Document

mis en distribution

le 23 juin 1999

graphique

N° 1700

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 juin 1999.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relative aux personnels scientifiques de l'Institut Max-von-Laue-Paul-Langevin,

PAR M. GEORGES HAGE,

Député

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 446 (1997-1998) 16 et T.A. 45 (1998-1999)

Assemblée nationale : 2499

Traités et conventions

La Commission des Affaires étrangères est composée de : M. Jack Lang, président ; MM. Georges Hage, Jean-Bernard Raimond, Roger-Gérard Schwartzenberg, vice-présidents ; M. Roland Blum, Mme Monique Collange, M. René Rouquet, secrétaires ; Mmes Michèle Alliot-Marie, Nicole Ameline, M. René André, Mmes Marie-Hélène Aubert, Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Raymond Barre, Dominique Baudis, François Bayrou, Henri Bertholet, Jean-Louis Bianco, André Billardon, André Borel, Bernard Bosson, Pierre Brana, Jean-Christophe Cambadélis, Hervé de Charette, Yves Dauge, Jean-Claude Decagny, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Xavier Deniau, Paul Dhaille, Mme Laurence Dumont, MM. Jean-Paul Dupré, Charles Ehrmann, Laurent Fabius, Jean-Michel Ferrand, Georges Frêche, Jean-Yves Gateaud, Jean Gaubert, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Godfrain, Pierre Goldberg, François Guillaume, Jean-Jacques Guillet, Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, MM. Didier Julia, Alain Juppé, André Labarrère, Gilbert Le Bris, Jean-Claude Lefort, François Léotard, Pierre Lequiller, François Loncle, Bernard Madrelle, René Mangin, Jean-Paul Mariot, Gilbert Maurer, Charles Millon, Mme Louise Moreau, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, MM. Etienne Pinte, Marc Reymann, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, MM. Georges Sarre, Henri Sicre, Mme Christiane Taubira-Delannon, MM. Michel Terrot, Joseph Tyrode, Michel Vauzelle, Aloyse Warhouver.

SOMMAIRE

___

INTRODUCTION 5

I - UN CENTRE DE RECHERCHE DE RÉPUTATION INTERNATIONALE 6

A - LE POTENTIEL DES NEUTRONS 6

B - UN INSTITUT AU SERVICE DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE 7

II - LA NÉCESSITÉ DE RENOUVELER LE PERSONNEL SCIENTIFIQUE 8

A - LE PARTI PRIS D'UN RENOUVELLEMENT 8

B - LA NÉCESSITÉ D'UNE CONVENTION 8

CONCLUSION 10

EXAMEN EN COMMISSION 11

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis concerne le statut du personnel scientifique de l'institut Max-von-Laue-Paul-Langevin. Cet institut, fondé en 1967 à Grenoble, à l'initiative commune de la France et de l'Allemagne, est un centre de recherche voué à l'étude de la structure de la matière, grâce à l'utilisation d'un réacteur à très haut flux de neutrons.

Le nom de cet institut rend hommage à deux physiciens respectivement allemand et français. Le premier, Max von Laue, a reçu le Prix Nobel de physique en 1914 ; le second, Paul Langevin, professeur au Collège de France, membre de l'Académie des sciences, mit notamment au point, durant la première guerre mondiale, la technique de production et de réception des ultrasons et leur emploi pour la détection des sous-marins.

L'objet de la présente convention, qui ne comprend que deux articles, est d'autoriser l'Institut Laue-Langevin (ILL) à recruter du personnel scientifique sur des contrats à durée déterminée pour une durée maximale de cinq ans alors que le code du travail français limite en principe l'usage de ce type de contrat à une durée maximale de dix-huit mois.

Avant de nous interroger sur les motivations et la légitimité de cette dérogation, nous présenterons dans un premier temps les missions et le fonctionnement de l'ILL.

I - UN CENTRE DE RECHERCHE DE RÉPUTATION INTERNATIONALE

La création de l'ILL, qui a pris la forme d'une société de droit privé, a été décidée par une convention franco-allemande signée le 19 janvier 1967 et peut être considérée comme une des conséquences de la politique de rapprochement menée entre Charles de Gaulle et Konrad Adenauer. Le Royaume-Uni a rejoint les deux partenaires initiaux comme associé en 1973 suivi quelques années plus tard par l'Espagne (1987), la Suisse (1988), l'Autriche (1990), la Russie (1996), l'Italie (1997) et la République tchèque (1999). Ces derniers pays apportent leur quote-part au fonctionnement de cet institut qui est l'un des fleurons de la recherche neutronique mondiale.

A - Le potentiel des neutrons

Les neutrons sont de petites particules élémentaires qui possèdent le pouvoir, lorsqu'elles sont dirigées en faisceaux sur des échantillons, de « sonder l'invisible » - ou plus précisément ce qui n'est pas visible par les moyens habituels- et de donner en conséquence accès à des informations totalement inédites pour la connaissance de la matière vivante ou inerte.

Les domaines scientifiques couverts par l'ILL sont extrêmement variés : chimie, biologie, physique de la matière condensée, magnétisme, physique nucléaire, science des matériaux, ingénierie. Aussi votre Rapporteur n'a pu retenir que quelques exemples de recherches, qu'il a choisis pour leur application quotidienne.

En chimie, les neutrons constituent l'outil idéal pour étudier l'ordre et la dynamique dans les solides, les liquides ou les « matières molles ». Ils permettent par exemple de comprendre comment le ciment en poudre se transforme en ciment solide, et comment ce dernier vieillit. Ce type d'expérience permet de fabriquer des ciments de plus en plus performants.

En biologie, les neutrons ont été mis à contribution dans la lutte contre le virus du SIDA. Les premières données concernant la structure de l'enzyme transcriptase inverse, qui contrôle la phase initiale de reproduction du virus, ont été obtenues grâce à l'utilisation de neutrons.

L'étude de produits industriels (ailettes de turbines, blocs de moteurs, rails de chemins de fer...) fait également appel au pouvoir de pénétration des neutrons, notamment pour élaborer des spécifications sur les méthodes de fabrication.

Cette multiplicité des recherches liées à l'utilisation des neutrons a fait de l'ILL un lieu de rencontre et d'échanges unique au monde utilisé chaque année par plus de 1400 chercheurs invités.

B - Un institut au service de la recherche scientifique

Les faisceaux de neutrons sont distribués en étoile depuis le c_ur du réacteur et transportés à longue distance vers environ 35 instruments qui, fonctionnant simultanément 24 heures sur 24, sont mis à la disposition des scientifiques appartenant à des universités et des laboratoires de recherche des pays partenaires de l'ILL.

Les propositions d'expérience sont sélectionnées par des comités scientifiques au sein de l'ILL. Quand une expérience est retenue, l'équipe concernée a droit à un certain temps de faisceau sur un ou plusieurs instruments. Les frais de voyage et de séjour des chercheurs provenant des pays membres sont pris en charge par l'ILL.

Chaque année, l'ILL offre 6 000 jours-instruments aux utilisateurs qui viennent y réaliser quelques 800 expériences donnant lieu à 500 publications annuelles. Compte tenu de ces performances exceptionnelles, l'ILL attire les propositions des meilleurs chercheurs mondiaux dans les sujets concernés, qui travaillent dans plus de 700 laboratoires.

L'ILL emploie environ 400 personnes de diverses catégories professionnelles, dont une soixantaine de scientifiques. Le système de rémunération et le statut du personnel sont régis par une convention d'entreprise qui s'inspire pour une grande part des dispositions prises au Commissariat à l'énergie atomique (CEA). Un peu moins des deux-tiers du personnel de l'ILL sont de nationalité française.

Le budget de l'ILL pour 1998 a représenté 368 millions de francs (H.T.) pris en charge pour près de 90% par les trois pays associés : la France (38%), l'Allemagne (37%) et le Royaume-Uni (25%). Le solde est financé par les autres partenaires scientifiques et quelques ressources propres.

II - LA NÉCESSITÉ DE RENOUVELER LE PERSONNEL SCIENTIFIQUE

A - Le parti pris d'un renouvellement

Chaque instrument de l'ILL est placé sous la responsabilité de scientifiques dont la fonction principale est d'accueillir les chercheurs des laboratoires utilisateurs de l'ILL pour leur permettre de réaliser leurs expériences. Ces scientifiques sont des chercheurs de premier plan dans les domaines couverts par l'instrument. Ils mènent en parallèle une recherche personnelle à laquelle ils consacrent environ 30% de leur temps. Les échanges avec les chercheurs qu'ils reçoivent ainsi que la qualité des expériences auxquelles ils participent sont pour eux l'occasion d'une formation exceptionnelle.

Il avait été décidé dès la création de l'ILL de limiter à cinq années la durée des contrats liant les scientifiques à l'institut sauf autorisation expresse du Comité de direction. Ce principe de renouvellement du personnel scientifique était justifié par plusieurs raisons : éviter tout risque d'immobilisme incompatible avec la recherche de pointe et favoriser les nouvelles applications des neutrons ; susciter le retour des scientifiques vers les laboratoires nationaux et établir ainsi un véritable réseau de relations, contribuant à la connaissance et au rayonnement de l'institut ; maintenir une rotation permettant de distribuer équitablement les postes entre les ressortissants des différents pays.

Cette disposition, légale lors de l'établissement de la convention d'entreprise, ne l'a plus été par la suite en raison de l'évolution de la législation française en matière de contrat à durée déterminée tendant à renforcer la protection des travailleurs contre la précarité d'un emploi.

B - La nécessité d'une convention

A partir de 1981, le recours au contrat à durée déterminée a fait l'objet de dispositions législatives successives, inspirées tantôt par la volonté d'assurer une meilleure protection des salariés en restreignant leur usage, tantôt par le souhait d'introduire davantage de souplesse et de flexibilité en élargissant au contraire les cas de recours.

Les dispositions actuelles, telles qu'elles ressortent notamment de la loi du 12 juillet 1990, affirment explicitement le caractère dérogatoire du contrat à durée déterminée en restreignant son recours à une liste limitative de cas (article L. 122-1-1 du code du travail) et en limitant la durée maximale de son usage, renouvellement compris, à 18 mois (article L. 122-1-2 du code du travail).

Au vu de ces dispositions, un inspecteur du travail de Grenoble a contesté le 16 mai 1995 la disposition de la convention d'entreprise de l'ILL prévoyant un contrat de durée déterminée de cinq ans pour l'emploi des scientifiques et enjoint cet institut de transformer ces contrats en contrats à durée indéterminée.

En parallèle à cette intervention de l'inspection du travail, trois scientifiques de l'ILL ont engagé une procédure devant le Conseil des Prud'hommes pour faire requalifier leur contrat à durée déterminée de cinq ans en contrat à durée indéterminée. Ils ont été déboutés de leur demande en première instance dans le courant du premier trimestre 1996. A la suite de cet échec, deux d'entre eux ont abandonné leur requête mais le troisième a fait appel de la décision du tribunal. La procédure d'appel a abouti en mars dernier au détriment de l'ILL qui a été condamné à verser des indemnités au scientifique concerné.

Or pour les dirigeants de l'ILL, la durée légale maximale de dix-huit mois prévue pour les contrats à durée déterminée apparaît comme trop courte pour permettre un fonctionnement satisfaisant de l'institut. En effet, cette période est insuffisante pour permettre aux scientifiques d'une part d'apprendre le fonctionnement de l'instrument qu'ils ont en charge et assurer leur mission de conseil, et d'autre part de mener à bien leur programme de recherches personnelles.

En conséquence, la seule solution pour permettre l'ILL de continuer à pratiquer des contrats à durée déterminée de cinq ans pour son personnel scientifique est d'introduire cette possibilité dans une convention internationale ayant priorité sur la loi nationale. L'article premier de la présente convention prévoit donc que « l'institut Max-von-Laue-Paul-Langevin peut conclure des contrats d'une durée maximum de cinq ans pour recruter des personnels scientifiques chargés d'exercer des activités de recherche ou d'encadrement pour l'exploitation du réacteur à très haut flux ».

Votre Rapporteur souligne que le champ de cette dérogation est strictement limité aux personnels scientifiques. Il a d'ailleurs reçu confirmation que le recrutement des personnels appartenant aux autres catégories (ingénieurs et techniciens notamment) se fait la plupart du temps dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. Une telle dérogation est déjà inscrite dans les statuts annexés à la convention intergouvernementale ayant créé le synchrotron européen, lui aussi installé à Grenoble.

CONCLUSION

Votre Rapporteur ne vous cachera pas qu'il éprouve une certaine gêne à voir ainsi les conventions internationales instituer des dérogations au code du travail. Néanmoins, dans le cas précis qui nous est soumis, l'enjeu est primordial puisqu'il concerne le dynamisme de la recherche européenne dans un secteur d'avenir important. En outre, la dérogation est limitée puisqu'elle ne concerne que quelques dizaines de personnes, précisément identifiées. C'est donc au bénéfice de ces considérations que votre Rapporteur vous invite à adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 16 juin 1999.

Après l'exposé du Rapporteur, rappelant que la convention avait été signée le 7 octobre 1997 après que des contentieux liés à la durée des contrats à durée déterminée sont apparus, Mme Marie-Hélène Aubert a souhaité savoir si cette convention avait été appliquée sans attendre la ratification par le Parlement français. Elle a également demandé des précisions sur les fonctions d'un réacteur à très haut flux.

Complétant la question de Mme Marie-Hélène Aubert, M. Pierre Brana a demandé si cette convention avait un effet rétroactif.

M. Georges Hage a répondu que la convention ne sera applicable qu'après sa ratification et que ses effets ne seront pas rétroactifs. Il a rappelé que le problème avait été posé en 1995 à l'initiative de l'inspection du travail qui avait enjoint l'ILL de transformer les contrats à durée déterminée de plus de dix-huit mois en contrats à durée indéterminée.

Il a ensuite décrit le fonctionnement concret de l'ILL. Les faisceaux de neutrons sont distribués en étoile depuis le c_ur du réacteur et transportés à longue distance vers environ 35 instruments qui, fonctionnant simultanément 24 heures sur 24, sont mis à la disposition des scientifiques invités.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 1319).

*

* *

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 1319).

N°1700. - RAPPORT de M. Georges HAGE (au nom de la commission des affaires étrangères) sur le projet de loi, adopté par le Sénat (n° 1319), autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relative aux personnels scientifiques de l'Institut Max-von-Leue-Paul-Langenvin.


© Assemblée nationale