistent un secteur privé concurrentiel et un secteur public émancipé du pouvoir politique.

Le choix du monopole public en matière audiovisuelle est historiquement fondé tant sur une volonté politique de contrôler le secteur que sur l'idée que la communication audiovisuelle participe des missions de service public dont l'exécution relève de l'Etat. L'abandon progressif de ce monopole et l'intégration du secteur public de l'audiovisuel dans un environnement concurrentiel et mondialisé oblige cependant aujourd'hui à réexaminer cette idée fondatrice, pour conforter sa justification et actualiser sa mise en application.

En effet, dans les bouleversements qu'a connu le paysage audiovisuel français depuis le début des années quatre-vingts, l'audiovisuel public a certes conquis son indépendance, mais a également dû affronter des défis bien plus complexes que celui de s'émanciper d'une tutelle politique omniprésente. Plongées dans un contexte concurrentiel, soumises à une accélération de l'innovation technologique, confrontées à la crise des finances publiques, les sociétés du secteur public de l'audiovisuel vivent aujourd'hui, au quotidien, la difficile conciliation des missions et des moyens et peinent parfois à justifier leur spécificité économique par leur différence programmatique.

A. DU MONOPOLE D'ÉTAT AU SECTEUR PUBLIC DE L'AUDIOVISUEL

1. 1945 - 1981 : la lente progression vers l'autonomie

· Un monopole d'Etat

Jusqu'en 1981, le régime juridique de la radiodiffusion se caractérise par l'existence d'un monopole d'Etat. Instauré dès 1903 pour la télégraphie sans fil, ce monopole a été étendu aux activités de communication vers le public lorsque celles-ci ont fait leur apparition.

La situation de monopole trouve son origine dans différents éléments :

- La rareté des fréquences hertziennes, argument technique incontestable jusqu'à la diversification des modes de diffusion et surtout jusqu'à l'adoption de la technologie numérique pour le codage des sons et des images.

- La nécessaire garantie de l'objectivité de l'information et du respect de l'intérêt général, l'Etat étant, en droit, le premier et principal garant de l'intérêt général et donc susceptible, à ce titre, de mettre des médias « rares » comme la radio et la télévision à l'abri des groupes d'intérêts privés ou catégoriels. Cet argument a cependant fini par se retourner contre un service public omnipotent, considéré en fin de compte comme le symbole d'une atteinte à la liberté de communication ; cette conception inspirera, comme on le verra plus loin, la rédaction de la loi du 30 septembre 1986.

- L'impact, réel ou supposé, de la radio et de la télévision sur l'opinion publique a également conduit le pouvoir politique à vouloir contrôler ces médias par l'intermédiaire du monopole. L'audiovisuel est perçu comme un vecteur idéologique et un instrument de pouvoir qu'il convient de maîtriser.

· Un simple service administratif jusqu'en 1959

Dans l'immédiate après-guerre, la Radio-Télévision française (RTF), créée par le décret du 9 février 1949 fonctionne sous un régime proche de celui des services administratifs de l'Etat. Administrée par un directeur général nommé par le Gouvernement et un Conseil supérieur composé d'un président et de quatre membres, la RTF relève soit du président du Conseil, soit d'un ministre ou d'un secrétaire d'Etat. Son budget annexe bénéficie d'une affectation directe des recettes de redevance mais son régime financier est voisin de celui des services de l'Etat. Sa subordination au Gouvernement est totale.

· De 1959 à 1964 : un établissement public étroitement contrôlé

L'ordonnance n° 59-273 du 4 février 1959 transforme cette structure administrative en un établissement public d'Etat à caractère industriel et commercial. Le monopole conféré à cet organisme est d'une portée relativement large puisqu'il concerne tout à la fois la programmation d'émissions et leur diffusion (radiodistribution). Il n'est cependant pas total puisqu'il ne comprend pas, comme avait, sans succès, tenté de le faire la loi n° 53- 1335 du 31 décembre 1953 relative au budget de la RTF pour 19542, la production des programmes audiovisuels. La RTF, et ensuite à l'ORTF, pourront ainsi faire appel à des entreprises privées pour la fabrication des programmes qu'elles diffusent.

Malgré son statut d'établissement public, la RTF demeure directement placé sous l'autorité du ministre de l'information (et non soumise à une simple tutelle ministérielle). Le directeur général et les autres directeurs sont nommés en Conseil des ministres : il s'agit d'emplois à la discrétion du Gouvernement et l'établissement n'a pas de conseil d'administration ou d'organes de direction propres. Son budget enfin, reste soumis aux règles de la comptabilité publique et ses dépenses sont engagées et contrôlées comme des dépenses de fonctionnement et d'équipement d'un service de l'Etat. Son financement est assuré par la redevance pour droit d'usage des appareils de télévision, taxe parafiscale versée sur un compte d'affectation spéciale et recouvrée par un service spécialisé constitué au sein même de l'établissement.

· De 1964 à 1974 : un office unique, l'ORTF

En 1964, un grand pas vers l'autonomie est franchi, tout au moins en droit, avec la transformation de cet établissement public en Office de Radiodiffusion-Télévision Française (ORTF). La loi n° 64-621 du 27 juin 1964 portant statut de l'ORTF confirme, dans les mêmes termes que le décret de 1959, la situation de monopole de l'Etat en matière de services audiovisuels. Ces services sont confiés à un office, établissement public industriel et commercial qui n'est plus soumis à une l'autorité directe du ministre mais à un pouvoir de tutelle visant à contrôler le respect par l'office des obligations de service public. Le caractère de service public de la RTF, jusque là sous-entendu par les textes et reconnu par le Conseil d'Etat, est en effet désormais clairement établi par la loi qui affirme dans son article premier que la radiodiffusion sonore et la télévision constituent un service public destiné à satisfaire « aux besoins d'information et de culture, d'éducation et de distraction du public ».

L'ORTF est doté d'un conseil d'administration composé pour moitié de représentants de l'Etat et pour moitié de représentants des auditeurs et téléspectateurs, de la presse écrite, du personnel et de personnalités qualifiées ; il dispose de la personnalité morale et de l'autonomie financière. Le conseil d'administration fixe les lignes générale de l'action de l'Office et délibère du budget. Il doit également garantir la moralité et la qualité des programmes. Son président, élu en son sein, assure les fonctions exécutives assisté d'un directeur général nommé en Conseil des ministres. Enfin, le contrôle a priori des dépenses laisse place à un contrôle a posteriori des budgets et des comptes.

La loi n° 72-553 du 3 juillet 1972 fait un pas de plus vers l'autonomie. En l'organisant l'ORTF en unités fonctionnelles qui prennent la forme d'offices ou d'établissements publics, elle préfigure sa future division en organismes distincts. La dualité de l'exécutif est supprimée au profit d'un président directeur général, nommé pour trois ans en Conseil des ministres.

Cette même loi réaffirme et précise les conditions de mise en _uvre des deux principes fondamentaux régissant l'organisation de l'ORTF : le service public et le monopole d'Etat. La définition de la mission de service public est approfondie puisque, outre la réponse aux besoins du public en matière d'information, de culture, d'éducation et de divertissement, figurent désormais parmi les missions la satisfaction des aspirations du public en ce qui concerne les valeurs de la civilisation, la nécessité de faire prévaloir « le souci exclusif des intérêts généraux de la collectivité », la participation à la diffusion de la culture française et l'illustration de la langue française. L'objet du monopole est quant à lui confirmé : il porte sur la programmation, la diffusion et les installations, mais ni sur la réception ni sur la production.

Malgré cette progression vers plus d'autonomie structurelle, dans l'esprit du Gouvernement de l'époque, L'ORTF n'en demeure pas moins un outil de communication privilégié dont il fait libre usage. La « voix de la France », selon la célèbre formule du président Georges Pompidou, reste avant tout au service du pouvoir et de sa majorité.

Enfin, la loi du 3 juillet 1972 consacre le principe d'un financement complémentaire par la publicité, la proportion de recettes provenant de la publicité de marque ne pouvant excéder 25 % des ressources totales de chaque entité.

Cette loi n'ayant cependant pas permis de résoudre les principaux problèmes auxquels est confrontée l'ORTF, à savoir le manque d'autonomie à l'égard des pouvoirs publics, le monolithisme de l'institution et la crise en matière administrative et financière, une nouvelle réforme est proposée en 1974 après l'élection du nouveau Président de la République.

· Le statut de 1974 et l'éclatement de l'ORTF

La loi n° 74-696 du 7 août 1974 réaffirme les deux principes fondateurs de la radio-télévision française, à savoir le monopole et la mission de service public, mais fractionne l'exécution de cette mission entre sept organismes indépendants les uns des autres : deux établissements publics, l'un chargé de la diffusion (Télédiffusion de France - TDF), l'autre de l'archivage et de la recherche (l'Institut national de l'audiovisuel - INA) et quatre sociétés nationales pour la programmation (TF1, Antenne 2, FR3 et Radio France). La Société française de production (SFP), placée sous le régime des sociétés anonymes mais sous contrôle de l'Etat, n'est pas quant à elle chargée d'une mission de service public (ce qui est cohérent avec l'absence de monopole de la production).

D'un point de vue juridique, la notion de monopole de programmation est quelque peu entamée par cette nouvelle organisation puisque cette responsabilité ne dépend plus d'un organisme unique et que les sociétés nationales de programmes ne sont pas vraiment soumises à une obligation de stricte complémentarité.

La loi du 7 août 1974 donne en fait au secteur public de l'audiovisuel le statut juridique qu'il va conserver jusqu'à aujourd'hui : les sociétés nationales de programme ne sont pas des structures de droit public, mais des personnes morales de droit privé dont l'Etat est l'actionnaire unique et qui sont soumises au droit des sociétés anonymes, à l'exception des dispositions contraires à leur structure et à leurs missions. Elle sont gérées par un conseil d'administration de six membres (deux représentants de l'Etat, un parlementaire, un représentant du personnel, un représentant de la presse écrite et une personnalité qualifiée) nommés par décret pour trois ans ; le président est désigné par décret parmi les membres du conseil.

Si la loi de 1974 n'utilise plus le terme de « tutelle », le pouvoir du Gouvernement sur les organismes reste cependant bien réel. Ainsi, un article prévoit que le Premier ministre, ou le ministre délégué à cet effet, « assure le respect du monopole, veille à l'observation par l'établissement public et les sociétés nationales des cahiers des charges et, de façon générale, des obligations de service public ». C'est bien le Gouvernement qui nomme, par décret, les présidents des sociétés nationales de programmes et des établissements publics, qui approuve par décret les statuts établis par les conseils d'administration et rédige les cahiers des charges qui précisent les objectifs à atteindre pour remplir les missions assignées aux différents services.

La loi détermine, sans que ce soit limitatif, un certain nombre de ces obligations de service public dans les domaines de l'information, de la culture, de l'action extérieure, de la coopération, de la créativité, du renouvellement des programmes, de l'accès à l'antenne3 et de la publicité. Ces cahiers des charges, grande innovation de la loi de 1974, ne sont donc pas des actes contractuels, mais bien des actes unilatéraux pris par le Gouvernement, auxquels les sociétés doivent se conformer. Pour l'Etat, ils constituent désormais un des moyens de contrôle les plus importants sur des institutions audiovisuelles plus autonomes qu'auparavant.

D'un point de vue financier, le service public de l'audiovisuel continue à bénéficier d'un financement majoritairement public par le biais de la redevance, désormais recouvrée par un service de l'Etat et répartie en loi de finances entre les différents organismes. Le financement public étant lié à l'exercice de missions de service public, la Société française de production (SFP) n'en bénéficie pas. Les organismes peuvent également avoir recours à d'autres sources de financement, à commencer par la publicité qui, comme en 1972, ne peut excéder 25 % des ressources totales de l'établissement.

Le statut de 1974 innove cependant en la matière en précisant que la durée et la répartition des émissions publicitaires ainsi que le volume des recettes correspondantes doivent demeurer compatibles avec les missions de service public assignées à l'organisme. Les cahiers des charges devront fixer les modalités d'application de ces dispositions et notamment les proportions maximales de temps d'antenne : la préoccupation qui anime le présent projet de loi n'est donc pas nouvelle !

Les autres ressources propres varient selon les organismes : l'établissement public de diffusion reçoit bien évidemment une rémunération de la part des sociétés nationales de programmes pour la diffusion de leurs émissions, l'INA reçoit des contributions des autres organismes pour services rendus, les sociétés nationales de programmes peuvent céder les droits sur les émissions qu'elles produisent et la SFP se finance essentiellement par la cession des émissions qu'elle produit. Enfin, l'ensemble de ces organismes - à l'exception de la SFP - peuvent bénéficier de subventions publiques, et notamment du remboursement des exonérations de redevance décidées par l'Etat (article 21 de la loi du 7 août 1974).

· Les premières atteintes au monopole

Le statut de 1974, complété par de nombreux décrets d'application, va régir la radio-télévision française jusqu'au grand bouleversement de 1982. Pendant ces huit années cependant, des dérogations de plus en plus nombreuses sont être apportées au principe du monopole, notamment sous la pression du développement des radios libres. Après une phase répressive (la loi n° 78-787 du 28 juillet 1978 punit d'un emprisonnement de un mois à un an et d'une amende de 10 000 à 100 000 francs toute personne qui aura diffusé une émission de radio ou de télévision en violation du monopole), l'idée d'une révision générale du statut de la radiodiffusion s'impose et le nouveau Gouvernement issu des élections de mai-juin 1981 la réalisera.

La loi n° 81-994 du 9 novembre 1981 constitue la première brèche législative dans le monopole de la programmation en autorisant les radios locales privées associatives. C'est un texte de transition puisqu'il n'abroge pas le monopole d'Etat mais prévoit simplement un régime dérogatoire. Les dérogations sont accordées par le ministre de la communication et le ministre chargé de la tutelle de TDF après avis d'une commission consultative nommée par décret. Ces dérogations sont accordées en tenant compte des contraintes du plan de fréquences et de la nécessité de préserver la qualité d'écoute des émissions du service public. Elles sont assorties d'un cahier des charges et les radios ainsi autorisées n'ont pas le droit de diffuser de messages publicitaires.

Les faits ont donc enfin contraint le droit à évoluer et, bien qu'étant en principe un texte provisoire et de transition, la loi du 9 novembre 1981 préfigure en réalité ce que va être le nouveau statut de l'ensemble de la communication audiovisuelle.

2. Depuis 1982 : la consolidation d'un « secteur public de l'audiovisuel » au sein d'un environnement de plus en plus concurrentiel

En proclamant dans son article premier que « la communication audiovisuelle est libre », la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 marque la fin du monopole d'Etat, tant en matière de radiodiffusion que de télévision.

Depuis cette loi, l'ancien « service public » de la radiodiffusion et de la télévision s'est peu à peu transformé en un « secteur public » de l'audiovisuel, en perdant certains de ses éléments au profit du secteur privé, mais aussi en créant de nouveaux organismes destinés à assurer une exécution maximale de ses missions et en modifiant son organisation et ses structures afin de préserver sa cohérence face à un secteur privé de plus en plus important.

· Le statut de 1982 et la fin du monopole de programmation

Tout comme sa justification, c'est la conjonction de plusieurs éléments qui a conduit à une remise en question du monopole d'Etat. Différents arguments se sont en fait rencontrés à la fin des années soixante-dix et ont rendu intenable la résistance étatiste au changement :

- la poussée des innovations techniques qui accroît les possibilités de réceptions de programmes de radio et de télévision émis de l'étranger,

- les innovations technologiques (câble, satellite) qui mettent à mal l'argument historique de la pénurie des fréquences de diffusion,

- le phénomène des radios libres qui symbolise une évolution socio-culturelle et une demande véritable de la part du citoyen,

- le changement politique de 1981 enfin, qui entraîne l'arrivée de nouveaux dirigeants ayant dans le passé combattu le monopole de la radio et de la télévision.

La loi du 29 juillet 1982 abolit donc le monopole de programmation en proclamant le principe de la liberté de communication audiovisuelle. Le schéma juridique traditionnel qui relie service public audiovisuel et monopole d'Etat de la radio et de télévision est rompu, ce qui ne signifie cependant pas que les pouvoirs publics renoncent à exercer toute responsabilité en la matière.

En ce qui concerne le service public, la principale originalité de la loi de 1982 réside dans la volonté de l'émanciper de la tutelle du pouvoir politique en instaurant une sorte d'écran protecteur entre l'actionnaire public et ses sociétés. Cette indépendance sera garantie par une autorité administrative indépendante, la Haute Autorité de la communication audiovisuelle.

Cette instance, composée de neuf membres nommés pour neuf ans non renouvelables sur un schéma voisin de celui prévalant pour le Conseil constitutionnel, est désormais chargée de veiller au respect des missions de service public par les différents organismes, de garantir le pluralisme et l'équilibre dans les programmes, de donner un avis sur les cahiers des charges, de nommer les administrateurs des établissements publics et des sociétés de l'audiovisuel et de désigner, parmi eux, les présidents des sociétés nationales de programmes.

Le Gouvernement conserve cependant un certain pouvoir puisque la loi le charge de la détermination des cahiers des charges, préserve le droit d'accès à l'antenne évoqué précédemment et laisse au Premier ministre ou au ministre délégué le soin de répartir annuellement, entre les organismes, les ressources attendues de redevance et de publicité. Il incombe enfin au Gouvernement de définir ou de contrôler les règles d'organisation statutaires des organismes chargés du service public de la radio-télévision et, éventuellement, d'en créer de nouveaux.

L'article 5 de la loi redéfinit les missions du service public de l'audiovisuel, qui doit servir l'intérêt général :

« - en assurant l'honnêteté, l'indépendance et le pluralisme de l'information ;

- en répondant aux besoins contemporains en matière d'éducation, de distraction et de culture des différentes composantes de la population, en vue d'accroître les connaissances et de développer l'initiative et les responsabilités des citoyens ;

- en contribuant à la production et à la diffusion des _uvres de l'esprit ;

- en favorisant la communication sociale et notamment l'expression, la formation et l'information des communautés culturelles, sociales et professionnelles et des familles spirituelles et philosophiques ;

- en participant par ses actions de recherche et de création au développement de la communication audiovisuelle, en tenant compte de l'évolution de la demande des usagers et des mutations qu'entraînent les techniques nouvelles ;

- en défendant et en illustrant la langue française et en assurant l'expression des langues régionales ;

- en favorisant la diffusion à l'étranger de la culture française sous toutes ses formes et en participant au dialogue entre les cultures et en particulier les cultures d'expression francophone ;

- en répondant aux besoins des Français de l'étranger en matière d'information, de distraction et de culture. »

Ces missions devaient être assurées dans le respect des principes de pluralisme et d'égalité entre les cultures, les croyances, les courants de pensée et d'opinion.

Pour l'exécution de ces missions, le service public s'organise autour de deux établissements publics (l'établissement de diffusion TDF et l'Institut national de la communication audiovisuelle qui reprend les missions de l'INA) et de six sociétés nationales de l'audiovisuel (cinq sociétés nationales de programmes - Radio France, TF1, Antenne 2, FR3 et la société nationale de programme chargée de la coordination des sociétés régionales et territoriales de radio et télévision d'outre mer - et une société nationale de production, la SFP), personnes de droit privé soumises à la législation sur les sociétés anonymes, à l'exception des dispositions contraires à leur statut et à leurs missions.

Cette organisation nationale se double d'un échelon décentralisé, les sociétés régionales de l'audiovisuel (qui gèrent les activités du secteur public en matière de radios locales, de télévisions régionales et de radio-télévision outre mer) et d'un échelon international, composé de deux organismes spécifiques et autonomes, Radio France Internationale, filiale de Radio France chargée d'élaborer des programmes de radio destinés à une diffusion internationale et France Médias International, société chargée de la commercialisation internationale des _uvres et documents audiovisuels dont les sociétés et organismes de service public lui cèdent les droits.

La loi prononce donc, par ailleurs, la fin du monopole de programme ; seul le monopole de diffusion est, en droit, conservé. Une entreprise privée peut donc désormais avoir accès à la communication audiovisuelle, en radio comme en télévision. Toutefois, le Gouvernement ne sort pas complètement du jeu puisqu'un partage de compétence est mis en place.

D'un côté, la Haute Autorité délivre les autorisations pour les services locaux de radiodiffusion et de télévision4 par voie hertzienne et par câble, sur la base d'un cahier des charges contenant les obligations de service public. De l'autre côté, le Gouvernement accorde, par le biais de concessions de service public, l'accès aux satellites et aux réseaux hertziens terrestres de télévisions nationales.

Entre 1982 et 1986, trois chaînes nationales privées seront ainsi autorisées par le Gouvernement : une chaîne cryptée à péage, Canal +, première société de ce type à voir le jour en Europe, et deux chaînes commerciales financées par la publicité, TV6 et La Cinq.

Pour le législateur de 1982, le service public de l'audiovisuel, par son nouveau mode d'organisation, devient donc, au même titre que la fin du monopole de programmation et l'institution de la Haute Autorité, une illustration et une garantie de la liberté de communication nouvellement affirmée par la loi.

A la suite du changement de majorité gouvernementale en mars 1986, c'est une philosophie très différente qui va animer la préparation et l'adoption d'un nouveau statut de l'audiovisuel.

· La loi du 30 septembre 1986 et la consécration du secteur privé

Durant l'été 1986, M. François Léotard, nouveau ministre de la culture, déclare devant les sénateurs réunis pour examiner le projet de loi de réforme audiovisuelle « Notre service public est un astre mort, c'est à dire un astre dont la lumière nous parvient encore, mais qui est mort ». La notion de service public apparaît alors comme dépassée, puisque l'information et la distraction ne sont pas regardées comme des missions d'intérêt général mais comme des modalités d'exercice d'une liberté. Le monopole est mort, vive la concurrence !

La philosophie du nouveau statut de l'audiovisuel promulgué le 30 septembre 1986 est de favoriser le passage d'une logique d'Etat à une logique d'entreprise, y compris pour le service public ; l'aspiration culturelle cède le pas à la logique économique.

C'est donc dans ce contexte libéral que la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 a mis en place l'armature durable du droit actuel de la communication audiovisuelle puisque c'est cette loi, modifiée vingt-et-une fois, qui régit toujours aujourd'hui le secteur. Depuis cette date en effet, des modifications, plus ou moins importantes, ont été introduites, mais toujours par voie d'amendement ; ainsi, les lois n° 89-25 du 17 janvier 1989 et n° 94-88 du 1er février 1994 ne s'inscriront plus dans une logique de table rase et de remise en cause globale d'un système mais plutôt dans une volonté d'adaptation de la législation aux évolutions spontanées du secteur.

La loi du 30 septembre 1986 confirme tout à la fois la disparition de tout monopole public en matière de communication et l'existence de deux secteurs de l'audiovisuel, l'un public et l'autre privé. Ce dernier prend une place essentielle dans le paysage audiovisuel alors que le service public, requalifié en « secteur public », connaît une redéfinition et des restructurations importantes. L'existence et le fonctionnement de ces deux secteurs sont soumis à l'arbitrage croissant d'une autorité de régulation, la Commission nationale de la communication et des libertés (CNCL), remplacée en 1989 par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) que nous connaissons aujourd'hui.

Tout monopole d'Etat en matière de communication est définitivement abandonné puisque le monopole de diffusion confié à TDF est supprimé, à l'exception, il est vrai, de la diffusion des programmes des sociétés nationales de radio et de télévision (article 51 de la loi). Pour le reste des opérateurs, TDF offrira ses services sur un marché ouvert à la concurrence. Aujourd'hui intégrée au groupe partiellement privatisé France Télécom, cette société continue cependant à assurer des missions de service public en garantissant notamment la continuité du territoire en matière de diffusion, tant en métropole qu'avec l'outre mer.

Pour ce qui concerne la régulation du secteur, la loi prolonge assez largement les choix effectués en 1982 puisqu'elle confirme la création d'une autorité administrative chargée d'arbitrer, de façon indépendante du pouvoir politique, les évolutions du paysage audiovisuel. La CNCL puis, à sa suite, le CSA seront, dans cette logique, dotés de pouvoirs grandissants tant en ce qui concerne les autorisations accordés aux services privés (qu'ils soient nationaux ou régionaux) que pour le contrôle du respect de leurs obligations par les différents opérateurs et la sanction de leurs manquements (ce dernier pouvoir, limité en 1986 aux services privés, sera étendu aux sociétés nationales de programmes par la loi du 1er février 1994).

Mais la loi tend surtout à mettre en place un nouvel équilibre du secteur audiovisuel entre les acteurs publics et privés.

Dans ce cadre, le geste le plus symbolique et le plus spectaculaire est très certainement la privatisation de TF1, première chaîne du réseau public, attribuée pour dix ans par la CNCL, après appel à candidatures, au groupe de travaux publics Bouygues. Ce choix de transférer une société du service public, et, qui plus est, la plus prospère, au secteur privé, est resté une exception en Europe et a profondément modifié l'équilibre du paysage audiovisuel jusqu'à aujourd'hui. Les concessions accordées à La Cinq et à TV6 sont par ailleurs retirées et les fréquences ainsi laissées vacantes réaffectées à d'autres opérateurs privés par la CNCL, selon les nouvelles modalités d'autorisation. Le système, fort critiqué, de la concession de service public est abrogé ; seule la concession de Canal + est maintenue jusqu'au renouvellement de l'autorisation, en 1995.

Outre cette privatisation, la loi de 1986 innove en substituant la notion de « secteur public » à celle de « service public » et en disséminant les éléments définissant la mission de service public que constitue la communication audiovisuelle à divers endroits du texte, sans que les missions spécifiques des organismes du secteur public puissent être clairement identifiées et distinguées de celles attribuées à l'ensemble des acteurs du secteur.

En droit public, le remplacement de la notion de « service public » - porteuse d'une conception ontologique liée aux missions spécifiques des différents organismes- par celle de « secteur public » - qui traduit simplement une approche organique - est susceptible d'entraîner des conséquences importantes. Il existe en effet un certain nombre de domaines dans lesquels le secteur public n'est pas tenu de remplir une mission de service public.

Dans la loi de 1986, si les « exigences de service public » n'ont pas disparu, elles sont en fait plus directement rattachées à l'exercice - ou plutôt, dans la conception libérale qui a inspiré la rédaction du texte, à la limitation - de la liberté de communication par tous les acteurs5, qu'ils soient publics ou privés, qu'à la définition fonctionnelle des sociétés du secteur public. Celle-ci se retrouve éparpillée au gré des articles relatif aux pouvoirs de l'autorité de régulation et de ceux définissant les différentes sociétés nationales de programmes, ce qui, en fin de compte, affaiblit la cohérence et la justification du service public de l'audiovisuel.

On peut ainsi considérer que cette notion élargie de service public sous-tend les missions générales confiées à l'instance de régulation par le troisième alinéa de l'article premier de la loi (modifié par la loi du 25 janvier 1989), puisqu'il est précisé que le CSA «  assure l'égalité de traitement ; il garantit l'indépendance et l'impartialité du secteur public de la radiodiffusion sonore et de la télévision ; il veille à favoriser la libre concurrence ; il veille à la qualité et à la diversité des programmes, au développement de la production et de la création audiovisuelles nationales ainsi qu'à la défense et à l'illustration de la langue et de la culture françaises ». Ce sont bien là des obligations de service public telles qu'elles étaient définies, dans les lois antérieures, à l'usage du secteur public, mais qui sont désormais appliquées à l'ensemble des opérateurs, dans des proportions il est vrai différentes. Plus largement, la mission historique de la radio et de la télévision « informer, éduquer et distraire » n'est plus l'apanage du service public mais un développement de droit commun de l'exercice de la liberté de communication.

Le secteur public de l'audiovisuel, tel qu'il est défini et organisé par la loi, continue cependant à se distinguer du secteur privé par un certain nombre d'obligations et de prérogatives exorbitantes du droit commun. Au rang des prérogatives, on peut bien entendu citer le financement par la redevance ou encore l'accès prioritaire aux fréquences établie par l'article 26 de la loi. Mais les contraintes sont également nombreuses, qu'il s'agisse des règles de programmation ou de limitation du droit de grève en application du principe de continuité du service public établi par la décision du Conseil constitutionnel du 25 juillet 1979 sur le droit de grève à la radio et à la télévision. L'ensemble de ces obligations spécifiques sont précisées par les cahiers des charges (articles 48 de la loi) qui continuent à être établis par décret, après avis public du CSA, pour tous les organismes du secteur public (voir ci-après) à l'exception de la SFP.

Aujourd'hui, le secteur public de l'audiovisuel est constitué :

- De cinq sociétés nationales de programmes, chaînes de télévision et/ou de radio (France 2, France 3, Radio France Outre mer, Radio France et Radio France Internationale), dont le président est nommé par le CSA ; depuis la loi n° 89-532 du 2 août 1989, les sociétés France 2 et France 3 sont réunies sous une présidence commune au sein d'une structure ad hoc dénommée France Télévision et dénuée de personnalité juridique (article 44).

- De deux chaînes à statut particulier, La Sept-ARTE, chaîne culturelle européenne fondée par un traité franco-allemand en 1989 et La Cinquième, chaîne destinée à favoriser l'accès au savoir, à l'éducation et à l'emploi créée en 1994 (article 45) ; elles sont dotées, depuis 1997, d'une présidence commune, sans que celle-ci soit prévue dans la loi.

- D'un établissement public industriel et commercial chargé de la conservation et de l'exploitation des archives audiovisuelles des sociétés nationales de programmes : l'Institut national de l'audiovisuel (INA, article 49).

- D'une société chargée de la diffusion et de la transmission des programmes des sociétés nationales de programmes : Télédiffusion de France (TDF, article 51).

Le commentaire des articles 1er à 6 du projet de loi permettra de revenir plus en détail sur l'organisation et le mode de fonctionnement de ces organismes.

La Société française de production (SFP), quant à elle, ne fait plus juridiquement partie du secteur public de l'audiovisuel depuis la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, l'article 53 de cette loi supprimant l'article 52 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la SFP. Après les multiples tentatives de privatisation que le gouvernement de M. Alain Juppé n'était pas parvenu à finaliser, l'actuel gouvernement a décidé, avec l'accord de la Commission européenne, de procéder à une restructuration et une recapitalisation de la SFP. Tout comme TDF, celle-ci n'est plus, depuis 1994, financée par la redevance.

Selon les termes mêmes de M. Michel Péricard, rapporteur du projet de loi sur la liberté de communication en 1986 au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, la réforme, intitulée depuis lors « loi Léotard », avait pour but l'établissement d'un meilleur équilibre entre le secteur public et le secteur privé, « la recherche de cet équilibre, condition essentielle à un assainissement du marché audiovisuel pour lui permettre de s'ouvrir au jeu de la concurrence, exigeant d'une part la privatisation d'une partie du secteur public tel qu'il est aujourd'hui, d'autre part une meilleure définition de la place et du rôle du secteur public »6.

Avec désormais douze années de recul, on ne peut manquer de s'interroger sur l'opportunité des choix effectués à cette époque et sur leurs conséquences à long terme sur la place et le rôle du secteur public de l'audiovisuel. Celui-ci, décapité par la privatisation de sa chaîne de référence, dépourvu d'orientations d'ensemble et d'une définition claire de ses missions et ambitions, intégré bon gré mal gré dans un paysage audiovisuel de plus en plus industriel et mondialisé, est menacé de banalisation... Ce qui conduit à s'interroger sur sa raison d'être et sa justification.

Aujourd'hui encore, l'audiovisuel français, marqué par l'affrontement de ses deux chaînes premium, reste tributaire des choix surprenants qui furent fait en 1986.

B. LE PRIX DU SERVICE PUBLIC OU LA DIFFICILE CONCILIATION DES MISSIONS, DES BUDGETS ET DU MARCHÉ

Au-delà de la remise en cause idéologique dont il a fait l'objet dans la deuxième moitié des années quatre-vingts, le service public de l'audiovisuel se trouve aujourd'hui placé dans un contexte nouveau et soumis à des contraintes qui modifient profondément le sens et la portée de son institution :

- des mutations technologiques et économiques ont contribué à fragiliser la position de certains services en les exposant à la pression de la concurrence et en les contraignant à s'adapter,

- des pressions extérieures, notamment européennes, s'exercent dans le sens d'un réaménagement des frontières entre le public et le privé et d'une réduction de la spécificité du régime du service public,

- des contraintes sociales, enfin, résultent du fait que les services publics doivent faire face à une insatisfaction et une demande croissantes de leurs usagers, qui se comportent de plus en plus en consommateurs exigeants et avertis.

Contraint de s'adapter, le service public de l'audiovisuel oscille donc, depuis une dizaine d'années, entre une tendance à l'alignement économiste sur le secteur privé et une démarche qualitative de « renouveau du secteur public ». Au gré des majorités politiques et des choix budgétaires, la « crise existentielle » se fait plus ou moins forte, mais un malaise de fond demeure dont le secteur public ne pourra sortir que par un recentrage sur ses spécificités et une reconquête de ses capacités d'action et d'innovation.

1. Une « crise » d'identité et de financement

Si l'on s'en tient aux diffuseurs télévisuels, pour lesquels la crise est la plus visible mais semble également être la plus profonde, force est de constater que les réformes introduites depuis dix ans n'ont pas toujours été totalement préparées, ni totalement abouties.

Le secteur public de l'audiovisuel s'est en fait retrouvé piégé dans une suite de ruptures qui ne lui permettent pas, à l'heure actuelle, de reconquérir une cohérence et une ambition capables de justifier pleinement son existence et sa pérennité.

· La première rupture est programmatique : les chaînes publiques se divisent en effet désormais en deux blocs, les généralistes d'un côté (France 2 et France 3), et les spécialisées de l'autre (La Cinquième, éducative, et la Sept-ARTE, culturelle et européenne). L'apparition de ces dernières a modifié le positionnement des premières (qui avaient également une mission éducative et culturelle) sans qu'une réflexion soit menée sur ce sujet. Pourtant, toutes participent d'un même système où la concurrence avec les opérateurs privés se joue notamment sur le terrain de l'identité des chaînes.

Face aux « petites » chaînes publiques à la programmation clairement orientée et identifiable, les chaînes généralistes publiques - et pas seulement France 2 même si elle est aujourd'hui la plus concernée - souffrent cruellement d'un manque d'orientations stratégiques et éditoriales pourtant nécessaires à la mobilisation des personnels et à la reconnaissance du public.

En 1989, la création d'une présidence commune avait clairement pour objectif de relancer la machine et de donner aux deux chaînes publiques généralistes un élan et un dynamisme d'ensemble ; dépourvue de moyens et de pouvoirs propres, freinée par les conflits de personnes et les difficultés de financement, France Télévision n'est pas parvenue à reconquérir une cohérence et une démarche originale qui intègre les exigences du marché sans y sacrifier les enjeux d'intérêt général.

La rupture a donc perduré et la dérive programmatique a été consacrée par une multiplications des débordements et des choix ouvertement commerciaux dont l'« affaire », désormais bien connue, des « animateurs producteurs », en 1996, est certainement le symbole le plus cruel.

Face à un pôle éditorial ambitieux, exigeant, parfois élitiste et à l'audience forcément réduite (de l'ordre de 4 % des parts de marché), les deux chaînes généralistes du service public se sont en fait intégrées, mi de gré, mi de force, dans une logique de marché qui les a fatalement conduites à la confrontation avec leurs concurrentes du secteur privé pour la course à l'audience et aux recettes publicitaires.

· C'est ici qu'il convient d'évoquer la seconde rupture, d'ordre financier, qui mine le secteur public de l'audiovisuel depuis maintenant de trop nombreuses années et qui explique très largement la dérive programmatique que l'on vient d'évoquer très rapidement.

Les conditions de financement des chaînes hertziennes en clair ont, en effet, très sensiblement évolué en quelques années, et le secteur public s'est trouvé au c_ur de cette évolution.

En six ans, le paysage audiovisuel français en clair est ainsi passé de trois chaînes privées (TF1, La Cinq et M6) et deux chaînes publiques (Antenne 2 et FR3) à deux chaînes privées (TF1 et M6) et trois chaînes publiques (France 2, France 3 et les chaînes du cinquième réseau, La Sept-ARTE et la Cinquième). Or, malgré ce changement de configuration, depuis 1992, les contributions publiques ont augmenté pratiquement quatre fois moins vite que les recettes publicitaires du secteur public.

Les tableaux ci-dessous, qui retracent l'évolution de la structure de financement des quatre chaînes hertziennes métropolitaines publiques et du total du budget de l'audiovisuel public entre 1992 et 1998, reflètent parfaitement ce « décrochage » du financement public par rapport à la ressource publicitaire. Il est particulièrement intéressant de constater combien, pour France 2 et France 3, ces années correspondent à un brusque fléchissement de l'effort budgétaire de l'Etat et d'une explosion de la ressource publicitaire.

Budget de l'audiovisuel public entre 1992 et 1998

- Structure de financement -

en %

 

France 2

France 3

TOTAL

audiovisuel public

 

1992

1998

1992

1998

1992

1998

Redevance

53,0

45,58

72,56

58,38

66,2

64,9

Subventions

6,09

1,99

6,44

1,83

10,6

4,1

Financement public

59,09

47,57

79,0

60,21

76,8

69,0

Publicité et parrainage

40,15

51,08

15,2

32,69

18,2

26,1

Autres ressources propres

0,76

1,35

5,8

7,1

5

4,9

TOTAL

100

100

100

100

100

100

Source : annexes aux lois de finances initiales

Budget de l'audiovisuel public entre 1992 et 1998

- Structure des recettes -

en millions de francs

 

France 2

France 3

La Sept-ARTE

La Cinquième

TOTAL

Audiovisuel public

 

1992

1998

98/92

1992

1998

98/92

1992

1998

98/92

1992

1998

98/92

1992

1998

98/92

Redevance

2179,0

2364,5

+ 8,5 %

3076,5

3295,0

+ 7,1 %

364,4

956,5

+162,5%

324,5

710,9

+119,0%

8577

11681,5

+ 36,2 %

Dotations budgétaires

250,3

103,0

- 58,8 %

273,1

103,1

- 62,2 %

159,3

40,0

- 74,9 %

375,5

40,0

- 89,3 %

1373

738,1

- 46,2 %

Financement public

2429,3

2467,5

+ 1,6 %

3349,6

3398,1

+ 1,4 %

523,7

996,5

+ 90,3 %

700,0

750,9

+ 7,3 %

9950

12419,6

+ 24,8 %

Publicité Parrainage

1650,9

2649,8

+ 60,5 %

645,3

1844,9

+185,9%

0

0

0 %

36,5

21,9

- 40 %

2363

4690,3

+ 98,5 %

Ressources propres

31,3

70,0

+123,6%

245,0

400,4

+ 63,4 %

22,0

12,4

- 43,6 %

20,0

8,2

- 59 %

634

891,3

+ 40,6 %

Total

4111,5

5187,3

+ 26,1 %

4239,9

5643,4

+ 33,1 %

545,7

1008,9

+ 84,9 %

756,5

781,0

+ 3,2 %

12947

18001,2

+ 39,0 %

Source : annexes aux lois de finances initiales

La recomposition des ressources des chaînes publiques est particulièrement spectaculaire à partir de 1992, après la disparition de La Cinq, lorsque ARTE puis La Cinquième s'installent sur le cinquième canal. Ainsi, entre 1992 et 1998, les ressources de redevance de France 2 et de France 3 ont progressé douze fois moins vite que leurs recettes publicitaires ! Ces dernières ont augmenté de 2,2 milliards de francs en six ans, soit 500 millions de plus que les financements publics consacrés à La Cinquième et à la Sept-ARTE. Autrement dit, on peut objectivement considérer que c'est l'accroissement des recettes publicitaires de France Télévision, et non pas l'augmentation des contributions publiques, qui a assuré le financement du cinquième canal. Au cours de cette période, les recettes publicitaires de France 2 auront augmenté de 60,5 % et celles de France 3 de 185,9 %...

Ce recul du financement public dans le budget des deux chaînes généralistes est particulièrement visible lorsqu'on se réfère à l'évolution globale du secteur audiovisuel à périmètre constant, comme le fait le récent rapport du CSA sur la publicité à la télévision7 :

« En 1991, TF1, France 2, France 3 et M6 disposaient d'un budget global de 12,5 milliards de francs : 5,8 milliards de recettes publicitaires pour TF1 et M6 ; 2,2 milliards de recettes publicitaires et 4,5 milliards de redevance pour France 2 et France 3 

En 1997, elles disposaient de 19,3 milliards de francs : 9,2 milliards de recettes publicitaires pour TF1 et M6 (+ 59 %) ; 4,4 milliards de recettes publicitaires et 5,7 milliards de redevances pour France 2 et France 3 (+ 51 %).

Les recettes publicitaires qui assuraient 33 % des ressources de France 2 et France 3 en 1991 et 1992 en représentaient 44 % en 1997. »

Malgré ces hausses cependant, le taux d'évolution des budgets des chaînes est resté très en dessous, durant toute la période, du rythme d'accroissement du chiffre d'affaires des entreprises du secteur privé (entre 6 % et 10 % par an). En effet, entre 1992 et 1997, le budget de France 2 a, en moyenne, augmenté de 4 % par an et celui de France 3 de 5,4 %, ce rythme allant en se ralentissant (les croissances prévues en loi de finances pour 1999 sont de 2,5 % pour France 2 et de 3,6 % pour France 3).

Cette évolution de la structure budgétaire de l'audiovisuel public est profondément différente de celle observée pour les télévisions de service public considérées comme les plus exemplaires en Europe, c'est-à-dire la BBC en Grande-Bretagne et l'ARD et la ZDF en Allemagne. Ainsi, la BBC n'a pas accès au financement publicitaire et tire 90 % de ses ressources de la redevance, qui s'élève à 900 francs par an. Son budget, qui s'élève à 20 milliards de francs, observe un taux régulier d'accroissement d'environ 8 % par an.

En Allemagne, où la redevance s'élève à 1140 francs par an, le budget total de l'audiovisuel public s'élève à 41 milliards de francs, dont 37 milliards en provenance de la redevance. La publicité est interdite après 20 heures et le week-end sur les chaînes publiques et celles-ci, qui bénéficient d'une programmation pluriannuelle de leur financement, voient en moyenne leur budget augmenter de 8,5 % par an pour la ZDF et de 15 % pour l'ARD.

La rupture en matière de financement des chaînes publiques de télévision se manifeste donc tout à la fois :

- par une faible augmentation des ressources issues de la redevance, celle-ci connaissant, sur la période, une augmentation globale de 27 %, pour se stabiliser en 1999 à 744 francs pour un poste de télévision couleur, soit un niveau plutôt faible en comparaison de la moyenne constatée en Europe ;

- par un effondrement des dotations budgétaires et, tout particulièrement, des remboursements d'exonération de redevance, puisque le taux de remboursement, qui s'élevait à 15,8 % en 1992 et avait atteint 57,5 % en 1995, est retombé à 10 % en 1998 ;

- et par une explosion de recettes publicitaires concentrée sur France 2 et France 3, qui jouent le rôle d'une variable d'ajustement pour les budgets des autres entreprises du secteur. De plus, par le biais de régulations infra-annuelles, l'Etat a construit, en pratique, une sorte des mutualisation des profits, les excédents publicitaires réalisés par France 2 ou France 3 étant depuis plusieurs années systématiquement assortis d'un versement des dotations budgétaires réduit par rapport aux montants inscrits en lois de finances initiales, ce qui, du même coup, a interdit à France Télévision de se constituer des fonds propres et de maîtriser sa politique d'investissements.

Cette dérive dans les modalités de financement explique semble-t-il assez largement les dérives dans la programmation évoquées précédemment. Pour parvenir à réaliser les objectifs de recettes publicitaires inscrits en loi de finances, France 2 et France 3 ont dû en effet satisfaire aux exigences des annonceurs et calibrer leur programmation, notamment de début de soirée et de soirée, en fonction des « cibles » visées. Maintenir ou accroître le niveau d'audience pour boucler le budget : telle est, depuis plusieurs années, la contradiction majeure de chaînes censées s'illustrer par l'exigence et l'excellence de leur programmation, ce qui, on le sait, n'est pas systématiquement - et en tout cas pas immédiatement - compatible avec des gains de parts de marché.

Plus généralement, les finances publiques ont eu dans les années quatre-vingt dix de plus en plus de mal à assumer les effets cumulés des choix législatifs et stratégiques effectués et à prendre en compte les besoins de développement du secteur, ce qui explique d'ailleurs que celui-ci se soit réalisé sans orientations ou perspectives d'ensemble. On touche là à la conception même que l'Etat actionnaire se fait de l'exercice de sa tutelle. L'instrument budgétaire de régulation des ressources d'exploitation des entreprises est trop souvent le seul angle d'action retenu, et il ne permet pas à l'Etat d'exercer correctement ses responsabilités d'actionnaire, c'est-à-dire de choisir ou de valider des stratégies et de les assumer durablement.

Au-delà du manque de moyens et du trop grand rôle que joue désormais la publicité dans le financement des chaînes publiques, il convient donc de regretter ici le fait que l'actionnaire et notamment ses représentants dans les conseils d'administration des différentes sociétés ne soient toujours pas passés d'une logique d'administration à une logique de gestion et continuent trop souvent à considérer les entreprises du secteur public de l'audiovisuel comme des pôles de gaspillage et de dépenses excessives ou injustifiées, sans mesurer la croissance spectaculaire des besoins financiers de la télévision moderne (droits sportifs et cinéma notamment).

· La troisième rupture que l'on peut retenir est d'ordre stratégique et concerne la façon dont le service public a appréhendé la révolution technologique du numérique et choisi de conduire ses nouveaux développements.

Pendant plusieurs années, l'Etat actionnaire n'a pas défini de quelle façon les chaînes publiques devaient affronter les changements technologiques (passage au numérique, développement de l'interactivité et du multimédia) et économiques (diversification des supports de diffusion, naissance des bouquets de programmes et des chaînes thématiques) du secteur. La seule position arrêtée semblait être que ces évolutions ne pouvaient être financées par des dotations supplémentaires et devaient être assumées par des redéploiements ou sur les fonds propres... lesquels, comme on l'a vu plus haut, étaient relativement difficiles à préserver !

Hors de cette logique comptable, par contre, pas de logique d'ensemble, pas de stratégie à moyen terme, pas d'orientations solides, mais plutôt des décisions au coup par coup, sous l'influence de facteurs divers, souvent extérieurs à l'actionnaire.

Ainsi, c'est sous la pression du Sénat que, lors de sa création, La Cinquième s'est vue dotée d'une banque de programmes et de services (BPS) destinée à assurer, par le biais de techniques multimédia, la diffusion de programmes éducatifs.

En ce qui concerne par ailleurs la présence sur les plates-formes de diffusion numérique, la diversification s'est également faite dans toutes les directions et plus sous la pression des évolutions du secteur privé et du marché de ces nouveaux services qu'en vertu d'une orientation fermement définie quant à la position à tenir face à ces nouveaux métiers.

Fallait-il faire le choix d'être directement opérateur, et dans quel cadre, ou bien se limiter à une fonction de fournisseur de programmes en liaison avec les missions naturelles du service public ? Comment situer au sein du service public des chaînes thématiques auxquelles participent des partenaires privés et qui se situent sur le marché de la télévision payante ? Quelles relations doivent-elles entretenir avec les autres chaînes ?

Aucun arbitrage n'a en fait été rendu, et France Télévision, tout en développant un certain nombre de chaînes thématiques, s'est engagée dans le capital de TPS, le bouquet numérique diffusé par satellite réunissant TF1, M6 et le groupe Suez-Lyonnaise des eaux. Elle a, du même coup, pris parti dans la lutte opposant les différents acteurs privés de l'audiovisuel en France, sans forcément être armée pour faire face à de tels enjeux.

Depuis lors, la question de la compatibilité de la diffusion exclusive de France 2 et de France 3 sur le bouquet TPS avec la notion même de chaîne de service public financée par la redevance se pose et il ne semble pas concevable que l'absence de clarté de la situation actuelle perdure.

Plus généralement, l'actionnaire doit encore une fois se décider ici à assumer ses responsabilités et à dégager des perspectives à long terme en matière de développement et de diversification, afin que les chaînes publiques soient à même de jouer leur rôle et de prendre leur place sur ces nouveaux marchés de l'audiovisuel sans pour autant totalement sortir d'une logique de service de l'intérêt général.

2. La nécessité d'un recentrage

« L'analyse de la nouvelle donne des télévisions publiques fait ressortir deux éléments essentiels. L'identité du service public de télévision est changeante, tout comme le contexte dans lequel elle s'inscrit. Or, il se trouve que les principes d'hier et les modalités retenues pour les appliquer ne permettent plus désormais de traduire correctement l'esprit de service public. Leur héritage est cependant précieux : il indique la place qu'occupe encore la télévision généraliste dans la société. D'autre part l'utilité du service public est toujours d'actualité même dans un système audiovisuel où l'offre est multiservices et multicanaux. Il faut ressourcer ses principes et ses missions avec le souci de l'opérationnalité et de la responsabilité des acteurs.

L'époque du monopole étant révolue, il est urgent d'assumer enfin dans les textes comme dans la pratique que l'identité, l'utilité et la légitimité des télévisions publiques passe par l'affirmation d'un principe de différentiation. C'est parce qu'elles ne font pas la même chose que les chaînes privées ou parce qu'elles le font différemment que les chaînes publiques apportent une valeur ajoutée à la collectivité. La différence doit se marquer tant par rapport aux antennes concurrentes que par rapport aux anciens comportements. »

Jean Louis Missika,

Rapport au ministre de la culture et de la communication

sur les entreprises publiques de télévision

(décembre 1997).

Le problème est effectivement de parvenir à redéfinir les missions et l'organisation du secteur public de l'audiovisuel pour lui redonner ambition et cohérence au sein d'un contexte audiovisuel mondialisé et diversifié, dans lequel l'abondance a succédé à la rareté, la libre concurrence au monopole et la régulation à la réglementation.

L'actionnaire qu'est l'Etat doit donc, plus que jamais, assumer ses responsabilités tant en matière de définition des missions qu'en ce qui concerne le dégagement des moyens nécessaires à leur réalisation. Il y est désormais invité par l'Union européenne qui, dans le septième protocole additionnel au traité d'Amsterdam signé en octobre 1997, a clairement reconnu aux Etats membres le droit et le devoir de « pourvoir au financement du service public de radiodiffusion dans la mesure où ce financement est accordé aux organismes de radiodiffusion aux fins de l'accomplissement de la mission de service public telle qu'elle a été conférée, définie et organisée par chaque Etat membre. »

En droit administratif, la notion de « service public » sert à désigner une activité assurée, contrôlée ou réglementée par la collectivité publique en vue de répondre à un besoin d'intérêt général que la seule initiative privée et les seules lois du marché ne suffisent pas à satisfaire. Il s'agit donc, pour la collectivité publique, de reprendre à son compte des obligations qui ne vont pas nécessairement dans le sens de la rentabilité ou du profit économique mais répondent à une attente légitime des citoyens.

Dans le secteur de l'audiovisuel, cette définition peut se traduire par l'exécution de missions de programmation et de diffusion à même d'atténuer ou de corriger les effets ou les manquements de programmes uniquement proposés dans un souci - légitime - d'audience et de profit.

Mais comment, dans le contexte libéral de la loi de 1986, définir ces missions ? Pour se substituer au triptyque traditionnel « informer, éduquer et distraire » qui, comme on l'a vu plus haut, relève aujourd'hui plus de la définition même des services de communication que du rôle spécifiquement reconnu aux sociétés nationales de programmes, quelques objectifs peuvent semble-t-il être retenus comme propres à cerner ce « principe de différentiation » qui doit être le pilier d'un service public de l'audiovisuel rénové : la qualité, la diversité, le pluralisme, la transparence, l'innovation et la cohérence.

La qualité : dans la plupart des documents relatifs au service public de l'audiovisuel public, et notamment dans les cahiers des missions et des charges, l'exigence de qualité et de « programmes de références » est très souvent citée mais fort rarement explicitée. Il conviendrait donc de donner un contenu à cette notion, sans s'en tenir à une hiérarchisation convenue des genres, et en s'accordant, pour tous les types d'émissions, sur des critères d'évaluation tenant compte des jugements des téléspectateurs, des professionnels et des observateurs. Dans cet esprit, la satisfaction du téléspectateur, son niveau d'appréciation et de fidélité devraient plus systématiquement être pris en compte.

La diversité : l'approche quantitative est ici plus aisée. La diversité est la clé de la richesse des programmes, et l'on doit reconnaître qu'elle est à l'heure actuelle plus marquée sur les chaînes publiques que sur les chaînes privées, qui accordent une moindre importance aux programmes d'information, de service, culturels ou documentaires. Cependant, la pression sur le niveau d'audience et la fracture entre les chaînes publiques évoquées précédemment a conduit à une altération de cette diversité sur les chaînes généralistes dont elle doit redevenir la ligne directrice. Des objectifs chiffrés en termes d'heures de programmes et d'horaires de programmation devraient donc figurer, sinon dans les cahiers des missions et des charges, du moins dans les contrats d'objectifs prévus par le projet de loi. C'est à cette condition que les chaînes de service public seront au service de tous les publics... Et pas seulement de la « ménagère de moins de cinquante ans ».

Le pluralisme : il ne s'agit pas ici de s'en tenir à un respect de la fameuse règle des « trois tiers »8, avec toutes les imperfections et les inconvénients qu'on lui connaît, mais d'ouvrir l'antenne à la réalité du débat d'idées, qui ne se limite pas au champ gouvernemental et parlementaire. La solution et les critères à adopter pour faire coïncider le droit d'expression audiovisuelle avec le foisonnement des acteurs du débat politique et social ne sont pas aisés à définir et un rapprochement de l'ensemble des opérateurs et de l'autorité de régulation est nécessaire, mais le service public, dans le respect de son aspiration fondamentale à servir le débat démocratique, se doit d'être en pointe sur cette question.

La transparence : contrairement à un groupe privé dont les intérêts et les options peuvent parfois influencer les choix programmatiques, les choix éditoriaux des chaînes publiques se doivent d'être clairement présentés et explicités, tant à la tutelle qu'aux téléspectateurs. La récente institution, à France Télévision, de médiateurs de l'information et des programmes participe très certainement de cette orientation et devrait trouver sa place dans les cahiers des charges de l'ensemble des sociétés.

L'innovation : c'est un des points clés du débat actuel sur la spécificité du service public. La généralisation des technologies numériques ouvre pour l'audiovisuel des perspectives nouvelles de développement et le service public, au risque d'être mis hors du paysage audiovisuel des prochaines années, se doit d'être à la hauteur des enjeux. On conteste parfois au service public son implication dans les nouveaux services et la concurrence déloyale qu'il y développe du fait de son financement à majorité publique. Il semble en fait qu'il ait, ici comme ailleurs, un rôle spécifique à jouer, dont l'actionnaire doit, il est vrai, fixer avec précision, ambition et responsabilité, les principes et les limites. Par leur potentiel économique et créatif, les chaînes publiques peuvent proposer le meilleur vivier de programmes pour le développement de l'offre thématique, comme pour la diffusion audiovisuelle internationale. Le renouvellement de l'offre publique de programmes prendra en compte la diversification des services audiovisuels qu'induit l'avènement du numérique. La perspective du numérique hertzien terrestre exige notamment, au cours de la décennie qui vient, un redéploiement stratégique à la faveur duquel de multiples services nouveaux, notamment interactifs, viendront enrichir la mission actuelle du service public.

La cohérence : cet enjeu réunit tous les autres et contient, à lui seul, la réponse aux trois ruptures évoquées plus haut. Les missions clairement définies ne pourront en effet être traduites dans les faits que si les sociétés de l'audiovisuel public peuvent bénéficier d'une organisation et d'un financement cohérents. En un mot si la gestion vient conforter et non pas saper les ambitions. Pour cela, un positionnement clair des chaînes publiques dans l'offre globale de télévision, une responsabilisation des acteurs - tant du côté de la tutelle que des dirigeants - et une clarification des financements sont nécessaires.

Il ne s'agit ici ni de jouer au « meccano » industriel, ni de s'engager dans des processus sans lendemain mais de modifier, en profondeur et pour longtemps, les modalités pratiques d'exécution des missions de service public dans le domaine audiovisuel.

Le protocole additionnel au Traité d'Amsterdam considère « que la radiodiffusion de service public dans les Etats membres est directement liée aux besoins démocratiques, sociaux et culturels de chaque société ainsi qu'à la nécessité de préserver le pluralisme dans les médias. » Cette ambition a un coût que l'Etat actionnaire se doit aujourd'hui d'assumer, avec clairvoyance, responsabilité et ambition.

II - DE LA DIVERSITÉ DES SITUATIONS EUROPÉENNES À LA RECHERCHE DE PRINCIPES COMMUNS AU NIVEAU COMMUNAUTAIRE

L'analyse des secteurs audiovisuels dans les grands pays membres de l'Union européenne - la France, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Italie ou encore l'Espagne - montre qu'en matière audiovisuelle, c'est la diversité qui prévaut. Diversité des modalités de financement, de statut et d'organisation des services de communication audiovisuelle. Il est toutefois possible de mettre à jour certains points communs à l'ensemble des télévisions publiques européennes, car au-delà de différences d'approches, réelles, ces dernières se voient assigner des missions de service public qui ne divergent pas fondamentalement d'un Etat à l'autre (A). Alors que le contexte actuel exacerbe le climat de concurrence sous l'effet notamment de la multiplication des chaînes de télévision privées, l'intervention de l'Union européenne devient à la fois de plus en plus visible et nécessaire (B).

A - AU-DELÀ D'UNE CERTAINE HÉTÉROGÉNÉITÉ DES SITUATIONS NATIONALES, DES ENJEUX COMMUNS

Le terme de télévision de service public, qui traduit des objectifs identiques dans la plupart des pays membres de l'Union européenne, recouvre une grande hétérogénéité de situations, d'organisations et de modes de financement, ce qui n'empêche pas certaines préoccupations d'émerger.

1. Une grande hétérogénéité d'organisations, de modes de financement et de niveau de ressources

Alors que la RAI et la BBC sont des holding regroupant dans un même organisme l'ensemble des activités audiovisuelles publiques, radio et télévision, nationales et internationales, le secteur public allemand est bipolaire avec l'ARD (radio et télévision) et la ZDF (télévision). Le secteur public espagnol se compose de la RTVE (radio et télévision) et de chaînes régionales autonomes. Quant au secteur public français, il reste, pour l'instant, éclaté en une dizaine de sociétés nationales de radio ou de télévision, de production et de distribution, indépendantes les unes des autres.

a) Des degrés variables d'autonomie et de latitude d'action

Selon le modèle mis en place dès 1929 par la BBC, le service public de radio-diffusion est assuré, dans presque tous les pays d'Europe, par des établissements dotés d'un statut de droit public.

_ On peut toutefois relever le degré variable d'autonomie des organismes et de flexibilité dans les politiques de production ou la gestion du personnel. En Grande-Bretagne et en Allemagne, le statut comme le financement des télévisions publiques leur ont assuré, d'emblée, une large indépendance. Les réformes récentes de la BBC vont d'ailleurs dans le sens d'une décentralisation des décisions budgétaires et d'une responsabilisation des unités de programmes. En Italie, en Espagne et en France, la place croissante des ressources publicitaires ont paradoxalement permis à chaque chaîne de disposer d'une certaine autonomie budgétaire, au prix d'une dépendance, désormais excessive, vis-à-vis du marché publicitaire et de ses contraintes.

_ Sur d'autres questions, les situations les plus diverses coexistent. Aussi la nomination des dirigeants des chaînes publiques fait-elle l'objet de traitements différenciés, depuis la nomination directe par le Gouvernement en Espagne jusqu'à l'interdiction inscrite dans la loi, faite au gouvernement allemand, d'intervenir dans ce processus. Dans le cas britannique, il faut relever qu'alors que tous les membres du conseil d'administration de la BBC sont nommés par le Gouvernement, cette chaîne continue de bénéficier d'une réputation - justifiée - de totale indépendance.

En fait, plus que le mode de désignation, c'est la stabilité des présidents et la durée de leur mandat qui apparaissent ici déterminants. Celles-ci semblent indissociables de l'indépendance administrative et financière, comme le montrent les exemples britannique et allemand, et comme en témoigne a contrario l'exemple de l'Espagne où le déficit chronique de la RTVE a entraîné un rythme rapide de démission de ses présidents. A titre de comparaison, on peut relever qu'en vingt-cinq ans, la durée des présidences de la BBC s'est élevée à cinq ans en moyenne ; elle a été de deux ans et demi en moyenne en France.

_ Les différences entre les pays concernant les parts respectives de la réglementation, de la régulation et de l'autorégulation restent très fortes. En Grande-Bretagne comme en Allemagne, la loi ne retient que des principes généraux devant être précisés au cas par cas par les instances d'arbitrage ou dans le cadre de conventions conclues entre les instances de régulation et les opérateurs. Les responsables des télévisions publiques disposent d'une véritable latitude d'action et peuvent prendre des initiatives y compris budgétaires. Le modèle français reste relativement éloigné de ce système, même si certaines décisions ou appréciations sont renvoyées par la loi ou le décret à l'instance de régulation, le Conseil supérieur de l'audiovisuel.

b) Des modalités de financement diversifiées

Les ressources de la télévision dans les pays de l'Union européenne diffèrent beaucoup. Il est vrai que les périmètres d'activités des sociétés concernées et la présentation de leurs comptes varient fortement selon les pays. Par ailleurs, il faut rappeler que les champs d'activités des sociétés publiques de télévision sont sensiblement différents d'un cas à l'autre. Par exemple, en France, la chaîne Arte est aujourd'hui indépendante de France Télévision, alors qu'en Allemagne, elle fait partie intégrante de l'ensemble ARD-ZDF. De même, la BBC Télévision fédère l'ensemble des interventions publiques britanniques, nationales et internationales dans le secteur de la télévision, alors qu'en France, ni RFO, ni CFI, ni TV5 ne relèvent de France Télévision. La RAI recouvre pour sa part trois chaînes nationales distinctes.

En Allemagne, le traité d'Etat de 1996 sur la radiodiffusion a conforté le mode de financement mixte du secteur public tandis que ses ressources issues de la redevance étaient sensiblement augmentées.

En Italie, la loi de 1997 a, elle aussi, confirmé le financement mixte de la télévision publique. Si les conditions d'accès au marché publicitaire n'ont pas été modifiées, la RAI n'en a pas moins prévu de modifier le fonctionnement de la RAI 3, en la dégageant de la contrainte publicitaire et en lui donnant une nouvelle vocation plus régionale et plus culturelle. Mais cette démarche a renforcé, par là même, le poids de la publicité dans le financement de la RAI 1 et de la RAI 2.

En Espagne, en l'absence de redevance, la RTVE est financée essentiellement par la publicité. Il faut noter que cet organisme public apparaît dans une situation préoccupante dans un marché de plus en plus concurrentiel.

Ainsi, alors que la BBC est financée sans publicité, la RTVE l'est sans redevance. Pour résumer, le secteur public allemand dispose d'un financement mixte dans lequel la publicité a un poids limité, contrairement aux services publics français et italien dans lesquels la publicité joue un rôle déterminant. La chaîne culturelle franco-allemande ARTE est financée sur fonds public tandis que la chaîne britannique Channel 4 est financée exclusivement par la publicité.

c) Des moyens financiers inégaux

Ce qui distingue probablement le plus nettement les télévisions publiques européennes est aujourd'hui le niveau des moyens financiers mis à leur disposition. Actuellement, les ressources des deux chaînes de France Télévision sont une fois et demi plus faibles que celles des deux chaînes publiques britanniques, BBC 1 et BBC 2. Elles sont deux fois et demi plus faibles que celles de l'ARD et de la ZDF. Elles sont, en revanche, du même ordre que celles des trois chaînes de la RAI en Italie.

LES RESSOURCES COMPARÉES DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC

(en 1996)

(En milliards de francs)

 

Allemagne

Royaume-Uni

France

Italie

Espagne

Ensemble du secteur public

(radio et télévision)

39,8

25

17,8

14,4

3,8

Pôle télévision

3 chaînes

(ARD, ZDF, ARD 3)

24,7

2 chaînes (BBC 1 et BBC 2)

16,9

3 chaînes (France 2, France 3, la Cinquième-ARTE

12,6

3 chaînes (RAI1, RAI2, RAI3)

nc

2 chaînes

(TVE1 et TVE2)

nc

Source : Conseil supérieur de l'audiovisuel, décembre 1998

Les disparités de ressources entre les différentes télévisions publiques tiennent à deux facteurs : le niveau de la redevance (cf. sur ce point l'annexe 1 présentée en fin de rapport) et les conditions de l'accès des chaînes publiques au marché publicitaire.

LA REDEVANCE DANS LES PRINCIPAUX PAYS EUROPÉENS EN 1997 ET SON ÉVOLUTION PAR RAPPORT À 1987

(en francs)

 

Allemagne

Royaume-Uni

France

Italie

Espagne

Redevance en 1997

1140

907

700

550

0

Coût de la redevance rapporté au PIB/habitant

0,0076

0,0068

0,0052

0,0041

0

Evolution de la redevance de 1997 par rapport à 1987

+ 74 %

+ 58 %

+ 38 %

+ 73 %

-

Source : Conseil supérieur de l'audiovisuel, décembre 1998

LE FINANCEMENT DU SECTEUR PUBLIC AUDIOVISUEL

(en 1996)

(En milliards de francs)

 

Allemagne

Royaume-Uni

France

Italie

Espagne

Ressources globales

39,8

25

17,8

14,4

3,8

Redevance

30,2

19,5

10,7

8,2

0

Recettes publicitaires

4,3

0

4,3

5,1

2,5

Autres ressources

5,3

5,5

2,8

1,1

1,3

Source : Conseil supérieur de l'audiovisuel, décembre 1998

En dépit de cette diversité manifeste dans de nombreux aspects, les télévisions publiques européennes, confrontées aux mêmes défis, connaissent des évolutions parfois très similaires.

2. Des missions et des défis comparables quel que soit le pays

Au-delà de leurs différences d'organisation ou de financement, les télévisions publiques apparaissent profondément semblables par leurs missions et par la place qu'elles occupent dans les paysages audiovisuels nationaux.

a) Des missions proches et une place essentielle dans les paysages audiovisuels nationaux

La charte de la BBC, le traité d'Etat allemand sur la radiodiffusion, les lois espagnoles et italiennes ou les cahiers des missions et des charges de France 2 et France 3 énumèrent des missions sensiblement identiques.

Par ailleurs, les télévisions publiques européennes occupent un poids non négligeable dans les paysages audiovisuels nationaux. Ce poids est aujourd'hui du même ordre que celui des télévisions privées : supérieur à 40 % de l'audience

PART D'AUDIENCE COMPARÉES DES CHAÎNES LEADERS PUBLIQUES ET PRIVÉES

Pays

Allemagne

Royaume-Uni

Espagne

Italie

France

SUR L'ENSEMBLE DE LA JOURNÉE

Principale chaîne publique

ARD

14,7

BBC 1

30,8

TVE 1

25,1

RAI 1

22,8

France 2

23,7

Principal chaîne privée

RLT

16,1

ITV

32,9

Antena 3

22,7

Canale 5

21,9

TFI

35

AUX HEURES DE GRANDE ÉCOUTE

Principale chaîne publique

ZDF

16,1

BBC 1

32,8

TVE 1

24,4

RAI 1

25

France 2

23,5

Principal chaîne privée

RTL

16,1

ITV

38,2

Antena 3

22,8

Canale 5

22,6

TF1

33,3

Source : Conseil supérieur de l'audiovisuel, décembre 1998

NB : la définition des heures de grande écoute diffèrent d'un pays à l'autre. Les chiffres d'audience sont ici calculés sur la période de janvier à juin 1997.

Le relatif équilibre observé dans les pays analysés, entre les deux secteurs, s'est établi progressivement. Il s'est accompagné, dans chaque pays, d'un rapprochement aujourd'hui à peu près général des offres de programmes des chaînes leaders publiques et privées. Il semble que cette évolution, qui tend à estomper les différences entre les deux secteurs, a été relativement bien acceptée par les téléspectateurs nationaux.

b) Des difficultés à surmonter une certaine crise d'identité

Les questions soulevées à l'occasion du débat suscité par le présent projet de loi en France ne sont pas nouvelles et nullement propres à notre pays. L'ensemble des chaînes publiques européennes se trouvent en effet confrontées à une même nécessité : ajuster leurs missions, leur organisation et les conditions de leur financement à l'évolution d'un secteur en mutation rapide.

Les débats engagés font apparaître la confrontation de deux thèses antinomiques :

- d'une part, une vision purement libérale considérant le secteur de la communication comme un champ économique ordinaire et misant sur une régulation par le marché et à terme un dépérissement du service public;

- d'autre part, une vision plus sociale et culturelle du rôle de la télévision définie comme instrument de socialisation, de démocratisation et de cohésion sociale qu'il importe de ne pas abandonner aux seules lois du marché. Selon cette dernière conception, un service public fort constitue un moyen essentiel de régulation dans un marché concurrentiel où les effets de la concurrence sur l'offre de programmes seront de plus en plus difficiles à maîtriser.

_ Dans tous les pays, la montée en charge des télévisions privées a décuplé, pour les chaînes publiques, une exigence nouvelle : la nécessité de mieux marquer leur spécificité. Dans un tel contexte, ce que l'on peut nommer la « crise d'identité » se manifeste avec acuité en Italie, en Espagne et en France ; elle n'apparaît que sous une forme relativement atténuée en Allemagne ou au Royaume-Uni.

_ Mais le secteur public est confronté, partout, aux contradictions suivantes : les chaînes privées assurent des missions de service public et les chaînes publiques ont tendance à diffuser des programmes analogues à ceux que propose le secteur privé. Il faut relever que cette évolution de la programmation a été sans doute plus marquée sur les chaînes publiques leaders les plus exposées à la concurrence privée (TVE1, RAI 1, France 2), et tout particulièrement en France, seul pays à avoir privatisé une chaîne publique. Mais le phénomène se manifeste également dans les pays où le poids de la publicité dans le financement des chaînes publiques est resté faible - comme en Allemagne - ou nul - comme en Grande-Bretagne.

Cette évolution se traduit partout par les caractéristiques semblables : plus de fictions, plus d'événements sportifs, plus d'émissions de divertissement en première partie de soirée, avec une deuxième partie de soirée composée en alternance de fictions importées, de documentaires et de magazines de société, les émissions culturelles ou les films de répertoire étant relégués à des heures de diffusion tardives.

_ La multiplication des chaînes thématiques, le développement de la diffusion transfrontières, et surtout, les perspectives ouvertes par le numérique instituent de nouveaux enjeux pour le secteur public. Seule la Grande-Bretagne a, à ce jour, fixé le cadre de la mise en place de la télévision numérique sur son territoire. Des orientations ont été prises en Espagne et en Allemagne, mais le dossier reste encore ouvert. En France, les réflexions sur la mise en _uvre du numérique hertzien n'en sont qu'à leur début.

Les réflexions quant à l'avenir du secteur public apparaissent d'une manière générale largement avancées en Grande-Bretagne où le Broadcasting Act de 1996 et la charte de la BBC ont établi des règles du jeu pour les prochaines années avec une confirmation du financement des deux chaînes nationales BBC1 et BBC 2, par la seule redevance, du moins jusqu'en 2001, et un engagement délibéré dans la logique commerciale pour financer les nouvelles activités de l'organisme public. Grâce au présent projet de loi, la France accélère et conforte le processus de modernisation du secteur audiovisuel - public et privé.

_ Enfin, il faut remarquer que le débat sur les différences entre le secteur privé et le secteur public de l'audiovisuel dans les pays européens a pris une dimension particulière avec l'émergence d'un dialogue, et parfois de contentieux, de plus en plus fréquents au niveau européen.

Il n'est pas rare que les grands groupes européens déposent désormais des plaintes pour concurrence déloyale contre des télévisions publiques auprès de la direction de la concurrence de la Commission européenne, la DG IV. On peut citer à titre d'exemple le groupe Murdoch contre la BBC, le groupe Berlusconi contre la RAI, l'association des télévisions privées allemandes contre l'ARD et la ZDF, TF1 contre France 2 et France 3, les chaînes privées espagnoles Tele cinco et Antena 3 contre la télévision publique TVE.

Ces plaintes contestent, pour la plupart, la légitimité des chaînes publiques à avoir accès au marché publicitaire ou à diffuser des programmes de même nature que ceux que les chaînes privées sont en mesure de proposer. L'exemple le plus significatif à cet égard est probablement celui de Rupert Murdoch qui n'a pas hésité à considérer qu'en proposant une chaîne d'information, alors qu'il en diffuse déjà une, la BBC, financée sur fonds publics, lui faisait une concurrence déloyale.

Notons également le caractère paradoxal de la démarche de TF1, chaîne construite par le service public et donc par les contribuables, et qui se retrouve aujourd'hui contre la télévision publique...

On le voit, dans un contexte de plus en plus concurrentiel, l'élaboration de règles de jeu communes à tous les acteurs devient une impérieuse nécessité. C'est à cet impératif qu'a répondu la directive dite Télévision sans frontière (TVSF)9 du 3 octobre 1989 modifiée le 30 juin 1997.

B - LA NÉCESSITÉ DE FAIRE RESPECTER DES PRINCIPES COMMUNS AU NIVEAU COMMUNAUTAIRE

Jusqu'à la fin de 1993, il était relativement aisé de suivre les développements de la politique audiovisuelle communautaire, les initiatives prises demeurant relativement restreintes dans leur nombre et leur objet. Aujourd'hui, les activités de l'Union européenne foisonnent en la matière et dans des domaines connexes à ceux de l'audiovisuel proprement dit. La Commission européenne intervient en effet de manière directe ou indirecte dans de multiples aspects, à tel point qu'il est devenu difficile de décrire brièvement les grandes lignes directrices d'une politique qui se démultiplie.

1. La lente maturation de la politique audiovisuelle européenne

Le contenu de la directive TVSF dont le présent projet de loi opère la transposition résulte d'un long processus et de négociations délicates entre les Etats membres.

a) Une politique tardive marquée par une ambiguïté originelle

La politique audiovisuelle de l'Union européenne est apparue tardivement dans l'histoire de la construction européenne. Elle est survenue avec le progressif démantèlement des monopoles nationaux de radiodiffusion. Pendant longtemps, la Cour de Justice des Communautés européennes s'était en effet contentée d'appliquer les principes du Traité de Rome tels que la libre prestation de service et la liberté d'établissement.

Il reste, aujourd'hui encore, dans l'intervention de la Communauté européenne en matière audiovisuelle, une difficulté originelle qui n'a véritablement jamais été surmontée. Cette difficulté peut se résumer par les questions suivantes : comment un secteur à la fois politique, culturel et économique pourrait-il être appréhendé par les seules règles du marché unique ? Des impératifs culturels sont-ils conciliables avec le libre jeu du marché ? Si l'on imaginait mal que ce marché unique ne couvrît pas un secteur aussi important, comment cette intervention allait-elle se concilier avec les fortes traditions interventionnistes de certains Etats ?

Cette difficulté apparaît dès la rédaction du Livre vert en juin 1984 10, premier texte communautaire important en la matière : le secteur audiovisuel y est en effet présenté par son double caractère, tour à tour socio-culturel et économique.

A la suite des démantèlements des monopoles de radiodiffusion dans l'ensemble des pays européens, achevés au cours des années 1980, et du développement de la télévision transfrontière, un double objectif put cependant être identifié par les services de la Commission :

_ Créer un marché commun de la radiodiffusion

La Commission affirmait dans le Livre vert déjà cité de juin 1984 : « Il apparaît ainsi clairement que l'action de la Communauté englobe depuis toujours des aspects essentiels de la vie culturelle dans les Etats membres. Les membres des professions culturelles et leurs créations appartiennent, eux aussi, à la Communauté. »

Plus loin, il était indiqué : « L'intervention dans le domaine de la radiodiffusion se justifie, d'une part, par l'obligation incombant à la Communauté de réaliser également le marché commun dans ce secteur important de l'économie et, d'autre part, par le souci de faciliter la diffusion intracommunautaire des émissions et d'en favoriser l'effet d'intégration. »

_ Favoriser l'industrie des programmes

On peut ici rappeler les mots du président François Mitterrand, qui avait déclaré le 29 septembre 1987, « Si l'Europe ne réagit pas, l'immense majorité de ses programmes viendra d'Amérique ou du Japon. Ce sera l'imaginaire des Européens qui serait alors conquis. »

Cette déclaration, qui reflète notre conception originale sur ce sujet, explique que les Gouvernements français se soient déclarés sans relâche favorables à d'édiction de règles communes et relativement contraignantes. Mais cette conception s'est, un temps, heurtée à des positions radicalement divergentes entre les douze Etats membres de l'époque. Après une première proposition de directive du 30 avril 1986, trois points de blocage apparurent : l'établissement des quotas de diffusion, la limitation quantitative de publicité et la question des droits d'auteurs.

b) A partir de l'élaboration d'une première directive en 1989

Après la rédaction de ce premier livre vert précité et les négociations abouties de la première directive TVSF, en octobre 1989, la Commission européenne détermina, dès 1990 11, trois principaux domaines d'action :

- la définition d'un cadre réglementaire approprié (objectif auquel répondait la directive Télévision sans frontières du 3 octobre 1989 et plusieurs directives relatives au droit d'auteur)

- le soutien à la production et à la circulation des _uvres européennes (programmes MEDIA I, participation à Eurêka, complément au niveau du Conseil de l'Europe avec le programme Eurimages)

- le développement de la recherche technologique (TVHD, directive sur l'utilisation des normes de diffusion).

Il faut relever que chacun de ces trois volets connut un développement récent et important.

En avril 1994, le Livre vert intitulé « Options stratégiques pour le renforcement de l'industrie des programmes dans le contexte de la politique audiovisuelle de l'Union européenne » visait quant à lui à répondre à cette question centrale : comment l'Union européenne peut-elle contribuer au développement d'une industrie de programmes cinématographiques et télévisuels forte et compétitive sur le marché mondial, tournée vers l'avenir, et en même temps, susceptible d'assurer le rayonnement des cultures européennes et de créer des emplois en Europe ?

Le diagnostic de la situation de l'industrie européenne des programmes montra que celle-ci n'était pas parvenue à surmonter son état de fragmentation autour de marchés locaux, ni à développer la circulation intra-européenne des programmes, ni encore à sortir de son déficit chronique et à drainer des investissements significatifs, européens ou étrangers. Dans cette perspective, l'Union européenne chercha à se mobiliser pour consolider une industrie de programmes compétitive sur son propre marché et sur le marché mondial, susceptible d'exprimer ses cultures, de créer des emplois et de générer des profits. Cette politique de moyen/long terme a comme objectif ultime de faire en sorte que cette industrie retrouve sa rentabilité dans un marché mondial ouvert et dynamique. L'Union européenne tente ainsi de définir une politique efficace autour des objectifs suivants : décloisonner les marchés nationaux, garantir un choix réel pour le public européen, assurer à terme la rentabilité d'un secteur aujourd'hui déficitaire.

La vision française, qui s'est développée depuis une quinzaine d'années, s'est appuyée sur ce que l'on a parfois fâcheusement nommé « l'exception culturelle ». C'est d'abord une conviction : les programmes cinématographiques ou audiovisuels ne sont pas réductibles aux lois du marché. La télévision touche à des enjeux sociaux, identitaires, culturels qui sont au c_ur même de la démocratie. Elle mérite donc un engagement public puissant.

2. Le contenu ambitieux de la directive Télévision sans frontières rédigée en octobre 1989 puis complétée en juin 1997

Il faut relever que la directive TVSF constitue le seul texte traitant du contenu des messages radiodiffusés. Plutôt qu'une modification de la directive initiale, la Commission européenne préféra l'adoption d'une nouvelle directive abrogeant la première. Les motifs ayant conduit à cette nouvelle négociation sont doubles : il fallait permettre l'amélioration technique de certaines dispositions et en même temps l'adaptation des réglementations à l'évolution d'un secteur de plus en plus complexe.

a) Le contexte de la rédaction de la deuxième directive

La négociation de la deuxième directive fut précédée par l'élaboration de plusieurs documents de travail qui firent évoluer peu à peu les débats autour de la question audiovisuelle.

Ainsi la DG XV rendit public un autre document - le Livre vert « Pluralisme et Concentration des médias dans le marché intérieur » - le 23 décembre 1992. L'idée de départ était la suivante : chaque Etat membre doit mettre en place une réglementation destinée à assurer avec efficacité le pluralisme des médias sur son territoire et notamment les conditions de la transparence.

Une conférence internationale organisée à Bruxelles en 1993 par l'Union européenne de radio-télévision (UER) sur le thème « Pourquoi l'audiovisuel public ? » devait se conclure par une déclaration énumérant les spécificités dont se réclament les services publics de l'audiovisuel : « un programme pour tous ; un service de base généraliste avec des prolongements thématiques ; un forum pour le débat démocratique ; le libre accès du public à tout ce qui fait un événement ; une référence en matière de qualité ; une abondante production originale et un esprit novateur ; une vitrine culturelle ; une contribution au renforcement de l'identité européenne, ainsi que de ses valeurs sociales et culturelles ; un moteur de la recherche et du développement technologique ».

Notons que la quatrième conférence ministérielle européenne sur la politique des communications organisée à Prague, en 1994, par le Conseil de l'Europe, reprit les conclusions de l'UER.

En septembre 1996, le Parlement européen adopta à son tour une résolution sur « le rôle de la télévision du secteur public dans une société plurimédiatique ». Cette résolution soulignait « le rôle fondamental que jouent les chaînes de service public dans l'espace public européen. ». Elle rappelait également qu'il appartient au service public de garantir dans ses programmes « la qualité, la diversité, le service aux minorités, le rôle social, démocratique, pédagogique, l'investissement dans la production originale et l'innovation technologique. » Elle introduisait, en outre, de nouveaux objectifs tels que « la création d'un espace européen de citoyenneté » ou « l'accès de l'ensemble de la population aux événements représentant un intérêt public général, notamment les manifestations sportives ». Le Parlement européen engageait, enfin, les services publics à s'investir dans les nouvelles technologies et les nouveaux services, et à assumer leur présence dans les bouquets numériques.

Enfin, après de longs pourparlers, la nouvelle directive « Télévision sans frontières » fut adoptée le 19 juin 1997.

b) De l'utilité de la directive

Cette directive ainsi complétée donne incontestablement à l'audiovisuel européen un cadre de développement durable, qu'il est aujourd'hui essentiel de défendre, face aux attaques dont il pourrait faire l'objet, à la faveur notamment de négociations internationales susceptibles de porter de manière plus large sur l'investissement ou les échanges commerciaux. Chacun a en mémoire l'épisode des négociations sur l'AMI (accord multilatéral sur les investissements).

L'efficacité de la directive passe nécessairement par son observation scrupuleuse dans l'ensemble des pays membres de l'Union européenne12. Les constructions juridiques ne peuvent plus se concevoir en dehors du cadre européen en la matière ; de nombreuses dispositions législatives et réglementaires françaises doivent donc être adaptées. C'est ainsi notamment qu'en France, le Conseil supérieur de l'audiovisuel mit fin à la pratique de conventionnement des chaînes autorisées dans un autre pays de l'Union européenne, pour leur reprise sur les réseaux câblés français, pratique qui était contraire à la directive européenne. C'est sous la menace d'une saisine de la Cour de justice des Communautés européennes que le Gouvernement français s'engagea, en juillet 1997 auprès de la Commission, à faire cesser cette procédure sans attendre les dispositions du présent projet de loi.

La coordination n'est pas l'harmonisation. Les règles de contenu établies par la directive sont a minima les mêmes pour tous. Chaque Etat peut ainsi prendre des dispositions plus strictes, mais jamais plus souples que celles qui sont prévues.

Les quelque 26 articles de la directive répondent à trois principes majeurs :

- La réglementation applicable au contenu des programmes est coordonnée par la directive a minima.

- Cette réglementation vise à promouvoir l'industrie des programmes, c'est-à-dire à favoriser la circulation des _uvres européennes.

- Un programme, régulièrement autorisé dans son pays d'origine, respecte logiquement ce droit commun ; il peut circuler en Europe sans qu'un second contrôle puisse lui être imposé dans les Etats de réception.

_ La coordination des règles de contenu des programmes

La directive fixe un certain nombre de dispositions d'ordre général et déontologique. Ainsi, par exemple, la publicité doit être identifiable aisément et distincte du reste du programme. Les spots publicitaires isolés doivent être exceptionnels. La publicité ne doit pas être clandestine ; elle ne saurait porter atteinte à la dignité humaine et ne doit pas porter un préjudice moral ou physique aux mineurs (articles 10, 11 et 12).

La directive établit également des règles en matière de télé-achat (les offres faites au public en vue de vendre, acheter ou louer des produits ou fournir des services ne doivent pas dépasser plus d'une heure par jour, cf article 18), de parrainage (une émission parrainée ne peut en aucun cas être influencée par le parrain ; cf article 17). De même, des dispositions spécifiques sont prévues en vue de protéger les mineurs (article 22).

L'article 23 établit, quant à lui, les modalités d'un droit de réponse qui joue pour les personnes physiques ou morales dont les droits légitimes ont été lésés à la suite d'une allégation incorrecte faite au cours d'un programme télévisé.

_ La promotion d'une industrie audiovisuelle des programmes

Selon la directive, les diffuseurs doivent diffuser une proportion suffisante d'_uvres européennes chaque fois que cela est réalisable. La directive définit, en son article 6, ce qu'il convient d'entendre par _uvre européenne. De même, la question de la chronologie des médias est traitée à l'article 7.

_ La libre circulation des émissions sans considération de frontière

La directive a posé le principe du rattachement d'un radiodiffuseur à la loi du pays dans lequel il est établi. Toutes les émissions doivent respecter le droit de leur pays d'origine, celui-ci intégrant au moins les dispositions de contenu de la directive. Ainsi légalement autorisé dans son Etat d'établissement, le service de radiodiffusion doit pouvoir librement circuler en Europe sans qu'un second contrôle puisse lui être imposé pour un motif coordonné par la directive. Les Etats membres assurent, par conséquent, la liberté de réception et la libre retransmission de ce programme sur leur territoire, conformément d'ailleurs à l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales et au principe communautaire de libre prestation de service.

c) Le prolongement de l'effort communautaire avec le Protocole au traité d'Amsterdam

Le protocole adopté en juin 1997 à la conférence intergouvernementale d'Amsterdam a confirmé la compétence des Etats membres de l'Union européenne à pourvoir au financement de leur secteur public de l'audiovisuel (radio et télévision) « à condition que ce financement n'altère pas les conditions des échanges et de la concurrence... » laissant ainsi ouverte l'appréciation des contreparties des financements publics dans le secteur de la radio-télévision.

Ce document s'inscrit dans le prolongement des prises de position constantes des Etats comme des responsables des télévisions publiques.

PROTOCOLE SUR LE SYSTÈME DE RADIODIFFUSION PUBLIQUE

DANS LES ETATS MEMBRES

Les Hautes parties contractantes,

Considérant que la radiodiffusion de service public dans les Etats membres est directement liée aux besoins démocratiques, sociaux et culturels de chaque société ainsi qu'à la nécessité de préserver le pluralisme dans les médias,

Sont convenues des dispositions interprétatives ci-après, qui sont annexées au Traité instituant la Communauté européenne :

Les dispositions du Traité instituant la Communauté européenne sont sans préjudice de la compétence des Etats membres de pourvoir au financement du service public de radiodiffusion dans la mesure où ce financement est accordé aux organismes de radiodiffusion aux fins de l'accomplissement de la mission de service public telle qu'elle a été conférée, définie et organisée par chaque Etat membre et dans la mesure où ce financement n'altère pas les conditions des échanges et de la concurrence dans la Communauté dans une mesure qui serait contraire à l'intérêt commun, étant entendu que la réalisation du mandat de ce service public doit être prise en compte.

3. Une politique audiovisuelle qui reste encore à construire et à clarifier

D'une manière générale, on peut noter que la politique audiovisuelle européenne se conçoit dans des conditions parfois complexes dans lesquelles de multiples acteurs interviennent au sein même des services de la Commission. Cette situation ne facilite pas une totale mise en cohérence des divers aspects de la politique audiovisuelle.

a) Le rôle concomitant des différentes instances communautaires en la matière

Cette politique apparaît en effet parfois influencée par les évolutions du secteur des télécommunications (DG XIII), les évolutions du seul secteur de l'audiovisuel au sens strict (DG X), les nécessités du marché intérieur (DG XV), la politique de la concurrence (DG IV) et surtout diluée au sein du chantier des autoroutes de l'information, la « société de l'information » recouvrant en effet un vaste chantier législatif communautaire dans lequel l'audiovisuel occupe une place relative est limitée.

Du reste, au fur et à mesure des affaires qui lui ont été soumises, la Cour de justice des Communautés européennes n'a guère accepté le principe d'un exception culturelle prévalant sur les objectifs et les dispositions du traité. Lorsqu'elle y a consenti, elle l'a encadré dans le cadre de la liberté d'expression et de sa jurisprudence traditionnelle. Il est vrai que la Cour ne dispose pas de bases explicites très importantes dans les dispositions des traités qu'elle a pour mission de faire respecter.

Il faut rappeler que le traité de Rome ne traitait pas spécifiquement du secteur audiovisuel. Il l'appréhendait simplement en tant qu'activité économique, essentiellement au travers des principes de la libre prestation des services, de la liberté d'établissement, de la libre circulation des salariés, des marchandises et de la libre concurrence. Notons que le secteur audiovisuel comme la politique culturelle sont pris en compte par le traité de Maastricht du 7 février 1992 dont l'article 128 dispose :

« 1. La Communauté contribue à l'épanouissement des cultures des Etats membres dans le respect de leur diversité nationale et régionale, tout en mettant en évidence l'héritage culturel commun.

2. L'action de la Communauté vise à encourager la coopération entre Etats membres et, si nécessaire, à appuyer et compléter leur action dans les domaine suivants : (...)

- la création artistique et littéraire, y compris dans le secteur audiovisuel ».

b) La question particulière des aides d'Etat dans le secteur audiovisuel

En septembre 1998, une décision de la Cour de justice enjoignait à la direction européenne de la concurrence (DG IV) de prendre une décision concernant les plaintes reçues, c'est-à-dire, soit de préciser ce qu'est le service public dans un contexte de concurrence de manière à pouvoir lui appliquer le droit de la concurrence, soit d'admettre que la communication audiovisuelle relève d'un droit spécifique.

Les services de la DG IV ont opté pour la première solution dans un document de travail, destiné à fournir des éléments pour les lignes directrices applicables aux aides d'Etat dans le domaine de la télévision publique, considérant que compte tenu de la rapidité des changements économiques et technologiques et de l'importance croissante de la concurrence, il devenait urgent, pour la Commission européenne, de développer un cadre juridique cohérent sur les aides d'Etat dans le secteur audiovisuel.

Tout en reconnaissant que les Etats membres sont libres de choisir les modalités de financement des chaînes publiques et de définir les missions correspondantes, le document de travail énonce que celles-ci doivent être « cohérentes avec les intérêts de la Communauté » et que le schéma de financement des Etats membres doit respecter le principe de proportionnalité défini par l'article 90, paragraphe 2 du traité de Rome.

Cet article, qui concerne « les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal », stipule que ces entreprises « sont soumises (...) aux règles de concurrence, dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de la Communauté. »

La DG IV considère, dès lors, que les obligations justifiant des aides publiques sont de deux types : les obligations imposées spécifiquement aux chaînes publiques (couverture nationale, standards technologiques, limitations publicitaires, obligations de contenu), les obligations supplémentaires liées à la fourniture de services associés à la nature publique des diffuseurs (information, éducation, culture, programmes régionaux ou consacrés aux minorités ethniques et sociales). Appliqué au contenu des émissions, ce point de vue conduit la DG IV à mettre en question la légitimité des chaînes, ayant accès à un financement public, à diffuser toute une série de programmes pour lesquels elles se trouvent en concurrence avec les chaînes privées, comme le sport ou les jeux.

Les représentants des Etats membres ont réaffirmé de manière unanime leur opposition à une telle approche et indiqué qu'ils souhaitaient s'en tenir à un « principe de transparence de financement des chaînes publiques », chaque Etat gardant la responsabilité de définir comme il l'entend le « périmètre du service public audiovisuel ».

Ainsi, deux logiques continuent de s'affronter : celle du droit à la concurrence et celle d'un droit spécifique de la communication audiovisuelle, alimentant un débat récurrent, illustré par les controverses sur la convergence et sur l'AMI (accord multilatéral sur les investissements). Il faut relever que le protocole d'Amsterdam comme la résolution unanime adoptée par les ministres de la culture, le 17 novembre 1998 à Bruxelles, donnent un avantage décisif à la logique de subsidiarité dans le domaine de l'audiovisuel public, cette résolution réaffirmant en particulier : « Il appartient à chaque Etat membre de coopérer, de définir et d'organiser le mandat de service public et les systèmes de financement à cet égard. »

III. LES SERVICES PRIVÉS DE COMMUNICATION AUDIOVISUELLE : UN ÉQUILIBRE NÉCESSAIRE ENTRE DÉVELOPPEMENT, PLURALISME ET TRANSPARENCE

Le paysage audiovisuel de 1999 n'a plus grand chose à voir avec celui de 1986. Hier, il s'agissait de mettre en place un économie concurrentielle et de renforcer l'indépendance des médias par rapport aux pouvoirs publics, le jeu se limitant alors au cadre hexagonal. Aujourd'hui, les enjeux se sont déplacés, mondialisés et le secteur audiovisuel français est entré dans une période de concentrations tout azimut et de menaces pour l'existence même d'une industrie de programmes européenne.

L'adoption des technologies numériques à toutes les étapes de la chaîne audiovisuelle et le développement des communications mondiales par réseaux ont en effet conduit, par le biais de ce qu'il est désormais convenu d'appeler la convergence, à une mondialisation extrêmement rapide du marché de la communication, sur lequel quelques groupes anglo-saxons sont aujourd'hui en situation fortement dominante.

Pour les européens, le défi est essentiel, car l'audiovisuel est aujourd'hui un secteur économique à fort potentiel, où les retours sur investissement sont particulièrement favorables et la hausse des profits toujours grandissante.

Mais l'audiovisuel est également un secteur industriel différent des autres. La télévision, la radio sont aujourd'hui les principaux vecteurs de culture pour nos concitoyens et, par les messages qu'ils diffusent quotidiennement, jouent un rôle essentiel pour l'information du citoyen, la circulation des valeurs et des représentations culturelles, la formation des esprits et l'organisation du débat social.

Pour que la France et l'ensemble des pays d'Europe puissent prendre toute leur place dans cette bataille mondiale de l'audiovisuel et préserver coûte que coûte l'indépendance - voire l'existence même - de leurs industries de programmes, pour combattre la montée d'une hégémonie culturelle, la lente érosion des diversités artistiques et l'émergence d'une civilisation mondialisée et uniformisée, plusieurs solutions coexistent.

Pour les industriels du secteur, la réponse à la mondialisation réside dans la concentration horizontale et verticale. Les principaux acteurs rassemblent leurs forces et, par des jeux successifs de rapprochements et de renversement d'alliances, cherchent à contrôler des segments de plus en plus étendus du marché afin de « faire le poids » face à leurs concurrents anglo-saxons.

Pour les pouvoirs publics garants de l'intérêt général et du pluralisme, la solution doit plutôt être recherchée dans l'organisation des marchés et la définition de règles du jeu communes à tous, appliquées avec souplesse mais détermination par, le plus souvent, des organismes de régulation.

L'urgence est donc bien aujourd'hui de contenir les tendances naturelles du marché à la concentration et d'empêcher la constitution d'opérateurs omnipotents qui pourraient menacer la liberté d'expression et réduire à néant tous les efforts faits depuis de nombreuses années pour éviter, en Europe et en France, la mise sous contrôle de l'information et la marginalisation culturelle.

A. LES GROUPES FRANÇAIS DE COMMUNICATION OU LA DIVERSIFICATION RÉUSSIE D'UN PETIT NOMBRE D'INDUSTRIELS

1. Des opérateurs privés issus de secteurs industriels liés à la commande publique

Comme cela a été exposé dans la première partie de ce rapport, durant les années quatre-vingts, l'Etat a considérablement réduit sa participation directe au secteur de la télévision alors que les services privés se multipliaient, en parallèle avec la diversification et la modernisation de l'offre. Cette mise en place d'un véritable secteur privé de la communication audiovisuelle s'est caractérisée par la percée de groupe industriels dont la vocation initiale n'avait rien à voir avec la communication.

Ce phénomène, spécifiquement français, a fait de sociétés dont l'activité dépendait en grande partie de l'obtention de marchés publics ou de concessions de service public - qu'ils soient spécialisés dans la distribution de l'eau et les services aux collectivités locales (Vivendi, Lyonnaise des eaux), les travaux publics (Bouygues) ou l'armement (Matra) - les principaux acteurs du secteur depuis la fin des années quatre-vingts.

En théorie, le secteur de la communication audiovisuelle est ouvert à tous, comme le rappelle l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986. En réalité, seuls les groupes capables de supporter des investissements relativement lourds peuvent ambitionner d'y entrer. C'est pourquoi les grandes entreprises industrielles ont, au début des années quatre-vingts, disposé d'un atout majeur pour prendre place dans le secteur s'ouvrant à la concurrence.

De fait, comme le constate M. Arnaud Decker dans son étude sur la place des groupes industriels dans l'audiovisuel13, les entreprises significativement présentes dans le domaine des médias dans ces années là (L'Oréal, Matra, Alcatel-Alsthom, La Compagnie générale des Eaux, les groupes Lyonnaise des eaux, Chargeurs, Bouygues, LVMH) figurent toutes parmi les premières entreprises françaises en terme de chiffre d'affaires. La diversification dans la communication correspondait alors souvent pour elles à la volonté de se dégager d'anciennes activités, comme par exemple dans le domaine des travaux publics, où le secteur, très concentré, rendait l'expansion relativement difficile.

L'arrivée et la structuration de ces nouveaux opérateurs s'est faite relativement rapidement, sur moins d'une décennie.

Le groupe Matra a fait figure de précurseur en 1980 en prenant le contrôle d'Hachette. C'est cette filiale qui reprendra de façon éphémère les actions du groupe Hersant dans le capital de La Cinq en 1990.

Dès 1982, la Compagnie générale des Eaux devient actionnaire de référence de Canal +, première chaîne hertzienne privée de France, cryptée de surcroît. L'Oréal participe également à la création de cette chaîne.

Le groupe Chargeurs créé la Cinq en février 1986, en coopération avec le groupe italien de M. Berlusconi, la Fininvest.

De son côté, la Lyonnaise des eaux, associée à la Compagnie Luxembourgeoise de communication (CLT), lance M6 à compter de mars 1987. En juillet 1997, lors de la privatisation de Havas, cette même société fait partie du premier noyau d'actionnaires stables.

En avril 1987, Bouygues SA, à la tête d'un groupement d'investisseurs candidat à l'achat de 50 % du capital de TF1, obtient pour dix ans l'autorisation d'exploitation de la première chaîne de télévision du pays, privatisée.

Dans le même temps, La Lyonnaise des eaux et la Générale des eaux prennent une place croissante dans la gestion de la télévision par câble, entamant peu à peu le monopole de la direction générale des télécommunications, jusqu'à figurer parmi les plus gros câblo-opérateurs du territoire.

A la fin des années quatre-vingts, le secteur audiovisuel français se caractérise donc à la fois par une ouverture simultanée (précipitée ?) de la télévision hertzienne et de la télévision par câble à la logique de marché et par une entrée massive des entreprises industrielles dans le secteur, qui y disposent désormais d'un poids comparable à celui des groupes de communication. Le paysage hertzien met alors en présence trois chaînes de service public (Antenne 2, FR3 et La Sept-ARTE) et quatre chaînes privées (TF1, La Cinq, M6 et Canal +) qui font toutes, à l'exception de La Sept-ARTE, appel au financement publicitaire. « Comme dans tout système de concurrence effective, le prix devient la variable principale de l'arbitrage. Le prix des productions et des retransmissions, le prix des espaces publicitaires, surtout, sont les enjeux de la confrontation »14 [entre les différents acteurs, effectifs ou potentiels, du marché].

La stratégie d'une maximisation de l'audience entraîne une inflation généralisée des coûts, que l'augmentation des ressources du secteur ne suffit pas à compenser. A ce jeu là, TF1 ruinera définitivement les efforts des propriétaires successifs du cinquième réseau hertzien, se retrouvant en 1992, après la disparition de La Cinq, en position dominante dans le secteur de la télévision hertzienne.

2. De la concurrence au marché oligopolitisque

Dans la foulée de cette évolution, le début des années quatre-vingt dix est caractérisé par un double mouvement de resserrement et de stabilisation du capitalisme audiovisuel en France. D'important groupes de communication comme la Fininvest (Berlusconi), le groupe Hersant et le groupe Hachette quittent successivement le secteur de la télévision alors que plusieurs groupes industriels se retirent également (Moët Hennessy sort du capital de la CLT, Chargeurs de celui de La Cinq et L'Oréal de celui de Canal +).

La « loi Carignon » du 1er février 1994 ayant autorisé un investisseur à posséder jusqu'à 49 % du capital d'un service audiovisuel (contre 25 % auparavant), les groupes dominants vont pouvoir consolider leur présence dans les chaînes hertziennes. L'absorption d'Havas par Vivendi (ancienne Générale des eaux) en mars 1997 a ainsi permis à cette dernière de monter à hauteur de 34 % dans le capital de Canal +, alors que le groupe Bouygues détient désormais 40,1 % de TF1.

La Lyonnaise des eaux et Vivendi (par sa filiale NumériCable) sont par ailleurs respectivement les deuxième et troisième câblo-opérateurs de France, derrière France Télécom, avec 26,3 % et 24,5 % des abonnés (chiffres Association des villes câblées-AVICA de septembre 1998).

De la bonne demi-douzaine de grands groupes industriels du début des années quatre-vingts, seuls trois groupes français subsistent donc aujourd'hui : Vivendi (ex-Générale des eaux), Lyonnaise des eaux (désormais fusionnée avec Suez) et Bouygues, tous dépendant de l'Etat et des collectivités territoriales pour une grande partie de leurs activités autres qu'audiovisuelles et contrôlant par ailleurs l'essentiel de fonctions aussi vitales pour l'ensemble de la collectivité que la distribution de l'eau ou les travaux publics...

Cette dernière situation, encore une fois unique au monde, n'a pas manqué de susciter et suscite encore aujourd'hui de multiples critiques quant aux conséquences ou tout au moins aux risques qu'elle comporte pour l'indépendance éditoriale des services audiovisuels contrôlés. Au regard des libertés fondamentales qui sont ici en jeu et du rôle aujourd'hui joué par les grands médias audiovisuels dans la formation de l'opinion publique, le rapporteur considère que de telles inquiétudes ne sont pas le fait d'extrapolations suspicieuses ou paranoïaques, mais bien l'expression d'une préoccupation démocratique qu'il importe de prendre en compte. A titre d'illustration, nul n'oubliera les surprenants marchés obtenus par le groupe Bouygues (Grand stade, troisième réseau de téléphonie mobile), à quelques mois des élections présidentielles de 1995...

Tout récemment, l'arrivée indirecte de nouveaux actionnaires (Pinault, Bolloré) dans le capital de TF1 a montré qu'une marge de man_uvre et des capacités d'investissement supplémentaires existaient en France... et a confirmé au passage la rentabilité potentielle du secteur, ce que contestaient souvent les opérateurs dominants pour justifier leur position oligopolistique.

Si la logique de l'omniprésence des groupes actuellement installés n'est donc peut-être pas une fatalité, il convient néanmoins de l'encadrer et de la réguler afin de préserver le respect de la transparence et du pluralisme, d'autant plus que le passage du secteur au numérique va entraîner de forts mouvements de concentration qui rendront encore plus aiguës les menaces sur la concurrence.

B. LES ENJEUX DU NUMÉRIQUE OU LA TENTATION DE LA CONCENTRATION

1. La « révolution » du numérique et le développement de plates-formes satellitaires

En principe, de par la multiplicité des fréquences et des possibilités de réception qu'elle offre, la diffusion satellitaire est un secteur naturellement concurrentiel, à l'inverse des réseaux câblés qui disposent d'un monopole de diffusion dans les zones qu'ils desservent.

Le développement de la télévision numérique a toutefois modifié cette situation, la multiplication des canaux de diffusion utilisables ayant conduit à la constitution de « bouquets » regroupant différentes chaînes et distribués par des opérateurs assurant la location de répéteurs numériques sur les systèmes satellitaires à plus fort potentiel de développement (Astra et Eutelsat en Europe).

Le phénomène constaté lors de l'ouverture du secteur audiovisuel à la concurrence s'est alors répété : seuls les groupes de communication les plus puissants ont eu la surface financière suffisante pour assumer le démarrage économique d'un tel ensemble de services. Par ailleurs, ces bouquets étant commercialisés via la vente ou de location de systèmes d'accès sous condition, la distribution des chaînes thématiques - et donc leur survie économique - repose assez largement sur leur appartenance à un bouquet particulier (cf. en annexe du présent rapport, la liste de l'actionnariat des principales chaînes thématiques reçues en France).

En France, deux bouquets se partagent aujourd'hui le marché de la diffusion numérique par satellite, cette situation de concurrence étant, il faut le signaler, unique en Europe.

Canal Satellite, filiale de Canal + qui est largement présente dans son capital (70 %) en compagnie de Pathé (20 %) et de Warner Bros (10 %), a débuté le 27 avril 1996 la commercialisation d'un bouquet de programmes numériques (elle avait lancé en 1992 le premier bouquet de programmes diffusé en analogique).

Les autres chaînes nationales hertziennes (France Télévision, TF1 et M6) ont quant à elles constitué, avec la Lyonnaise des Eaux, France Telecom et la CLT, la société Télévision par satellite (TPS), qui commercialise un autre bouquet depuis décembre 1996. En février 1998, la CLT-UFA a revendu sa quote-part de capital à Suez-Lyonnaise des eaux. Les quatre actionnaires de TPS (TF1, France Télévision Entreprise - qui regroupe les participations de France Télévision et de France Télécom -, M6 et Suez-Lyonnaise des eaux) détiennent donc chacun désormais 25 % du bouquet.

Enfin, le groupe AB, tente depuis 1997 de commercialiser son propre bouquet en réunissant les chaînes dont il est éditeur, mais ne parvient pas à décoller et fournit désormais des sous-offres de programmes au bouquet TPS.

Début janvier 1999, 1 730 000 personnes étaient abonnées à une offre groupée de programmes par satellite. Leur nombre a donc plus que doublé en dix-huit mois (771 000 personnes début septembre 1997). Avec 1 108 000 abonnés, Canal Satellite détient 65 % du marché, TPS atteignant les 35 %.

Depuis leur lancement, Canal Satellite et TPS ont cherché à maîtriser les différentes fonctions de la filière numérique : l'édition de programmes, leur distribution à travers la constitution d'un bouquet (ensemblier), sa commercialisation et la gestion des abonnés. Cette concentration verticale est l'expression de la logique économique qui sous-tend le marché du numérique et anime ses nouveaux acteurs.

2. L'évolution du contexte concurrentiel

Comme le constate le Conseil supérieur de l'audiovisuel dans son rapport d'activité pour 1997, « L'arrivée des techniques numériques emporte des phénomènes importants de restructuration horizontale et verticale qui, potentiellement ou réellement, sont susceptibles d'entraver la réalisation d'une situation de saine concurrence et, in fine, de porter atteinte au pluralisme ».

En effet, si le développement du numérique, quels que soient les supports de diffusion, représente le formidable avantage de faire passer la télévision de la rareté à l'abondance, il pose aussi des problèmes nouveaux en matière de gestion des supports, de droit des usagers, de respect du pluralisme et de conditions d'accès aux nouveaux services.

Dans l'étude réalisée en 1997 à la demande de la commission des finances du Sénat sur les risques de position dominante dans le domaine de la télévision payante diffusée par satellite, le CSA a formulé un certain nombre d'observations qui définissent bien les interrogations suscitées par les nouveaux marchés de la télévision numérique  :

« Dans un marché naissant, dont le développement repose aujourd'hui sur un petit nombre d'opérateurs privés pouvant peser sur le choix et la tarification des systèmes d'accès d'une part, sur l'organisation de l'offre de programmes d'autre part, les risques de dysfonctionnement sont possibles. Ces risques sont accentués, dans le cas présent, par les différences de traitement existant en France entre des systèmes de diffusion, qui pour l'essentiel participent à la distribution d'un même produit - un programme de télévision, crypté ou non - et surtout par les écarts existant entre les différentes réglementations nationales en ce domaine. (...)

La succession des alliances et des contre-alliances exprime de la part des opérateurs la difficulté de maîtriser une évolution dans laquelle les intérêts des différents acteurs apparaissent tantôt solidaires, tantôt concurrents, selon les systèmes de partenariat mouvants dans lesquels ils se trouvent impliqués. Le développement convergent de la télévision à péage, des systèmes satellitaires, et du numérique se caractérise par une concurrence forte portant, à la fois, sur l'accès satellitaire, sur le contenu et l'organisation de l'offre de programmes, et sur les équipements de réception au sol.

Dans ce contexte, des opérateurs ou groupes d'opérateurs en position dominante, seraient naturellement tentés de limiter l'action du marché en agissant sur l'offre satellitaire, sur les contenus des bouquets de programmes et sur les systèmes de réception, aux différents niveaux où s'exerce la concurrence. Cette possibilité est d'autant plus manifeste lorsque l'opérateur concerné est en position d'intervenir à plusieurs de ces niveaux.

La tentation sera forte pour l'opérateur dominant de tenter d'accaparer la meilleure part des droits de diffusion des événements - notamment sportifs - et des programmes attractifs - les films en première exclusivité par exemple -, susceptibles de déclencher un réflexe d'achat ou d'abonnement du téléspectateur-client.

Le risque qui en résulte est d'abord économique : détenir un pouvoir de marché permet à l'opérateur de bénéficier de conditions d'achat inférieures ou de pratiquer des tarifs supérieurs à ceux qui s'établiraient dans une situation de concurrence normale, pénalisant ainsi ses concurrents, ses fournisseurs et les consommateurs.

Mais le risque est aussi d'un autre ordre. L'absence de pluralisme peut se traduire par une standardisation de l'offre, autour des modèles dominants et de thèmes fédérateurs, ou selon les meilleurs rapports "coût-audience". La multiplicité des capacités de diffusion ne signifie pas spontanément diversité des contenus. (...)

Le déplacement des enjeux économiques vers la télévision à péage peut [également] avoir pour effet d'inciter les opérateurs à réduire progressivement la qualité des programmes offerts sur les chaînes en clair au profit des chaînes cryptées et des bouquets satellites. (...) Le risque est alors de voir se développer un système inégalitaire avec, d'un côté, des chaînes payantes réservant les meilleurs programmes à un public nécessairement restreint, de l'autre côté, des chaînes gratuites qui, n'ayant pas accès à ces programmes, peuvent se trouver entraînées dans les surenchères de la recherche de l'audience à tout prix, avec en toile de fond une augmentation continue des tarifs d'acquisition des droits. Les comportements observés actuellement en Europe sur les droits sportifs sont de ce point de vue significatifs.(...)

[Par ailleurs], la mobilisation des investissements nécessaires à l'acquisition de catalogues réduit d'autant les financements disponibles au niveau national pour des productions nouvelles, même si le système ne pourra pas éternellement vivre sur "des produits de recyclage".

Un tel processus est de nature à transformer profondément l'économie de l'audiovisuel telle que nous la connaissons aujourd'hui. Il débouche à terme sur l'émergence de groupes médiatiques intégrés, contrôlant les différentes étapes de la production et de la distribution des _uvres audiovisuelles à travers différents médias et différents pays, et orientant les contenus selon des critères prioritairement définis en fonction du marché international. »15

La généralisation de la diffusion numérique, même si les conditions de mise en place de celle-ci sont encore difficiles à arrêter, imposera donc, en tout cas, une sérieuse remise à jour des politiques audiovisuelles en vigueur. La multiplication des vecteurs de diffusion et le croisement des réseaux introduiront immanquablement des bouleversements tant dans le comportement des opérateurs que dans le mode de direction et de régulation de ce secteur.

Ainsi, alors que les diffuseurs des grands médias traditionnels opèrent selon une logique industrielle et un souci politique, pour les opérateurs de nouveaux médias, qu'il s'agisse d'ailleurs de chaînes thématiques ou de services en ligne, la logique financière semble dominer.

Les responsables des chaînes généralistes ne peuvent se contenter de gérer leur entreprise selon une pure logique de rentabilité économique. L'influence du média sur la société est trop importante. L'évolution de la programmation de TF1 depuis quelques années doit sûrement beaucoup à la confrontation avec France 2, chaîne de service public, mais démontre néanmoins que la « mission sociale » d'une télévision généraliste induit en fait une certaine attitude de la part de leurs dirigeants, même lorsque ceux-ci sont issu d'un milieu professionnel totalement extérieur.

Comme le souligne Mme Monique Dagnaud, ancien membre du CSA, « leur réussite comme entrepreneur dépend de leur faculté à se mouler dans cette culture de service public qui imprègne tout généraliste, à dose plus ou moins forte évidemment, selon qu'il s'agit ou non d'une télévision commerciale »16.

Les outils de réglementation et de régulation mis en place par les pouvoirs publics depuis 1986 s'insèrent dans cette logique et cet état d'esprit. Mais l'économie et la culture attachées aux nouveaux médias sont tout autres.

Comme l'a souligné l'étude du CSA citée plus haut, les chaînes thématiques fonctionnent comme un support de diffusion d'un programme ciblé et non comme une antenne définie par son identité éditoriale et son rôle culturel et social. L'information, la production fraîche ne sont plus des priorités, sauf si elles sont au c_ur de la cible. Les attentes du téléspectateur sont d'ailleurs également différentes, et se rapprochent plus de sa relation à l'Internet, où il navigue entre différents sites, que de celle entretenue avec des médias traditionnels.

Citons à nouveau Mme Monique Dagnaud : « Le souci des opérateurs des nouveaux médias est donc moins fixé sur des objectifs d'intérêt général, comme le pluralisme ou l'éthique des programmes (même s'il ne peut évidemment pas s'en abstraire). [...] En revanche, ces nouveaux médias se commercialisent sous forme de bouquet et un nouvel intervenant surgit pour occuper une place décisive dans le secteur audiovisuel : l'ensemblier. Les opérateurs de bouquets et de services en ligne effectuent des opérations particulières : investissement dans des instruments de contrôle d'accès, gestion d'un parc d'abonnés et des actions de marketing qui leur sont attachées, achat et gestion de catalogues de droits. A la logique d'un opérateur de média se substitue alors celle d'un distributeur »17.

Face à ces nouveaux développements de l'économie audiovisuelle, la constitution d'entreprises privées et publiques puissantes, capables de relever le défi de l'investissement dans les nouveaux services et de porter les programmes européens sur le marché international est donc absolument nécessaire. Celle-ci est néanmoins indissociable d'une action publique qui veille à préserver l'indépendance de l'information, le pluralisme des opérateurs et de la production ainsi que la responsabilité citoyenne du système de médias.

C. UN MARCHÉ ORGANISÉ ET RÉGULÉ POUR MIEUX GARANTIR LE PLEIN EXERCICE DE LA LIBERTÉ DE COMMUNICATION

Les pouvoirs publics français, comme d'ailleurs partout en Europe, disposent aujourd'hui d'une dernière chance de poser des règles pour organiser la concurrence et les nouveaux services sur un marché de l'audiovisuel de plus en plus mondialisé et difficile à maîtriser. Les enjeux économiques et culturels sont tels, les risques pour la survie d'une industrie de programmes européenne sont si considérables qu'il est impossible de ne rien faire et d'attendre passivement les bouleversements qui s'annoncent. Les pouvoirs publics doivent donc agir et se doter des moyens adaptés pour organiser le marché sans entraver son développement.

Qu'il soit ici permis au rapporteur de citer, une fois n'est pas coutume, M. Philippe Douste-Blazy, ancien ministre de la culture et de la communication. Dans une tribune publiée récemment dans le journal Le Monde (le 30 mars 1999), il constatait : « On ne peut pas continuer à confondre liberté de communication et loi de la jungle. (...) Il est urgent de contrôler et, au besoin, de limiter les situations de quasi monopole qui pourraient menacer la liberté d'expression. (...) ». Si le rapporteur ne suit pas l'auteur dans les solutions, uniquement européennes, qu'il préconise, il ne peut que souscrire au constat d'urgence ainsi dressé.

A cette fin, si l'élargissement ou l'adaptation de moyens de régulation déjà en vigueur semble être aujourd'hui préférable à des constructions institutionnelles nouvelles ou à l'édiction a priori de prohibitions ou de règles impératives d'organisation des opérateurs, l'univers audiovisuel, parce qu'il met en jeu des libertés et des principes à valeur constitutionnelle, a néanmoins besoin de règles claires et applicables à tous, quels que soient les acteurs, les types de supports de diffusion et la nature des services diffusés.

L'aménagement de la concurrence passera très certainement par deux biais : le renforcement de la transparence des opérateurs et des jeux capitalistiques dans lesquels ils s'insèrent, et l'organisation de la concurrence dans le secteur des programmes, par une meilleure circulation des _uvres et donc une plus grande fluidité des droits.

1. Plus de transparence financière pour les opérateurs

En matière de concentration, de nombreux pays démocratiques ont fixé des règles beaucoup plus contraignantes que les limites définies par la loi de 1986. En Grande-Bretagne par exemple, la part de capital que peut détenir un même opérateur est limitée à 20 % et on voit régulièrement, lors du renouvellement des autorisations, les appels à candidatures aboutir à des changements d'opérateurs.

En 1986, la loi adoptée à l'initiative de M. François Léotard, même si elle défendait une approche profondément libérale du marché audiovisuel (cf. la première partie de cette présentation générale), avait néanmoins édicté un certain nombre de règles minimales pour éviter les concentrations, et avait notamment fixé un plafond de 25 % pour la détention du capital d'une entreprise audiovisuelle par un opérateur ainsi qu'un délai maximum de dix ans au delà duquel un canal hertzien ne pouvait être réaffecté que sur la base d'un appel à candidatures.

La loi du 2 février 1994 dite « loi Carignon », en relevant à 49 % le plafond de la part de capital susceptible d'être détenue par un seul opérateur et en rendant quasi automatiques les autorisations d'émettre accordées initialement pour une durée de dix ans, a conféré aux opérateurs privés un privilège considérable sans commune mesure avec les contraintes auxquelles ils sont soumis et sans qu'aucune contrepartie n'ait été exigée.

La loi du 30 septembre 1986 a par ailleurs fait du CSA l'autorité de droit commun en matière de contrôle des concentrations dans le secteur audiovisuel, excluant ce secteur du champ d'action du Conseil de la concurrence. Les règles spécifiques énoncées par la loi en la matière semblaient alors justifier ce régime d'exception.

Pourtant, depuis cette date, le CSA n'a pas pu (ou pas su... ou pas voulu !) s'opposer aux changements importants intervenant dans la composition de l'actionnariat d'une chaîne ou d'une société la contrôlant. Il a ainsi avalisé, début 1997, la fusion de l'UFA, filiale audiovisuelle du groupe de communication allemand Bertelsmann, avec la CLT, actionnaire de M6 et de RTL, l'arrivée de Vincent Bolloré dans le capital du groupe Bouygues en décembre 1997, ou encore tous les changements intervenus dans le capital de Canal + depuis plusieurs années (et notamment l'absorption d'Havas par Vivendi en mars 1997). Au total, le CSA n'a procédé qu'une seule fois à la remise en question d'une autorisation : lorsque le groupe Hersant a cédé, fin 1990, le contrôle de La Cinq à Hachette. Aujourd'hui, dans le silence de la loi, le CSA n'a pas les compétences nécessaires pour tirer des conséquences des changements d'actionnariat dans les plates-formes satellitaires.

On a beaucoup écrit sur le fait que le rabaissement des plafonds capitalistiques fixés en 1994 aurait des conséquences trop graves sur l'organisation actuelle du marché et risquerait notamment de fragiliser des entreprises confrontées à une concurrence internationale grandissante et d'ouvrir la porte de nos médias aux investisseurs étrangers.

Même si il considère, pour sa part, que de telles affirmations sont contestables au vu de la surface financière des nouveaux entrants sur le marché comme Vincent Bolloré ou le groupe Pinault et de la rentabilité désormais démontrée de la télévision privée, le rapporteur veut bien admettre ce postulat par hypothèse.

Il reste que la situation actuelle ne peut plus perdurer. Il convient donc, soit de doter le CSA des moyens effectifs de mener des contrôles en matière de concentrations et d'en tirer toutes les conséquences en terme d'autorisations d'émettre, y compris pour les nouveaux services, soit de réinsérer le secteur audiovisuel dans le droit commun de la concurrence, en invitant le ministre de l'économie, à exercer avec beaucoup de vigilance son pouvoir de saisine du Conseil de la concurrence.

Ce renforcement du contrôle et de la transparence devra se doubler de la fixation de règles précises et incontournables afin de garantir l'indépendance des rédaction et l'honnêteté de l'information diffusée par ces médias. Là aussi, le rôle de l'autorité de régulation a besoin d'être confortée par des objectifs et des outils clairement affirmés par la loi. La préservation du pluralisme est à ce prix.

2. Plus de fluidité pour le marché des droits

L'organisation de la concurrence et du pluralisme dans le nouveau paysage audiovisuel passe également par l'organisation de la concurrence dans le secteur des programmes, en renforçant les dispositions qui encouragent la séparation entre le producteur et le diffuseur.

Ces dispositions sont particulièrement importantes aujourd'hui, alors que se dessine, comme cela a été évoqué plus haut, une forte tendance à la concentration verticale : les actionnaires des sociétés exploitant des bouquets sont aussi les actionnaires des chaînes françaises commercialisées par ces mêmes bouquets (cf. le tableau présenté en annexe), sans parler des liens capitalistiques entre ces plates-formes et les opérateurs hertziens.

Il convient donc, par le biais de mesures réglementaires et d'actes de régulation, de renforcer la fluidité du marché des droits audiovisuels et cinématographiques. Cela n'interdira pas à des producteurs de s'adosser à des groupes financiers puissants, mais ils seront incités à trouver d'autres sources de financement que celles provenant plus ou moins directement des diffuseurs. Les pouvoirs publics doivent trouver ici le bon équilibre entre les mesures qui favorisent l'investissement premier dans les programmes et celles qui encourageront leur circulation.

Sur ce deuxième point, plusieurs dispositions sont envisageables, comme par exemple la limitation de la durée d'acquisition des droits et de leur détention à titre exclusif, la fragmentation des acquisitions par supports de diffusion, la redéfinition des critères d'indépendance des producteurs... Quelles que soient les mesures choisies, elles devraient permettre d'optimiser le jeux de la concurrence entre les diffuseurs, de conforter le poids du secteur de la production et de garantir à l'industrie française des programmes un meilleur financement.

IV. LE PROJET DE LOI : MODERNISER LE DROIT DE L'AUDIOVISUEL POUR RENFORCER L'INDUSTRIE DE PROGRAMMES FRANÇAISE ET ASSURER UN MEILLEUR SERVICE DU PUBLIC

Le titre premier du projet de loi concerne le secteur public de la communication audiovisuelle et a pour objectif de lui permettre d'affirmer son identité et d'assurer son développement au service de tous les publics. Il modifie différents articles du titre III de la loi 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication et s'articule autour de trois objectifs complémentaires relatifs aux missions, aux structures et aux ressources des organismes.

Le titre II concerne la transposition en droit français de certaines dispositions de la directive « Télévision sans frontières » telle qu'elle a été modifiée en 1996 et est destiné à assurer tout à la fois un meilleur respect du téléspectateur et une plus grande sécurité juridique pour les opérateurs.

Le titre III s'attache à rénover le dispositif de régulation des services privés de radiodiffusion sonore et de télévision afin d'assurer une meilleure garantie du pluralisme et de l'indépendance de l'information.

Le titre IV regroupe des dispositions diverses et transitoires.

On notera que le projet initial, déposé le 10 novembre 1998, se limitait à treize articles (articles 1 à 12 et 13 devenu 32). Une lettre rectificative du 21 avril 1999 y a ajouté dix-neuf articles supplémentaires qui complètent le titre II et créent les titres III et IV.

A. REDONNER AU SECTEUR PUBLIC DE L'AUDIOVISUEL LES MOYENS D'ASSUMER SES MISSIONS ET D'AFFRONTER LA MONDIALISATION

1. Clarifier les missions

Affirmer l'identité du service public suppose tout d'abord de préciser et de renforcer les objectifs propres qui lui sont assignés.

L'article 1er s'attache donc à définir les missions générales des organismes du secteur, qui concernent principalement le rassemblement des publics grâce à une programmation diversifiée et de qualité, la garantie du pluralisme et le développement de nouveaux services liés à la technologie numérique et au développement de nouvelles techniques de production et de diffusion des programmes et services de communication.

Mais l'audiovisuel public est également riche de la diversité et de la complémentarité de ses antennes. C'est pourquoi les articles 2 et 3 visent à préciser les missions de chacune des sociétés nationales de programme et de la nouvelle société La Cinquième-ARTE.

France 2 est ainsi chargée d'une mission généraliste nationale tout particulièrement attentive à l'information, France 3 est définie comme un réseau national à tonalité régionale et locale, Radio France comme la chaîne de radio spécifiquement chargée de valoriser le patrimoine et la création artistique, RFO - rebaptisé Réseau France Outremer - comme le réseau de radio et de télévision tourné vers l'outremer et RFI comme la radio chargée de diffuser la culture française à l'étranger (article 2).

Le cinquième réseau est quant à lui destiné à développer les programmes éducatifs de La Cinquième et les programmes culturels d'ARTE, la chaîne européenne (article 3).

Enfin, l'article 5 du projet de loi actualise la mission patrimoniale de l'Institut national de l'audiovisuel, met fin au transfert de propriété dont il bénéficiait pour ce qui concerne les archives de France 2 et de France 3 et assure une plus grande cohérence de ses activités dans les domaines de la conservation, de l'exploitation et de la mise à disposition des archives audiovisuelles en rénovant ses relations avec les diffuseurs publics.

2. Renforcer les structures

Partant de l'idée qu'un service public fort et structuré peut constituer un facteur d'équilibre au sein du marché de l'audiovisuel, le projet de loi a pour ambition de faire passer le secteur public d'une logique de chaînes administrées et concurrentes à une logique d'entreprises appartenant à un même groupe industriel.

En regroupant France 2, France 3 et La Cinquième-ARTE au sein d'un même groupe, France Télévision, l'article 2 du projet de loi entend assurer la cohérence de l'activité et de l'offre de programmes de ces sociétés. Il confirme cependant pleinement l'identité éditoriale propre à chaque chaîne en maintenant notamment une individualisation des cahiers des missions et des charges et des obligations réglementaires relatives à la production.

L'article 4, met en place les organismes de direction du groupe France Télévision, des sociétés nationales de programme et de la société La Cinquième-ARTE dans le souci d'assurer l'indépendance des dirigeants de la télévision publique et de renforcer la cohérence de la direction du groupe public.

Le président du conseil d'administration de France Télévision, composé de douze membres, sera nommé par le CSA et assurera également la présidence des conseils d'administration des sociétés filiales, composés de huit membres. Les directeurs généraux des filiales seront nommés par le conseil d'administration de France Télévision, sur proposition du président. Le groupe France Télévision aura un fonctionnement collégial grâce à un comité de direction dirigé par le président et composé des directeurs généraux des filiales.

Pour les autres sociétés nationales de programmes, le conseil d'administration est fixé à douze membres ; le président est désigné par le CSA parmi les administrateurs qu'il a désignés, à l'exception de RFI où il doit être choisi parmi les représentants de l'Etat.

Enfin, la durée de l'ensemble des mandats est portée à cinq ans, contre trois actuellement, ce qui permettra aux présidents et aux membres des conseils d'administration d'inscrire leur action dans la durée et de voir leur indépendance confortée.

3. Programmer le financement

L'article 6 du projet vise tout à la fois à moderniser les conditions d'exercice de la responsabilité de l'actionnaire public entre l'Etat est les différentes sociétés et à garantir et développer les ressources de la télévision publique en écartant le risque d'une dépendance excessive vis à vis de la publicité.

Par l'intermédiaire de contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens, l'Etat pourra déterminer de façon stratégique et prospective les axes prioritaires de développement de France Télévision, de ses filiales et des autres sociétés nationales de programme, le coût prévisionnel de leurs activités et le montant des concours publics qui leurs seront affectés. Le Parlement continuera chaque année à voter la répartition du produit de la redevance, le montant des crédits budgétaires affectés ainsi que le produit attendu des recettes propres.

L'article prévoit également la réduction à cinq minutes par heure glissante de la durée des écrans publicitaires sur France 2 et France 3. Comme le prévoit l'article 8, cette mesure entrera en application au 1er janvier 2000. La perte de recettes entraînée par cette diminution de la durée des écrans publicitaires a été évaluée à environ 2,2 milliards de francs.

C'est sur ce point essentiel que le projet de loi a achoppé au mois de novembre dernier puisque le texte présenté ne prévoyait pas les mesures nécessaires, d'une part, pour compenser financièrement cette perte de recettes, d'autre part pour donner aux sociétés concernées les moyens de financer les quelques 380 heures de programmes supplémentaires venant se substituer aux écrans publicitaires, et enfin pour faire bénéficier l'industrie de programmes du transfert massif de recettes publicitaires vers le secteur privé induit par le projet, transfert qualifié par de nombreux observateurs « d'effet d'aubaine ».

Les parlementaires de la majorité ayant fortement insisté pour que le texte présenté prévoie les mesures susceptibles d'assurer la solidité financière de la réforme et de limiter les transferts financiers vers le secteur privé, le Gouvernement a préféré reporter la date d'examen du texte, afin de se donner le temps d'examiner toutes les conséquences de la réduction de recettes publicitaires proposée et d'élaborer les dispositions législatives et budgétaires permettant d'une part de compenser les pertes de recettes et d'assurer un financement pérenne aux sociétés de l'audiovisuel public et d'autre part de réduire au maximum l'effet d'aubaine pour les services privés.

Ces nouvelles dispositions seront présentées à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sous forme d'amendements à l'article 6 du projet de loi.

B TRANSPOSER LA NOUVELLE DIRECTIVE « TÉLÉVISION SANS FRONTIÈRES » EN DROIT FRANÇAIS

Le titre II du projet de loi assure la transposition en droit interne de diverses dispositions essentielles de la directive 89/552/CEE du Conseil du 3 octobre 1989, dite « directive Télévision sans frontières » (TVSF), telle que modifiée par la directive 97/36/CE du 30 juin 1997.

L'article 9, qui a pour objet de transposer les articles 22 et 22 bis de la directive, prévoit diverses mesures de protection des mineurs vis-à-vis des programmes susceptibles de nuire à leur épanouissement, en faisant assumer par le Conseil supérieur de l'audiovisuel la charge du contrôle des chaînes à cet égard. Il faut rappeler qu'aux termes de l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986 déjà citée, le CSA a déjà pour mission de « veiller à la protection de l'enfance et de l'adolescence dans la programmation des émissions diffusées par un service de communication audiovisuelle. »

L'article prohibe de manière générale la diffusion de deux types de programmes : ceux qui seraient susceptibles de nuire gravement à l'épanouissement des mineurs et ceux qui inciteraient à la haine pour des raisons de race, de sexe, de religion ou de nationalité. C'est au CSA qu'incombera la tâche de veiller à ce qu'aucun programme de ce type ne puisse être diffusé. A cet égard, la classification des _uvres déjà utilisée par le Conseil pourra servir de base à l'application de cet article.

D'autres programmes, par nature réservés aux adultes, sont diffusables à condition soit d'être mis à disposition du public à une heure tardive (sachant que c'est le CSA qui continuera d'être compétent pour la détermination des horaires), soit, d'être assortis de procédés techniques particuliers, comme le cryptage ou les codes d'accès. L'article consacre, en outre, la nécessité de précautions devant être prises par les services de télévision diffusés en clair qui mettent à la disposition du public des messages susceptibles de nuire aux mineurs. Pour être diffusables, ceux-ci doivent ainsi être précédés d'un avertissement acoustique ou identifiés par la présence d'un symbole visuel.

L'article 10, utilisant la faculté ouverte par l'article 3 bis de la directive européenne, prévoit que les événements d'importance majeure ne pourront être retransmis par une chaîne cryptée de façon à en priver une partie importante du public. Il n'existe à l'heure actuelle aucune disposition législative ou réglementaire concernant la diffusion de ce type d'événements par les services de télévision ou de radiodiffusion. En choisissant de transposer cette disposition de la directive, le Gouvernement français démontre sa volonté de faire en sorte que le public ne puisse pas être frustré de certaines grandes manifestations, notamment sportives, qui ne pourront pas, en vertu de la loi, être diffusées de manière exclusive par une chaîne à péage.

Le projet de loi renvoie la fixation de la liste de ces événements à un décret pris en Conseil d'Etat après avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Si, à ce stade, cette liste reste à élaborer, celle-ci devrait se rapprocher de celle que la chaîne Canal + a déjà eu l'occasion de négocier avec le CSA. En effet, l'article 18 de la convention de cette chaîne indique que Canal + ne saurait se réserver l'exclusivité des retransmissions des Jeux olympiques d'hiver, d'été, du Tour de France, de la Coupe du monde de Football, du championnat d'Europe des nations de football, du Tournoi des cinq nations de Rugby. Il n'est bien entendu pas exclu que d'autres événements sportifs ou non sportifs puissent également figurer dans la liste.

Cet article présente donc un mérite essentiel : il va incontestablement dans le sens de l'accessibilité à tous des événements majeurs susceptibles d'attirer un grand nombre de téléspectateurs ou d'auditeurs. Il paraît ainsi parfaitement adapté aux exigences légitimes du public.

L'article 11 met fin au régime dérogatoire prévu en faveur des chaînes non francophones diffusées par satellite de diffusion directe, qui n'était pas conforme à la directive TVSF, puisqu'il empêchait l'application à ces chaînes, de la réglementation en matière de parrainage et de publicité. Aucune chaîne n'est actuellement concernée par cette disposition.

L'article 12, qui transpose les articles 2 et 2 bis de la directive, définit les critères d'établissement des services de télévision, dans le but d'accroître la sécurité juridique des radiodiffuseurs et de clarifier les sphères de compétence des Etats de l'Union européenne. Les critères de compétence territoriale de la France sur les services de télévision sont désormais établis avec précision, ce qui devrait permettre à ces derniers, comme à l'instance de régulation, de déterminer avec certitude s'ils relèvent de la compétence de la France ou bien de celle d'un autre Etat membre de l'Union européenne. Cet article traduit le principe fondamental de la directive TVSF selon lequel un Etat et un seul doit être compétent sur chaque chaîne diffusée dans l'espace européen.

Les critères jouant pour la détermination du lieu d'établissement d'un service de télévision sont de divers ordres : le lieu du siège social effectif, le lieu où sont prises les décisions de la direction relatives à la programmation, le lieu de travail d'une partie importante des effectifs employés. C'est le croisement de ces divers critères combinés qui permettra désormais de déterminer, pour tout service de télévision diffusé en France, s'il doit être considéré comme régi par le droit français ou non. Les incertitudes que l'on a connues pour la chaîne RTL 9 par exemple ne seront donc plus de mise grâce à ces nouvelles dispositions législatives.

S'agissant des chaînes établies, au vu de ces critères, dans un autre Etat membre ou relevant de la compétence d'un autre Etat membre, l'article prévoit que les exploitants des services de télévision concernés devront se contenter de faire une déclaration auprès du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Il faut noter que, durant plusieurs années, le CSA a exigé que ces services concluent une convention avec lui. Ce conventionnement étant contraire à la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, entérinée par l'article 2 bis de la directive, la Commission européenne a demandé au Gouvernement français de mettre un terme à cette procédure. En attendant une transposition de cette disposition en droit français, le CSA a donc été invité, dès juillet 1997, par le Gouvernement à renoncer au conventionnement. Il est donc utile que cet article puisse conférer une base législative à la nouvelle pratique déclarative.

L'article 13 assure la transposition en droit français des articles 10 à 20 de la directive en étendant au télé-achat et à l'autopromotion l'encadrement réglementaire déjà prévu pour la publicité et le parrainage. Il met donc fin au pouvoir réglementaire confié au CSA en matière de télé-achat par la loi n) 88-21 du 6 janvier 1988.

Enfin, l'article 14, en cohérence avec l'article 7 de la directive, renvoie à la négociation contractuelle la fixation du régime de la « chronologie des médias », c'est à dire des délais minimaux aux termes desquels les _uvres cinématographiques peuvent être exploitées sur les différents supports de diffusion cryptée et en clair. L'Etat renonce donc à son pouvoir réglementaire en la matière, mais par contre, comme le considérant 32 de la directive l'invitait à le faire, incite les professionnels à conclure des accords-cadres en imposant à chaque diffuseur, dès lors qu'il aura conclu un accord avec la profession, de respecter cet accord dans les négociations contractuelles qu'il mènera avec chaque producteur.

Les articles 9 à 14 du projet de loi assurent donc une transposition complète et utile de plusieurs dispositions fondamentales de la directive TVSF, ce qui permettra d'accentuer le mouvement de convergence nécessaire des secteurs publics de l'audiovisuel des Etats membres de l'Union européenne.

C. GARANTIR LE PLURALISME ET LA TRANSPARENCE DU SECTEUR PRIVÉ

Le troisième grand objectif de ce projet de loi est d'adapter le droit applicable au secteur privé de l'audiovisuel afin d'accompagner la constitution des nouveaux services et d'encourager le renforcement de grands groupes privés français capables de s'affirmer au plan international dans des conditions qui respectent la libre concurrence, l'indépendance de l'information et le pluralisme des opérateurs et de la création.

A cette fin, plutôt que de recourir à des mesures de réglementation ou d'interdiction, le Gouvernement a opté pour un renforcement du rôle des autorités de régulation.

1. Le renforcement du pluralisme, de l'indépendance de l'information et de la concurrence

· L'article 15 renforce tout d'abord la capacité du CSA à exercer son pouvoir de régulation envers les sociétés éditrices, notamment en ce qui concerne l'indépendance de l'information à l'égard des actionnaires, en lui donnant le pouvoir de recueillir toute information qu'il juge nécessaire sur les marchés publics ou les délégations de services publics pour l'attribution desquels les opérateurs ou leurs actionnaires ont présenté une offre.

De plus, dans un souci de transparence, les articles 16 (pour les radios) et 17 (pour les télévisions) complètent le contenu des informations économiques qui doivent être fournies au CSA lors de la présentation d'un dossier de candidature pour l'autorisation d'usage d'une fréquence hertzienne. Des modifications substantielles de ces données pourront donc désormais donner lieu au retrait sans mise en demeure de l'autorisation, comme le prévoit l'article 42-3 de la loi de 1986.

Ces articles sont complétés par l'article 22 qui précise et étend les critères d'appréciation sur lesquels le CSA peut se fonder pour refuser le renouvellement d'une autorisation d'usage de fréquence hertzienne terrestre sans appel à candidatures. La transparence de l'ensemble de la procédure est également utilement améliorée.

· En ce qui concerne plus spécifiquement le pluralisme et l'indépendance de l'information, le projet de loi ne fixe pas d'interdictions ou de règles impératives d'organisation des opérateurs pour garantir l'indépendance des services d'information à l'égard des intérêts économiques des dirigeants de l'entreprise. Il donne simplement au CSA la responsabilité de prévoir, lorsqu'il autorise les différents services de radio (article 16) ou de télévision (article 17) hertziennes et qu'il établit les conventions des services diffusés par câble et par satellite (article 18), les dispositions les mieux à même de garantir le pluralisme ainsi que l'indépendance et l'honnêteté de l'information (médiateur, société de rédacteurs, code de déontologie...).

De plus, pour ce qui concerne spécifiquement le domaine des radios, l'article 16 prévoit que le CSA doit veiller à ce qu'une proportion suffisante de fréquences soit allouée aux radios associatives et à ce que le public ait accès aux stations généralistes qui contribuent à l'information politique et générale.

· Enfin l'article 19 réinsère le secteur de l'audiovisuel dans le droit commun des concentrations tout en préservant l'intervention du CSA, justifiée par les spécificités du secteur en ce qui concerne le pluralisme et l'exercice d'une liberté de valeur constitutionnelle. Le Conseil de la concurrence recouvre donc un pouvoir d'avis sur les concentrations ou les projets de concentration intervenant dans le secteur de la communication audiovisuelle, comme le lui reconnaît de façon générale le titre V de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, mais devra, sur toute saisine, consulter le CSA.

Un avis du CSA sera également systématiquement demandé lorsque le Conseil de la concurrence fera l'objet de saisines contentieuses sur des pratiques anticoncurrentielles dans le secteur.

2. Le renforcement du soutien à la création et à la production

Outre le renvoi à la négociation collective de la fixation des différents délais en matière de chronologie des médias, les articles 20 (pour les services de télévisions diffusés par voie hertzienne terrestre) et 24 (pour les services diffusés par câble et par satellite) renforcent et harmonisent les obligations des chaînes en matière de soutien à la production, notamment indépendante.

Pour ce qui concerne plus spécifiquement les télévisions hertziennes, l'article 20 prévoit qu'un décret pourra encadrer la cession des droits de diffusion selon les différents modes d'exploitation et limiter la durée de détention de ces droits lorsqu'il sont exclusifs, ce qui devrait permettre une plus grande fluidité du marché et une meilleure circulation des _uvres.

Ces dispositions sont complétées par les articles 26 et 27 qui, parmi les obligations des opérateurs de bouquets distribués par câble et par satellite, précisent les critères permettant de fixer, par décret, la proportion de services indépendants obligatoirement proposés par le bouquet.

L'ensemble de ces dispositions devrait contribuer à encourager le pluralisme en matière de production et de création et donc à renforcer l'industrie française des programmes.

3. L'harmonisation des règles applicables aux nouveaux services

Les articles 18 et 24 déterminent le régime des chaînes diffusées par satellite, par analogie avec celui des chaînes distribuées par câbles. Elles seront désormais conventionnées par le CSA et devront respecter les obligations fixées par décret. En ce qui concerne les éditeurs de services thématiques, le droit applicable n'effectue donc plus de distinction en fonction des supports de diffusion.

Le projet de loi met ainsi fin à un vide juridique qui résultait de l'absence de décret d'application à l'actuel article 24 (relatif à l'utilisation de fréquences satellitaires de télécommunication pour la diffusion de services de communication audiovisuelle) et de la complexité de la loi actuelle qui prévoit des régimes distincts pour les services diffusés par satellite selon que ceux-ci utilisaient des fréquences de radiodiffusion ou de télécommunication.

Cette uniformisation du droit applicable aux services diffusés par câble et par satellite est complétée par la définition, à l'article 25, de la fonction de distributeur de services (opérateur de bouquet), celle-ci s'appliquant aussi bien aux câblo-opérateurs qu'aux satellito-opérateurs. Le projet de loi ne va cependant pas jusqu'à aligner les deux régimes légaux puisque, alors que le distributeur d'un bouquet câblé continuera à être soumis à un régime d'autorisation par le CSA (article 26), le distributeur d'un bouquet satellitaire se verra simplement contraint à une obligation de déclaration (article 27).

Pour les deux supports cependant, une même obligation de proposer une proportion minimale de services indépendants est prévue par le texte, le CSA ayant par ailleurs compétence pour contrôler les modifications de plan de services et vérifier, à cette occasion, le respect des obligations en matière de services indépendants et, pour les réseaux câblés, la conformité des modifications à l'intérêt du public.

Enfin, les régimes de sanctions administratives (article 28) et pénales (article 29) figurant dans la loi de 1986 sont étendus à l'ensemble des éditeurs et distributeurs de services, quels que soient les supports de diffusion, l'article 28 renforçant par ailleurs les pouvoirs du CSA en matière de sanctions administratives par une simplification et une clarification des procédures applicables.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DE LA MINISTRE

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a procédé à l'audition de Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, sur le présent projet de loi au cours de sa séance du mardi 4 mai 1999.

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, a indiqué qu'il y a cinq mois, presque jour pour jour, elle avait présenté un texte devant la commission dont elle annonçait, à la fin de son intervention, le retrait provisoire de l'ordre du jour. A l'époque, certains ont pu penser que ce report annonçait un abandon. On voit aujourd'hui qu'il n'en est rien.

Ce report avait été motivé par la volonté de prendre un peu plus de temps, notamment pour renforcer le texte par des mesures touchant à la régulation du secteur privé et mieux répondre à la préoccupation exprimée par les membres de la commission sur la croissance des moyens financiers nécessaires au développement du service public. Dès cette date, il avait été néanmoins annoncé que le Gouvernement avait pris une décision que beaucoup, dans la majorité mais aussi dans l'opposition, attendaient depuis longtemps : l'accroissement du financement du service public par le remboursement intégral des exonérations de redevance.

Cette décision est aujourd'hui confirmée par un amendement déposé devant la commission au nom du Gouvernement. Il permet de présenter une nouvelle formule de financement du service public, qui garantir un meilleur équilibre entre la baisse souhaitable du recours à la publicité et la croissance des moyens de développement.

Les cinq mois qui se sont écoulés ont donc été l'occasion de traduire de manière plus efficace cette volonté de réforme, grâce à une intense concertation et à la contribution personnelle de beaucoup de parlementaires. Grâce à cette collaboration, et avec le second volet de mesures que le Gouvernement a adopté et qui vient s'ajouter au projet de loi déjà déposé, c'est une réforme de liberté et de démocratie qui viendra en débat devant l'Assemblée le 18 mai prochain. C'est aussi une réforme moderne qui assure le développement équilibré de l'ensemble de notre système audiovisuel.

Cette réforme traite des trois éléments majeurs qui constituent l'audiovisuel : son corps, c'est-à-dire les programmes, et ses deux piliers, le secteur public et le secteur privé. Elle réaffirme ainsi trois principes essentiels : la nécessité d'un service public fort, élément vital d'équilibre et de développement pour l'ensemble de l'audiovisuel, la primauté des contenus sur les supports, nécessaire pour que l'industrie des programmes reste moteur de diversité et de création et la modernisation de notre système de régulation, qui permettra de concilier un développement concurrentiel du secteur et l'exigence constitutionnelle du pluralisme.

Pour le sortir de la crise de privatisation rampante dans laquelle il était engagé, il convient de donner au service public une nouvelle ambition, et bien sûr les moyens de cette ambition.

Pour la première fois dans l'histoire de l'audiovisuel français, le projet de loi précise les objectifs et principes généraux qui fondent l'existence du service public ainsi que les missions propres à chacune des sociétés nationales de programmes. Refonder les missions du service public, lui assurer les moyens financiers de son indépendance et de son développement, c'est faire un choix d'avenir. C'est aussi rendre aux téléspectateurs le droit d'accéder à des programmes diversifiés qui, à la différence des émissions offertes par les chaînes privées, ne soient pas uniquement soumis aux impératifs de la rentabilité commerciale. L'allongement des tunnels publicitaires, si pénibles pour le téléspectateur, résulte ainsi directement de la diminution du financement public constatée à partir de 1993.

Pour rendre au service public son âme, c'est donc une baisse très sensible des écrans publicitaires, de 12 à 8 minutes par heure, qui est finalement proposée au Gouvernement. Un tiers de temps de publicité en moins, c'est beaucoup. Et cette baisse sera d'autant plus visible à l'antenne qu'elle s'accompagnera de limitation des bandes-annonces, c'est-à-dire de l'auto-promotion des chaînes, et signifiera donc la fin des tunnels. Une baisse plus drastique de la publicité avait été envisagée dans un premier temps, mais il a été tenu compte de la préoccupation centrale que beaucoup avaient exprimée face à cette proposition : garantir au service public les moyens de son développement.

Un acquis décisif avait été obtenu en décembre dernier lorsque le Gouvernement a décidé d'inscrire dans la loi le remboursement intégral des exonérations de redevance qui représentent 2,4 milliards de francs. Si cette somme avait été utilisée entièrement pour baisser la publicité à 5 minutes par heure, il aurait fallu, dans le même temps, augmenter fortement la redevance pour améliorer les programmes et financer le développement du service public. Il aurait aussi fallu créer d'emblée une forte taxation des télévisions privées pour éviter que ne se crée un écart de pouvoir d'achat en leur faveur. A la réflexion, il a semblé plus sûr de partir de la somme dont la pérennité était assurée, soit 2,4 milliards de francs, et de la partager entre baisse de la publicité et financement du développement. La perte de recettes publicitaires et le coût des programmes de substitution, sera, pour une baisse à 8 minutes d'environ 1,4 milliard de francs. Il restera donc 1 milliard de francs de ressources supplémentaires pour l'amélioration des programmes et le développement des nouveaux services, notamment les investissements qu'impliquerait la décision de passage à la télévision numérique de terre.

Il s'agit d'un effort sans précédent que le Gouvernement consent pour le service public de l'audiovisuel. Ce sera une immense victoire pour l'ensemble des parlementaires de pouvoir enfin consacrer solennellement dans la loi le principe du remboursement intégral des exonérations de redevance et du versement du montant correspondant au compte de la redevance. Cet engagement solennel trouvera sa traduction effective dans chacune des lois de finances. Ce socle financier étant assuré, une augmentation modérée et régulière de la redevance et une réforme de son mode de recouvrement pourront être programmées sereinement. Quant au prélèvement sur les diffuseurs commerciaux, il ne s'impose plus comme un préalable dès lors que les moyens additionnels du service public sont supérieurs aux transferts de ressources au bénéfice des chaînes privées. Un dispositif d'observation du marché publicitaire permettra de mettre en _uvre, si nécessaire, les mesures correctrices adéquates, qu'il s'agisse d'une adaptation des obligations de production ou d'un ajustement du prélèvement en faveur du compte de soutien.

Pour le service public, l'objectif principal de la réforme, c'est bien l'amélioration des programmes et des services : cela, bien sûr, est de la responsabilité directe des chaînes et non du Gouvernement. Mais si la direction de France Télévision sait se doter des équipes compétentes, sachant prendre des risques à bon escient, c'est-à-dire n'ayant pas peur de surprendre et de séduire son public, elle aura, grâce à la réforme qui lui indique les grandes orientations à suivre, les moyens de mener une politique de programmes de grande qualité. Ce sera d'ailleurs pour le service public non seulement une possibilité mais aussi un devoir. L'ensemble du personnel des sociétés audiovisuelles publiques aura à c_ur de relever le défi, à la mesure de l'effort financier décidé par le Gouvernement.

Pour la première fois, le budget des chaînes s'inscrira dans une perspective pluriannuelle, celle des contrats d'objectifs et de moyens : ces contrats correspondent à la volonté de modifier profondément, selon un principe de responsabilité mutuelle, les relations entre l'Etat, les chaînes, et leurs dirigeants. Pour la première fois, les télévisions publiques ne seront plus soumises aux aléas d'une gestion budgétaire à court terme, mais, assurées de la plurannualité de leurs ressources. Elles pourront donc développer une stratégie à moyen terme. En retour, l'Etat actionnaire et la représentation nationale seront en droit d'exercer un contrôle du respect des objectifs fixés, qu'il s'agisse de bonne gestion, d'amélioration des programmes ou de fidélisation des publics.

Pour la télévision publique, le projet crée un véritable groupe industriel, formé de chaînes aux programmes complémentaires, menant une stratégie cohérente de développement industriel et technologique, outil puissant de diffusion internationale d'information et de programmes. Ce groupe comprendra France 2, France 3 et une société regroupant la Cinquième et la Sept-ARTE dans le respect de l'autonomie de leurs antennes.

S'agissant de RFO, à la suite des concertations menées notamment avec les élus de l'Outre-mer et au sein de l'entreprise, la voie d'une coopération avec France télévision organisée à travers des contrats de développement conjoint pourrait être préférée à une intégration immédiate dans le groupe des télévisions publiques.

Quant aux sociétés TV5 et CFI, vecteurs essentiels de la présence française dans le combat si vif pour l'information internationale et pour l'exportation des programmes et de la culture, elles s'inséreront d'emblée dans la stratégie de ce groupe à travers la participation désormais majoritaire des chaînes publiques à leur capital.

Tout en renforçant la coordination des programmes, la constitution d'un tel groupe confirme cependant pleinement l'identité éditoriale de chacune des chaînes, leur autonomie de décision en matière de production cinématographique ou audiovisuelle, leur contribution spécifique à un développement diversifié des industries de programmes. L'attachement de tous à ce point essentiel pour la diversité de la création est connu. Mais c'est bien la direction du groupe France Télévision qui négociera avec l'Etat le contrat d'objectifs et de moyens décliné chaîne par chaîne et c'est au groupe que reviendra la charge de répartir le budget global entre chaque chaîne, assurant ainsi au président une maîtrise effective de la stratégie du groupe.

Ce groupe est donc à concevoir non pas comme une superstructure administrative mais comme un état-major stratégique garant de la cohérence du développement et de la gestion de l'ensemble des chaînes publiques. Tel est notamment l'objet du pouvoir d'arbitrage reconnu à son conseil d'administration dans l'élaboration des budgets des chaînes et du contrat d'objectifs du groupe. Un comité directeur regroupant autour du président commun les directeurs généraux des chaînes et ceux des principales filiales de développement veillera à la bonne mise en _uvre de cette stratégie.

Par contre, il n'est pas souhaitable de revenir sur le mode de désignation du président de la nouvelle France Télévision qui doit demeurer de la responsabilité du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Son mandat,

Des objectifs clairs, des missions précises, un financement accru et garanti, une structure resserrée : le groupe des télévisions publiques aura donc tous les atouts en main. Le projet de loi propose en fait de mettre en _uvre les quatre recommandations formulées depuis des années par tous ceux qui, experts ou parlementaires, à droite comme à gauche, ont voulu garantir l'avenir du service public, à savoir : remboursement intégral des exonérations, limitation du recours à la publicité, pluriannualité des financements publics et allongement à cinq ans du mandat des dirigeants .

Mme Catherine Trautmann a ensuite précisé que pour permettre que des _uvres audiovisuelles et cinématographiques diversifiées continuent à exister afin de résister à une américanisation totale, notre industrie des programmes devait être renforcée. A l'heure d'Internet et des nouveaux services, c'est une condition plus que jamais indispensable du maintien de notre souveraineté culturelle.

En accroissant le chiffre d'affaires du secteur par un apport accru de ressources publiques, la réforme accroît mécaniquement les sommes disponibles pour l'industrie des programmes par le biais des obligations d'investissement dans la production et de la taxe sur le compte de soutien. C'est d'emblée plus de 500 millions de francs additionnels qui seront ainsi mobilisés au profit direct du développement des programmes audiovisuels et du cinéma.

En outre, devant les tendances à l'intégration verticale au bénéfice des principaux opérateurs de télévision, la loi renforcera les principes qui tendent à protéger, pour la télévision hertzienne puis pour le câble, l'indépendance économique de la production et la fluidité des droits entre les supports. Par ailleurs, le nouveau régime juridique commun aux chaînes du câble et du satellite leur étendra les obligations d'investissement dans la production de nouveaux programmes. Enfin, la loi rendra possible la conclusion des accords professionnels indispensables sur les délais de diffusion des films à la télévision.

Il apparaît par ailleurs nécessaire d'adapter notre système de régulation pour accompagner le développement des nouveaux services et encourager le renforcement de grands groupes français capables de s'affirmer au plan international dans des conditions qui respectent la concurrence et le pluralisme.

Après avoir étudié de nombreux mécanismes, le Gouvernement a préféré ne pas édicter a priori des prohibitions ou des règles impératives d'organisation des opérateurs. Il lui a paru plus sûr et plus efficace de renforcer les procédures de régulation déjà en vigueur. Ainsi, pour garantir l'indépendance des services d'information à l'égard des intérêts économiques, marchés publics notamment, le CSA se verra confier la responsabilité de rechercher, en liaison avec les opérateurs, les dispositions les mieux adaptées à chaque cas (médiateur, société de rédacteurs, code de déontologie...).

Par ailleurs, il a été considéré que les mouvements économiques récents affectant le secteur de l'audiovisuel ne permettaient plus de le maintenir à l'écart du contrôle de droit commun des concentrations. Cependant, les exigences propres au pluralisme justifiaient l'intervention du Conseil supérieur de l'audiovisuel par le biais d'une consultation systématique par le Conseil de la concurrence.

De même, le projet de loi élargit l'information économique dont disposera le CSA lors de l'attribution des fréquences hertzienne. Il précise les critères lui permettant de ne pas recourir à la « reconduction automatique » instauré par la loi Carignon et améliore la transparence de cette procédure lorsqu'elle est utilisée.

Afin de préserver l'équilibre du paysage radiophonique, la loi invite par ailleurs le CSA à veiller à ce qu'une proportion suffisante de fréquences reste allouée aux radios associatives et à ce que le public ait accès à des stations généralistes contribuant à l'information politique et générale.

Enfin, à l'occasion de la transposition en droit interne du régime juridique du satellite, la loi crée l'obligation pour les opérateurs d'offres groupées d'assurer une reprise suffisante de chaînes indépendantes. Informé des modifications des plans de service, le Conseil supérieur de l'audiovisuel pourra veiller à ce qu'ils restent conformes à cette obligation. Pour autant, le régime juridique des offres par câble, qui sont en situation de monopole local, ne peut être strictement identique à celui des plates-formes satellitaires, dont l'activité est bien sûr concurrentielle. C'est ce qui explique qu'un régime de conventionnement avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel soit maintenu pour le câble, tandis que les offres satellitaires, qui restaient jusqu'ici dans un vide juridique, relèveront d'une simple déclaration.

Cette réforme ne trouvera sa pleine dimension qu'en fixant le cadre nécessaire au développement de la télévision numérique de terre et des télévisions locales. En accord avec Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, une communication sur la perspective du passage à la télévision numérique hertzienne sera présentée au Conseil des ministres du 12 mai. Cette communication, ainsi que les propositions des différents rapports remis au Gouvernement, dont celui établi par MM. Cottet et Eymery, donnera la base d'une concertation à l'issue de laquelle le Gouvernement devrait, dès la fin de l'été, arrêter sa stratégie. Dès lors, les mesures juridiques en découlant pour les modalités et les critères d'attribution des fréquences numériques par le CSA pourraient être inscrites dans la loi. Le choix du Gouvernement, lorsqu'il sera confirmé, impliquera que soit mis en _uvre une gestion prospective des fréquences. C'est dans ce cadre, et au vu de l'équilibre économique de chacun d'entre eux, que les divers projets de télévisions locales pourront être examinés par le CSA.

Le Gouvernement prépare par ailleurs une loi sur les nouveaux services, qui traitera de l'ensemble des questions posées par le développement de l'Internet et du commerce électronique.

Après l'exposé de la ministre, le président Jean Le Garrec a jugé que depuis la précédente présentation du projet de loi, celui-ci avait été substantiellement enrichi de manière à renforcer le rôle et les moyens du service public. Ceci est particulièrement vrai en ce qui concerne le financement de la baisse de la publicité par le remboursement des exonérations de redevance, ce qui permettra en fin de compte d'accorder à France 2 et France 3 des moyens financiers supplémentaires à hauteur d'un milliard de francs. Le projet permet également d'éviter les distorsions de concurrence et d'améliorer le respect du citoyen.

Il convient toutefois de s'interroger sur les conséquences que la division qui caractérise désormais le milieu du cinéma, avec le partage des professionnels entre deux organismes représentatifs concurrent - le Bureau de liaison des industries cinématographiques (BLIC) et le Bureau de liaison des organisations du cinéma (BLOC) -, pourrait avoir quant aux négociations en matière de chronologie des médias.

M. Didier Mathus, rapporteur, a également jugé que le projet présenté était beaucoup plus complet que le précédent, son architecture avait été substantiellement modifiée et l'engagement de l'Etat au profit du secteur public était beaucoup plus net. Il convient en particulier de souligner que le remboursement des exonérations de redevance, sujet souvent évoqué, sera enfin garanti et que la mobilisation de ces ressources supplémentaires permettra enfin au service public de disposer de moyens stables échappant à la régulation budgétaire. La création d'un groupe de télévisions publiques apparaît également comme très positif. Il correspond d'ailleurs à un mouvement général de consolidation des pôles de télévision partout en Europe. Par son importance, le fait qu'il assure 35 à 40 % de l'audience, comme par ses missions, le service public joue un rôle de régulation essentiel dans le paysage audiovisuel français et a par exemple conduit TF 1 à infléchir sa politique de programmes. Enfin, l'allongement à cinq ans de la durée du mandat des présidents de chaînes publiques contribuera à assurer la stabilité de ces entreprises.

A ce sujet, on peut cependant regretter que l'Etat actionnaire n'intervienne pas dans la nomination du président du pôle public de télévision, la compétence en la matière incombant toujours au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Il est vrai que les positions à ce sujet varient selon qu'on est dans la majorité ou dans l'opposition... Si la question a été tranchée par le Conseil constitutionnel, on peut toutefois espérer introduire un peu plus de transparence dans les mécanismes de nomination.

Le projet met par ailleurs en place des mesures simples mais nécessaires pour assurer une régulation satisfaisante du secteur privé. La définition de règles claires de concurrence est rendue indispensable par la nature même du secteur audiovisuel comme par les récents mouvements dans le capital de TF 1 ou la tentative de rapprochement de Canal + et du groupe Murdoch. Il est nécessaire que l'Etat intervienne pour fixer des règles concurrentielles et garantisse, ainsi, la pluralisme et l'intérêt général. Le secteur audiovisuel mettant en cause des liberté constitutionnelles, les entreprises présentes sur ce marché ne peuvent pas être considérées comme des industriels ordinaires.

Enfin il apparaît effectivement indispensable de transposer la directive européenne « télévision sans frontières » afin de renforcer la déontologie applicable aux programmes.

Le texte a néanmoins une lacune puisqu'il ne contient pas de dispositions sur le numérique hertzien. Si chacun s'attache à reconnaître l'importance de celui-ci et la nécessité de son développement, le problème, comme pour les télévisions locales, se pose de savoir comment financer sa mise en place. Il serait donc souhaitable que le Gouvernement fasse des propositions afin d'intégrer certaines dispositions dans le texte d'ici à son adoption définitive.

En réponse, la ministre a apporté les éléments suivants :

- S'agissant de l'exigence du respect des téléspectateurs, il convient de réaffirmer et de renforcer les missions et les objectifs du service public audiovisuel en faisant des chaînes publiques des chaînes de référence en matière, notamment, de programmes éducatifs et d'information. La représentation des téléspectateurs doit également être améliorée, en particulier dans le cadre d'une évaluation qualitative des programmes. La télévision doit ainsi devenir un véritable instrument de démocratisation culturelle. Dans cet esprit, la mise en place des médiateurs au sein des chaînes publiques, a déjà recueilli un succès certain auprès du public.

- A propos des accords entre professionnels sur la chronologie des médias, il faut souligner la conformité du présent projet de loi à la directive européenne Télévision sans frontières révisée en 1997. Les discussions se poursuivent actuellement sur les projets d'accords entre TPS et le BLIC, d'une part, Canal Satellite et le BLOC, d'autre part. Il serait souhaitable, à partir de ces accords, d'aboutir à un accord global qui prenne en compte la nécessité de diversité de la création cinématographique tout en garantissant tant le respect des règles de concurrence que le bon niveau de contribution des différents opérateurs au préfinancement de la production cinématographique française, pour toutes les catégories de programmes.

- Le mode de nomination des présidents de chaînes reste doit demeurer une prérogative du CSA mais l'allongement de trois à cinq ans de leur mandat permettra d'assurer une plus grande stabilité des entreprises et une plus grande continuité des actions menées.

- Le Gouvernement a lancé une large concertation sur le passage au numérique terrestre, afin de réfléchir à ce que pourrait être la meilleure répartition des fréquences entre les opérateurs existants, publics et privés, les nouveaux entrants et les télévisions locales. A la suite de ces consultations, à la fin de l'été prochain, et en fonction de leurs résultats, le Gouvernement proposera des modifications au présent projet de loi par voie d'amendements. Il faudra en particulier étudier le coût du passage aux postes numériques pour les téléspectateurs.

M. Olivier de Chazeaux s'est interrogé sur l'opportunité de mettre aujourd'hui en _uvre une réforme du secteur de l'audiovisuel qui ne traite pas trois questions essentielles : le développement du numérique hertzien terrestre, le soutien pouvant être apporté aux télévisions régionales et enfin la question de la convergence des médias.

Il a ensuite formulé les observations suivantes :

- Il est curieux que les dispositions concernant la réduction de la publicité sur France 2 et France 3 et leur compensation financière ainsi que celles concernant le numérique hertzien soient introduites par voie d'amendement gouvernemental. Si elles avaient été directement intégrées dans le texte du projet de loi, des avis, à la fois du Conseil d'Etat et du Conseil supérieur de l'audiovisuel, auraient été rendus selon les procédures habituelles.

- des chaînes la Cinquième et la Sept-ARTE puisque le projet prononce la fusion et leur intégration dans le groupe France Télévision.

- Des tables rondes avec les professionnels ont été mises en place tout au long de l'année 1998 pour préparer ce texte. Il serait intéressant de pouvoir disposer des comptes-rendus de ces diverses réunions qui se sont tenues sous l'égide du ministère.

M. Christian Kert a mis en avant les points suivants :

- Le projet de loi a le mérite de faire entrer l'audiovisuel dans la normalité ; en évitant les questions du numérique hertzien et des télévisions locales, il ne permet cependant pas son accès à la modernité.

- Il était initialement prévu de faire passer la durée des spots publicitaires sur les chaînes publiques de douze minutes actuellement à cinq minutes par heure d'antenne. Il est aujourd'hui question de porter cette barre à huit minutes par heure. On peut regretter que le choix des huit minutes, qui constitue un recul relatif par rapport aux premières ambitions, ou qui du moins peut apparaître comme une demi-mesure, ne rende encore plus improbable la perspective d'aboutir, à terme, à une situation dans laquelle les chaînes publiques seraient épargnées par toute forme de publicité, selon l'exemple britannique. La disposition finalement retenue par le Gouvernement risque de ne pas empêcher la course à l'audimat et à la publicité de se poursuivre.

- Il s'avère nécessaire, à la suite du rapport Cottet-Eymery de réfléchir à la place future du numérique hertzien dans le paysage audiovisuel. Cependant, on peut se demander si un gel des fréquences analogiques ne présente pas un risque.

- Enfin, la question de l'exclusivité de France 2 et France 3 sur le bouquet satellite TPS doit à nouveau être posée.

M. Michel Herbillon a exprimé quelques inquiétudes concernant notamment la constitution par le projet de loi d'une superstructure administrative avec la création d'une société holding France Télévision, même si la ministre préfère quant à elle faire référence à la notion d'« état-major stratégique ». Ce groupe industriel risque en effet d'être tenté de se doter d'équipes, de personnels et de moyens de plus en plus envahissants et pléthoriques, ce qui pourrait nuire à la diversité de la création, à l'autonomie de décision des chaînes notamment en matière de production et à la contribution de ces chaînes au développement industriel des programmes. La spécificité de chacune d'entre elles doit donc être préservée.

Il a ensuite souhaité que la place des chaînes TV 5 et CFI, qui contribuent au développement de la culture et de la francophonie dans le monde, soit repensée.

Mme Odette Grzegrzulka a posé les questions suivantes :

- En matière de financement des chaînes publiques, si le financement pour 2001 est acquis, est-on certain que la réforme pourra commencer à être appliquée en 2000, c'est-à-dire que les 1,2 milliards de francs nécessaires au secteur public audiovisuel pour compenser une limitation des écrans publicitaires à 10 minutes par heure seront inscrits dans la prochaine loi de finances pour 2000 ?

- Comment peut-on davantage associer les téléspectateurs à la recherche de programmes de qualité répondant à leurs attentes ?

- Selon quelles modalités les avis et les décisions du CSA, qui se prennent parfois dans un contexte relativement opaque, pourraient-ils faire l'objet d'une meilleure transparence ? Comment parvenir à ce que les décisions prises soient, à tout le moins, mieux motivées qu'elles ne le sont aujourd'hui ?

En réponse aux intervenants, la ministre a donné les éléments d'informations suivants :

- Le présent projet de loi traduit le choix politique volontaire qui a été fait en faveur du renforcement du secteur public de l'audiovisuel. Il convient de conforter la cohérence des chaînes de télévision publiques entre elles en préservant la place essentielle accordée aux chaînes généralistes s'adressant à tous les publics. De plus, dans un contexte d'accentuation de la concurrence entre les chaînes, il est indispensable de renforcer les mesures visant à lutter contre des phénomènes de concentration dangereux pour le respect du pluralisme. Pour cela, le Gouvernement a fait le choix de la régulation et non de la réglementation. Les réformes proposées dans le projet de loi vont donc bien dans le sens de la modernité.

- En ce qui concerne le numérique hertzien, il n'est pas totalement exact de dire que la France est en retard par rapport aux autres pays membres de l'Union européenne. En Allemagne, la situation est très différente, puisque ces sujets relèvent de la compétence des Länders et que la date de démarrage du numérique hertzien n'a pas été fixée. En Grande-Bretagne, plusieurs dispositions doivent encore être prises en la matière.

- Le regroupement des chaînes la Cinquième - qui a fait l'objet d'une convention - et La Sept-ARTE - qui résulte des dispositions d'un traité franco-allemand - permettra à chacune de conserver une certaine autonomie, même si elles partagent un seul réseau hertzien. Un effort de synergie accru doit cependant être consenti afin de favoriser la meilleure cohérence possible entre ces deux chaînes complémentaires. On doit noter que la loi se contentera ici de sanctionner juridiquement une mesure entrée dans les faits depuis déjà deux ans.

- Il est inexact de prétendre que la diminution du temps de la publicité sur les chaînes publiques de douze à huit minutes par heure constitue une demi-mesure. Mais il est vrai que cette réduction d'un tiers n'implique pas la suppression totale de toute publicité à terme. D'ailleurs, les spots publicitaires ne sont pas tous inintéressants du point de vue artistique ; certains témoignent d'une créativité tout à fait réelle qu'il convient de ne pas négliger. Il faut relever que, parallèlement à la baisse du temps de la publicité proprement dite, il est également prévu de réduire les temps consacrés à l'autopromotion. Quant à l'aspect économique de cette question, l'abaissement à un seuil de cinq minutes aurait pu avoir des répercussions déstabilisatrices sur le marché, pour le plus grand profit des chaînes privées. Il convenait de rechercher un équilibre en la matière et d'éviter un changement par trop radical. Le projet de loi permettra en fait de revenir à la situation qui prévalait en matière de temps de publicité sur le service public il y a environ dix ans.

- Les procès-verbaux de tables rondes qui se sont tenues au ministère en 1998 pourront bien évidemment être communiqués aux membres de la commission.

- Il convient de réfléchir de façon posée au développement des chaînes locales, en gardant à l'esprit le fait que tous les acteurs n'ont pas la même vision ni n'adoptent la même définition. Diverses conceptions de télévisions locales coexistent ; il faut donc analyser précisément les différentes formules possibles (télévisions de plein exercice, décrochages, chaînes associatives) avant que de figer tout cela dans la loi.

- Le fait que le groupe industriel dénommé « France Télévision » ait un président unique ne signifie pas que les chaînes perdront leur identité éditoriale. Le projet prévoit notamment qu'elles continueront à disposer d'une filiale propre pour l'acquisition des droits cinéma. Des services communs à toutes les chaînes seront par contre réunis au sein de la holding.

- S'agissant des chaînes TV5 et CFI, elles ont organiquement un lien avec la holding France Télévision puisque les sociétés nationales de programmes en sont les actionnaires majoritaires. Elles contribuent en premier lieu à la présence audiovisuelle de la France dans le monde et notamment dans les pays francophones. Mais on doit noter que Arte et La Cinquième ont également développé la dimension internationale de leur programmation.

- Le financement de la réforme sur la baisse de la publicité se fera effectivement en deux temps. Le chiffre de 2,4 milliards de francs - qui correspond à un remboursement intégral des exonérations de redevance - est acquis dans le cadre de la loi de finances pour 2001. Cependant, dès 2000, la moitié de la réforme sera appliquée (baisse des écrans à dix minutes par heure) et le projet de loi de finances devrait inscrire la moitié des remboursements (soit 1,2 milliard) au compte d'affectation de la redevance. Le ministère des finances a donné son accord de principe sur ce point.

- En ce qui concerne la représentation des téléspectateurs auprès des chaînes, l'idée avancée par le rapporteur d'un organisme qui, associé au conseil d'administration de la holding, donnerait son avis sur les programmes, semble être une bonne chose. Il faut ici être inventif car aucune solution adoptée à l'étranger ne convient vraiment à la situation en France.

- Enfin, dans la procédure de sélection des présidents de chaînes, il est souhaitable que les candidatures soient accompagnées de projets. Il ne faut pas donner le sentiment que le choix pourrait s'opérer sur d'autres critères que la compétence.

M. Renaud Muselier s'est réjoui de la venue du projet en discussion, même si son texte remanié en fait un projet de loi « peau de chagrin ». On peut néanmoins s'interroger sur les motifs du dépôt d'une lettre rectificative par le Gouvernement et la présentation par le Gouvernement de plusieurs amendements au projet. Le texte offre, par ailleurs, peu de réponses sur l'avenir de l'audiovisuel français, sur les structures et les personnels du service public, ainsi que sur la place des nouvelles technologies. Quant aux versions successives de la réforme en matière de publicité, la formule retenue est finalement plutôt positive pour les chaînes privées. Enfin, il est regrettable que le service public ne soit jamais défini dans le projet de loi.

M. Patrick Bloche a estimé que le texte conférait au service public une identité et une force accrues. Ce débat devrait offrir l'occasion au Parlement de prendre en compte les enjeux industriels liés au secteur et d'y insuffler un véritable esprit d'entreprise. Les dispositions du texte visant à mieux définir le profil des présidents de chaînes, de même que celles relatives à la physionomie de la holding sont tout à fait satisfaisantes. Dans le domaine de la régulation, le souci de transparence devra permettre au CSA de mettre en _uvre des procédures démocratiques, c'est-à-dire notamment contradictoires.

Il a ensuite posé des questions sur :

- la position du Gouvernement sur un éventuel amendement révisant les quotas radiophoniques de variétés francophones ;

- les perspectives de clarification de la différence existant entre la communication par réseau - qui est un phénomène récent - et la communication audiovisuelle. En effet, la régulation n'a pas la même justification pour ces deux secteurs.

M. Pierre-Christophe Baguet s'est déclaré favorable au rapprochement de la holding du fonctionnement industriel classique. Il n'est cependant pas certain que cette structure mette l'audiovisuel à l'abri d'une nouvelle guerre des chaînes. Pour ce faire, il faut mieux définir les responsabilités des directeurs généraux des chaînes et porter une attention particulière à la composition des conseils d'administration des filiales. Par ailleurs, il faudrait profiter de l'existence de recettes nouvelles pour revoir le niveau des pourcentages de contribution des chaînes à l'effort de création.

La durée choisie pour les contrats d'objectifs et de moyens (entre trois et cinq ans) mériterait d'autre part d'être éclaircie, de même que la notion d'événement majeur dont le CSA attend qu'elle soit précisée par décrets. La non-parution de ceux-ci place d'ailleurs la France en infraction à l'égard de la directive européenne. Enfin, la question de la représentativité des téléspectateurs pourrait être réglée par le recours aux représentants des associations familiales.

M. Edouard Landrain a souhaité évoquer la question des rapports entre le sport et la télévision et notamment la protection des grandes manifestations sportives contre une diffusion en exclusivité par des chaînes payantes, le droit à l'image pour les chaînes n'ayant pas d'exclusivité avec les ligues sportives et la protection des « petits sports » que le service public a pour devoir de favoriser.

M. Rudy Salles a tout d'abord souligné le besoin d'une télévision publique de qualité, composée de chaînes ayant chacune une identité et une mission qui leur soient propres. Dans cet esprit, la structure holding peut représenter un risque, car elle aura naturellement tendance à se développer et à absorber des budgets grandissants. Elle pourrait en outre générer des structures qui se superposeraient les unes sur les autres. A cet égard, la question de la composition des conseils d'administration est donc essentielle. En particulier, les membres du conseil d'administration de France Télévision devront également participer à ceux des chaînes filiales. Dans cette réforme, Radio France devrait être prise en exemple. Il s'agit en effet d'un groupe composé de chaînes parfaitement identifiées et où l'absence de publicité permet une reconnaissance immédiate par l'auditeur. Enfin, il est absolument nécessaire que la ministre précise si les questions des télévisions locales et du numérique terrestre seront abordées par le projet de loi.

M. Michel Françaix a souligné qu'il n'y avait pas d'antinomie entre une vision moderne et une vision « normale » du paysage audiovisuel. Mettre en place une politique industrielle dans le cadre d'une stratégie internationale et développer l'offre de programmes suppose même que soient réglées prioritairement les questions du renforcement du service public, de la modernisation du système de régulation et de la primauté à donner aux contenus. Il a ensuite observé que les problèmes du numérique hertzien et de la télévision locale n'étaient pas nécessairement liés et que si la réflexion sur le premier sujet nécessitait encore un certain délai il convenait de ne pas trop attendre en ce qui concerne les télévisions locales.

M. Henri Nayrou a souhaité que le projet de loi permette de réglementer l'acquisition de clubs sportifs par des chaînes de télévision, qui ont ainsi trouvé un nouveau moyen de s'arroger des droits de diffusion. En la matière, le libéralisme européen peut déboucher sur un protectionnisme cynique. La loi doit donc en réguler les effets.

En réponse aux intervenants, la ministre a apporté les précisions suivantes :

- Les discussions se poursuivent sur la question de la modification des quotas de chansons francophones.

- Sur la question des réseaux et du multimédia, un texte de loi sera consacré aux nouveaux services afin d'adopter sur l'ensemble de ces questions une position cohérente. L'exigence d'équité dans le traitement des différents supports suppose l'édiction de règles objectives.

- Les problèmes de concurrence entre les chaînes publiques seront réduits par les effets positifs de l'appartenance à un groupe et de l'existence d'une « image de marque » commune.

- Sur la composition des conseils d'administration, une cohérence devra effectivement être recherchée entre le groupe France Télévision et ses filiales.

- La modification des règles relatives à la publicité (réduite de 199 heures par an pour France 2 et 146 heures pour France 3) permettra de gagner du temps de programme. Sur les 2,4 milliards de francs prévus pour 2001, 1,4 milliard permettra de compenser la perte de recette (1,1 milliard) et de financer les heures de programme de remplacement (300 millions de francs). Il est clair que le milliard de francs supplémentaire dégagé ne sera pas utilisé pour financer les structures qui devront opérer des économies de gestion, mais sera consacré au financement des programmes spécifiques, comme les documentaires ou les programmes jeunesse, et aux objectifs de développement.

- En ce qui concerne la durée retenue pour les contrats d'objectifs et de moyens, les présidents de chaînes s'engagent sur un programme de cinq ans mais sa traduction financière ne peut raisonnablement excéder une durée de trois ans en raison des fluctuations du marché.

- Au sujet des droits sportifs, on doit tout d'abord rappeler que le présent projet transpose une directive européenne relative à l'accès aux rediffusions en clair des événements sportifs majeurs. Les chaînes non titulaires de droit de diffusion disposent par ailleurs d'un droit d'accès aux extraits reconnus par la loi Bredin de 1984. De leur côté, les cahiers des charges des chaînes publiques les obligent à diffuser des images relatives à l'ensemble des disciplines sportives, mais il est vrai que cette obligation n'est qu'imparfaitement respectée. Enfin, les rapports entre les clubs sportifs et les chaînes de télévision font actuellement l'objet d'un examen par la ministre de la jeunesse et des sports et par le commissaire européen compétent afin de mettre un terme aux spéculations à la hausse lors de la négociation des droits et de moraliser ces rapports en adoptant une réglementation au niveau européen.

- La complémentarité des différentes chaînes réunies dans la holding est inscrite dans le projet et le contour de chacune est bien identifiable grâce aux missions respectives qui leur sont confiées par la loi, les cahiers des charges et les contrats d'objectifs et de moyens. Il appartiendra au président de France Télévision ainsi qu'au comité de direction formé des directeurs généraux de chaque chaîne de définir des stratégies complémentaires.

- Sur le passage au numérique hertzien, on est encore dans l'incertitude quant au délai de sa mise en place. Le débat relatif aux télévisions locales pose quant à lui différentes questions aussi bien techniques que financières et, sur ce dernier point, des engagements ont été pris auprès de la presse écrite et de la radio afin de ne pas les fragiliser en modifiant les règles en matière de publicité dans la grande distribution. A l'instar de ce qu'a indiqué le CSA, il paraît donc raisonnable de se donner un temps de réflexion sur l'avenir des télévisions locales, qui fait actuellement l'objet d'appréciations divergentes.

II.- EXAMEN DES ARTICLES

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales s'est réunie pour examiner, sur le rapport de M. Didier Mathus, les articles du présent projet de loi au cours de ses séances du mercredi 5 mai 1999.

TITRE PREMIER

DU SECTEUR PUBLIC DE LA COMMUNICATION AUDIOVISUELLE

Avant l'article premier

La commission a rejeté un amendement de M. Patrick Bloche, tendant à préciser la responsabilité des intermédiaires techniques dans la communication par réseau après que le président Jean le Garrec a indiqué que l'adoption de cet amendement par la commission nécessitait une réflexion préalable approfondie.

Article premier

(article 43-7 nouveau de la loi du 30 septembre 1986)

Missions générales du secteur public

de la communication audiovisuelle

Cet article, symboliquement placé en tête du projet de loi, s'attache à insérer dans la loi du 30 septembre 1986 un nouvel article 43-7 définissant les missions générales assignées aux sociétés du secteur public de l'audiovisuel. Comme cela a été exposé dans la présentation générale, un tel article, qui figurait dans la loi du 29 juillet 1982, était jusqu'ici absent de la loi de 1986, les missions générales du service public de l'audiovisuel devant se déduire des différentes dispositions éparpillées dans le texte et figurant surtout dans les cahiers des charges des sociétés, aux côtés d'obligations plus spécifiques concernant notamment leur programmation.

1. Les objectifs

Par cette définition législative, le projet de loi introduit une distinction nouvelle dans la hiérarchie des normes destinée à assurer un fondement incontestable au service public de la communication audiovisuelle et à ses missions. Celles-ci seront donc désormais déclinées du plus général, avec les dispositions du présent article, au plus spécifique, dans les cahiers des missions et des charges des sociétés dont l'objet social est précisé à l'article 2.

Destinées à fixer une orientation générale au secteur public de l'audiovisuel afin de contribuer au renforcement de sa cohérence et à l'approfondissement de sa légitimité, les missions définies par l'article ont également pour objectif de mettre en _uvre les thèses soutenues par la France à Bruxelles en matière de financement de l'audiovisuel public et de mettre le droit français en conformité avec les dispositions du protocole additionnel au Traité d'Amsterdam sur le système de radiodiffusion publique dans les Etats membres.

Ces dispositions interprétatives annexées au traité instituant la Communauté européenne considèrent « que la radiodiffusion de service public dans les Etats membres est directement liée aux besoins démocratiques, sociaux et culturels de chaque société ainsi qu'à la nécessité de préserver le pluralisme dans les médias » et précisent que les Etats membres se sont accordés sur l'idée que « les dispositions du traité instituant la Communauté européenne sont sans préjudice de la compétence des Etats membres de pourvoir au financement du service public de radiodiffusion18 dans la mesure où ce financement est accordé aux organismes de radiodiffusion aux fins de l'accomplissement de la mission de service public telle qu'elle a été conférée, définie et organisée par chaque Etat membre et dans la mesure où ce financement n'altère pas les conditions des échanges et de la concurrence dans la Communauté dans une mesure qui serait contraire à l'intérêt commun, étant entendu que la réalisation du mandat de ce service public doit être prise en compte ».

Or les télévisions publiques françaises sont confrontées, depuis près de cinq ans et comme la plupart des télévisions publiques européennes, à une offensive des groupes audiovisuels privés (en l'occurrence TF1 pour la France) devant la Commission européenne. Ces groupes dénoncent une « concurrence déloyale » de la part des chaînes publiques qui, selon eux, utiliseraient les financements accordés par l'Etat pour financer des programmes « ne relevant pas de missions de services publics ». Le 15 septembre dernier, un arrêt de la Cour européenne de justice a même mis en cause la Commission pour ne pas encore avoir pris de décision sur ces plaintes. L'enjeu de la définition des missions est donc majeur et, au sein même de la Commission européenne, des dissensions importantes se font jour.

Ainsi, le groupe d'experts de l'audiovisuel réuni à l'initiative de M. Marcelino Oreja, commissaire pour la culture et d'audiovisuel (DG X), a récemment publié un rapport d'étape sur ses travaux qui reconnaît, dans le prolongement du protocole d'Amsterdam « une subsidiarité absolue pour la détermination des missions et des moyens du service public » et laisse « aux Etats membres le souci de déterminer l'importance respective du secteur public et du secteur privé », tout en rappelant que « les activités du service public devraient être financées principalement par des fonds publics ».

Mais telle n'est pas vraiment la position de la DG IV, chargée de la concurrence et de son commissaire, M. Karel Van Miert. S'appuyant sur la disposition du protocole qui précise que le financement public des services de radiodiffusion ne doit pas altérer « les conditions des échanges et de la concurrence dans la Communauté dans une mesure qui serait contraire à l'intérêt commun », ils souhaitent en effet pouvoir continuer à apprécier si un programme de télévision bénéficiant de fonds publics relève ou pas d'une mission de service public. Selon un document de travail, interne à la DG IV, les programmes de divertissements seraient ainsi en principe exclus d'une programmation « de service public » parce que ne répondant pas spécifiquement aux « besoins démocratiques, sociaux et culturels » visés par le protocole d'Amsterdam. Dans cet esprit, la DG IV prépare actuellement un projet d'encadrement des aides accordées aux radiodiffuseurs publics par un réseau de « lignes directrices ».

C'est pour tenter de mettre un obstacle à cette vision restrictive et contraire au principe de l'exception culturelle dans un secteur très largement dévolu au pouvoir d'appréciation des Etats membres que le Conseil des ministres de la culture de l'Union européenne du 17 novembre dernier a adopté à l'unanimité une résolution visant à préciser le dispositif du protocole d'Amsterdam.

Ce texte affirme ainsi :

« - que le service public de radiodiffusion, eu égard aux fonctions culturelles, sociales et démocratiques qu'il assume pour le bien commun, revêt une importance vitale pour ce qui est d'assurer la démocratie, le pluralisme, la cohésion sociale et la diversité culturelle et linguistique ;

- et que la diversification accrue des programmes proposés dans le nouvel environnement des médias renforce l'importance de la mission globale des organismes publics de radiodiffusion. »

Reprenant les affirmations du protocole d'Amsterdam, la résolution dispose que les Etats membres sont compétents « pour prévoir le financement du service public de radiodiffusion dans la mesure où ce financement est accordé à des organismes de radiodiffusion pour que ceux-ci puissent s'acquitter de leur mandat de service public, tel que conféré, défini et organisé par chaque Etat ».

Les ministres européens de la culture ont ensuite, dans une série d'alinéas, précisé l'importance du rôle que le service public est susceptible de jouer dans le paysage audiovisuel, légitimant au passage son accès aux nouvelles technologies et aux nouveaux services et le caractère généraliste de sa mission. Il est ainsi noté que :

« - L'accomplissement de la mission du service public de radiodiffusion doit continuer à bénéficier des progrès technologiques ;

- L'accès étendu du public, sans discrimination et sur la base de l'égalité de traitement, à diverses chaînes et divers services constitue une condition préalable nécessaire si l'on veut satisfaire à l'obligation particulière qui incombe aux services publics de radiodiffusion ;

- Selon la définition que les Etats membres donnent au mandat du service public, le service public de radiodiffusion a un rôle important à jouer pour faire bénéficier le public des nouveaux services audiovisuels et d'information et des nouvelles technologies ;

- La capacité du service public de radiodiffusion à offrir des programmes et services de qualité au public doit être maintenue et renforcée, y compris le développement et la diversification des activités de l'ère numérique ;

- Le service public de radiodiffusion doit être en mesure de continuer à proposer un large éventail de programmes, conformément à sa mission telle que définie par les Etats membres, afin de s'adresser à la société dans son ensemble ; dans ce contexte, il est légitime que le service public de radiodiffusion s'efforce de toucher un large public ».

Le choix fait par le Gouvernement d'inscrire dans la loi une définition rénovée des missions du service public de la radiodiffusion est donc tout à la fois particulièrement utile d'un point de vue national et nécessaire dans une optique européenne.

D'un point de vue national, cet article premier permet de mieux faire apparaître d'une part la différenciation avec le secteur privé et d'autre part l'articulation entre les missions du secteur public et les structures et moyens prévus pour leur mise en oeuvre, qui figurent dans les articles suivants de la loi.

Dans le cadre du droit européen, il clarifie la position de la France et donne une assise plus stable et une légitimité incontestable aux radiodiffuseurs publics mis en cause devant la Commission.

2. Champ d'application de l'article :

Le dispositif de l'article premier s'applique dans son intégralité aux sociétés de radiodiffusion visées par les articles 44 et 45 de la loi du 30 septembre 1986, c'est-à-dire aux sociétés nationales de programme France 2, France 3, Radio France, RFO et RFI et à la société La Cinquième-ARTE prévue par l'article 45. Par contre, les deux autres organismes du secteur public de la communication audiovisuelle, la société de diffusion Télédiffusion de France (TDF) et l'Institut national de l'audiovisuel (INA) ne sont concernés que par le dernier alinéa de l'article, même si celui-ci, en visant les « sociétés du secteur public de l'audiovisuel » exclut en droit, vraisemblablement par erreur, l'INA, qui n'est pas une société mais un établissement public.

L'article définit des « missions communes », la formulation choisie étant délibérément suffisamment large pour éviter, à ce stade, tout risque d'individualisation ou de segmentation des missions. En cela, il s'inscrit tout à fait dans le prolongement de la résolution du Conseil européen de la culture précitée.

3. Les missions communes aux radiodiffuseurs :

La rédaction de cet article a largement été inspirée par les dispositions contenues dans les cahiers des missions et des charges des sociétés nationales de programmes, auxquelles il donne ainsi une force juridique nouvelle.

Les principales orientations retenues par les deux premiers alinéas de l'article - rassemblement et respect du public, diversité, pluralisme et qualité des programmes - se retrouvent ainsi dans les cahiers des charges.

Un rapport privilégié au public : comme l'affirme le préambule du cahier des charges de France 2 et de France 319, « les sociétés nationales de programme de télévision constituent la télévision de tous les citoyens. A ce titre, elles aspirent à rassembler le public le plus large ». Dans tous les cahiers des charges, se retrouvent également des dispositions relatives au respect de la personne humaine et de sa dignité (article 3 du cahier des charges de France 2, de France 3 et de La Cinquième).

L'ensemble de ces dispositions se retrouvent dans le premier alinéa du nouvel article 43-7 qui précise que « les sociétés énumérées aux articles 44 et 45 ont pour mission commune d'offrir au public, pris dans toutes ses composantes, un ensemble de programmes et de services qui se caractérisent par (...) leur respect des droits de la personne et des principes démocratiques. »

Le choix de viser les « droits de la personne et les principes démocratiques » permet de réunir sous une seule expression l'ensemble des objectifs individuels retenus par l'article premier de la loi du 30 septembre 1986 au titre des limitations à l'exercice de la liberté de communication (dignité de la personne humaine, liberté et propriété d'autrui) tout en demeurant dans le champ de l'intérêt général, et donc sans entrer dans des considérations spécifiques à certaines parties du corps social.

D'un caractère particulièrement large, les droits de la personne correspondent aux droits affirmés par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 et peuvent trouver, en creux, une illustration dans l'ensemble des crimes et délits sanctionnés par le livre II du code pénal (crimes et délits sur les personnes) qui touchent tout à la fois au principe d'égalité, aux libertés individuelles et collectives, au droits des enfants, de la famille, etc...

Quant aux principes démocratiques, la notion ne recouvre pas un corpus juridique précis mais peut s'analyser comme réunissant les principes de la démocratie politique tels qu'énoncés à l'article 16 de la Déclaration des droits de 1789 (garantie des droits et séparation des pouvoirs) et les principes de la démocratie sociale énoncés par le préambule de la Constitution de 1946, dont la valeur constitutionnelle a été reconnue par le Conseil constitutionnel. De plus, cette référence à la démocratie peut être regardée comme un écho aux termes mêmes du protocole d'Amsterdam, qui affirme que « la radiodiffusion du service public dans les Etats membres est directement liée aux besoins démocratiques. »

Ces grandes orientations générales seront reprises et précisées par les différents cahiers des charges et leur respect assuré par le CSA, notamment dans le cadre des nouveaux pouvoirs qui lui sont accordés par l'article 9 du projet.

La diversité de la programmation est également un élément récurrent des cahiers des charges. Il figure dans l'article premier de la loi du 30 septembre 1986 comme l'un des éléments caractérisant l'exercice de la liberté de communication sur lequel le Conseil supérieur de l'audiovisuel doit veiller. Le présent article permet donc d'aller plus avant dans la dimension de service public donnée à cette obligation en précisant, dans les deux premiers alinéas du nouvel article 43-7, l'étendue donnée à cette diversité.

Les diffuseurs publics se doivent donc d'offrir au public « un ensemble de programmes et de services qui se caractérisent par leur diversité » (premier alinéa), l'utilisation du terme « services » permettant de couvrir les activités de diversification actuelles (services télématiques, informations par téléphone, site internet...) et futures (produits multimédia et interactifs).

Cette diversité touche tous les domaines de la programmation puisqu'elle concerne l'information, la culture, la connaissance, le divertissement et le sport (deuxième alinéa). L'ensemble de ces domaines se retrouvent d'ailleurs de façon quasiment identiques dans les articles 2 et 3 du projet, répartis entre les différentes sociétés de diffusion.

Le pluralisme est un des éléments majeurs de la définition constitutionnelle de l'exercice de la liberté de communication20. En cela, c'est une obligation qui s'impose à l'ensemble des diffuseurs, comme le rappelle l'article premier de la loi du 30 septembre 1986 qui précise que l'exercice de la liberté de communication «  ne peut être limité que dans la mesure requise, d'une part, par le respect (...) du caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion. »

En ce qui concerne les radiodiffuseurs publics, cette obligation prend une dimension particulière puisque le deuxième alinéa précise que ces sociétés « favorisent les échanges entre les différentes parties de la population ainsi que l'insertion sociale. » Il s'agit donc d'aller plus loin que la simple liberté d'expression des courants de pensée et d'opinion en contribuant à l'enrichissement du débat social et à la lutte contre tous les types d'exclusion.

La qualité des programmes évoquée dans la présentation générale se retrouve dans tous les cahiers des missions et des charges. Le préambule au cahier des missions et des charges de la société France 2 précise ainsi que « les sociétés nationales de programme ont vocation à constituer la référence en matière d'éthique, de qualité et d'imagination. ». Nous sommes ici au c_ur de la mission des chaînes de service public, qui doivent avoir vocation, selon un slogan bien connu de ces dernières années, à « faire entendre leur différence » au sein du concert audiovisuel.

Le nouvel article 43-7 reprend cette « exigence de qualité et d'innovation », en précisant, dans son deuxième alinéa, que cette qualité s'entend comme touchant tout particulièrement :

- la défense de la langue française ;

- le patrimoine culturel et linguistique ;

- la création intellectuelle et artistiques et les connaissances économiques, scientifiques et techniques.

Autant de secteurs, en somme, qui ne correspondent pas, a priori, à des domaines de programmation particulièrement porteurs de recettes commerciales et de forts résultats d'audience, mais qui relèvent pleinement de sociétés de service public attachées à répondre à des besoins non couverts par l'initiative privée et capables, grâce à leur mode spécifique de financement, de prendre des « risques » dans leur programmation.

4. Les missions communes à l'ensemble des organismes du secteur public de la communication audiovisuelle :

Précisées dans le dernier alinéa de l'article 43-7, elles s'organisent autour de deux notions distinctes :

- la contribution à l'action audiovisuelle extérieure, au rayonnement de la francophonie et à la diffusion de la culture et de la langue française dans le monde :

L'extension de cette mission - impartie auparavant à la seule société Radio France Internationale - à l'ensemble des organismes, cette mission qui est destinée à donner une nouvelle impulsion à la politique audiovisuelle extérieure. Elle impose au secteur public de l'audiovisuel de se construire une stratégie de développement internationale et notamment de contribuer à l'ouverture de nouveaux débouchés pour la création française.

Les décisions prises par le Gouvernement visant à renforcer la place des diffuseurs nationaux dans le capital des sociétés TV5 et Canal France International (CFI) devraient par ailleurs faire entrer ces organismes chargés de l'action audiovisuelle extérieure dans le périmètre du nouveau groupe France Télévision.

Il est cependant un peu étonnant que cette participation à l'audiovisuel extérieur concerne également TDF et l'INA, encore que l'INA puisse participer à la diffusion de la culture, de la langue et de la technologie française à travers des actions de coopération dans les secteurs de l'archivage et de l'exploitation des documents audiovisuels.

- Le développement de nouveaux services :

En précisant que les sociétés du secteur public de l'audiovisuel doivent « développer les nouveaux services susceptibles d'enrichir ou de compléter leur offre de programmes ainsi que les nouvelles techniques de production et de diffusion... », cet article apporte une précision de doctrine très attendue. Cette question est en effet au centre des plaintes déposées auprès de la Commission européenne par les diffuseurs privés et touche à l'avenir même du service public dans un environnement audiovisuel désormais bouleversé par la technologie numérique et marqué par la multiplication des supports de communication et des services proposés au public.

Pour garantir aux sociétés de l'audiovisuel public une véritable perspective de développement industriel, il convenait d'établir dans la loi la légitimité de leur intervention dans les champs d'activités ouverts par les évolutions technologiques en cours (chaînes thématiques du câble et du satellite, DAD, diffusion numérique hertzienne terrestre).

La justesse de cette démarche a par ailleurs été confirmée par les dispositions de la résolution du Conseil européen de la culture précitée, puisque plusieurs considérants réaffirment la légitimité de l'intervention du service public audiovisuel dans les « activités de l'ère numérique ».

*

La commission a rejeté l'amendement n° 1 de M. Renaud Muselier tendant à supprimer cet article.

La commission a rejeté un amendement de M. Patrick Leroy proposant une nouvelle rédaction de l'article pour organiser le service public autour de cinq sociétés nationales de programmes autonomes, sans création d'une société holding.

La commission a examiné un amendement de M. Patrick Leroy tendant à préciser que les sociétés du secteur public répondent à des missions de service public.

M. Patrick Leroy a souligné que l'article omettait de se référer à la notion essentielle de service public.

Le rapporteur a émis un avis favorable à cet amendement que la commission a adopté.

La commission a rejeté l'amendement n° 3 de M. Renaud Muselier visant le public le plus large et non le public pris dans toutes ses composantes, après que le rapporteur a souligné que le secteur public devait satisfaire un public composite et non le grand public.

La commission a rejeté :

- un amendement de M. Patrick Leroy précisant que les sociétés du secteur public de l'audiovisuel ont une mission générale de production audiovisuelle,

- l'amendement n° 2 à caractère rédactionnel de M. Renaud Muselier,

- un amendement de M. Christian Kert tendant à préciser que les programmes des sociétés du service public de l'audiovisuel garantissent non seulement les droits mais aussi la dignité de la personne,

- l'amendement n° 4 de M. Renaud Muselier tendant à préciser que sont visés les droits non seulement de la personne mais aussi de l'homme, après que le rapporteur a souligné l'aspect redondant des précisions proposées.

La commission a rejeté un amendement de M. Patrick Leroy spécifiant que doivent être notamment protégés les droits de l'enfant et de l'adolescent.

La commission a rejeté deux amendements de M. Renaud Muselier :

- l'amendement n° 5 prévoyant que les chaînes de service public doivent respecter les principes généraux du droit dégagés par la jurisprudence du Conseil d'Etat et du Conseil constitutionnel,

- l'amendement n° 6 donnant pour mission à ces chaînes le développement des échanges entre les générations et dans les familles.

La commission a ensuite examiné six amendements de M. Christian Kert introduisant dans l'article différentes dispositions des cahiers des charges des sociétés nationales de programmes relatives aux obligations déontologiques des sociétés.

Le rapporteur a estimé que ces dispositions, qui ne posent pas de problèmes de fond, n'ont pas leur place dans la loi.

La commission a rejeté ces amendements.

La commission a rejeté un amendement de M. Patrick Leroy précisant que les chaînes de service public favorisent le débat démocratique.

Le rapporteur a indiqué qu'une telle mention trouverait plutôt sa place à l'article 9 du projet, lequel s'applique à l'ensemble des services audiovisuels.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Noël Mamère prévoyant que les sociétés du secteur public favorisent la citoyenneté et au développement durable.

M. Noël Mamère a jugé que la notion de développement durable méritait d'être prise en compte, au même titre que l'insertion sociale ou l'échange entre les parties de la population. Il s'agit bien d'une mission du service public de l'audiovisuel et une telle mention ne saurait relever du cahier des charges. Faire figurer cette mention dans le texte permettra, par exemple, d'avoir davantage d'émissions sur les sources d'énergie.

Le président Jean Le Garrec a estimé que si la notion de développement durable avait un sens dans le texte sur l'aménagement du territoire, elle ne trouvait pas réellement sa place ici.

Le rapporteur a estimé nécessaire de faire figurer la notion de citoyenneté, mais a considéré que la notion de développement durable posait un problème de rédaction.

La commission a adopté l'amendement.

La commission a ensuite adopté un amendement de M. Rudy Salles précisant que les chaînes publiques mettent en valeur le patrimoine culturel et linguistique « dans sa diversité régionale et locale », son auteur ayant estimé indispensable que cette mission soit dévolue à l'ensemble des chaînes et non pas seulement à France 3 et M. Michel Françaix s'étant déclaré favorable à cet amendement.

La commission a ensuite adopté :

- un amendement de M. Patrick Leroy faisant référence aux connaissances sociales,

un amendement de M. Noël Mamère faisait référence à l'éducation à l'audiovisuel et aux médias,

- un amendement rédactionnel du rapporteur, permettant d'inclure l'Institut national de l'audiovisuel (INA) dans le champ d'application de cet article.

M. Christian Kert a ensuite retiré un amendement relatif à la promotion de la francophonie par Radio France outre-mer (RFO), à la demande du rapporteur qui a indiqué que celui-ci trouverait davantage sa place à l'article 2.

La commission a examiné un amendement de M. Noël Mamère tendant à créer au sein du secteur public un pôle industriel regroupant les nouveaux services.

M. Noël Mamère a fait valoir que la holding doit être un pôle industriel innovant et a insisté sur la nécessité de ne pas recréer l'ORTF.

Le rapporteur a observé que cet amendement tendait à rendre autonomes et à regrouper les nouveaux services à l'écart des autres missions du service public.

La commission a rejeté cet amendement.

La commission a ensuite rejeté deux amendements de M. Patrick Leroy, le premier précisant que les nouveaux services édités par le service public doivent être gratuits et accessibles par tous, le rapporteur ayant indiqué que cet amendement ne permettrait pas le développement de chaînes thématiques, le second prévoyant le dépôt d'un rapport annuel au Parlement sur l'application de cet article, le président Jean Le Garrec ayant souligné que l'information du Parlement sur le service public de l'audiovisuel était déjà très développée.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Rudy Salles imposant aux sociétés publiques une mission de la lutte contre le dopage.

M. Edouard Landrain a indiqué qu'un dispositif similaire figurait dans la loi relative à la lutte contre le dopage mais qu'il paraissait opportun de le mentionner également dans le présent texte.

M. Henri Nayrou a indiqué qu'il proposait un amendement similaire sous forme d'article additionnel à un autre endroit du texte.

M. Edouard Landrain a alors retiré l'amendement.

La commission a adopté un amendement présenté par M. Christian Kert précisant que les sociétés du secteur public assurent l'honnêteté, l'indépendance et le pluralisme de l'information dans le respect du principe d'égalité de traitement et des recommandations du Conseil supérieur de l'audiovisuel.

La commission a ensuite adopté l'article premier ainsi modifié.

Après l'article premier

La commission a examiné un amendement de M. Renaud Muselier visant à créer un Observatoire de la qualité chargé de développer un indicateur « Qualimat ».

Le rapporteur ayant demandé à l'auteur de préciser la rédaction de l'amendement, celui-ci a retiré son amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Patrick Leroy visant à créer un observatoire parlementaire chargé d'auditionner, deux fois par an, un panel de téléspectateurs afin de favoriser une « télévision citoyenne ».

Le rapporteur ayant indiqué qu'il avait introduit dans la loi un dispositif répondant aux mêmes objectifs, M. Patrick Leroy a retiré son amendement.

La commission a examiné l'amendement n° 28 de M. Renaud Muselier indiquant que le Conseil supérieur de l'audiovisuel pouvait saisir les juridictions civiles et pénales en cas d'infraction aux missions de service public par les sociétés du secteur public.

Le rapporteur a précisé que cette possibilité existait déjà dans la loi de 1986 aux articles 42-10 et 42-11.

M. Renaud Muselier a retiré son amendement.

Article 2

(article 44 de la loi du 30 septembre 1986)

Missions spécifiques de la société France Télévision

et des sociétés nationales de programme

Cet article prévoit la constitution d'un groupe industriel public de l'audiovisuel réunissant les diffuseurs télévisés. S'inscrivant dans le prolongement de la présidence commune instituée entre France 2 et France 3 en 1989, il crée une société publique qui détiendra la totalité du capital de France 2, France 3 et d'une société fusionnant La Cinquième et La Sept-ARTE.

Cette société mère, dénommée France Télévision, a pour objet d'assurer la cohérence de l'activité et de l'offre de programmes des sociétés qui la composent, tout en leur permettant de mieux affirmer leur spécificités. Ce groupe doit également faciliter la mise en _uvre d'une stratégie de développement commune en préparant de façon ordonnée l'évolution de l'offre publique de programmes dans la phase actuelle de développement des chaînes thématiques par câble et satellite et dans la perpective de passage à la diffusion numérique.

La création de ce groupe des télévisions publiques permet par ailleurs de clarifier et de stabiliser le paysage audiovisuel national en constituant la télévision de service public en pôle de référence et d'équilibre dans un secteur devenu hautement concurrentiel et de renforcer en son sein la position des chaînes publiques.

Il faut noter que France Télévision ne concerne que les diffuseurs télévisuels publics et n'inclut donc ni Radio France, ni RFI, ni l'INA, ni TDF, ni, pour le moment, RFO. L'objet est bien de constituer un groupe industriel et financier de services de télévision et non de revenir à un groupe intégré de l'ensemble des entreprises publiques intervenant dans le secteur. Ce n'est donc pas le retour de l'ORTF !

En effet, le projet de loi prévoit à travers différents articles que le groupe respectera l'indépendance éditoriale des sociétés qui le compose, les chaînes filiales restant dotées de leur propre conseil d'administration et disposant d'un cahier des missions et des charges distinct. Chaque chaîne demeure d'autre part soumise individuellement au respect des obligations résultant de la loi et des règlements en matière notamment de recettes publicitaires, de programmation ou de contribution à l'effort de production.

En conséquence, tant pour le cinéma que pour l'audiovisuel, chacune des chaînes continuera à agir en son nom propre.

· Créée par le premier alinéa de l'article 44, la société France Télévision détiendra donc la totalité du capital de ses trois filiales : les deux sociétés nationales de programme France 2 et France 3 et la société La Cinquième-ARTE.

France 2 et France 3 sont actuellement détenues à 100 % par l'Etat, alors que les capitaux sociaux de La Cinquième et de La Sept-ARTE sont partagés parmi différentes personnes publiques21. Un transfert d'actifs sera donc réalisé suite à la publication de la présente loi. On peut noter, au passage, que la disposition qui prévoyait, à l'article 45 de la loi du 30 septembre 1986, que seule « la majorité du capital » de La Cinquième était détenue par des personnes publiques, disparaît : cette possibilité pour la chaîne de la connaissance de disposer d'actionnaires minoritaires du secteur privé n'avait jamais été suivie d'effets.

Le premier alinéa de l'article 44 de la loi du 30 septembre 1986 définit également la raison sociale, c'est à dire les missions de la société France Télévision qui est « chargée de coordonner les politiques de programmes et les actions de développement et de gérer les affaires communes » des sociétés filiales.

Plus largement, on peut déduire de l'ensemble du projet de loi que la société a vocation à :

- assurer la complémentarité souhaitée de l'offre des chaînes qu'elle réunit en matière de programmes, de rapports au public et de financement,

- harmoniser la politique de gestion pour les affaires communes, ce qui pourra comprendre, par exemple, au delà des services administratifs, la gestion des droits sportifs ou des catalogues audiovisuels,

- préparer, de façon coordonnée, les mutations technologiques et notamment l'évolution vers la diffusion numérique hertzienne et les services interactifs,

- favoriser la cohérence de l'action audiovisuelle extérieure,

- mettre en _uvre toute action de développement et de diversification industrielle (chaînes thématiques, expérimentation technologiques, produits dérivés), y compris, comme le précise le cinquième alinéa de l'article 44, par la création de filiales.

Ces filiales, qui devront respecter les attributions des différentes sociétés du groupe et correspondre à l'objet social de France Télévision, permettent de donner au groupe les moyens juridiques de son développement, tant pour des activités aujourd'hui connues (régie publicitaire, chaînes thématiques, filiale de distribution, d'achat de droits, etc...) que pour des développements futurs impossibles à imaginer aujourd'hui. Contrairement aux chaînes filiales visées explicitement par l'article, France Télévision ne sera pas ici obligée de détenir 100 % de ces sociétés.

· L'article précise ensuite les missions spécifiques de chacune des sociétés nationales de programme, en reprenant partiellement les définitions prévues par l'actuel article 44 de la loi du 30 septembre 1986. En raison du statut particulier de cette société (qui n'est pas une société nationale de programmes), la fixation des missions de La Cinquième-ARTE est cependant renvoyée à l'article 45 de la loi (cf. article 3 du projet de loi).

Ne figure dans la loi que les objets sociaux des différentes sociétés, l'ensemble des possibilités ou des facultés qui leur sont ouvertes étant systématiquement renvoyées aux cahiers des missions et des charges, ce qui explique certains allégements par rapport au texte de 1986.

L'article innove par ailleurs en consacrant, dans la loi, les noms des sociétés, alors que ceux-ci étaient, jusqu'à présent, uniquement fixés par les statuts. La loi y gagnera très certainement en clarté et en lisibilité.

- La société nationale de programme France 2 est consacrée comme la chaîne nationale généraliste grand public (« elle propose une programmation généraliste et diversifiée à l'intention du public le plus large »), investie d'une mission spécifique d'information nationale et internationale.

Ses programmes sont destinés à être diffusés sur l'ensemble du territoire métropolitain, ce qui doit être regardé comme une obligation de résultat et non comme une disposition relative à un mode spécifique de diffusion. Elle peut être rapprochée des obligations de TDF fixées à l'article 51 de la loi du 30 septembre 198622.

- La société nationale de programme France 3 est définie comme une chaîne à tonalité régionale « chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision à caractère national, régional et local » et assurant en particulier une information de proximité et sur les événements régionaux, « notamment culturels et sportifs ».

Le rapporteur s'interroge sur l'opportunité de faire figurer cette dernière mention dans la loi : bien qu'il ne s'agisse que d'une simple précision, celle-ci risque d'apparaître comme réductrice (voire, pour la Commission européenne, limitative des missions de la chaîne) et en rupture avec le principe ayant été retenu pour la rédaction de l'article, à savoir la définition des missions essentielles des chaînes permettant de déterminer leur objet social. Dans le même ordre d'idée, il est peut être dangereux, toujours en regard des plaintes européennes, de ne pas préciser que France 3 est une chaîne de télévision généraliste.

La spécification du caractère national, régional et local des émissions de la société, ainsi que le fait qu'elles soient destinées à être diffusées « sur tout ou partie du territoire » renvoie aux programmes et informations régionaux ou locaux de la chaîne.

France 3 travaille aujourd'hui au développement de cette partie de sa programmation avec la mise en place du projet « Proxima » qui vise à rapprocher l'offre télévisuelle du public, tant en ce qui concerne les structures de la chaîne que le niveau d'édition des informations et des programmes. A terme, la société devrait ainsi pouvoir proposer de quarante à soixante éditions différentes des informations régionales (contre vingt-quatre actuellement) et passer de treize à vingt-deux zones d'éditions de programmes.

- Le II. de l'article précise les missions de la société nationale de programme RFO, rebaptisée Réseau France Outre-Mer. La société est chargée des émissions de radio et de télévision destinées aux départements et territoires d'outre mer, ainsi qu'à Mayotte et à la Nouvelle Calédonie (celle-ci étant mentionnée de façon explicite en raison du nouveau statut du territoire). Comme précédemment, RFO continuera à pouvoir disposer gratuitement des émissions des autres sociétés nationales de programme et de celles de La Cinquième-ARTE pour les programmes correspondant à la mission éducative.

Une seule modification a été introduite par rapport à la définition de la chaîne dans l'actuel article 44 de la loi du 30 septembre 1986 : la loi ne spécifie plus que RFO « peut assurer un service international d'image », ce qui correspond à l'activité actuelle de l'AITV, l'Agence Internationale de Télévision. Il s'agit d'un service interne à RFO qui est habilité à passer des contrats de prestation de services en liaison avec la politique audiovisuelle extérieure. La disparition de cette précision ne signifie bien entendu pas que cette activité est supprimée, mais, dans la logique d'allégement de la rédaction de l'article évoquée précédemment, le fait qu'en application du dernier alinéa de l'article 1er, toutes les sociétés du secteur public de l'audiovisuel soient appelées à contribuer à la politique audiovisuelle extérieure suffit à légitimer ce genre d'activité. L'activité de l'AITV sera donc encadrée dans le cahier des charges.

- Les missions de la société nationale de programme Radio France sont précisées par le III de l'article. La société est chargée de « concevoir et de programmer des émissions de radiodiffusion sonores destinées à être diffusées sur tout ou partie du territoire ». Comme pour France 3, les missions de Radio France prévoient donc la possibilité de diffuser certaines émissions sur seulement une partie du territoire, ce qui correspond aux programmes des stations locales.

Contrairement à la version de 1986, qui n'explicitait pas plus avant les missions de la société, le paragraphe précise qu'elle « valorise le patrimoine et la création artistique », ce qui permet de mieux relier les orchestres et le ch_ur aux missions de Radio France. L'article précise à ce sujet que la société en assure la gestion et le développement, ce qui lui donne notamment toute latitude pour l'organisation de concerts, de tournées et d'enregistrements destinés à être commercialisés.

- Le IV. de l'article précise enfin les missions de Radio France Internationale, société nationale de programme chargée de « contribuer à la diffusion de la culture française par la conception et la programmation d'émissions de radiodiffusion sonore en français et en langues étrangères destinées aux auditoires étrangers ainsi qu'aux Français résidant à l'étranger ».

Par rapport à la définition actuellement proposée par l'article 44, plusieurs changements peuvent être notés. Différentes mentions ont tout d'abord disparu de l'article parce qu'elles étaient superflues : il s'agit des dispositions qui précisent que RFI peut être notamment financée par des ressources budgétaires (ce qui est normal pour une société nationale de programme) et qu'elle peut avoir une activité de distribution internationale (ce qui est le cas de toutes les diffuseurs).

Par contre, par rapport à la définition des missions votée en 1986, le nouvel article 44 précise désormais que RFI peut diffuser des émissions en langue étrangère (ce qui est conforme à la réalité puisque, à travers le programme RFI2, la société diffuse dans le monde entier 250 heures de programmes par semaine en dix-huit langues différentes) et qu'elle « assure une mission d'information relative à l'actualité française et internationale ». L'identité et le rôle de la société sont ainsi clairement établis au sein des différents organes de la politique audiovisuelle extérieure de la France.

· Enfin, l'article reprend, dans le premier alinéa du V, la précision contenue dans le texte de 1986 qui dispose que les sociétés nationales de programme et la société La Cinquième-ARTE peuvent « dans les conditions fixées par voie réglementaire, notamment par leurs cahiers des missions et des charges (...) produire pour elles-mêmes et à titre accessoire des oeuvres et documents audiovisuels et participer à des accords de coproduction ».

Cette activité de production et de coproduction doit donc demeurer « accessoire », c'est à dire minoritaire pour des sociétés dont cela n'est ni le métier, ni l'objet social. Son exercice est par ailleurs encadré par les obligations de production fixées par les décrets nos 90-67 du 17 janvier 1990 et 95-1162 du 6 novembre 1995 relatifs aux obligations de production d'_uvres audiovisuelles et cinématographiques reprises dans les cahiers des charges.

Par contre, l'article ne précise plus que les sociétés nationales de programme « peuvent commercialiser ou faire commercialiser les _uvres dont elles détiennent les droits », cette possibilité ayant été jugée inhérente à la détention de droits, et donc inutile à préciser.

Par ailleurs, pour ce qui concerne l'acquisition de parts de coproduction dans le financement d'une _uvre cinématographique, le dernier alinéa de l'article inscrit désormais dans la loi l'obligation pour chaque chaîne de constituer une filiale ayant cet objet social exclusif, alors que cette obligation figurait jusqu'à maintenant à l'article 4 du décret précité du 17 janvier 1990. Une telle disposition est à même de renforcer l'autonomie des chaînes pour la détermination de leur politique de production cinématographique et d'écarter tout risque de « guichet unique ».

*

La commission a examiné un amendement de M. Pierre-Christophe Baguet visant à renforcer l'indépendance éditoriale des filiales de France Télévision en augmentant la responsabilité des directeurs généraux en matière de politique de programmes.

Le rapporteur a indiqué que cet amendement risquait de rigidifier le système qui tend justement à une plus grande souplesse.

M. Pierre-Christophe Baguet a insisté sur la nécessité de redéfinir l'administration de la holding.

Le président Jean Le Garrec a estimé que la holding France Télévision devait avoir une certaine cohérence.

M. Pierre-Christophe Baguet a retiré son amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Patrick Leroy confiant à France Télévision la coordination des politiques de production des sociétés filiales.

Le rapporteur a indiqué que cet amendement n'était pas utile dans la mesure où lorsque l'on parle de programmes il s'agit aussi de productions.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a adopté un amendement de M. Noël Mamère chargeant la holding de la mise en place d'un pôle industriel permettant d'intégrer les nouvelles techniques de diffusion et de production.

La commission a rejeté un amendement de M. Patrick Leroy visant, de nouveau, à introduire la notion de production dans les missions de France 2.

M. Noël Mamère a retiré un amendement précisant que France 2 assure une programmation généraliste « de référence ».

La commission a examiné un amendement de M. Christian Kert visant à compléter la définition des missions de France 2 en indiquant que celle-ci devait favoriser la création de productions télévisuelles originales.

La commission a rejeté l'amendement après que le rapporteur et le président Jean Le Garrec se sont interrogés sur la définition de l'originalité en matière de production.

La commission a examiné deux amendements n°s 8 et 7 de M. Renaud Muselier visant à préciser que l'information diffusée par France 2 se devait d'être pluraliste.

Le rapporteur a indiqué que ces amendements étaient satisfaits par la définition des missions générales du service public introduite à l'article premier du présent projet de loi.

M. Renaud Muselier a retiré ses amendements.

La commission a rejeté un amendement de M. Patrick Leroy visant à ajouter la notion de production dans les missions de France 3.

La commission a examiné en discussion commune trois amendements du rapporteur, de M. Christian Kert et de M. Patrick Leroy visant à introduire dans la définition des missions spécifiques de France 3 la notion de « programmation généraliste et diversifiée » et un amendement de M. Noël Mamère ajoutant aux missions de la chaîne la promotion des langues et de l'identité régionale.

Le rapporteur ayant indiqué qu'il convenait de ne pas trop entrer dans le détail des missions des chaînes si l'on ne voulait pas que la Commission européenne puisse mener un contrôle trop pointu de l'adéquation des financements publics, M. Christian Kert a retiré son amendement au profit de celui du rapporteur, qui ne précise pas la nature des événements régionaux dont la chaîne doit rendre compte.

M. Noël Mamère a considéré qu'il était important de réaffirmer la nécessité pour France 3 de promouvoir les langues et les identités régionales au moment où la France s'apprête à ratifier la charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

M. Edouard Landrain a indiqué que cette mission de promotion de l'identité régionale était essentielle et ne devait pas être accaparée par les chaînes privées, comme c'est déjà le cas en Bretagne avec la création par TF1 de la chaîne privée Télé-Breiz.

M. Michel Françaix a indiqué qu'une définition aussi stricte de ses missions pourrait entraver le bon fonctionnement d'une entreprise ayant également des objectifs commerciaux. La promotion des langues régionales est en fait une notion anachronique dans une logique d'entreprise. De surcroît, France 3 remplit déjà largement cette mission régionaliste grâce à la mise en place du projet « Proxima ».

M. Rudy Salles a indiqué que l'audiovisuel public est d'abord un service public et qu'en aucun cas la défense de l'identité régionale ne peut être considérée comme une notion passéiste.

M. Patrick Bloche a estimé qu'en tout état de cause il convenait de viser la diffusion et non la promotion des langues et cultures régionales.

La commission a adopté un sous-amendement de M. Noël Mamère à l'amendement du rapporteur visant à préciser que France 3 contribue à la promotion des langues et cultures régionales.

La commission a adopté l'amendement du rapporteur ainsi sous-amendé.

En conséquence, les amendements de M. Patrick Leroy et de M. Noël Mamère sont devenus sans objet, ainsi que l'amendement n° 9 et un amendement de M. Christian Kert, satisfaits par celui du rapporteur, et un amendement de M. Christian Kert complétant la liste des événements régionaux.

La commission a examiné un amendement de M. Rudy Salles proposant que France 3 assure la diffusion des programmes de Radio France outre-mer (RFO), mis à sa disposition gratuitement, afin de renforcer le lien entre les Français d'outre-mer et leurs régions d'origine, d'améliorer la connaissance de l'outre-mer par les métropolitains et de contribuer au rayonnement des cultures d'outre-mer en métropole.

M. Rudy Salles a rappelé la qualité des programmes de RFO dont des extraits sont diffusés chaque dimanche matin sur France 3. Cette diffusion est hélas trop courte et il serait souhaitable de prévoir l'obligation, pour la société de holding, de diffuser davantage de programmes dans un but culturel mais aussi social.

Le rapporteur s'est déclaré défavorable à l'amendement auquel il a déclaré préférer un autre amendement de M. Rudy Salles relatif aux missions de RFO.

M. Pierre-Christophe Baguet a rappelé que la ministre s'était prononcée en faveur d'un partenariat entre France Télévision et RFO. Or, le présent amendement propose de mettre en place un dispositif contraignant alors que le second se contente de prévoir une mise à la disposition gracieuse des programmes de RFO à la société holding.

Le président Jean Le Garrec et M. Michel Françaix ont considéré qu'il n'était pas souhaitable de trop rigidifier le dispositif.

M. Rudy Salles a souhaité maintenir son amendement car les phénomènes de racisme dont sont victimes les Français d'outre-mer nécessitent d'affirmer dans la loi les liens entre l'outre-mer et la métropole.

La commission a rejeté l'amendement.

Elle a ensuite rejeté quatre amendements de M. Patrick Leroy :

- un amendement remettant en cause la fusion entre Arte et la Cinquième ;

- un amendement ayant pour objet d'intégrer la société française de production et de création audiovisuelle (SFP) dans la société de holding France Télévision, le rapporteur ayant considéré qu'une telle intégration risquerait de se heurter à la législation européenne ;

- un amendement précisant qu'un cahier des charges fixera les missions de France Télévision, le rapporteur ayant indiqué que cette disposition était déjà satisfaite par l'article 48 de la loi du 30 septembre 1986 ;

- un amendement prévoyant l'intégration des chaînes internationales CFI et TV 5 dans la société de holding, le rapporteur ayant souligné les problèmes que poseraient cette intégration au regard de la nature internationale du capital de TV5.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Noël Mamère ayant pour objet d'intégrer RFO dans la société holding, son auteur ayant considéré qu'il était souhaitable de prévoir un régime juridique unique pour l'ensemble des chaînes publiques.

Le rapporteur a exprimé un avis défavorable en raison de la mission particulière remplie par RFO, de sa double qualité de société de radio et de télévision et de l'opposition des élus des DOM-TOM.

M. Renaud Muselier a proposé que RFO rejoigne la société holding pour ce qui concerne seulement ses activités de télévision.

M. Michel Françaix a jugé qu'une telle distinction entre les activités radio et télévision serait coûteuse. Cette intégration risquerait, par ailleurs, de réduire la dimension internationale de RFO. Enfin il est de l'intérêt même de RFO de disposer de se propre indépendance et de ses moyens propres et il est donc préférable de mettre en place d'abord la société de holding avec les quatre chaînes prévues et d'envisager ultérieurement son extension.

M. Pierre-Christophe Baguet a considéré que l'adoption du présent amendement nécessiterait pour le moins celle d'un sous-amendement prévoyant que la présidence de RFO serait assumée par une personnalité autre que le président de la société de holding mais placée sous l'autorité de ce dernier.

M. Michel Tamaya a confirmé que la majorité des députés des DOM-TOM était opposée à cette intégration

La commission a rejeté l'amendement.

Elle a ensuite adopté un amendement de M. Christian Kert, ajoutant aux missions de RFO la promotion de la langue française, après que le rapporteur a considéré que cette mission était déjà incluse à l'article premier et que M. Edouard Landrain a jugé nécessaire ce rappel au regard de la progression de la langue créole dans les DOM-TOM.

La commission a adopté un amendement de M. Rudy Salles précisant que RFO met gratuitement ses programmes à la disposition de France Télévision et de Radio France qui assurent la promotion des cultures de l'outre-mer en métropole.

La commission a examiné un amendement présenté par M. Patrick Leroy visant à limiter la mise à disposition gratuite de RFO des émissions des chaînes publiques aux seuls programmes pour lesquels celles-ci possèdent des droits de diffusion dans les DOM-TOM. Après que le rapporteur a relevé que cet amendement était en réalité plus restrictif que les dispositions prévues dans le projet de loi, cet amendement a été retiré par son auteur.

La commission a examiné un amendement présenté par M. Rudy Salles précisant la mission de Radio France en indiquant notamment que la société doit étendre sa présence sur tout le territoire par le biais de ses stations locales et assurer une meilleure connaissance de la France d'Outre-mer par les métropolitains.

Le rapporteur, après s'être déclaré défavorable à cet amendement en indiquant que ce type de dispositions avait davantage sa place dans les cahiers des charges que dans un texte de loi, a noté que la première phrase de l'amendement relative à la présence régionale de Radio France pouvait néanmoins être retenue.

M. Rudy Salles, après avoir insisté sur la nécessité d'affirmer avec force les missions de service public liées à Radio France, a accepté que son amendement soit réduit à sa première phrase.

La commission a adopté l'amendement ainsi modifié.

La commission a examiné un amendement présenté par M. Christian Kert visant à substituer aux mots « formations musicales » ceux d'orchestres et de ch_urs. L'amendement a été retiré par son auteur après que le rapporteur s'est interrogé sur l'intérêt d'une telle modification.

M. Renaud Muselier a également retiré son amendement n° 10 précisant que l'information sur Radio France devait être pluraliste.

La commission a ensuite examiné un amendement présenté par M. Rudy Salles visant à prévoir de manière explicite que RFI « contribue au renforcement de la présence radiophonique française à l'étranger et en particulier en Europe ».

M. Rudy Salles a indiqué qu'il souhaitait ainsi insister sur la diffusion de RFI en Europe, dans des pays comme, par exemple, la Pologne.

Après que le rapporteur a exprimé des doutes quant à l'intérêt de préciser que RFI s'adresse notamment au public européen, étant donné que le projet de loi évoque le terme générique d'auditoires étrangers en général, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a rejeté l'amendement n° 11 de M. Renaud Muselier disposant que les conditions dans lesquelles les filiales de France Télévision peuvent faire de la production sont fixées par décret en Conseil d'Etat.

La commission a examiné deux amendements de M. Patrick Leroy visant à indiquer que pour les sociétés nationales de programmes, l'activité de production n'est pas une activité « accessoire ».

Après que le rapporteur a relevé que cette activité ne saurait être considérée comme leur mission principale, eu égard à la volonté constante de l'Etat de soutenir le développement d'une industrie de la production indépendante, les amendements ont été rejetés.

La commission a rejeté un amendement présenté par M. Patrick Leroy prévoyant que la Société française de production est chargée de répondre aux besoins de productions et de prestations des sociétés de France Télévision, ainsi qu'un amendement du même auteur précisant que l'Institut national de l'audiovisuel est chargé de répondre aux besoins des sociétés nationales de programmes en matière d'archives.

La commission a ensuite adopté l'article 2 ainsi modifié.

Après l'article 2

La commission a rejeté un amendement de conséquence de M. Patrick Leroy réinsérant la Société française de production dans le service public de l'audiovisuel.

Article 3

(article 45 de la loi du 30 septembre 1986)

Constitution et missions de la société La Cinquième-ARTE

Cet article procède à la fusion des sociétés La Cinquième et La Sept-ARTE au sein d'une société dénommée La Cinquième-ARTE, tout en préservant une identification de leurs missions respectives.

· Créée par la loi du 1er février 1994, La Cinquième est une société nationale de programme au capital détenu majoritairement par l'Etat (la possibilité, ouverte par la loi, d'avoir des actionnaires minoritaires privés n'a jamais été suivie d'effet). La loi précise qu'elle est « chargée de la conception et de la programmation d'émissions de télévision à vocation nationale favorisant l'accès au savoir, à la formation et à l'emploi ».

La Cinquième est dirigée par un conseil d'administration de quinze membres désignés pour trois ans. Celui-ci élit son président (il n'est donc pas désigné par le CSA, comme les autres présidents de chaînes publiques) qui remplit les fonctions de directeur général de la chaîne. Ce président est assisté par un comité d'orientation des programmes, composé de vingt et une personnalités qualifiées désignées pour trois ans, et destiné à donner un avis sur les choix éditoriaux et la grille de la chaîne.

La chaîne est traditionnellement soumise à un cahier des charges (décret n° 95-71 du 20 janvier 1995) qui précise ses obligations programmatiques, en cohérence avec les missions qui lui ont été fixées par la loi. Le préambule de ce cahier des charges précise que La Cinquième est « complémentaire et solidaire des sociétés nationales de programme et de la Sept/Arte » et qu'« elle veille à coordonner sa politique de production et de programmes avec les sociétés nationales de programme et la Sept/Arte, notamment dans le cadre de coproductions et de l'acquisition de droits de diffusion ». L'idée d'un certain rapprochement des structures existait donc dès la création de la chaîne.

La Cinquième se définit avant tout comme un instrument d'initiation à tous les savoirs. La grille, essentiellement composée de modules courts et diversifiés, a pour but de faire de la chaîne un outil éducatif, souple et moderne, complété par des ouvertures vers les nouvelles technologies de la communication grâce à la création d'un serveur internet et d'une banque de programmes et de services (la BPS) qui permet à ses abonnés de disposer en temps réel, sur leurs ordinateurs, via le satellite, de documents audiovisuels reprenant ou prolongeant les émissions de la chaîne.

Les résultats d'audience sont encore modestes d'un point de vue quantitatif puisque La Cinquième est créditée de 4,5 % de parts de marché. Mais sur un plan qualitatif, la satisfaction des « consommateurs » de la chaîne est patente.

La Cinquième, par ses programmes, illustre donc la possibilité de mettre la télévision au service de l'esprit et de sa formation. Elle est aujourd'hui un élément nécessaire à la démocratie, parce qu'elle se veut proche du public et de ses préoccupations. Par sa vocation éducative et populaire, elle prépare ses téléspectateurs aux évolutions de l'avenir en les aidant, de la façon le plus souple possible, à maîtriser le monde qui les entoure.

· La Sept-ARTE est quant à elle issue de La SEPT (société d'édition de programmes de télévision), créée en février 1986 et chargée, depuis la signature, le 2 octobre 1990, du traité franco-allemand de création d'une chaîne culturelle européenne, d'assurer la fourniture de 50 % des programmes du groupement européen d'intérêts économiques (GEIE) ARTE, installé à Strasbourg et chargé d'arrêter la programmation de la chaîne et d'assurer sa diffusion.

Le statut de La Sept-ARTE est donc très particulier. Entreprise publique dotée d'un directoire et d'un conseil de surveillance, elle n'est pas un diffuseur de programme comme les sociétés nationales de programme, mais plutôt un éditeur qui présente des projets de programmes à la conférence mensuelle des programmes du GEIE et est ensuite chargé d'assurer la réalisation des propositions retenues.

De plus, ARTE n'est pas soumise au contrôle des autorités nationales. Elle n'a donc pas à se conformer à un cahier des charges comme les autres sociétés nationales de programme françaises et aux obligations nationales de production et de diffusion. Ses règles de programmation sont fixées de façon conventionnelle (art. 19-1 et 19-2 du contrat de fondation d'ARTE) et s'inscrivent dans le cadre des obligations européennes précisées par la directive Télévision sans frontière.

Plus de sept ans après sa création, le bilan de ARTE est tout à la fois satisfaisant et problématique. Satisfaisant parce qu'elle s'est pleinement conformée à ses objectifs et à ses missions, et a tenu ses engagements quant à une programmation européenne et culturelle. Problématique parce qu'en tant que chaîne culturelle, ARTE se doit de répondre à quatre exigences : qualité, originalité, universalité et accessibilité.

Pour ce qui concerne la qualité et l'originalité de la ligne éditoriale, chacun s'accorde à reconnaître l'apport d'ARTE au paysage audiovisuel français et européen. Par contre, les objectifs d'universalité et surtout d'accessibilité ne sont pas encore atteints.

Malgré sa volonté affichée de proposer tous les genres de programmes et toutes les cultures, la grille de la chaîne culturelle européenne, en raison de son mode de fabrication et de diffusion, peut difficilement proposer de véritables émissions d'actualité. Par contre, depuis la rentrée 1996, un effort important a été fait en matière d'information, et la programmation d'avant-soirée propose désormais une approche originale et cohérente de l'actualité européenne et internationale.

Par ailleurs, grâce à la diffusion de ses programmes par les satellites Telecom 2 B, Astra et, depuis 1995, Eutelsat II F1, ARTE peut être reprise par tous les réseaux câblés d'Europe et captée directement par une antenne individuelle tout autour du bassin méditerranéen. De plus, ARTE est désormais diffusées en numérique sur les bouquets TPS (version française) et Canal Satellite (version française et allemande), ce qui correspond à environ 1,5 millions d'abonnés. Enfin, certains programmes de La Sept/ARTE sont repris sur les réseaux hertziens nationaux d'Europe centrale et orientale, ce qui, au total, porte à 70 millions le nombre de foyers recevant ARTE quotidiennement, soit près de 200 millions de personnes. Pour tous ceux qui sont attachés à la valorisation de la culture européenne et à la défense de son exception culturelle, ARTE est donc un atout non négligeable.

Reste l'accessibilité. ARTE est une chaîne exigeante, à laquelle tout téléspectateur ne peut pas forcément accéder de façon aisée. Les résultats des sondages d'audience viennent confirmer ce constat : la chaîne, y compris pour des soirées thématiques « grand public », ne dépasse jamais les 4 % de part de marché, même si des gains importants ont été réalisés depuis sa création (+ 35 % d'audience en France en moyenne entre 1994 et 1997). On doit cependant reconnaître que l'audimat quotidien ne correspond pas à la spécificité d'un programme qui est avant tout une télévision de l'offre, que l'on regarde de façon choisie et sélective.

C'est d'ailleurs cette caractéristique même qui justifie sa préservation dans le paysage audiovisuel français, car, en proposant des émissions qui supposent une véritable participation intellectuelle des téléspectateurs, elle concourt à l'augmentation de la qualité générale de l'offre télévisuelle et renforce la position du service public.

· Au début de l'année 1997, le Parlement a été saisi d'un projet de loi modifiant la loi du 30 septembre 1986 et comportant notamment un article prononçant la fusion de La Cinquième et de La Sept-ARTE, essentiellement d'ailleurs pour des raisons financières, car il convenait de justifier les économies drastiques imposées aux deux chaînes par la loi de finances pour 1997 (150 millions de francs soit plus de 8 % de leurs budgets).

Pour renforcer cette volonté de fusion, M. Jérôme Clément, président de La Sept-ARTE, a été désigné comme président de La Cinquième dès mars 1997, devenant ainsi, de facto, président commun. En raison de la dissolution de l'Assemblée nationale et du changement de majorité, ce projet de loi n'a jamais été conduit à son terme, et les deux sociétés se sont trouvées dans une situation délicate, étant fusionnées dans les faits, mais non en droit.

· Le présent projet reprend donc le principe de la fusion de ces deux chaînes au sein d'une même société, dénommée La Cinquième-ARTE, tout en l'insérant dans le groupe France Télévision.

Divers arguments plaident pour le rapprochement de ces deux sociétés. Outre leur juxtaposition sur le même canal hertzien, on peut considérer, à la suite du rapport de M. Jean-Michel Bloch-Lainé remis en juillet 1996 au Gouvernement de M. Alain Juppé, qu'une fusion de La Sept-ARTE et de La Cinquième permettra de donner une meilleure cohérence et une meilleure lisibilité à l'offre de programmes sur le cinquième canal et de créer une « masse critique » pour la chaîne qui soit plus compatible avec une diffusion hertzienne de masse. Les deux sociétés ont d'ailleurs déjà entrepris le regroupement de leurs services, locaux et activités filialisées.

Avec un budget doublé, un plus grand éventail d'horaires de diffusion et des missions élargies, la nouvelle société sera mieux armée en matière de négociation de droits et de coûts de production. Une utilisation plus optimale des stocks de programmes (à travers notamment les multidiffusions) et un amortissement plus rapide des productions devraient également être possibles.

Cet effet de taille sera accru par l'insertion de La Cinquième-ARTE dans la société France Télévision qui, tout en préservant son autonomie et sa double spécificité, lui permettra, comme pour France 2 et France 3, de créer un nouveau dynamisme et une plus grande complémentarité des politiques de programmes respectives.

Société filiale de la société France Télévision, La Cinquième-ARTE est investie de deux missions distinctes correspondant aux missions actuellement assignées aux deux sociétés qu'elles réunit. Elle est donc chargée :

- d'une part « de concevoir et de programmer des émissions de télévision à caractère culturel et éducatif et favorisant l'accès au savoir, à la formation et à l'emploi »,

- et d'autre part « de fournir les programmes et moyens nécessaires à l'exercice des missions » du GEIE ARTE.

Les deux activités de la chaîne restent donc clairement identifiées.

La première mission, qualifiée d'éducative et culturelle, reprend la définition même de La Cinquième, qui est destinée à « favoriser l'accès au savoir, à la formation et à l'emploi ». Il est étonnant que l'article rattache à cette mission une dimension spécifiquement culturelle, qui semble plutôt relever de la seconde mission correspondant aux programmes fournis au GEIE ARTE.

Cette seconde mission reprend bien, en effet, la spécificité de La Sept-ARTE en se limitant à une activité de fournisseur de programmes. L'alinéa précise simplement que « les émissions doivent tenir compte du caractère international, en particulier européen » du public d'ARTE, ce qui confirme la mission d'universalité reconnue à la chaîne.

La fusion n'affecte bien évidemment que la société La Sept-ARTE, membre français du GEIE ARTE en application du traité du 2 octobre 1990. Le régime juridique dérogatoire évoqué précédemment n'est pas affecté par le présent projet de loi et continuera donc à s'appliquer à La Cinquième-ARTE pour l'exercice de sa seconde mission, le régime de droit commun étant limité au programme actuellement diffusé par la société La Cinquième.

Enfin, le dernier alinéa de l'article reprend une des dispositions actuelle de l'article 45 qui prévoit que le ministère de l'éducation nationale pourra conclure des conventions avec les sociétés de gestion collective de droits d'auteur afin de faciliter l'utilisation pédagogique des programmes correspondant à la première mission de la chaîne (programmes actuellement diffusés par La Cinquième) par les établissements d'enseignement et de formation. Jusqu'à aujourd'hui, aucune convention n'a pu être conclue en raison de la difficulté, pour le ministère de l'Education nationale, de parvenir à fixer par décret, comme cela est prévu par l'article, la liste des établissements concernés par ces éventuels accords.

*

La commission a rejeté un amendement de suppression de cet article présenté par M. Patrick Leroy.

La commission a rejeté deux amendements de cohérence présentés par M Patrick Leroy relatifs à l'indépendance de La Cinquième et d'ARTE au sein du groupe France Télévision.

La commission a rejeté un amendement de suppression de cet article présenté par M. Patrick Leroy.

La commission a rejeté deux amendements de cohérence présentés par M Patrick Leroy relatifs à l'indépendance de La Cinquième et d'ARTE au sein du groupe France Télévision.

La commission a également rejeté deux amendements du même auteur, l'un précisant les missions de la Sept-ARTE, l'autre ajoutant aux missions qui lui sont confiées par la loi celle de production de programmes.

La commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant la précision selon laquelle les émissions de télévision conçues et programmées par la Cinquième-ARTE ont un caractère culturel et éducatif, après que le rapporteur a indiqué que cet amendement avait pour objet de recentrer la chaîne sur ses missions initiales, en reprenant la définition qui en avait été donnée lors de sa création en 1994, et ceci afin de ne pas créer de confusion avec celles de la Sept-ARTE.

La commission a rejeté un amendement de M. Noël Mamère précisant que les émissions conçues et programmées par La Cinquième-ARTE doivent avoir un caractère social et environnemental.

La commission a examiné un amendement de M. Patrick Leroy précisant que les émissions de La Cinquième-ARTE ont également pour objet de favoriser l'accès à la connaissance. Après que le rapporteur a indiqué qu'il était favorable à cet amendement qui rétablissait la mission originelle de la chaîne, la commission l'a adopté.

La commission a examiné un amendement de M. Christian Kert tendant à ce que les émissions de cette chaîne soient diffusées également dans les départements et territoires d'outre-mer.

M. Christian Kert a fait valoir que la restriction au territoire métropolitain était à la fois réductrice et inutile.

Le rapporteur a observé que l'intention poursuivie par l'amendement était louable mais qu'il fallait faire attention de ne pas créer pour La Cinquième une obligation qui générerait des coûts de diffusion qu'elle ne serait pas dans la capacité de supporter.

Le président Jean Le Garrec ayant indiqué que la rédaction de l'amendement devrait être revue pour clarifier la question du caractère obligatoire de cette diffusion qui conduirait à l'application de l'article 40 de la Constitution, l'amendement a été retiré par son auteur.

La commission a examiné un amendement présenté par M. Christian Kert précisant les missions de la chaîne afin que celle-ci constitue une banque de programmes à destination des établissements d'enseignement et de formation.

M. Pierre-Christophe Baguet a indiqué qu'il était important d'inciter l'Education nationale à faire appel à La Cinquième plutôt que de se tourner vers des chaînes étrangères.

Le rapporteur ayant indiqué que la BPS relevait actuellement du cahier des charges de La Cinquième, la commission a rejeté cet amendement.

La commission a rejeté deux amendements de M. Patrick Leroy, le premier redéfinissant les missions de La Sept-ARTE, le second précisant que le conseil d'administration de la chaîne veille à ce que la répartition budgétaire permette la réalisation des lignes éditoriales de La Cinquième et d'ARTE, le rapporteur ayant indiqué que s'il était en accord avec le principe de cette proposition, sa rédaction était inadaptée.

La commission a adopté l'article 3 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 3

(article 46 de la loi du 30 septembre 1986)

Conseil national des programmes

La commission a examiné en discussion commune :

-  un amendement du rapporteur tendant à créer un Conseil national des programmes auprès de la société France Télévision, chargé de permettre la consultation d'un échantillon représentatif de téléspectateurs sur les programmes et l'orientation éditoriale des chaînes de la holding ;

- un amendement de M. Noël Mamère tendant à la création d'un conseil représentatif des associations de téléspectateurs chargé d'élaborer un rapport sur la qualité des programmes.

Le rapporteur a souligné qu'il s'agissait de mettre en place une représentation des téléspectateurs car ceux-ci sont aujourd'hui exclus de tout système de consultation dans la télévision publique. Ce constat s'explique par la difficulté insoluble que constitue la représentativité des associations de téléspectateurs. Pour contourner cette difficulté, il est proposé de créer un conseil associant le conseil d'administration de la holding à un groupe de téléspectateurs représentatif de l'audience des chaînes, choisis de façon aléatoire au sein des personnes figurant sur les fichiers de la redevance. Cette proposition pourra être affinée quant à ses modalités mais présente l'avantage de poser le principe d'une représentation des téléspectateurs et ceci de façon suffisamment souple.

M. Noël Mamère a indiqué que s'il était favorable à une association des téléspectateurs au service public, celle-ci ne pouvait avoir lieu sous la forme proposée. En effet, cet amendement constitue un recul considérable car il dénie toute représentativité aux associations de téléspectateurs. En outre, il ignore le rôle de consultation des associations auquel procède le CSA depuis sa création. C'est pourquoi il est préférable de constituer un conseil rassemblant les représentants des associations.

M. Rudy Salles a souligné que le panel devait tenir compte de la répartition géographique des téléspectateurs.

M. Pierre-Christophe Baguet s'est interrogé sur la durée du mandat des membres de ce Conseil, une durée de trois ans n'étant pas en cohérence avec celle du mandat des présidents des chaînes.

M. Renaud Muselier s'est félicité de la démarche du rapporteur, compte tenu de la carence actuelle en matière de représentation des téléspectateurs.

Le rapporteur a précisé que le système proposé était perfectible, tant en ce qui concerne la représentativité du panel que la durée du mandat. La définition du panel est renvoyée à un décret car les critères en sont multiples et le choix d'une durée de trois ans a pour souci d'éviter la professionnalisation des représentants. Cette proposition ne constitue pas un recul car on ne peut que constater aujourd'hui l'absence de représentativité des associations de téléspectateurs. En outre, le CSA n'est pas laissé sur la touche puisque un amendement ultérieur prévoit que deux des quatre personnalités qualifiées nommées par le CSA au conseil d'administration de France Télévision seront choisies parmi les membres téléspectateurs du Conseil national des programmes.

Le président Jean Le Garrec a souligné le caractère hardi de l'amendement du rapporteur. C'est une idée nouvelle et intéressante dont les modalités seront affinées dans la suite du débat.

La commission a adopté l'amendement.

Article 4

(articles 47 et 47-1 à 47-4 nouveaux de la loi du 30 septembre 1986)

Organes de direction de la société France Télévision, des sociétés nationales de programmes et de la société La Cinquième-ARTE

Cet article précise les conditions d'organisation de chacune des sociétés de diffusion de l'audiovisuel public.

· L'article 47 précise tout d'abord que le capital social de France Télévision ainsi que celui des sociétés nationales de programme qui ne sont pas intégrées dans le groupe des télévisions publiques (c'est à dire, dans le projet de loi, RFO, Radio France et RFI) appartient intégralement à l'Etat. Le seul changement par rapport au droit actuel concerne donc France 2, France 3 et La Cinquième-ARTE dont le capital, comme cela a été précisé à l'article 2, appartient désormais au groupe France Télévision dans lequel elles sont réunies.

L'article soumet d'autre part l'ensemble des sociétés nationales de programme et la société La Cinquième-ARTE à la législation sur les sociétés anonymes, sauf dispositions contraires à la loi de 1986, alors que cette disposition figure actuellement à l'article 46 de la loi du 30 septembre 1986.

Enfin, comme le prévoit le premier alinéa de l'actuel article 47, les statuts de l'ensemble de ces sociétés sont approuvés par décret.

· L'article 47-1 nouveau concerne l'organisation des organes sociaux du groupe France Télévision et de ses trois sociétés filiales.

Lors de la préparation de ce projet de loi, il avait été envisagé de doter le groupe d'une organisation dite « à l'allemande », c'est à dire avec directoire et conseil de surveillance, dans laquelle l'Etat actionnaire exerçait un véritable pouvoir de nomination. Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d'Etat a cependant considéré que l'organisation actuelle des organes de direction des sociétés nationales de programme, et notamment la part prééminente prise par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) dans le processus de désignation des dirigeants, était un élément déterminant de la garantie du plein exercice de la liberté de communication telle qu'elle a été consacrée par le Conseil constitutionnel, auquel il convenait de toucher avec beaucoup de précautions. Le Gouvernement a donc préféré revenir à une organisation plus classique, dans laquelle le conseil d'administration de la holding conserve la composition actuelle du conseil d'administration des sociétés nationales de programme, cette structure permettant au CSA de conserver, directement ou indirectement, la maîtrise de la désignation des dirigeants.

De ce fait, l'organe de régulation continuera à être placé dans une position particulière et originale puisqu'il est tout à la fois l'autorité qui nomme les dirigeants et celle qui contrôle le respect de leurs obligations par les sociétés. Le rapporteur ne peut manquer de s'interroger sur la cohérence globale d'une telle construction juridique qui limite considérablement les pouvoirs de l'actionnaire et le prive de sa principale prérogative, à savoir la désignation du dirigeant auquel il confie son entreprise, alors même qu'il dénature la fonction de l'organe de régulation en lui confiant une mission de nomination qui le place, de facto, dans la position peu confortable de juge et partie.

L'argument de la sanction constitutionnelle étant cependant imparable, le rapporteur se contentera de proposer, par voie d'amendement, des dispositions à même de garantir une plus grande transparence dans le processus de nomination des dirigeants de chaînes par le CSA.

La société holding France Télévision est donc dotée d'un conseil d'administration de douze membres qui comprend quatre personnalités qualifiées désignées par le CSA, quatre représentants de l'Etat, deux parlementaires désignés par l'Assemblée nationale et le Sénat et deux représentants élus du personnel. Cette composition est la même que celle actuellement prévue pour les sociétés nationales de programme. Seule la précision selon laquelle les représentants de l'Etat sont nommés par décret a été supprimée, cette procédure étant systématique pour toutes les sociétés dont la majorité du capital est détenue directement par l'Etat ( article 5 du décret n° 94-582 du 12 juillet 1994 relatif aux conseils et aux dirigeants des établissements publics et des entreprises du secteur public).

Le CSA nomme le président de France Télévision qui est également président du conseil d'administration de chacune des filiales (France 2, France 3 et La Cinquième-ARTE). En effet, chaque chaîne est également dotée d'un conseil d'administration de sept membres, composé de deux représentants de l'Etat nommés par décret, d'une personnalité qualifiée désignée par le CSA, de deux parlementaires désignés par l'Assemblée nationale et le Sénat et de deux représentants élus du personnel.

Pour assurer un fonctionnement harmonieux de l'ensemble des sociétés, les directeurs généraux des chaînes filiales seront désignés par le conseil d'administration de France Télévision, sur proposition de son président. Les statuts du groupe France Télévision devraient instaurer un comité de direction comprenant les directeurs généraux des chaînes et, le cas échéant, ceux d'autres filiales. Ce comité assistera le président de France Télévision, notamment dans la préparation des budgets et des contrats d'objectifs et de moyens.

Cette réforme renforce donc le rôle du CSA dans le choix des dirigeants de l'audiovisuel public puisque le président de France Télévision, qu'il désigne, présidera désormais, outre les conseils d'administration de la holding, de France 2 et de France 3, celui de la société La Cinquième-ARTE, alors qu'auparavant le président de La Cinquième était élu par son conseil d'administration et celui de La Sept-ARTE, nommé par le conseil de surveillance parmi les membres du directoire.

· Pour les autres sociétés nationales de programmes, c'est-à-dire RFO, Radio France et RFI (articles 47-2 et 47-3 nouveaux), la composition du conseil d'administration est comparable à celle retenue pour le groupe France Télévision ; le président est nommé par le CSA parmi les administrateurs qu'il a désignés, à l'exception de RFI où il doit être choisi parmi les représentants de l'Etat, cette société exerçant, de par son rôle international, une mission de souveraineté.

· Le présent article porte par ailleurs à cinq ans la durée des mandats sociaux dans l'ensemble des conseils d'administration, contre trois ans actuellement, alignant ainsi le secteur public de la communication audiovisuelle sur le reste du secteur public.

La durée actuelle de trois ans est traditionnelle dans l'audiovisuel public. Comme cela a été précisé dans la présentation générale, la loi de 1964 sur l'ORTF et la loi de 1972 sur la radiotélévision française prévoyaient déjà des mandats de trois ans et la loi de 1974 d'éclatement de l'ORTF a maintenu cette durée, celle-ci étant à l'époque considérée comme suffisante pour garantir une certaine stabilité aux organes dirigeants.

La loi du 30 septembre 1986 a également conservé cette disposition pour l'ensemble des organismes de l'audiovisuel public puisqu'elle fixe à trois ans la durée du mandat des membres des conseils d'administration des cinq sociétés nationales de programme visées par l'article 44 (Radio France, France 2, France 3, RFO et RFI), celle du mandat de président étant alignée sur cette durée par les statuts de ces cinq sociétés. Pour La Cinquième par contre, la « loi Carignon » est restée muette sur la question : ce sont les statuts qui fixent à trois ans la durée du mandat des administrateurs et du président. Enfin, la loi fixe à trois ans la durée des mandats d'administrateur et de président de l'INA (article 50 de la loi de 1986).

Le débat sur l'allongement de la durée des mandats des organes dirigeants de l'audiovisuel public est une question récurrente depuis une dizaine d'années, qui fut notamment examinée par le groupe de travail sur le secteur public de l'audiovisuel lancé par Mme Catherine Tasca en 1989 ou encore la commission Campet sur l'avenir de la télévision publique mise en place par M. Alain Carignon en 1993. L'objectif visé était toujours le même : donner au service public de l'audiovisuel la stabilité nécessaire pour être efficace dans le contexte concurrentiel qui est désormais le sien.

C'est pour répondre à cette exigence que le présent article aligne la durée du mandat des dirigeants des sociétés de l'audiovisuel public sur celles des dirigeants des entreprises publiques telle qu'elle résulte de l'article 11 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, soit cinq ans.

Seul l'Institut national de l'audiovisuel reste en dehors de ce dispositif, alors que l'exposé des motifs du projet de loi l'inclut dans la mesure de relèvement à cinq ans des mandats sociaux. C'est une erreur que le rapporteur s'attachera à réparer par voie d'amendement.

· Enfin, l'article 47-4 se contente de reprendre, sous une nouvelle rédaction, des dispositions figurant déjà dans la loi actuelle. Il précise :

- d'une part que les mandats des membres des conseils d'administration des sociétés visées par le présent article peuvent leur être retirés dans les mêmes formes que celles dans lesquelles ils leur ont été confiés (donc par la même autorité et, pour les représentants de l'Etat, par décret),

- d'autre part que la voix du président est prépondérante en cas de partage au sein d'un organe dirigeant. En droit commun, cette disposition relève des statuts des sociétés ; elle doit donc, dans le cas présent, figurer dans la loi.

*

La commission a examiné en discussion commune un amendement de M. Patrick Leroy et un amendement de M. Noël Mamère, visant à modifier la composition des conseils d'administration de la holding France Télévision et de chacune de ses filiales.

M. Patrick Leroy a rappelé l'opposition de son groupe à la création d'une holding.

La commission a rejeté l'amendement de M. Patrick Leroy.

M. Noël Mamère a souligné que l'objet de son amendement était différent puisqu'il visait à éviter une coupure entre la holding et les conseils d'administration des chaînes filiales en prévoyant la présence de représentants de France Télévision dans ces derniers.

Le rapporteur a rappelé que la rédaction du texte avait été soigneusement pesée, qu'elle tenait notamment compte des avis du Conseil d'Etat et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Si le souci d'éviter la dispersion entre la holding et les conseils d'administrations des chaînes publiques est louable, le caractère global de la rédaction de l'amendement pose néanmoins difficulté. Il lui sera partiellement donné satisfaction à travers plusieurs amendements déposés sur l'article.

M. Michel Tamaya s'est interrogé sur la possibilité de désigner le PDG de RFO comme membre du conseil d'administration de France-Télévision.

M. Rudy Salles a, quant à lui, souligné la nécessité de créer des passerelles entre la holding et ses filiales.

A l'issue du débat, M. Noël Mamère a retiré son amendement.

Article 47 de la loi du 30 septembre 1986

Capital des sociétés publiques

La commission a examiné un amendement de M. Christian Kert ne laissant à l'Etat que la majorité du capital de France Télévision afin de permettre une ouverture du capital au public et aux personnels du groupe.

M. Christian Kert a précisé que cette ouverture de capital ne relevait pas de la volonté de privatiser un service public auquel il s'est déclaré attaché mais qu'elle visait simplement à tenter d'ouvrir le monde un peu clos de France Télévision sur l'extérieur.

Le rapporteur a déclaré que le sujet n'était pas à l'ordre du jour.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a rejeté l'amendement n° 12 de M. Renaud Muselier, renvoyant l'approbation des statuts des sociétés France 2, France 3 et la Cinquième-Arte à un décret en Conseil d'Etat.

Article 47-1 de la loi du 30 septembre 1986 :

Conseil d'administration de France Télévision et de ses filiales

La commission a rejeté l'amendement n° 13 de M. Renaud Muselier ramenant le nombre de membres du conseil d'administration de la holding de douze à dix afin de limiter la présence des représentants de l'Etat, après que le rapporteur a observé, sur ce dernier point, qu'on ne pouvait pas affaiblir la présence de l'Etat, actionnaire unique à hauteur de 15 milliards, dans le conseil d'administration.

La commission a examiné deux amendements de M. Rudy Salles portant le nombre des membres du conseil d'administration de la société France Télévision de douze à dix-huit afin d'y assurer une présence plus importante des représentants du Parlement et de l'Etat et d'y introduire un représentant des associations familiales.

M. Rudy Salles s'est déclaré, après réflexion, prêt à substituer au représentant des associations familiales un représentant des téléspectateurs issu du Conseil créé par l'amendement du rapporteur. Il a justifié la présentation de ces deux amendements par le mauvais fonctionnement des conseils d'administration des sociétés de télévision.

Le rapporteur a reconnu que les conseils d'administrations actuels ne fonctionnaient pas bien et qu'il y avait là matière à réflexion. Cependant, une modification profonde de la structure des futurs conseils d'administration ne constitue pas une réponse adaptée. Le problème fondamental est que l'Etat n'est pas suffisamment outillé et qu'il ne dispose notamment pas d'une véritable stratégie audiovisuelle.

La commission a rejeté les deux amendements de M. Rudy Salles.

La commission a rejeté deux amendements identiques de M. Patrick Leroy et n° 14 M. Renaud Muselier réduisant le nombre de représentants de l'Etat au sein du conseil d'administration de France Télévision de quatre à deux.

La commission a examiné un amendement de M. Christian Kert précisant que les représentants de l'Etat au conseil d'administration de France Télévision sont nommés par décret en fonction de leur compétence en matière audiovisuelle.

M. Pierre-Christophe Baguet a souligné la nécessité de mettre fin à la rotation trop rapide des représentants de l'Etat au sein de ce conseil d'administration.

Le rapporteur a observé que les représentants au conseil d'administration faisaient déjà l'objet d'une nomination par décret. Par ailleurs, sur le fond de l'amendement, les critères présidant à la désignation par l'Etat de ses représentants ne peuvent être fixés par la loi et relèvent de la seule appréciation du pouvoir exécutif.

M. Michel Françaix a jugé la rotation trop rapide des représentants de l'Etat préjudiciable au bon fonctionnement du conseil d'administration. La solution proposée par l'amendement n'est sans doute pas adaptée, mais elle a le mérite d'ouvrir un débat utile.

A l'issue de ce débat, M. Pierre-Christophe Baguet a retiré l'amendement de M. Christian Kert.

La commission a rejeté un amendement de M. Patrick Leroy réduisant à deux le nombre de personnalités qualifiées au conseil d'administration de France Télévision.

La commission a examiné un amendement de M. Christian Kert prévoyant que parmi les quatre personnalités qualifiées nommées par le CSA au conseil d'administration de la holding, doit figurer un représentant du monde de la création audiovisuelle et cinématographique.

M. Noël Mamère a indiqué que son amendement de rédaction globale avait le même objet et qu'il cosignerait donc celui-ci.

La commission a adopté cet amendement, après que le rapporteur a donné un avis favorable.

M. Christian Kert a retiré un amendement visant, de la même manière, à ce qu'une des personnalités qualifiées soit un représentant des associations familiales.

La commission a adopté un amendement du rapporteur prévoyant que deux des quatre personnalités qualifiées nommées par le CSA au conseil d'administration de France Télévision sont choisies parmi les membres téléspectateurs du Conseil national des programmes.

En conséquence, l'amendement n° 15 de M. Renaud Muselier est devenu sans objet.

La commission a rejeté un amendement de M. Patrick Leroy portant à quatre le nombre de représentants du personnel au conseil d'administration de la holding.

La commission a rejeté un amendement de M. Patrick Leroy visant à faire participer les directeurs généraux des sociétés France 2, France 3 et La Cinquième au conseil d'administration du groupe.

La commission a examiné un amendement de M. Patrick Leroy prévoyant que le conseil d'administration de France Télévision élit pour cinq ans, à la majorité des représentants qui le composent, son président parmi les personnalités désignées par le CSA.

Le rapporteur a indiqué qu'un tel amendement, même si il était tentant de l'accepter, ne pouvait être adopté par la commission puisque la désignation du président de France Télévision par le CSA est considérée par le Conseil constitutionnel comme une garantie importante de la liberté de communication.

La commission a rejeté cet amendement.

La commission a ensuite adopté un amendement rédactionnel de M. Christian Kert.

La commission a examiné un amendement de M. Patrick Leroy visant à donner aux directeurs généraux la responsabilité éditoriale des sociétés qu'ils dirigent.

Le président Jean Le Garrec a observé que, d'une part, ce n'était pas à la loi de fixer de manière aussi précise les attributions des directeurs généraux et que, d'autre part, les missions précisées par cet amendement étaient contradictoires avec la nécessaire cohérence de la holding.

Après avis négatif du rapporteur, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Rudy Salles visant à choisir les membres des conseils d'administration des filiales parmi les membres du conseil d'administration de France Télévision afin d'éviter des stratégies isolées.

Le rapporteur a déclaré s'opposer à cette vision trop intégrée de la holding.

La commission a rejeté cet amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Christian Kert visant à ce que le directeur général de chaque société soit mandataire social et membre du conseil d'administration de la société qu'il dirige.

Le rapporteur a indiqué que le directeur général assiste aux conseils d'administration mais, conformément au droit commun, n'a pas à être membre de celui-ci.

M. Noël Mamère a précisé que la fonction de directeur général était une fonction d'exécution de la politique décidée par le conseil d'administration.

La commission a rejeté cet amendement, ainsi qu'un amendement de conséquence de M. Christian Kert.

La commission a rejeté l'amendement n 16 de M. Renaud Muselier visant à limiter à un le nombre des représentants de l'Etat au sein des conseils d'administration des sociétés France 2, France 3 et La Cinquième-ARTE.

La commission a examiné un amendement du rapporteur prévoyant que l'un des deux administrateurs nommés par l'Etat aux conseils d'administration des filiales de la société France Télévision appartient également au conseil d'administration de la holding.

Le rapporteur a précisé que cette disposition permettra à l'actionnaire public d'avoir une meilleure vue d'ensemble des problèmes et des enjeux communs à France Télévision et à ses filiales.

M. Michel Françaix ayant indiqué qu'une coordination entre La Cinquième et la holding devait également être prévue, le rapporteur a précisé que cela était compris dans l'article.

M. Rudy Salles a souhaité qu'il y ait deux représentants de France Télévision dans les conseils d'administration des filiales.

Le président Jean Le Garrec a noté que les représentants de la holding dans les conseils d'administration des chaînes seraient en fait au nombre de deux : le président et l'un des administrateurs nommés par l'Etat.

La commission a adopté l'amendement.

La commission a rejeté un amendement de M. Christian Kert prévoyant que les membres des conseils d'administration des sociétés de la holding sont désignés par l'assemblée générale des actionnaires, après que son auteur a indiqué que ce dispositif était lié à un amendement précédent sur l'ouverture du capital de la holding.

La commission a examiné l'amendement n° 17 de M. Renaud Muselier visant à permettre la représentation des téléspectateurs parmi les personnalités qualifiées membres du conseil d'administration des sociétés France 2, France 3 et La Cinquième-ARTE.

Le rapporteur a indiqué que cet amendement était devenu inutile dans la mesure où avait été adopté un amendement prévoyant la représentation au conseil d'administration de France Télévision de deux membres téléspectateurs du Conseil national des programmes.

La commission a rejeté l'amendement.

M. Christian Kert a retiré un amendement visant à diminuer le nombre de représentants de l'Etat au sein des conseils d'administration.

La commission a ensuite rejeté un amendement de M. Rudy Salles tendant à ajouter un représentant des familles nommés par l'Union nationale des associations familiales à la composition du conseil d'administration de la société France Télévision.

La commission a rejeté un amendement de M. Patrick Leroy ajoutant au conseil un représentant des téléspectateurs.

Article 47-2 de la loi du 30 septembre 1986

Conseil d'administration de RFO, Radio France et RFI

La commission a rejeté une série d'amendements déposés respectivement par MM. Patrick Leroy, Renaud Muselier (n°s 18, 19 et 20) et Christian Kert tendant à apporter aux conseils d'administration des différentes filiales des modifications identiques à celles préalablement rejetées par la commission pour la holding.

Article 47-3 de la loi du 30 septembre 1986

Nomination des présidents de RFO, Radio France et RFI

En cohérence avec ses décisions précédentes, la commission a rejeté un amendement de M. Patrick Leroy disposant que le président de Radio-France est désigné par le conseil d'administration de la société et non par le CSA.

La commission a examiné un amendement de M. Noël Mamère tendant à ce que le président de RFI soit désormais nommé par le CSA dans les mêmes conditions que ceux de RFO et Radio-France.

M. Michel Françaix s'est associé à cet amendement tout en évoquant les difficultés créées pour le ministère des affaires étrangères.

La commission a adopté cet amendement après que le rapporteur a indiqué son accord.

L'amendement n° 17 de M. Renaud Muselier est, en conséquence, devenu sans objet.

Article 47-3 bis de la loi du 30 septembre 1986

Procédure de nomination des présidents de chaînes par le CSA

La commission a examiné un amendement du rapporteur visant à instaurer une plus grande transparence dans le processus de nomination des présidents de chaînes par le CSA en rendant obligatoire la motivation des décisions et la publication des auditions et débats du Conseil.

M. Noël Mamère a proposé de rendre publiques ces auditions et M. Patrick Bloche a souhaité que soient désormais connus les résultats des votes.

Le président Jean Le Garrec a indiqué que l'amendement présenté par le rapporteur constituait déjà un progrès significatif vers une transparence accrue du processus de nomination par le CSA et qu'il convenait sans doute de s'y tenir pour le présent.

La commission a adopté cet amendement à l'unanimité.

La commission a adopté l'article 4 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 4

(article 48 bis nouveau de la loi du 30 septembre 1986)

Interdiction de la reprise en exclusivité des chaînes de service public diffusées par voie hertzienne par un distributeur d'offre groupée de programmes

La commission a examiné en discussion commune deux amendements du rapporteur et de M. Noël Mamère tendant à interdire la reprise en exclusivité des programmes des chaînes publiques diffusés par voie hertzienne par un distributeur d'offres groupées de programmes, comme c'est le cas aujourd'hui pour France 2 et France 3 sur TPS.

MM. Christian Kert et Pierre-Christophe Baguet ont indiqué que cette question avait fait l'objet d'un avis de la Commission européenne validant cet accord jusqu'à la fin 1999 et le considérant comme favorable au développement de la concurrence sous réserve d'en réduire la durée initialement fixée à neuf ans.

M. Renaud Muselier s'est inquiété de cette remise en cause d'un engagement contractuel de l'Etat et de la nécessité d'une indemnisation au titre de cette rupture.

M. Pierre-Christophe Baguet a également souligné le coût que pourrait représenter le retrait de France Télévision de TPS.

Le rapporteur a indiqué que ce risque était relativement faible, notamment en raison de la présence dans la convention liant France Télévision et TPS d'une clause relative aux évolutions de la législation.

Le président Jean Le Garrec a rappelé que le service public n'étant pas à l'origine demandeur de cette association et qu'il avait, au contraire, été sollicité.

M. Noël Mamère a indiqué que cette situation étant la conséquence de l'absence de politique industrielle du service public qui aurait dû pouvoir créer son propre bouquet. Il a retiré son amendement au profit de celui du rapporteur.

M. Michel Françaix s'est déclaré favorable à l'amendement en indiquant qu'il s'agissait à cette occasion de manifester clairement la volonté du Parlement à l'égard du service public.

La commission a adopté cet amendement.

Article 5

(article 49 de la loi du 30 septembre 1986)

Institut national de l'audiovisuel (INA)

Cet article propose une nouvelle définition des missions de l'Institut national de l'audiovisuel (INA) afin d'assurer la modernisation et la cohérence de ses activités actuelles ainsi que leur recentrage sur les domaines de la conservation, de l'exploitation et de la mise à disposition des archives audiovisuelles, pour lesquels la compétence de l'Institut est la mieux établie.

· L'INA, créé en 1974 lors de l'éclatement de l'ORTF, est le dernier établissement industriel et commercial du secteur public de l'audiovisuel. Cette spécificité s'explique par la nature mixte de ses missions, définies par l'article 49 de la loi du 30 septembre 1986, précisées par le cahier des charges fixé par décret du 13 novembre 1987 et complétées par la loi n° 92-546 du 20 juin 1992 sur le dépôt légal audiovisuel. En effet, si certaines de ces missions - le dépôt légal - relèvent clairement de l'exercice d'une mission régalienne, les autres correspondent à des activités s'exerçant sur un marché, mais en tenant compte d'obligations particulières.

Trois missions principales, dont seule la première est désormais rendue obligatoire par la loi de 1986, sont actuellement exercées par l'INA :

- La conservation et l'exploitation des archives du secteur public de l'audiovisuel : il s'agit là de la mission principale de l'Institut.

Le cahier des charges de l'INA précise que les chaînes du secteur public doivent déposer :

- d'une part, les éléments constitutifs (en principe les originaux sur un support conforme aux normes professionnelles de diffusion) de certaines de leurs émissions (documents, fictions, une partie des émissions répétitives telles que les jeux ...) ;

- d'autre part, les documents administratifs et juridiques (dossiers de production) nécessaires à la commercialisation de ces émissions.

L'Institut « peut également passer des conventions avec toutes personnes morale de droit public ou de droit privé pour la conservation et l'exploitation de ses archives audiovisuelles ». Avant sa privatisation, lancée par la loi de 1986, TF1 était soumise à l'obligation de dépôt de ses _uvres à l'INA. Après cette date, l'Institut, aux termes d'un contrat passé avec TF 1 sur le fondement de cette nouvelle disposition de la loi du 30 septembre 1986, a poursuivi à l'égard de la chaîne sa mission d'archivage. TF1 ayant mis en place à partir de 1994 un système interne d'archivages de ses documents, l'INA a depuis perdu un de ses principaux clients.

En ce qui concerne l'exploitation de ces archives, la loi du 29 juillet 1982 avait introduit une innovation de taille par rapport au système mis en place en 1974, en transférant la propriété des archives des sociétés nationales de programme à l'INA à l'issue d'un délai de cinq ans après la date de leur première diffusion.

Ces dispositions ayant été vivement contestées, la loi du 30 septembre 1986 a en partie redéfini le régime de propriété des archives et le droit d'utilisation prioritaire de ces documents par les sociétés nationales de programme et TF1.

Actuellement, l'INA est donc substitué dans les droits et obligations, notamment le droit de propriété, attachés à :

- toutes les _uvres diffusées par l'ORTF ;

- toutes les _uvres diffusées par TF1 jusqu'au 29 juillet 1982 ;

- toutes les fictions diffusées sur France 2 et France 3 jusqu'au 1er janvier 1981 23 ;

- toutes les émissions autres que les fictions trois ans après leur première diffusion sur France 2 et France 3, à l'exception des coproductions pour lesquelles la contribution de la chaîne est inférieure aux deux tiers.

Les sociétés nationales de programme et TF1 bénéficient cependant d'un droit d'utilisation prioritaire de leurs archives audiovisuelles dont l'INA a la propriété.

La formation et la recherche :

L'INA, de par la loi de 1986, a également la possibilité d'assurer ou de faire assurer la formation continue des personnels du secteur de l'audiovisuel (par le biais de conventions avec les sociétés publiques ou privées du secteur) et de contribuer à la formation initiale et à l'enseignement supérieur dans le domaine de la communication audiovisuelle, avec notamment le concours de l'école nationale supérieure des métiers de l'image et du son.

L'INA est également habilité à effectuer des recherches, des études et des expérimentations sur l'évolution des systèmes de communication audiovisuelle. Il s'intéresse en particulier au renouvellement des modes de fabrication de images et des sons pour la production audiovisuelle par la mise en _uvre de nouvelles technologies faisant appel aux techniques numériques et informatiques ainsi qu'à l'interactivité.

Toujours au titre de la recherche, l'INA peut produire ou coproduire des _uvres et des documents audiovisuels. Ceux-ci doivent tendre à renouveler l'expression et la communication audiovisuelles, notamment par la recherche d'écritures et de formules originales, d'accueil de nouveaux créateurs, l'expérimentation de dispositifs et de procédures de reproductions, la diversification des techniques de fabrication. Une définition aussi précise exclut pour l'INA la possibilité de produire des _uvres audiovisuelles de fiction à vocation exclusivement commerciale. C'est d'ailleurs le sens de l'avis qu'avait formulé la commission nationale de la communication et des libertés (CNCL) sur le cahier des missions et des charges de l'INA24 en estimant que « l'institut n'est investi, par la loi, d'une activité de production qu'autant que celle-ci est accomplie dans le cadre de sa mission de recherche et d'exploitation des archives ».

- Enfin, en application de la loi du 20 juin 1992 précitée, l'INA est responsable du dépôt légal audiovisuel (documents audiovisuels et sonores d'origine française ayant fait l'objet d'une première diffusion ou d'une rediffusion à partir du 1er janvier 1995), qu'il gère pour le compte de l'Etat. Bien que de portée générale dans la loi, l'obligation de dépôt n'est organisée qu'à l'égard des sept chaînes nationales hertziennes et des cinq stations de Radio France.

L'INA est non seulement chargé de recueillir et de conserver ces documents, mais aussi de participer à la constitution et à la diffusion des bibliographies nationales correspondantes et de mettre ces documents à la dispositions du public pour consultation. Celle-ci s'effectue, sous réserve des secrets protégés par la loi, dans des conditions conformes à la législation sur la propriété intellectuelle et compatibles avec leur conservation.

En octobre 1998, le centre de consultation des archives audiovisuelles de l'INA a été ouvert au sein de la Bibliothèque nationale de France. L'Inathèque offre à la consultation plus de 500 000 heures d'archives télévisuelles et sonores, pour l'heure postérieures à 1986.

· Depuis le statut de 1986, le paysage audiovisuel a beaucoup évolué autour de l'INA, et sa position s'en est trouvée profondément modifiée. Les évolutions techniques (passage de l'analogique au numérique facilitant la réintégration chez les diffuseurs des fonctions documentaires utiles à leur exploitation propre), institutionnelles (création de la Sept-ARTE, pôle public de production expérimentale), et économiques (développement d'un secteur privé fort mettant un terme à la quasi-exhaustivité de l'INA en matière de collecte, de gestion et d'exploitation des archives audiovisuelles issues des diffuseurs) du secteur n'ont pourtant pas vraiment conduit l'Institut à revoir en profondeur le contenu et les orientations de ses activités.

Ainsi, l'INA n'est plus aujourd'hui le service des archives du secteur audiovisuel, ni même celui du secteur public, puisque La Sept-ARTE et La Cinquième n'ont pas été incluses dans le champ des obligations de dépôt. Cette évolution a fragilisé la légitimité professionnelle de l'Institut et a fait de France 2 et de France 3 les principaux financeurs d'un système d'archivage bénéficiant à l'ensemble de la profession, ce qui est devenu de moins en moins supportable.

En même temps, le flux d'archives entrantes est demeuré considérable, sans que l'INA modifie en profondeur sa doctrine documentaire et mette en place une véritable politique de sauvegarde des fonds.

De plus, le départ inévitable de TF1 à la suite de sa privatisation a mis en évidence le fait que les archives constituent pour tout diffuseur un actif chèrement constitué dont il souhaite légitimement s'assurer la maîtrise documentaire. Face à cette exigence stratégique essentielle pour toute chaîne cherchant à valoriser son actif le plus rentable, c'est à dire ses programmes, aucune réflexion n'a été menée pour restructurer les relations d'archivage entre l'INA et ses principaux clients, France 2 et France 3. La dévolution des droits de propriété et d'exploitation au profit de l'Institut s'est trouvée de plus en plus contestée dans son principe, contestation à laquelle l'INA a opposé la nécessité d'assurer l'alimentation en programmes d'archives de l'ensemble du secteur.

Il devenait donc urgent, comme l'a préconisé en mars 1998 un rapport du service juridique et technique de l'information et de la communication réalisé à la demande de Mme la ministre de la culture et de la communication, de mettre fin à ces blocages et à ces conflits d'intérêts en clarifiant les missions et le rôle de l'INA ainsi que le cadre de ses relations avec les diffuseurs publics. Une partie des préconisations de ce rapport sont reprises dans le présent article.

· Le statut de l'établissement n'est pas modifié : l'INA demeure, de par la loi, un établissement public à caractère industriel et commercial. La nouvelle rédaction du premier alinéa de l'article 49 se contente d'actualiser la définition de ses missions. A la conservation et l'exploitation des archives audiovisuelles des sociétés nationales de programme, est substituée une mission de conservation et de mise en valeur du patrimoine audiovisuel national, ce qui permet tout à la fois de recentrer l'Institut sur sa mission patrimoniale fondamentale de conservation et d'ouvrir le champ de cette activité à l'ensemble du secteur audiovisuel, et non pas seulement aux sociétés nationales de programme (expression qui excluait bien évidemment le secteur privé, mais également La Cinquième-ARTE).

Cette double volonté de recentrage et d'ouverture est confirmée par le deuxième alinéa de l'article qui précise que, si l'INA assure la conservation des archives des sociétés nationales de programme et de la société La Cinquième-ARTE, elle ne fait plus que « contribuer » à leur exploitation.

L'obligation de dépôt persiste donc et est même étendue aux archives de la société La Cinquième-ARTE, mais les modalités de l'exploitation de ces archives, ainsi que la nature, les tarifs et les conditions financières des prestations documentaires fournies par l'INA aux différentes sociétés seront désormais fixés de façon conventionnelle. Cette évolution vers des rapports partenariaux devrait permettre l'instauration d'une relation de fournisseur à client entre l'INA et les différentes chaînes publiques et, ainsi, une meilleure adaptation des prestations servies tant aux attentes des diffuseurs qu'aux missions patrimoniales d'intérêt général dont l'Institut a la charge.

L'article précise également que ces conventions seront approuvées par arrêté conjoint des ministres chargés du budget et de la communication, afin que l'équilibre entre les parties à la négociation puisse être garanti. En l'absence d'une telle homologation, les rapports risquaient d'être trop inégaux entre la holding France Télévision d'une part et l'INA d'autre part.

· les troisième, quatrième, cinquième et sixième alinéas du nouvel article 49 sont les plus novateurs puisque, comme cela avait été recommandé dans le rapport du SJTIC25, ils mettent fin à la dévolution à l'INA, au bout de trois ans, des droits de propriété sur les archives audiovisuelles des sociétés nationales de programme et lui substituent un droit d'exploitation des extraits des archives de l'ensemble des diffuseurs publics, un an après leur première diffusion.

Cette disposition n'est pas rétroactive puisque le quatrième alinéa de l'article précise que l'Institut « demeure propriétaire et assure la conservation et l'exploitation des archives audiovisuelles » dont la propriété lui a été dévolue ou qu'il aura acquises avant la publication de la présente loi.

A l'avenir donc, les sociétés France 2, France 3, La Cinquième-ARTE (pour les archives correspondant aux activités actuelles de La Cinquième et de La Sept-ARTE), RFO, Radio France et RFI conserveront l'intégralité des droits de propriété sur toutes leurs archives audiovisuelles, quelle qu'en soit la nature. Celles-ci continueront cependant à être déposées à l'INA, qui en assurera la conservation et bénéficiera en outre, au bout d'un an, d'un droit à l'exploitation des extraits. Cette innovation appelle plusieurs commentaires.

L'INA bénéficie d'un droit affirmé par la loi : celui-ci ne pourra donc pas lui être refusé ou contesté par les différentes sociétés propriétaires des archives et porte sur l'intégralité des dépôts (qu'il s'agisse ou pas d'_uvres de fiction). L'exploitation des extraits correspond pleinement aux compétences et missions de l'INA et, tout comme la conservation du patrimoine audiovisuel, constitue un véritable métier, tant sur le plan technique et informatique que juridique (relations avec les ayants droit), pour lequel les chaînes ne sauraient être équipées de façon satisfaisante. L'article n'institue cependant pas un droit exclusif d'exploitation des extraits au profit de l'INA afin que, dans certains cas d'urgence ou particuliers, les chaînes puissent également avoir cette possibilité.

La pleine application de ce droit appellera nécessairement une définition de la notion même d'extrait. La faire figurer dans la loi était difficile, en raison de son évidente complexité, les critères à prendre en compte pouvant être variables selon la nature de l'archive (émissions de flux ou de stock, information ou fiction, etc...). Cette définition relève plutôt des cahiers des charges de l'INA et des différentes sociétés. Cette précision pourrait d'ailleurs utilement être rajoutée.

Le droit d'exploitation des intégrales est rendu aux chaînes pour les productions postérieures à la publication de la loi. Si cette mesure semble logique puisqu'elle qu'elle permet aux opérateurs publics de retrouver une relative maîtrise de la gestion des actifs stratégiques que sont les programmes, il convient cependant d'en relativiser la portée. En effet, comme cela a été signalé plus haut, depuis la loi du 30 septembre 1986, toutes les fictions et toutes les coproductions dans lesquelles la chaîne entre pour moins des deux tiers du budget échappent d'ores et déjà à l'Institut, et les émissions de flux sont essentiellement exploitées sous forme d'extraits. De plus, s'il est vrai que le marché des chaînes thématiques représente un potentiel nouveau pour l'exploitation des intégrales, leurs moyens sont encore très réduits alors que les prix de l'heure de programme pratiqués par l'INA demeurent relativement élevés.

Cependant, pour compenser cet éventuel manque à gagner, le sixième alinéa de l'article prévoit que l'INA « peut procéder à des acquisitions de droits d'exploitation de documents audiovisuels et recevoir des dons et legs ». Cette disposition permettra également à l'Institut de se porter acquéreur de catalogues lui permettant de compléter ses collections et de conforter ainsi l'exécution de sa mission patrimoniale.

Enfin, toujours en ce qui concerne l'exploitation des archives, l'article conserve certaines dispositions du texte actuel. Ainsi, il précise que les chaînes publiques et la société TF1 conservent un droit d'utilisation prioritaire, par rapport à d'autres clients potentiels, de leurs archives dont la propriété a été transférée à l'INA, droit d'utilisation qu'il ne faut pas confondre avec un accès gratuit. Par ailleurs, le sixième alinéa de l'article rappelle que l'Institut peut passer des conventions avec toutes personnes morales pour la conservation et l'exploitation de ses archives audiovisuelles.

· En ce qui concerne la mission de l'INA relative au dépôt légal audiovisuel, le septième alinéa de l'article 49 reprend intégralement les dispositions actuelles, telles qu'elles ont été précisées précédemment.

· Par contre, la définition des missions facultatives de formation et de recherche connaît une évolution. Le huitième alinéa de l'article s'inscrit dans la logique de recentrage de l'Institut sur sa mission fondamentale de conservation et mise en valeur du patrimoine audiovisuel en modernisant la rédaction des dispositions relatives à la formation et en resserrant le champ des activités de production et de recherche.

En ce qui concerne la formation, les nouvelles dispositions permettent de lever l'ambiguïté de la rédaction actuelle qui donnait tout à la fois une possibilité et une sorte de monopole à l'INA en matière de formation continue des personnels de l'audiovisuel (sans qu'il soit d'ailleurs précisé s'il s'agit de personnels du secteur public et/ou du secteur privé). Tout monopole étant bien évidemment exclu dans ce domaine, il est désormais prévu que, tant en ce qui concerne la formation initiale et supérieure que la formation continue aux « métiers de la communication audiovisuelle », l'INA apporte une simple contribution, ce qui semble plus conforme à la réalité.

Quant aux activités de recherche et de production, elles devront désormais avoir un lien manifeste avec la mission fondamentale de l'Institut, c'est à dire l'archivage. En effet, s'il semble normal que l'INA fasse des recherches et réalise des productions pour améliorer les conditions de conservation et de valorisation des archives qu'il détient et expérimenter de nouveaux modes ou types de production de ressources audiovisuelles et sonores, il n'est pas de sa compétence de se transformer en producteur ou coproducteur pour des _uvres n'ayant rien à voir avec son activité et ses spécificités.

Le rapporteur considère cependant que la rédaction retenue pour l'article, qui écarte toute possibilité de production pour ne retenir qu'une simple contribution « à la diffusion de l'innovation dans le domaine des techniques de production et de communication de documents audiovisuels » est trop limitative et mériterait d'être revue.

· Enfin, le dernier alinéa précise que le cahier de missions et des charges de l'Institut est fixé par décret. Dans l'ancienne rédaction, cette disposition figurait dans le premier alinéa de l'article.

*

La commission a rejeté un amendement de suppression de l'article de M. Patrick Leroy.

La commission a rejeté un amendement de M. Noël Mamère précisant que les modalités techniques et financières de conservation et d'exploitation des documents archivés des sociétés publiques font l'objet de conventions entre l'INA et les sociétés concernées.

La commission a ensuite adopté deux amendements identiques de M. Noël Mamère et du rapporteur prévoyant que la notion d'extrait d'une _uvre audiovisuelle sera précisée par les cahiers des charges de l'INA et des différents diffuseurs.

La commission a examiné un amendement de M. Christian Kert supprimant de façon rétroactive le transfert de propriété des archives des chaînes publiques à l'INA depuis le 30 septembre 1986.

M. Pierre-Christophe Baguet a considéré qu'il convenait d'assurer les mêmes conditions de transfert de l'exploitation des droits à la société de holding France Télévision que celles qui avaient été jadis prévues pour TF1 lors de sa privatisation.

Le rapporteur s'étant déclaré défavorable à l'amendement au motif qu'il remet en cause l'équilibre des missions confiées à l'INA, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a rejeté l'amendement de M. Noël Mamère étendant aux fonds d'archives antérieurs à 1992 l'obligation pour l'INA d'assurer les conditions d'une consultation publique et précisant la portée des missions de recherche et d'innovation de l'Institut, le rapporteur ayant considéré que l'amendement modifiait la mission de dépôt légal confiée à l'INA et indiqué qu'un amendement ultérieur, dont il est l'auteur, proposerait de clarifier les missions de l'INA en matière d'innovation, de recherche et de production.

La commission a adopté un amendement de M. Patrick Leroy précisant le rôle de l'INA en matière d'innovation, de formation continue et initiale, de recherche et de production dans le domaine audiovisuel, le rapporteur s'étant déclaré favorable à la restauration d'une certaine capacité de production de l'INA pour peu que celle-ci s'exerce dans le cadre de ses missions fondamentales.

En conséquence, les amendements de M. Noël Mamère et du rapporteur proposant un dispositif voisin sont devenus sans objet.

La commission a examiné un amendement de M. Noël Mamère proposant d'étendre les missions de formation et d'innovation de l'INA au développement de canaux locaux d'accès public.

M. Noël Mamère a rappelé l'intérêt des canaux d'accès public qui permettent de créer des chaînes locales de libre accès diffusées par câble et souligné le succès de ces canaux aux Etats-Unis et en Allemagne.

Le rapporteur ayant considéré que la rédaction actuelle de cet amendement posait certains problèmes juridiques, notamment en matière de responsabilité éditoriale, l'amendement a été retiré par son auteur en vue de sa réécriture pour un examen ultérieur lors de la réunion que tiendra la commission au titre de l'article 88 du Règlement.

La commission a adopté un amendement de M. Noël Mamère prévoyant que le cahier des missions et des charges de l'INA fixé par décret fera l'objet d'un avis consultatif du CSA.

La commission a adopté l'article 5 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 5

(article 50 de la loi du 30 septembre 1986)

Durée du mandat du président et des membres du conseil d'administration de l'INA

La commission a adopté deux amendements identiques du rapporteur et de M. Noël Mamère corrigeant une erreur du projet de loi afin d'étendre, ainsi que le prévoit l'exposé des motifs, de trois à cinq ans la durée du mandat des administrateurs et du président de l'INA.

Article 6

(article 53 de la loi du 30 septembre 1986)

Contrats d'objectifs et de moyens - Financement des sociétés du secteur public de la communication audiovisuelle

Cet article est essentiel pour la nouvelle organisation du service public de l'audiovisuel et sa constitution en véritable groupe industriel. La nouvelle rédaction modernise, assainit et rationalise le mode de financement des entreprises audiovisuelles publiques en instaurant des contrats d'objectifs et de moyens pluriannuels conclus entre l'Etat et les sociétés concernées (1.) et en limitant fortement le financement publicitaire de France 2 et France 3 en réduisant de douze à cinq minutes par heure la durée maximale de diffusion des écrans publicitaire (3.).

L'article précise également les modalités de répartition des ressources publiques et les rapports d'ordre budgétaire entre le groupe France Télévision et ses différentes filiales (2.).

Le rapporteur regrette cependant que ce nouveau dispositif se substitue au contenu actuel de l'article 53 qui définit les compétences du Parlement en ce qui concerne le vote du budget de l'audiovisuel public et précise la nature des informations que le Gouvernement doit lui présenter à cet effet et qui sont réunies dans ce qu'il est convenu d'appeler le « jaune » budgétaire relatif au financement des sociétés du secteur public de la communication audiovisuelle.

Si il est inévitable que le Parlement continue, en application de l'article 4 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 sur les lois de finances, à approuver la perception annuelle de la redevance (qui est une taxe parafiscale) ainsi que le montant des dotations budgétaires allouées à l'audiovisuel public, il serait fort regrettable qu'à la suite de la disparition de l'actuel article 53, le Gouvernement ne se considère plus comme tenu de lui soumettre la répartition de la redevance entre les différentes sociétés ainsi que les montants attendus de recettes publicitaires, et de lui transmettre l'ensemble des informations contenues dans le « jaune », qui seules permettent de connaître clairement la structure des budgets prévus pour chaque société.

Il serait donc préférable de maintenir les dispositions actuelles, quitte à les modifier pour prendre en compte la création de la holding et des contrats d'objectifs et de moyens.

1. Les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens

Les deux premiers paragraphes de l'article mettent en place un dispositif novateur permettant de donner une perspective pluriannuelle à l'évolution des ressources de la télévision publique en rapport avec la stratégie de développement arrêtée. Les contrats d'objectifs et de moyens devraient également favoriser la cohérence et la synergie de l'allocation des moyens et de leur utilisation par les différentes sociétés du groupe.

L'ensemble des grands établissements publics et entreprises publiques sont aujourd'hui liés à l'Etat par des contrats de plan, des contrats d'entreprises ou des contrats de progrès. Ils s'inscrivent dans une logique d'équilibre entre le principe de l'autonomie de gestion et le contrôle de la tutelle. La loi n° 82-653 du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification a permis de conforter ce processus. L'article 11 dispose en effet que « l'Etat peut conclure avec [...] les entreprises publiques ou privées [...] des contrats de plan comportant des engagements réciproques des parties en vue de l'exécution du plan et de ses programmes prioritaires ».

Des contrats de plan plusieurs fois renouvelés et d'une durée moyenne de trois ans lient ainsi l'Etat à Electricité de France depuis 1996, à France Telecom depuis 1991 et à La Poste depuis 1995. Des contrats d'objectifs renommés « contrat de service public » établissent le même type de lien avec Gaz de France depuis 1991, et l'Etat a signé en 1996 un « Pacte de modernisation » avec la SNCF.

En ce qui concerne l'audiovisuel, la loi n° 89-25 du 17 janvier 1989 relative à la liberté de communication, dite « loi Tasca » prévoyait dans son article 21 que « Des contrats d'objectifs, annuels ou pluriannuels, peuvent être conclus entre les organismes du secteur public de la communication audiovisuelle et l'Etat. Ces contrats d'objectifs sont communiqués au Conseil supérieur de l'audiovisuel. » L'article 22 aménage des procédures de consultation du Parlement destinées à faciliter l'adoption de ces contrats en précisant que « Le Gouvernement déposera sur les bureaux des deux assemblées un rapport sur les analyses et propositions relatives à l'avenir du secteur public de l'audiovisuel. Ce rapport fera l'objet d'un débat d'orientation au Parlement lors de la première session ordinaire de 1989-1990 ».

Ces dispositions n'ont cependant pas connu d'application durable puisque les contrats d'objectifs expérimentés sur des périodes variables n'ont pas été renouvelés en raison du retard pris dans la réalisation des objectifs contractualisés pour la période précédente. En outre, la nécessaire prise en compte dans les nouveaux objectifs des mutations technologiques ont modifié les orientations en cours. Le contrat établi avec Radio France le 17 juin 1991 (1991-1993) a ainsi été le dernier d'une série de contrats d'objectifs signés entre l'Etat et les sociétés nationales de programme en décembre 1989 pour RFI (1989-1995), en septembre 1990 pour Antenne 2 et FR3 et en mai 1991 pour RFO.

Le dispositif mis en place par le présent article, grâce à sa précision et à l'engagement réciproque de l'actionnaire et des sociétés qu'il organise, devrait permettre à l'avenir d'éviter que ces contrats tombent rapidement en désuétude.

Aux termes du paragraphe I de l'article, des contrats d'objectifs et de moyens seront donc conclus entre chacune des sociétés France Télévision, RFO, RFI, Radio France et l'Etat, ainsi qu'entre l'Etat et l'INA, pour une durée comprise entre trois et cinq ans. Si la durée habituelle des contrats entre l'Etat et les entreprises publiques est, comme on l'a vu plus haut, de trois ans, il a semblé nécessaire, pour un secteur dans lequel les investissements, notamment en matière de programmes ou de création de nouveaux services, nécessitent un temps de retour relativement long, de laisser ouverte la possibilité d'un accord s'étendant sur les cinq années suivantes.

Les contrats d'objectifs et de moyens devront notamment déterminer :

- les axes prioritaires du développement de la société, tant en ce qui concerne ses activités existantes que ses projets innovants ou de diversification ;

- le coût prévisionnel des activités pour chacune des années concernées ainsi que les indicateurs (qualitatifs et quantitatifs) retenus pour évaluer l'exécution des objectifs et les résultats obtenus. Il s'agit là de faire entrer les sociétés de l'audiovisuel public dans une logique d'évaluation stratégique de leurs activités plus élaborée et plus responsabilisante que la logique de simple mesure et sanction budgétaires des différentes charges. Les contrôles menés par le conseil d'administration, l'actionnaire et le Parlement devraient également être facilités par la détermination d'indicateurs d'activité et d'outils d'évaluation ;

- le montant des ressources publiques (redevance et dotations budgétaires) devant être affectées à la société, ainsi que le montant du produit attendu des recettes propres, et notamment de celles issues de la publicité de marques et du parrainage.

Grâce à cette « programmation » du financement public alloué aux sociétés, les dirigeants pourront disposer de la visibilité nécessaire au développement de leur entreprise et à l'établissement d'une stratégie à moyen terme. En contrepartie, l'engagement sur les niveaux respectifs de ressources publiques et de recettes propres devrait permettre une responsabilisation des sociétés et de l'Etat actionnaire quant aux conditions de réalisation d'une stratégie concertée et acceptée de développement.

Deux observations doivent cependant être faites pour apprécier la portée véritable de ces dispositions.

D'une part, il convient de rappeler que, en application du principe d'annualité budgétaire, l'Etat ne peut pas prendre d'engagements financiers au delà d'un exercice. Toutes les orientations budgétaires arrêtées sur plusieurs années (y compris celles approuvées par le Parlement comme les contrats de plan ou les lois de programmes) doivent être reprises dans les lois de finances annuelles. Dans le cas contraire, leur portée est réduite à un simple effet d'affichage. Sans vouloir ici mettre en cause la ferme volonté du Gouvernement d'assurer à l'audiovisuel public une meilleure visibilité financière, le rapporteur tient à rappeler cette contrainte majeure, qui relativise quelque peu la portée de l'article et la force des contrats d'objectifs et de moyens.

La pérennité du financement public de l'audiovisuel ne saurait donc, à long terme, être assurée par cette seule disposition et nécessite l'adoption d'autres mesures, dont la plus efficace serait très certainement comme cela a été évoqué dans la présentation générale, la compensation intégrale par l'Etat des exonérations de redevance.

Par ailleurs, il semble impossible de réaliser sur trois ans une véritable évaluation de l'évolution des ressources propres, notamment en matière publicitaire, les mouvements et retournements du marché étant largement imprévisibles dans ce secteur.

- Les perspectives d'évolution économique des services payants : il s'agit ici principalement des chaînes thématiques créées par les entreprises de l'audiovisuel public ou bénéficiant de leur participation mais également de services multimédia et/ou interactifs comme, par exemple, la Banque de programmes et de services (BPS) de La Cinquième.

La liste de sujets prévue par l'article n'étant pas limitative, le contenu des contrats pourra être enrichi et adapté en fonction des évolutions du secteur et de la société.

Le paragraphe II de l'article prévoit que le contrat du groupe France Télévision détermine également l'ensemble des données énumérées ci-dessus pour chacune de ses sociétés filiales. Leurs objectifs et les moyens dont elles disposeront sont donc clairement identifiés.

Le contrat d'objectifs et de moyens est approuvé par le conseil d'administration de la société. Celui-ci délibère annuellement de son exécution. Dans le cas particulier de France Télévision, chaque société filiale est consultée sur le projet de contrat d'objectifs et de moyens - qui sera adopté par le conseil d'administration du groupe sur proposition du comité de direction - et émet un avis sur son exécution annuelle.

L'ensemble du dispositif devrait procurer au groupe France Télévision une plus grande visibilité financière et une meilleure cohérence stratégique et économique, dans le respect de l'identité et de la spécificité de chaque filiale.

2. Budget du groupe France Télévision et de ses filiales

Le paragraphe III de l'article précise les modalités de fonctionnement budgétaire de la holding, qui diffèrent peu des pratiques actuelles de France Télévision.

Comme le rapporteur en a eu confirmation, l'ensemble des ressources publiques allouées au groupe par la loi de finances est destiné aux filiales. La rédaction de l'article, un peu floue, doit donc, sur ce point, être précisée.

L'affectation de ces ressources est décidée par le conseil d'administration de la holding, qui adopte un état prévisionnel des recettes et des dépenses de chaque filiale pour l'exercice. Le budget annuel de la holding, également adopté en conseil d'administration, sera donc uniquement financé sur les ressources propres du groupe, ou bien par le biais de facturation des prestations communes au différentes filiales.

Le projet donne également compétence au conseil d'administration du groupe pour modifier, en cours d'exercice, la répartition des ressources publiques allouées à chaque société.

Le rapporteur considère qu'une telle disposition, qui donne à la holding un pouvoir considérable sur le budget de ses filiales, est dangereuse, car elle revient à retirer toute stabilité budgétaire et toute maîtrise infra-annuelle de leurs moyens aux sociétés du groupe France Télévision. S'il est normal que le conseil d'administration du groupe soit informé voire approuve les modifications des budgets prévisionnels prévues par ses filiales, il n'est pas souhaitable que celles-ci, du fait de la loi, demeurent dans une situation d'incertitude financière proche de celle actuellement générée par les arrêtés de régulation budgétaire.

Une modification de ces dispositions sera donc proposée par voie d'amendement.

3. La limitation de la durée des écrans publicitaires sur France 2 et France 3

Le paragraphe IV de l'article réduit à cinq minutes par heure, au lieu de douze actuellement, la durée maximale de diffusion de messages publicitaires sur France 2 et France 3.

La référence retenue pour le calcul de la durée des écrans est une période de soixante minutes, soit la notion « d'heure glissante » telle qu'elle est utilisée par le CSA pour le conventionnement des chaînes privées. L'article 18-2 de la directive Télévision sans frontières limite quant à lui à 20 % « d'une période donnée d'une heure d'horloge » le « pourcentage de temps de transmission consacrés aux spots publicitaires et aux spots téléachat ». Jusqu'à aujourd'hui, le service public français se situait donc dans le haut du plafond retenu.

Comme le précise l'article 8 du projet de loi, cette réduction entrera en vigueur au 1er janvier 2000. L'hypothèse d'une mise en place progressive n'a donc pas été retenue, ce qui rend encore plus aiguës les conséquences financières de la réforme qui seront évoquées plus loin.

En traitant comme un principe législatif une règle relevant antérieurement des dispositions réglementaires (cahier des charges des différentes sociétés), l'article souligne l'importance accordée par le Gouvernement à cette disposition qui touche à la définition même du service public.

Depuis des années, les sondages indiquent qu'environ les deux tiers des Français estiment qu'il y a trop de publicité à la télévision et notamment sur les chaînes publiques. Depuis des années, tous les experts expliquent qu'une trop forte proportion de publicité conduit nécessairement les programmes du service public à ressembler à ceux des chaînes privées. Et pourtant, depuis le début des années 1990, la durée maximale de la publicité est passée sur France 2 de six à douze minutes et, en 1998, les ressources publicitaires ont assuré plus de 50 % du financement de la chaîne.

Le projet de loi met fin à cette logique de facilité, destinée à masquer le désengagement de l'Etat dans le financement de l'audiovisuel public et affirme désormais une spécificité constitutive du secteur public dans le volume horaire consacré sur ses antennes à la publicité.

Au cours de la période récente, aux heures de grande écoute la durée des écrans a tendu à se rapprocher du maximum autorisé. Entre 1992 et 1997, la durée des écrans publicitaires programmés entre 19 heures et 22 heures a en effet cru de 70 % sur France 3 et de 59 % sur France 2, conduisant à de pénibles « tunnels » entre les émissions les plus regardées.

Le tableau ci-après indique, sur la base des durées publicitaires constatées en 1998, les effets d'une réduction à dix, huit et cinq minutes (hypothèse retenue par l'article) de la durée maximum des écrans publicitaires par heure glissante.

 

Baisse de la publicité

Temps libéré par la réduction de la durée des espaces publicitaires

Durée maximale par heure glissante

France 2

(par jour)

France 3

(par jour)

TOTAL

(par an)

5 mn

(dont 12h - 14h)

(dont 19h - 22h)

53 mn 48 s

(10 mn 37s)

(14 mn 12s)

35 mn 18 s

(7 mn 8 s)

(17 mn)

542 h 21 mn

(108 h)

(109 h)

8 mn

(dont 12h - 14h)

(dont 19h - 22h)

26 mn 54 s

(5 mn 30 s)

(6 mn 53 s)

15 mn 14 s

(3 mn 28 s)

(6 mn)

256 h 15 mn

(54 h 36 mn)

96 h 13 mn)

10 mn

(dont 12h - 14h)

(dont 19h - 22h)

15 mn 48 s

(3 mn 46 s)

(4 mn 27 s)

7 mn 12 s

(1 mn 22 s)

(4 mn 24 s)

140 h 15 mn

(31 h 14 mn)

(53 h 51 mn)

Avec une réduction à cinq minutes maximum de publicité par heure glissante, la publicité retrouverait donc, en « prime time », une place proche de celle qui était la sienne en 1992 : 16,4 minutes sur France 2, et 16,7 minutes pour France 3. Parallèlement, l'application de la réforme amènerait à « rendre » près de 550 heures de temps d'antenne aux programmes (dont plus de 100 heures entre 19 heures et 22 heures).

Bien évidemment, tout ceci a un coût.

Sur la base des recettes publicitaires de 1997, la perte s'élèverait pour France 2 et France 3 à 2,2 milliards de francs. Ce chiffre ne tient cependant pas compte des effets éventuels de la réforme sur l'audience des chaînes publiques et le marché publicitaire et notamment sur l'évolution de la demande publicitaire, en volume et en valeur.

A ce montant de perte de recettes publicitaires, s'ajoute le financement des heures de programmes additionnels appelés à occuper le temps d'antenne libéré par la publicité. L'investissement supplémentaire pour les deux chaînes peut être évalué au minimum à 600 millions de francs.

La réforme proposée générerait par ailleurs un fort transfert de ressources vers les secteur privé. L'analyse de l'impact théorique maximal fait ressortir que 70 % de l'espace libéré par France Télévision est susceptible de se reporter vers TF1 et M 6, qui pourraient ainsi bénéficier respectivement de 1 à 1,2 milliards de francs et de 300 à 450 millions de francs de recettes supplémentaires.

S'il ne contestait pas l'intérêt de la réduction de la durée des écrans publicitaires, tant en ce qui concerne l'amélioration du service rendu aux téléspectateurs que la restauration, pour les responsables de France 2 et France 3, d'une plus grande liberté de programmation, le rapporteur ne peut que relever le caractère dangereux d'une réforme qui ne se donnerait pas les moyens financiers de sa réussite et offrirait dans le même temps aux concurrents directs du service public des capacités de développement supplémentaires.

Or, lors de son dépôt en novembre 1998 sur le bureau de l'Assemblée nationale, le projet de loi ne prévoyait aucune disposition financière, ni même aucun engagement susceptible d'une part d'assurer à France 2 et France 3 une compensation intégrale des pertes de recettes et des charges supplémentaires (soit, au total, environ 3 milliards de francs) et d'autre part de limiter au maximum l'effet d'aubaine au profit des principaux concurrents de France 2 et France 3.

Il était inacceptable de faire courir un tel risque aux deux chaînes généralistes du service public et, au delà, à l'ensemble de la réforme proposée par le texte. La capacité d'amendement des parlementaires étant, en la matière, fortement contrainte par l'article 40 de la Constitution, le rapporteur a souhaité que le Gouvernement présente à la commission des affaires culturelles, avant l'examen du texte en séance publique, des garanties financières suffisantes pour assurer la viabilité de la réforme et la limitation de ses effets pervers.

Comme on le sait, le Gouvernement a, dans un premier temps, choisi de reporter la date d'examen du projet de loi afin de mieux définir les modalités de financement de sa réforme. Lors de la présentation de la lettre rectificative venant compléter le projet de loi initial, il a annoncé qu'il présenterait à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales des amendements au présent article afin d'aménager les conditions de la baisse de la publicité sur France 2 et France 3 et de donner à ces deux chaînes les moyens financiers d'assumer cette réforme.

*

La commission a rejeté l'amendement n° 22 de suppression de l'article de M. Renaud Muselier.

Elle a examiné en discussion commune trois amendements :

- deux amendements identiques de MM. Noël Mamère et Christian Kert prévoyant que le Parlement adopte en loi de finances, au vu de l'avis d'une commission consultative du financement du secteur public de l'audiovisuel, l'autorisation de perception de la redevance et l'approbation de la répartition du produit attendu de celle-ci entre les sociétés nationales de programme et l'INA ;

- un amendement de réécriture de l'article de M. Patrick Leroy prévoyant le même dispositif ainsi que la création d'une taxe sur le multimédia destinée à compenser la réduction des recettes publicitaires, à financer les heures de programmes libérées et à développer le numérique hertzien ainsi que les nouvelles technologies.

M. Rudy Salles a considéré que la création d'une telle commission, qui existe d'ailleurs en Allemagne, permettrait d'une part d'assurer un plus grand respect de la législation européenne et d'autre part de garantir aux chaînes publiques une meilleure appréciation de leurs besoins en financements publics.

Le rapporteur, tout en reconnaissant la réalité de ce problème, a jugé que la création d'une commission consultative ne lui apportait pas de réponse satisfaisante car elle ne permet pas de clarifier la procédure budgétaire. S'agissant du respect de la législation européenne, le Gouvernement a entamé une réflexion qui se poursuit et dont l'article premier du présent projet est le premier aboutissement. Par ailleurs, plusieurs amendements déposés par la suite permettront de satisfaire les autres dispositions contenues dans ces amendements.

La commission a rejeté les trois amendements.

Elle a rejeté l'amendement n° 23 de suppression du paragraphe I de l'article de M. Renaud Muselier.

Elle a examiné un amendement de M.  Christian Kert prévoyant que des contrats d'objectifs spécifiques seraient conclus pour chacune des filiales de France Télévision et soumis à l'approbation du conseil d'administration de la holding.

M. Pierre-Christophe Baguet a estimé que ces contrats spécifiques permettraient d'assurer une plus grande cohérence de l'ensemble tout en garantissant la personnalité de chacune des chaînes.

Le rapporteur s'est déclaré défavorable à l'amendement en préférant le dispositif actuel qui confie à la société de holding le soin de décliner le contrat d'objectifs et de moyens conclu avec l'Etat avec chacune des chaînes, ce qui permettra d'assurer une plus forte cohérence de l'ensemble.

La commission a rejeté l'amendement, ainsi qu'un amendement de M. Patrick Leroy de portée voisine.

La commission a examiné un amendement de M. Christian Kert fixant à cinq ans la durée des contrats d'objectifs et de moyens et prévoyant que l'élaboration du contrat suivant devra commencer au cours de la troisième année du contrat en cours.

M. Rudy Salles a estimé souhaitable de calquer la durée des contrats sur celle du mandat du président de la holding et par ailleurs de prévoir l'élaboration du contrat suivant à mi-parcours du contrat en cours.

Le rapporteur a estimé nécessaire de conserver des durées variables pour les contrats entre trois et cinq ans en fonction de la nature des objectifs poursuivis.

L'amendement a été retiré par son auteur, en vue de sa réécriture afin de proposer seulement l'élaboration des contrats suivants à mi-parcours des contrats en cours dans le cadre de l'article 88 du Règlement.

La commission a rejeté deux amendements de M. Patrick Leroy, l'un proposant que des indicateurs qualitatifs soient introduits dans les contrats d'objectifs et de moyens afin d'évaluer les attentes du public et l'autre précisant que les contrats d'objectifs et de moyens veillent à l'application des missions de service public définies à l'article premier.

La commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.

La commission a rejeté l'amendement n° 24 de suppression du paragraphe II de l'article de M. Renaud Muselier.

La commission a rejeté un amendement de conséquence de M. Christian Kert relatif aux contrats et de moyens des chaînes de France Télévision.

La commission a rejeté trois amendements de M. Patrick Leroy :

- l'un ayant pour objet de faire approuver le contrat d'objectifs et de moyens de France Télévision par les conseils d'administration des chaînes qui en sont membres ;

- l'un de conséquence du précédent ;

- le dernier prévoyant la consultation des personnels avant l'élaboration des contrats d'objectifs et de moyens.

La commission a adopté deux amendements du rapporteur :

- l'un prévoyant la présentation par le président de France Télévision, aux commissions permanentes compétentes du Parlement, d'un rapport annuel sur l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens de la société de holding ;

- l'autre ayant pour objet, d'une part de rétablir dans la loi les dispositions actuellement prévues par l'article 53 de la loi de 1986 relatives à l'autorisation de la perception de la redevance par le Parlement à l'occasion de la loi de finances et à la répartition du produit attendu de cette taxe entre les sociétés nationales de programme et l'INA et, d'autre part de prévoir la présentation en annexe à la loi de finances d'un rapport sur l'exécution annuelle des contrats d'objectifs et de moyens.

La commission a rejeté deux amendements de M. Renaud Muselier, l'un n° 25 de suppression du paragraphe III de l'article et l'autre confiant à la loi de finances le soin d'affecter directement le montant des ressources publiques à France 2, France 3 et la Cinquième-ARTE.

La commission a adopté deux amendements identiques du rapporteur et de M. Christian Kert précisant que les ressources publiques attribuées à la société France Télévision sont intégralement réparties entre ses filiales.

La commission a rejeté un amendement de M. Renaud Muselier proposant que les chaînes publiques puissent faire appel à leurs auditeurs par le biais de souscriptions pour augmenter leurs ressources à hauteur de 10 % de leurs ressources publiques.

La commission a rejeté un amendement de M. Patrick Leroy supprimant le pouvoir du conseil d'administration de France Télévision de modifier, en cours d'exercice, la répartition des ressources publiques allouées aux sociétés de la holding.

La commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant la possibilité pour le conseil d'administration de France Télévision d'approuver les modification apportées en cours d'exercice à la répartition des ressources publiques allouées aux différentes chaînes et lui substituant un système d'approbation des modifications des budgets prévisionnels décidées en cours d'année par les filiales.

La commission a rejeté deux amendements de M. Patrick Leroy :

- l'un prévoyant la présentation d'un état d'exécution des contrats d'objectifs et de moyens, les résultats financiers de l'année précédente et le budget prévisionnel de l'année suivante au Parlement lors du débat sur la loi de finances ;

- l'autre de conséquence sur le vote par le Parlement de la répartition du produit de la redevance entre les sociétés nationales de programme et l'INA.

La commission a rejeté un amendement de M. Christian Kert proposant que les recettes supplémentaires du secteur audiovisuel concourent à la production et à la création audiovisuelles ainsi qu'à l'achat de programmes, le rapporteur considérant qu'il serait plus opportun de sous-amender l'amendement n° 33 du Gouvernement qui sera examiné un peu plus loin dans la discussion de l'article.

La commission a rejeté l'amendement n° 26 de M. Renaud Muselier supprimant le paragraphe IV de l'article.

La commission a examiné l'amendement n° 33, présenté par le Gouvernement, tendant à substituer au paragraphe IV de cet article, qui limitait à cinq minutes par heure le temps de publicité sur France 2 et France 3, trois paragraphes ayant pour objet :

- d'instaurer un remboursement intégral des exonérations de redevance décidées pour des motifs sociaux au compte d'affectation spéciale de la redevance,

- de limiter à huit minutes par heure la réduction de la durée maximale consacrée aux écrans publicitaires sur France 2 et France 3,

- de préciser que les cahiers des charges de ces deux chaînes détermineront les limitations applicables aux bandes-annonces.

Le rapporteur a rappelé que le dispositif envisagé dégageait un bénéfice net d'un milliard de francs pour l'audiovisuel public.

M. Pierre-Christophe Baguet s'est demandé si l'administration du ministère des finances ne serait pas tentée à terme de remettre en cause l'avantage financier ainsi acquis par le service public par une diminution de ses autres ressources.

Après que le rapporteur a rappelé que la marge de cette administration, dans ce domaine, était limitée puisque la seule autre ressource était désormais la redevance, qui ne peut pas faire l'objet de régulation, la commission a adopté un sous-amendement rédactionnel du rapporteur à cet amendement, puis l'amendement du Gouvernement ainsi modifié.

En conséquence, un amendement de M. Renaud Muselier tendant à inclure les bandes-annonces dans le décompte du temps publicitaire et un amendement de M. Rudy Salles interdisant la publicité sur France 2 et France 3 sont devenus sans objet.

La commission a adopté l'article 6 ainsi modifié.

Après l'article 6

M. Rudy Salles a présenté un amendement tendant à permettre à France Télévision de répartir entre les différentes chaînes de la holding la programmation des émissions religieuses que France 2 est actuellement tenue de programmer le dimanche matin.

Le rapporteur a indiqué qu'il s'agissait là d'une demande récurrente de France 2. Il s'est déclaré plutôt favorable à l'amendement en indiquant qu'il était néanmoins souhaitable de consulter les communautés concernées.

M. Patrick Bloche a invité la commission à se montrer particulièrement vigilante dans la rédaction de cet amendement, en raison des risques d'inflation des émissions religieuses et de spécialisation par religion des chaînes.

M. Rudy Salles a rappelé que l'amendement présenté ne suggérait que d'adapter les jours de diffusion des émissions concernées aux réalités des pratiques de chaque confession.

M. Marcel Rogemont a souligné le consensus général sur cette question, tout en considérant qu'il fallait trouver un équilibre entre les chaînes et les religions dans l'éventualité d'une modification des tranches horaires de passage des émissions concernées. La loi, en précisant que ces émissions ont lieu le dimanche matin, fixe un volume d'heures maximal qu'il convient de ne pas remettre en question.

M. Edouard Landrain a approuvé cette remarque, en précisant qu'il fallait éviter l'écueil consistant à créer une répartition faisant correspondre une chaîne à une religion. De toute façon, la question des programmations confessionnelles sera résolue à terme par l'émergence des chaînes privées de télévision par analogie avec certaines stations de radio confessionnelles émettant d'ores et déjà en toute légalité sur le territoire national.

M. Noël Mamère a indiqué que le choix du dimanche pour la diffusion d'émissions réservées à la foi ignorait le fait que ce jour de la semaine n'est pas celui consacré par la religion musulmane, deuxième religion pratiquée en France. Il a donc suggéré d'harmoniser le cahier des charges de France 2 et France 3 sur cette question.

M. Rudy Salles a indiqué qu'il convenait de ne pas dramatiser ce problème et a évoqué le domaine des émissions politiques ou syndicales pour lesquelles un accord a toujours pu être trouvé.

Au terme de ce débat, M. Rudy Salles a retiré son amendement.

Conformément à ses décisions sur l'article 6, la commission a ensuite rejeté deux amendements identiques présentés par MM. Noël Mamère et Christian Kert tendant à instituer une commission consultative du financement du secteur public de l'audiovisuel chargée d'évaluer les besoins des sociétés France Télévision, RFO et Radio-France pour leur mission de service public.

Article 7

(articles 18, 24, 26, 34-1, 46, 48, 48-2, 48-3, 48-9, 48-10, 51, 56, 62, 73 de la loi du 30 septembre 1986, article L. 4433 du code des collectivités territoriales et annexe II de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983)

Coordination

Cet article procède, dans la loi du 30 septembre 1996, dans le code général des collectivités territoriales et dans la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public aux modifications rendues nécessaires par la création de la holding France Télévision, la fusion entre La Sept-ARTE et La Cinquième et l'insertion, dans la loi, des noms des différentes sociétés.

*

La commission a successivement adopté quatre amendements présentés par le rapporteur, le premier tendant à corriger une erreur matérielle, les trois autres étant des amendements de coordination.

La commission a rejeté quatre amendements en discussion commune :

- deux amendements de MM. Renaud Muselier et Christian Kert tendant à mettre fin au monopole de TDF pour la diffusion des programmes des chaînes publiques ;

- et deux amendements de MM. Christian Kert et Noël Mamère limitant cette exclusivité à la diffusion analogique terrestre.

Un amendement présenté par M. Noël Mamère visant à permettre la répartition entre les différentes chaînes nationales de la programmation de l'ensemble des émissions religieuses a été retiré par son auteur.

La commission a ensuite adopté deux amendements du rapporteur visant à corriger des erreurs matérielles.

La commission a adopté l'article 7 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 7

(article L. 36-7 du code des postes et télécommunications) 

Avis de l'Autorité de régulation des télécommunications (ART) sur les barèmes de TDF

La commission a examiné deux amendements identiques présentés par MM. Noël Mamère et Renaud Muselier tendant à permettre à l'Autorité de régulation des télécommunications (ART) de porter une appréciation sur les barèmes pratiqués par TDF à l'égard des opérateurs de radio télévision.

M. Patrick Bloche ayant précisé que l'ART avait les capacités nécessaires en la matière et le rapporteur ayant donné un avis favorable, la commission a adopté ces amendements.

Article 8

Dispositions transitoires

Cet article comprend les dispositions transitoires que nécessiteront les délais de mise en place des nouvelles structures.

Le premier alinéa du paragraphe I précise que les mandats des membres actuels des conseils d'administration de France 2, de France 3 et de la Cinquième, ainsi que les mandats des membres des organes sociaux de la Sept-Arte prendront fin lorsque l'on nommera les administrateurs des sociétés réunies dans le groupe France Télévision.

Le changement des administrateurs devrait donc intervenir concomitamment avec les opérations de transfert d'actifs entre l'Etat et la holding France Télévision (celle-ci détenant désormais l'intégralité du capital de ses sociétés filiales) et la rédaction des nouveaux cahiers des charges. Les mandats prochainement attribués, comme celui du président de France Télévision, seront donc d'une durée particulièrement courte puisque le ministère de la culture a fait part de son souhait de voir le présent projet de loi adopté avant la fin de l'année 1999.

Le deuxième alinéa prévoit également que les transferts de biens, droits et obligations intervenant en application du présent texte (entre l'Etat et France Télévision d'une part, entre les anciennes sociétés France 2, France 3, la Sept-Arte, et la Cinquième et la société France Télévision d'autre part) ne donnent pas lieu à la perception de droits (de mutation) ou de taxes, ni au versement de salaires et d'honoraires. Les modifications de structures se faisant au sein de la sphère publique, il doit s'agir d'une opération neutre d'un point de vue financier et fiscal.

Le II du paragraphe de cet article précise enfin, comme cela a été évoqué à l'article 6, que la réduction de 12 à 5 minutes par heure de la durée des écrans publicitaires sur France 2 et France 3 entrera en vigueur à compter du 1er janvier 2000.

Le rapporteur observe que, en raison du retard pris pour l'inscription du projet de loi à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, il n'est pas certain que celui-ci soit définitivement adopté à cette date. Il conviendrait donc de modifier ce deuxième paragraphe, en fonction des propositions faites par le Gouvernement en matière de contrepartie financière à la réforme prévue par l'article 6.

*

La commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur tendant à corriger une erreur dans l'intitulé de la société La Sept-ARTE.

Elle a ensuite adopté l'amendement n° 34 présenté par le Gouvernement ayant pour objet de renvoyer au 1er janvier suivant la publication de la présente loi la date d'entrée en vigueur des réformes relatives à la publicité sur France 2 et France 3 et au remboursement des exonérations de redevance.

Un amendement présenté par M. Christian Kert est de ce fait devenu sans objet.

La commission a adopté l'article 8 ainsi modifié.

TITRE II

TRANSPOSITION DE DIVERSES DISPOSITIONS DE LA DIRECTIVE 89/552/CEE DU 3 OCTOBRE 1989 MODIFIÉE PAR LA DIRECTIVE 97/36/CE DU 30 JUIN 1997

Article 9

(article 15 de la loi du 30 septembre 1986)

Protection des mineurs vis-à-vis de programmes ou de messages susceptibles de nuire à leur épanouissement

et respect de la dignité de la personne

Le présent article, qui opère la transposition des articles 22 et 22 bis de la directive européenne, enrichit les dispositions aujourd'hui contenues à l'article 15 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication modifiée et complétée notamment par la loi du 17 janvier 1989 qui créa le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et le substitua à la Commission nationale de la communication et des libertés (CNCL).

L'article 15 comporte en l'état actuel une disposition unique selon laquelle « le Conseil supérieur de l'audiovisuel veille à la protection de l'enfance et de l'adolescence dans la programmation des émissions diffusées par un service de communication audiovisuelle. » Il convient de préciser que, selon l'article 2 de la même loi, « on entend par communication audiovisuelle toute mise à disposition du public ou de catégories de public, par un procédé de télécommunication, de signes, de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature qui n'ont pas le caractère d'une correspondance privée ». Ainsi, en principe, le CSA est compétent pour l'ensemble des services de radiodiffusion, de télévision ainsi que des services internet. Dans les faits, le Conseil est seulement en mesure de contrôler le contenu des programmes de radiodiffusion et de télévision. Aussi le présent article, qui élargit et précise le contenu de l'article 15 de la loi de 1986, vise-t-il logiquement les seuls services radiophoniques et de télévision.

Les cinq alinéas ont pour objet de confirmer et compléter les fonctions protectrices générales assignées à l'instance de régulation. Le premier alinéa pose le principe général de la compétence du CSA ; les deuxième et troisième organisent un système de diffusion contrôlée ; les quatrième et cinquième posent des interdictions absolues de diffusion.

1. Le CSA voit ses compétences confirmées et complétées en matière de protection de la jeunesse et de respect de la personne.

Le premier alinéa ne vise pas à retranscrire une disposition précise de la directive européenne, mais à compléter une disposition législative existante. Il assigne au CSA une mission de protection générale de l'enfance et de l'adolescence - qui lui incombait déjà - et plus généralement, un rôle de garant de la dignité de la personne humaine - qui constitue formellement une nouveauté du présent article. Formellement, puisque dans les faits, le Conseil a, par son action de médiation et de régulation et son pouvoir de sanction, _uvré pour que les programmes mis à la disposition du public soient conformes au principe du respect de la personne.

Sous peine de sanction de la part du Conseil, les programmes proposés par un service de communication audiovisuelle - qu'il soit public ou privé - doivent répondre à une double exigence : protéger les jeunes vis-à-vis d'images ou de messages choquants, trop durs ou trop violents pour eux, d'une part, et, d'autre part, assurer le respect général de la dignité humaine.

_ Le rôle du CSA en tant que protecteur des intérêts de l'enfance et de l'adolescence est tout d'abord réaffirmé.

Grâce à la compétence générale qui lui était précédemment reconnue et qui se trouve réaffirmée au premier alinéa du présent projet, le CSA a été amené, à différentes reprises, à sanctionner des chaînes de télévision ou des radios pour avoir diffusé à des heures de grande écoute et en clair des programmes susceptibles de nuire aux mineurs.

Comme l'a indiqué le président du CSA, M. Hervé Bourges, lors de son audition par le rapporteur le 28 avril 1999, le Conseil tente pour ce type de missions d'obtenir une discipline des radios et des chaînes grâce à un effort de médiation et de concertation avec chacune d'elles. C'est donc moins le pouvoir de sanction du CSA que son rôle de régulateur et de modérateur qui doit ici prévaloir pour assurer de façon effective la protection des jeunes téléspectateurs et auditeurs.

Il faut souligner les initiatives fructueuses déjà prises par le CSA dans ce but. En novembre 1995, le Conseil lança une concertation avec les diffuseurs visant à les inciter à adhérer collectivement à des règles d'autorégulation communes. C'est dans ce cadre qu'il mit en place, en novembre 1996, en collaboration avec les chaînes de télévision hertzienne, et après concertation avec l'ensemble des parties intéressées et notamment des associations familiales, un système de classification des programmes et une signalétique anti-violence.

Le dispositif ainsi instauré repose sur un système de classification systématique des émissions commun aux chaînes hertziennes, assorti d'une signalétique appropriée destinée à informer les parents sur les programmes susceptibles d'être vus par les mineurs. Ce système de classification fait appel à cinq catégories dans lesquelles sont répartis, par chaque chaîne, après visionnage, tous les programmes constituant une _uvre audiovisuelle ou cinématographique tels que les films, les téléfilms ou les séries, mais également les dessins animés et les documentaires. A chaque catégorie correspond un régime de programmation dont le téléspectateur est averti au moyen d'une signalétique composée de cinq symboles. La mise en _uvre d'un tel dispositif fait appel à la responsabilité des diffuseurs, seuls habilités à définir leur politique de programmation. Elle suppose également un rôle pédagogique de la part des parents auxquels il appartient d'expliquer aux jeunes téléspectateurs le bon usage de la signalétique. En dernier ressort, elle relève de la responsabilité du CSA auquel revient la tâche de veiller au respect des règles ainsi définies, en sanctionnant, le cas échéant, les manquements des chaînes constatés.

Les dispositions retenues, respectueuses des principes posés par la loi sur la liberté de communication audiovisuelle de 1986, sont conçues comme devant assurer l'équilibre entre, d'une part, la responsabilité éditoriale de chaque service de communication audiovisuelle et, d'autre part, la nécessaire protection des mineurs. Notons que ces dispositions, bien acceptées par l'ensemble des diffuseurs, furent intégrées dans les conventions conclues par le CSA avec TF1 et M6. Elles firent l'objet d'un avenant à la convention de Canal + et d'un accord avec les chaînes publiques.

Le dispositif a été récemment amélioré à l'issue d'une série de consultations auprès des pouvoirs publics, des professionnels et des associations de téléspectateurs. Depuis le 31 août 1998, une signalétique élargie a en effet été mise en place, comportant cinq catégories caractéristiques plus facilement reconnaissables. Depuis cette date, la signalétique rénovée, commune à toutes les chaînes, est présente sur les écrans de télévision. Les pictogrammes utilisés par les chaînes diffusant en clair sont les mêmes que ceux utilisés par Canal +. De plus, les durées d'apparition à l'antenne ont été allongées.

Le premier alinéa qui rappelle la mission protectrice des mineurs incombant au CSA conforte en tout cas ce dernier dans son action.

_ Le CSA est en outre explicitement reconnu compétent en matière de respect de la dignité de la personne.

Le fait d'ajouter, au premier alinéa, la notion de « respect de la personne » à l'article 15 de la loi de 1986 est significatif d'un point de vue symbolique, mais ne devrait pas modifier radicalement l'action du Conseil supérieur de l'audiovisuel. La préoccupation n'est en effet pas nouvelle. « Le respect de la personne humaine » figure déjà à l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986 modifiée qui définit les principes fondamentaux du droit de la communication. Ce principe doit logiquement représenter l'une des limites à l'exercice de la liberté de la communication audiovisuelle dans un pays démocratique.

Au-delà de la protection des mineurs, il importe en effet que les programmes télévisés ou radiodiffusés respectent la dignité des personnes c'est-à-dire qu'ils évitent de présenter des individus dans des situations humiliantes et dégradantes. Si ce principe semble être admis tant par les professionnels que par la quasi totalité des téléspectateurs et auditeurs, il ne se traduisait pas, jusqu'alors, par l'octroi au CSA d'un pouvoir spécifique. Le Gouvernement a entendu combler cette lacune dans la loi même si, dans les faits, le CSA s'est montré actif en la matière. On peut relever, à titre d'exemple, que le Conseil a adressé aux chaînes une recommandation relative au traitement des attentats. Il faut également noter que cette exigence correspond à une précision apportée par le CSA dans les conventions qu'il a conclues avec les sociétés TF1 et M6. Deux articles (articles 9 et 10) sont en effet consacrés aux « droits de la personne ».

S'il est indispensable de poser des « garde-fous » pour éviter que des diffuseurs irresponsables ou simplement soucieux d'augmenter l'audience et les parts de marché de leur radio ou de leur chaîne ne proposent des programmes dangereux pour l'épanouissement des mineurs, il est tout aussi nécessaire d'opérer une distinction - qui restera évidemment subjective - entre les programmes susceptibles de nuire à l'épanouissement de ces derniers et ceux pouvant leur nuire « gravement ». Si les premiers peuvent être diffusés selon des modalités précisées aux deuxième et troisième alinéas, les seconds doivent être absolument interdits aux termes du quatrième alinéa.

2. Les radios et les chaînes sont tenues de prendre des précautions lorsqu'elles diffusent des programmes pouvant nuire à l'épanouissement des mineurs.

Le deuxième alinéa vise à indiquer les précautions devant être respectées par les services de radiodiffusion et de télévision mettant à la disposition du public des programmes « susceptibles de nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ». Il faut noter que cet alinéa est la retranscription du 2) de l'article 22 de la directive européenne. La rédaction retenue par la directive, et reprise intégralement dans le présent article, qui adjoint systématiquement au mot « épanouissement » les trois adjectifs « physique », « mental » ou « moral » permet au CSA d'interpréter de façon relativement large la nature et l'impact des programmes potentiellement dangereux.

Les précautions obligatoirement applicables par les services de communication audiovisuelle - alternatives et éventuellement cumulatives - sont de deux ordres : d'une part, le choix d'une heure tardive pendant laquelle les mineurs ne sont « normalement » pas susceptibles de les voir ou de les entendre et, d'autre part, la mise en place de « tout procédé technique approprié » afin d'empêcher les mineurs d'avoir accès à ces programmes.

_ La programmation tardive de certains programmes est supposée protéger les mineurs.

On peut signaler tout d'abord une différence de rédaction entre le texte de la directive et celui du projet de loi : celui de la directive fait référence à « l'heure de l'émission » et le projet de loi prend de façon logique en considération « l'heure de la diffusion » de l'émission. Le terme de « diffusion » paraît est à la fois plus adéquat et plus précis. Ce qui importe, c'est en effet l'heure à laquelle le programme est réellement diffusé et donc accessible aux enfants et adolescents.

Il faut rappeler que, dans le système actuel, qui n'est pas remis en cause par le présent projet de loi, le choix de l'heure de diffusion de l'émission ou du programme dépend de sa classification préalable.

La classification des programmes en cinq catégories établie par le CSA est assortie de restrictions de diffusion. Elle devrait en toute logique servir de base pour l'application de cet article. Ainsi, pourraient être considérées comme susceptible de nuire aux mineurs les _uvres classées en catégories III et IV, ainsi définies :

· Catégorie III : les _uvres cinématographiques interdites aux mineurs de 12 ans, ainsi que les _uvres pouvant troubler le jeune public (violence physique ou psychologique).

· Catégorie IV : ces programmes concernent un public adulte. Il s'agit des _uvres cinématographiques interdites aux mineurs de moins de 16 ans, ainsi que des _uvres à caractère érotique ou de grande violence, susceptibles de nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs de moins de 16 ans.

Dans le système actuel, entre 6 heures et 22 heures, les chaînes en clair proposent une programmation « familiale », privilégiant les _uvres de la catégorie I26. La diffusion des _uvres de la catégorie II27 est laissée à l'appréciation de la chaîne, à la seule réserve qu'elle ne peut intervenir dans les émissions pour enfants.

Avant 22 heures, les _uvres de la catégorie III ne peuvent être diffusées, sauf si elles sont assorties d'une signalétique permanente, et à l'exception des mardi, vendredi, samedi et veilles de jours fériés. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel tolère la diffusion avant 22 heures de quatre films interdits aux moins de 12 ans par chaîne et par an, à condition que la date de visa soit ancienne.

Avant 22 heures 30, les _uvres de la catégorie IV (films interdits aux moins de 16 ans) ne peuvent être diffusées.

Sont interdites de diffusion, quelle que soit l'heure, du moins sur les chaînes en clair, les _uvres de la catégorie V (interdites au cinéma aux moins de 18 ans).

En définitive, ces restrictions horaires semblent adaptées aux rythmes de vie des jeunes téléspectateurs.

_ La protection passe également par des procédés techniques de contrôle de l'accès aux programmes.

Les procédés techniques visés par le deuxième alinéa sont de deux ordres : le cryptage et les codes d'accès. Le cryptage est utilisé par Canal + depuis 1984 et par certaines chaînes du câble et du satellite. Le code d'accès est, quant à lui, utilisé par certains terminaux de réception de chaînes diffusées par satellite. Ces dispositifs permettent aux parents qui le souhaitent d'exercer un contrôle sur les programmes regardés par leurs enfants. Si le CSA a utilisé une signalétique, il ne faut donc pas négliger parallèlement la possibilité de mettre en place un système de code d'accès parental tel que le visiopass.

En ce qui concerne les chaînes en clair, la signalétique est associée à un programme qui détermine son horaire de diffusion. Dans le cas des chaînes cryptées, les deux moyens (signalétique et procédé de contrôle d'accès) peuvent être utilisés cumulativement. Ainsi les programmes de Canal + sont cryptés et en même temps soumis au dispositif signalétique anti-violence.

Ce dispositif est donc un système global qui repose sur des horaires de diffusion appropriés, l'utilisation éventuelle d'un procédé technique et l'usage d'un avertissement sonore ou visuel (voire les deux ensemble). Les chaînes cryptées sont également soumises à des obligations en matière de diffusion horaire de leurs programmes. Ainsi, les programmes de catégorie IV ne peuvent être diffusés le mercredi toute la journée, le samedi matin et le dimanche matin. Les programmes de catégorie V sont tolérés entre minuit et 5 heures du matin.

Depuis plusieurs années, on peut juger de l'efficacité de ce système même s'il faut rappeler que le CSA exerce un contrôle a posteriori et non a priori des programmes. Le dispositif de protection du jeune public mis en place par le CSA fait appel à la responsabilité des diffuseurs, seuls habilités à définir leur politique de programmation. Il leur appartient de classer, après visionnage, les programmes constituant une _uvre audiovisuelle ou cinématographique dans une catégorie. De son côté, le Conseil, après la diffusion des programmes, effectue un contrôle, vérifiant ainsi s'il est en accord avec la classification opérée par le diffuseur.

_ Des contraintes supplémentaires s'appliquent aux services de télévision diffusés en clair.

Le troisième alinéa est la retranscription intégrale du 3) de l'article 22 de la directive. Il concerne les précautions devant être prises par les services de télévision diffusés en clair mettant à la disposition du public des « messages » jugés « susceptibles de nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ». Le CSA doit alors veiller à ce qu'une précaution au moins soit prise à cette occasion, à savoir que ces messages soient précédés d'un avertissement accoutisque, ou bien qu'ils puissent être identifiés par la présence d'un symbole visuel.

Le but est d'avertir les mineurs intéressés qu'un message risque de les choquer dans les minutes à venir ; à charge pour les intéressés de ne pas les regarder ou les entendre. Par définition, le Conseil a simplement vocation à vérifier que ces avertissements sonores ou visuels sont bien intervenus pour permettre aux mineurs de se détourner de tel ou tel programme.

On peut noter l'absence de référence à cet alinéa « aux scènes pornographiques et à la violence gratuite », précisions qui figurent pourtant dans l'article 22 de la directive. Ceci s'explique par le fait que la diffusion de programme pornographique n'est pas totalement interdite en France. Une interdiction générale poserait une difficulté juridique vis-à-vis des chaînes diffusant, entre autres, ce type de programmes ; on peut citer Canal +, la chaîne Ciné-cinéma, ou le système de paiement à la séance adopté par plusieurs chaînes. L'absence de référence à la notion de programme pornographique permet donc une plus grande souplesse et laisse une marge d'appréciation au Conseil supérieur de l'audiovisuel pour apprécier la nature d'un programme.

Le rapporteur proposera un amendement portant sur le troisième alinéa et visant à substituer au mot « messages » celui de « programmes ». La première notion englobe en effet les programmes de radio et de télévision, mais également les messages figurant dans les services du Web. En toute logique, la directive européenne qui ne s'applique qu'aux services de télévision ne fait référence qu'au terme de « programmes ».

On ne peut que souscrire à l'idée générale selon laquelle une instance de régulation devrait veiller à ce que les messages pouvant choquer des mineurs ne soient pas accessibles sur les sites Internet sans précautions particulières. En principe, c'est le Conseil supérieur de l'audiovisuel qui est compétent pour l'ensemble de la communication audiovisuelle, qui comprend en droit également les services du Web. En l'état actuel, le CSA n'est pas en mesure d'intervenir en tant qu'instance régulatrice ou de contrôle dans ce secteur. Le vaste problème du contrôle des messages dans le Web ne peut être réglé dans cette première loi.

Afin de mettre en cohérence les termes utilisés avec l'objet de la loi, il convient donc de revenir au terme de « programmes » qui s'appliquent clairement à la télévision. Ainsi, ce sont les programmes diffusés en clair et susceptibles de nuire aux mineurs qui devront être précédés d'un avertissement acoustique ou identifiés par la présence d'un symbole visuel lorsqu'ils seront diffusés en clair. La pratique de la signalétique déjà mise en place par le CSA pour les programmes de télévision se trouvera ainsi confortée par une assise législative.

3. Deux interdictions générales de diffusion s'imposent aux chaînes et aux radios de manière absolue et sans aucune possibilité de dérogations.

_ Les programmes susceptibles de nuire gravement à l'épanouissement des mineurs ne sont jamais diffusables.

Le quatrième alinéa est la retranscription du 1) de l'article 22 de la directive qui indique que « les Etats membres prennent les mesures appropriées pour que les émissions des organismes de radiodiffusion télévisuelle qui relèvent de leur compétence ne comportent aucun programme susceptible de nuire gravement à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs, notamment des programmes comportant des scènes de pornographie ou de violence gratuite ».

Suivant l'esprit de la directive, cet alinéa pose une interdiction générale qui ne souffre aucune dérogation ni arrangement : il s'agit de la prohibition générale des programmes susceptibles de nuire gravement à l'épanouissement des mineurs. L'adverbe « gravement » est donc essentiel. C'est lui qui détermine le caractère absolu de l'interdiction. En effet, on l'a vu, les programmes susceptibles de nuire à l'épanouissement des mineurs (sous-entendu, pas de façon aussi grave que ces derniers) sont diffusables moyennant des modalités fixées par les deux alinéas précédents.

Il est intéressant de noter que la directive est plus précise que le présent article, en donnant deux exemples de programmes nuisant gravement à l'épanouissement des mineurs : la pornographie et la violence gratuite. Au quatrième alinéa, il n'est fait nullement référence à ces exemples de manière explicite, le présent article se bornant à poser un principe général. Il est vrai que la transposition d'une directive en droit interne n'implique pas que chacun des termes de la directive soit repris, les Etats membres disposant en la matière d'une certaine marge de man_uvre.

En l'espèce, le membre de phrase « notamment des programmes comprenant des scènes de pornographie ou de violence gratuite » ne constitue qu'une illustration, que les Etats membres ne sont pas tenus de reprendre textuellement. En outre, l'introduction de ce membre de phrase pouvait être interprétée comme traduisant la volonté du législateur de prohiber totalement la diffusion de films pornographiques, alors que cette diffusion est admise en France, comme dans la plupart des autres États membres, dès lors qu'elle a lieu à une heure tardive et / ou sur une chaîne cryptée. En revanche, telle qu'elle est formulée, l'interdiction totale de diffusion pourrait, le cas échéant, s'appliquer aux films pornographiques dans lequel les acteurs se trouveraient placés dans des situations particulièrement choquantes pour les mineurs. En ce sens, le projet de loi est conforme à l'esprit de la directive et aux usages constatés en Europe en la matière.

Il faut noter qu'à ce jour, aucune liste de programmes susceptibles de nuire gravement à l'épanouissement des mineurs n'a été établie par le Conseil supérieur de l'audiovisuel. Ces programmes pourraient inclure notamment ceux représentant certaines formes d'extrême violence ou de pornographie : la zoophilie, la pornographie avec des mineurs, la pornographie avec violence, la pornographie dégradante pour la personne humaine.

Toutefois, dans le cadre du dispositif signalétique anti-violence actuellement en vigueur, une distinction a été établie entre les programmes nuisant et ceux nuisant gravement à l'épanouissement des mineurs. Rappelons que sur les chaînes en clair, les premiers peuvent être diffusés sous certaines conditions (notamment les films interdits aux moins de 12 et 16 ans) alors que les seconds sont totalement interdits (les films pornographiques). L'interdiction totale de diffusion des programmes susceptibles de nuire gravement aux mineurs s'exercera donc dans le cadre du dispositif de classification des _uvres mis en place par le CSA et sous son contrôle. La classification de chaque programme continuera de s'effectuer au cas par cas, au fur et à mesure de la programmation des _uvres. Pourraient être considérées comme susceptibles de nuire gravement aux mineurs les _uvres classées en catégorie V (c'est-à-dire les programmes interdits aux moins de 18 ans, une catégorie qui comprend les _uvres à caractère pornographique ou d'extrême violence).

La difficulté dans le système actuel tient au fait que les programmes nuisant à l'épanouissement des mineurs, d'une part, et d'autre part, ceux nuisant gravement à cet épanouissement, font l'objet d'une programmation différente selon qu'ils sont diffusés sur une chaîne en clair ou sur une chaîne cryptée. En Allemagne et en Grande-Bretagne par exemple, il est totalement interdit de diffuser des programmes pornographiques, quel que soit le type de diffusion (télévision en clair, télévision cryptée, système de paiement à la séance).

_ Le dernier alinéa vise à prohiber totalement les programmes contenant des incitations à la haine ou à la violence.

Le cinquième alinéa retranscrit une deuxième interdiction générale établie dans la directive dans son article 22 bis : la prohibition s'imposant à tous les services de radiodiffusion comme de télévision de diffuser un programme incitant à la discrimination, à la haine ou à la violence pour des raisons de race, de sexe, de religion ou de nationalité.

Ont été ajoutés par le Gouvernement français aux termes de la directive ceux « d'incitation à la discrimination » qui ne figurent pas dans le texte européen. Mais il faut rappeler que les Etats sont libres de dépasser les objectifs d'une directive européenne.

Toutefois, le rapporteur souhaite présenter un amendement visant à supprimer le terme de discrimination. Certes, le fait d'ajouter la notion -imprécise - de discrimination pourrait éventuellement permettre au Conseil supérieur de l'audiovisuel d'interdire certains programmes tendancieux. Mais le caractère trop vague de ce terme est susceptible d'élargir de façon démesurée les pouvoirs d'interdiction du Conseil, lequel pourrait éprouver des difficultés à définir de façon précise ce que la notion de « discrimination » est susceptible de recouvrir. Par ailleurs, l'expression d'« incitation à la haine ou à la violence pour des raisons de race, de sexe, de religion ou de nationalité » devrait suffire à empêcher la diffusion des programmes que l'on cherche à interdire.

En définitive, c'est au Conseil supérieur de l'audiovisuel qu'incombe, en tant qu'organe de régulation et de surveillance, la tâche de veiller au respect de la loi et par là même de la législation européenne dans des domaines très sensibles que sont la protection des mineurs et le respect de la dignité de la personne. Le Conseil se voit attribuer une place centrale sur ces sujets essentiels mettant en cause la nécessaire déontologie des diffuseurs.

Notons que la directive européenne ne fait pas mention d'un organe de régulation ; elle exige simplement que les Etats membres de l'Union européenne prennent « les mesures appropriées ». Les moyens sont à la libre appréciation des Etats ; seuls les résultats comptent. En l'occurrence, le Gouvernement français a considéré que la meilleure solution consistait, logiquement, à maintenir et étendre la compétence exclusive du CSA en la matière.

Le Conseil n'est pas démuni pour faire respecter ces nouvelles obligations s'imposant aux radios et aux chaînes. Pour assurer sa mission, il dispose d'un pouvoir de sanction prévu aux articles 42 et suivants de la loi du 30 septembre 1986 modifiée. En revanche, il ne lui est reconnu aucun pouvoir réglementaire en la matière.

Aux termes de l'article 42 de la loi de 1986, le CSA « peut mettre en demeure les titulaires d'autorisation pour l'exploitation d'un service de communication audiovisuelle de respecter les obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires et par les principes définis à l'article premier de la présente loi. » Or l'article premier de la loi faisait mention, entre autres principes, du « respect de la dignité de la personne humaine ».

En vertu de l'article 42-1 de la loi (qui est quelque peu modifié par le II de l'article 28 du présent projet), le CSA peut, en cas de non respect de ses obligations par le titulaire d'une autorisation, prononcer à son encontre, en fonction de la gravité du manquement constaté, la suspension, après mise en demeure, de l'autorisation ou d'une partie du programme pour un mois ou plus, la réduction de la durée d'autorisation dans la limite d'une année, une sanction pécuniaire assortie éventuellement d'une suspension de l'autorisation ou d'une partie du programme si le manquement n'est pas constitutif d'une infraction pénale, enfin, le retrait de l'autorisation.

Enfin, dans tous les cas de manquements cités, le CSA pourra, aux termes du nouvel article 42-4 de la loi figurant au IV de l'article 28 du présent projet, « ordonner l'insertion dans les programmes d'un communiqué dont il fixe les termes et les conditions de diffusion. Cette décision est prononcée après que l'intéressé a été mis en mesure de présenter ses observations dans le délai de deux jours francs et sans que soit mise en _uvre la procédure prévue à l'article 42-7. Le refus de se conformer à cette décision sera passible d'une sanction pécuniaire. »

Le CSA, qui dispose donc d'outils juridiques opérationnels, a ainsi les moyens de faire effectivement respecter, entre autres, les nouvelles dispositions figurant au présent article.

*

La commission a examiné un amendement présenté par M. Christian Kert tendant à préciser que les programmes pouvant nuire à l'épanouissement moral ou mental des mineurs sont, par exemple, ceux contenant des scènes de pornographie ou de violence gratuite.

Le rapporteur a indiqué que, grâce à la classification des programmes mise en place par le CSA, les programmes cités faisaient déjà l'objet de restrictions de diffusion. Il ne paraît pas opportun de multiplier dans le texte de la loi les exemples et les illustrations. De plus, il serait très délicat de chercher à définir, dans ce cadre, la notion de violence « gratuite » par opposition à la violence qui ne le serait pas,

La commission a rejeté cet amendement.

Elle a adopté un amendement présenté par le rapporteur visant à substituer au mot « messages » celui de « programmes » au troisième alinéa afin d'éviter toute confusion possible avec le terme de messages lié aux services du « Web ». Le CSA n'est en effet pas en mesure de contrôler le contenu de tels messages. Par souci de cohérence, il est donc préférable de retenir le terme de programmes, plus adapté à l'objet de l'article.

Elle a ensuite rejeté un amendement présenté par M. Christian Kert tendant à ce que les programmes comprenant des scènes de pornographie ou de violence gratuite des programmes de radiodiffusion et de télévision sont considérés comme des programmes nuisant gravement à l'épanouissement des mineurs, ce qui aboutirait à en interdire totalement la diffusion.

La commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur tendant à supprimer au dernier alinéa le mot « discrimination », le rapporteur ayant exposé que le fait de prévoir l'interdiction totale des programmes contenant des incitations à la haine ou à la violence pour des raisons de race, de sexe, de religion ou de nationalité, paraît suffisant pour empêcher la diffusion d'émissions choquantes.

La commission a adopté l'article 9 ainsi modifié.

Article 10

(article 20-2 nouveau de la loi du 30 septembre 1986)

Retransmission en clair des événements d'importance majeure

Le présent article, qui permet la transposition intégrale de l'article 3 bis de la directive européenne, comble un vide juridique en droit français qui ne prévoit actuellement aucune disposition législative ou réglementaire concernant la diffusion télévisée des événements d'importance majeure. Cette question correspond manifestement à une préoccupation présente dans de nombreux pays européens. Outre les dispositions de l'article 3 bis de la directive communautaire, deux textes abordent la question des événements d'importance majeure : il s'agit de l'article 9 de la Convention sur la télévision transfrontière du Conseil de l'Europe et de l'article 18 de la convention conclue entre Canal + et le CSA, annexée à la décision du Conseil n° 95-199 du 1er juin 1995.

1. La retransmission en exclusivité d'un événement d'importance majeure sur une chaîne cryptée est rendue illégale.

_ A ce jour, il n'a pas eu de précédent de diffusion exclusive de ce type d'événement sur une chaîne cryptée en France.

L'importance du prix d'achat des droits de diffusion exclusive des événements dits d'importance majeure, combinée avec l'interdiction faite à Canal + de s'en réserver l'exclusivité - probablement la seule chaîne cryptée bénéficiant de l'assise financière suffisante pour pouvoir acquérir en exclusivité les droits de retransmission de ce type d'événements - a garanti, dans les faits, que ces manifestations soient également ou uniquement retransmises sur des chaînes hertziennes en clair. En pratique, la libre retransmission des épreuves sportives les plus populaires est de mise.

Cet article vise à faire en sorte que le « grand » public - qui ne dispose pas majoritairement à domicile des services des chaînes payantes - ne puisse pas être un jour frustré de la vision de manifestations d'importance majeure, notamment sportives. Celles-ci ne pourront plus, en vertu du premier alinéa, être diffusées de manière exclusive par une chaîne cryptée. Le premier alinéa évoque ainsi la nécessité de ne pas « priver une partie importante du public de la possibilité de suivre (ces événements) en direct ou en différé sur un service de télévision à accès libre. »

La philosophie de l'article est ainsi résumée dans ce premier alinéa qui pose un principe de « non-frustration » du public. L'édiction de cette nouvelle règle au niveau européen témoigne de la force d'attraction de la télévision comme mode de communication sociale. La directive européenne va jusqu'à mettre en avant la notion d'événements « d'une importance majeure pour la société (...) ».

Tel que rédigé, le dispositif communautaire ne s'applique pas qu'aux seuls événements sportifs. Des événements fédérateurs tels que les funérailles nationales d'un chef d'Etat ou les cérémonies de l'an 2000 pourraient être considérés comme revêtant une importance majeure. Chaque pays se voit reconnaître toute latitude pour déterminer une liste d'événements qui pourra être plus ou moins extensive et comporter des manifestations de nature diverse.

Bien que le présent article ne l'indique pas explicitement, il est clair qu'il appartiendra au CSA de veiller à l'application de cet article et de sanctionner les manquements des chaînes qu'il pourrait constater.

_ Un décret devra intervenir pour fixer la liste des événements jugés d'importance majeure.

Le deuxième alinéa renvoie la fixation de la liste des événements d'importance majeure à un décret qui devra être pris après avis du CSA, ce qui correspond à une demande exprimée par le Conseil au moment de la présentation du premier projet de loi. Dans l'avis sur le projet de loi qu'il a en effet rendu le 20 octobre 1998, le Conseil a tenu à souligner que :

« La garantie pour le téléspectateur de ne pas être privé de la possibilité de suivre des événements d'importance majeure, notamment sportifs, constitue un élément essentiel du droit à l'information du public. Le système de reconnaissance mutuelle introduit par la directive Télévision sans frontières de juin 1997 garantit l'exercice de ce droit à l'échelle européenne.

A l'occasion de cette transposition, le Conseil souhaite que plusieurs clarifications soient apportées. La méthode retenue pour déterminer la liste des événements d'importance majeure doit être modifiée. L'objectif poursuivi est en effet double : adopter une procédure transparente, contradictoire et souple, tout en garantissant aux opérateurs une sécurité juridique dans l'acquisition des droits de diffusion.

Dans cet esprit, le Conseil estime que le décret prévu doit être adopté après avis du CSA. La loi fixant les objectifs, ce texte doit définir les critères d'élaboration de la liste. Il doit aussi aménager une méthode souple de résolution des litiges par le CSA, en particulier s'agissant des modalités de cession des droits acquis par les opérateurs. Le décret doit prévoir que la liste elle-même soit mise au point par arrêté conjoint des ministres chargés de la communication et du sport, après avis conforme du CSA. »

Le rapporteur souhaite, pour sa part, présenter un amendement visant à supprimer les mots « pris après avis du CSA ». Le Conseil supérieur de l'audiovisuel doit être reconnu compétent pour faire respecter le contenu de la liste, une fois qu'elle sera fixée par décret pris après avis du Conseil d'Etat, et non pour donner un avis sur la nature des événements eux-mêmes. Une telle tâche ne ressort pas du rôle habituel de l'instance de contrôle et de régulation. D'ailleurs, la directive européenne indique que la liste doit être établie « selon une procédure claire et transparente », ce qui signifie que les consultations devant être menées en ce sens impliquent plutôt le public et les diffuseurs.

Même si cela n'est pas explicitement indiqué dans le présent article, le décret devra ainsi être élaboré après concertation avec les professionnels concernés, notamment les chaînes de télévision et les fédérations sportives.

Ce décret devra préciser également les cas dans lesquels, en raison de l'éloignement du lieu des manifestations, et donc du décalage horaire, l'intérêt des téléspectateurs commandera que les événements soient diffusés en différé plutôt qu'en direct. Le deuxième alinéa fait en effet référence à « l'intérêt du public » comme étant le seul critère à prendre en compte dans ce cadre. Il faut relever que la directive ne fait pas mention explicite de cette notion, mais de la notion différente de « raisons objectives d'intérêt général ». On peut s'interroger sur les raisons de cette différence assez sensible dans les termes utilisés. Il semble que l'intérêt du public soit apparu au Gouvernement français comme la notion la plus pertinente pour apprécier les conditions optimales de retransmission des événements, même si parallèlement doivent être prises en compte des contraintes techniques ou matérielles objectives. La distinction entre les deux notions s'explique sans doute par le fait qu'il s'agit, dans le premier cas, d'une approche purement nationale - l'intérêt du public français -, et dans le second, d'une terminologie spécifiquement communautaire.

C'est au décret que reviendra la tâche de déterminer les conditions dans lesquelles, en raison de la durée des manifestations, l'intérêt du public justifiera une retransmission partielle, et non intégrale. Le deuxième alinéa, reprenant en cela des indications figurant déjà dans le premier alinéa, indique que ces événements d'importance majeure peuvent être mis à la disposition du public « en direct ou en différé sur un service de télévision libre. » Il semble que le décalage horaire entre l'Etat dans lequel l'événement se déroule et celui dans lequel il est considéré comme présentant une importance majeure représente une contrainte justifiant pleinement une retransmission partielle ou en différé ; de même que serait sans doute justifiée une retransmission partielle ou différée afin de favoriser une diffusion à une heure d'écoute favorable.

La directive indique que la liste doit être établie « selon une procédure claire et transparente, en temps opportun et utile ». On peut noter que cette préoccupation n'apparaît pas textuellement dans le présent article. Néanmoins, dans la pratique, il faut souligner que des consultations ont d'ores et déjà été engagées et se poursuivront après la promulgation de la loi en vue de l'élaboration du décret.

Une réflexion générale devra, en toute hypothèse, être menée rapidement après l'adoption du présent projet de loi avec les parties intéressées que sont les diffuseurs, les organisateurs de manifestations (le plus souvent les fédérations sportives) et les pouvoirs publics. Il convient, en effet, à travers l'adoption d'une procédure transparente, contradictoire et souple, de garantir aux opérateurs une sécurité juridique maximale dans l'acquisition des droits de diffusion.

On ne saurait, à ce stade, préjuger du contenu de cette liste. Toutefois, la liste de Canal + pourrait opportunément constituer une base de discussion. Cette liste figurant dans la convention de Canal + paraît en effet globalement satisfaisante.

Il est interdit, aux termes de l'article 18 de la convention passée avec le CSA à cette chaîne, de se réserver l'exclusivité des retransmissions :

a) des manifestations suivantes :

- Jeux olympiques d'hiver,

- Jeux olympiques d'été,

- Cyclisme : tour de France,

b) des matches :

- de la coupe du monde de Football,

- du championnat d'Europe des nations de football,

- du Tournoi des cinq nations de Rugby.

2. Le principe est étendu à l'ensemble de l'espace communautaire

_ La directive organise un système de reconnaissance mutuelle des différentes listes entre Etats membres de l'Union européenne.

Le dernier alinéa suppose, pour être applicable et appliqué, que les services du ministère ou le CSA aient une connaissance précise des listes établies dans les Etats membres. L'article 3 bis de la directive organise à cet égard l'information des Etats et des professionnels, en prévoyant la publication au Journal Officiel des Communautés européennes des listes de chaque Etat membre, l'objectif étant d'instituer une reconnaissance mutuelle des listes nationales.

Le principe de reconnaissance mutuelle posé à cet alinéa suppose donc que les diffuseurs d'un Etat membre prennent connaissance des contenus des listes dressées dans d'autres Etats membres.

Notons que deux Etats ont déjà notifié à la Commission leur liste d'événements d'importance majeure ; il s'agit notamment du Danemark et du Royaume-Uni.

La liste danoise comprend :

- Les jeux olympiques (d'été et d'hiver), dans leur intégralité,

- Les championnats du monde et d'Europe de football (messieurs et dames) : tous les matchs disputés par l'équipe danoise, ainsi que les demi-finales et les finales,

- Les championnats du monde et d'Europe de handball (messieurs et dames) : tous les matchs disputés par l'équipe danoise, ainsi que les demi-finales et les finales,

- Les matchs de qualification du Danemark pour les championnats du monde et d'Europe de football (messieurs),

- Les matchs de qualification du Danemark pour les championnats du monde et d'Europe de handball (dames).

La liste britannique comprend :

- Les jeux olympiques (d'été et d'hiver),

- Toutes les rencontres de la phase finale de la coupe du monde de football (FIFA),

- Toutes les rencontres de la phase finale du championnat d'Europe de football,

- La finale de la coupe de football (FA),

- La finale de la coupe d'Ecosse de football (uniquement en Ecosse),

- La course d'obstacles du Grand National,

- Le Derby,

- La phase finale du tournoi de tennis de Wimbledon,

- La phase finale de la coupe de la ligue de rugby,

- La finale de la coupe du monde de rugby.

_ L'applicabilité de la mesure prévue au dernier alinéa a débuté dès le 23 août 1997.

Le dernier alinéa prévoit que les services de télévision ayant acquis après la date de publication de la directive, à savoir le 23 août 1997, des droits exclusifs sur des événements ne pourront pas les exercer « d'une manière telle qu'ils privent une partie importante du public d'un autre Etat membre de la Communauté européenne (...) de la possibilité de suivre, sur un service de télévision à accès libre, les événements déclarés d'importance majeure par cet Etat ».

On peut s'interroger sur la manière dont cet alinéa pourra être concrètement appliqué par les services de télévision ayant acquis des droits exclusifs après le 23 août 1997. En effet, lorsqu'ils ont acheté ces droits, la législation française ne leur interdisait pas encore d'acquérir des droits exclusifs même dans le cas où ce faisant, une partie importante du public d'un autre Etat membre de l'Union européenne allait en être privée.

Cet alinéa ne devrait concerner que très peu de cas. En effet, son application effective implique qu'une chaîne relevant de la compétence de la France et diffusée dans d'autres Etats membres ait acquis en exclusivité les droits de retransmission d'un événement majeur pour la diffusion dans ces autres Etats, et cela, après la publication de la directive du 30 juin 1997. Or l'introduction de cette disposition fut, dès la publication de la directive, très commentée au sein des professionnels diffuseurs. Si un tel cas de figure devait toutefois se vérifier, la chaîne concernée devrait renégocier son contrat, afin d'en faire retirer la clause d'exclusivité.

Dans l'hypothèse où une chaîne relevant de la compétence de la France ne respecterait pas les dispositions de ce dernier alinéa, elle s'exposerait à une sanction de la part du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Toute personne intéressée pourrait en effet saisir à cette fin le CSA.

En revanche, les services de télévision ayant acquis avant le 23 août 1997 les droits exclusifs d'événements qualifiés d'importance majeure devraient pouvoir exercer leurs droits librement tant au niveau national que vis-à-vis des autres Etats membres, sans encourir de sanctions, dans la mesure où la directive elle-même rend applicable le régime de consentement mutuel entre Etats membres à compter de la « date de publication de la (...) directive ».

*

La commission a examiné un amendement présenté par M. Christian Kert prévoyant que la liste des événements d'importance majeure prévue à cet article devait être établie. Après que le rapporteur a relevé que le deuxième alinéa de l'article prévoyait l'établissement de cette liste par décret, l'amendement a été retiré par son auteur.

La commission a ensuite examiné un amendement présenté par M. Henri Nayrou visant à supprimer les mots « en différé » au premier alinéa afin de spécifier que les événements d'importance majeure ne sauraient être retransmis en différé sur un service de télévision à accès libre.

Le rapporteur a estimé que les mots « ou en différé » - que l'amendement se propose de supprimer - constituent en réalité un plus et représentent de fait un confort supplémentaire pour les téléspectateurs notamment dans les cas de retransmission d'événements se déroulant à l'étranger. La diffusion en différé peut, du fait du décalage horaire, s'avérer favorable.

M. Edouard Landrain a rappelé que certaines chaînes de télévision procédaient à des achats de droits de retransmission de manifestations avec l'intention de les diffuser en différé, voire, de ne pas les diffuser du tout, dans le seul but d'en priver les chaînes concurrentes.

M. Henri Nayrou, rappelant que tous les matches de la Coupe du monde de football avaient été diffusés en direct et en clair, a insisté sur la nécessité de renforcer la « démocratisation » des règles présidant à la retransmission télévisuelle des grands événements sportifs.

Le président Jean Le Garrec, après avoir souligné que deux interprétations du terme en différé étaient possibles, s'est déclaré partisan d'une réécriture de l'amendement et a donc invité l'auteur à le retirer.

A l'issue de ce débat, M. Henri Nayrou a retiré son amendement.

La commission a adopté un amendement du rapporteur, visant à supprimer l'avis du CSA sur la liste des événements d'importance majeure, M. Noël Mamère ayant cependant objecté que le CSA, autorité indépendante, semblait plus à même que le Gouvernement d'apprécier le caractère majeur d'un événement.

La commission a examiné un amendement de M. Henri Nayrou visant à prévoir que le décret fixant la liste des événements d'importance majeure soit cosigné par le ministre de la jeunesse et des sports et par le ministre de la communication.

M. Henri Nayrou a jugé indispensable de permettre au ministre directement en charge du sport de donner son appréciation sur le caractère majeur d'un événement notamment sportif.

La commission a rejeté l'amendement, le rapporteur ayant fait observer que la liste des ministres signataires d'un décret relevait, en droit, de la seule appréciation du Gouvernement.

La commission a adopté l'article 10 ainsi modifié.

Après l'article 10

La commission a examiné un amendement de M. Henri Nayrou visant à contraindre les chaînes proposant la retransmission d'événements sportifs majeurs à promouvoir la lutte contre le dopage, en les obligeant à diffuser « avant, pendant et après » la retransmission de telles manifestations de courts messages de sensibilisation à la question du dopage.

M. Henri Nayrou a rappelé que des dispositions figuraient déjà dans la loi récemment adoptée relative à la lutte contre le dopage, loi dont l'article 3 dispose que les cahiers des charges des sociétés nationales de programme prévoient des dispositions pour la promotion de la protection de la santé des sportifs et de la lutte contre le dopage.

Le rapporteur a jugé que la contrainte que l'amendement cherchait à introduire pourrait apparaître à la fois lourde et complexe à définir.

Le président Jean Le Garrec a plaidé pour une rédaction plus souple de cet amendement, qui soulève par ailleurs un problème très important. Il a donc suggéré à M. Nayrou d'en conserver l'esprit mais d'en proposer une nouvelle rédaction pouvant être soumise prochainement à la commission en application de l'article 88 du Règlement.

M. Henri Nayrou a retiré son amendement.

Article 11

(article 31 de la loi du 30 septembre 1986)

Services autorisés exclusivement diffusés en langue étrangère

Cet article met fin au régime dérogatoire prévu par les troisième et quatrième alinéas de l'article 31 de la loi du 30 septembre 1986 en faveur des chaînes diffusées en langue étrangère par satellite et autorisées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA)28.

Le fait que ces chaînes soient exclues du champ d'application du décret prévu à l'article 27 de la loi - qui fixe les obligations des services diffusés par voie hertzienne terrestre ou par satellite en ce qui concerne la publicité et le parrainage, la production et la diffusion d'_uvres audiovisuelles et cinématographiques - est contraire à l'article 2 de la directive Télévision sans frontières (TVSF). En effet, cet article précise que « chaque Etat-membre veille à ce que toutes les émissions de radiodiffusion télévisuelle transmises par des organismes de radiodiffusion relevant de sa compétence respectent les règles du droit applicable aux émissions destinées au public dans cet Etat membre ».

Les chaînes visées par les troisième et quatrième alinéas de l'article 31 de la loi de 1986 étant des services « autorisés », elles relèvent de la compétence de la France et ne peuvent donc pas bénéficier d'un régime dérogatoire.

La seule possibilité de dérogation ouverte par le considérant 29 de la directive TVSF dans sa version modifiée de 1997 concerne les chaînes « émettant entièrement dans une langue autre que celle des Etats-membres » (et non pas en langue « étrangère », ce qui introduit une distorsion de droit entre les chaînes en français et celles utilisant les langues des autres Etats-membres) et porte uniquement sur les obligations visées aux articles 4 et 5 de la directive, c'est-à-dire portant sur la production et la diffusion d'_uvres européennes (et en aucun cas, comme c'est le cas dans l'actuel article 31, sur les règles relatives à la publicité et au parrainage).

Ce régime dérogatoire du considérant 29 figure dans la nouvelle rédaction de l'article 27 de la loi de 1986 proposée par le dernier alinéa de l'article 24 du présent projet.

*

La commission a adopté l'article 11 sans modification.

Article 12

(article 43-2 à 43-6 nouveaux de la loi du 30 septembre 1986)

Critère d'établissement et régime juridique applicable

aux services de télévision diffusés en France

Le présent article retranscrit les articles 2 et 2 bis de la directive européenne qui vise à établir les critères permettant de déterminer, pour chaque chaîne diffusée en Europe, de quel Etat membre elle relève juridiquement. Il s'agit d'éviter que deux pays se reconnaissent compétents pour une même chaîne ou, en sens inverse, qu'aucun Etat ne se considère comme compétent vis-à-vis d'un service de télévision émis dans l'espace communautaire.

L'article vise à introduire, après l'article 43-1 de la loi de 1986, un chapitre V intitulé « détermination des services de télévision soumis à la présente loi ». Ce chapitre est composé de cinq articles, de l'article 43-2 à l'article 43-6.

Notons qu'à l'instar de la directive européenne, le présent article est applicable à tout service de télévision, sur tout support de communication. Il ne concerne pas, en revanche, la radiodiffusion sonore ou les autres services de communication audiovisuelle. Il ne vise pas les sites sur Internet, du moins ceux ne pouvant être qualifiés de radio ou de télévision.

Il faut souligner, par ailleurs, que l'adoption du présent projet de loi nécessitera de modifier en conséquence le décret n° 92-882 du 1er septembre 1992. Celui-ci fixe le régime juridique des chaînes distribuées par câble et distingue les chaînes émises depuis la France, les chaînes émises depuis un Etat membre de l'Union européenne ou signataire de l'accord sur l'espace économique européen, et les chaînes émises à partir d'autres Etats.

1. Le principe de base est qu'un Etat membre de l'Union européenne et un seul doit être reconnu compétent pour chaque chaîne diffusée en Europe.

_ L'objectif de la directive est de permettre de déterminer sans contestation le lieu d'établissement des services de télévision diffusés en Europe.

Il faut rappeler qu'étant donné que la directive de 1989 ne prévoyait pas de critères précis de détermination de la loi applicable à un radiodiffuseur, plusieurs contentieux ont été portés devant la Cour de justice des Communautés européennes. Ces contentieux portaient sur des conflits de compétences, positifs ou négatifs. On peut citer à titre d'exemple l'arrêt rendu le 10 septembre 1996 - affaire C/222/94, Commission c/Royaume-Uni - dans lequel la CJCE précisa les critères de détermination de la loi applicable. Ce sont ces critères qui ont été repris, pour l'essentiel, dans la directive complétée en 1997.

Le nouvel article 2 de la directive ainsi enrichie pose ainsi les critères permettant de déterminer, avec précision, la loi applicable à un radiodiffuseur télévisuel. Le Gouvernement doit transposer ici littéralement cette nouvelle disposition, la loi de 1986 n'ayant prévu aucune disposition en la matière. En effet, la loi française, dans son état actuel, ne précise pas expressément quelles sont les chaînes de télévision auxquelles elle s'applique.

La logique retenue par la directive et reprise par le présent article est la suivante : les chaînes qui ne sont établies dans aucun Etat membre sont réputées, pour leur diffusion sur le territoire communautaire, relever de la compétence de celui des Etats membres qui leur a accordé une fréquence ou de celui dont elles utilisent une capacité satellitaire, ou bien de celui dont elles utilisent une liaison montante vers un satellite, située dans cet Etat, ces trois critères s'appliquant en cascade.

_ Le cas de la chaîne RTL 9, qui a donné lieu à un contentieux, est intéressant de ce point de vue.

Saisi de l'affaire, le CSA a reconnu le caractère luxembourgeois de RTL 9 et accepté de soumettre cette chaîne à un simple régime déclaratif ; en conséquence, la chaîne n'est plus soumise au droit français et pourra, notamment, ne respecter que les quotas prévus par la directive.

Extrait de la "Lettre du CSA" n° 110

concernant sa décision sur RTL9 :

« RTL 9 relève du droit luxembourgeois.

Au vu de l'ensemble des éléments d'information que lui avaient adressés Rémy Sautter, directeur général de la CLT-UFA et Claude Berda, administrateur délégué de RTL 9, le CSA a été amené à conclure que la chaîne relève de la loi luxembourgeoise et bénéficie de facto du régime déclaratif applicable aux chaînes européennes pour leur distribution sur les réseaux câblés français. On rappellera que depuis mai dernier, RTL 9 n'est plus détenue qu'à hauteur de 35 % par la CLT-UFA, le groupe AB de Claude Berda ayant acquis 65 % du capital. Cette prise de participation a entraîné des modifications dans l'organisation et le fonctionnement de la chaîne, jusqu'alors titulaire d'une convention avec le CSA.

La détermination du régime juridique aujourd'hui applicable à la chaîne résulte de la prise en considération des éléments suivants :

- le siège social des sociétés RTL9 Sa et RTL 9 Sa et Cie SECS est au Luxembourg ;

- les personnels de la chaîne sont installés au Luxembourg ;

- les décisions de programmation sont prises au Luxembourg

et la CLT-UFA assure la responsabilité éditoriale de la chaîne ;

- l'assemblage final des programmes est effectué au Luxembourg ;

- la première liaison montante qui alimente le satellite Telecom 2 B s'effectue depuis le sol luxembourgeois ;

- la diffusion hertzienne de RTL 9 sur une partie du territoire français s'effectue à partir d'émetteurs établis au Luxembourg.

Le CSA sera extrêmement attentif au respect par RTL 9 de l'intégralité des obligations de la directive Télévision sans frontières qui, seules, lui sont désormais applicables. Au vu de cette situation nouvelle, le Conseil a en outre décidé d'étudier au cours des prochains mois les évolutions possibles de la réglementation actuellement en vigueur pour les chaînes du câble. »

2. Des critères précis permettent désormais de définir au cas par cas le régime juridique applicable aux services de télévision diffusés en France.

La combinaison des articles nouveaux 43-3 et 43-4 de déterminer de façon méthodique pour chaque service de télévision sa « nationalité » et par conséquent le droit s'appliquant.

Selon les dispositions de l'article nouveau 43-3, sont considérés comme établis en France les exploitants de services de télévision répondant aux caractéristiques suivantes :

Siège social effectif

Décisions de la direction relatives à la programmation

Existence d'une partie importante des effectifs employés travaillant en France

Autres indications plus précises sur les effectifs employés aux activités du service

France

France

   

France

Autre Etat membre de l'UE ou partie à l'accord EEE

 

Une partie importante des effectifs employés aux activités du service travaille en France, même si une partie importante des effectifs travaille également dans l'Etat où sont prises les décisions de direction relatives à la programmation.

Lorsque les effectifs employés ne travaillent pour une part importante ni en France ni dans l'Etat où sont prises ces décisions, l'exploitant de service est réputé être établi dans le premier Etat où il a été régulièrement mis à disposition du public, à condition que soit maintenu un lien économique stable et réel avec cet Etat.

France

Autre Etat ni membre de l'UE ni partie à l'EEE

Oui

 

Siège effectif dans un autre état membre de l'Union européenne (ue) ou de l'espace économique européen (eee)

France

Une partie importante des effectifs employés dans les services travaille en France

(sauf si une partie importante des effectifs employés aux activités du service travaille également dans l'autre Etat).

Lorsque les effectifs employés ne travaillent pour une partie importante ni dans l'Etat où il a son siège social effectif ni en France, l'exploitant de service est réputé être établi dans le premier Etat où il a été régulièrement mis à disposition du public, à condition que soit maintenu un lien économique stable et réel avec cet Etat.

Siège effectif dans un autre Etat non membre de l'UE et de l'EEE

France

France

 

Les exploitants des services de télévision auxquels ne sont applicables aucun des critères définis à l'article nouveau 43-3 comme l'indique le tableau ci-dessus, relèvent aux termes de l'article nouveau 43-4 de la compétence de la France s'ils satisfont à l'une des conditions suivantes :

conditions en cascade

S'ils utilisent une fréquence accordée par la France

 

_

Si, n'utilisant ni une fréquence accordée par un Etat membre de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen ni une capacité satellitaire relevant d'un de ces Etats, ils utilisent une capacité satellitaire relevant de la France.

 
 

_

Si, n'utilisant ni une fréquence accordée par un Etat membre de l'UE ou de l'EEE ni une capacité satellitaire relevant d'un de ces Etats, ils utilisent une liaison montante vers un satellite à partir d'une station située en France.

Le nouvel article 43-5 dispose qu'en dehors des cas prévus plus haut aux articles 43-3 et 43-4, « il est fait application, pour la détermination de la législation applicable, des critères d'établissement prévus aux articles 52 et suivants du traité instituant la Communauté européenne ».

Selon l'article 52 de ce traité - qui figure au titre III intitulé « la libre circulation des personnes, des services et des capitaux » et plus précisément dans le chapitre 2 relatif au « droit d'établissement », « (...) les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans un territoire d'un autre Etat sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un Etat membre établis sur le territoire d'un Etat membre.

La liberté d'établissement comporte l'accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d'entreprises, et notamment de sociétés au sens de l'article 48, deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres ressortissants (...) »

3. Le principe déclaratif pour les services relevant d'un autre Etat de l'Union européenne a désormais une base législative.

_ La méthode du conventionnement, jugée contraire à la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, a été abandonnée par le CSA.

S'agissant des chaînes établies dans un autre Etat membre ou relevant de la compétence d'un autre Etat membre, il faut noter que le décret du 1er septembre 1992 prévoit une convention avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel, conformément aux dispositions de la loi du 30 septembre 1986. En l'absence de critère, la loi s'appliquait jusqu'en 1997 à toute chaîne reçue en France et toute chaîne distribuée par câble devait passer une convention avec le CSA.

Ce conventionnement étant contraire à la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes, entérinée par l'article 2 bis de la directive, la France y a renoncé depuis juillet 1997. Ainsi ces chaînes sont depuis lors soumises à un simple régime déclaratif.

Il importait de donner une base législative à cette nouvelle pratique, ce que permet le présent article.

Après que la Cour de Justice a précisé les critères de détermination de la loi applicable dans l'arrêt précité, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a d'ailleurs veillé à leur respect dans sa pratique conventionnelle.

Pour résumer, le CSA a d'ores et déjà :

- soumis à simple régime déclaratif les chaînes relevant d'un autre Etat membre de l'union européenne pour leur reprise sur les réseaux câblés français, après que la Cour de justice a jugé qu'une pratique conventionnelle préalable était contraire au droit communautaire (CJCE, Commission/Royaume de Belgique, affaire C-11/95, 10 septembre 1996) ;

- appliqué le droit français et donc conclu une convention terrestre ou câble avec les seules chaînes établies en France.

Le nouvel article 43-6 donne une base législative à cette nouvelle pratique du CSA vis-à-vis des services de télévision relevant d'un autre Etat membre de l'Union européenne.

_ La pratique déclarative se trouve confirmée par le nouvel article 43-6 de la loi.

Les exploitants des services relevant de la compétence d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen doivent donc en vertu du présent article effectuer, « préalablement à la mise à disposition du public d'un service de télévision par un autre moyen de télécommunication que la voie hertzienne terrestre, une déclaration auprès du Conseil supérieur de l'audiovisuel, selon une procédure devant être fixée par décret. »

Aux termes du nouvel article 43-6, le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut suspendre provisoirement la retransmission de ces services, selon une procédure définie par décret, avec un processus défini en deux temps :

1) si le service a diffusé plus de deux fois au cours des douze mois précédents des émissions susceptibles de nuire de façon manifeste, sérieuse et grave à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ou comportant une incitation à la haine pour des raisons de race, de sexe, de religion ou de nationalité. Cette préoccupation rejoint la volonté figurant à l'article 9 du présent projet de loi de protéger l'épanouissement des mineurs et de garantir le respect de la dignité de la personne.

2) si, après une notification des griefs au service, la violation alléguée persiste.

Il est donc laissé au service de télévision fautif une possibilité de n'être pas suspendu provisoirement par le CSA à condition, bien entendu, que les violations constatées ne perdurent pas.

Le présent article, qui comporte des dispositions essentiellement techniques, présente deux avantages principaux : il permet de clarifier l'état du droit en matière de lieu d'établissement à l'échelle européenne ; il a pour effet de valider la nouvelle pratique déclarative mise en _uvre par le CSA pour les chaînes relevant de la compétence d'un autre Etat.

*

La commission a examiné deux amendements de M. Renaud Muselier, visant à supprimer les trois derniers alinéas de l'article 43-6 et à leur substituer deux types de dispositions - le fait que le Conseil supérieur de l'audiovisuel puisse prononcer des sanctions financières à l'encontre des auteurs d'infractions et le fait qu'une procédure contradictoire soit alors respectée -.

Le rapporteur a objecté que la suppression des trois derniers alinéas posait problème puisque ceux-ci visent à transposer des dispositions importantes de la directive « Télévision sans frontières ». Par ailleurs les dispositions contenues dans les deux amendements figurent déjà dans la loi du 30 septembre 1986. Le pouvoir de sanctions pécuniaires est notamment prévu à l'article 42-2 de cette loi.

La commission a rejeté les deux amendements.

La commission a adopté l'article 12 sans modification.

Article 13

(article 27 de la loi du 30 septembre 1986)

Réglementation du télé-achat et des services d'autopromotion

Cet article prévoit que le décret qui fixe actuellement les règles en matière de publicité et de parrainage pour les chaînes hertziennes fixera également les règles qu'en application de la directive Télévision sans frontières (TVSF) modifiée, l'Etat doit prendre en matière de télé-achat et d'autopromotion.

· Il met donc fin au pouvoir réglementaire qui, en matière de télé-achat, avait été confié à l'autorité de régulation (la Commission nationale de la communication et des libertés - CNCL - puis le CSA) par l'article 2 de la loi n° 88-21 du 6 janvier 1988 relative aux opérations de télé-promotion avec offre de vente dites de « télé-achat ».

Le paragraphe II de l'article 3 de cette même loi, qui définissait les sanctions pénales applicables en cas de non-respect des règles fixées par l'autorité de régulation en matière de télé-achat, est également abrogé. Désormais, la violation de la réglementation en la matière sera sanctionnée comme toute violation des dispositions des décrets prévus à l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986, c'est-à-dire par une amende de 6 000 à 500 000 francs (article 79 de la loi du 30 septembre 1986).

La décision de la CNCL n° 88-36 du 4 février 1988 modifiée a organisé les règles de programmation des émissions de télé-achat sur les services de télévision autorisés et diffusés par voie hertzienne. Les sociétés nationales de programme ne sont donc pas autorisées à diffuser des émissions de télé-achat, défini comme « la présentation ou la promotion d'objets, de produits ou de services offerts directement à la vente par des services de radiodiffusion sonore et de télévision autorisés ».

Le décret n° 92-882 du 1er septembre 1992, dit « décret câble », pris en application de l'article 33 de la loi du 30 septembre 1986, a repris, alors même que la loi ne le prévoyait pas, le contenu de cette décision pour l'appliquer aux services de télévision autorisés diffusés par câble. L'article 24 du présent projet, en complétant le contenu du « décret câble », viendra donc mettre la loi en conformité avec la pratique réglementaire.

Le télé-achat peut soit être le sujet exclusif de chaînes thématiques, soit faire l'objet d'émissions spécifiques diffusées par des chaînes non spécialisées. Par contre, il ne peut pas, comme le prévoit l'article 18 de la directive TVSF modifiée, faire l'objet de spots publicitaires, l'article 2 du décret n° 92-280 du 27 mars 1992 excluant de la définition de la publicité télévisée les offres de télé-achat.

Pour les émissions de télé-achat, l'article 2 de la décision de la CNCL et l'article 14-3 du décret câble disposent qu'elles ont une durée minimale de 10 minutes (15 minutes dans l'article 18 bis de la directive), qu'elles sont limitées à une heure au total par jour (trois heures dans la directive) et doivent être clairement identifiables. Par contre, il n'y a pas de limite fixée pour le nombre d'émissions par jour, alors que l'article 18 bis de la directive dispose que « le nombre maximal de fenêtre d'exploitation est de huit par jour ». Le droit devra donc être complété sur ce point.

Quant aux chaînes diffusant exclusivement des émissions de télé-achat, elles sont soumises aux mêmes obligations que toutes les autres chaînes.

Pour l'ensemble des émissions et services de télé-achat, les secteurs interdits à la publicité (comme le tabac ou les boissons alcooliques) sont également interdits (article 9 de la décision de la CNCL ; articles 13 à 15 de la directive TVSF modifiée).

Le présent article (ainsi que l'article 24 pour le décret portant sur les obligations des services diffusés par câble et, désormais, par satellite) permet donc d'unifier les instruments réglementaires applicables aux questions de publicité, de parrainage et de télé-achat. C'est dans ce nouveau cadre légal que pourront être intégrées en droit français les dispositions des articles 10 à 18 bis de la directive relatives à la publicité, au parrainage et au télé-achat et non encore transposées.

· L'insertion de l'autopromotion dans les dispositions réglementées par le décret relatif à la publicité sur les chaînes hertziennes (ainsi que, à l'article 24, dans le décret « câble et satellite ») appelle une clarification, cette notion faisant l'objet d'un régime relativement complexe dans la directive TVSF modifiée.

Aux termes de son article 1er c), la directive assimile l'autopromotion à la publicité, le considérant 39 précisant que « ...les activités d'autopromotion constituent une forme particulière de publicité réalisée par l'organisme de radiodiffusion télévisuelle en vue de promouvoir ses propres produits, services, programmes ou chaînes... ». L'article 18 de cette même directive exclut cependant les spots d'autopromotion - c'est à dire les bandes annonces diffusés entre les programmes par un service de télévision - de la comptabilisation du temps d'antenne susceptible d'être consacrés à de la publicité.

Il conviendra donc, dans les dispositions du décret relatif à la publicité sur les chaînes hertziennes, de préciser ces règles de décompte. Pour le reste, (obligations générales de forme, secteurs interdits), les spots d'autopromotion demeurent soumis aux mêmes règles que la publicité.

Mais l'autopromotion peut également, à l'image du télé-achat, faire l'objet de chaînes spécifiques, entièrement dévolues à un annonceur (ce qui n'existe pas en France). Pour répondre notamment à une demande de la Grande-Bretagne, confrontée au développement de services de ce type (création d'une chaîne « Microsoft » par exemple), le considérant 38 et l'article 19 bis de la directive prévoient donc que les dispositions de la directive s'appliquent également aux chaînes intégralement consacrées à l'autopromotion. Les rédacteurs sont cependant demeurés relativement prudents sur ce sujet puisque le considérant 39 précise, au sujet de l'autopromotion, que « ces activités étant un phénomène nouveau et assez mal connu, les dispositions le concernant sont particulièrement susceptibles d'être modifiées lorsque la présente directive sera réexaminée ».

Dans l'attente de telles modifications, il convenait cependant de prévoir dans la loi du 30 septembre 1986 une disposition permettant d'encadrer, éventuellement, des services consacrés exclusivement à l'autopromotion. Le projet de loi ajoute donc simplement l'autopromotion aux sujets régis par le décret relatif à la publicité sur les chaînes hertziennes (et, par analogie, par le décret câble et satellite).

La rédaction choisie risque cependant d'introduire une ambiguïté dans la loi, car elle pourrait laisser penser que l'Etat a pour objectif d'arrêter une réglementation spécifique en matière de bandes annonces, seule forme d'autopromotion actuellement connue en France, ce qui serait injustifié en regard de l'assimilation à la publicité pratiquée en la matière par la directive. Le rapporteur s'étant fait confirmer qu'il s'agissait uniquement de donner une base légale à une réglementation ultérieure de chaînes exclusivement consacrées à l'autopromotion, une nouvelle rédaction de l'article sera proposée par amendement afin de lever toute ambiguïté sur ce point.

*

La commission a adopté un amendement de précision rédactionnelle du rapporteur.

La commission a adopté l'article 13 ainsi modifié.

Article 14

(article 70-1de la loi du 30 septembre 1986)

Chronologie des médias

Cet article, en proposant une nouvelle rédaction de l'article 70-1 de la loi du 30 septembre 1986, transpose en droit français l'article 7 de la directive Télévision sans frontières (TVSF) révisée qui renvoie aux accords individuels ou professionnels la fixation des délais d'exploitation des _uvres cinématographiques sur différents supports télévisés (paiement à la séance, chaînes cryptées, chaînes en clair). Jusqu'ici, la fixation de ces règles relevait du pouvoir réglementaire, en cohérence avec l'ancienne rédaction de la directive qui fixait des délais minimaux de référence et renvoyait donc sa mise en _uvre à des textes législatifs ou réglementaires.

La transposition de ces dispositions n'avait pas été effectuée de façon complète en droit français puisque seules les chaînes hertziennes diffusées en clair étaient soumises à des délais fixés par voie réglementaire : l'article 4 du décret n° 87-36 du 26 janvier 1987 prévoit ainsi que la première diffusion en clair ne peut intervenir avant un délai minimum de 36 mois après la sortie en salle, ce délai étant ramené à 24 mois au plus pour les films coproduits par la chaîne. Des dérogations peuvent être accordées par le ministre de la culture sans que le délai puisse être inférieur à 18 mois. Les autres chaînes (chaînes hertziennes cryptées, c'est-à-dire Canal + et chaînes thématiques du câble et du satellite, y compris le paiement à la séance) sont actuellement déjà régies sur ces questions par des accords contractuels.

Les dispositions réglementaires évoquées ci-dessus sont devenues inopérantes à compter du 30 décembre 1998, date limite de transposition des nouvelles dispositions de l'article 7 de la directive. Désormais, le non-respect de ces dispositions ne peut plus donner lieu ni à une sanction administrative, ni à une sanction pénale, la base réglementaire étant incompatible avec le droit européen.

Il était donc nécessaire de tirer sans délai les conséquences de cette évolution, tant sur le plan législatif, afin de renvoyer à la négociation contractuelle pour la fixation des délais de diffusion des films à la télévision, que réglementaire, pour abroger l'article 4 du décret du 26 janvier 1987.

A cette fin, le présent article abroge la rédaction actuelle de l'article 70-1 de la loi, qui renvoie cette question à un décret et lui substitue une rédaction prévoyant expressément que la fixation des délais de diffusion télévisuelle des _uvres cinématographiques relève de la voie contractuelle ; en outre, il supprime les sanctions pénales prévues en cas de non-respect de ces dispositions réglementaires, à l'article 79.

Par ailleurs, la directive autorise les Etats membres à inciter les professionnels à conclure des accords-cadres.

En effet, le considérant 32 de la directive précise que « la question des délais spécifiques à chaque type d'exploitation télévisée des _uvres cinématographiques doit, en premier lieu, faire l'objet d'accords entre les parties intéressées et les milieux professionnels concernés ».

C'est pourquoi la nouvelle rédaction proposée pour l'article 70-1 impose à chaque éditeur, dès lors qu'il sera partie à un accord avec des organismes représentatifs de la profession (tels que le BLIC - Bureau de liaison des industries cinématographique -, le BLOC - Bureau de liaison des organisation du cinéma - ou encore l'ARP - l'Association des auteurs, réalisateurs et producteurs -) de respecter cet accord dans les négociations contractuelles qu'il mènera avec chaque producteur (y compris si celui-ci n'appartient pas à l'organisme professionnel co-contractant).

Cette disposition permettra de donner un effet utile à la transposition, en favorisant une relative homogénéité des délais et en protégeant les petits producteurs. Par contre, elle n'oblige en rien l'ensemble des parties concernées à signer une convention unique valable pour tous les supports de diffusion.

Plus concrètement, l'actuelle coexistence d'un premier accord entre le BLIC et le bouquet TPS d'une part et d'un second accord entre le BLOC et Canal + d'autre part pourra parfaitement perdurer avec le nouveau régime, les pouvoirs publics n'ayant pas de moyens de résoudre les éventuelles contradictions apparaissant entre différents accords (comme, par exemple, l'ouverture d'une deuxième fenêtre de diffusion par une chaîne cryptée avant la diffusion en clair).

Des négociations sont en cours sur ces délais de diffusion entre les opérateurs hertziens en clair (TF1, M6, France 2, France 3 et l'ensemble Arte-La Cinquième) et la profession cinématographique. Pour les autres types de diffuseurs, les accords contractuels conclu dans le passé ou actuellement renégociés ne sont bien évidemment pas remis en cause.

*

La commission a adopté l'article 14 sans modification.

TITRE III

DES SERVICES DE COMMUNICATION AUDIOVISUELLE

Chapitre 1er 

Dispositions relatives au pluralisme, à l'indépendance

De l'information et à la concurrence

Article 15

(article 19 de la loi du 30 septembre 1986)

Demande d'informations notamment financières formulées par le CSA à l'égard des opérateurs et de leurs actionnaires

Le présent article a pour objet de modifier le 1° et le 2° de l'article 19 de la loi de septembre 1986 qui précise la nature des informations que le Conseil supérieur de l'audiovisuel est habilité à solliciter tant auprès des opérateurs que des administrations.

On peut relever d'une manière générale que cet article ne s'applique qu'aux services de communication audiovisuelle ayant des programmes à caractère informatif. Sont ainsi exclues les chaînes et les radios qui ne programment pas de bulletins d'information, ou qui proposent un style d'information ne pouvant être qualifiée ni de « politique » ni de « générale ».

Notons que le présent article, qui reprend et complète l'article 19 de la loi de 1986, n'en modifie pas le premier alinéa. Celui-ci dispose que le fait de recueillir certaines informations décrites aux alinéas suivants représente une possibilité donnée au CSA, et non une obligation. Le CSA « pour l'accomplissement des missions qui lui sont confiées par la présente loi  peut » demander les renseignements en question. Le caractère facultatif de ces demandes est donc confirmé.

Toutefois, le rapporteur présentera un amendement visant à rendre la demande d'information obligatoire grâce à la substitution du verbe « doit » au verbe « peut ». Les nouvelles dispositions, supposées renforcer le pluralisme et l'indépendance de l'information, nécessitent, pour être efficaces, une intervention automatique du CSA et donc une demande d'information systématique. Faire de la collecte de ces informations une obligation incombant au CSA, et non une simple possibilité permet, d'une part, au Conseil d'effectuer un meilleur contrôle en la matière et a, d'autre part, le mérite de rendre impossibles d'éventuelles suspicions sur l'action du CSA. Ce dernier aurait pu apparaître à certains observateurs comme agissant de manière arbitraire si ses demandes d'informations avaient visé certaines sociétés et pas d'autres.

1. Pour l'application de cet article, le CSA bénéficie d'une réelle latitude d'action puisqu'il est contraint uniquement par l'article 4 de la Constitution.

Avant la présentation des deux principales dispositions de l'article - l'une reprise pour l'essentiel de la loi de 1986 au troisième alinéa et l'autre plus ambitieuse et sans précédent au quatrième alinéa - le deuxième (1°) alinéa établit les contours de l'intervention du CSA.

Cet alinéa réintroduit pour ce faire les termes exacts utilisés à la fin du 1° de l'article 19 en ce qui concerne les éventuelles limitations posées à l'action du CSA. Il est ainsi indiqué que le CSA peut énoncer des demandes d'information « sans que puissent lui être opposées d'autres limitations que celles qui résultent du libre exercice de l'activité des partis et groupements politiques mentionnés à l'article 4 de la Constitution. »

Cette rédaction n'est pas nouvelle puisqu'elle figurait dans le texte de 1986, sachant que cette expression avait déjà été reprise in extenso de la loi du 23 octobre 1984 relative à la transparence et au pluralisme de la presse. On peut rappeler que le Conseil constitutionnel, saisi à cette époque, (DC, 10 et 11 octobre 1984) par les députés de l'opposition, qui faisaient valoir l'insuffisante protection des partis politiques contre les éventuelles investigations de la Commission nationale de la communication et des libertés (CNCL), considéra que les dispositions de l'article 4 de la Constitution « n'ont ni pour objet ni pour effet de conférer aux partis politiques, en matière de liberté de la presse, des droits supérieurs à ceux que l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 reconnaît à tous les citoyens ; qu'il incombe seulement au législateur de formuler des prescriptions tendant à empêcher que l'application des règles relatives à la transparence financière et au pluralisme des entreprises de presse n'entrave l'activité spécifique des partis politiques dont le libre exercice est garanti par l'article 4 de la Constitution. »

L'expression retenue par le législateur en 1986 et dans le présent projet de loi - pas d'« autres limitations » - suppose que d'autres principes auraient éventuellement pu constituer une limite supplémentaire à l'action du CSA.Une autre limite aurait en effet pu tenir au secret des affaires. Mais il ressort clairement de la rédaction retenue que le CSA ne peut à aucun moment à l'occasion de sa recherche de renseignements, se voir opposer par une entreprise éditrice par exemple le principe du secret des affaires.

2. Le troisième alinéa reprend pour l'essentiel une disposition de 1986 qui a établi en faveur du CSA un pouvoir général de demande d'informations.

Le troisième alinéa du présent article reprend le contenu du 1° de l'article 19 de la loi en ce qui concerne la possibilité donnée au CSA de rassembler l'ensemble des informations nécessaires pour pouvoir vérifier que les obligations s'imposant aux services de communication audiovisuelle sont bien respectées. Il faut noter que cette disposition, qui visait dans la loi de 1986, en plus des administrations, « les personnes morales ou physiques titulaires des autorisations prévues au titre II délivrées pour les services de communication audiovisuelle », concerne, désormais, non seulement les administrations, mais également « les éditeurs et distributeurs de services de communication ». Producteurs de services et opérateurs d'une offre groupée sous forme de bouquets sont donc également visés.

_ Il faut relever en premier lieu que le terme d'« administrations » n'a quant à lui pas été modifié par rapport à la rédaction actuelle de l'article 19 de la loi de 1986. On peut considérer que ce terme, très large, vise tous les services de l'Etat et notamment les administrations financières, les services du ministère chargé de la communication et de l'audiovisuel, une administration telle que le SJTIC (service juridique et technique de l'information et de la communication), rattaché aux services du Premier ministre, mais qu'il ne concerne pas les autorités judiciaires. On ne saurait admettre que le CSA puisse exiger des magistrats des informations sur des actes de justice.

_ Les notions d'éditeurs et de distributeurs de services auxquelles il est fait référence à cet alinéa doivent être explicitées :

- La notion d'éditeur, similaire à celle de producteur de chaîne ou de service radiophonique, concerne en premier lieu les exploitants de services établis en France, quel que soit le support retenu : terrestre, câble ou satellite. Mais le présent article peut également trouver à s'appliquer aux services reçus sur le territoire français bien qu'établis dans un autre Etat membre de l'Union européenne, même si dans ce cas le rôle du CSA est circonscrit à un champ plus restreint. Dans le cadre du simple régime déclaratif - confirmé par l'article 12 du présent projet de loi -, le CSA doit veiller au minimum à ce que les programmations des services concernés ne portent pas atteinte à la protection des mineurs (comme le prévoit l'article 9 du présent projet de loi qui s'applique à eux), ou d'une manière plus générale, à l'ordre public. Ainsi, le cas échéant, le Conseil pourrait faire usage de son pouvoir d'information auprès d'un éditeur étranger afin de vérifier que celui-ci applique correctement certaines obligations prévues par la législation française.

- Quant à la notion de distributeur de service, elle concerne, quelle que soit leur nationalité, les opérateurs du câble comme les distributeurs de services par satellite tels que définis par l'article 25 du présent projet.

_ Les informations susceptibles d'intéresser le CSA ne sont pas précisées dans le présent article, pas davantage qu'elles ne l'étaient dans la version précédente de l'article 19 de la loi de 1986. Les termes repris de la formulation de la loi actuellement en vigueur apparaissent très larges puisqu'il est fait mention sans plus de précision de « toutes les informations nécessaires ». Les renseignements utiles au CSA pourraient, entre autres, concerner l'identité de l'entreprise, la structure de son actionnariat, son financement ainsi que les contrats qu'elle a conclus avec divers fournisseurs de programmes. On peut imaginer une situation dans laquelle le CSA souhaiterait vérifier, dans le cadre du dispositif anti-concentration, qu'une entreprise n'a pas été placée sous le contrôle d'une autre.

3. Le CSA peut désormais s'intéresser de près à des données financières susceptibles d'avoir un impact sur le contenu des programmes d'information.

C'est dans un souci de transparence que le présent article, dans son avant-dernier alinéa, enrichit les compétences du CSA en lui donnant la possibilité de réclamer, auprès de personnes physiques ou morales ou d'administrations, des informations de diverse nature, et notamment d'ordre financier.

_ La nature des renseignements exigibles doit permettre au CSA de veiller à l'impartialité des programmes d'information.

Il faut tout d'abord noter que les sociétés visées à l'avant-dernier alinéa sont spécifiquement celles éditant (producteur de chaîne ou de radio) ou distribuant un service de télévision (opérateur de bouquet) ou de radiodiffusion sonore, mais « dont les programmes contribuent à l'information politique et générale ».

Cette expression générique d'« information politique et générale » apparaît suffisamment large pour englober les composantes de l'actualité politique, sociale, économique ou culturelle. Les termes retenus peuvent en effet se comprendre de manière non réductrice et recouvrir toutes sortes de bulletins d'information et d'actualité diffusés soit par des chaînes soit par des radios. Outre les bulletins d'informations diffusés par les grandes chaînes hertziennes françaises, on peut citer à titre d'exemple les programmes d'information des radios généralistes comme RTL, Europe 1 et RMC.

Signalons que l'expression d'« information politique et générale » figurait déjà dans la loi de 1986 à l'article 41-1, pour la règle dites de deux sur quatre prévue dans le dispositif anti-concentration. En effet, selon cet article, « afin de prévenir les atteintes au pluralisme sur le plan national, aucune autorisation relative à un service de radiodiffusion sonore ou de télévision par voie hertzienne terrestre ou à l'exploitation d'un réseau distribuant par câble des services de radiodiffusion sonore et de télévision ne peut être délivrée à une personne qui se trouverait, de ce fait, dans plus de deux situations suivantes ». Suivent quatre points dont le dernier concerne le fait d'éditer ou de contrôler « une ou plusieurs publications quotidiennes imprimées d'information politique et générale représentant plus de 20 % de la diffusion totale, sur le territoire national, des publications quotidiennes imprimées de même nature. »

Hormis cette disposition particulière, la loi de septembre 1986 n'a pas approfondi la question de l'indépendance de l'information. En revanche, les réflexions sur la fiabilité et l'honnêteté des informations mises à la disposition du public se sont multipliées au cours de la dernière décennie, certains dérapages journalistiques ayant notamment attiré l'attention des observateurs sur la nécessité de garantir un haut degré de professionnalisme dans le maniement de l'information. Cette question rejoint en amont celle de la déontologie des journalistes et des présentateurs eux-mêmes, qui doivent respecter des règles de conduite strictes ainsi que des méthodes de vérification et de recoupement de leurs informations en gardant constamment à l'esprit le souci de l'objectivité.

L'avant-dernier alinéa répond donc à une aspiration collective selon laquelle téléspectateurs et auditeurs doivent pouvoir disposer d'informations fiables qui ne soient ni orientées, encore moins déformées ou occultées à cause de collusion avec les intérêts des actionnaires de telle ou telle chaîne ou radio. Or la stratégie poursuivie par certaines sociétés détentrices de parts dans le capital d'une société de production par exemple, en matière de marchés publics notamment, est susceptible de créer un contexte favorable aux situations de confusions d'intérêts. Le dispositif proposé part donc du principe selon lequel que le CSA sera d'autant plus à même de contrôler l'indépendance des programmes contribuant à l'information qu'il détiendra un maximum de renseignements « sur les marchés publics et délégations de service public pour l'attribution desquels cette personne (physique ou morale détentrice de parts ou de droits de vote) ou une société qu'elle contrôle ont présenté une offre au cours des douze derniers mois. »

_ Diverses précisions sont apportées à l'avant-dernier alinéa afin de favoriser l'efficacité de l'action du CSA.

On note tout d'abord que le CSA peut demander des informations relatives à des marchés publics auxquels une des sociétés visées a simplement soumissionné sans avoir été retenue pour autant. En effet, ce qui compte c'est d'avoir « présenté une offre ». La logique du dispositif consiste à garantir l'indépendance et l'honnêteté de l'information en s'assurant que la personne répondant à un appel d'offre n'utilise pas son pouvoir d'influence ou médiatique pour emporter un marché public. Que cette tentative réussisse ou échoue importe peu. L'honnêteté de l'information peut avoir été mise à mal sans que le marché ait été emporté. Il était par conséquent logique de retenir un critère ne tenant pas compte du résultat de la man_uvre.

De même, il convient de souligner l'extension du champ d'investigation du CSA aux sociétés contrôlées par une personne morale ou physique telle que définie à l'avant-dernier alinéa. Ainsi les éventuels montages juridiques qui auraient pu permettre à ces personnes de présenter une offre pour un marché public par le biais d'une société qu'elles contrôlent ne sauraient leur permettre d'échapper à l'application du présent article.

Quant à la période autorisée pour les demandes d'informations, le rapporteur présentera un amendement visant à la rallonger d'un à deux ans. Même ainsi augmentée, celle-ci ne semble pas excessivement longue et devrait permettre au CSA d'exercer un contrôle sans occasionner de recherches trop fastidieuses au sein des entreprises sollicitées. En outre, il faut noter que rien n'empêche le CSA de demander régulièrement ce type d'informations afin de disposer d'une vue d'ensemble évolutive année après année.

Enfin et surtout, le champ des personnes tenues de répondre aux demandes d'informations du CSA est défini de manière extensive. Aux termes de l'avant-dernier alinéa, sont susceptibles d'avoir à répondre à une demande d'information de la part du CSA « toute personne physique ou morale, détenant, directement ou indirectement, une part égale ou supérieure à 10 % du capital ou des droits de vote aux assemblées générales » des sociétés concernées.

Cette disposition doit se comprendre ainsi : le Conseil pourra interroger une personne morale ou physique dès lors que cette dernière a en sa possession :

- de manière directe, 10 % du capital ou des droits de vote aux assemblées générales d'une société éditrice diffusant des programmes de type informatif,

- de manière indirecte, 10 % du capital ou des droits de vote aux assemblées générales d'une société distributrice de services audiovisuels (la société ayant créé un bouquet de chaînes par exemples) parmi lesquels certains proposent des programmes de type informatif.

Le seuil des 10 %, qui peut sembler relativement extensif, n'apparaît pas trop large, au regard de l'actionnariat actuel du secteur audiovisuel. Le fait d'avoir retenu un chiffre assez faible permettra de mieux assurer l'objectif de transparence et d'indépendance poursuivi par cette disposition. Un « petit » actionnaire pourra donc être sollicité par le CSA et non pas uniquement les actionnaires principaux.

On peut relever par ailleurs que le fait d'avoir prévu l'extension de la disposition aux sociétés distributrices et non pas uniquement aux sociétés éditrices permet d'accroître le contrôle du CSA sur les activités des actionnaires des bouquets eux-mêmes.

Il faut noter à cet égard que le capital du bouquet dénommé TPS est composé à 25 % de TF1, à 25 % de M6 (or CLT-UFA détient 39,89 % de M6), à 25 % de la Lyonnaise des Eaux, et à 25 % de France Télévision Entreprise (elle-même détenue aux deux tiers par France Télécom et à un tiers par France Télévision - qui est détenue par l'Etat).

Quant au bouquet intitulé CanalSatellite, son capital est composé à 70 % par Canal +, à 20 % par Pathé (société elle-même détenue à 30,9 % par Jérôme Seydoux, à 29,9 % par Canal + et Vivendi et à 4 % par TF1) et à 10 % par Warner Bros (Télévision Holdings SA).

S'agissant des trois chaînes hertziennes terrestres et privées existant actuellement dans le paysage audiovisuel français, leurs parts sont détenues par les principaux actionnaires suivants :

Nom de l'opérateur

Capital

Principaux actionnaires de l'opérateur (% de participation)

TF1

210 MF

Bouygues (40,1%)
Société Générale (2,1%)

M6

(Métropole Télévision)

261,6 MF

Suez-Lyonnaise des Eaux (35,76%)
CLT-UFA (38,89%)

Canal +

627,2 MF

Vivendi (34%)
Richemont (15%)
CDC (4,1%)
Société Générale (2%)

Source : SJTIC, mai 1999

On peut observer que le capital des chaînes hertziennes terrestres est aujourd'hui détenu en partie par des groupes - Bouygues, Vivendi, Suez Lyonnaise des Eaux - dont le secteur de la communication ne constitue qu'une part plus ou moins restreinte de leurs activités et dont les autres filiales concourent régulièrement à l'attribution de marchés publics, parfois très importants.

Aujourd'hui, une certaine opacité de fait prédomine et nuit à une vision d'ensemble des activités de l'ensemble des sociétés concernées en premier ou en second rang par le financement des sociétés de diffusion ou de distribution audiovisuelles. Même si l'attribution de marchés publics fait l'objet de mesures préalables de publicité et de transparence, notamment depuis l'adoption de la loi Sapin, aucune liste n'est systématiquement dressée s'agissant des résultats de ces appels d'offre. Aucun service de l'Etat ni aucune institution n'ont vraisemblablement eu jusqu'à aujourd'hui à suivre quotidiennement et précisément quels marchés ont été remportés au cours de l'année écoulée par une filiale d'un actionnaire de telle ou telle chaîne de télévision. L'objet du présent article tend précisément à mettre fin à cette situation. Même si ces informations ne sont pas aujourd'hui aisément disponibles et préalablement rassemblées, on peut cependant estimer improbable qu'au cours de la dernière année, les sociétés Bouygues, Vivendi ou Suez Lyonnaise des Eaux n'aient pas présenté leur candidature ou obtenu des marchés publics, et notamment ceux de l'eau ou de la construction. Grâce aux nouvelles dispositions exposées plus haut, le CSA pourra prochainement recouper ce type d'informations avec celles détenues par les administrations financières ou, le cas échéant, les services des collectivités territoriales.

On peut s'interroger néanmoins sur les moyens dont le CSA disposera pour s'assurer de la véracité et du caractère complet des informations obtenues. Il faut rappeler que les faux et usage de faux - faux document, altération de l'information, fausse information, partielle ou erronée - auprès de l'administration sont sanctionnés pénalement par les articles 441-1 et suivants du code pénal. Ces dispositions s'appliqueraient s'il s'avérait qu'une personne morale et physique avait fourni au CSA des informations erronées.

Il reste que la bonne application du présent article suppose la mise en place d'une coopération efficace et d'un niveau satisfaisant d'échanges d'informations entre différentes administrations concernées, même si aucune procédure nouvelle n'a été explicitement introduite.

4. La possibilité donnée au CSA de faire procéder à des enquêtes est réaffirmée.

Le dernier alinéa (2°), qui prévoit que le CSA peut faire procéder auprès des administrations ou des éditeurs et distributeurs de service à des enquêtes, est la reprise intégrale de la version actuelle de la loi de septembre 1986 (le 2° de l'article 19 précité).

On peut rappeler que cette disposition avait donné lieu à un important débat au moment du vote de cette loi en 1986, le législateur ayant en définitive restreint les pouvoirs d'enquête confiés à la Commission nationale de la communication et des libertés au droit commun judiciaire, c'est-à-dire aux enquêtes préliminaires au sens des articles 75 et suivants du code de procédure pénale. Pour être mise en _uvre, cette procédure implique donc une infraction pénale et une enquête diligentée par le parquet.

*

La commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur faisant de la collecte d'informations par le Conseil supérieur de l'audiovisuel une obligation au lieu d'une simple faculté, le rapporteur ayant précisé qu'il s'agit de faire en sorte que le CSA demande systématiquement notamment des informations relatives aux marchés publics et délégations de services publics.

La commission a également adopté un amendement du rapporteur étendant le délai de référence pour la collecte de renseignements relatifs aux marchés publics de douze mois à vingt-quatre mois.

La commission a ensuite rejeté un amendement de M. Renaud Muselier relatif à la confidentialité des informations recueillies par le CSA, le rapporteur ayant rappelé que le CSA travaillait d'ores et déjà dans la confidentialité. En effet, l'article 8 de la loi du 30 septembre 1986 dispose que les membres et agents du CSA sont astreints au secret professionnel pour les faits, actes et renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en raison de leurs fonctions.

La commission a adopté l'article 15 ainsi modifié.

Article 16

(article 29 de la loi du 30 septembre 1986)

Eléments constitutifs des dossiers de candidature et critères retenus par le CSA pour les autorisations des fréquences radiophoniques

Cet article a pour objet de permettre au CSA de disposer de plus d'éléments d'appréciation pour l'attribution des séquences radiophoniques. Contrairement à la télévision, la radio est toujours régulée dans un contexte de rareté des fréquences hertziennes gérées par le CSA. Pour appliquer les principes de qualité et de diversité des programmes, celui-ci a défini, à travers divers communiqués, une politique radiophonique qui sert de fondement à l'attribution des fréquences. Il convient de rappeler que la radio est composée d'un secteur public composé essentiellement de Radio France, qui bénéficie d'une attribution prioritaire des fréquences, et d'un secteur privé d'environ 1095 services autorisés (pour 3217 fréquences29) que le CSA a réparti en cinq catégories de A à E, selon les dispositions du communiqué n° 34 du 29 août 198930.

Au 1er janvier 1999, sur 1095 opérateurs pour 3217 fréquences, les fréquences étaient réparties de la façon suivante :

Catégories de radios

NOMBRE DE FRÉQUENCES

A

49,6 % des opérateurs et 25,8 % des fréquences

B

13,1 % des opérateurs et 13,5 % des fréquences

C

35,6 % des opérateurs et 22,1 % des fréquences

D

1,4 % des opérateurs et 24,4 % des fréquences

E

0,3 % des opérateurs et 14,2 % des fréquences

Source : SJTIC, mai 1999

C'est pour améliorer encore les conditions d'attribution des fréquences radiophoniques que le présent article modifie et complète les dispositions prévues à l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986. L'article précité est relatif aux procédures devant être respectées à l'occasion des candidatures présentées par des services de radiodiffusion sonore sollicitant l'usage de fréquences radiophoniques.

Le présent article vise en fait à élargir et approfondir la connaissance que le CSA peut avoir sur tel ou tel service au moment de la présentation de sa candidature. Le CSA, qui détiendra, en vertu de ces nouvelles dispositions, de plus amples informations sur les sociétés candidates que celles dont il dispose aujourd'hui, sera mieux à même d'attribuer les fréquences radiophoniques selon des règles claires et transparentes. Il continuera à établir ses autorisations mais dans un souci d'équilibre et d'objectivité renforcés puisque des critères d'appréciation supplémentaires ont été ajoutés à ceux figurant déjà dans le texte actuel de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986.

1. Diverses informations d'ordre financier doivent désormais figurer dans le dossier de candidature des sociétés en vue de l'obtention d'une fréquence radiophonique par le CSA.

Aux termes de l'article 29, quatrième alinéa, de la loi de 1986, actuellement en vigueur, le dossier de candidature des sociétés demandant l'attribution d'une fréquence radiophonique doit contenir des éléments variés sous forme de déclarations portant « notamment », et pas exclusivement, sur « l'objet et les caractéristiques générales du service, les caractéristiques techniques d'émission, les prévisions de dépenses et de recettes, l'origine et le montant des financements prévus ainsi que la liste des administrateurs, la composition du ou des organes de direction, les statuts de la personne morale qui fait acte de candidature (...) »

_ Dans sa rédaction actuelle, l'article 29 prévoit que les informations fournies au CSA par les services candidats peuvent comporter « le cas échéant, la composition du capital ». Le deuxième alinéa du présent article vise précisément à supprimer ces mots. Désormais, la composition du capital ainsi que d'autres éléments financiers devront impérativement figurer dans le dossier de candidature devant être remis au Conseil. Tel est l'objet de l'alinéa suivant.

_ Le troisième alinéa du présent article, qui a pour objet de compléter le quatrième alinéa de l'article 29 actuel, prévoit qu'« en cas de candidature présentée par une société », les déclarations figurant dans le dossier doivent faire mention, non seulement, de la composition de son capital et de ses actifs, mais également, de la composition du capital social de la société qui détient le contrôle la société candidate ou qui l'a placée sous son autorité ou sa dépendance, ainsi que la composition de ses organes dirigeants et la composition de ses actifs.

Figureront donc systématiquement dans le dossier de candidature des renseignements précis qui n'étaient pas rendus obligatoires par la rédaction actuelle de l'article 29. Ainsi, le CSA disposera de toutes les informations économiques utiles pour lui permettre de s'assurer que l'impératif du pluralisme notamment n'est pas mis à mal.

A cet égard, il faut souligner que, dans le but de renforcer l'efficacité du système prévu, il est prévu de soumettre la société contrôlant celle faisant acte de candidature au même régime que celui s'appliquant aux sociétés directement candidates. Il faut rappeler que la notion de société en contrôlant une autre, qui figure au présent article, résulte de la définition contenue dans l'article 355-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales.

Aux termes de cet article 355-1 de la loi du 24 juillet 1966, « Une société est considérée, pour l'application des paragraphes 2 et 4 de la présente section, comme en contrôlant une autre :

Lorsqu'elle détient directement ou indirectement une fraction du capital conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette société ;

Lorsqu'elle dispose seule de la majorité des droits de vote dans cette société en vertu d'un accord conclu avec d'autres associés ou actionnaires et qui n'est pas contraire à l'intérêt de la société ;

Lorsqu'elle détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans les assemblées générales de cette société.

Elle est présumée exercer ce contrôle lorsqu'elle dispose directement ou indirectement, d'une fraction des droits de vote supérieure à 40 % et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détient directement ou indirectement une fraction supérieure à la sienne. »

La référence à cette disposition renvoie donc au droit commun de sociétés pour déterminer la personne qui contrôle une entreprise.

2. Une exigence supplémentaire est prévue pour les services dont les programmes comportent des émissions d'information afin de favoriser le respect du pluralisme.

Les alinéas quatre (c) à huit du présent article ont pour objet d'introduire de nouvelles dispositions enrichissant et complétant les dispositions actuelles en matière de critères secondaires. En effet, aux termes de l'article 29 en vigueur, le CSA respecte, pour l'attribution des fréquences, des « impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d'éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence ».

A ces principes, s'ajoutent d'autres critères que l'on pourrait qualifier de secondaires. L'article 29 en vigueur prévoit donc que, dans l'exercice de sa mission de distribution des fréquences radiophoniques, le CSA prend « également » en considération trois critères distincts : « l'expérience acquise par le candidat dans les activités de communication », le « financement et (les) perspectives d'exploitation du service (...) », afin les « participations, directes ou indirectes, détenues par le candidat dans le capital d'une ou plusieurs régies publicitaires ou dans le capital d'une ou plusieurs entreprises éditrices de publications de presse ».

Aux termes du quatrième (c) alinéa du présent article, il convient d'ajouter d'autres critères à cette liste.

Un quatrième critère est introduit grâce au 4° nouveau qui porte spécifiquement sur les « services dont les programmes comportent des émissions d'information politique et générale ». Pour ces services, le dossier de candidature devra désormais comporter, en plus des déclarations déjà énoncées, deux types de mesures :

- d'une part, « des dispositions envisagées en vue de garantir le caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion (...) »

- d'autre part, des dispositions envisagées en vue d'assurer « l'honnêteté de l'information et son indépendance à l'égard des intérêts économiques des actionnaires ». Il est indiqué que cette dernière exigence s'applique « en particulier lorsque ceux-ci (les services concernés) sont titulaires de marchés publics ou de délégations de service public ».

Rappelons que ces deux volets - le pluralisme, d'une part, et l'indépendance par rapport à d'éventuelles pressions économiques, d'autre part - rejoignent des exigences fondamentales qui se déclinent pour tous les supports de communication audiovisuelle dans d'autres articles du présent projet de loi : les articles 15, 17 et 18. Il est en effet apparu fondamental de garantir l'honnêteté et l'indépendance rédactionnelle de l'ensemble des éditeurs vis-à-vis de leurs maisons-mères et des marchés publics dont leurs filiales sont titulaires.

Les nouveaux critères que le CSA prendra en compte pour évaluer les dossiers de candidatures qui lui seront transmis lui permettront, dans le cas particulier des services ayant à traiter d'information, de s'assurer que sont garantis a priori le pluralisme, l'honnêteté et l'indépendance de l'information. Bien entendu, ces précautions préalables ne signifient pas qu'aucun dérapage ne peut intervenir ; elles permettent simplement de limiter les risques de ces dérapages.

Les « dispositions envisagées » auxquelles il est fait référence au cinquième alinéa pourraient notamment consister en la mise en place de structures appropriées, telles que l'édiction de principes déontologiques, l'institution d'une société de rédacteurs ou même, l'instauration d'un médiateur. Il s'agit en réalité d'introduire un dispositif de régulation souple et non d'énoncer des prohibitions ou des obligations légales a priori.

3. Les préoccupations des radios dites locales et des radios associatives sont explicitement prises en compte.

_ Le sixième alinéa du présent article introduit un 5° nouveau visant à ce que le CSA prenne également en considération, lors de l'attribution de fréquences radiophoniques, les intérêts des services contribuant « à la production de programmes réalisés localement. » Il s'agit d'une disposition importante qui pourra permettre au CSA de conforter la place des services dits locaux, lesquels n'ont pas toujours dans le passé bénéficié de la plus grande sollicitude. Cette nouvelle disposition tend en outre à répondre à la demande importante des auditeurs qui s'exprime en faveur des radios de proximité.

Il faut relever qu'au regard des définitions établies par le CSA des catégories de services radiophoniques, sont concernées par cette disposition :

- les radios de catégorie A « Services associatifs éligibles au fonds de soutien à l'expression radiophonique » qui doivent consacrer aux programmes d'intérêt local au moins quatre heures quotidiennes ;

- les radios de catégorie B « Services locaux ou régionaux indépendants ne diffusant pas de programme national identifié », qui doivent également diffuser un programme d'intérêt local d'au moins quatre heures ;

- dans une mesure moindre, les radios de catégorie C « Services locaux ou régionaux diffusant le programme d'un réseau thématique national », qui diffusent également un programme d'intérêt local ;

- dans une mesure moindre encore, les radios de catégorie E « Services généralistes à vocation nationale », qui ont la possibilité d'effectuer des décrochages locaux dans la limite d'une heure.

_ Le septième alinéa concerne, pour sa part, les « services édités par une association et dont la mission est de favoriser la communication sociale de proximité, les échanges entre les groupes sociaux et culturels, l'expression des différents courants socioculturels, le soutien au développement local ou la lutte contre l'exclusion. »

On peut noter que la définition retenue ici est volontairement large. Il faut relever que l'expression de « communication sociale de proximité » répond à une revendication récurrente de la part des radios associatives, que le Gouvernement a souhaité reprendre. Il va de soi que les différents critères contenus dans cette définition sont alternatifs (« ou... la lutte contre l'exclusion »). Il suffit donc qu'un des critères soit rempli par une radio pour que cette dernière soit concernée par cet alinéa.

Il ressort que ce même alinéa qu'« une proportion suffisante des autorisations » accordées doit revenir à ces radios, étant entendu que c'est au CSA que reviendra la tâche d'adapter sa politique radiophonique aux nouveaux objectifs clairement inscrits dans le projet de loi. Celui-ci vise simplement à ce qu'une proportion suffisante de fréquences soit attribuée aux radios associatives, critère conservant à l'instance de régulation sa marge appréciation et lui permettant d'accompagner les évolutions du marché.

On peut considérer que cette proportion pourrait vraisemblablement permettre la validation législative du système actuellement en vigueur selon lequel le CSA s'efforce de réserver, en fonction des zones géographiques, entre 25 et 30 % des fréquences aux radios associatives.

Il faut ici faire référence au paragraphe II du présent article qui a trait au Fonds de soutien à l'expression radiophonique. Notons que ce fonds, dont il est fait mention à l'article 80 de la loi de 1986 modifiée, a été créé par la loi n° 82652 du 29 juillet 1982. Il est alimenté par une taxe parafiscale perçue sur les recettes publicitaires radiodiffusées et télévisuelles. Le décret n° 92-1053 du 30 septembre 1992 a fixé les modalités d'attribution des aides. Deux types de subvention sont attribuées : d'une part, les subventions d'installation pour les radios bénéficiant d'une première installation, et d'autre part, les subventions annuelles de fonctionnement attribuées au vu d'un dossier comportant notamment le dernier bilan et le dernier compte de résultat du service, certifiés conformes. Ces subventions constituent la principale source de financement des radios associatives non commerciales.

Ne peuvent bénéficier d'une aide au fonds de soutien, aux termes des l'article 80 précité, que les radios « dont les ressources commerciales provenant de messages diffusés à l'antenne et présentant le caractère de publicité de marque ou de parrainage sont inférieures à 20 % de leur chiffre d'affaires. »

Le paragraphe II du présent article vise simplement à préciser que ce sont toutes les radios répondant à la définition contenue au sixième alinéa qui peuvent bien entendu avoir accès à ce Fonds.

4. Les radios contribuant à l'information politique et générale ne sont pas oubliées.

Après avoir traité des radios locales et associatives, le présent article aborde de façon brève la situation des radios dites généralistes au dernier alinéa du paragraphe I. Le huitième alinéa du présent article indique que le CSA doit s'assurer « que le public bénéficie de services dont les programmes contribuent à l'information politique et générale ».

Cette disposition répond à une demande émanant des radios généralistes telles qu'Europe 1, RTL et RMC et de radios comme Sud Radio ou BFM, relevant de la catégorie E.

Le Gouvernement a certes entendu ne pas négliger cette préoccupation dans le projet de loi. Il faut toutefois relever qu'originellement, ces radios demandaient à ce que la réception sur l'ensemble du territoire national de leurs programmations soit érigée au rang d'impératif prioritaire s'imposant au Conseil supérieur de l'audiovisuel.

En définitive, si les alinéas six à huit permettent de traiter respectivement, mais de façon plus ou moins complète, des situations des radios locales, associatives puis généralistes, il convient de noter, en revanche, que les radios de « réseau », relevant de la catégorie D et C -radios dites musicales comme NRJ, Fun Radio ou RFM par exemple - ne font l'objet d'aucune disposition spécifique dans le présent projet. Leur développement au cours des dernières années a convaincu le Gouvernement qu'il n'était pas utile de leur apporter une aide supplémentaire afin de ne pas déséquilibrer davantage le paysage radiophonique français.

*

La commission a examiné un amendement présenté par M. Christian Kert visant à ce que soit érigé au rang de principe prioritaire pour le CSA le fait que les radios généralistes bénéficient d'une couverture nationale.

Le rapporteur après avoir précisé que l'amendement reprenait la rédaction initiale du texte, avant son examen par le Conseil d'Etat, a considéré que le régime actuel d'attribution de fréquences aux radios généralistes était satisfaisant, celles-ci ne semblant pas en difficulté à l'heure actuelle.

M. Michel Françaix a estimé qu'il convenait en effet de ne pas remettre en cause un équilibre délicat entre les différentes catégories de radios.

M. Pierre-Christophe Baguet a rappelé que les radios généralistes subissaient des contraintes particulières et qu'il ne fallait pas négliger le problème d'une qualité médiocre d'écoute de certaines d'entre elles dans quelques régions.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a adopté un amendement présenté par M. Noël Mamère visant à substituer à la notion d'autorisation de fréquence retenue dans l'article celle de « ressources de fréquences » qui permet de mieux prendre en compte la situation et les besoins des radios associatives.

La commission a adopté un amendement de M. Patrick Bloche tendant à préciser explicitement que le CSA doit veiller à l'équilibre des paysages radiophoniques entre les réseaux nationaux de radiodiffusion d'une part et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants d'autre part.

La commission a rejeté un amendement de M. Noël Mamère de coordination avec la lettre rectificative.

La commission a adopté l'article 16 ainsi modifié.

Article 17

(article 30 de la loi du 30 septembre 1986)

Eléments constitutifs du dossier de candidature et critères retenus par le CSA pour l'usage de fréquences en vue de l'exploitation de services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre

Cet article, qui modifie l'article 30 de la loi de septembre 1986 - lequel décrit les procédures relatives aux appels de candidatures pour l'usage de fréquences en vue de l'exploitation de services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre - apparaît comme le pendant, pour les services de télévision, de l'article 16 du présent projet de loi portant sur les services de radiodiffusion sonore.

1. Le paragraphe I du présent article vise à substituer au troisième alinéa de l'article 30 de la loi de 1986 actuellement en vigueur une nouvelle rédaction plus large.

Certains termes du nouvel alinéa trois de l'article 30 sont identiques à ceux de la version de 1986. Aussi est-il toujours indiqué que :

a) La déclaration de candidature pour l'octroi d'une fréquence doit être présentée par une société de droit privée.

b) Cette déclaration de candidature doit comporter « notamment » un certain nombre d'éléments d'ordre général ou technique comme « l'objet et les caractéristiques générales du service, les caractéristiques techniques d'émission ».

Concrètement, cela implique que le candidat explicite son projet et ses programmations. Il faut rappeler que le CSA précise, dans l'appel aux candidatures, les éléments techniques que doit fournir le candidat. Il s'agit par exemple des émetteurs envisagés ou des caractéristiques générales de l'ensemble du matériel.

c) Doivent également figurer dans le dossier de candidature « les prévisions de dépenses et de recettes, l'origine et le montant des financements prévus. »

Le CSA doit bien évidemment tenir compte du financement et des perspectives d'exploitation du service, ce qui implique qu'il peut refuser un projet qui ne lui paraît pas économiquement viable. Dans la pratique, les candidats à la délivrance d'une autorisation d'usage de fréquence fournissent au Conseil un bilan prévisionnel aux termes duquel celui-ci apprécie le sérieux du projet qui lui est soumis. Lors de l'instruction des dossiers, les services du CSA sont amenés à s'informer auprès du candidat afin d'obtenir des éléments complémentaires à ceux déjà déposés, notamment financiers, qu'ils jugent nécessaires à la bonne appréciation de la candidature. Dans ce cadre, l'intérêt des sociétés candidates consiste manifestement à fournir le dossier le plus complet, le plus vraisemblable et le plus exhaustif possible.

Les termes nouveaux de la rédaction du projet de loi par rapport à la version actuelle résultant de la loi de 1986 concernent « la composition du capital des organes dirigeants et des actifs de cette société ainsi que de la société qui la contrôle au regard des critères figurant à l'article 355-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 précitée, ou qui l'a placée sous son autorité ou sa dépendance ».

On le voit, il s'agit d'approfondir la vision que le CSA peut avoir des capacités et de la solidité financière d'une société candidate. La contrainte pesant sur les candidats est renforcée puisque les informations financières demandées portent indifféremment sur la société candidate et sur celle qui en détient le contrôle. Comme on l'a vu pour l'article 16 du présent projet, la société qui contrôle la société candidate, au sens de la définition de la loi de 1966 relatives aux sociétés commerciales, est soumise à la même obligation de transparence.

Jusqu'à présent, dans la pratique, le CSA a suivi globalement l'ensemble de l'évolution capitalistique du secteur audiovisuel. Il a parfois été amené à se renseigner auprès de diverses autorités publiques (les préfets pour les DOM-TOM par exemple ou d'autres instances de régulation) afin d'améliorer sa connaissance d'un dossier.

Il faut, par ailleurs, relever qu'aux termes de la dernière phrase du paragraphe I, qui constitue également une nouveauté par rapport à la rédaction de 1986, le dossier de candidature doit pour finir contenir les « éléments constitutifs d'une convention comportant des propositions sur un ou plusieurs des points mentionnés à l'article 28 ».

Il s'agit ici simplement, pour le candidat, de fournir au CSA les éléments d'information qui permettront par la suite de conclure la convention, et portant sur tout ou partie des points mentionnés à l'article 28 de la loi. On peut citer à titre d'exemple la diffusion ou pas d'_uvres cinématographiques ou le recours au télé-achat.

2. Le II de cet article introduit un nouveau critère lié au nécessaire respect du pluralisme que le CSA devra prendre en compte pour délivrer ou pas son autorisation.

Selon l'article 30 actuellement en vigueur, trois critères secondaires sont « également » retenus par le CSA dans sa mission d'attribution de fréquences pour les services de télévision. Il s'agit des trois éléments qui figurent aujourd'hui à l'article 29, c'est-à-dire l'expérience acquise par le candidat dans les activités de communication, le financement et les perspectives d'exploitation du service, enfin, l'existence de participations détenues par le candidat dans des régies publicitaires.

L'objet du paragraphe II - qui opère un renvoi au dispositif de l'article 29 tel que modifié et complété par le présent projet de loi - est de compléter ces critères par un quatrième critère.

Désormais, pour les services dont les programmes comportent des émissions d'information politique et générale du moins, le dossier de candidature devra également faire mention des dispositions envisagées pour garantir le pluralisme, l'honnêteté de l'information et son indépendance à l'égard des pressions économiques en particulier lorsque les actionnaires de la société candidate sont titulaires de marchés publics. Ainsi, comme pour les services de radiodiffusion sonore traités au précédent article du présent projet de loi, les candidats auront à choisir les dispositions qu'ils jugeront les plus appropriées pour atteindre ces objectifs, en prévoyant par exemple la mise en place de structures appropriées, l'édiction de principes déontologiques, voire, l'institution d'une société de rédacteurs ou l'instauration d'un médiateur.

Il s'agit d'une manière générale d'introduire un dispositif de régulation souple et non d'établir de manière trop stricte des règles ou des sanctions. Ces dispositions constituent donc un progrès qu'il convient de saluer puisqu'aujourd'hui, il n'existe guère que des règles déontologiques sans sanction législative ou réglementaire ou encore la règle des « trois tiers » - un tiers pour la majorité, un tiers pour le Gouvernement et un tiers pour l'opposition - qui régit les temps de parole des partis politiques.

*

Au cours de la réunion de commission, M. Noël Mamère a retiré un amendement de coordination.

La commission a adopté l'article 17 sans modification.

Article 18

(article 33-1 -anciennement 34-1- de la loi du 30 septembre 1986)

Conventionnement des services de radiodiffusion sonore et de télévision distribués par satellite et par câble

Le présent article poursuit un triple objectif qui consiste :

1) à modifier la numérotation de l'article 34-1 de la loi de 1986 qui devient, en vertu du paragraphe I du cet article, l'article 33-1 de cette même loi (voir commentaire de l'article 23 à ce sujet) ;

2) plus important, à unifier, avec le paragraphe II de cet article, le régime applicable en matière de conventionnement pour les services de radio et de télévision distribués sur les réseaux câblés et par satellite ;

3) enfin, comme pour les chaînes hertziennes, à compléter, en vertu du III, les dispositions de la loi de 1986 en matière de respect du principe du pluralisme.

1. Le paragraphe II de cet article harmonise le régime de conventionnement applicable aux services de télévision distribués par satellite avec celui déjà prévu pour les chaînes du câble.

Désormais, les services distribués par satellite ne pourront être diffusés qu'« après qu'a été conclue avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel une convention définissant les obligations particulières à ces services », comme le prévoit l'article 34-1 actuel (devenu 33-1) pour les seules chaînes du câble.

Dans le texte actuellement en vigueur, c'est l'article 24 qui fixe le régime des chaînes diffusées par satellite. Selon cet article - qui est abrogé par le troisième alinéa de l'article 30 du présent projet - une convention doit être conclue entre le service de télévision distribué par satellite et le Conseil supérieur de l'audiovisuel. L'article 24 concerne en fait les services distribués par satellite qui ne sont pas par ailleurs diffusées sur le câble, c'est-à-dire, de fait, un très petit nombre d'entre elles.

Le problème est que le décret qui aurait dû être pris en application de l'article 24, pour déterminer précisément les modalités de conventionnement de ces chaînes - distribuées uniquement sur le satellite et absentes du câble - ainsi que leurs obligations, ne l'a jamais été.

Ainsi, le paragraphe II de l'article permet de mettre fin à un vide juridique. Même si, de fait, la quasi-totalité des services diffusés par satellite sont régis par une convention avec le CSA sur les réseaux câblés, on peut rappeler que cette défaillance réglementaire figure parmi les griefs retenus par la Commission européenne dans le cadre de l'instance qu'elle a engagée devant la Cour de justice des Communautés européennes à l'encontre de la France, pour défaut de transposition de la directive. En effet, à ce jour, les chaînes uniquement distribuées par satellite et non reprises sur un réseau câblé étaient dans une situation de non-droit ; elles n'étaient pas liées par une convention avec le CSA qui n'avait de ce fait aucun pouvoir de contrôle réel sur elles.

Dans la pratique, et en dépit de l'absence actuelle de convention satellitaire, étant donné, comme on l'a vu, que la plupart des chaînes aujourd'hui diffusées par satellite sont par ailleurs reprises sur les réseaux câblés, très peu d'entre elles n'ont pas conclu de convention avec le CSA. Cela signifie que l'impact concret pour les diffuseurs de cette unification formelle de régime entre le câble et le satellite devrait demeurer restreint.

Toutefois, du fait de l'extension par la loi du régime de conventionnement des chaînes du câble à celles du satellite, un nouveau décret s'étendant à cette dernière catégorie de chaînes devra être pris. Il le sera en application de l'article 33 de la loi tel que modifié par l'article 24 du présent projet. En effet, selon l'article 33 modifié par le présent projet de loi, « un décret en Conseil d'Etat, pris après avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel, fixe pour chaque catégorie de services de radiodiffusion sonore ou de télévision distribuées par câble ou par satellite » un certain nombre d'éléments parmi lesquels on peut citer « la durée maximale des conventions, les règles générales de programmation, les règles applicables à la publicité, au télé-achat, au parrainage et à l'autopromotion (...) »

Notons que ce décret se substituera au décret n° 92-882 du 1er septembre 1992 relatif au régime des chaînes diffusées sur les réseaux câblés. Il sera, rappelons-le, désormais unique pour les chaînes du câble et le satellite (cf. commentaire sur l'article 24).

2. La convention, devant être conclue entre le CSA et les services distribués, soit, par câble, soit, par satellite, devra comporter des garanties liées à l'impératif du pluralisme.

Le paragraphe III de cet article permet de compléter l'article 34-1 de la loi (devenu 33-1), en prévoyant que « pour les services de télévision dont les programmes comportent des émissions d'information politique et générale », la convention passée avec le CSA - que le service soit distribué par satellite ou par câble - doit préciser « les mesures à mettre en _uvre pour garantir le caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion ainsi que l'honnêteté de l'information et son indépendance à l'égard des intérêts économiques des actionnaires, en particulier lorsque ceux-ci sont titulaires de marchés publics ou de délégations de service public. »

On le voit, cette disposition apparaît comme le pendant, pour les du câble et du satellite, des dispositions prévues à l'article 17 du présent projet de loi pour les chaînes de télévision diffusées par voie hertzienne et à l'article 16 s'agissant des services radiophoniques également diffusés par voie hertzienne.

En revanche, on peut noter que le présent article n'oblige pas les services distribués par câble et satellite à fournir au CSA des informations relatives à la composition de leur capital, alors que cette exigence existait pour les services diffusés par voie hertzienne terrestre (troisième alinéa de l'article 17 du présent projet). Il est vrai que le dispositif anti-concentration, qui s'applique pleinement dans le cas du secteur hertzien, peut être beaucoup moins contraignant en ce qui concerne les chaînes du câble et du satellite. D'ailleurs, dans le texte actuellement en vigueur, aucune disposition n'est prévue à ce sujet concernant les chaînes du câble. Toutefois, dans les faits, la composition du capital figure parmi les éléments présents dans les conventions passées par ces chaînes avec le CSA.

*

La commission a rejeté un amendement de suppression de l'article présenté par M. Renaud Muselier et a adopté l'article 18 sans modification.

Après l'article 18

La commission a examiné un amendement présenté par M. Noël Mamère prévoyant que les collectivités locales peuvent confier l'exploitation du canal réservé à l'information locale sur leur réseau câblé à une personne morale avec laquelle elles passent un contrat d'objectifs et de moyens.

Le rapporteur a indiqué que ces contrats d'objectifs manquaient de souplesse pour régler le fonctionnement des télévisions locales.

M. Pierre-Christophe Baguet a estimé qu'il convenait de laisser les collectivités locales gérer ce domaine librement.

M. Noël Mamère a retiré son amendement.

Article 19

(article 41-4 de la loi du 30 septembre 1986)

Intervention du Conseil de la concurrence et du CSA en matière de pratiques anticoncurrentielle et d'opérations de concentration dans le secteur de la communication audiovisuelle

Cet article rationalise et précise l'articulation entre le droit commun de la concurrence, organisé par l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et à la concurrence et le droit spécifique applicable en la matière au secteur de l'audiovisuel.

· En 1989, la définition d'un dispositif spécifique en matière de concentrations audiovisuelles et multimédias par les articles 39 à 41-3 de la loi du 30 septembre 1986 avait conduit le législateur à exclure de la compétence du Conseil de la concurrence le contrôle des concentrations dans le secteur audiovisuel. L'article 41-4 de la loi reconnaît donc au Conseil de la concurrence une compétence générale de garantie du principe de libre concurrence dans le secteur de la communication audiovisuelle, à l'exception des problèmes de concentration (Titre V de l'ordonnance du 1er décembre 1986).

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel est donc aujourd'hui la seule autorité compétente en matière de concentrations dans le secteur de l'audiovisuel. Il exerce cette compétence par le biais des autorisations qu'il délivre au vu des règles prévues par la loi en la matière et par les sanctions qu'il est susceptible de prononcer en cas de manquement à ces règles.

L'article 17 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit néanmoins, de façon un peu incohérente, que le Conseil supérieur de l'audiovisuel « est habilité à saisir les autorités administratives ou judiciaires compétentes [et donc clairement le Conseil de la concurrence] pour connaître des pratiques restrictives de la concurrence et des concentrations économiques. »

Cette possibilité n'a jamais été utilisée par le CSA, ce qui n'est pas étonnant puisque la loi exclut par ailleurs la compétence du Conseil de la concurrence en matière de concentrations dans le secteur audiovisuel et que l'ordonnance du 1er décembre 1986, ni dans son titre III relatif à la répression des pratiques anticoncurrentielles, ni dans son titre V relatif au contrôle des concentrations, ne prévoit de procédure applicable lors d'une telle saisine.

Pour les autres questions relevant du droit de la concurrence, c'est à dire principalement des abus de position dominante et des pratiques anticoncurrentielles, la loi du 30 septembre 1986 instaure une compétence partagée entre les deux instances de régulation, dans le cadre des compétences de droit commun reconnues au Conseil de la concurrence par l'ordonnance du 1er décembre 1986.

L'article 17 habilite le CSA, comme on l'a vu plus haut, à saisir le Conseil de la concurrence, autorité administrative compétente, des pratiques restrictives de la concurrence. Le dernier alinéa de l'article 41-4 fait d'ailleurs de cette habilitation une obligation puisqu'il prévoit que le CSA « ...saisit [l'indicatif valant, comme toujours, impératif] le Conseil de la concurrence des abus de position dominante et des pratiques entravant le libre exercice de la concurrence dont il pourrait avoir connaissance dans le secteur de la communication audiovisuelle. ».

De son côté, le Conseil de la concurrence est invité, tant par l'article 17 que par le deuxième alinéa de l'article 41-4 de la loi, à recueillir « en tant que de besoin » l'avis du CSA sur les saisines contentieuses dont il fait l'objet. L'article 16 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 portant application de l'ordonnance du 1er décembre 1986 précitée prévoit par ailleurs que le Conseil de la concurrence transmet au CSA, ainsi qu'aux autres autorités administratives « toutes saisines entrant dans le champ de leur compétence. Ces autorités administratives disposent d'un délai de deux mois pour faire part de leurs observations éventuelles. Celles-ci sont jointes au dossier. »

Dans la pratique, le CSA n'a jamais mis en _uvre le pouvoir de saisine du Conseil de la concurrence que lui reconnaissent les articles 17 et 41-4 de la loi, principalement parce qu'il n'était pas en mesure de constituer un dossier solide et complet sur les pratiques anticoncurrentielles qu'il suspectait. De son côté, le Conseil de la concurrence a à plusieurs reprises saisi le CSA pour avis sur des recours contentieux, mais seulement lorsqu'il estimait que les affaires dont il était saisi relevait de son champ de compétences. Ainsi si, en 1997, le CSA a rendu trois avis à la demande du Conseil de la concurrence à la suite de saisines contentieuses émanant de chaînes de télévision et d'un syndicat de producteur, en 1998, ce même Conseil de la concurrence n'a pas estimé nécessaire de consulter le CSA lors de la prise de contrôle d'Havas par la Générale des eaux... Il est vrai que cela serait revenu à reconnaître qu'il intervenait sur une concentration touchant au secteur audiovisuel, ce qui lui est interdit...

· En supprimant la première phrase de l'actuel article 41-4 de la loi du 30 septembre 1986, le présent article rétablit donc la compétence du ministre chargé de l'économie et du Conseil de la concurrence en matière de concentration dans le secteur de la communication audiovisuelle, telle qu'elle est organisée par le titre V. de l'ordonnance du 1er décembre 1986 précitée. Outre les dysfonctionnements qui viennent d'être évoqués, l'exclusion des procédures de droit commun ne semble plus justifiée au regard de la complexité croissante du marché de la communication et notamment de la multiplication et de l'interpénétration des acteurs.

De plus, cette exclusion était devenue artificielle, dans la mesure où les autorités de la concurrence étaient habilitées à formuler des avis sur des concentrations ou des projets de concentration ayant un impact sur les marchés connexes de celui de l'audiovisuel (notamment le marché de la publicité et le marché des droits).

En tout état de cause, s'agissant des concentrations affectant les sociétés éditant ou distribuant des services de communication audiovisuelle, il s'avère nécessaire, tout en maintenant le dispositif anticoncentration spécifique aux services audiovisuels, de permettre au droit commun des concentrations de s'appliquer également. En effet, le dispositif anticoncentration propre au secteur dont la garantie est confiée au CSA répond au premier chef à un objectif constitutionnel de pluralisme, alors que le contrôle des concentrations prévu par le titre V de l'ordonnance de 1986 vise principalement à assurer le bon fonctionnement des marchés.

Il s'agit donc d'objectifs et de procédures complémentaires, ayant chacun leur propre logique : la logique économique, qui se justifie en raison des enjeux industriels et commerciaux en cause et la logique de garantie du pluralisme, qui s'impose au vu de l'impact des médias sur la formation des idées. En outre, chacune des deux autorités a une légitimité à intervenir sur l'audiovisuel : le CSA, en tant qu'autorité sectorielle, pouvant veiller aux équilibres spécifiques de ce domaine, et le Conseil de la concurrence, en tant qu'instance à compétence générale, chargée de remédier aux dysfonctionnements économiques pour l'ensemble des secteurs. Enfin, dès lors que les instances communautaires de la concurrence peuvent être appelées à examiner des questions relatives aux services audiovisuels, il semble légitime que les instances nationales de la concurrence aient également compétence en la matière.

Afin de garantir la cohérence des interventions des différentes autorités, et s'agissant d'un domaine touchant aux principes du pluralisme, le projet de loi prévoit la saisine du CSA sur tout dossier examiné par le Conseil de la concurrence (aussi bien au titre de saisines contentieuses sur des pratiques anticoncurrentielles que lorsqu'il est saisi pour avis par le ministre de l'économie au sujet de concentrations), selon une procédure formalisée qui ne retarde pas la conclusion des procédures usuelles. Le CSA disposera en effet d'un délai d'un mois pour transmettre ses observations sur un dossier de concentration et de deux mois pour formuler un avis sur les pratiques anticoncurrentielles dont il sera saisi.

Il conserve par ailleurs son pouvoir de saisine du Conseil de la concurrence sur tout fait susceptible de constituer une pratique anticoncurrentielle dans le secteur de la communication audiovisuelle.

La coopération ainsi organisée entre les deux autorités administratives indépendantes devrait renforcer l'efficacité et la cohérence de la régulation économique de ce secteur spécifique dans lequel s'appliquent des principes de valeur constitutionnelle.

*

La commission a adopté un amendement du rapporteur prévoyant un mécanisme de saisine automatique par le ministre chargé de l'économie du Conseil de la concurrence sur tout projet de concentration ou toute concentration.

La commission a adopté un amendement de M. Patrick Bloche prévoyant que le Conseil supérieur de l'audiovisuel rend son avis au Conseil de la concurrence sur les dossiers de recours contentieux pour pratiques anticoncurrentielles après avoir pris connaissance des observations des parties mises en cause par la saisine.

La commission a examiné deux amendements en discussion commune de MM. Noël Mamère et Christian Kert visant à instaurer une saisine du Conseil de la concurrence par la CSA dans le cas où celui-ci a connaissance d'une concentration.

Le rapporteur ayant indiqué que cette disposition était déjà prévue par l'article 17 de la loi du 30 septembre 1986 qui permet au CSA de saisir toute autorité administrative, les deux amendements ont été retirés par leurs auteurs.

La commission a adopté l'article 19 ainsi modifié.

Après l'article 19

La commission a rejeté un amendement de M. Noël Mamère ayant pour but la remise en cause du monopole de TDF.

La commission a examiné trois amendements identiques de MM. Renaud Muselier, Noël Mamère et Edouard Landrain visant à rendre obligatoire la saisine du CSA lors de tout projet d'acquisition d'un club sportif par un exploitant de service de télévision en France.

M. Edouard Landrain a souligné que l'achat de clubs sportifs par les chaînes de télévision ne se faisait pas toujours dans de réelles conditions de transparence et qu'il fallait absolument éviter un effet anti-concurrentiel en matière de droits de diffusion.

Le rapporteur a indiqué que l'achat de clubs sportifs par les chaînes de télévision posait un véritable problème mais que la solution avancée par ces amendements était inadéquate.

M. Henri Nayrou a indiqué qu'il s'agissait d'un problème grave sur lequel il ne fallait pas légiférer de manière précipitée. Un groupe de travail sur le statut des clubs professionnels constitué au sein de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales traite d'ailleurs ce sujet. On doit souligner que la Cour constitutionnelle de Grande-Bretagne a récemment émis un jugement négatif sur l'achat du club de Manchester par Murdoch. En France, le Conseil de la concurrence est systématiquement saisi de telle affaires. Une solution doit en fait être trouvée au niveau européen. La Cour de justice des communautés européennes se penche d'ailleurs sur le problème des droits de propriété pour tous les spectacles télévisés, ce qui permettra de savoir s'ils appartiennent au club ou au groupement de clubs.

M. Renaud Muselier a considéré que cette saisine sur le projet d'acquisition d'un club sportif par une chaîne de télévision entrait pleinement dans les compétences du CSA.

M. Edouard Landrain a indiqué qu'il s'agissait de mettre en place un avis complémentaire du CSA, sachant que l'avis du Conseil de la concurrence est obligatoire.

Le président Jean Le Garrec a souligné la nécessité de réfléchir à ce problème mais a constaté que la solution proposée par les amendements ne semblait pas totalement aboutie.

MM. Noël Mamère et Renaud Muselier ont retiré leurs amendements et la commission a rejeté l'amendement de M. Edouard Landrain.

Chapitre 2 

dispositions concernant l'édition

et la distribution de services audiovisuels

Article 20

(article 27 de la loi du 30 septembre 1986)

Décret fixant les obligations des services de communication audiovisuelle diffusés par voie hertzienne terrestre

Cet article est d'une portée double :

- d'une part, son paragraphe I limite aux seuls services de radio et de télévision (qu'ils soient publics ou privés) diffusés par voie hertzienne la portée de l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986, qui précise les sujets sur lesquels des décrets en Conseil d'Etat doivent intervenir pour fixer les obligations des services concernés.

Les obligations réglementaires des services de télévision diffusés par satellite seront désormais identiques à celles prévues pour les services distribués par câble, et donc définies globalement par l'article 33 de la loi du 30 septembre 1986, que l'article 24 du projet modifie dans ce sens.

- d'autre part, le paragraphe II de l'article propose un dispositif précisé et rénové en ce qui concerne le champ d'application des décrets relatifs aux obligations des chaînes hertziennes en matière de production et de diffusion des _uvres cinématographiques et audiovisuelles.

· La nouvelle rédaction proposée pour le 3° de l'article, qui porte sur les obligations de production des chaînes hertziennes, clarifie utilement les dispositions légales.

En effet, la rédaction actuelle semble limiter la portée de la « contribution au développement de la production » aux seules acquisitions de droits de diffusion des _uvres (ce que l'on appelle la « part antenne »), alors que, dans la pratique, cette contribution comprend à la fois des investissements de production (« part coproduction ») et le préachat de droit de diffusion (« part antenne »).

Cette double contribution se retrouve dans les dispositions actuelles du décret n° 90-67 du 17 janvier 1990 modifié qui, en application du 3° de l'article  27 de la loi du 30 septembre 1986, encadre les obligations de production des chaînes hertziennes publiques et privées diffusées en clair. En ce qui concerne les _uvres cinématographiques d'expression originale française, les chaînes doivent consacrer au moins 3 % de leur chiffre d'affaires annuel net de l'exercice précédent à des dépenses contribuant au développement de la production d'_uvres cinématographiques d'expression originale française.

Constituent de telles dépenses :

- les sommes investies dans la production d'_uvres cinématographiques par les filiales « cinéma » des chaînes (part coproduction) ;

- les sommes consacrées à l'achat de droits de diffusion exclusifs sur le territoire français ainsi que sur des territoires étrangers pour des diffusions en langue française d'_uvres cinématographiques n'ayant pas encore reçu l'agrément d'investissement ou une autorisation de production délivrée par le directeur général du CNC (part antenne).

Pour ce qui concerne les _uvres audiovisuelles, le décret précité du 17 janvier 1990 impose aux chaînes publiques et privées diffusées en clair :

- soit de consacrer chaque année au moins 15 % du chiffre d'affaires annuel net de l'exercice précédent à la commande d'_uvres audiovisuelles d'expression originale française et de diffuser un volume horaire annuel minimum de 120 heures d'_uvres d'expression originale française ou européenne n'ayant pas fait l'objet d'une diffusion en clair sur une chaîne hertzienne nationale et dont la diffusion débute entre 20 h et 21 h ;

- soit de consacrer chaque année au moins 20 % du chiffre d'affaires annuel net de l'exercice précédent à la commande d'_uvres européennes et au moins 15 % de ce même chiffre d'affaires à la commande d'_uvres d'expression originale française.

Au sein des 15 % de chiffre d'affaires consacrés à la commande d'_uvres d'expression originale française, 2 % du chiffre d'affaires peut être utilisé pour l'acquisition de droits de diffusion d'_uvres audiovisuelles d'expression originale française pour le montant correspondant à la première diffusion de chaque _uvre par la société concernée.

En octobre 1994, France Télévision et l'Union syndicale de la production audiovisuelle (USPA) ont signé un accord pour trois ans aux termes duquel, notamment, les chaînes publiques s'engagent à investir dans la commande d'_uvres audiovisuelles au moins 17 % de leur chiffre d'affaires de l'année précédente, au lieu des 15 % prévus par les textes en vigueur.

De son côté, Canal + s'est engagé, dans le cadre de son autorisation prenant effet au 6 décembre 1995, à participer à la production d'_uvres audiovisuelles selon un barème progressif devant atteindre 4,5 % de son chiffre d'affaires en l'an 2000 (au moins 2,5 % en 1996 et 1997, 3,5 % en 1998 et 1999).

La nouvelle rédaction retenue pour le 3° de l'article 27, en précisant que le décret doit fixer les obligation concernant « la contribution des éditeurs de services au développement de la production (...) d'_uvres cinématographiques et audiovisuelles ainsi que la part de cette contribution [en % de l'effort global donc] ou le montant [en % du chiffre d'affaires] affectés à l'acquisition des droits de diffusion de ces _uvres », permet désormais d'identifier clairement l'existence d'obligations en matière de parts antenne tout en rappelant que celles-ci ne constituent qu'un des éléments de l'effort des chaînes en faveur de la production.

L'article prévoit également, de façon nouvelle, que seules sont prises en compte, dans le décompte des obligations de production, les parts antennes acquises par les opérateurs pour la « diffusion de ces _uvres sur les services qu'ils éditent ».

Plus concrètement, un diffuseur hertzien par ailleurs distributeur de services sur le câble ou le satellite qui, lors d'un accord de production, chercherait à négocier un achat de droits de diffusion multisupport ne pourra donc pas intégrer l'ensemble de cet investissement dans le décompte de ses obligations de production en tant que diffuseur hertzien. Cette disposition est destinée à favoriser la fluidité des droits en incitant les opérateurs à pratiquer des acquisitions de droits fractionnées par supports de diffusion (hertzien en clair, chaînes à péage, paiement à la séance, etc...) s'ils souhaitent que celles-ci soient intégralement prises en compte au titre de leurs obligations de soutien à la production.

L'article prévoit également que le décret pourra désormais prévoir des règles différentes pour les _uvres cinématographiques et pour les _uvres audiovisuelles, ce qui est déjà la réalité dans le décret du 17 janvier 1990 précité. Une fois encore, la loi vient donc ici se mettre en conformité avec le droit en vigueur.

Enfin, la nouvelle rédaction du 3° de l'article 27 conserve la nécessité d'assurer un soutien spécifique à la production indépendante.

Actuellement, le décret précité du 17 janvier 1990 impose aux chaînes de consacrer, sur leur investissement obligatoire en production audiovisuelle, 10 % du chiffre d'affaires net de l'exercice précédent à des commandes satisfaisant à trois conditions :

- être conclues avec une entreprise indépendante de la chaîne ou de ses plus importants actionnaires ;

- être exclusives d'un engagement de bonne fin de la chaîne31 qui, en outre, ne doit pas prendre ou partager la responsabilité financière, technique ou artistique de la production ;

- ne pas attribuer à la chaîne des droits de diffusion exclusifs supérieurs à quatre ans (cinq ans en cas de participation d'autres chaînes à la production).

L'ensemble des dispositions de cet alinéa sera repris dans le 5° de l'article 33 de la loi de 1986 qui définit le champ des obligations de production fixées par décret pour les chaînes du câble et du satellite (article 24 du présent projet).

· Le présent article ajoute ensuite un 4° dans la rédaction de l'article 27 qui permettra, par décret, de préciser les modalités de cession de droits de diffusion lorsqu'un éditeur acquiert des droits pour une autre diffusion que sa diffusion principale et de limiter la durée des droits exclusifs.

Ce dispositif répond à un souhait des producteurs audiovisuels de voir s'accroître, concomitamment à la multiplication des supports possibles de diffusion, la fluidité des droits et la circulation des _uvres. En effet, au moment de l'avènement de la technologie numérique, l'alimentation des nouvelles chaînes en programmes français suppose très certainement une augmentation des capacités de production de l'industrie nationale, mais également une meilleure circulation des _uvres.

Or, en pratique, l'acquisition de droits de diffusion est presque toujours exclusive. L'exclusivité de diffusion participe en effet de l'économie du secteur audiovisuel et se pratique, en France comme dans l'ensemble des pays, pour l'ensemble des programmes : _uvres cinématographiques, _uvres audiovisuelles, programmes sportifs. Lorsque les chaînes nationales diffusées par voie hertzienne terrestre, publiques et privées, acquièrent des droits de diffusion, elles prévoient un droit d'exclusivité destiné à empêcher leurs concurrents de diffuser le même programme pendant une période donnée. Cette exclusivité produit, dans la plupart des cas, un effet général : en amont et pendant la période de diffusion de la chaîne sur sa propre période d'exploitation et sur l'ensemble des supports, que la chaîne ait acquis les droits de diffusion sur ces supports ou pas.

Il convenait donc de prendre des mesures pour organiser la circulation des programmes sans toutefois décourager les chaînes premium qui sont, à l'heure actuelle, les seules à avoir la capacité financière pour investir dans la production « fraîche ». Le dispositif retenu est suffisamment souple pour satisfaire à ce double objectif.

Aucune disposition ne vise aujourd'hui à limiter la durée de détention des droits exclusifs de diffusion pour les programmes sportifs et les _uvres cinématographiques. En revanche, s'agissant des _uvres audiovisuelles, plusieurs dispositions ont été adoptées pour garantir la sauvegarde d'un secteur de la production indépendant des diffuseurs.

Ainsi, les articles 9 et 10 du décret précité du 17 janvier 1990 disposent, comme on l'a vu précédemment, que les chaînes doivent consacrer 15 % de leur chiffre d'affaires annuel net à la commande d'_uvres d'expression originale française, dont deux tiers au moins à des _uvres réputées « indépendantes ». Cette notion d'indépendance est définie à partir de trois conditions, la troisième consistant à ne pas acquérir une durée des droits de diffusion exclusifs supérieure à quatre ans, ou cinq ans en cas de financement de l'_uvre par plusieurs chaînes. Ces durées sont respectivement portées à cinq et sept ans si la chaîne a souscrit un niveau de commande d'_uvres supérieur.

Pour l'application de ce dispositif, les cahiers des missions et des charges des chaînes publiques et les conventions conclues avec le CSA pour les chaînes privées limitent ainsi la durée des droits exclusifs de diffusion des _uvres audiovisuelles :

- à 4 et 5 ans pour TF1, La Cinquième et Canal + ;

- à 5 et 7 ans pour M6 et France 3 ;

- à 3 et 5 ans pour France 2.

Le présent article entend donc étendre l'objet de ces dispositions : alors que la limitation de la durée des droits exclusifs figure déjà parmi les critères de permettant de qualifier d'indépendantes les _uvres audiovisuelles, elle sera prescrite de manière plus générale pour permettre la fluidité du marché et la circulation des programmes entre les différents supports.

Les limitations que le Gouvernement entend apporter à l'acquisition de droits exclusifs de diffusion visent ainsi à répondre à des exigences de libre concurrence, laquelle est garantie par le Traité de Rome et l'ordonnance du 1er décembre 1986.

Le décret garantira simplement que les exclusivités ne sont pas négociées pour une durée telle qu'elle empêcherait la circulation des programmes entre les diffuseurs. Il dotera le Gouvernement d'un instrument lui permettant d'intervenir, en tant que de besoin, pour favoriser l'offre pluraliste de programmes et la libre concurrence, par exemple avec la création d'un second marché pour les chaînes du câble et du satellite.

Pour terminer, le rapporteur souhaite préciser que la durée de détention de droits exclusifs de diffusion est une question spécifique qui ne se confond ni avec la chronologie des médias, renvoyée par l'article 14 du présent projet à des accords entre professionnels ni avec les dispositions de l'article 10 relatives aux événements d'importance majeure.

La chronologie des médias concerne les accords que peuvent passer des diffuseurs et les organisations représentatives de l'industrie cinématographique sur les délais successifs de diffusion d'une _uvre cinématographique sur les chaînes de télévision à partir de sa sortie en salles au travers de fenêtres d'exploitation consenties par support. L'acquisition de droits exclusifs relève d'une logique et d'une pratique distinctes : par voie contractuelle, les diffuseurs négocient des clauses d'exclusivité destinées à empêcher leurs concurrents sur la même fenêtre de diffuser la même _uvre ou le même programme.

L'intention du Gouvernement n'est pas de revenir sur cette pratique courante, mais simplement d'en encadrer certaines modalités. Ainsi, le décret ne traitera que de l'acquisition de droits exclusifs et pas de l'ensemble des droits de diffusion ; rien n'empêchera donc les diffuseurs d'acquérir des droits non exclusifs pour la durée de leur choix. De même, le décret se contentera de limiter la durée des droits exclusifs au regard de la problématique de la circulation des _uvres sur le "second marché". Il ne s'agit donc pas d'organiser les délais de première diffusion, mais seulement de permettre aux diffuseurs ne détenant qu'une part restreinte du marché d'acquérir des droits de diffusion sans que la pratique des opérateurs dominants ne les en empêche.

Si les délais de diffusion des _uvres cinématographiques et la durée d'acquisition des droits de diffusion constituent deux éléments déterminants du marché des droits, ils n'en demeurent pas moins clairement distincts, tant par leur objet que par leur cadre juridique. Cette limitation n'aboutit donc pas à organiser les fenêtres d'exploitation successive d'une _uvre et, ce faisant, à revenir sur la liberté contractuelle organisée par la nouvelle directive en matière de chronologie des médias.

De même, la durée d'acquisition des droits exclusifs ne doit pas être confondue avec le régime de la directive TVSF en matière d'événements d'importance majeure. Le dispositif du nouvel article 3 bis introduit simplement un dispositif de reconnaissance mutuelle des mesures adoptées par chaque Etat destinées à garantir la réception, par l'ensemble des téléspectateurs, d'événements jugés « d'importance majeure ». Ce dispositif ne concerne donc en rien une éventuelle limitation de la durée des droits cédés à titre exclusif (cf. le commentaire de l'article 10).

· Enfin, la nouvelle rédaction introduit un qui renvoie à un décret unique la fixation du régime de diffusion des _uvres cinématographiques sur les chaînes hertziennes. Celui-ci est actuellement défini, en application de l'article 70 de la loi de 1986, par les cahiers des charges des chaînes publiques et les conventions des chaînes privées, et donc réparti entre deux autorités alors même que la loi impose un régime identique pour les chaînes publiques et privées.

Le régime actuel, fixé par le décret du 17 janvier 1990 précité prévoit, en application de l'article 70 de la loi, le nombre maximal annuel de diffusion (192 films, dont 104 au maximum entre 20 h 30 et 22 h 30 pour France 2, France 3 et M 6 et 170 films, dont 104 au maximum entre 20 h 30 et 22 h 30 pour TF 1) et la grille de diffusion autorisée (les quatre chaînes hertziennes en clair ont l'interdiction de diffuser des films : les mercredi soir et vendredi soir, à l'exception des _uvres de ciné-club diffusées après 22 h 30 ; le samedi toute la journée et le dimanche avant 20 h 30, TF 1 et M 6 ne devant pas diffuser des films en soirée quel que soit le jour avant 20 h 30).

En disposant qu'un décret unique précise désormais « le régime de diffusion des _uvres cinématographiques de longue durée et en particulier la fixation d'un nombre maximal annuel de diffusions et de rediffusions et la grille horaire de programmation de ces _uvres », le nouvel item de l'article 27 reprend donc fidèlement les dispositions de l'actuel article 70 de la loi de 1986. L'article 24 du présent projet faisant de même dans la nouvelle rédaction proposée pour l'article 33 de la loi de 1986 (décret relatif aux obligations du câble et du satellite), l'article 70 deviendra donc un article « miroir », totalement redondant, mais dont le maintien dans la loi apparaît comme une garantie pour les professionnels du cinéma...

· La nouvelle définition des obligations réglementaires de production et de diffusion des _uvres cinématographiques et audiovisuelles des chaînes hertziennes ne modifie donc pas les dispositions relatives aux « quotas de diffusion ». Les services visés par l'article sont donc toujours tenus de réserver, dans le total du temps annuellement consacré à la diffusion d'_uvres cinématographiques et audiovisuelles, 60 % au moins à la diffusion d'_uvres européennes et 40 % au moins à la diffusion d'_uvres d'expression originale française. On verra à l'article 24 que ces règles connaissent par contre une évolution pour ce qui concerne les chaînes du câble et du satellite.

- Enfin, le paragraphe III. de l'article procède à une coordination avec la limitation de la portée du décret aux seules chaînes hertziennes en supprimant des raisons pour lesquelles les décrets peuvent prévoir des régimes distincts, le fait que la diffusion puisse avoir lieu par satellite. Seul le fait que cette diffusion fasse appel à une rémunération de la part des usagers (Canal +) ou ne desserve qu'une partie du territoire (télévisions locales), justifiera désormais la fixation de règles dérogatoires.

*

La commission a rejeté un amendement présenté par M. Patrick Leroy visant à supprimer les dispositions prévoyant un soutien des diffuseurs à la production indépendante.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Patrick Bloche limitant le dispositif permettant d'encadrer la durée de détention de droits de diffusion exclusifs aux seules _uvres audiovisuelles.

M. Patrick Bloche a estimé que la fixation de la durée des droits de diffusion des _uvres cinématographiques relevait de la négociation et que l'encadrement n'avait d'intérêt que pour les _uvres audiovisuelles.

Le rapporteur a considéré que l'article 14 du projet de loi qui, afin de transposer l'article 7 de la directive télévision sans frontières, renvoie la fixation de la chronologie de diffusion des films par les différents médias à la négociation contractuelle, n'était pas incompatible avec l'encadrement réglementaire de la détention et de la cession des droits exclusifs de diffusion de ces mêmes films. Il n'est donc pas nécessaire de limiter la portée de la disposition aux seules _uvres audiovisuelles.

La commission a rejeté cet amendement.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Patrick Bloche visant à encourager la constitution d'un réseau national de recherche et de formation dans le secteur audiovisuel.

M. Patrick Bloche a fait valoir qu'il n'existe actuellement aucun lien entre les activités de recherche en audiovisuel et aucune stratégie d'ensemble.

Le rapporteur a considéré que cette obligation supplémentaire pour les opérateurs ferait sans doute l'objet de résistance et que celle-ci relevait en tout cas du conventionnement et non pas d'un décret.

La commission a adopté cet amendement.

M. Pierre-Christophe Baguet a retiré un amendement présenté par M. Christian Kert disposant que le décret prévu par l'article pouvait fixer des obligations spécifiques pour les chaînes publiques.

La commission a adopté l'article 20 ainsi modifié.

Après l'article 20

La commission a rejeté l'amendement n° 48 de M. Georges Sarre prévoyant que les programmes des sociétés nationales de programme et des sociétés diffusés sur le spectre hertzien sont entièrement repris sur chaque bouquet satellite et que leur diffusion est gratuite.

La commission a ensuite examiné un amendement présenté par M. Noël Mamère visant à inscrire dans la loi la définition de la production indépendante.

Après que le rapporteur a noté qu'un décret contenait déjà cette définition, la commission a rejeté cet amendement.

Article 21

(article 28 de la loi du 30 septembre 1986)

Quotas d'_uvres musicales d'expression francophone

· Le paragraphe I de cet article limite, comme le précédent, la portée de l'article 28 de la loi de 1986 relatif au contenu des conventions passées entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et les services de radio ou de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre ou par satellite aux seuls services diffusés par voie hertzienne terrestre. Les services diffusés par satellite seront désormais conventionnés comme les services diffusés par câble, c'est-à-dire dans les conditions prévues par l'article 34-1 de la loi de 1986, modifié par l'article 18 du présent projet.

· Le paragraphe II de cet article modifie quant à lui la rédaction du sixième alinéa (2° bis) de cet article 28 pour substituer, conformément aux principes communautaires (article 7 du Traité de Rome), un critère linguistique (« _uvres musicales d'expression française ou interprétées dans une langue régionale en usage en France ») au critère de nationalité actuellement utilisé pour définir le champ d'application des quotas de diffusion de chansons (40 % de chansons « française »).

Quant à l'intégration des chansons en langue régionale dans les quotas, elle vient confirmer législativement la pratique actuelle du CSA, la notion de « langue régionale en usage en France » étant par ailleurs d'ores et déjà utilisée par le décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 modifié pour la définition des « _uvres audiovisuelles d'expression originale française ».

On peut considérer que cette modification de la loi est également justifiée par le fait que la France ait finalement accepté de signer et de ratifier sous réserve de la décision du Conseil constitutionnel saisi par le Président de la République de la conformité de la charte à la Constitution la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires du Conseil de l'Europe, après l'expertise juridique favorable rendue par M. Guy Carcassonne.

*

La commission a examiné un amendement présenté par M. Patrick Bloche visant à moduler les quotas de variétés francophones applicables aux radios en fonction de l'effort fait par le diffuseur en faveur de l'émergence de nouveaux talents.

M. Patrick Bloche a expliqué qu'alors que des négociations difficiles se déroulent actuellement entre les différents acteurs - et notamment avec le Syndicat de l'édition phonographique (SNEP) et la SACEM - et que le ministère organise prochainement des tables rondes sur cette question, il serait opportun, en adoptant cet amendement, de soutenir la cause des quotas de variétés francophones.

L'amendement a été retiré par son auteur, après que le rapporteur a souligné qu'il était peut-être plus sage d'attendre les résultats de ces négociations avant d'adopter un amendement de ce type.

La commission a ensuite adopté un amendement de M. Noël Mamère précisant que les conventions passées par le CSA avec les services de radiodiffusion et de télévision hertziens peuvent prévoir des obligations en matière de programmes « environnementaux ».

La commission a adopté un amendement de cohérence de M. Patrick Bloche concernant la fixation par le CSA, dans les conventions des services de radiodiffusion et de télévision hertziens, d'obligations en matière de contribution à la recherche et à la formation à l'audiovisuel.

La commission a ensuite rejeté un amendement présenté par M. Noël Mamère portant sur la fixation, dans les conventions, d'obligations de contribution à des actions culturelles, éducatives, environnementales, de défense des consommateurs et de promotion du développement durable et de la vie associative, après que le rapporteur a jugé cette disposition à la fois trop lourde et inutile.

La commission a ensuite adopté l'article 21 ainsi modifié.

Après l'article 21

La commission a rejeté un amendement n° 49 présenté par M. Georges Sarre visant à ce que la référence aux langues régionales en usage en France soit supprimée de l'article 28 de la loi de 1986 au motif qu'elle est incompatible avec le texte de la Constitution française qui dispose que la langue française est la langue de la République.

Article 22

(Article 28-1 de la loi du 30 septembre 1986)

Conditions de reconduction de l'autorisation des services de radiodiffusion sonore et de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre hors appel à candidatures

Cet article modifie l'article 28-1 de la loi du 30 septembre 1986 introduit par la loi n° 94-88 du 1er février 1994 dite « loi Carignon » afin d'organiser une reconduction, hors appel à candidatures, des autorisations de services de radios et de télévisions diffusés par voie hertzienne (articles 29 et 30 de la loi de 1986) mais également par des satellites utilisant des fréquences de radiodiffusion directe dont la gestion a été confiée au Conseil supérieur de l'audiovisuel (article 33-2, anciennement 31, de la loi de 1986)32.

· En 1993, le Gouvernement et le législateur avaient considéré que le système mise en place en 1986, qui prévoyait, dans son article 28, un système d'autorisation de dix ans pour les télévisions et de cinq ans pour les radios, risquait « d'avoir des effets déstabilisateurs pour les sociétés exploitant un service, tout particulièrement si elles sont cotées en bourse »33. Le rapporteur du texte à l'Assemblée nationale s'interrogeait : « Quelle peut être la valeur de l'action d'une société dont on sait qu'elle devra se soumettre à brève échéance à une nouvelle procédure d'attribution de fréquences ? », et concluait qu'« il convient de pallier une incontestable carence de la loi de 1986, au moment où les durées de dix ou cinq ans initialement prévues se révèlent, à l'expérience, trop brèves. En effet, elles ne permettent pas d'assurer une stabilité suffisante et une perspective d'exploitation satisfaisante pour les sociétés concernées »2.

La « loi Carignon » a donc mis en place un système de reconduction des autorisations hors appel à candidatures, dans la limite de deux fois et chaque fois pour cinq ans (art. 28-1 de la loi de 1986). L'exploitation d'un service de télévision privé peut ainsi s'étendre sur une période maximale de vingt ans, à l'expiration de laquelle le service sera réattribué par voie d'appel à candidatures.

Ce principe de renouvellement quasi-automatique connaît trois exceptions lorsque :

- les fréquences qui avaient été attribuées ne sont plus disponibles : il s'agit du cas (rare) où le plan des fréquences gérées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) serait sensiblement modifié par le Premier ministre (art. 21 de la loi de 1986) ;

- le CSA estime que les sanctions dont le titulaire de l'autorisation a fait l'objet portaient sur des manquements particulièrement graves ;

- le CSA estime que la reconduction de l'autorisation hors appel aux candidatures porte atteinte à l'impératif du pluralisme sur le plan national ou sur le plan régional ou local.

Un an avant l'expiration de l'autorisation, qu'il s'agisse de l'autorisation initiale de dix ans ou d'une première période de renouvellement de cinq ans, le CSA doit statuer sur la possibilité de reconduction hors appel à candidatures. S'il considère que celle-ci est possible, il procède, de sa propre initiative ou à la demande du titulaire de l'autorisation et en accord avec ce dernier, à la modification de la convention du service.

Le CSA dispose, en vertu de ce texte, d'un pouvoir discrétionnaire lui permettant de conditionner la reconduction par l'acceptation par le titulaire de l'autorisation de nouvelles obligations, adaptées à l'évolution du marché et de la technique. Il peut également ne procéder à aucune modification de la convention. A défaut d'accord entre le CSA et le titulaire de l'autorisation six mois au moins avant la date d'expiration de l'autorisation, celle-ci n'est pas reconduite et la réattribution du droit d'usage de fréquences est opérée par voie d'appel à candidatures.

Saisi par des parlementaires de la conformité de cette procédure au principe constitutionnel de garantie du pluralisme, le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 93-333 du 21 janvier 1994, a considéré que les modalités de renouvellement des autorisations n'étaient pas de nature à mettre en cause le principe du pluralisme, la procédure instaurée pour le renouvellement offrant toute garantie sur ce point, de même que la faculté de recours ouverte à toute personne intéressée à l'encontre de la décision du CSA de renouveler l'autorisation.

Ce dispositif de présomption de « reconduction automatique » a fait néanmoins l'objet de critiques récurrentes du CSA qui, à plusieurs reprises, a notamment considéré qu'il figeait le paysage radiophonique pour de longues périodes et ne lui permettait pas d'exercer de façon appropriée son pouvoir de régulation. Ainsi, dans son rapport annuel 1994, le CSA notait que, grâce à ce système de renouvellement automatique « les opérateurs deviennent, sinon propriétaires de leurs fréquences, puisque celles-ci appartiennent au domaine public et sont incessibles, au moins rentiers de leur autorisation ».

D'autre part, le système de l'article 28-1 souffre d'une absence totale de transparence, tout au long du processus, qu'il s'agisse du choix de ne pas recourir à l'appel à candidatures, de la définition des points de la convention à redéfinir ou encore des négociations menées avec l'opérateur. Les conditions de renouvellement de l'autorisation de TF1 en 1996 et notamment l'octroi de deux minutes de publicité supplémentaires par heure ont ainsi provoqué de très nombreuses critiques sur une procédure jugée opaque et sujette à caution.

· Le présent article vise donc à remédier à ces critiques, d'une part en renforçant la faculté du CSA d'exclure la reconduction automatique et d'autre part en établissant une transparence de la procédure.

En ce qui concerne la définition de nouveaux critères pour la non-reconduction automatique, l'article modifie tout d'abord le 2° de l'article 28-1 qui concerne la prise en compte des manquements pour lesquels le service a fait l'objet de sanctions (de la part du CSA) ou d'astreintes (prononcées par le Conseil d'Etat)34. Désormais, le CSA n'aura plus à prendre en compte la « gravité » des manquements pour juger de l'opportunité d'une non-reconduction automatique. Cette disposition du texte avait conduit le Conseil d'Etat a annuler une décision de non-reconduction automatique du CSA prise à l'encontre d'une radio qui avait laissé s'exprimer longuement à l'antenne un auditeur tenant des propos xénophobes, le juge administratif ayant estimé que le manquement n'avait pas le caractère de gravité requis par les textes parce qu'il était le fait d'un auditeur et non d'un journaliste (arrêt du Conseil d'Etat « Ici et Maintenant », 19 mars 1997). Désormais, toutes les sanctions prononcées par le CSA pourront donc légitimement être prises en compte.

Par ailleurs, au-delà des sanctions prises en application de la loi de 1986, le CSA pourra désormais prendre en compte les sanctions judiciaires prononcées pour :

- provocation (suivie ou non d'effets) à commettre différents délits (article 23 et 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse),

- incitation à la haine raciale (article 24 de la même loi),

- révisionnisme (article 24 bis de la même loi),

- diffusion d'images pédophiles (article 227-23 du code pénal),

- ou diffusion d'images à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, dès lors qu'elles sont susceptibles d'être vues par des mineurs (article 227-24 du code pénal).

Sont par ailleurs ajoutés aux motifs qui peuvent conduire le CSA à privilégier le recours à un nouvel appel à candidatures par rapport à la mise en _uvre de la procédure de reconduction :

- l'hypothèse où la situation financière du candidat ne lui permettrait pas de poursuivre l'exploitation dans des conditions satisfaisantes (cette disposition trouvant essentiellement à s'appliquer dans le cas de radios ou de télévisions locales pour lesquelles la continuité de l'exploitation n'est pas assurée au moment du renouvellement),

- le cas où un service radiophonique aurait changé de catégorie en cours d'autorisation (par exemple, une radio associative devenant une radio commerciale ou radio indépendante devenant affiliée à un réseau). Ce dernier point permettra au CSA de sanctionner en toute clarté les rachats de fréquences en sous-main qui portent incontestablement atteinte à l'équilibre du paysage radio et au respect du pluralisme.

Le paragraphe II de l'article met quant à lui en place, pour le services de télévision, plusieurs dispositions améliorant la transparence du renouvellement de l'autorisation sans appel à candidatures.

Tout d'abord, un an avant la date d'expiration de l'autorisation, le CSA sera désormais tenu de publier une décision motivée explicitant les raisons le conduisant à procéder, ou non, au renouvellement de l'autorisation hors appel à candidatures. En cas de choix d'un renouvellement hors appel à candidatures, cette décision précisera les points principaux de la convention que lui-même ou l'opérateur souhaite voir modifiés, sans que cette liste soit ni contraignante (certains points cités pourront finalement ne pas être modifiés), ni limitative (des modifications non prévues pouvant apparaître au cours de la renégociation). Cette « déclaration d'intention » aura néanmoins l'avantage d'expliciter grandement les motivations et les objectifs du CSA.

Pour les services de télévision, l'article prévoit, en outre, que le CSA doit recevoir, en audition publique (ce qui ne signifie pas qu'il doive publier un compte rendu des séances), dans le mois suivant la publication de sa décision de recourir au renouvellement sans appel à candidatures, le titulaire de l'autorisation. L'article précise que le CSA pourra également « procéder à l'audition publique de tiers intéressés ».

Cette dernière disposition donne donc au CSA la faculté d'entendre, dans le cadre d'une réunion ouverte au public, les personnes qu'il consulte actuellement de façon moins formelle. Il peut s'agir des associations représentatives du secteur de la production audiovisuelle et cinématographique, des annonceurs, mais également des concurrents ou encore des partenaires sociaux, voire d'associations représentant les téléspectateurs. Cette procédure publique permettra de mieux éclairer la décision finale du CSA et d'assurer des conditions de débat plus démocratiques. L'audition publique de tiers relèvera néanmoins du pouvoir discrétionnaire du CSA : son refus d'auditionner publiquement telle ou telle personne ne devrait donc pas être susceptible de recours.

L'autorité de régulation dispose alors de six mois pour débattre avec l'opérateur et s'accorder sur les conditions du renouvellement. Comme le prévoit l'actuelle rédaction de l'article 28-1, à défaut d'un accord dans ce délai, la procédure de renouvellement « automatique » deviendra caduque et le CSA procédera à un nouvel appel à candidature, l'usage de la fréquence étant alors attribué dans les conditions prévues pour les autorisations initiales.

En application du deuxième alinéa de l'article 6 de la loi de 1986, qui prévoit que « les résultats des délibérations (...) du Conseil, quelle qu'en soit la nature, sont publiés au Journal officiel de la République française », les décisions de renouvellement d'autorisation sont publiées au Journal officiel. En conséquence, le présent article supprime l'avant-dernier alinéa de l'article 28-1 de la loi de 1986 qui, de façon redondante, prévoyait explicitement cette publication.

*

La commission a adopté un amendement présenté par M. Renaud Muselier limitant la portée de l'article 28-1 de la loi du 30 septembre 1986 aux seuls services diffusés par voie hertzienne terrestre.

La commission a ensuite rejeté un amendement présenté par M. Patrick Leroy proposant de limiter à une seule période de cinq ans maximum la possibilité de reconduction automatique.

La commission a examiné un amendement de M. Michel Françaix limitant la marge d'appréciation laissée au CSA pour estimer si les sanctions, astreintes ou condamnations dont le titulaire d'une autorisation a fait l'objet sur le fondement de la loi de 1986 sont de nature à justifier que cette autorisation ne soit pas reconduite hors appel à candidatures.

M. Arnaud Montebourg a fait valoir que le CSA ne disposait pas des moyens légaux nécessaires lui permettant de faire respecter les obligations incombant aux chaînes de télévision. La chaîne de télévision TF1 a ainsi fait l'objet de sanctions de la part du CSA et du Conseil d'Etat à cause notamment de programmes ne respectant pas les droits de l'enfance, de dépassements du temps de publicité autorisé ou du non-respect des quotas établis par la loi. Le juge judiciaire a également condamné TF1 pour atteinte au pluraliste et à l'honnêteté de l'information. Certains observateurs considèrent même que le comportement de cette chaîne traduit une volonté systématique de tourner la loi. Pourtant, en 1997, le CSA a renouvelé pour cinq ans son autorisation sans appel à candidatures.

M. Olivier de Chazeaux a considéré que cet amendement privait le CSA de tout pouvoir d'appréciation.

M. Michel Françaix a rappelé que le CSA se plaignait souvent de ne pas disposer des outils nécessaires à l'accomplissement de sa mission et de ne pouvoir utiliser, en cas de manquement constaté des chaînes, que des armes disproportionnées.

M. Noël Mamère a insisté sur la nécessité de sanctionner sans état d'âme de façon rigoureuse les « délinquants cathodiques ».

Après que le rapporteur a émis des doutes quant à l'effectivité de l'amendement, M. Arnaud Montebourg a indiqué que si l'amendement apparaissait comme trop timide, il pourrait éventuellement en durcir le contenu jusqu'à mettre au point un système équivalant au système du permis à points.

M. Henri Nayrou a considéré que le même type de dispositions devrait être mis en place pour la reconduction automatique des droits sportifs.

La commission a alors adopté un sous-amendement du rapporteur de nature rédactionnelle, puis l'amendement de M. Michel Françaix ainsi modifié.

La commission a adopté un amendement de M. Michel Françaix de portée comparable pour ce qui concerne le refus de reconduction automatique lorsque celle-ci est de nature à porter atteinte au pluralisme.

La commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.

La commission a examiné un amendement présenté par M. Renaud Muselier visant à introduire, pour les radios commerciales uniquement, une possibilité de changement de la catégorie de service pour laquelle une autorisation d'émettre a été accordée.

Après que le rapporteur a jugé dangereux de mettre en place un tel système qui reviendrait à changer les règles du jeu en cours d'exercice, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a adopté l'article 22 ainsi modifié.

Article 23

Coordination

Cet article propose une renumérotation et une nouvelle organisation des articles 31 et 33 à 34-3 de la loi du 30 septembre 1986 afin de créer un chapitre unique regroupant toutes les dispositions relatives à la radiodiffusion sonore et à la télévision par câble et satellite, et ce qu'il s'agisse de l'édition (c'est à dire des chaînes) ou de la distribution (c'est à dire des bouquets) de services.

Le tableau ci-dessous résume les modifications proposées par l'article :

Nouveau n°

Contenu de l'article

Ancien n°

Art. projet

 

Chapitre 2 :

Dispositions applicables à la radiodiffusion sonore et à la télévision par câble et par satellite

 

23

 

Section 1 :

Edition de services de radiodiffusion sonore et de télévision par câble et par satellite

 

23

33

Décret câble et satellite

33

24

33-1

Convention des chaînes câble et satellite

33-1

18

33-2

Assignation des fréquences satellitaires par le CSA

31

-

33-3

Services de télécommunication par câble

34-2

-

 

Section 2 :

Distribution de services de radiodiffusion sonore et de télévision par câble et par satellite

 

23

33-4

Définition du distributeur de services

Nouveau

25

34

Etablissement et exploitation de réseaux câblés

34

26

34-1

Servitudes pour le câble

34-3

-

34-2

Régime de l'opérateur de bouquets satellitaires

Nouveau

27

Cette réorganisation de la loi devrait permettre une lecture plus aisée des dispositions ainsi qu'une meilleure compréhension de la logique retenue par le texte, c'est à dire un alignement total du régime légal pour ce qui concerne l'édition de services sur les deux supports (section 1) et une définition commune mais un régime juridique distinct pour ce qui concerne la distribution de services (déclaration pour le satellite et autorisation pour les réseaux câblés - section 2).

*

La commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur puis la commission a adopté l'article 23 ainsi modifié.

Article 24

(Article 33 de la loi du 30 septembre 1986)

Décret fixant les obligations des services de radiodiffusion sonore et de télévision distribués par câble ou par satellite

· Cet article étend aux services de radio et de télévision diffusés par satellite les obligations réglementaires prévues par l'article 33 de la loi de 1986 pour les services distribués par câble, en conséquence de l'article 20 du projet qui les exclut du champ d'application du décret réglementant les obligations des services de radio et de télévision diffusés par voie hertzienne.

Avec l'article 18 du présent projet, cet article permet donc d'aligner le régime des chaînes diffusées par satellite sur celui des chaînes distribuées par câble : elles sont conventionnées de la même façon par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (article 18 du présent projet modifiant l'article 33-1 de la loi de 1986, anciennement numéroté 34-1) et soumises aux mêmes obligations réglementaires. Ce faisant, il met fin à un vide juridique qui avait été relevé par la Commission européenne dans le cadre de l'instance qu'elle a engagée devant la Cour de Justice des Communautés européennes contre la France pour défaut de transposition de la directive « Télévision sans frontières » (TVSF).

En effet, dans la loi de 1986, le régime prévu pour la diffusion satellitaire est tout à la fois double et mal appliqué. Si cette diffusion se fait par le biais de satellites de télévision directe et utilise donc des bandes de fréquence dont la gestion a été confiée au CSA, elle doit, en application de l'article 31 de la loi, faire l'objet d'une autorisation dont les conditions sont précisées par un décret35 et qui s'apparente aux autorisations prévues pour les radios et télévisions hertziennes. Suite aux évolutions technologiques et à l'échec commercial des satellites de télédiffusion directe TDF1 et TDF2, ce régime ne correspond plus aujourd'hui à aucun des services diffusés par satellite.

En effet, l'ensemble des chaînes et des bouquets est désormais retransmis par des satellites dits de télécommunication appartenant à France Télécom (Telecom 2A, 2B...), à la Société européenne de satellites (Astra) ou à Eutelsat (Eutelsat, Hot Bird), les opérateurs obtenant du ministère des télécommunications une autorisation d'usage de fréquences, selon une procédure très souple.

Ces services relèvent donc, en pratique, du régime de l'article 24 de la loi qui prévoit que les chaînes de radio et de télévision diffusées par des satellites de télécommunication (qui utilisent des fréquences gérées par l'ART) doivent faire l'objet d'un agrément préalable du CSA. Cet agrément est de droit pour les services ayant déjà conclu une convention au titre de la diffusion par câble (ce qui est aujourd'hui le cas de la plupart des chaînes proposées par les bouquets satellitaires). Pour les autres services, l'article 24 prévoit leur conventionnement par le CSA dans des conditions fixées par décret. Ce décret n'ayant jamais été pris, le CSA n'a jamais pu conventionner ces services.

Aujourd'hui, la dualité des régimes des chaînes du satellite selon la nature des fréquences utilisées n'est plus justifiée ni sur un plan technologique, ni sur un plan économique. De plus, le droit français faisant perdurer, par ce biais, un régime juridique destiné aux chaînes utilisant des fréquences relevant de la compétence de la France, alors que, comme cela est précisé par l'article 12 du présent projet, la directive TVSF retient désormais le critère de l'établissement de la société éditrice pour déterminer la loi applicable.

Il faut donc se féliciter que le régime des chaînes diffusées par satellite soit unifié et clarifié en faveur d'un alignement sur le régime des chaînes du câble.

Toutefois, si l'article 24 de la loi de 1986 est abrogé, il n'en est pas de même de l'article 31. Renuméroté 33-2, celui-ci est conservé par le projet de loi afin de préciser la procédure applicable si le CSA avait à autoriser l'usage de fréquences satellitaires sur les cinq bandes dont il a la gestion. Pour le reste, les distributeurs de services utilisant ces fréquences seraient soumis au régime de droit commun mis un place par les articles 25 et 27 du présent projet.

· Le présent article modifie en outre le contenu du décret prévu à l'article 33 de la loi de 1986 sur plusieurs points :

- Outre les règles applicables en matière de publicité et de parrainage, ce décret devra désormais également fixer les règles applicables en matière de télé-achat et d'autopromotion, afin d'assurer la transposition de la nouvelle rédaction des articles 10 à 20 de la directive TVSF modifiée, comme cela a été prévu à l'article 13 du présent projet pour les chaînes diffusées par voie hertzienne. Les commentaires formulés au sujet de cet article sont également valables ici, et notamment les remarques en ce qui concerne l'autopromotion.

Les dispositions en matière de publicité et de parrainage prévues pour les réseaux hertziens sont également applicables aux services distribués par câble (article 10 du décret n° 92-882 du 1er septembre 1992 pris pour l'application des articles 33 et 34-1 de la loi du 30 septembre 1986 et fixant le régime des services distribués par câble). En ce qui concerne le télé-achat sur les chaînes du câble, celui-ci est d'ores et déjà réglementé par décret (décret n° 95-77 du 24 janvier 1995) dans des conditions comparables à celles décrites pour les chaînes hertziennes.

- L'article étend par ailleurs aux services de radiodiffusion sonore diffusés par câble et par satellite le principe d'un quota de diffusion « d'_uvres musicales d'expression française ou interprétées dans une langue régionale en usage en France » prévu pour les radios hertziennes par l'article 28 de la loi de 1986. Eu égard aux conditions particulières de l'offre radio par câble et par satellite (bouquets de chaînes multithématiques) et au caractère encore expérimental de ces nouveaux services, la loi laisse cependant au décret la charge de fixer le niveau de l'obligation de diffusion. Il pourra notamment autoriser une mutualisation des quotas entre différentes chaînes proposées par un même éditeur, voire même renvoyer aux conventions. On doit d'ailleurs signaler que, sans que la loi lui en ait fait obligation, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a d'ores et déjà imposé le respect de quotas francophones aux radios diffusées par câble et par satellite qu'il a eu à conventionner.

Comme à l'article 21 du présent projet, il est fait référence à un critère linguistique (« expression française ») et non pas à un critère de nationalité (on ne parle plus de « chansons françaises ») et les chansons « interprétées dans une langue régionale en usage en France » sont intégrées dans le champ de l'obligation (cf. commentaire de l'article 21).

- Les chaînes diffusées par câble et par satellite seront par ailleurs désormais légalement soumises à des obligations d'investissement dans la production. Le principe d'une telle contribution figurait déjà dans le « décret-câble », puisque l'article 14 du décret n° 92-882 du 1er septembre 1992 précité prévoit que tout service diffusant des _uvres cinématographiques ou audiovisuelles doit réserver soit 10 % au moins du temps qu'il consacre à la diffusion de ces _uvres, soit 10 % au moins de son budget de programmation, à des _uvres européennes émanant de producteurs indépendants selon les critères retenus pour les chaînes hertziennes.

Le présent article précise néanmoins la portée de cette obligation.

La formulation retenue pour en définir le champ est identique à celle prévue pour les chaînes hertziennes (cf. le commentaire de l'article 20 du présent projet) à une exception près : le décret pourra prévoir des règles différentes « en fonction de la nature des _uvres diffusées ». Cette mention renvoie, encore une fois, à la spécificité du marché des chaînes thématiques et plus particulièrement à des services qui, ne diffusant pas de nouvelles productions (chaînes de cinéma classique par exemple), n'auront pas à acquérir des droits de coproduction.

- Comme l'article 20 le fait pour les chaînes hertziennes, le présent article réinsère dans le décret général relatif aux obligations des chaînes du câble et du satellite les obligations réglementaires en matière de régime de diffusion des _uvres cinématographiques prévues par l'article 70 de la loi de 1986.

Les chaînes de télévision de type généraliste sont actuellement soumises aux mêmes obligations que les chaînes hertziennes (cf. commentaire de l'article 20). Par contre, pour les chaînes « cinéma » (c'est-à-dire les chaînes qui font l'objet d'un abonnement spécifique et consacrent à l'acquisition des droits de diffusion de films au moins 40 % de leurs chiffres d'affaires), un régime spécifique est prévu. Ces chaînes peuvent diffuser 364 films par an avec six rediffusions sur trois semaines (500 films et huit rediffusions pour les services consacrant plus de 45 % du chiffre d'affaires à l'achat de droits de diffusion et dont le nombre d'abonnés est inférieur à 500 000). Les films ne peuvent être diffusés ou rediffusés le mercredi de 13 à 21 heures, le vendredi de 18 à 23 heures, le samedi de 13 à 23 heures et le dimanche et les jours fériés de 13 à 18 heures. En outre, les premières diffusions ne peuvent avoir lieu les lundi, mardi, jeudi et vendredi de 13 à 18 heures et le dimanche de 18 à 20 heures.

- Par contre, en matière de quotas de diffusion d'_uvres européennes et d'expression originale française, l'article introduit une innovation importante en ce qui concerne les _uvres audiovisuelles et se distingue ainsi du régime prévu à l'article 20.

Actuellement, ces quotas sont les mêmes que ceux prévus sur les chaînes hertziennes, c'est-à-dire 60 % d'_uvres européennes et 40 % d'_uvres d'expression originale française, et ce qu'il s'agisse des _uvres cinématographiques (article 70 de la loi de 1986) ou des _uvres audiovisuelles (alignement sur les dispositions prévues pour les chaînes hertziennes par le décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 modifié). Pour ces dernières, toutefois, le « décret-câble » donne au CSA la possibilité de prévoir, dans les conventions, une « montée en charge » progressive de l'obligation, sans que le pourcentage minimum puisse être inférieur à 50 % d'_uvres européennes (critère retenu par la directive TVSF).

Le nouveau dispositif prévu par l'article maintient les quotas actuels (60 % et 40 %) pour les _uvres cinématographiques, en les insérant dans le décret général (l'article 70 devenant, de ce fait, un article « miroir »).

Par contre, si la loi continue à renvoyer au décret le soin de fixer les proportions minimales d'_uvres audiovisuelles européennes et d'expression française comme le fait la rédaction actuelle, elle autorise explicitement une modulation de ces quotas en fonction des investissements de production réalisés par l'éditeur du service. Seul le quota de 50 % d'_uvres européennes, tel qu'il est prévu par la directive TVSF, est maintenu dans la loi. Cette possibilité d'adaptation, qui répond à une demande des producteurs audiovisuels, devrait permettre une plus grande souplesse dans le conventionnement des chaînes thématiques.

Enfin, comme cela a été précisé à l'article 11, le décret pourra prévoir certaines dérogations aux dispositions relatives à la production et à la diffusion d'_uvres cinématographiques et audiovisuelles pour les services émis dans une langue extra-communautaire (considérant 29 de la directive TVSF révisée).

*

La commission a adopté un amendement du rapporteur visant à préciser que le décret portant réglementation des chaînes diffusées par câble et par satellite doit également encadrer les services audiovisuels intégralementy consacrés à de l'autopromotion.

La commission a rejeté deux amendements de M. Georges Sarre :

- un amendement n° 51 visant à supprimer la référence aux langues régionales en usage en France dans la fixation des quotas de chansons francophones ;

- un amendement n° 50 prévoyant les règles assurant la mise en _uvre des dispositions concernant le respect des quotas de diffusion des chansons francophones.

La commission a adopté deux amendements de coordination du rapporteur.

La commission a rejeté un amendement présenté par M. Renaud Muselier supprimant les quotas de diffusion d'_uvres européennes sur les chaînes du câble et du satellite.

La commission a rejeté un amendement de M. Patrick Leroy proposant de limiter les possibilités de dérogations aux règles prévues par l'article aux seules chaînes ou services diffusés en langue étrangère à partir d'une chaîne publique.

La commission a adopté l'article 24 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 24

(article 33-2 de la loi du 30 septembre 1986)

Attribution de fréquences satellitaires de radiodiffusion directe par le CSA

La commission a adopté un amendement du rapporteur précisant la portée de l'article 33-2 (anciennement 31) de la loi de 1986 qui ne concerne plus désormais que l'attribution de fréquences satellitaires par le CSA parmi les cinq bandes de fréquences de télédiffusion directe dont il a la gestion.

Article 25

(article 33-4 nouveau de la loi du 30 septembre 1986)

Définition du distributeur de services

Avec les articles 26 et 27, cet article consacre, en droit, la fonction de distributeur de services, c'est à dire d'opérateur regroupant une offre de services (un « bouquet ») afin de la proposer au public via un contrat commercial. Ces nouvelles règles permettront de mieux prendre en compte l'organisation actuelle des services audiovisuels.

Le présent article propose donc, pour la première fois en droit français et dans le silence des textes européens, une définition de la notion de distributeur de services, applicable aussi bien pour le câble que pour le satellite. Cette définition ne concerne bien évidemment en rien les transporteurs satellitaires, soumis au droit des télécommunications.

Est donc considéré comme distributeur de service « toute personne qui établit avec des éditeurs de services des relations contractuelles en vue de constituer une offre de services de communication audiovisuelle mise à disposition du public par câble ou satellite ». Différents éléments de cette définition appellent un commentaire :

- En pratique, le distributeur de service doit être une société, comme le précisent les articles 34 (pour le câble) et 34-2 (pour le satellite), ou encore, dans le cas des réseaux câblés, un organisme de HLM ou une régie communale ou intercommunale ayant la personnalité morale et l'autonomie financière.

- Le lien établi avec les éditeurs de services (soumis aux obligations fixées par décret en application de l'article 33 et conventionnés par le CSA en application de l'article 33-1 - anciennement 34-1 - de la loi de 1986) est de nature contractuelle : il s'agit donc de relations d'ordre strictement commercial dans lesquelles l'Etat n'intervient pas. Ces contrats fixent notamment les conditions de rémunération de l'éditeur (tant de francs par abonnés) et le mode de commercialisation du service par le bouquet (présence dans l'offre de base ou dans un abonnement optionnel, prix pour l'abonné, etc...).

- L'offre regroupe un ensemble de « services de communication audiovisuelle », c'est à dire, selon la définition de la communication audiovisuelle donnée à l'article 2 de la loi de 1986, tout service assurant la « mise à disposition du public ou de catégories de public, par un procédé de télécommunication, de signes, de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature qui n'ont pas le caractère d'une correspondance privée ». Il peut donc bien évidemment s'agir de chaînes classiques de télévision ou de radio (qu'elles soient généralistes ou thématiques), mais également de services, interactifs ou pas, de guide, d'annonces, de jeux, de télé-achat etc..., ce qui correspond bien à la diversité des bouquets numériques proposés aujourd'hui (principalement, pour le moment, par satellite).

- Enfin, l'offre est mise à la disposition du public par le biais d'un abonnement composé le plus souvent d'une offre de base et d'offres complémentaires optionnelles et, pour les bouquets numériques, grâce à l'achat ou la location d'un décodeur.

La dernière phrase de l'article intègre également dans la définition du distributeur de services les personnes qui « constituent une telle offre en établissant des relations contractuelles avec d'autres distributeurs ». Il s'agit ici de prendre en compte le cas des antennistes locaux et des offices de HLM qui peuvent être autorisés par le CSA à constituer des offres spécifiques d'accès aux services du câble pour un groupe d'habitations doté d'une antenne collective (le plus souvent un ensemble d'immeubles). La constitution de ces « mini-bouquets » sur mesure se fait alors par un accord direct avec le distributeur opérant sur le réseau, sans qu'aucun contact ne soit pris avec les éditeurs de services.

Il semble logique d'inclure ces opérateurs dans le champ d'application de la définition du distributeur, même si l'article 34 de la loi de 1986 (modifié par l'article 26 du présent projet) donne la possibilité au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), dans sa décision d'autorisation, de ne pas leur appliquer les obligations prévues pour les distributeurs de services de premier rang.

*

La commission a examiné, en discussion commune, trois amendements similaires présentés par MM. Christian Kert, Noël Mamère et Renaud Muselier relatifs à la participation des opérateurs de bouquet au développement des chaînes thématiques.

Le rapporteur a fait observer que ces amendements conduisaient le législateur à intervenir dans des relations purement contractuelles entre opérateurs privés et estimé que cette question, essentielle, ne devait sans doute pas être traitée dès à présent dans le cadre du projet de loi.

Après que M. Patrick Bloche a rappelé l'importance de cette question et la nécessité de faire émerger un débat à ce sujet, la commission a rejeté ces amendements.

La commission a adopté l'article 25 sans modification.

Article 26

(article 34 de la loi du 30 septembre 1986)

Obligations des distributeurs de services diffusés par câble

Cet article, qui aménage les obligations des distributeurs de services par câble, est à examiner en parallèle avec les dispositions de l'article suivant, qui fixe les obligations des distributeurs de services par satellite. En effet, bien que le présent projet tende à l'harmonisation des deux régimes, un certain nombre de différences persistent, cette disparité de traitement se justifiant principalement en raison de la situation de monopole, de droit ou de fait, dans laquelle se trouve la quasi totalité des câblo-opérateurs sur une zone considérée, alors qu'en matière satellitaire, deux bouquets concurrents existent depuis la fin de 1996.

· Ainsi, alors que l'article 27 prévoit pour les bouquets satellitaires un simple régime déclaratif, l'exploitation d'un réseau câblé par un distributeur de services (le « câblo-opérateur ») continuera, comme cela est actuellement prévu par l'article 34 de la loi de 1986, a être soumis à un régime d'autorisation assorti d'obligations plus importantes que celles imposées aux bouquets satellites.

Comme le prévoit le décret n° 92-881 du 1er septembre 1992 relatif à l'autorisation d'exploitation des réseaux câblés, la demande d'autorisation doit tout d'abord être accompagnée d'un certain nombre d'informations sur les caractéristiques techniques du réseau, les caractéristiques de l'exploitant (le distributeur de services), le plan financier prévisionnel, la composition et la structure de l'offre (ce que l'on appelle le plan de services). Des informations comparables sont demandées au satellito-opérateur lors de sa déclaration de constitution de bouquet (cf. article 27).

Le CSA dispose d'un délai de deux mois pour autoriser l'exploitation ; sa décision précise la durée de l'autorisation (30 ans en général), ainsi que le nombre et la nature des services distribués (le plan de services retenu). Elle précise par ailleurs les obligations auxquelles doit se conformer le câblo-opérateur et dont la liste est fixée par l'article 34 de la loi de 1986.

Sur ce point, le CSA ne disposera plus de la possibilité de choisir parmi les obligations prévues par la loi. Le projet lui laisse la possibilité de ne pas fixer d'obligations, ce qui arrive parfois, en pratique, lorsque la personne qui demande une autorisation d'exploitation est un antenniste ou un office de HLM constituant une sous-offre au sein d'un bouquet de services câblés afin d'approvisionner une antenne collective (cf. le commentaire de l'article 25). Mais désormais, à partir du moment où le CSA fera le choix de fixer des obligations au distributeur, il devra le faire pour tous les points mentionnés par l'article.

A l'heure actuelle, il s'agit de prévoir :

- la retransmission des services diffusés par voie hertzienne normalement reçus dans la zone,

- la distribution d'un nombre minimal de programmes propres,

- l'affectation d'un canal à un ou plusieurs services de télévision locale,

- le paiement par l'exploitant d'une redevance à la commune ou au groupement de communes intéressé,

- et la distribution d'un nombre minimal de programmes édités par des personnes morales indépendantes de l'exploitant effectif du réseau (c'est à dire du distributeur).

Seul ce dernier point est modifié par le présent article. Le paragraphe III donne en effet compétence au CSA d'une part pour fixer au distributeur des obligations en matière de composition et de structure de l'offre de services, ce qui n'était pas possible jusqu'ici, et d'autre part en ce qui concerne la présence minimale de services indépendants (cette dernière obligation étant reprise de façon identique dans le régime des bouquets satellitaires, à l'article 27).

Par « composition et structure de l'offre de services », il faut comprendre que le CSA pourra fixer des obligations en ce qui concerne le nombre et les caractéristiques des services proposés ainsi que leur répartition entre les différentes sous-offres (offre de base et offres complémentaires). Cette nouvelle compétence est à considérer à en regard des pouvoirs donnés au CSA par le paragraphe IV de l'article en ce qui concerne la composition de l'offre et la garantie de sa conformité à l'intérêt du public (cf. ci-après).

Par ailleurs, seront considérés comme indépendants, les services qui ne sont contrôlés directement ou indirectement36, ni par le distributeur de services (c'est à dire le titulaire de l'autorisation), ni par l'un de ses actionnaires détenant au moins 5 % de son capital, « ni par la personne physique ou morale qui contrôle directement ou indirectement au moins la moitié des services concernés ». Cette dernière disposition concerne, encore une fois, les antennistes ou les offices de HLM qui sont, par définition, dépourvus de tout lien avec les services capitalistique qu'ils distribuent : il convenait donc de prévoir à leur attention un critère spécifique.

La part réservée aux services indépendants sera par ailleurs appréciée au sein des seuls services en langue française conventionnés par le CSA pour une diffusion sur le câble ou le satellite, en application de l'article 33-1 (anciennement 34-1) de la loi de 1986. L'assiette de calcul de l'obligation ne comprendra donc ni les chaînes (publiques et privées) diffusées par voie hertzienne terrestre, que le câblo-opérateur est par ailleurs tenu de reprendre, ni les services autorisés émis dans une langue étrangère, ni les services qui, bien qu'émis en langue française, ne sont pas conventionnés par le CSA, le droit qui leur est applicable étant celui d'un autre Etat membre de l'Union européenne (cf. le commentaire de l'article 12 du présent projet). Une chaîne comme RTL9, soumise au droit luxembourgeois, entre dans cette dernière catégorie.

Le présent article ne fixe cependant pas le niveau que doit atteindre la part de services indépendants et laisse à un décret en Conseil d'Etat le soins de fixer les modalités d'application de ce nouveau dispositif. Deux raisons peuvent expliquer ce renvoi au pouvoir réglementaire. D'une part, pour intervenir dans un secteur où le contexte technologique et concurrentiel évolue très rapidement, il a semblé préférable de renvoyer une disposition de ce type au décret, plus facilement adaptable que la loi. D'autre part, la fixation des seuils sera relativement complexe car, en raison des caractéristiques technologiques et commerciales des bouquets, elle devra retenir des niveaux différents selon le type d'offre (offre de base et abonnements complémentaires ou à option) et selon l'usage des canaux (cas, notamment, des chaînes diffusées en multiplexage).

Selon les informations communiquées au rapporteur, l'obligation devra en tout cas être respectée tant au niveau de l'ensemble de l'offre qu'au sein de chaque sous-offre. Son niveau ne devrait par ailleurs pas être très éloigné des propositions qui avaient été avancées lors du débat sur le projet de loi portant modification de la loi du 30 septembre 1986 présenté par M. Philippe Douste-Blazy au printemps 1997, soit une proportion de 20 ou 30 % des services retenus comme base de référence.

· L'article simplifie par contre, en coordination avec les dispositions prises pour les bouquets satellites, la procédure d'approbation des modifications du plan de services d'un câblo-opérateur. Alors que, dans la loi actuelle, ces modifications sont soumises à la même procédure que l'autorisation initiale (demande d'autorisation a priori, délai de deux mois laissé au CSA pour rendre sa décision), le paragraphe IV de l'article met en place un simple système de notification à l'instance de régulation.

Le CSA disposera alors d'un délai de quinze jours pour s'opposer à cette modification s'il estime qu'elle porte atteinte aux conditions de l'autorisation, notamment en regard des obligations en matière de services indépendants. Son refus fait l'objet d'une décision motivée qui sera publiée comme le prévoit l'article 4 de la loi de 1986.

Grâce au deuxième alinéa de cet même paragraphe, le CSA disposera cependant de critères supplémentaires pour s'opposer à une modification puisque il est désormais chargé de veiller à ce que la composition de l'offre de services soit conforme à l'intérêt du public « en regard notamment de la qualité et de la variété des services proposés et en fonction de l'importance de la contribution des services au développement de la production d'_uvres cinématographiques et audiovisuelles... ».

A l'heure actuelle, il est simplement tenu, lorsqu'il accorde une autorisation ou une modification de cette autorisation, de vérifier que « l'ensemble des services distribués sur un réseau permettent d'assurer l'expression pluraliste des courants d'opinion » (article 2 du décret du 1er septembre 1992 précité). La présente disposition va donc beaucoup plus loin, en lui conférant un véritable droit de regard sur le contenu de l'offre.

Trois critères non exclusifs sont précisés dans la loi pour encadrer ce pouvoir d'appréciation du CSA quant à l'adéquation des modifications du plan de services à « l'intérêt du public » : la qualité des services proposés, leur variété et, pour les services diffusant des _uvres cinématographiques et audiovisuelles, l'importance de leur contribution au développement de la production. Il pourrait également prendre en compte le contenu du contrat proposé initialement au consommateur et évaluer si les modifications envisagées (notamment sur l'offre de base) ne portent pas atteinte aux conditions de vente.

Dans son avis sur le projet de loi, le CSA s'est félicité de ce pouvoir supplémentaire qui lui est donné et qui lui permettra notamment, en complément des dispositions prévues en matière de services indépendants, de s'opposer à des modifications de plans de services unilatérales et peu transparentes. On peut ici citer l'exemple des chaînes Planète et Canal J qui se sont vues brutalement retirées de l'offre de base de plusieurs réseaux gérés par France Télécom câble et remplacées par les chaînes Odyssée et Télétoon, présentées comme moins chères, mais également éditées par TF1 et diffusées par TPS, le bouquet satellite dont France Télécom est actionnaire.

*

La commission a adopté un amendement du rapporteur autorisant l'installation de réseaux de diffusion micro-ondes sur l'ensemble du territoire de Polynésie française, et non plus dans les seules zones d'habitat dispersé, afin de pallier les problèmes de réception hertzienne et les difficultés de câblage. En conséquence, un amendement de M. Christian Kert de portée voisine est devenu sans objet.

La commission a examiné un amendement de M. Marcel Rogemont prévoyant que l'exploitation des réseaux câblés était autorisée par le CSA sur proposition des collectivités territoriales et non des seuls communes ou groupements de communes.

M. Marcel Rogemont, après avoir précisé que cette proposition avait pour objet de permettre aux communes de déléguer aux départements ou aux régions cette mission, dans le souci de parvenir à une meilleure coopération, a retiré cet amendement afin d'en revoir la rédaction.

La commission a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur.

La commission a rejeté un amendement de M. Renaud Muselier précisant que l'article 34 de la loi du 30 septembre 1986 ne s'appliquait qu'au câble, après que le rapporteur a indiqué que cette limitation figurait déjà dans le texte.

La commission a examiné un amendement de M. Noël Mamère visant à permettre la création sur le câble de canaux de libre accès.

M. Noël Mamère a précisé que ce type de canaux existait dans d'autres pays et fonctionnait selon un mode associatif, comme le propose cet amendement qui a recueilli l'accord de principe du Gouvernement.

Après que le rapporteur a observé que la rédaction de cet amendement entraînait un certain nombre de problèmes car il obligerait le CSA à imposer un tel canal dans tous les réseaux et soulevait, en outre, la question de la responsabilité éditoriale et de ses sanctions pénales, l'amendement a été retiré par son auteur.

La commission a examiné en discussion commune un amendement rédactionnel du rapporteur portant sur le second alinéa du IV de l'article 26 et quatre amendements identiques présentés par MM. Christian Kert, Noël Mamère, Patrick Bloche et Renaud Muselier précisant dans cet alinéa que la conformité à l'intérêt du public de la composition des offres de services conventionnées par le CSA devait également s'apprécier au regard de la durée des relations contractuelles avec les éditeurs de services.

M. Noël Mamère a souligné que la durée des relations contractuelles était un indicateur de la stabilité des offres de programmes et donc était favorable aux consommateurs.

Le rapporteur a indiqué qu'il était favorable à ces amendements mais souhaitait leur transformation en sous-amendements à son amendement rédactionnel, et a annoncé qu'il formulerait une proposition similaire pour le satellite.

La commission a adopté les quatre amendements identiques transformés en sous-amendements ainsi que l'amendement du rapporteur ainsi modifié.

La commission a examiné un amendement de M. Noël Mamère tendant à ouvrir aux communes le droit de s'opposer aux modifications relatives à la composition et à la structure d'un plan de services de réseaux câblés.

Le rapporteur ayant précisé que le plan de services de bouquet câblé étant autorisé par le CSA, il appartenait à ce dernier et à lui seul d'en examiner les modifications, l'amendement a été retiré par son auteur.

La commission a adopté un amendement du rapporteur portant à un mois le délai pendant lequel le CSA peut s'opposer aux modifications d'un plan de services.

La commission a rejeté deux amendements de Mme Marie-Jo Zimmermann, le premier donnant au CSA les moyens de s'opposer à des modifications conflictuelles d'un plan de services et le second visant à garantir la présence d'une proportion de services indépendants sur les offres groupées.

La commission a adopté l'article 26 ainsi modifié.

Après l'article 26

La commission a rejeté un amendement de M. Patrick Leroy prévoyant le dépôt d'un rapport sur le développement des télévisions locales.

Article 27

(article 34-2 de la loi du 30 septembre 1986)

Obligations des distributeurs de services diffusés par satellite

Cet article organise le régime applicable aux distributeurs de services par satellite (les opérateurs de bouquet) dans une logique d'harmonisation avec le régime prévu pour le câble à l'article précédent. Jusqu'au présent projet, aucune disposition légale n'encadrait l'activité de ces opérateurs.

L'article prévoit pour les distributeurs de services par satellite un simple régime déclaratif, à la différence, donc, des exploitants de réseaux câblés qui continuent à être soumis à une obligation d'autorisation par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Cette différence s'explique, comme cela a été précédemment souligné, par la diversité de l'offre existant en matière de bouquets satellitaires, alors que l'offre des réseaux câblés, dans la quasi-totalité des cas, est monopolistique.

Bien évidemment, le distributeur de services devra, au préalable, avoir obtenu du ministère des télécommunications37 une autorisation d'usage pour les fréquences satellitaires qu'il souhaite utiliser.

· La déclaration du bouquet doit être accompagnée d'un certain nombre d'informations correspondant peu ou prou à celles exigées d'un câblo-opérateur lorsqu'il présente son dossier de candidature. La société distributrice effectuant sa déclaration au CSA doit en effet présenter un dossier précisant :

- la composition et la structure de l'offre, c'est à dire le plan de services. Il s'agira ici notamment de préciser le nombre et les caractéristiques des services proposés ainsi que leur répartition entre les différentes sous-offres (offre de base et offres complémentaires) ;

- les modalités de commercialisation de cette offre, c'est à dire, notamment, les tarifs pratiqués, les différentes options d'abonnement, les principales caractéristiques des contrats fournis aux abonnés, les territoires couverts et les réseaux de revendeurs ;

- la composition du capital de la société, afin de pouvoir, par la suite, évaluer l'indépendance des services diffusés ;

- et enfin tout accord de commercialisation du système d'accès sous condition, qui permettra au CSA de connaître le type de contrôle d'accès utilisé (VIACCESS ou MEDIAGARD) ainsi que ses modalités de distribution (vente ou location des décodeurs, système ouvert ou fermé).

Toute modification de ces éléments devra être notifiée de façon préalable au CSA.

· L'article prévoit par ailleurs de soumettre les distributeurs de services par satellite à une obligation identique à celle prévue pour les câblo-opérateurs en matière de proportion minimale de services indépendants. La formulation de l'obligation est la même que celle figurant au 4° de l'article 34 de la loi de 1986 : un décret en Conseil d'Etat précisera les conditions dans lesquelles un distributeur de services par satellite doit assurer, parmi les services en langue française ayant fait l'objet d'une convention avec le CSA en application de l'article 33-1, un proportion minimale de services indépendants.

Comme pour les réseaux câblés, sont considérés comme indépendants les services « qui ne sont contrôlés directement ou indirectement ni par le distributeur [la société effectuant la déclaration], ni par l'un de ses actionnaires détenant au moins 5 % de son capital, ni par la personne physique ou morale qui contrôle directement ou indirectement au moins la moitié des services concernés ». Les commentaires de ces dispositions effectués à l'article 26 sont donc également valables ici.

Cette disposition apparaît mieux appropriée à la nouvelle économie de la diffusion par satellite que l'actuel dispositif anti-concentration de la loi de 1986 qui limite la part du capital d'une chaîne susceptible d'être détenue par une même personne ainsi que le nombre de services susceptibles d'être édités par le même opérateur, mais ne s'applique qu'aux services atteignant 6 millions d'abonnés. Ces dispositions, édictées à une époque où la diffusion numérique sous forme de bouquet n'existait pas, n'étaient plus véritablement adaptées au contexte actuel.

· Le dernier alinéa de l'article précise enfin que le CSA dispose de quinze jours pour s'opposer, par une décision motivée, à la constitution d'une offre de services par satellite ou à sa modification. Sur ce dernier point, la procédure est donc alignée sur celle prévue pour les modifications des plans de services des réseaux câblés.

Par contre, les critères mis à la disposition du CSA pour arrêter sa décision ne sont pas identiques, puisque celui-ci ne dispose pas, pour les bouquets satellites, du droit de regard sur la composition de l'offre et sa conformité à l'intérêt du public que le précédent article lui a conféré en ce qui concerne les réseaux câblés. Il devra donc uniquement se référer à l'obligation relative à la proportion minimale de services indépendants précisée au paragraphe précédent.

Bien que le rapporteur reconnaisse que les bouquets satellites et câblés ne sont pas placés dans des conditions identiques en matière de concurrence, il regrette cette dernière disparité et proposera, par voie d'amendement, d'accorder au CSA un droit de regard sur l'adéquation des plans de services des bouquets satellitaires à l'intérêt du public, dans des conditions comparables à celles prévues à l'article 26 pour les réseaux câblés.

*

La commission a examiné deux amendements identiques de M. Christian Kert et de M. Renaud Muselier supprimant des obligations déclaratives auprès du CSA imposées aux distributeurs de services par satellite, celle concernant la description des modalités de commercialisation de l'offre.

M. Christian Kert a observé que devant l'imprécision de cette notion, alors que l'obligation déclarative est assortie de sanctions pénales, il convenait de la supprimer.

Le rapporteur s'étant déclaré défavorable à cet allégement du dispositif de régulation, la commission a rejeté ces amendements.

M. Patrick Bloche a retiré un amendement excluant des obligations déclaratives celle concernant le contrôle d'accès.

La commission a rejeté deux amendements identiques, l'un de M. Christian Kert, l'autre de M. Renaud Muselier limitant l'obligation de notification aux seules modifications substantielles de l'offre de services.

La commission a examiné en discussion commune un amendement du rapporteur et deux amendements identiques de MM. Christian Kert et Noël Mamère étendant aux services distribués par satellite les obligations prévues pour les bouquets câblés en matière conformité de l'offre à l'intérêt du public.

Le rapporteur ayant indiqué que la rédaction de son amendement lui semblait la plus satisfaisante, le commission a adopté l'amendement, corrigé pour tenir compte des sous-amendements adoptés à l'article précédent. L'amendement de M. Christian Kert et celui de M. Noël Mamère sont en conséquence devenus sans objet.

La commission a adopté un amendement du rapporteur portant à un mois le délai pendant lequel le CSA peut s'opposer à la constitution et aux modifications d'un bouquet de chaînes diffusées par satellite.

La commission a ensuite adopté l'article 27 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 27

(article 34-4 nouveau de la loi du 30 septembre 12986)

Exploitation des services de télévisions locales distribués par câble

La commission a examiné, en discussion commune, deux amendements de M. Noël Mamère et de M. Marcel Rogemont visant à préciser la situation juridique des personnes morales exploitant un service de télévision locale sur le câble.

M. Noël Mamère a indiqué que l'édition directe par les collectivités locales d'une télévision sur le câble peut prêter à difficultés quand elle comporte la diffusion d'informations télévisuelles, soumises à autorisation. Il convient donc de privilégier une gestion déléguée avec des objectifs et des moyens clairs.

M. Marcel Rogemont a précisé qu'il s'agissait de donner une base juridique d'intervention aux communes à l'égard des chaînes de télévision locales câblées, dont les financements sont actuellement parfois mis en cause alors que l'on souhaite, au contraire, favoriser l'information locale.

M. Noël Mamère a retiré son amendement pour se rallier à celui de M. Marcel Rogemont, que la commission a adopté.

En conséquence, deux amendements, l'un de M. Marcel Rogemont, l'autre de M. Noël Mamère, prévoyant la passation de contrats pluriannuels entre les collectivités locales et les services locaux du câble sont devenus sans objet.

Article 28

(articles 42, 42-1, 42-2 et 42-4 de la loi du 30 septembre 1986)

Pouvoirs de sanction du CSA

Cet article est destiné à améliorer le pouvoir de sanction du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) d'une part en étendant sa portée à l'ensemble des services audiovisuels et d'autre part en allégeant certaines des contraintes pesant actuellement sur la procédure.

· Le CSA dispose d'un pouvoir de sanction administrative qu'il exerce, après concertation préalable et avertissement (mise en demeure), sur les sociétés nationales de programme et La Cinquième ainsi que sur les services de radiodiffusion et de télévision diffusés par voie hertzienne.

Jusqu'à la loi du 1er février 1994, le Conseil ne disposait pas, à l'encontre du secteur public, d'un véritable pouvoir de sanction. Il pouvait seulement formuler des observations publiques aux conseils d'administration des chaînes et disposait d'un pouvoir d'injonction en cas de manquement grave. A l'occasion de ses rapports d'activité successifs, le CSA avait souhaité disposer d'un pouvoir de sanction sur les sociétés du secteur public comparable à celui dont il dispose à l'encontre des services qu'il autorise. Une telle distorsion était, en effet, préjudiciable à la cohérence de l'ensemble du secteur de la communication audiovisuelle.

La loi n° 94-88 du 1er février 1994 a étendu le pouvoir du CSA aux chaînes publiques qui sont dorénavant soumises au même régime de sanction que les services autorisés, à l'exception cependant de la réduction de la durée de l'autorisation et du retrait de celle-ci. Ces dispositions concernent les sociétés nationales de programme et La Cinquième, en cas de non respect des dispositions imposées par les textes législatifs ou réglementaires.

La première étape du processus de sanction est la mise en demeure (lettre aux diffuseurs dont un extrait est publié au Journal officiel) valant avertissement (articles 42 pour les services privés et 48-1 pour le service public) . Le processus peut s'arrêter à ce stade ou déboucher sur le prononcé d'une sanction.

Pour les services privés, l'éventail légal des sanctions, prononcées après mise en demeure, est alors le suivant (articles 48-1) :

- suspension de l'autorisation pour un mois au plus ;

- réduction de la durée de l'autorisation dans la limite d'une année ;

- sanction pécuniaire assortie éventuellement d'une suspension (l'article 42-2 précisant les critères de fixation et de recouvrement de l'amende) ;

- retrait de l'autorisation.

L'article 48-2 prévoit de son côté que, pour les sociétés de service public, le CSA peut prononcer, après mise en demeure, la suspension d'une partie du programme pour un mois au plus ainsi que des sanctions pécuniaires.

Les articles 42-4 (pour les services privés) et 48-3 (pour le service public) prévoient par ailleurs la possibilité pour le CSA d'ordonner l'insertion d'un communiqué dans les programmes.

Enfin, en cas de modification substantielle des données au vu desquelles l'autorisation a été accordée, le CSA peut retirer l'autorisation sans mise en demeure préalable (article 42-3). Cette dernière possibilité, par son côté irréversible et particulièrement sévère, a en fait peu de chance d'être utilisée.

Par ailleurs, tant à l'égard du secteur public que du secteur privé, le CSA peut :

- demander au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat de statuer en référé afin de faire cesser des manquements constatés aux obligations résultant des dispositions légales (article 42-10 et 48-9),

- saisir le procureur de la République de faits de nature à constituer des infractions pénalement sanctionnées (articles 42-11 et 48-10)

Les décisions de sanction sont motivées et publiées au Journal officiel. Elles peuvent, dans un délai de deux mois, faire l'objet d'un recours de plaine juridiction devant le Conseil d'Etat.

La quasi totalité de ces sanctions ne peuvent cependant être directement prononcées par le CSA et doivent faire l'objet, afin de garantir le respect des droits de la défense tels qu'il sont définis par le Conseil constitutionnel38, d'une instruction contradictoire menée par un rapporteur membre du Conseil d'Etat (articles 42-7 et 7-48-6). Seule en fait, la sanction la plus légère, c'est à dire la suspension de l'autorisation pour un mois au plus peut échapper à cette procédure qui retire beaucoup de son efficacité à l'ensemble du dispositif de sanction, puisqu'il faut en moyenne attendre un an avant que le rapporteur se prononce...

· Le paragraphe I du présent article étend aux chaînes du câble et du satellite, ainsi qu'aux distributeurs d'offres groupées de services, la procédure de sanction auparavant limitée aux services hertziens autorisés. Jusqu'à aujourd'hui, il existait seulement un régime de sanctions contractuelles prévu dans les conventions passées entre les services concernés et le CSA en application de l'article 34-1 (renuméroté 33-1) de la loi de 1986.

Tous les opérateurs de communication audiovisuelle, qu'ils soient publics ou privés, éditeurs ou distributeurs de services seront donc désormais soumis au pouvoir de sanction du CSA.

· Le paragraphe II de l'article clarifie utilement le déroulement de la procédure de sanction en précisant, en conformité avec les principes généraux du droit et la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les droits de la défense, que tout prononcé de sanction doit être précédé d'une mise en demeure. C'était d'ores et déjà le cas dans la pratique mais la rédaction de l'article 42-1, à la fois obscure et complexe, pouvait laisser penser que le CSA avait la faculté de prononcer des sanctions sans avoir au préalable procédé à une mise en demeure.

Pour parachever cette clarification, le rapporteur déposera d'ailleurs un amendement visant à supprimer la disposition qui précise que la suspension de l'autorisation pour un mois au plus (qui peut être prononcée directement sans instruction par un membre du Conseil d'Etat) doit être précédée d'une mise en demeure, cette mention étant désormais superfétatoire.

Le déroulement de la procédure sera donc désormais le suivant :

- dans un premier temps, lorsque le CSA constate que le titulaire d'une autorisation manque à ses obligations législatives, réglementaires ou contractuelle, il peut prononcer une mise en demeure ;

- dans un second temps, si cette mise en demeure n'est pas suivie d'effet, il peut prononcer une des sanctions prévues aux articles 42-1 et 42-4.

Le fait que toute sanction soit précédée d'une mise en demeure permet des se conformer - y compris pour la sanction prononcée directement par le CSA sans procédure devant le Conseil d'Etat - à l'obligation constitutionnelle de garantie des droits de la défense et notamment de procédure contradictoire préalable. On peut par ailleurs noter que, tant pour la mise en demeure que pour la sanction, la loi laisse au CSA un pouvoir d'appréciation, en conformité avec l'interdiction des sanctions automatiques.

Le rapporteur constate qu'une telle clarification n'a par contre pas été opérée à l'article 48-2 relatif au prononcé de sanction envers une chaîne de service public. Il conviendra donc, éventuellement, de corriger cet oubli lors de l'examen du texte.

· Le paragraphe III de l'article, par coordination, étend la portée de l'article 42-2 de la loi de 1986, qui concerne les modalités de fixation et de recouvrement des sanctions pécuniaires, aux chaînes du câble et du satellite et aux distributeurs de services.

· Enfin, le paragraphe IV propose une nouvelle rédaction de l'article 42-4 de la loi relatif à la diffusion d'un communiqué à l'antenne.

Dans sa décision précitée du 17 janvier 1989, le Conseil constitutionnel a soumis le prononcé de cette sanction à la procédure d'instruction par le Conseil d'Etat (article 42-7), alors même que la loi ne le prévoyait pas39. Cette décision peut s'expliquer par le fait que, à la différence des sanctions prévues à l'article 42-1, celle-ci n'était pas explicitement précédée d'une mise en demeure, et donc ne permettait pas d'assurer une garantie satisfaisante des droits de la défense.

Le présent article prévoit donc d'autoriser explicitement le CSA à ordonner l'insertion d'un communiqué sans mettre en _uvre la procédure d'instruction par un membre de la juridiction administrative mais dans le respect du principe du contradictoire puisque l'intéressé disposera d'un délai de deux jours francs pour présenter ses observations.

Comme au paragraphe II, il semblerait que l'on ai oublié de procéder aux mêmes clarifications dans l'article 48-3 de la loi de 1986, qui concerne l'insertion d'un communiqué dans les programmes des chaînes publiques. Le rapporteur proposera donc, si nécessaire, une mise en conformité de ce dispositif.

Cette réforme permettra de donner toute sa portée à la sanction prévue à l'article 42-4, l'insertion d'un communiqué n'ayant de sens que si elle peut intervenir dans des délais très brefs après que le manquement ait été commis.

Tout en se félicitant de ces modifications qui devrait permettre au CSA d'exercer son pouvoir de sanction avec plus de clarté et de rapidité, le rapporteur tient néanmoins à souligner que, tant que la procédure d'instruction devant le Conseil d'Etat continuera à prendre six mois voir un an, l'organisme de régulation ne disposera pas, dans les faits, d'un pouvoir de sanction véritablement contraignant.

Le véritable progrès serait donc de parvenir à contraindre le rapporteur de la juridiction administrative à présenter ses conclusions dans un délai raisonnable (trois mois par exemple) voire même à pouvoir éviter l'instruction par un membre du Conseil d'Etat...

*

La commission a examiné un amendement de M. Michel Françaix obligeant le CSA à mettre automatiquement en demeure les titulaires d'autorisations s'il apparaît qu'ils ne respectent pas les obligations de leur cahier des charges.

Présentant l'amendement, M. Arnaud Montebourg a souligné qu'actuellement nul ne pouvait contraindre le CSA à se prononcer alors que lorsqu'une plainte est portée devant une institution judiciaire, car la victime estime qu'il y a eu violation de la loi, celle-ci est tenue de statuer sous peine de déni de justice. L'attitude actuelle du CSA rend inutile la prescription d'obligations aux chaînes puisque celles-ci peuvent ne pas être respectées, la mise en demeure étant prononcée de façon discrétionnaire. D'ailleurs, cet amendement, finalement, faciliterait la tâche du CSA qui hésite à prononcer des sanctions pour laisser se dérouler la négociation.

M. Michel Françaix a observé qu'il était essentiel que dans les cas où le CSA reconnaît que le cahier des charges n'était pas respecté une sanction soit prononcée.

M. Pierre-Christophe Baguet a observé que cet amendement allait à l'encontre du renforcement des pouvoirs et de l'autonomie du CSA.

Le président Jean Le Garrec a admis qu'il fallait veiller à ne pas adopter sur le CSA des dispositions relevant de logiques contradictoires.

Le rapporteur, après s'être déclaré sensible au souci exprimé par cet amendement, a rappelé que le CSA, autorité de régulation, devait aussi pouvoir jouer un rôle d'incitation. Il faut donc trouver un équilibre entre la sanction et la médiation.

La commission a adopté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de M.  Michel Françaix permettant aux organisations professionnelles et syndicales représentatives et aux associations familiales de demander au CSA de prendre des sanctions contre un opérateur qui ne respecterait pas ses obligations conventionnelles ou légales.

Après que le rapporteur a indiqué que cet amendement n'était pas cohérent avec le projet de loi puisque désormais le CSA ne peut pas prononcer de sanction sans mise en demeure préalable, cet amendement a été retiré par son auteur.

La commission a examiné un amendement de M. Michel Françaix conférant une compétence liée au CSA pour prononcer les sanctions prévues par la loi en cas de non-respect des mises en demeure préalablement adressées.

A l'appui de l'amendement, M. Arnaud Montebourg a indiqué que le CSA a fait preuve par le passé d'une indulgence répétée à l'égard des diffuseurs hertziens et qu'il fallait donc l'obliger à prendre des sanctions quand les manquements étaient constatés. En réponse à M. Olivier de Chazeaux qui rappelait que les tribunaux judiciaires étaient libres de prononcer les sanctions prévues par le code pénal, il a indiqué qu'un tribunal qui constatait une culpabilité ne pouvait que prononcer une sanction et a considéré que le CSA, de même, devait constater la réalité de la culpabilité et ensuite prononcer les sanctions.

Le rapporteur s'est prononcé contre cet amendement au motif qu'une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel affirmée notamment, en ce qui concerne le CSA, dans la décision du 17 janvier 1989, ne permet pas à la loi de prévoir la prise de sanctions automatiques par une autorité administrative indépendante.

La commission a rejeté cet amendement.

Elle a ensuite adopté un amendement du rapporteur supprimant la mise en demeure préalable à la suspension d'autorisation sans procédure d'instruction devant le Conseil d'Etat, le rapporteur ayant indiqué que le texte du projet de loi systématisait la mise en demeure préalable à toute sanction prononcée par le CSA.

La commission a examiné un amendement de M. Michel Françaix permettant au CSA de prescrire la suspension de la diffusion d'un programme, pendant une durée comprise entre une et dix minutes, assortie de l'insertion d'un communiqué.

Présentant l'amendement, M. Arnaud Montebourg a indiqué que l'échelle des sanctions existantes était insuffisante. Le CSA utilise ce prétexte pour refuser de sanctionner les chaînes qui le mériteraient pourtant. La suspension ne se traduira pas par un « écran noir » mais par la diffusion d'un communiqué.

Le rapporteur s'est exprimé contre cet amendement au double motif qu'il risquait bien de se traduire par un « écran noir » et qu'il existait déjà la possibilité pour le CSA de faire passer un communiqué à l'antenne.

M. Pierre-Christophe Baguet a estimé que l'amendement n'était pas raisonnable.

Après que M. Noël Mamère s'est exprimé en faveur de cet amendement, la commission l'a adopté.

La commission a adopté un amendement de M. Michel Françaix, défendu par M. Arnaud Montebourg, prévoyant que le CSA conduit lui-même la procédure contradictoire préalable au prononcé d'une sanction, le Conseil d'Etat menant seulement un contrôle a posteriori, après que le rapporteur a indiqué que la procédure était ainsi utilement simplifiée et accélérée sans pour autant que les droits de la défense, tels qu'ils sont définis par le Conseil constitutionnel, ne soient mis en cause.

En conséquence, deux amendements du rapporteur tendant à limiter la durée de la procédure contradictoire devant le Conseil d'Etat sont devenus sans objet.

La commission a ensuite adopté l'article 28 ainsi modifié.

Article 29

(articles 78 et 78-2 nouveau de la loi du 30 septembre 1986)

Sanctions pénales pour défaut de déclaration d'une offre de services distribués par satellite et pour défaut de conventionnement

d'un service de radiodiffusion ou de télévision distribué par câble

ou par satellite

· Le paragraphe I de cet article complète l'article 78 de la loi de 1986 afin d'étendre aux éditeurs ayant exploité un service diffusés par câble ou par satellite sans avoir obtenu de convention avec le CSA dans les conditions prévues à l'article 33-1 de la loi (article 18 du projet de loi) les sanctions pénales applicables aux dirigeants de droit ou de fait d'un service de communication audiovisuelle émis sans autorisation du CSA ou en violation d'une décision de suspension ou de retrait de l'autorisation.

La peine encourue est de 500 000 francs d'amende. En cas de récidive, l'infraction pourra être punie d'une amende d'un million de francs et de six mois maximum d'emprisonnement40.

L'article 78 vise les dirigeants de droit mais aussi « de fait » d'un service de communication audiovisuelle, c'est-à-dire les personnes qui, dépourvues de mandat social, se sont immiscées dans la gestion, l'administration ou la direction de la société, selon la définition donnée par la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales.

L'article prévoit également que l'infraction peut être constatée par procès-verbal dressé par des agents du CSA ou par des agents habilités par lui à cet effet, spécialement assermentés. Dès la constatation de l'infraction, les officiers de police judiciaire peuvent saisir les installations et les matériels d'émission. Les procès-verbaux sont transmis dans les cinq jours au procureur de la République, copie étant communiquée au président du CSA et à l'auteur de l'infraction. En cas de condamnation, le tribunal peut prononcer la confiscation des installations et des matériels du service.

· Le paragraphe II créé un nouvel article 78-2 dans la loi de 1986 afin de punir de 500 000 francs d'amende (et de un million de francs en cas de récidive) le fait de mettre à la disposition du public, par satellite, une offre groupée comportant des services de radio et de télévision sans avoir procédé à la déclaration prévue à l'article 34-2 de la loi (article 27 du présent projet) ou porté à la connaissance du CSA les modifications opérées dans le plan de services comme cela est également prévu par l'article 34-2.

Les sanctions prévues sont comparables à celles fixées par l'article 78-1 de la loi de 1986 pour l'exploitation illégale d'un réseau câblé, à l'exception de la peine de prison en cas de récidive qui a pas été retenue en ce qui concerne les opérateurs de bouquets satellite. Il est vrai que ceux-ci étant soumis à un simple régime déclaratif, le manquement peut être considéré comme moins important.

Comme les dispositions visées par le premier paragraphe de l'article, l'article 78-2 nouveau s'applique aux dirigeants de droit ou de fait de bouquets satellitaires.

*

La commission a adopté cet article sans modification.

Article additionnel après l'article 29

(article 79 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986)

Sanction pénale en cas de fausse déclaration

La commission a examiné un amendement de M. Noël Mamère prévoyant une peine d'amende pour toute personne ayant fourni des informations inexactes au sujet des obligations prévues aux articles 27 et 33 de la loi de 1986.

M. Noël Mamère a estimé qu'une certaine opacité régnait sur une partie des comptes des opérateurs privés, ce qui nécessite de renforcer les sanctions prévues en cas de fausse déclaration.

Le rapporteur a indiqué être favorable à cet amendement, sous réserve que la sanction pénale prévue soit harmonisée avec le droit existant.

Après que M. Noël Mamère a rectifié son amendement en portant le montant de l'amende à 120 000 francs, la commission a adopté cet amendement.

TITRE IV

DISPOSITIONS DIVERSES ET TRANSITOIRES

Article 30

(articles 10, 12, 24, 33-1, 33-3, 43, 70 et 78-1 de la loi du 30 septembre 1986, articles 4 et 5 de la loi n° 96-299 du 10 avril 1996 relative aux expérimentations dans le domaine des technologies et services de l'information)

Coordination

Cet article procède, dans la loi du 30 septembre 1986 et la loi du 10 avril 1996 relative aux expérimentations dans le domaine des technologies et services de l'information, aux modifications rendues nécessaires par la nouvelle numérotation des articles 31 et 33 à 34-2 de la loi de 1986 et l'alignement du régime applicable aux chaînes de radio et de télévision diffusées par satellite sur celui des services distribués par câble.

On peut plus particulièrement noter que le paragraphe III abroge l'article 24 de la loi, relatif au régime des services diffusés par des satellites de télécommunication, désormais devenu inutile.

*

La commission a examiné un amendement de M. Noël Mamère prévoyant que le rapport annuel d'activité du CSA mentionne l'évolution de la situation des différents groupes audiovisuels dans leur environnement économique et les conditions d'installation de développement des groupes audiovisuels dans l'Union européenne.

M. Noël Mamère a indiqué que le Parlement devait être informé, au travers du rapport annuel du CSA, du respect de l'équilibre concurrentiel entre les groupes audiovisuels et de la stratégie de ces groupes au niveau européen.

Après que le rapporteur a indiqué qu'il était favorable à cet amendement sous réserve d'une simplification de sa rédaction, l'amendement a été retiré par son auteur.

La commission a examiné en discussion commune trois amendements, le premier de M. Christian Kert, le second de M. Noël Mamère et le troisième de M. Marcel Rogemont, visant à promouvoir les télévisions locales de proximité.

M. Christian Kert a indiqué que son amendement prévoit que lorsqu'il est saisi d'une demande d'autorisation d'un décrochage local, le CSA doit, avant de se prononcer, lancer un appel à candidatures pour une télévision locale de plein exercice sur la même zone. Il dispose alors d'un délai de deux mois pour se prononcer sur les différents dossiers.

M. Noël Mamère a souhaité développer, au travers de son amendement, une expression locale télévisuelle diversifiée, à l'instar du secteur des radios. Il est donc souhaitable d'étendre aux télévisions locales non commerciales le bénéfice du fonds de soutien à l'expression radiophonique. La diminution de la publicité sur les chaînes publiques nationales devrait entraîner une augmentation du volume publicitaire de la télévision privée nationale, ce qui devrait ainsi mécaniquement accroître l'assiette de perception de la taxe alimentant ce fonds de soutien.

M. Marcel Rogemont a considéré que l'expression télévisuelle au niveau local n'est pas suffisamment soutenue financièrement. La taxe sur les supports hors media imprimés aujourd'hui réservée à la presse écrite pourrait servir à financer la télévision locale, dont le rôle potentiel pour la démocratie est vital.

Le rapporteur ne souhaitant pas ouvrir, dans le cadre de ce projet de loi, le débat sur les télévisions locales par un bricolage hasardeux du système de financement, s'est opposé aux différents amendements.

M. Michel Françaix a également estimé qu'il convenait de mener une réflexion plus globale sur les télévisions locales.

La commission a rejeté ces trois amendements.

La commission a adopté l'article 30 sans modification.

Article additionnel après l'article 30

Décodeurs numériques ouverts

La commission a adopté un amendement du rapporteur interdisant aux fabricants de terminaux de réception de commercialiser des décodeurs incompatibles entre eux dans un délai d'une année suivant la publication de la présente loi, le rapporteur ayant indiqué qu'il n'y avait pas aujourd'hui de problème technique s'opposant à l'adoption de décodeurs ouverts, ce qui est une nécessité pour les téléspectateurs, et qu'il ne convenait pas d'attendre la transposition de la directive communautaire sur les normes et signaux.

Article 31

Dispositions transitoires

Cet article prévoit les délais dont disposent les éditeurs et distributeurs de services diffusés par satellite pour se mettre en conformité avec les dispositions du présent projet.

Les services diffusés par satellite qui ne sont pas déjà conventionnés par le CSA au titre d'une diffusion sur le câble disposeront d'un délai de trois mois à compter de la publication du décret prévu à l'article 33 de la loi (qui fixe le contenu des conventions passées entre le CSA et les chaînes câbles et satellites), pour conclure une telle convention dans les conditions prévues à l'article 33-1 de la loi (article 18 du projet).

Les distributeurs de services par satellite (opérateurs de bouquet) disposeront quant à eux d'un délai de trois mois à compter de la publication de la présente loi pour effectuer la déclaration prévue à l'article 34-2 de la loi (article 27 du projet).

Sur ce dernier point, le rapporteur s'interroge sur le délai choisi, qui ne semble pas tenir compte de la nécessité pour ces distributeurs de se conformer à des obligations en matière de composition de leur offre qui doivent être fixées par décret en Conseil d'Etat. Or, il y a peu de chance pour que celui-ci soit pris dans les trois mois suivant la publication de la loi. Il serait donc préférable de prévoir un délai de mise en conformité de trois mois à compter de la publication de ce décret.

*

La commission a adopté cet article sans modification.

Article additionnel après l'article 31

(article L. 421-3 du code de l'urbanisme)

Antennes paraboliques collectives

La commission a examiné un amendement de M. Renaud Muselier prévoyant l'obligation de poser sur la toiture des immeubles collectifs à usage d'habitation une antenne collective de réception des programmes diffusés par satellite pour obtenir le permis de construire.

M. Olivier de Chazeaux a indiqué que la France souffrait d'un retard important en matière de capacité de réception de programmes audiovisuels diffusés par satellite. Il faut donc imposer aux constructeurs d'immeubles collectifs, dès le dépôt de la demande de permis de construire, l'installation d'une antenne parabolique propre à l'immeuble. Une telle obligation permettra à terme de diminuer le nombre des antennes individuelles, qui présentent d'évidents inconvénients esthétiques.

Le rapporteur a indiqué qu'il était favorable sur le principe à cet amendement, sous réserve qu'il soit compatible avec les dispositions législatives en vigueur en ce qui concerne les réseaux câblés et les copropriétés.

La commission a adopté cet amendement.

Après l'article 31

La commission a examiné l'amendement n° 29 de M. Renaud Muselier prévoyant que le CSA présente chaque année au Parlement un rapport d'application de la loi. Après que le rapporteur a indiqué qu'un rapport annuel n'avait pas de véritable utilité mais qu'il serait souhaitable de prévoir un dispositif d'évaluation de la loi après un certain temps, cet amendement a été retiré par M. Olivier de Chazeaux.

Article 32

Application aux territoires d'outre-mer, à Mayotte

et en Nouvelle-Calédonie

Cet article prévoit l'application du texte aux territoires d'outre-mer, à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie, où la loi du 30 septembre 1986 est déjà applicable.

*

La commission a adopté cet article sans modification.

La commission a ensuite adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

En conséquence et sous réserve des amendements qu'elle propose, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales demande à l'Assemblée nationale d'adopter le projet de loi n° 1187-1541.

___________

N° 1578.- Rapport de M. Didier Mathus (au nom de la commission des affaires culturelles), sur le projet de loi (n°s 1187 & 1541) modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.- 1ère partie : exposé général, travaux de la commission.

1 Directive 89/552/CEE du 3 octobre 1989 modifiée par la directive 97/36/CEE du 30 juin 1997.

2 Art. 6 : « ... La radio-télévision française ne peut, sans l'accord préalable du Parlement, concéder à qui que ce soit, en tout ou partie, l'usage de ses moyens d'émission, l'élaboration ou le choix de ses programmes. ».

3 Le statut de 1974 confirme l'existence d'un droit de communication pour le Gouvernement et d'une possibilité de retransmission des débats parlementaires sous le contrôle des Bureaux des Assemblées, précise le régime du droit de réponse et met en place une obligation de programmation d'émissions relatives aux campagnes électorales. Il va même plus loin en instituant un véritable « droit à l'antenne » qui fait de l'égal accès à l'expression des principales tendances de pensées et des grands courants de l'opinion une obligation essentielle du service public.

4 Le pouvoir d'autorisation en matière de services locaux de télévision pat voie hertzienne est en fait accordé à la Haute Autorité par la loi n° 85- 1317 du 13 décembre 1985

5 L'article 1er de la loi de 1986 dispose que : « La liberté de communication est libre. L'exercice de cette liberté ne peut être limité que [...] par les exigences de service public... ».

6 Rapport n° 339 de M. Michel Péricard au nom de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, page 61 (1986)

7 Audiovisuel et publicité : état des lieux - CSA 1998.

8 Créée par une décision du conseil d'administration de l'ORTF en 1969, cette règle n'a aucune valeur juridique. Elle partage en trois le temps de parole des forces politiques à la télévision : un tiers pour le Gouvernement, un tiers pour la majorité parlementaire, un tiers pour l'opposition parlementaire... Où l'on voit que pluralisme ne rime pas forcément avec équité !

9 Il s'agit précisément de la directive 89/552 du Conseil du 3 octobre 1989 « visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres relative à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle », modifiée par la directive 97/36/CE du Parlement et du Conseil du 30 juin 1997.

10 Télévision sans frontières. Livre vert sur l'établissement d'un marché commun de la radiodiffusion, notamment par satellite et par câble

11 Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur la politique audiovisuelle, COM (90) 78 final, 21/2/1990

12 On peut noter à cet égard que, le 7 décembre 1998, la Commission européenne a saisi la Cour de justice des Communautés européennes contre la France pour manquement eu égard de la retranscription de la directive, en application de l'article 169 du Traité.

13 « Les groupes industriels dans l'audiovisuel : de la concurrence à l'oligopole », Médiapouvoirs n° 36 (4ème trimestre 1994)

14 « Les groupes industriels dans l'audiovisuel : de la concurrence à l'oligopole »,, Arnaud Decker, op. cité

15 Extraits de La lettre du CSA, n° 94, juillet 1997

16 « Une régulation à définir pour une économie émergente », Monique Dagnaud, n° 82 des Dossiers de l'audiovisuel, intitulés : « Vers une nouvelle économie de l'audiovisuel »

17 op. cité.

18 Comprendre ici : services de radio et de télévision

19 Décret n° 94-813 du 16 septembre 1994 portant approbation des cahiers des missions et des charges des sociétés France 2 et France 3

20 Dans sa décision n° 86-217 DC du 18 septembre 1986 sur la loi relative à la liberté de communication, le Conseil constitutionnel a fait valoir que cette liberté « ne serait pas effective si le public n'était pas à même de disposer, aussi bien dans le cadre du secteur public que dans celui du secteur privé, de programmes qui garantissent l'expression de tendances de caractères différents dans le respect de l'impératif d'honnêteté de l'information. » Le « pluralisme des courants d'expression socioculturels » est un objectif de valeur constitutionnelle et même, selon la décision n° 84-181 DC des 10 et 11 octobre 1984 « une des conditions de la démocratie ».

21 Capital social de La Cinquième : 83 % Etat, 5 % La Sept-ARTE, 5 % France 3, 5 % INA, 1 % réunion des musées nationaux et 1 % Bibliothèque nationale de France.

Capital social de La Sept-ARTE : 25 % Etat, 45 % France 3, 15 % INA et 15 % Radio France.

22 Article 51 : « Une société (...) assure la diffusion et la transmission, en France et vers l'étranger, par tout procédé de télécommunication, des programmes des sociétés nationales mentionnées à l'article 44. »

23 L'article 49 de la loi du 30 septembre 1986 et l'article 12 du cahier des charges de l'INA définissent le terme « fiction » comme : « toute _uvre dramatique dont la production fait appel à un scénario et dont la réalisation repose sur la prestation d'artistes interprètes pour l'essentiel de sa durée », c'est-à-dire les « feuilletons, téléfilms ou dramatiques, séries, _uvres d'animation, _uvres théâtrales, lyriques et chorégraphiques ne constituant pas des retransmissions de spectacles publics ».

24 Avis CNCL n° 87-9 du 1er juillet 1987.

25 « La redéfinition de la nature et de la portée des droits dévolus par la loi à l'INA est le n_ud du conflit. La fin de la dévolution de propriété au profit de l'INA sur les archives doit être préconisée, en même temps que sa mission d'exploitation et de commercialisation réaffirmée afin de recréer un cercle vertueux avec les chaînes publiques et d'asseoir durablement la mission de l'INA comme gestionnaire et fournisseur des archives qui, sans lui, ne seraient pas exploitées. » : rapport sur l'INA remis à Mme Catherine Trautmann le 11 mars 1998, p. 57.

26 Les _uvres de la catégorie I sont les _uvres pour tout public.

27 Les _uvres de la catégorie II sont les _uvres comportant certaines scènes susceptibles de heurter le jeune public.

28 Comme cela est exposé dans le commentaire de l'article 24 du présent projet, l'article 31 de la loi de 1986 traite de la diffusion de services audiovisuels par des satellites de télédiffusion directe, c'est à dire sur des fréquences dont la gestion a été confiée au CSA. Ces fréquences n'étant plus utilisées aujourd'hui, aucun service n'est donc, en pratique, concerné par cet article.

29 Données disponibles au 1er janvier 1999.

30 A : services associatifs éligibles au fonds de soutien à l'expression radiophonique

B :services locaux ou régionaux indépendants ne diffusant pas de programme national identifié

C : services locaux ou régionaux diffusant le programme d'un réseau thématique national

D :services thématiques à vocation nationale

E : services généralistes à vocation nationale

31 Ce qui signifie que la chaîne s'engage à mener le projet à son terme, quelles que soient les défaillances des autres coproducteurs.

32 Sur ce dernier article, voir le commentaire de l'article 24 du présent projet.

33 Rapport de M. Michel Pelchat n° 779 au nom de la commission des affaires culturelles (1er décembre 1993).

34 L'article 42-10 de la loi de 1986 prévoit qu'en cas de manquement aux obligations légales, le président du CSA peut demander au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat de les faire cesser. Celui-ci statue en référé et peut prononcer une astreinte pour l'exécution de son ordonnance.

35 Décret n° 87-364 du 4 juin 1987.

36 En ce qui concerne la notion de contrôle capitalistique, cf. les commentaires développés sous les articles 15 et 16 du présent projet.

37 Voire du CSA si un opérateur souhaitait dans l'avenir utiliser les fréquences dont celui-ci s'est vu confier la gestion. La procédure d'autorisation d'usage de fréquences serait alors celle actuellement prévue par l'article 33-2 (anciennement 31) de la loi de 1986, comme le rappelle le commentaire de l'article 24 du présent projet.

38 Cf la décision rendue par le Conseil constitutionnel sur la loi n° 89-25 du 17 janvier 1989 portant modification de la loi du 30 septembre 1986 (n° 88-248 DC du 17 janvier 1989) qui reconnaît que le pouvoir de sanction du CSA est conforme à la constitution sous réserve que la loi, comme c'est le cas, prévoit un certain nombre de garanties destinées à sauvegarder les droits et libertés constitutionnelles. Parmi ces garanties, on peut citer l'organisation d'une procédure contradictoire, le droit pour la société incriminée d'avoir accès au dossier et de présenter ses observations, l'interdiction de sanctions automatiques, la proportionnalité de la sanction au manquement, la motivation des décisions et l'institution d'un droit de recours sur les décisions de sanction.

39 Considérant 32 de la décision : « Considérant que, s'agissant de manquements à des obligations attachées à une autorisation administrative et eu égard aux garanties prévues, qui sont d'ailleurs également applicables aux pénalités contractuelles et à la sanction susceptible d'être infligée en vertu de l'article 42-4, etc... » (Décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989).

40 Les sanctions pénales prévues par loi de 1986 n'ont en fait pas encore été harmonisées avec les nouveaux principes de définition des peines retenus par le nouveau code pénal, qui ne fixe que des peines maximales. Cette harmonisation devrait être réalisée par le code de la communication dont l'examen au Parlement a été reporté dans l'attente de l'adoption de la présente loi.


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